Deuxième séance du lundi 16 janvier 2023
- Présidence de Mme Caroline Fiat
- 1. Interdiction de la maltraitance sur les chiens et les chats par colliers étrangleurs
- 2. Évolution de la formation de sage-femme
- 3. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Caroline Fiat
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
1. Interdiction de la maltraitance sur les chiens et les chats par colliers étrangleurs
Discussion d’une proposition de loi (procédure de législation en commission)
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de Mme Corinne Vignon et plusieurs de ses collègues visant à interdire la maltraitance sur les chiens et les chats par l’utilisation de colliers étrangleurs et électriques (nos 577, 679).
La conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné dans son intégralité selon la procédure de législation en commission. En application de l’article 107-3 du règlement, nous entendrons les interventions de la rapporteure de la commission, du Gouvernement et de la vice-présidente de la commission, puis les explications de vote des groupes. Nous passerons ensuite au vote sur l’ensemble du texte adopté par la commission.
Présentation
Mme la présidente
La parole est à Mme Corinne Vignon, rapporteure de la commission des affaires économiques.
Mme Corinne Vignon, rapporteure de la commission des affaires économiques
Je suis très heureuse que nous abordions aujourd’hui dans cet hémicycle la question du bien-être animal, si importante aux yeux de nos concitoyens. Au cours des dernières années, le législateur s’est emparé à plusieurs reprises de cette problématique essentielle, notamment dans le cadre de la loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (Egalim) ou dans celui de la loi du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes, dont je tiens à saluer les rapporteurs, Loïc Dombreval, Dimitri Houbron et Laëtitia Romeiro Dias. Je veux également saluer Aurore Bergé, présidente de notre groupe, Renaissance, dont l’engagement constant sur ce sujet a permis d’importantes avancées, ainsi que les professionnels et les associations de protection animale, en particulier la Fondation Brigitte Bardot, qui a particulièrement œuvré sur la question qui nous intéresse aujourd’hui.
En 1896, Émile Zola s’interrogeait sur son amour des bêtes et appelait à déclarer la guerre à la souffrance, « l’abominable souffrance dont vit la nature et que l’humanité devrait s’efforcer de réduire le plus possible, d’une lutte continue, la seule lutte à laquelle il serait sage de s’entêter ». Au fond, c’est à cet appel que nous répondons depuis plusieurs années en nous efforçant, par la loi, de réduire et de supprimer les souffrances animales.
Le texte dont nous discutons aujourd’hui apporte une pierre supplémentaire, modeste mais essentielle, à la lutte contre la souffrance des animaux. Car il est bien question, avec les colliers à décharge électrique, les colliers étrangleurs et les colliers à pointes, de souffrance. Sur ce point, aucun débat : les vétérinaires et la communauté scientifique sont absolument unanimes pour dénoncer les souffrances physiques et psychiques infligées aux animaux avec l’utilisation de tels accessoires. De nombreuses études concordantes démontrent qu’ils entraînent de graves lésions physiques et psychiques.
J’ai projeté en commission les photos insoutenables, transmises par des vétérinaires, de brûlures et de perforations de la peau résultant de l’utilisation de colliers électriques et à pointes. Le bureau de l’Assemblée nous interdit de présenter des images dans l’hémicycle, mais quelques mots suffiront à vous convaincre de la nécessité d’interdire ces colliers.
L’utilisation « normale » des colliers à choc électrique – c’est à dessein que je mets le mot entre guillemets – a des conséquences psychologiques importantes sur les animaux, car elle engendre des comportements de stress, de terreur et d’anticipation de la douleur qui modifient durablement le comportement des chiens, y compris lorsque l’impulsion électrique a été envoyée une seule fois. Faut-il même le préciser, l’utilisation des colliers à choc électrique entraîne également des lésions physiques importantes, comme les brûlures et les pertes de poils. Quant aux colliers étrangleurs et à pointes, ils sont responsables de perforations de la peau, d’écrasements de la trachée, de pression intraoculaire, d’instabilité cervicale, d’arthrose dégénérative ou encore de paralysie du nerf laryngé.
Tout cela concourt, à court et à long terme, à dégrader l’état psychique et physique du chien. Les colliers se transforment en véritables instruments de torture lorsqu’ils sont utilisés par des propriétaires mal informés ou malveillants. On nous a rapporté des cas, trop nombreux pour être anecdotiques, de colliers fixés sur les parties génitales du chien ou de pointes aiguisées pour être plus douloureuses. De manière générale, les études démontrent que le réglage de la puissance des colliers électriques est systématiquement inadapté, le maître ayant tendance à augmenter rapidement la violence de la décharge pour obtenir l’obéissance de l’animal.
Or ces colliers sont très largement utilisés en France : selon une étude de 2018, un chien sur quatre en est équipé ou en a été équipé. Ce sont des objets très accessibles, placés entre les mains d’un large public et acquis sans connaissance aucune de leur dangerosité et de leurs effets réels sur le chien. Pour les maîtres, dont il ne faut pas sous-estimer la détresse, ils représentent une solution rapide à des problèmes complexes.
Je veux dire aux propriétaires qui utilisent ces colliers pour éduquer leurs chiens ou limiter leurs aboiements, lesquels posent des problèmes de voisinage, que ces colliers ne font qu’accroître les difficultés qu’ils prétendent résoudre. Ils croient à tort que ces instruments leur permettront de régler les problèmes de comportement de leurs animaux. Toutes les études démontrent qu’ils contribuent au contraire à développer des conduites dangereuses : l’animal stresse, souffre et devient agressif ; le risque de morsure est accru. Malheureusement, ce sont souvent les enfants qui sont les victimes les plus gravement atteintes.
La question des colliers coercitifs devient alors un enjeu de sécurité publique. Leur usage généralisé, sur des chiens souvent hypersensibles ou hyperactifs que l’on cherche ainsi à maîtriser, tend à aggraver les problèmes de comportement. On multiplie ainsi les risques de morsure, mais aussi d’abandon par des maîtres dépassés par la situation – abandons qui finissent souvent par des euthanasies.
Chers collègues, permettez-moi d’insister sur ce point : nos refuges sont saturés de chiens au comportement inadapté, notamment des staffs et des malinois, sur lesquels des colliers coercitifs ont été systématiquement utilisés. Or non seulement ces colliers sont inefficaces et même contre-productifs, mais ils sont d’autant plus injustifiables qu’il existe des alternatives respectueuses du bien-être animal et dont l’efficacité en matière d’éducation canine a été largement démontrée. Je pense à des méthodes de dressage positives, mais aussi à certains types de harnais qui permettent de faire face à des difficultés de comportement sans blesser l’animal.
Il est temps de faire cesser la souffrance des animaux et de respecter pleinement les dispositions du droit européen et national qui interdisent d’infliger des souffrances à un animal dans le cadre de son éducation. Plusieurs pays l’ont fait, pour les motifs que je viens d’évoquer : le Danemark, l’Australie, l’Allemagne, la Suisse, l’Autriche, la Slovénie, l’Angleterre, la Finlande, la Suède, l’Écosse et tout récemment la Belgique.
Les travaux de la commission ont montré que ce sujet nous rassemblait par-delà les clivages politiques. Je salue nos collègues de l’ensemble des groupes pour la qualité de nos discussions. Nos échanges constructifs ont permis de préciser le champ d’application de la proposition de loi, de fixer les sanctions et d’assurer l’application directe et immédiate du texte dès sa promulgation, sans passer par des décrets.
Cette proposition de loi peut sembler modeste par son objet, mais elle ouvre le champ de la réflexion à des sujets plus vastes et aura des conséquences indirectes importantes. En interdisant le recours à cette solution de facilité que constituent les colliers coercitifs, elle encouragera la généralisation de méthodes de dressage canin plus respectueuses de l’animal. Elle nous donne également l’occasion de nous interroger sur la formation des éducateurs canins et sur la nécessité d’encadrer cette profession afin d’en garantir l’uniformité.
Enfin, chers collègues, le texte sur lequel nous sommes appelés ce soir à nous prononcer constitue une étape importante de cette guerre contre la souffrance animale dont parlait Émile Zola. C’est notre honneur de la mener, tant la manière dont nous traitons les animaux est révélatrice de la société que nous formons. Comme le disait le poète britannique Lord Byron, « dans la vie, le plus sûr des amis, le premier à vous accueillir, le premier à vous défendre, celui dont le cœur honnête appartient pour toujours à son maître, qui travaille, se bat, vit et respire pour lui tout seul », c’est le chien.
Soyons bienveillants avec l’animal comme il l’est avec nous. Stoppons la maltraitance, même involontaire, et unissons-nous autour de ce texte modeste, mais attendu, qui marque une étape importante, car il répond à une demande forte et profondément juste de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LFI-NUPES, LR, Dem, SOC, HOR, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire
L’amélioration du bien-être animal et la lutte contre la maltraitance sont des attentes sociétales de plus en plus fortes. Depuis 2017, sous l’impulsion du Président de la République, les différents gouvernements qui se sont succédé ont donc voulu agir concrètement dans ce domaine. Avant d’aborder la proposition de loi elle-même, permettez-moi de rappeler les principales actions que nous avons menées : le plan Abattoirs, le plan de lutte contre l’abandon des animaux de compagnie, la fin de la castration à vif des porcelets, la fin du broyage des poussins, l’investissement pour le bien-être et la biosécurité en élevage. Il s’agit d’avancées concrètes, qui font de la France un pays précurseur.
Au cours des dernières années, nous avons également agi en faveur des animaux de compagnie __ vous l’avez souligné, madame la rapporteure. Ainsi, le dispositif législatif et réglementaire a évolué à la suite de l’adoption de la loi du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes. Je salue à mon tour Loïc Dombreval, Dimitri Houbron, Laëtitia Romeiro Dias et Aurore Bergé pour leur engagement en faveur de ce texte, dont l’adoption a permis de durcir les peines pour abandon et tout autre acte de maltraitance animale. Les décrets déjà publiés permettent de renforcer la sensibilisation des futurs propriétaires d’animaux : ils prévoient la signature d’un certificat d’engagement et de connaissance au moins sept jours avant l’achat ou le don d’un animal de compagnie. Ils organisent également la limitation des offres de cession en ligne aux éleveurs et animaleries. Enfin, une sensibilisation concernant les animaux de compagnie sera introduite dans le service national universel (SNU) et, à l’école, dans l’enseignement d’éducation morale et civique. Vous l’avez dit, madame la rapporteure, la pédagogie est un sujet important.
Ces avancées législatives et réglementaires sont également confortées par des moyens importants alloués par le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Un total de 35 millions d’euros a été dédié à la lutte contre l’abandon par l’amélioration des conditions d’accueil des animaux et l’appui aux campagnes de stérilisation. Plus de 500 projets ont ainsi été accompagnés partout en France. Près de 30 millions ont été directement attribués aux associations d’aide et de protection des animaux qui prennent en charge les animaux abandonnés, afin qu’elles agrandissent ou rénovent leurs refuges ou qu’elles conduisent, en partenariat avec les mairies, des campagnes de stérilisation des chats et des chiens errants. Par ailleurs, 5 millions ont permis de financer les soins des animaux des personnes démunies ou sans domicile fixe, de façon à favoriser leur suivi vétérinaire et, plus spécifiquement, à encourager les stérilisations. Enfin, pour optimiser l’action des associations, des aides sont attribuées, au sein de cette même enveloppe de 5 millions, aux associations nationales à qui nous avons confié la mission d’assurer la formation et la sensibilisation des associations locales. Toutes ces actions seront prolongées en 2023, puisque 1 million d’euros supplémentaires sont prévus dans le cadre de la loi de finances pour soutenir les refuges et les associations de protection des animaux.
Je tiens à saluer l’action menée au quotidien par les agents du ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire en faveur de la lutte contre la maltraitance animale. Qu’il s’agisse des agents des directions départementales de l’emploi, du travail, des solidarités et de la protection de la population (DDETSPP) ou des agents de la brigade nationale d’enquêtes vétérinaires et phytosanitaires (BNEVP), ils accomplissent un travail essentiel en matière de contrôle. En 2021, plus de 1 600 inspections ont été réalisées dans les lieux de détention accueillant des animaux de compagnie – animaleries, refuges, fourrières – et plus de 7 000 dans les lieux accueillant des animaux de production.
Par ailleurs, les agents du ministère de l’agriculture accompagnent le changement des pratiques. Ainsi, les cellules départementales opérationnelles (CDO) de lutte contre la maltraitance animale, qui travaillent en lien avec les représentants des professionnels agricoles et les vétérinaires locaux, ont pour but d’identifier les éleveurs en situation de mal-être dans l’incapacité de s’occuper dignement de leurs animaux.
Je le disais en introduction, l’amélioration du bien-être des animaux et la lutte contre leur maltraitance sont des priorités du Gouvernement et les services de mon ministère sont pleinement mobilisés en ce sens.
Vous citiez, madame la rapporteure, Émile Zola ; c’est aussi au XIXe siècle que fut votée la première loi de protection animale en France, la loi du 2 juillet 1850, dite loi Grammont, dont voici l’article unique : « Seront punis d’une amende de cinq à quinze francs, et pourront l’être d’un à cinq jours de prison, ceux qui auront exercé publiquement et abusivement de mauvais traitements envers les animaux domestiques. » C’était il y a cent soixante-dix ans. Seule la maltraitance animale exercée en public était alors pénalement répréhensible ; nous mesurons donc le chemin parcouru, et cela montre la nécessité de mener une action continue. La lutte contre la maltraitance animale est un combat de tous les jours, fait d’avancées successives, qui doit s’accomplir dans le temps long.
Je remercie donc en particulier Mme la députée Corinne Vignon (Mme Anne-Laurence Petel, vice-présidente de la commission des affaires économiques, applaudit)…
M. Sylvain Maillard
Excellent !
M. Marc Fesneau, ministre
…d’avoir fait aboutir cette proposition de loi visant à avancer dans ces domaines en interdisant la cession et l’utilisation de colliers électriques, étrangleurs et à pointes. Le texte s’inscrit pleinement dans cette approche graduelle d’amélioration continue souhaitée par le Gouvernement en la matière. Je voudrais aussi m’associer à ce que vous avez dit s’agissant du travail de collaboration et de coopération qui a été fait en commission.
Les avis scientifiques sont unanimes, vous l’avez rappelé, pour dénoncer l’impact négatif de ces colliers dits de dressage sur l’intégrité des chiens ou des chats : leur achat et leur utilisation seront donc désormais interdits dans notre pays, comme c’est déjà le cas par exemple au Danemark, en Allemagne, en Suisse, en Autriche, en Slovénie, en Angleterre, en Finlande, en Suède ou encore en Australie, qui ont déjà procédé à une interdiction ou à une réglementation stricte de l’utilisation de ces colliers.
Je salue donc les travaux que vous avez menés en commission et qui ont permis de préciser la portée du texte, par exemple en intégrant une exception à cette interdiction pour les opérations de capture d’animaux dangereux ou errants, mais également pour les chiens des armées faisant l’objet d’un entraînement spécifique, eu égard aux missions particulières qui leur sont assignées.
Comme vous le savez, j’ai toujours la volonté de trouver un juste équilibre dans la conception et dans le déploiement des politiques publiques promues par mon ministère. Je salue donc l’esprit de compromis et de concertation qui a prévalu au cours des débats parlementaires ; il a permis l’adoption d’un texte équilibré, rédigé d’une manière efficace qui le rendra immédiatement opérationnel dès l’issue de la navette.
La présente proposition de loi constitue donc une avancée attendue par nos concitoyens en faveur de la lutte contre la maltraitance animale. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)
M. Sylvain Maillard
Très bien !
Mme Nicole Le Peih
Belle avancée !
Mme la présidente
La parole est à Mme Anne-Laurence Petel, vice-présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Anne-Laurence Petel,, vice-présidente de la commission des affaires économiques
La commission des affaires économiques a examiné la semaine dernière la proposition de loi de notre collègue Corinne Vignon visant à interdire la maltraitance sur les animaux de compagnie par l’utilisation de colliers étrangleurs et électriques. Ce texte est attendu…
M. Sylvain Maillard
Oui !
M. Pierre Cazeneuve
Très attendu !
Mme Anne-Laurence Petel,, vice-présidente de la commission des affaires économiques
…par les associations de protection animale et par nos concitoyens sensibles à cette cause. Ces derniers étant de plus en plus nombreux, il est fondamental que nous prenions mieux en compte le bien-être animal dans nos politiques publiques.
En novembre 2021, nous avions déjà proposé et voté la loi visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes. Elle a été saluée par les associations comme une avancée historique pour la condition animale en France, car elle a inscrit dans le droit des mesures fortes comme l’interdiction de la vente de chiots et de chatons en animalerie ; l’encadrement de la vente d’animaux en ligne, pour lutter contre les achats impulsifs ; le certificat de connaissance, qui doit désormais être signé avant l’acquisition d’un animal de compagnie ; l’aggravation des sanctions en cas de sévices graves, d’actes de cruauté ou d’abandon ; ou encore l’interdiction des animaux sauvages dans les cirques itinérants et des cétacés dans les delphinariums.
Nous vous proposons donc de franchir une nouvelle étape en matière de défense du bien-être animal. Le présent texte souhaite interdire tout dispositif à décharge électrique, étrangleur, sans boucle d’arrêt ou à pointes. Ces colliers étrangleurs, électriques ou à pointes sont actuellement interdits, mais une dérogation subsiste en cas de « nécessité absolue ». En une seule recherche sur Google, il est possible de commander toute une gamme de colliers de ce type, sans avoir à aucun moment à en démontrer le caractère « absolument nécessaire ». Une telle accessibilité rend de fait caduc le droit en vigueur et nous impose de le modifier.
Sur le fond, certaines personnes utilisant ces dispositifs sont convaincues, à tort, qu’il s’agit d’un simple outil de dressage relativement inoffensif pour leur animal. Les études scientifiques démontrent tout le contraire et s’il n’est pas question de porter un jugement moral sur les personnes concernées, il est nécessaire de ne pas laisser subsister cette idée entretenue de facto par l’autorisation d’usage de ces dispositifs et par leur facilité d’accès.
Leur utilisation présente en réalité un risque pour la santé des chiens : la pression exercée autour de leur cou provoque irritations, lésions oculaires, problèmes respiratoires, asphyxies et autres lésions graves. Un article scientifique de 2017 note que « les colliers à chaîne, étrangleurs et torquatus, qui exercent une pression forte au niveau du cou du chien, augmentent sa pression oculaire. Ils peuvent également être responsables de blessures au niveau de la trachée ou encore d’exophtalmie ». Il est également démontré que ces dispositifs, en suscitant la crainte et la souffrance chez l’animal, le conduisent à des réactions impulsives, le poussant parfois à mordre son entourage proche.
D’autres solutions existent déjà, comme les harnais ou les simples laisses qui évitent également les comportements indésirables des chiens sans mettre en danger leur santé ni leur causer de souffrances inutiles ; il serait donc incompréhensible que nous considérions comme nécessaire l’aménagement d’une transition donnant du temps aux éleveurs, aux dresseurs et aux propriétaires pour changer leurs habitudes.
Lors de l’examen du texte en commission des affaires économiques, madame la rapporteure, vous nous avez présenté des photos particulièrement choquantes des blessures graves infligées aux animaux porteurs de ces dispositifs, démontrant – si cela était nécessaire – que les souffrances physiques engendrées par ces colliers doivent être éradiquées. Ce ne sont pas, loin de là, des outils de dressage respectueux des animaux.
Par ailleurs, la commission des affaires économiques a fait évoluer le texte en étendant le champ de l’article désormais unique à tous les chiens et chats, en restreignant l’interdiction aux colliers dont les pointes sont tournées vers le corps de l’animal, en élargissant son champ d’application à la cession en ligne, et en portant l’amende à 750 euros pour les personnes physiques et à 3 750 euros en cas de récidive ou lorsque le manquement est le fait d’une personne morale.
Enfin, les dérogations prévues pour les services et unités des armées utilisateurs de chiens et pour les opérations de capture d’animaux dangereux et errants par les autorités administratives, ainsi que l’entrée en vigueur du texte dès sa promulgation, permettent d’aboutir à une proposition de loi équilibrée, que tous les groupes peuvent adopter.
En matière de lutte contre la maltraitance animale, il n’existe pas de mesures anecdotiques, marginales ou superflues. En effet, à l’heure où les maltraitances envers les animaux augmentent – 12 000 infractions ont été constatées en 2021, soit une progression de 30 % depuis 2016 –, chacun reconnaît que la violence contre les animaux est le reflet d’une société qui s’habitue à la cruauté. Parce que nous ne voulons pas nous habituer à la cruauté et parce que nous considérons la question animale comme une préoccupation de premier plan, le groupe Renaissance soutient la proposition de loi et se réjouit du volontarisme de tous les amis des animaux qui, sur tous les bancs de l’Assemblée, permettront de franchir ce soir une nouvelle étape dans la lutte contre la maltraitance animale. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Mme Béatrice Roullaud et M. Charles Fournier applaudissent également.)
M. Sylvain Maillard
Très bien !
Explications de vote
Mme la présidente
Dans les explications de vote, la parole est à M. Dino Cinieri.
M. Dino Cinieri (LR)
Le statut juridique de l’animal a beaucoup évolué au cours des dernières décennies, et c’est heureux. Le 28 janvier 2015, l’Assemblée nationale a adopté le projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, qui reconnaissait les animaux comme « des êtres vivants doués de sensibilité » et non plus comme des objets ou des meubles.
Par ailleurs, alors que le droit pénal punissait déjà les sévices graves, les actes de cruauté commis sur les animaux ou le fait de causer par maladresse ou par négligence la mort d’un animal, la loi du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes a aggravé les peines encourues. Et selon l’article 7 de la Convention européenne pour la protection des animaux de compagnie, « aucun animal de compagnie ne doit être dressé d’une façon qui porte préjudice à sa santé et à son bien-être, notamment en le forçant à dépasser ses capacités ou sa force naturelles ou en utilisant des moyens artificiels qui provoquent des blessures ou d’inutiles douleurs, souffrances ou angoisses. »
Pourtant, des dispositifs maltraitants continuent d’être utilisés pour éduquer et contrôler les chiens, parmi lesquels des colliers électriques et des colliers étrangleurs. Utilisés pour empêcher les aboiements et les fugues, les premiers sont équipés d’une télécommande qui permet de les actionner à distance ; elle propose plusieurs fonctions – avertisseur sonore, vibreur – et plusieurs niveaux de décharge électrique. Les seconds ont pour but d’apprendre au chien à ne pas tirer sur sa laisse : plus il tire, plus le collier se resserre autour de son cou. Le collier à pointes affûtées en est une variante qui blesse l’animal jusqu’au sang ; c’est inacceptable.
Plusieurs études scientifiques issues des travaux de vétérinaires ont dénoncé l’usage de ces colliers, qui causent aux chiens des dommages physiques, mais aussi psychiques : peur, stress et agressivité. Alors qu’ils le sont déjà dans plusieurs pays, ces colliers doivent être interdits en France. Il existe bien d’autres moyens d’éducation plus respectueux de l’animal. Lors des débats en commission, j’ai entendu certains mots qui m’ont fait frémir ; aux termes de « dressage » et de « dresseurs », je préfère ceux d’« éducation » et d’« éducateurs ».
Il y a toujours eu de bons et de mauvais maîtres, des bons chiens et d’autres à fort caractère, qui ont besoin d’éducation : on dresse des animaux sauvages, mais on éduque des animaux de compagnie. D’après mon expérience, la main est un outil suffisant pour récompenser ou pour punir.
M. Sylvain Maillard
Il a raison !
M. Dino Cinieri
Si un chien est exposé à la douleur ou à une domination pendant l’entraînement, il présentera davantage de symptômes de stress et sera dès lors moins disposé à un apprentissage. Pendant la formation, la punition est contre-productive : le chien peut développer une peur à l’égard de certains objets, personnes ou situations. Des études montrent que la punition est associée à la personne qui l’assène et qu’elle est stressante pour le chien ; cela a un effet négatif sur la relation entre lui et son propriétaire. Il est donc d’autant plus important d’éviter la douleur et la domination lors de l’entraînement des chiens, afin de construire une relation étroite et de qualité.
L’éducation positive du chien nécessite de la part du maître un investissement plus important en temps et en efforts. Toutefois, les bases obtenues grâce à cette approche éducative ont un effet positif à long terme sur le comportement du chien et sur sa relation avec son maître, avec lequel il peut véritablement se familiariser.
M. Sylvain Maillard
Eh oui !
M. Dino Cinieri
Il appartient au propriétaire d’un chien de le socialiser et de l’entraîner tout en respectant son histoire et son identité.
Je veux rappeler que ce combat contre les actes de maltraitance est également mené depuis de nombreuses années par notre collègue Meyer Habib, qui a déposé en juillet 2018 une proposition de loi visant à interdire la vente libre de colliers à pointes et colliers de dressage par stimulation électrique. Ce texte, que j’avais bien évidemment cosigné avec plus de cinquante députés issus de tous les bancs – ou presque –, n’a malheureusement pas pu être examiné lors de la quinzième législature.
Enfin, madame la rapporteure, il pourrait être utile, au cours de la navette au Sénat, d’ajouter une disposition pour mieux informer les maîtres en matière d’éducation positive,…
Mme la présidente
Merci de conclure, cher collègue.
M. Sylvain Maillard
C’est intéressant !
M. Dino Cinieri
…car ils sont parfois démunis face à un chien difficile à éduquer.
Le groupe LR votera bien évidemment en faveur du texte qui nous est soumis. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.)
M. Sylvain Maillard
Très bien !
M. Thierry Benoit
Eh oui !
Mme Corinne Vignon, rapporteure
Bravo !
Mme la présidente
La parole est à Mme Anne-Laure Babault.
Mme Anne-Laure Babault (Dem)
L’examen de ce texte par la représentation nationale marque une nouvelle étape de la longue transformation de notre rapport à la nature, qui s’est accélérée lors des dernières années. La crise du climat et la crise de la biodiversité nous rappellent que le monde n’existe pas seulement pour nous servir : il est le fruit d’une évolution qui dure depuis des milliards d’années et qui a vu émerger à égalité la vie humaine et la vie animale. Nous redécouvrons à l’occasion des feux de forêt, des sécheresses et autres ravages climatiques que l’humanité n’est pas dissociée de la biodiversité. Ainsi, loin de l’idée commune issue de la révolution industrielle selon laquelle la nature, sous sa forme végétale, minérale ou animale, constitue purement un moyen de production, nous nous rappelons que les animaux ne sont pas seulement des biens meubles qu’on peut s’échanger simplement, dont on peut se servir et se débarrasser à l’envi. Ils sont dotés d’une sensibilité, d’une capacité à ressentir des émotions, à percevoir la douleur et à rechercher leur propre préservation.
Cette considération accrue pour la protection de la condition animale s’est manifestée avec force dans notre droit en 2015, lorsqu’a été adoptée la réforme du statut juridique des animaux, désormais reconnus comme êtres vivants doués de sensibilité. Le législateur est fréquemment amené à légiférer sur la question de leur bien-être. Ainsi, le précédent quinquennat a considérablement fait avancer la cause animale, notamment grâce au vote de la loi du 30 novembre 2021, défendue notamment par notre ancien collègue Loïc Dombreval.
M. Sylvain Maillard
Très bien !
Mme Anne-Laure Babault
Néanmoins, il reste encore beaucoup à faire, et ce texte nous permet d’ajouter une nouvelle pierre à un édifice dont la construction est loin d’être achevée. Trop de Français décident encore d’adopter ou d’acheter un chien, un chat ou un autre animal sans avoir réellement conscience de la responsabilité que cela implique. Chaque été, nous subissons la nécessaire campagne de communication de la Fondation 30 millions d’amis, qui nous alerte sur les abandons d’animaux à l’occasion des vacances estivales. Chaque année, les autorités compétentes recensent plus de 40 000 abandons et plus de 10 000 actes de cruauté envers les animaux. L’instauration récente d’un certificat par lequel les détenteurs d’animaux attestent de leur engagement et de leur connaissance des besoins spécifiques de l’animal constitue une première avancée, dont il convient de scruter les effets à court et à moyen termes.
Nous devons également poser la question des tarifs pratiqués par les vétérinaires, qui font obstacle à l’acquisition d’un animal de compagnie par certaines personnes isolées auxquelles il apporterait un réconfort considérable. La détention d’un animal représente également une lourde charge pour certains propriétaires aux revenus modestes. Les animaux de compagnie offrent pourtant l’occasion d’un magnifique lien social.
Plus généralement, il nous faudra traiter de la question de l’élevage et de la part qu’occupe dans notre alimentation la viande, fortement émettrice de gaz à effet de serre et dont la consommation en trop grande quantité peut provoquer des pathologies. Nous devons sensibiliser les Français à l’importance d’une alimentation de qualité, tout en accompagnant les éleveurs dans cette transition et en réfléchissant à l’avenir des animaux d’élevage.
Je tiens à remercier Mme la rapporteure pour son travail sur l’interdiction des colliers punitifs visant à dresser les animaux par la peur. Le groupe Démocrate soutiendra bien sûr ce texte.
M. Sylvain Maillard
Excellent !
Mme Anne-Laure Babault
Cette interdiction apparaît comme une mesure de bon sens, non seulement parce que les colliers en question causent de la souffrance aux animaux, mais aussi parce que leur efficacité en matière de dressage n’est pas démontrée. J’appelle cependant l’attention de l’Assemblée nationale et du ministre sur l’importance du délai qui précédera la mise en œuvre de l’interdiction : il doit nous permettre d’engager une démarche pédagogique auprès des particuliers pour les inciter à approfondir leur connaissance des comportements de leur animal et des méthodes d’éducation propices à son bien-être et à l’équilibre de la relation entre maître et chien. En conclusion, l’amour inconditionnel d’un chien envers son maître ne mérite aucunement la maltraitance ou l’abandon. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem, RE, HOR et GDR-NUPES. – M. Charles Fournier applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Arthur Delaporte.
M. Pierre Cazeneuve
Il est de tous les combats !
M. Arthur Delaporte
Je fais ce que je peux !
M. Sylvain Maillard
Aimerait-il les chiens ?
Mme Corinne Vignon, rapporteure
N’oublions pas les chats !
M. Arthur Delaporte (SOC)
Veuillez excuser l’absence de mon collègue Philippe Naillet, retenu à La Réunion, que je salue bien amicalement. Il a suivi ce texte pour le groupe Socialistes et apparentés ; je m’exprime donc en son nom.
L’un des principaux enjeux de notre siècle consiste à modifier notre rapport à notre environnement au sens large, que nous avons trop souvent et trop longtemps considéré comme notre chose, qu’il s’agisse de la planète elle-même, des espèces végétales ou encore des espèces animales, dont il est question aujourd’hui. Par ce texte, notre collègue Corinne Vignon s’attaque à une pratique barbare envers les chiens et les chats : l’utilisation de colliers étrangleurs et électriques. Notre pays compte 17 millions de chats et de chiens, preuve s’il en fallait de la place centrale qu’occupent les animaux dits de compagnie dans le quotidien des Français. Ce texte s’inscrit pleinement dans l’effort pour une meilleure prise en compte du bien-être animal, pour l’interdiction des souffrances inutiles et des violences et sévices contre les animaux. Depuis l’introduction dans notre droit de la notion d’être vivant doué de sensibilité, le législateur a logiquement tenu compte de cet enjeu nouveau, écologique bien sûr, mais également philosophique.
Cette proposition de loi aborde le sujet spécifique de l’usage de colliers coercitifs par certains dresseurs et propriétaires. Ces colliers dits de dressage, électriques ou à pointes, en vente libre dans le commerce, visent à discipliner les animaux au moyen d’une souffrance physique pouvant également entraîner une détresse psychique, comme cela a été rappelé lors de l’examen du texte en commission. Au-delà des questions morales et éthiques, il existe désormais un consensus scientifique quant à l’inefficacité de ces outils en matière de dressage et de discipline des animaux et quant à la disproportion entre les souffrances qu’ils infligent et leur utilité supposée. Par conséquent, ils ont été interdits ou fortement réglementés dans nombre de pays européens. Il importe d’ailleurs de rappeler aux personnes qui seraient tentées de recourir à ces outils pour discipliner les animaux que, ces derniers n’étant pas des objets manipulables, la force et la violence ne sauraient rien engendrer d’autre que l’échec et la cruauté.
En théorie, l’usage de tels instruments est déjà encadré par la législation, qui l’interdit, sauf en cas de nécessité absolue. Malheureusement, leur vente n’est aucunement restreinte et les contrôles, difficiles à mettre en œuvre, sont inexistants. Mais posons-nous la question suivante : dans quel cas y aurait-il une nécessité absolue de recourir à cette violence ? En aucun cas. Le texte vise par conséquent à interdire totalement la vente et l’utilisation sur un chien ou un chat de tout dispositif à décharge électrique, étrangleur sans boucle d’arrêt ou dont les pointes sont tournées vers l’animal. La commission a étendu cette interdiction à la cession – y compris en ligne – à titre onéreux ou gratuit de ces dispositifs et a interdit d’en faire la publicité. Il s’agit là d’une avancée, au même titre que notre proposition de réécriture du régime des sanctions, qui visait à les rendre plus proportionnées en y intégrant une amende concernant les vendeurs.
Au nom de mon collègue Philippe Naillet et du groupe socialiste, je salue la démarche consensuelle qui a permis d’aboutir à un texte en adéquation avec les enjeux de notre époque et avec ceux de demain. Nous faisons ainsi un pas vers l’éradication future de la violence envers les animaux, un objectif qu’il nous revient de viser collectivement. Pour ces différentes raisons, le groupe Socialistes et apparentés votera pour cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes RE, Dem et Écolo-NUPES).
Mme la présidente
La parole est à M. Thierry Benoit.
M. Thierry Benoit (HOR)
Les députés du groupe Horizons et apparentés voteront naturellement cette proposition de loi. S’il est besoin de voter une telle mesure, c’est malheureusement en raison du comportement inapproprié des êtres humains. Ceux qui vivent aux côtés d’animaux, qu’il s’agisse d’animaux de compagnie, d’animaux de travail – chiens de garde, chiens de troupeaux ou encore chevaux de trait ; j’avais d’ailleurs eu ce débat avec Mme Petel à l’occasion de la loi Egalim 1 – ou encore d’animaux d’élevage, savent bien qu’un animal, comme l’a dit M. Cinieri, s’éduque à la voix ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LR et Dem. – Mme la rapporteure applaudit également.)
Il faut apprendre à une partie des Français, déconnectée du monde animal et de l’environnement, qu’un animal, quel qu’il soit, demande de la patience, du temps et de la présence humaine.
Mme Danielle Brulebois
Tout à fait !
M. Thierry Benoit
Si une personne qui part au travail dès six heures et demie du matin et revient chez elle tard le soir est tentée d’acquérir un animal de compagnie, il faut lui dire qu’elle n’a ni le temps, ni la patience d’éduquer un animal et que par conséquent, son animal sera malheureux. C’est pourquoi les animaux de compagnie devraient être commercialisés exclusivement par des éleveurs. Il conviendrait également de proscrire purement et simplement la vente des animaux dans les jardineries, qui ne sont pas le lieu idoine. (Mme la vice-présidente de la commission des affaires économiques applaudit.) J’irai même plus loin : un animal, défini par la loi comme un être vivant doué de sensibilité, ne devrait pas être offert en guise de cadeau ! L’acquisition d’un animal de compagnie doit être l’aboutissement d’une démarche mûre et réfléchie. Toutes ces pistes pourraient être reprises par le législateur, dans la droite ligne du présent texte.
Je ne serai pas plus long, car tout a été dit. La vente, la cession et l’utilisation des fameux colliers électriques, étrangleurs ou à pointes seront désormais proscrites. Il s’agit d’un progrès ; c’est pourquoi les députés du groupe Horizons voteront cette proposition de loi. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes HOR, RE et Dem. – M. Yannick Neuder applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Fournier.
M. Charles Fournier (Écolo-NUPES)
La cause animale et la lutte contre les maltraitances progressent par étapes successives, comme l’a souligné M. le ministre. Depuis 2015, l’animal est reconnu comme un être doué de sensibilité. Nous pensons qu’il faut aller plus loin, par exemple en lui reconnaissant une personnalité juridique ; de nombreuses hypothèses, de nombreux scénarios, peuvent être convoqués pour penser une telle mesure. En posant ce principe de manière durable, nous nous affranchirions de la nécessité d’examiner un texte comme celui qui nous occupe aujourd’hui. Madame Vignon, nous saluons votre proposition de loi : en l’absence d’une reconnaissance suffisamment large de la condition animale, elle est utile. Elle s’inscrit parfaitement dans l’engagement, défendu depuis toujours par les écologistes, d’instaurer un rapport plus respectueux entre l’humain et l’animal, fondé sur la reconnaissance de la qualité d’être vivant et d’être sensible.
Nous réaffirmons quotidiennement notre engagement pour le vivant et sommes à l’écoute de la population qui s’en préoccupe. Un sondage de l’Ifop paru en mars 2022 démontre en effet que 81 % des Français se déclarent sensibles aux questions ayant trait à la condition, à la protection et au bien-être des animaux. L’interdiction des colliers étrangleurs et électriques est bienvenue, car on ne connaît que trop les dommages physiques et psychiques qu’ils entraînent. Ces colliers servant prétendument au dressage n’ont jamais prouvé leur efficacité. Pire : parce qu’ils entraînent des souffrances inutiles pouvant s’apparenter à de la torture, ils sont contre-productifs et provoquent des comportements agressifs chez les chiens qui les portent. C’est ce que constatent de nombreuses études, qui recommandent clairement de bannir ces outils. Aussi de nombreux pays les ont-ils tout simplement interdits, comme le Danemark, l’Australie, l’Allemagne, la Suisse, l’Autriche ou encore la Slovénie – la liste est longue, je ne les citerai pas tous.
M. Sylvain Maillard
Ah bon ? Allez-y, n’hésitez pas !
M. Charles Fournier
Nous voterons donc pour cette initiative parlementaire qui prend en considération une préoccupation grandissante des Français et tient compte des différents avis des associations, des professionnels du secteur et des scientifiques. Néanmoins, nous regrettons que nos amendements visant à améliorer le texte aient été rejetés. Nous, écologistes, voulions aller encore plus loin en interdisant l’utilisation de ces colliers non seulement sur les chiens et les chats, mais sur tout animal. Rien ne justifie leur usage sur les animaux de compagnie ; nous aurions pu avoir l’humanité de les interdire pour tout être vivant. Aucune raison ne saurait légitimer l’emploi de ces dispositifs barbares sur quelque animal que ce soit. Estimant que l’ensemble des dispositifs de coercition ayant des conséquences négatives sur le bien-être et l’équilibre comportemental des animaux devraient être proscrits, nous avions également proposé d’étendre cette interdiction à d’autres colliers barbares existants et aux muselières qui empêchent l’animal de boire, de manger ou de respirer – car oui, il existe de bonnes muselières, qui laissent au chien une certaine liberté tout en garantissant la sécurité des gens. Nous regrettons donc que ce texte n’aille pas plus loin.
Au-delà du matériel utilisé, il conviendra à l’avenir, étant donné que les animaux ne s’éduquent pas par la violence, de s’interroger plus largement sur les méthodes coercitives d’éducation et de dressage et sur leurs conséquences pour les animaux. Mais nous saluons cette avancée qui redonne une place centrale au bien-être des animaux partageant notre quotidien. Le groupe écologiste, fidèle à ses valeurs de respect de tout être vivant et soucieux en particulier de la condition animale, votera résolument pour cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES et GDR-NUPES et sur quelques bancs du groupe RE.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Soumya Bourouaha.
Mme Soumya Bourouaha (GDR-NUPES)
La proposition de loi que nous examinons fait consensus. Elle s’inscrit dans le prolongement de la loi visant à lutter contre la maltraitance animale votée sous la précédente législature, qui a notamment instauré le certificat d’engagement et de connaissance. Ce dispositif visait avant tout à limiter les achats impulsifs et à prévenir les abandons en imposant aux futurs propriétaires d’un animal de compagnie de connaître les obligations de soins et de vaccination qui leur incombent et de disposer de connaissances élémentaires sur les besoins biologiques de l’animal.
Nul doute que l’usage des colliers de dressage coercitifs que le présent texte a pour objet d’interdire est souvent le résultat du désarroi de propriétaires qui ignorent tout ou presque de leur animal et ne savent comment le dresser. Ils cherchent à travers ces outils à éduquer et à contrôler leur animal, à empêcher ses aboiements, ses fugues, ou à éviter qu’il ne tire sur la laisse.
Or les vétérinaires et la communauté scientifique sont unanimes pour condamner ces méthodes inefficaces et dangereuses. Inefficaces, parce qu’elles ne tiennent aucun compte des émotions ressenties par l’animal. Dangereuses, parce qu’en reposant sur des sensations négatives, elles contribuent aussi à accroître l’agressivité des animaux et par conséquent les risques d’accident. Des méthodes d’éducation canine positive existent pourtant qui permettent aux propriétaires de nouer une relation de compagnonnage avec leur animal. Dans son avis de juillet 2022, le Centre national de référence pour le bien-être animal soulignait la persistance dans les séances d’éducation canine de certaines pratiques et outils associés à des méthodes négatives.
Ce rapport soulignait en particulier que certains outils coercitifs tels que la boîte à cailloux ou à clous ou encore le collier électrique ou le collier étrangleur se retrouvaient dans les mains des propriétaires de chiens sur les conseils de professionnels qu’ils avaient consultés. Cela met en évidence les carences de l’éducation canine dans notre pays alors que nous connaissons l’efficacité des méthodes d’éducation positive, qui reposent sur l’éthologie et se montrent à la fois beaucoup plus efficaces et plus respectueuses du bien-être de l’animal. Au-delà de l’interdiction des colliers électriques et étrangleurs, il nous faudrait peut-être à présent avancer sur la question de la formation des éducateurs canins.
Ces remarques étant faites, il va de soi que nous voterons la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES et Écolo-NUPES, ainsi que sur quelques bancs des groupes RE et LFI-NUPES.)
Mme la présidente
Sur l’ensemble de la proposition de loi, je suis saisie par le groupe Renaissance d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Michel Castellani.
M. Michel Castellani (LIOT)
Disons-le d’emblée : nous voterons cette proposition de loi visant à interdire l’usage des colliers coercitifs, même si nous ne sommes pas certains que ce problème relève de la loi. Nous n’oublions pas que la Convention européenne pour la protection des animaux de compagnie dispose qu’« aucun animal de compagnie ne doit être dressé d’une façon qui porte préjudice à sa santé et à son bien-être ». Nous savons tous aussi que le code rural, dans son article R. 214-17, va tout à fait dans le même sens, et qu’une modification de cet article aurait eu la même force opératoire.
Il n’en demeure pas moins que cette proposition de loi nous invite à prendre en considération les blessures et les brûlures que ces colliers peuvent occasionner aux animaux et nous conduit à réfléchir sur le stress qu’ils provoquent indiscutablement.
L’utilisation du collier coercitif relève d’un type de rapport entre l’homme et l’animal que nous rejetons, car d’une façon plus générale, nous déplorons les souffrances et le manque de respect qu’on constate trop souvent à l’égard des animaux, qu’ils soient domestiques ou non. Bien des souffrances pourraient être épargnées avec un peu d’humanité. Les animaux sont trop souvent traités comme des instruments alors que – faut-il le rappeler ? – ils sont d’abord des êtres vivants, dotés de sensibilité. Quand on observe de près la nature, on se persuade de cette réalité.
Pour ne prendre que l’exemple du chien, on sait que ce dernier nourrit pratiquement toujours à l’égard de son maître une relation de confiance et d’attachement. De nombreux maîtres le rendent à leur chien, bien sûr. Mais dans certains cas, hélas, le chien ne reçoit en retour qu’indifférence et parfois méchanceté.
Je n’évoquerai pas ici, car c’est un autre sujet, la condition horrible réservée aux animaux de certains élevages industriels.
Enfin, sans doute aurait-il fallu traiter cette question des colliers de manière moins restrictive, même si nous ne négligeons pas les souffrances provoquées par les colliers étrangleurs ou électriques.
Notre groupe votera donc cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT et Dem, ainsi que sur quelques bancs du groupe RE.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Annaïg Le Meur.
Mme Annaïg Le Meur (RE)
Ce lundi 16 janvier est soumise au vote de l’Assemblée nationale la proposition de loi visant à interdire la maltraitance sur les animaux de compagnie par l’utilisation de colliers étrangleurs et électriques présentée par la rapporteure Corinne Vignon, la présidente du groupe Renaissance Aurore Bergé et les membres du groupe Renaissance. Ce texte a été adopté à l’unanimité en commission des affaires économiques le 10 janvier, dans le cadre d’une procédure de législation en commission.
Cette proposition de loi comportant un article unique a pour objet d’interdire la cession et l’utilisation des colliers électriques, étrangleurs et à pointes, qui représentent une source de souffrance importante pour les animaux qui y sont soumis.
M. Pierre Cazeneuve
Eh oui !
Mme Annaïg Le Meur
Ce texte constitue une avancée éthique et sociétale attendue aussi bien par les citoyens que par le monde de l’éducation canine. En effet, le regard que la société porte sur les animaux a considérablement changé au cours des dernières décennies, ce qui a notamment provoqué une évolution positive et révélatrice des pratiques d’éducation canine. Malheureusement, certains continuent pourtant de promouvoir des méthodes violentes et coercitives.
Les colliers dits coercitifs sont de trois types. Les colliers étrangleurs écrasent la trachée du chien et lui coupent donc la respiration lorsqu’il tire sur la laisse. Les colliers électriques, activés à distance par une télécommande, permettent au maître d’envoyer des décharges électriques au chien et sont notamment utilisés pour l’empêcher d’aboyer. Les colliers à pointes, constitués d’une chaîne de pointes dirigées vers le cou du chien, créent des entailles lorsque celui-ci tire sur la laisse. Ces colliers, utilisés sur les chiens qui posent des difficultés lors du dressage, n’ont jamais prouvé une quelconque efficacité. Au contraire, plusieurs études scientifiques récentes, parmi lesquelles celle de la Société européenne d’éthologie clinique vétérinaire, ont montré que l’usage de ces colliers était contre-productif du fait de leur tendance à augmenter l’agressivité des chiens en raison du stress et de la souffrance qu’ils provoquent.
Il ressort en effet d’une étude nationale conduite en Belgique auprès de 2 600 vétérinaires que 26 % des chiens qu’on a contraints à porter un collier à stimulation électrique présentent des comportements décuplés de peur ; 17 % sont traumatisés et 14 % souffrent de graves brûlures au cou. Les conséquences cliniques de l’utilisation du collier à pointes peuvent être particulièrement sérieuses : écrasement de la trachée, pression élevée de la glande thyroïde, paralysie transitoire des pattes, arthrose dégénérative, paralysie du nerf laryngé affectant la déglutition, irrigation défaillante vers le cerveau et les yeux endommageant les nerfs des yeux, ce qui peut entraîner une cécité, perte de poils, blessures au niveau du cou, perforations de la peau.
Plusieurs pays européens ont d’ores et déjà interdit la vente de ces objets, parmi lesquels l’Allemagne, la Suisse, l’Autriche, le Pays de Galles, le Danemark, la Slovénie ou encore l’Angleterre. La Belgique est également en passe d’adopter une législation en ce sens et j’espère qu’en ce jour, nous serons capables de faire de même. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.)
Des alternatives sans souffrances aux colliers coercitifs existent, comme les harnais avec une attache sur le poitrail ou encore les colliers à martingale.
Un nombre non négligeable d’éleveurs de chiens refusent d’avoir recours aux colliers coercitifs parce qu’ils prennent en considération le bien-être animal, mais aussi pour des raisons d’efficacité. Ils estiment en effet que l’utilisation de ces colliers est contre-productive.
M. Sylvain Maillard
Ils ont raison !
Mme Annaïg Le Meur
En définitive, il n’existe aucune raison de recourir à ces colliers, bien au contraire. Les auditions menées par Mme la rapporteure en commission ont montré qu’un grand nombre des maîtres qui les utilisent le font par méconnaissance des souffrances qu’ils causent aux chiens.
Pour toutes ces raisons, le groupe Renaissance votera pour cette proposition de loi. Je vous remercie d’en faire autant. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)
M. Pierre Cazeneuve
Très bien !
Mme la présidente
La parole est à Mme Anne Stambach-Terrenoir.
Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES)
Brûlures, cervicales fracturées, trachée écrasée : la liste des blessures que les colliers électriques, étrangleurs ou à pointes peuvent occasionner fait froid dans le dos.
Pour les animaux, l’emploi de ces dispositifs coercitifs entraîne des dommages physiques, mais aussi émotionnels et même psychiques. La littérature scientifique démontre clairement que non seulement ces méthodes sont inefficaces, mais qu’elles contribuent surtout à accroître l’anxiété et l’agressivité de l’animal, à le rendre plus stressé et méfiant, de sorte qu’il est finalement plus susceptible de s’en prendre aux humains qui l’entourent. Il est grand temps de mettre un terme à l’utilisation de ces colliers qui peuvent parfois donner lieu à des dérives s’apparentant tout simplement à de la torture, comme le montre de manière glaçante votre rapport, madame Vignon.
À l’inverse, le Centre national de référence pour le bien-être animal démontre dans son rapport de juillet 2022 que les chiens éduqués selon des méthodes positives ont de meilleures relations avec leurs propriétaires et semblent moins stressés.
De nombreux pays parmi nos voisins ont déjà fait un pas vers un encadrement strict ou une interdiction de ces colliers, comme l’Allemagne, l’Autriche ou la Wallonie en décembre 2022. Nous nous réjouissons de leur emboîter le pas.
Cette proposition de loi soulève cependant un enjeu plus large, qui mériterait notre attention : celui de la formation des éducateurs canins dans notre pays. C’est là sans doute le vrai chantier que nous devrons aborder si nous voulons réellement garantir la transmission de méthodes éducatives respectueuses de l’animal. Au-delà des outils utilisés, il nous faut identifier les formations existantes et travailler à leur amélioration, puis à leur harmonisation.
Les moyens donnés aux forces de police et de gendarmerie sont actuellement insuffisants, que ce soit en termes de formation ou en termes d’effectifs, pour assurer la mise en œuvre de cette mesure et plus largement de l’ensemble des dispositions protégeant les animaux.
En France, 17 millions de chiens et de chats, au moins, vivent à nos côtés dans nos foyers. La manière dont nous tissons un lien avec eux à travers nos façons de les éduquer et de les soigner révèle au fond les rapports que les humains entretiennent avec les animaux. La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale défend le projet d’une société de l’harmonie des êtres humains entre eux et avec le vivant. Nous voterons donc bien évidemment cette proposition de loi.
Nous nous réjouissons par ailleurs que certains de nos amendements aient enrichi le texte en commission.
M. Sylvain Maillard
Eh oui !
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Nous avons notamment ajouté l’interdiction de toute publicité ou petite annonce pour ces colliers.
M. Sylvain Maillard
Très bien !
Mme Anne Stambach-Terrenoir
En revanche, nous déplorons que les chiens militaires demeurent exclus du champ de protection de cette proposition de loi. Militaires ou non, les chiens sont tous des êtres sensibles ressentant la douleur. Ils méritent donc tous la même protection.
Nous regrettons également de ne pas avoir été entendus au sujet de l’interdiction des modèles de muselière entravant les fonctions vitales des chiens : il s’agissait simplement d’assurer, comme le préconisent les associations, que plus aucune muselière empêchant les chiens de boire ou de réguler leur température – en haletant, par exemple – ne soit commercialisée.
Enfin, nous regrettons que le texte ait été examiné selon la procédure de législation en commission, ce qui nous empêche de débattre à nouveau de certains sujets ce soir.
Cependant, son adoption va dans le sens de la volonté de nos concitoyennes et concitoyens, puisque 81 % d’entre eux se disent sensibles à la question de la protection animale et attendent de nous, parlementaires, des mesures fortes et concrètes dans ce domaine.
M. Éric Bothorel
Nous les prendrons !
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Si la proposition de loi est un petit pas dans la bonne direction, la protection animale ne se limite évidemment pas aux animaux qui vivent dans nos foyers : nous espérons que la même énergie et la même volonté politique seront déployées pour mettre un terme au calvaire de tous les animaux. En France, plus d’un milliard sont élevés et abattus chaque année ; parmi eux, huit sur dix ont vécu les souffrances de l’élevage intensif – je pense ici particulièrement aux fermes-usines, qu’il est urgent d’interdire. Je pense également aux animaux victimes d’exploitation et de maltraitance à des fins de divertissement, mais aussi aux oiseaux des champs, indirectement décimés par l’utilisation toujours massive de pesticides, ou encore aux 10 000 dauphins victimes chaque année de captures accidentelles liées à la pêche industrielle sur les côtes françaises. Eux aussi méritent d’être considérés et protégés par la législation : nous y veillerons. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES et sur quelques bancs du groupe RE.)
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 122
Nombre de suffrages exprimés 116
Majorité absolue 59
Pour l’adoption 111
Contre 5
(La proposition de loi est adoptée.)
Applaudissements sur quelques bancs des groupes RN et LFI-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Corinne Vignon, rapporteure
Je me réjouis de l’adoption de la proposition de loi et du consensus qui s’est dégagé lors des travaux de la commission. Je tiens à en remercier l’ensemble des groupes.
Je tiens également à remercier le cabinet du ministre, qui a beaucoup travaillé sur ce sujet sociétal qu’il était crucial de prendre en considération. Nous devons désormais travailler sur la formation des éducateurs canins.
M. Sylvain Maillard
Eh oui !
Mme Corinne Vignon, rapporteure
Aujourd’hui, deux jours de formation suffisent pour obtenir l’attestation de connaissances pour les animaux de compagnie d’espèces domestiques (Acaced)– une formation qui peut être suivie en ligne, sans avoir jamais vu un chien ! Il faut absolument que nous y travaillions rapidement, et j’ai d’ailleurs rendez-vous avec Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l’enseignement et de la formation professionnels, pour évoquer ce sujet.
M. Sylvain Maillard
Très bien !
Mme Corinne Vignon, rapporteure
Je remercie à nouveau tous les groupes : travailler avec vous a été un plaisir. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Mme Béatrice Roullaud, M. Emmanuel Taché de la Pagerie et Mme Sandrine Rousseau applaudissent aussi.)
Mme la présidente
La parole est à M. Sylvain Maillard.
M. Sylvain Maillard
Après ce vote presque unanime, je vous demande une suspension de dix minutes, madame la présidente.
Mme la présidente
Elle est de droit.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-deux heures trente-cinq, est reprise à vingt-deux heures quarante-cinq.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
2. Évolution de la formation de sage-femme
Deuxième lecture
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi visant à faire évoluer la formation de sage-femme (nos 370, 618).
Présentation
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé
Permettez-moi de me réjouir qu’ait été de nouveau inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée ce texte défendu le 25 novembre 2021, lors de la niche réservée au groupe Agir ensemble, par mon ancienne collègue Annie Chapelier (Mme Nicole Le Peih applaudit) : cela prouve – si besoin était – l’importance de l’initiative parlementaire dans le cadre d’un dialogue exigeant entre les deux chambres et le Gouvernement. Je tiens d’ailleurs à te saluer, chère Annie, qui assistes à nos débats : tu peux être à bon droit fière du travail accompli. (Applaudissements sur les bancs des commissions, ainsi que sur quelques bancs des groupes RE, Dem et HOR.) Si, comme je l’espère, l’Assemblée en décide ainsi, l’adoption de cette proposition de loi concrétisera en effet ton engagement et ta persévérance en faveur d’une meilleure reconnaissance de la profession de sage-femme. Je salue également Raymonde Poncet Monge, rapporteure du texte au Sénat, et votre rapporteur Paul Christophe, désormais chargé de le défendre jusqu’au terme de son parcours. L’ayant moi-même cosigné en tant que députée, je suis heureuse de participer avec vous à la dernière étape de ce beau texte dont le sujet nous tient tant à cœur.
Il est d’autant plus important que par comparaison avec les autres pays européens, les sages-femmes françaises exercent des responsabilités particulièrement étendues : au-delà de l’accompagnement des premiers instants de la vie, leurs missions, progressivement élargies depuis 2009, incluent à présent, tant en ville qu’à l’hôpital, le suivi des femmes tout au long de leur vie, en matière de prévention et de contraception. Durant la même période, le suivi prodigué avant et après l’accouchement s’est ouvert sur une prise en charge en ville. En application de la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, les sages-femmes ont la possibilité de vacciner les mineurs, garçons ou filles, contre le papillomavirus : c’est là un pas supplémentaire vers davantage de prévention, concernant une cause qui m’est chère et qu’avec d’autres collègues, j’avais promue sur ces bancs au cours de la précédente législature.
S’agissant toujours de prévention, le rôle clé des sages-femmes a été encore accru par la loi du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, dite loi Rist, notamment en matière de renouvellement et de prolongation des arrêts de travail, ainsi que de dépistage des infections sexuellement transmissibles (IST). Enfin, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 leur a donné toute leur place dans le dispositif des rendez-vous de prévention aux âges clés de la vie et de nouveau étendu, aux côtés d’autres professionnels de santé, leurs compétences vaccinales.
Au-delà de cet élargissement légitime des missions des sages-femmes, cette proposition de loi s’inscrit dans la perspective plus large de la refonte des études en santé qu’entend mener le Gouvernement. Attractivité des métiers, qualité de vie, renouvellement et diversité des pratiques doivent être soutenus : il nous appartient d’inventer aujourd’hui les professions de ceux qui soigneront demain les Français, dans le cadre d’un système de soins où l’exercice coordonné et le partage de compétences au sein d’équipes organisées autour du médecin sont appelés à devenir la norme. Les métiers et les perspectives de carrière évoluent, grâce entre autres aux mesures concernant le partage de compétences et la pratique avancée que nous avons commencé à appliquer, tout en souhaitant continuer de progresser dans ces domaines ; nous aurons du reste l’occasion d’en reparler, dans les jours qui viennent, à l’occasion de l’examen de la proposition de loi portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé. Le Gouvernement désire en outre, conformément aux engagements pris par le Président de la République, avancer en matière de pénibilité et de travail de nuit.
Tout doit néanmoins commencer par l’essentiel : la formation et les études. Cette proposition de loi répond pleinement à la volonté du Gouvernement d’universitariser les cursus en vue de multiplier les passerelles et de faciliter la reconnaissance internationale – ou du moins européenne, grâce au processus de Bologne – des diplômes. Une mission relative à cette universitarisation des formations en santé a ainsi été confiée au professeur Christine Ammirati, laquelle, en lien avec les ministères de la santé et de l’enseignement supérieur, et particulièrement avec les Inspections générales des affaires sociales (Igas) et de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR), a entrepris un important travail d’analyse et de concertation visant à créer les conditions d’une intégration efficace et adaptée de la formation des sages-femmes à l’université.
À cet égard, l’article 1er du texte constitue un jalon essentiel, car l’inclusion universitaire des formations paramédicales et relatives à la maïeutique permettra de développer la recherche, par exemple en sciences infirmières, en maïeutique, en réadaptation. L’objectif consiste à ce que tous les étudiants en santé apprennent à coopérer dès les bancs de l’université et bénéficient des mêmes droits et services que ceux de leurs pairs qui suivent un cursus LMD – licence, master, doctorat.
Même s’il reste encore du chemin à parcourir, nous avons progressé dans cette voie depuis la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital. La transformation de plusieurs facultés de médecine en facultés de santé a accéléré leur rapprochement avec les écoles de maïeutique ; la loi du 24 juillet 2019 a ouvert la voie à des expérimentations en la matière et relancé le processus d’intégration universitaire de ces écoles ; la création, toujours en 2019, d’une section spécifique du Conseil national des universités (CNU) a également contribué à accentuer le caractère universitaire de la formation des sages-femmes. Par ailleurs, l’article 1er bis de la proposition de loi prévoit que soit créé un statut de maître de stage universitaire en maïeutique, pourvoyant aux besoins d’encadrement des étudiants. Il est toutefois essentiel, à des fins d’harmonisation avec les autres professions, que ce statut fasse l’objet d’un travail plus vaste : un groupe de travail relatif à la maîtrise de stage universitaire et à l’instauration du tutorat pour les étudiants paramédicaux, associant les acteurs de la formation et les représentants des étudiants et employeurs, a par conséquent été lancé cet automne par la direction générale de l’offre de soins (DGOS).
L’article 2 prévoit, pour sa part, la création d’un troisième cycle d’études de maïeutique, car l’élargissement, depuis 2009, des missions des sages-femmes justifie une adaptation de leur formation initiale. Le Gouvernement soutiendra donc pleinement cette proposition de loi dans sa version issue des travaux du Sénat : comme M. le rapporteur, qui s’est exprimé sur ce point en commission, nous estimons légitimes les modifications proposées. Le dispositif initialement prévu aurait conduit à appliquer la réforme aux étudiants actuellement en deuxième et troisième années du premier cycle ; il était donc judicieux et nécessaire d’en décaler l’entrée en vigueur afin de gérer dans de bonnes conditions l’harmonisation des cycles, la préparation des terrains de stage supplémentaires et les conséquences du fait que 2028 constituera une année blanche.
À l’issue de son examen en première lecture, ce texte avait reçu l’approbation unanime des députés comme des sénateurs : je forme le vœu qu’il en soit de même ce soir. (Applaudissements sur les bancs des commissions, ainsi que sur quelques bancs du groupe RE. – Mme Maud Petit et M. Philippe Pradal applaudissent également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Paul Christophe, rapporteur de la commission des affaires sociales.
M. Paul Christophe, rapporteur de la commission des affaires sociales
Nous examinons en deuxième lecture une proposition de loi dont l’objet consiste à faire évoluer la formation des sages-femmes afin que soit mieux reconnu et valorisé le caractère véritablement médical de cette profession en France. Je dis « en France », parce que la profession de sage-femme constitue une singularité sans équivalent chez nos voisins européens, que l’on considère la durée de la formation, les compétences en matière d’accompagnement de la femme et du nouveau-né ou encore les responsabilités dont elles sont investies – car nous avons pris l’habitude de parler au féminin des sages-femmes, dont 98 % sont des femmes tout court, mais je n’oublie pas les 2 % d’hommes qui exercent ce métier. D’ailleurs, contrairement à ce que l’on pourrait croire, le terme « sage-femme » est épicène, puisqu’il désigne étymologiquement celui ou celle qui possède la connaissance de la femme.
Cette parenthèse grammaticale refermée, j’en reviens à l’objectif du texte : reconnaître, je le répète, le statut médical des sages-femmes en mettant leur formation en adéquation avec leurs compétences et responsabilités. Cette proposition de loi nous vient, sous la précédente législature, de notre ancien groupe Agir ensemble, et plus particulièrement d’Annie Chapelier, à qui je souhaite rendre un hommage appuyé. Tout au long de son mandat, en effet, elle n’a eu de cesse d’œuvrer en vue d’une meilleure reconnaissance des sages-femmes et d’une évolution de cette profession qui reste insuffisamment valorisée. Elle avait conçu ce texte sous une forme plus ambitieuse : sa première version, déposée en juin 2021, comptait vingt-six articles et embrassait l’ensemble des enjeux relatifs à l’évolution de la profession. Le principe de réalité nous avait forcés à la restreindre, d’une part parce qu’elle avait vocation à être examinée dans le cadre de la niche parlementaire de notre groupe, d’autre part parce que certaines problématiques relatives à l’extension des compétences des sages-femmes ne sont pas tout à fait consensuelles.
Annie Chapelier avait donc choisi de s’en tenir à la pose d’une première pierre : la réforme de la formation, par laquelle il était du reste indispensable de commencer, dans la mesure où elle déterminerait beaucoup d’autres évolutions. De nouveau déposée sous sa nouvelle forme, la proposition de loi fut donc soumise à l’Assemblée en première lecture, il y a plus d’un an. En commission comme en séance, son examen s’est déroulé, je dois le dire, de manière particulièrement apaisée et constructive, et les auditions ont débouché sur le dépôt et l’adoption, à l’initiative de la rapporteure, de plusieurs amendements visant à l’améliorer. C’est également dans cet état d’esprit qu’en octobre 2022, le Sénat a procédé à son tour à une première lecture. Tous les groupes étant convenus que le texte constituait pour les sages-femmes une avancée nécessaire et attendue, les sénateurs n’ont pas touché à la version que nous avions adoptée, à l’exception d’une date sur laquelle je reviendrai. Sur les cinq articles, trois ont ainsi fait l’objet d’un vote conforme ; s’agissant des deux qui restent en discussion, j’ai bon espoir que nous nous en tiendrons ce soir à la rédaction issue du Sénat – espoir nourri par le fait que la commission l’a adoptée à l’unanimité.
Je suis en effet convaincu que ce texte ne donne pas matière à désaccord, ce que je vais m’appliquer à vous démontrer en revenant brièvement sur ses dispositions. L’article 1er, l’un des deux articles modifiés par le Sénat, constitue le cœur du dispositif : il prévoit l’entière intégration universitaire de la formation des sages-femmes. Cet objectif avait été affirmé à plusieurs reprises, mais le processus semblait en panne, d’où la nécessité de le relancer ; l’article en fixe l’échéance à la rentrée 2027. En commission, certains se sont interrogés sur le choix d’une date si lointaine alors que le texte initial prévoyait un effet immédiat, c’est-à-dire dès la rentrée de l’année 2022-2023. De fait, les différents acteurs nous ont demandé ce délai supplémentaire afin de s’organiser. Il faut par exemple avoir en tête que les contrats passés entre les universités et le ministère le sont pour cinq ans : reporter la date butoir à 2027 permettra aux établissements concernés de prévoir l’intégration universitaire des sages-femmes dans la négociation de leur prochain contrat. Ainsi, cette formation se déroulera prioritairement au sein d’unités de formation et de recherche (UFR) en santé, ce qui permettra de la rapprocher de la formation des médecins. Si cet article reste soumis à discussion, c’est en raison d’une autre mesure de calendrier, dont l’effet se manifeste principalement à l’article 2 – j’y reviendrai à ce propos. Quant au reste, l’article 1er a fait l’objet d’un consensus, tant à l’Assemblée qu’au Sénat.
L’article 1er bis a donné lieu à un vote conforme qui l’exclut de cette nouvelle discussion. Il prévoit un statut de maître de stage agréé en maïeutique, remédiant ainsi à une anomalie, car il paraît étrange que ce statut n’ait pas été créé plus tôt.
L’article 2, l’autre article phare de cette proposition de loi, vise à ajouter à la formation des sages-femmes une sixième année, constituant un troisième cycle qui leur donnera le statut de docteur en maïeutique. Cette évolution sera bénéfique à tous points de vue : elle améliorera la reconnaissance du caractère médical de la profession, favorisera les stages et permettra de mieux répartir la charge des études – l’actuel second cycle étant très lourd –, ainsi que de développer la formation en physiologie et la recherche en maïeutique, laquelle, en France, demeure embryonnaire – si j’ose dire. Cet article est encore en discussion pour la bonne raison que le Sénat a modifié le calendrier d’instauration du troisième cycle. Celui-ci devait concerner tous les étudiants en maïeutique entamant la première année du deuxième cycle, autrement dit leur quatrième année, à la rentrée 2023. Estimant que l’on ne pouvait imposer une sixième année à des étudiants engagés dans une formation de cinq ans, les sénateurs ont prévu que le troisième cycle ne s’appliquerait qu’aux étudiants qui entameront après le 1er septembre 2024 la deuxième année du premier cycle, c’est-à-dire leur première année de maïeutique à proprement parler, l’année initiale étant consacrée au parcours d’accès spécifique santé (Pass) et donc commune à toutes les études de santé.
Comme l’examen de la proposition de loi a pris un peu de retard, la date d’application a en outre été décalée du 1er septembre 2023 au 1er septembre 2024 afin de ménager le temps nécessaire pour les mesures d’application. La mesure votée par le Sénat me semble de bon sens. Elle répond d’ailleurs à une demande convergente de l’ensemble des acteurs. Si elle a également un effet sur la rédaction de l’article premier, comme je l’ai dit tout à l’heure, c’est parce que celui-ci prévoit la date d’exigibilité du nouveau diplôme de docteur en maïeutique, qui est logiquement décalée par le report de l’application du troisième cycle.
L’article 3 a été adopté conforme. Il crée un statut d’enseignant-chercheur en maïeutique, ce qui rejoint l’objectif d’encourager la recherche dans ce domaine. Enfin, l’article 4, également adopté conforme, modifie l’insertion de la profession de sage-femme dans la nomenclature d’activités française et dans la nomenclature des professions et catégories socioprofessionnelles, afin de tenir compte de la nature médicale et non paramédicale de cette profession.
Voici résumée en quelques mots la proposition de loi qui nous est soumise. Je pense que, comme nous l’avons fait en commission, nous pouvons la voter unanimement…
M. Thierry Benoit
Encore ! (Sourires.)
M. Paul Christophe, rapporteur
…telle qu’elle se présente aujourd’hui. J’ai conscience qu’elle ne tient pas compte de tous les enjeux auxquels les sages-femmes sont confrontées. Aussi devons-nous poursuivre le travail engagé, notamment dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) visant à étendre leurs compétences. Ce texte constitue néanmoins une première pierre utile, incontournable, immédiatement applicable. Je vous invite donc à lui réserver un bon accueil. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RE et Dem.)
M. Thierry Benoit et M. Richard Ramos
Excellent !
Discussion générale
Mme la présidente
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Maud Petit.
Mme Maud Petit
Un peu plus d’un an après son adoption à l’unanimité par notre assemblée lors de la précédente législature et moins de deux mois après son examen au Sénat, la proposition de loi visant à faire évoluer la formation de sage-femme revient dans notre hémicycle, et c’est une excellente chose ! Il est urgent, en effet, que le processus législatif entrepris par notre ancienne collègue Annie Chapelier puisse arriver à son terme, afin d’entériner la réforme du processus de formation des sages-femmes et de renforcer leur statut.
Les dispositions contenues dans ce texte sont attendues par toute une profession dont la vocation est sans doute la plus belle qui soit : accompagner le début de la vie. Souvent considéré comme étant à cheval entre le médical et le paramédical, le métier de sage-femme a été négligé et trop peu considéré. Il a fallu une mobilisation forte et constante de ces professionnelles pour que les choses évoluent et que le législateur s’empare enfin de leurs problématiques.
Une première étape est franchie avec ce texte. Quelles en sont les avancées ? Il permet en premier lieu d’intégrer la formation de sage-femme au niveau du troisième cycle universitaire. Pendant trop longtemps, les 24 000 sages-femmes de notre pays se sont formées dans des structures rattachées à des hôpitaux et non à l’université comme les autres professions médicales. À partir du 1er septembre 2027, notamment grâce à notre vote, cette anomalie sera réparée.
La proposition de loi sur laquelle nous aurons à nous prononcer dans quelques instants favorisera également la conciliation des activités au sein des carrières hospitalo-universitaires. Nous le savons bien, la reconnaissance de la profession de sage-femme passe nécessairement par le développement de la recherche en maïeutique. Or il ne peut pas y avoir de travaux de recherche performants sans que du temps et des moyens n’y soient consacrés. Grâce à l’évolution du cadre légal, les sages-femmes pourront plus facilement accompagner les naissances et exercer en parallèle des activités d’enseignement et de recherche. Enfin, le texte reconnaît la profession de sage-femme comme une activité de pratique médicale à part entière en l’incorporant dans la nomenclature des activités en France. Il était temps, n’est-ce pas ?
Aujourd’hui, notre assemblée va se prononcer sur les deux derniers articles de la proposition de loi restant en discussion, l’un relatif à l’intégration universitaire de la formation initiale des sages-femmes, l’autre portant création d’un troisième cycle d’études pour les étudiants en maïeutique. Aucun de ces dispositifs n’a été modifié en commission, ce dont le groupe Démocrate se félicite. À l’instar des autres groupes de l’Assemblée, nous considérons que le texte doit être voté conforme à celui du Sénat, simplement pour permettre une entrée en vigueur la plus rapide possible.
Bien sûr, des sujets resteront sur la table, comme la rémunération ou la délégation de tâches ; nous en sommes conscients. Néanmoins, il nous semble important de conclure cette première étape avant de poursuivre nos travaux et nos discussions avec les différentes parties prenantes. Notre objectif demeure inchangé : améliorer encore la reconnaissance de ce métier. Comme certaines sages-femmes le disent si bien, « On vous fait naître, il faut nous reconnaître ». Le groupe Démocrate votera donc cette proposition de loi avec enthousiasme ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, RE et HOR.)
M. Romain Daubié
C’est brillant !
Mme la présidente
La parole est à M. Arthur Delaporte.
M. Arthur Delaporte
Nous arrivons à l’issue, heureuse, de l’examen d’un texte très attendu par les étudiantes et étudiants sages-femmes. Leurs représentants sont présents dans les tribunes, tout comme notre ancienne collègue parlementaire Annie Chapelier, que je salue. C’est elle qui avait présenté la proposition adoptée, et les étudiantes et les professionnelles s’impatientaient de la poursuite de la navette parlementaire.
Nous ne doutons pas qu’à l’instar de ce qui s’est passé en commission, les débats à venir seront brefs ; l’absence d’amendements l’illustre et permettra l’adoption conforme de la proposition de la loi. Les étudiantes et les étudiants pourront ainsi, dès la rentrée prochaine, entamer leur troisième cycle universitaire avec une année qui, tout en ayant contribué à l’allègement du deuxième cycle, leur permettra de développer leur formation et, éventuellement, d’obtenir un diplôme de docteur en maïeutique. Rappelons qu’en cinq ans, les futures sages-femmes suivent mille heures de formation en maïeutique de plus que les étudiants en pharmacie, par exemple.
Nous l’évoquions en commission, le texte permettra d’autres apports bienvenus comme l’universitarisation, très attendue. Elle arrive tout de même avec six ans de retard par rapport à la date cible fixée par la direction générale de l’offre de soins. La situation n’était plus tenable, mais cela arrive enfin.
Ces mesures constituent une première étape vers l’amélioration de la reconnaissance et vers la valorisation du caractère médical du métier de sage-femme. Car, bizarrerie de notre droit, alors que les sages-femmes françaises disposent des compétences et des responsabilités parmi les plus avancées d’Europe – vous le rappelez dans votre rapport, monsieur le rapporteur –, elles contribuent, au-delà de l’accouchement en salle de naissance, à la santé des femmes tout au long de leur vie ainsi qu’à celle des nouveau-nés. Elles réalisent des actes de prévention, de diagnostic et de prescription en obstétrique, mais aussi en gynécologie et en pédiatrie. La profession n’est qu’insuffisamment alignée sur les autres professions médicales, malheureusement.
Évidemment, le groupe Socialistes et apparentés votera en faveur de cette proposition de loi mais ne saurait être satisfait du traitement global des étudiantes sages-femmes. Certains des témoignages que j’ai recueillis lors de mes échanges avec l’Association nationale des étudiants sages-femmes (ANESF) doivent alerter le Gouvernement. Selon l’enquête de l’ANESF, les maux s’accumulent à plusieurs niveaux : étudiants présentant des symptômes dépressifs et maltraitance durant les stages – à tel point qu’un quart des étudiantes a déjà pensé à arrêter ses études. Cette crise des conditions d’études s’explique logiquement par l’insuffisance de la reconnaissance de la profession mais aussi par des conditions réelles d’exercice qui sont déplorables : pas de gratification de stage en premier cycle ni d’indemnités kilométriques, malgré des dizaines de semaines de stage dès les premières années d’études. Par ailleurs, la durée des stages varie : dix semaines à Caen, douze à Lille et neuf à Besançon en deuxième année. Quant aux terrains de stage, ils sont parfois très éloignés des domiciles. Ces étudiantes sont déconsidérées par l’administration, ce qui affecte l’attractivité de la profession. Flore, qui est en tribune ce soir, a ainsi fait des allers-retours quotidiens entre Lille et Dunkerque – vous connaissez bien le département, monsieur le rapporteur –, soit une heure et trente minutes de route le matin et le même trajet le soir, sans aucune gratification ni aucun défraiement.
Madame la ministre déléguée, quand allez-vous prendre des engagements pour que l’État respecte au moins la loi et gratifie les étudiantes sages-femmes ? Ces étudiantes ont accès à une gratification en second cycle – 130 euros bruts pour un stage se déroulant à plus de 15 kilomètres du domicile : ne nous emballons pas ! – mais les centres hospitaliers universitaires (CHU) ne versent pas toujours correctement cette indemnité, soit parce qu’ils dépassent les délais, soit parce qu’ils ne la versent pas en totalité. Avec un peu d’audace, madame la ministre déléguée, vous irez plus loin et proposerez – je l’espère –, par voie réglementaire, au moins le remboursement des frais kilométriques et une revalorisation des gratifications de stage pour l’ensemble des stagiaires.
L’ensemble de ces défaillances et oublis complique évidemment la situation et la crise de recrutement. Le taux de places vacantes atteint 20 %, avec un pic à 37 % en Île-de-France, et le taux de radiation de l’ordre des sages-femmes s’élève à 112 % ; près de 4 000 sages-femmes en âge d’exercer se trouvent ainsi sans activité.
Vous le voyez, les parlementaires que nous sommes sont ouverts et déterminés à faire avancer et à revaloriser la profession de sage-femme. Nous voulons rendre à ces professionnelles des conditions d’exercice à la hauteur de leur mission, qui est essentielle. Saisissez donc cet appel, madame la ministre déléguée. Ne nous contentons pas de la première pierre que nous allons voter ce soir et travaillons tous ensemble, plus largement, à la revalorisation du statut et des carrières. Les socialistes y sont prêts ; allons-y ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR-NUPES. – M. le rapporteur applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Frédéric Valletoux.
M. Frédéric Valletoux
« Nous avons besoin de reconnaissance » : tels sont les mots fréquemment employés par les sages-femmes, nous le savons, aux quatre coins de notre pays. Leur demande, bien entendu, n’est pas nouvelle. Nombreux sont les professionnels en activité ou simplement étudiants qui expriment ces dernières années leur mal-être, lié notamment au malaise dans les hôpitaux français. Nous savons tous qu’être sage-femme en France n’est pas chose aisée. Souvent déconsidérées, trop peu rémunérées, peu reconnues et peu entendues, les sages-femmes ont longtemps été des oubliées de toutes les avancées au sein de notre système de santé.
Comme l’a expliqué le Président de la République le 6 janvier, la crise de notre système de santé est due autant à un problème d’organisation qu’à un problème d’évolution de notre société et de ses métiers. La profession de sage-femme s’érige malheureusement en parfait exemple du constat exposé par le chef de l’État. Notre système ne s’est pas suffisamment adapté à la place tout à fait singulière que tiennent les sage-femmes. Alors qu’elles ont vu leur champ de compétences s’élargir, leur formation n’a pas toujours évolué au même rythme. En effet, leurs missions ont fait l’objet d’extensions successives pour inclure la contraception, la consultation gynécologique de prévention et, depuis la promulgation de la loi de modernisation de notre système de santé, la pratique de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) médicamenteuse. Pourtant, leur formation ne s’est pas suffisamment adaptée à cette évolution et leur statut est resté inchangé. Fortes de ce constat, les sages-femmes françaises, exerçant les compétences les plus étendues d’Europe au service de la santé des femmes, doivent enfin avoir un statut à la hauteur des responsabilités qu’elles assument.
C’est le sens de cette proposition de loi nécessaire, lancée par Annie Chapelier – que je veux moi aussi saluer –, visant à reconnaître le statut véritablement médical de nos sages-femmes en mettant leur formation en adéquation avec leurs compétences et leurs responsabilités. Je me réjouis également du travail transpartisan qui découle de ce texte depuis le début de son histoire législative lors de la précédente législature – cela a été rappelé. Au Sénat comme à l’Assemblée nationale, nous avons eu ensemble de beaux débats de fond dans une démarche constructive.
Les avancées prévues dans ce texte sont le symbole d’une société qui évolue et d’une volonté nationale d’avancer en faveur d’un système de santé qui, vous le savez, connaît une crise profonde. C’est aussi l’occasion de mettre fin à des clivages dépassés entre professionnels médicaux et de reconnaître les compétences étendues de la profession. Ainsi, les objectifs de cette proposition de loi sont doubles : affirmer le statut médical des sages-femmes au travers de leur formation initiale et mieux définir et reconnaître leur rôle dans l’accompagnement des femmes et des jeunes enfants. Cette proposition de loi part du constat qu’en dépit des avancées récentes, l’intégration universitaire de la formation initiale des sages-femmes demeure faible et inégale sur le territoire, ce qui constitue une exception au sein des professions médicales.
Ce texte contient ainsi plusieurs avancées, comme le développement d’une culture commune aux différentes formations médicales susceptible de favoriser la collaboration entre professions, un meilleur accès à la recherche des étudiants en maïeutique, la création d’un diplôme d’État de docteur en maïeutique. En outre, l’intégration universitaire est une reconnaissance, quand le statut régional de la formation isole les sages-femmes des autres professions médicales. Enfin, le rapprochement entre écoles et universités favorisera le développement de la recherche en maïeutique et le recrutement d’enseignants-chercheurs. Pour toutes ces excellentes raisons, le groupe Horizons et apparentés votera avec enthousiasme en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et Dem.)
M. Paul Christophe, rapporteur
Très bien !
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Rousseau.
Mme Sandrine Rousseau
Surveillance et suivi médical de la grossesse, prévention des addictions, échographies obstétricales, surveillance de l’accouchement, soins à la mère et au nouveau-né, rééducation périnéale, consultations de suivi gynécologique et de prévention, insertion et retrait de contraceptifs intra-utérins, réalisation d’interruptions volontaires de grossesse par voie médicamenteuse, concours aux activités d’assistance médicale à la procréation, vaccination, repérage des situations de violences faites aux femmes et, depuis cette année, dépistage et traitement de certaines infections sexuellement transmissibles : voilà quelques exemples des attributions toujours plus nombreuses des sages-femmes, signe de leur rôle essentiel dans le parcours de santé des femmes.
À la rentrée 2022, près de 20 % des places en deuxième année des études de maïeutique sont restées vacantes. Le constat est sans appel : la profession traverse une crise d’attractivité profonde et la France connaît une pénurie sans précédent des vocations, au sein des maternités comme en ville. Ce double phénomène dégrade encore davantage la qualité, la sécurité des soins et les conditions d’exercice, ce qui pousse les sages-femmes et les étudiants à fuir la profession.
Pour la rendre à nouveau attractive, il est indispensable d’en conforter le caractère médical, dès la formation initiale. Les sages-femmes sont encore trop peu considérées comme professionnelles médicales, elles ont la conviction de ne pas être suffisamment reconnues ni valorisées, malgré des compétences – donc des responsabilités – de plus en plus larges.
Cette proposition prévoit de parachever l’intégration universitaire de la formation des sages-femmes dans l’objectif d’homogénéiser leur niveau de formation et de décloisonner les formations en santé par l’intermédiaire des UFR de médecine ou de santé. La formation des sages-femmes sera aussi complétée par un troisième cycle d’études et sa durée portée de cinq à six ans.
Même si le texte ne répond pas à toutes les difficultés que connaît la profession, il reste très attendu car il prend en compte des revendications anciennes et permet que la maïeutique soit reconnue comme une profession, non plus paramédicale, mais médicale. Il ne s’agit pas seulement de rendre le métier plus attractif mais d’accompagner les vocations et d’inciter les étudiantes et les étudiants à choisir ce cursus.
Comme l’a rappelé la rapporteure au Sénat, Raymonde Poncet Monge, la « réforme des études est une porte d’entrée » et il y a « évidemment un problème plus profond ». Nous sommes plusieurs à l’avoir rappelé en commission : sans revalorisation salariale et sans modification des conditions de travail, la reconnaissance demeure souvent un vœu pieux. C’est le grief que nous pouvons faire à cette proposition de loi. En septembre 2021, l’Igas a elle-même indiqué qu’il fallait revaloriser la rémunération des nouvelles recrues à hauteur de 600 euros pour garantir l’attractivité de la profession et rendre les conditions d’exercice plus dignes.
Conscient de la nécessité impérieuse de faire évoluer la profession, le groupe Écologiste-NUPES soutiendra ce texte. Il représente une avancée indéniable et a, à ce titre, été adopté à l’unanimité en première lecture. Nous espérons qu’une augmentation des salaires sera obtenue par la suite, soit dans cet hémicycle, soit par de légitimes mobilisations, que nous soutiendrons bien évidemment. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES, SOC et GDR-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Soumya Bourouaha.
Mme Soumya Bourouaha
L’accouchement est un jour singulier, dont les mères se souviennent toute leur vie. Qu’il soit attendu avec impatience ou redouté avec angoisse, ce jour-là est souvent le premier d’une aventure unique. Pour celles et ceux qui exercent la profession de sage-femme, accompagner les femmes lorsqu’elles donnent la vie est plus qu’un métier, c’est un engagement.
Depuis plusieurs années, les sages-femmes ont acquis de nouvelles responsabilités pour prendre soin de la santé des femmes tout au long de la grossesse et après l’accouchement : suivi gynécologique, accompagnement et informations sur le déroulement de la grossesse, détection des infections sexuellement transmissibles, vaccination ou encore pratique de l’interruption de grossesse médicamenteuse. En somme, leurs missions s’étendent désormais bien au-delà du seul accouchement.
Si cela peut être interprété comme une reconnaissance de leurs savoirs et de leurs compétences, les sages-femmes souffrent d’un manque de valorisation de leur profession, qui reste considérée comme paramédicale et non médicale à part entière. Le métier attire de moins en moins et le nombre de démissions augmente. À la rentrée 2022, 20 % des places en deuxième année d’études de maïeutique étaient vacantes.
Cette proposition de loi répond en partie aux revendications des sages-femmes en leur conférant enfin un statut médical. À l’article 1er, leur formation est confiée aux universités, ce qui permet le rapprochement avec les formations médicales et pharmaceutiques ; à l’article 2, la durée des études, considérée comme trop courte, est portée à six ans par l’ajout d’un troisième cycle. L’article 4 prévoit le reclassement de la profession parmi les professions médicales, ce qui met fin à un paradoxe curieux puisque les maïeuticiens qui exercent à l’hôpital sont rattachés au corps des fonctionnaires et non à celui des praticiens hospitaliers, quand le code de la santé publique considère qu’ils font partie du corps médical. Enfin, la création à l’article 3 d’un statut d’enseignant-chercheur en maïeutique permet de poursuivre les études jusqu’au doctorat et de se consacrer à la recherche universitaire. Le statut de maître de stage agréé en maïeutique, une avancée très attendue, permettra d’encadrer les étudiants en stage en ambulatoire, comme c’est déjà le cas en médecine.
Déposé sous la précédente législature, ce texte, dont je salue l’autrice, Annie Chapelier, a été adopté à l’unanimité en première lecture dans les deux chambres. J’y vois le signe d’un consensus et de la nécessité, urgente, de légiférer dans ce domaine.
Trois articles ayant été adoptés conformes par le Sénat et l’Assemblée, il nous reste deux articles à approuver. Nous soutiendrons pleinement le texte, tout en regrettant que le sujet de la valorisation salariale ait été éludé. Nous espérons que cette question fera l’objet d’une concertation rapide et efficace. Comme toutes les professions de santé, celle de sage-femme a beaucoup souffert des mesures libérales et dévastatrices de ces vingt dernières années. Les décisions de fermeture de nombreuses maternités, d’hôpitaux de proximité, de services et de lits ont écœuré les soignants et éloigné nos concitoyens des parcours de soins. Jamais la médecine de ville et l’hôpital ne pourront fonctionner correctement si leurs fondements reposent sur un système de rentabilité. La bonne santé des Français ne s’accommode pas de la recherche désespérée du profit. Les professionnels de santé souhaitent exercer leurs missions de la meilleure des façons possibles – c’est-à-dire humainement.
M. Pierre Dharréville
Et sans marchandisation !
Mme Soumya Bourouaha
Nous saluons néanmoins les avancées que comporte ce texte, en faveur duquel le groupe de la Gauche démocrate et républicaine-NUPES votera. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Béatrice Descamps.
Mme Béatrice Descamps
Notre groupe est heureux d’examiner à nouveau cette proposition de loi, que nous sommes nombreux à avoir cosignée. Elle est le fruit du travail sérieux, très engagé, de Mme Annie Chapelier, laquelle se réjouit sans nul doute de cet aboutissement.
La situation des sages-femmes est symptomatique de la crise d’attractivité qui atteint bien des professions médicales, et plus largement, les métiers de la santé. Il fallait au moins apporter une réponse concrète dans le volet de la formation, qui demeurait hétérogène et insuffisamment intégrée à l’université.
Tout le monde s’accordera sur la nécessité d’améliorer et d’homogénéiser la formation, compte tenu des compétences de plus en plus importantes qui sont demandées aux sages-femmes. Le texte favorise aussi la recherche en maïeutique ; nous appelons à la soutenir davantage encore en instaurant des bourses doctorales dans ce domaine, largement sous-investi.
Cette proposition de loi n’est qu’une première étape car les sages-femmes demeurent dans un entre-deux. Nous ne pouvons continuellement étendre leur champ d’intervention, leurs compétences et leurs responsabilités sans améliorer leur statut. Je pense particulièrement à la distorsion qui existe entre l’exercice libéral et l’hôpital. Il faut en finir avec le flou actuel, qui donne aux sages-femmes exerçant dans les maternités l’impression d’évoluer dans une zone grise, entre le médical et le paramédical. Loin d’être secondaire, cette question explique sans doute la moindre attractivité de l’exercice hospitalier. Néanmoins, le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires soutiendra bien évidemment la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Chantal Bouloux.
Mme Chantal Bouloux
La proposition de loi qui est soumise à notre examen est bien singulière car elle a été adoptée à l’unanimité à chaque étape de la procédure législative, à l’Assemblée nationale comme au Sénat. Elle est le fruit d’un large travail de concertation, lancé par notre ancienne collègue Annie Chapelier, à qui je rends hommage. La dynamique transpartisane qui s’est naturellement enclenchée sur ce texte pourrait servir de modèle à un travail parlementaire utile et efficace, que nos concitoyens appellent de leurs vœux. Lorsque chacun des députés a en ligne de mire le bien commun et l’intérêt général, la collaboration et la coconstruction deviennent possibles au sein de notre assemblée !
M. Pierre Dharréville
Renoncez donc à la réforme des retraites !
Mme Chantal Bouloux
L’esprit de cette proposition de loi s’inscrit par ailleurs dans la continuité de l’action menée depuis 2017 par le Gouvernement et la majorité présidentielle en matière de santé publique. Création d’une cinquième branche, la branche autonomie, au sein de la sécurité sociale, Ségur de la santé, revalorisation de la rémunération de nos soignants, investissement dans la rénovation de nos hôpitaux et dans du matériel médical performant sont autant de mesures justes et nécessaires que cette majorité présidentielle a prises avec volontarisme et courage.
Cette action du Gouvernement a été guidée une fois encore par la prise en compte continue de l’intérêt général et l’amélioration des conditions de travail de nos soignants au service de la santé des Français. Elle a favorisé une juste reconnaissance de l’engagement sans faille des professionnels du monde médical et une adaptation nécessaire de notre système de soins aux changements structurants qui façonnent déjà une société nouvelle.
Cette action, qui témoigne de la confiance que nous plaçons en nos professionnels de santé, nourrit la philosophie de cette proposition de loi, laquelle tire les conséquences logiques de la loi Rist d’avril 2021 et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 qui ont étendu le champ de compétences des sages-femmes. En matière de formation, elle vise ainsi un double objectif : d’une part, reconnaître la montée en compétences constante et continue observée ces dernières années au sein de cette profession ; d’autre part, adapter le contenu et la durée des formations universitaires y préparant.
Le texte permet d’abord d’améliorer sensiblement la formation des sages-femmes grâce à une pleine intégration aux structures universitaires existantes. Celle-ci conduira à une harmonisation avec les parcours des autres professions médicales. Les maquettes de formation propres à la profession de sage-femme gagneront ainsi en cohérence et en lisibilité.
Traduction de l’une des revendications phares des étudiants et professionnels du secteur lors des mouvements sociaux de 2021, cette partie du texte illustre la volonté politique du Gouvernement et de notre majorité de cultiver un dialogue social honnête et exigeant visant les mêmes objectifs de justice sociale et d’efficacité accrue de notre système de santé.
Le texte permet également de reconnaître l’excellence des parcours en maïeutique en créant un troisième cycle de formation aboutissant à la délivrance d’un doctorat. Il ouvre ainsi la possibilité d’allier exercice quotidien d’une activité de recherche et activité professionnelle. Ici encore, la majorité fait le choix d’investir pour l’avenir dans une formation d’excellence au bénéfice de nos professionnels de santé.
Conformément aux dispositions du code de la santé publique, la proposition de loi procède à l’intégration de la profession de sage-femme dans la nomenclature d’activités française. Cette reconnaissance de la réalité concrète du métier de sage-femme est une mesure de justice permettant de valoriser une profession qui, jusqu’alors et aussi surprenant que cela puisse paraître, n’était pas reconnue comme une profession médicale à part entière.
Pour toutes ces raisons, le groupe Renaissance votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem, HOR et LIOT.)
Mme la présidente
La parole est à M. Serge Muller.
M. Serge Muller
L’ordre des sages-femmes l’a dit, nous connaissons une crise profonde de la profession car le métier attire moins. Ce manque d’attractivité dont résultent des difficultés de recrutement dans nos maternités contribue à dégrader davantage la qualité et la sécurité des soins prodigués aux Françaises. Il conduit également à créer davantage d’inégalités territoriales en matière d’accès aux soins.
Une réforme visant à rendre le métier plus attractif était donc essentielle tant pour assurer la bonne qualité de vie au travail des sages-femmes que pour offrir une meilleure qualité de soins à nos concitoyennes.
La profession ainsi que les syndicats étudiants, dont je tiens à saluer la ténacité sans laquelle nous aurions mis sûrement beaucoup plus de temps à agir, réclamaient trois mesures principales : la pleine intégration universitaire de la formation ; le développement de la recherche en maïeutique ; la reconnaissance statutaire du caractère médical des sages-femmes. C’est chose faite. Les différents articles de cette proposition de loi constituent une véritable réforme : ils suppriment le flou qui régnait autour de la profession et sur son appartenance au secteur médical ou paramédical.
La création du diplôme d’État de docteur en maïeutique, qui était d’ailleurs la revendication principale des sages-femmes, va également permettre de mieux définir leur champ de compétences, lequel a connu de grandes évolutions ces dernières années.
Cette profession ne se limite en effet plus simplement à l’accompagnement de la naissance. Les sages-femmes ont vu leurs compétences s’élargir aux domaines gynécologique, orthogénique, contraceptif, préventif et éducatif. Elles ont également des compétences en matière d’IVG, de dépistages d’IST, de vaccination et dans bien d’autres domaines encore. Il était donc nécessaire de permettre une refonte de leur formation pour leur bien-être mais aussi pour la qualité des soins dispensés à nos concitoyennes.
Je tiens à saluer une disposition qui peut paraître anodine mais qui revêt en réalité une importance capitale. Je veux parler de la création du statut de maître de stage agréé en maïeutique qui contribuera à améliorer l’encadrement des étudiants trop souvent laissés seuls dans l’environnement bouillonnant qu’est celui de l’hôpital.
Trop d’étudiantes et d’étudiants connaissent des symptômes dépressifs lors de ces périodes de stages – sept sur dix seraient concernés –, phénomène qui participe grandement à la perte d’attractivité du métier et aux abandons en cours de formation. Si l’on veut pouvoir attirer à nouveau, nous devons mieux accompagner celles et ceux qui se destinent à cette profession et ce sera, je pense, chose faite grâce à l’article 1er bis.
Il faut voir cette proposition de loi comme la première étape d’une réforme plus profonde. Nous devons tous poursuivre nos réflexions pour parvenir à de nouveaux progrès et en finir avec les pénuries de personnel dans nos hôpitaux. Dans cette perspective, il importe de revoir la rémunération de nos sages-femmes, qui joue un rôle central dans l’attractivité du métier.
Les déserts médicaux sont devenus un enjeu crucial, dans mon département de la Dordogne comme dans beaucoup des vôtres, et nous sommes tous conscients au sein de cet hémicycle de la nécessité de développer des offres de formation sur l’ensemble de nos territoires. Sachant que les étudiants restent généralement dans les villes où ils ont étudié, l’encouragement donné au développement de cette formation et sa pleine intégration universitaire nous permettront d’accomplir des avancées significatives dans l’accès aux soins de nos concitoyennes.
Nous sommes favorables à cette proposition de loi et je tiens pour finir à saluer la dynamique transpartisane qu’elle a suscitée. Il faut que nous nous inspirions de ce mode de travail parlementaire tant réclamé par nos concitoyens. C’est ainsi que nous avancerons dans le sens de leurs intérêts. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Ersilia Soudais.
Mme Ersilia Soudais
La proposition de loi, selon son exposé des motifs, « essaie d’amener des solutions à ce mal-être grandissant et justifié de cette profession pourtant si aimée de nos concitoyens » et nous invite à entendre « les sages-femmes qui nous disent : " On vous fait naître, il faut nous reconnaître ". »
Dans notre société patriarcale, tout ce qui est perçu comme « une affaire de femmes » est dénigré d’une façon ou d’une autre.
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Exactement.
Mme Ersilia Soudais
C’est pourquoi le parcours de formation des sages-femmes, ainsi que leur statut, restent coincés entre professions médicales et paramédicales, ce qui ne correspond pas à leurs compétences réelles. Le métier de sage-femme est une profession médicale, et pour qu’il soit reconnu en tant que tel, une évolution de leur formation s’imposait. En cela, ce texte constitue une avancée. Le changement de nom de leur diplôme d’État, non plus de sage-femme mais de docteur en maïeutique, a une forte portée symbolique. Les sages-femmes ont trop longtemps été placées sous la tutelle des gynécologues obstétriciens alors que, pendant des siècles, elles ont procédé seules aux accouchements.
En vérité, l’article 60 de la loi du 21 juillet 2009 avait déjà créé un article dans le code de la santé publique prévoyant que « la formation initiale des sages-femmes peut être organisée au sein des universités ». En 2012, une circulaire fixait un objectif d’intégration totale de la formation de sage-femme à l’université d’ici à cinq ans, soit en 2017. Échec total, puisque seules onze écoles de sages-femmes ont franchi le pas sur un total de trente-cinq. Ces écoles craignent leur disparition pure et simple car seules vingt-neuf universités disposent d’une UFR de médecine. Certaines écoles pourraient donc être regroupées et disparaître. Il faudrait créer davantage d’UFR de médecine pour remédier à ce déséquilibre, en ne perdant pas de vue que, pour les universités, la question budgétaire est centrale et qu’il est difficile d’occulter les années d’austérité qu’elles ont subies.
Le rapport de l’Igas de juillet 2021 recommande d’« élaborer un plan destiné à finaliser le processus d’universitarisation, sous l’égide d’un comité de suivi national » qui réunirait d’abord les différents acteurs. La date butoir du 1er septembre 2027 proposée dans le texte nous semble bien lointaine.
Cela étant posé, le problème du mal-être des sages-femmes ne saurait de toute façon être résolu par ce texte, dont les avancées sont insuffisantes. Il faut absolument que celles-ci soient accompagnées d’une revalorisation réelle des salaires, les primes ayant tendance à disparaître à la moindre absence pour maladie ou grossesse. Soulignons qu’un quart des sages-femmes n’ont pas touché les primes et revalorisations engagées en 2021. Et quelle absurdité de constater que celles qui aident les femmes à accoucher sont pénalisées quand elles-mêmes accouchent ! L’Igas indiquait par ailleurs en septembre 2021 qu’il fallait revaloriser à hauteur de 600 euros le salaire des nouvelles entrantes dans le métier afin de garantir l’attractivité de celui-ci.
Il importe également que le personnel en salle d’accouchement soit en nombre suffisant et que les moyens alloués à l’hôpital soient dignes de ce nom. Beaucoup de sages-femmes ont le sentiment de mal faire leur travail, de devoir toujours avoir un œil sur le chrono et d’être absorbées par la paperasse au lieu de se tenir aux côtés des femmes qu’elles accompagnent.
La question est simple : dans quelles conditions accepte-t-on que les femmes accouchent et que les enfants naissent ? Plus de la moitié des événements indésirables graves associés à des soins (EIGS) survenus en obstétrique seraient évitables selon un rapport de la Haute Autorité de santé (HAS) publié le 21 novembre 2022. La surcharge de travail et les sous-effectifs sont mis en cause dans les accidents dans la majorité des cas.
À la maternité de Meaux, en Seine-et-Marne, il manque six sages-femmes, soit 25 % des effectifs, lesquels resteraient insuffisants même si les personnels étaient au complet. Cela a conduit la direction à demander à celles qui restent de faire toujours plus d’heures supplémentaires et aux infirmières de les suppléer, sans qu’elles soient formées pour cela. Après tout, l’accouchement est une « affaire de femmes » : ce sont des femmes, où est le problème ? (Mme Annie Vidal s’exclame.)
Ayez bien conscience de l’impact du manque de moyens alloués à l’hôpital. Une infirmière de Meaux m’a ainsi confié qu’une femme voulait rester plus longtemps car la mise au sein ne se passait pas bien. Quand elle a demandé que son appel à l’aide soit entendu, on lui a répondu : « Ce n’est pas grave, si elle a un problème, elle ira aux urgences pédiatriques et ça fera des sous. ». (Exclamations sur les bancs des groupes RE et LR.)
M. Sylvain Maillard
C’est ridicule !
Mme Virginie Duby-Muller
C’est mal venu !
M. Maxime Minot
Tout se passait très bien jusqu’ici !
Mme Ersilia Soudais
Face à ce cynisme, l’infirmière a fait un burn-out : « J’ai dû la mettre dehors, m’a-t-elle dit. Le soir, je suis tombée sur mon tapis et j’ai oublié d’aller chercher mes enfants. On m’avait mise en échec. »
Si notre vote sera favorable, nous espérons qu’un geste salarial suivra et que des efforts seront faits pour améliorer les conditions de travail des sages-femmes et de tous les personnels hospitaliers. Nous avons fait un petit pas et il n’y a pas de quoi faire la fête, chers collègues.
M. Éric Bothorel
On n’avait pas l’intention de la faire…
Mme Ersilia Soudais
Il nous reste tout un boulevard à parcourir. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Mme la présidente
Sur l’ensemble de la proposition de loi, je suis saisie par le groupe Horizons et apparentés d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Yannick Neuder.
M. Yannick Neuder
Comme toutes les professions de santé, les sages-femmes ont vu leur rôle, leur domaine de compétences et leur champ d’action sans cesse évoluer et s’élargir et cela continuera ainsi. Ces évolutions entraînent d’importantes conséquences sociétales et professionnelles. Toutefois, elles révèlent aussi le flou qui persiste sur le statut réel des sages-femmes et accentuent leur impression d’être dans une zone grise, entre le médical et le paramédical.
L’enseignement a connu d’importantes évolutions, mais par à-coups, sans que la profession de sage-femme soit jamais pleinement reconnue comme devant faire l’objet d’un parcours universitaire.
À partir de 1992, dans mon département de l’Isère d’abord, à la faculté de médecine de Grenoble, puis dans le reste de la France en 2002, la première année du premier cycle des études de médecine (PCEM1) est devenue commune à toutes les écoles de sages-femmes, faisant passer de quatre à cinq leur nombre d’années d’études. Cette année commune a profondément modifié la sociologie des étudiants en maïeutique puisque les promotions résultent désormais d’un classement commun avec la médecine, l’odontologie et, depuis la création de la première année commune aux études de santé (Paces), avec la pharmacie.
Cependant, l’hétérogénéité de l’enseignement perdure, car il relève de la compétence des régions, ce qui induit des disparités sur le territoire national. Depuis la loi de décentralisation du 13 août 2004, ces écoles font l’objet d’une régulation et d’un financement régional. Ce régime correspond à celui des formations paramédicales, en dépit du statut médical des sages-femmes. Il est donc nécessaire de mieux définir les compétences des sages-femmes et de faire évoluer leur formation initiale.
La profession de sage-femme ne se limite plus au seul accompagnement de la naissance mais voit ses missions considérablement élargies : suivi gynécologique, contraception, orthogénie, procréation médicalement assistée (PMA), rééducation périnéale, prévention ou encore éducation. Récemment, de nouvelles missions leur ont encore été confiées : consultation de premier recours, IVG, vaccination, prescription d’arrêts de travail, dépistage des IST ou encore rôle accru dans les maisons de naissance. Cette extension de compétences, conjuguée avec un volume déjà très dense de formation, nécessite un ajustement pédagogique pour mieux former les sages-femmes et leur donner tous les outils nécessaires.
Le rôle majeur et renouvelé des sages-femmes exige donc une mise en cohérence de leur formation dans un cadre rénové. L’objectif de la proposition de loi est notamment de créer un troisième cycle d’études, portant à six le nombre d’années d’études et permettant l’obtention d’un diplôme d’État de docteur en maïeutique, sur un modèle se rapprochant du diplôme d’État de docteur en pharmacie ou de docteur en chirurgie dentaire.
Que ce soit à l’hôpital ou en ma qualité de vice-président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, j’ai moi-même été saisi à plusieurs reprises par des étudiants en maïeutique, qui attendent cette révision avec impatience. L’instauration de ce troisième cycle permettrait non seulement d’étaler le contenu des connaissances à acquérir mais également d’ajouter de nouveaux enseignements afin de leur permettre de se préparer à l’élargissement du champ d’intervention des sages-femmes.
C’est pourquoi, convaincu de l’opportunité et de l’utilité publique de cette proposition de loi qui tend à l’universitarisation de la formation des sages-femmes, le groupe Les Républicains se prononce pour l’adoption conforme du texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.
Mme Emmanuelle Ménard
Héritières d’une sagesse millénaire, les sages-femmes nous mettent au monde…
Mme Prisca Thevenot
Non, ce sont nos mamans qui nous mettent au monde !
Mme Emmanuelle Ménard
…et prennent soin de nos mères, dans les instants de vulnérabilité que sont ceux de l’enfantement. Il s’agit d’une vocation plus que d’une profession, tant leur art se rapproche de l’intime et du sacré, puisque c’est entre leurs mains que la vie est confiée.
Des mains qui, depuis quelques années maintenant, ont pris leurs plumes pour nous écrire et nous alerter sur la dégradation de leurs conditions de travail. Le constat est malheureusement sans appel : les hôpitaux perdent des sages-femmes et, dans le même temps, peinent à recruter de jeunes diplômés qui ne souhaitent plus y exercer, fatigués par les conditions dans lesquelles on leur demande d’accomplir leur mission et par le non-respect de leur statut médical. Le Ségur de la santé avait bien apporté quelque espérance mais les mesures prises sont demeurées insuffisantes pour restaurer une attractivité professionnelle perdue.
Épuisées de ne pas être entendues, bon nombre de sages-femmes ont rangé leur blouse au placard, engendrant une pénurie sans précédent de professionnelles au sein des maternités, comme en ville. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : les radiations des sages-femmes en âge d’exercer enregistrées par le Conseil de l’Ordre ont augmenté de 112 % au cours du premier semestre 2022, phénomène qui contribue mécaniquement à une accélération de la dégradation des soins prodigués.
Inédite pour la profession, cette perte d’attractivité n’en est qu’à ses débuts : près de 20 % des places en deuxième année d’études de maïeutique sont restées vacantes lors de la rentrée 2022. Cette tendance pourrait s’inverser si les sages-femmes étaient mieux considérées et reconnues. C’est ce qu’elles demandent et c’est ce que nous leur devons. Leur statut doit évoluer et, à tout le moins, être clarifié. Tantôt reconnue comme médicale, notamment lorsque leur responsabilité pénale peut être engagée, leur profession redevient paramédicale dès lors qu’il s’agit de lui accorder quelque avantage.
La perte d’attrait de la profession s’explique aussi par un niveau élevé d’études – cinq années à ce jour –, qui n’est gratifié pour les sages-femmes hospitalières débutantes que d’un salaire oscillant entre 1 600 et 1 800 euros par mois.
M. Vincent Descoeur
C’est peu !
Mme Emmanuelle Ménard
Cette situation est d’autant plus injuste qu’elles ne peuvent ni bénéficier de certaines primes accordées aux médecins ni compléter leur salaire en exerçant leur activité de manière mixte, c’est-à-dire à la fois en ville et à l’hôpital, plus de trois ans dans leur carrière.
Dès lors qu’il est proposé, comme c’est le cas aujourd’hui, de pallier ce défaut de reconnaissance, je ne peux qu’être d’accord ; sans pour autant être dupe. Car si nous voulons véritablement et durablement régler la question de l’attractivité de la profession, c’est en réalité celle des conditions de travail et des moyens engagés en faveur de l’hôpital public qu’il faut résoudre. Or, malgré les nombreuses promesses du Gouvernement, le système hospitalier français reste extrêmement fragile.
Si cette proposition de loi n’est que la première pierre d’une réforme qui devra être d’envergure, elle a au moins un mérite : permettre l’intégration universitaire de la formation initiale des sages-femmes, ainsi que la création d’un troisième cycle court pour les étudiants en maïeutique. Cette création devrait d’ailleurs permettre la clarification du financement des formations initiales qui relève actuellement de la seule compétence des régions. L’instauration d’un troisième cycle court devrait normalement replacer la filière maïeutique au sein de l’université, les régions n’ayant pas compétence pour délivrer un diplôme de troisième cycle. Dans un souci de cohérence, il est donc urgent de resituer la formation et son financement sous la responsabilité des universités.
Ce texte est également l’occasion d’octroyer aux sages-femmes un statut de bi-appartenance, qui leur permettrait d’exercer leur profession tout en enseignant à l’université, ce qui constituerait un plus pour les étudiants en maïeutique. Difficile dès lors de comprendre pourquoi cette possibilité leur est catégoriquement refusée.
Enfin, s’il est prévu que la formation des sages-femmes se déroulera prioritairement au sein d’unités de formation et de recherche en santé, il est à noter que toutes les universités n’en sont malheureusement pas dotées. La formation des sages-femmes à l’université ne doit pas dépendre de la hiérarchie des médecins, mais doit être distinctement positionnée à leurs côtés, à l’instar des chirurgiens-dentistes qui exercent une profession médicale à compétences définies comme celle des sages-femmes.
Vous l’avez compris, je soutiendrai ce texte qui constitue une avancée indispensable.
M. Sylvain Maillard
Très bien !
Mme Emmanuelle Ménard
Mais, ne nous leurrons pas, il reste beaucoup à faire pour redonner confiance à cette belle profession, trop longtemps délaissée. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE, RN, LR et Dem.)
Mme la présidente
La discussion générale est close.
Discussion des articles
Mme la présidente
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
Article 1er
(L’article 1er est adopté.)
Article 2
(L’article 2 est adopté.)
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 111
Nombre de suffrages exprimés 111
Majorité absolue 56
Pour l’adoption 111
Contre 0
(La proposition de loi est adoptée.)
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR et sur quelques bancs du groupe RN.)
3. Ordre du jour de la prochaine séance
Mme la présidente
Prochaine séance, demain, à neuf heures :
Questions orales sans débat.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures cinquante-cinq.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra