XVIe législature
Session ordinaire de 2022-2023

Deuxième séance du lundi 28 novembre 2022

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Deuxième séance du lundi 28 novembre 2022

Présidence de Mme Valérie Rabault
vice-présidente

Mme la présidente

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

    1. Protection des logements contre l’occupation illicite

    Discussion d’une proposition de loi

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Guillaume Kasbarian et plusieurs de ses collègues visant à protéger les logements contre l’occupation illicite (nos 360, 491).

    Présentation

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Guillaume Kasbarian, président et rapporteur de la commission des affaires économiques.

    M. Guillaume Kasbarian, rapporteur de la commission des affaires économiques

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    Cécilia, en procédure avec ses locataires depuis six ans, a dû déménager dans une petite maison rurale : elle n’arrivait plus à faire face aux 75 000 euros d’impayés, 25 000 euros de charges et 7 000 euros d’honoraires d’avocat que lui coûte son appartement occupé en région parisienne. Mégane, dans la Somme, qui a hérité de la maison de sa mère décédée en février, est actuellement hébergée par des amis : sa maison est occupée par un locataire qui ne paye plus son loyer depuis quinze mois. Pierre et Maryse, à Marseille, ont dû vivre dans un camping-car pendant plus de deux ans : ils n’arrivaient plus à vivre décemment car leur locataire n’avait pas réglé de loyer depuis deux ans.

    M. Paul Midy

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    C’est vrai !

    M. Lionel Royer-Perreaut

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    Je confirme !

    M. Guillaume Kasbarian, rapporteur

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    Nous avons tous déjà reçu dans nos permanences, en circonscription, des petits propriétaires qui ne roulent pas sur l’or. Ils ont parfois hérité de la maison familiale ; ils ont parfois acheté ce bien à la sueur de leur front ; ils se sont parfois endettés pour financer ce logement. Ils se retrouvent, du jour au lendemain, victimes de squat ou engagés dans des procédures kafkaïennes en raison d’impayés qui durent depuis des années. Je remercie vivement les nombreuses personnes qui ont fait l’effort de nous envoyer un témoignage écrit ; en quelques jours, nous en avons reçu près de deux cents. Je remercie également la dizaine de victimes qui ont fait l’effort de venir, parfois de loin et parfois en se levant à trois heures du matin, témoigner devant notre commission.
    Ces situations sont insupportables. D’une part, elles plongent dans la précarité des citoyens qui travaillent dur et respectent les règles ; d’autre part, elles touchent un principe fondamental que certains ont parfois tendance à oublier, celui du respect du droit de propriété, droit inviolable et sacré inscrit à l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
    Face à ces situations intolérables qu’égrènent les actualités locales et qui suscitent l’indignation de nos concitoyens, nous avons déjà agi avec fermeté. Après sa création en 2007, la procédure accélérée d’expulsion des squatteurs n’avait plus été modifiée et fonctionnait mal. Nous avons donc repris le sujet dans la loi Asap – loi d’accélération et de simplification de l’action publique – en 2020, ce qui nous a permis de procéder, sur ce fondement, à 170 expulsions de squatteurs en 2021. Mais l’actualité nous a montré maintes et maintes fois qu’il fallait aller plus loin ou, en tout cas, aborder plus globalement le problème. C’est ce que permet la proposition de loi du groupe Renaissance que nous examinons ce soir.
    La première partie du texte a été largement enrichie en commission par les apports de nos collègues des groupes Renaissance et Les Républicains. Deux nouveaux articles ont été créés : ils permettent, entre autres, de mieux caractériser le délit de squat et de protéger les propriétaires contre les dépenses d’entretien excessives nées des situations de squat. Deux autres articles rendent plus efficace la lutte contre les marchands de sommeil, en sanctionnant les faux propriétaires qui exploitent les personnes vulnérables, et celle contre le squat, en assurant une meilleure utilisation collective des immeubles vacants.
    Au-delà des cas de squat, toute une zone grise n’est pas traitée par le biais des procédures existantes. Je pense au refus de payer, partiellement ou dans son intégralité, le loyer, qui peut grever pendant des mois ou des années la situation financière d’un petit bailleur dont le logement constitue un complément de retraite, ou encore au refus de quitter les lieux en fin de bail quand le bailleur souhaite les récupérer pour lui-même ou pour un membre de sa famille, refus qui le contraint à déménager ou à faire héberger ses enfants.
    Certes, la plupart des locations se passent très bien ; pour elles, la proposition de loi n’aura aucun impact. Mais pour mieux protéger tous les autres locataires, nous devons agir contre les comportements abusifs de la part d’une minorité d’entre eux, qui doit être mieux sanctionnée. Ces comportements augmentent l’appréhension et les exigences des bailleurs, ou découragent certains d’entre eux de mettre en location leur bien. Si le marché locatif est engorgé par des demandes de tout ordre – de certificats, de garanties, de cautions, d’attestations, de justificatifs –, c’est qu’il n’y a pas assez de confiance entre les bailleurs et les locataires.

    M. Benjamin Haddad

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    Il a raison !

    M. Guillaume Kasbarian, rapporteur

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    Si nous réussissons à rétablir cette confiance, il deviendra vite possible de diminuer les exigences des bailleurs. Ce qui sape cette confiance, c’est une minorité de locataires indélicats qui continuent d’occuper un logement, parfois malgré la décision d’un juge de rompre le bail et de procéder à l’expulsion. Qui en paie les conséquences ? L’immense majorité des locataires bons payeurs. Au-delà de leur coût humain immédiat, les lenteurs et le manque de réactivité des procédures tout au long du règlement des conflits dans les rapports locatifs entament la confiance qu’ont nos concitoyens dans la justice et dans nos institutions. C’est la raison pour laquelle la proposition de loi traite des relations entre le locataire et le bailleur.
    Ces dernières années, nous avons porté une grande attention à la sécurisation des locataires : l’encadrement des loyers en zone tendue que nous avons créé en 2018, dans la loi Elan – loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique –, a été prorogé jusqu’en 2026 par la loi 3DS – loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale – en février dernier. Nous avons étendu Visale – visa pour le logement et l’emploi –, également lancé en 2018, pour permettre un cautionnement plus fiable des locataires. Il y a quelques mois encore, dans la loi portant mesures d’urgence pour le pouvoir d’achat, nous avons plafonné l’évolution à la hausse des loyers en dessous du niveau de l’inflation. Nous attendons par ailleurs des efforts importants des propriétaires en matière de mise à niveau énergétique du parc locatif : je rappelle que toutes les passoires thermiques seront concernées d’ici 2025 et 2028, c’est-à-dire, au bas mot, 1,5 million de logements dans le parc locatif privé.
    La proposition de loi s’inscrit donc dans la recherche d’un équilibre entre la protection accordée aux locataires et les efforts supplémentaires demandés aux bailleurs. Dans un contexte tendu, il est important d’envoyer un signal aux bailleurs afin de ne pas désinciter à l’investissement. C’est d’autant plus vrai que les options s’offrant aux investisseurs sont simples à réaliser, à commencer par le parc des meublés de tourisme ou celui des résidences services. Voilà pourquoi il me semble impératif d’agir avec vigueur pour remédier à ces injustices. C’est le sens de la proposition de loi : nous ne supprimons aucune des étapes de la procédure du contentieux locatif ; nous proposons simplement des accélérations de procédure pour arriver plus vite à des décisions exécutoires, car nous pensons que les procès qui durent des années ne sont positifs pour personne.
    En commission, de nombreux amendements ont renforcé le texte en favorisant l’accélération des procédures. Nous avons également amélioré la capacité du juge à apprécier la situation du locataire pour distinguer celui qui est de bonne foi de celui qui est de mauvaise foi. C’est un travail que, j’espère, nous pourrons poursuivre ensemble en séance.
    Comme en commission, les amendements déposés pour la séance témoignent de positions idéologiques radicalement différentes. En lisant certains amendements des groupes La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale et Écologiste-NUPES, j’ai l’impression que certains veulent défendre les squats, allonger les procédures ou, tout simplement, ne veulent pas parler des petits propriétaires en difficulté au simple motif qu’ils sont propriétaires.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    C’est exactement cela !

    M. Benjamin Haddad

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    C’est bien malheureux !

    Mme Nathalie Oziol

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    C’est un peu facile !

    Mme Sandra Regol

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    L’abbé Pierre aurait adoré votre homélie !

    M. Guillaume Kasbarian, rapporteur

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    Mais une grande majorité de nos collègues a déposé des amendements qui attestent la volonté du législateur de renforcer la protection du domicile, de sanctionner sévèrement le squat, d’accélérer les procédures et de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour répondre à ces situations de détresse psychologique et sociale, quand bien même elles seraient minoritaires. Celles et ceux d’entre vous qui ont reçu un jour, dans leur permanence, un citoyen dont le domicile est squatté ou un propriétaire dont le bien est occupé par un locataire qui ne paie plus depuis des années savent que la situation actuelle ne peut plus durer. Nous avons le devoir d’agir. C’est ce qu’attendent les victimes. C’est ce qu’attendent les Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et sur plusieurs bancs des groupes LR, Dem et HOR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le garde des sceauxgarde des sceaux, ministre de la justice.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

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    Alors que se sont multipliés récemment les exemples médiatisés de petits propriétaires laissés dans l’incapacité de récupérer un logement, votre proposition de loi, monsieur le rapporteur, apporte une réponse indispensable à ces situations qui, à juste titre, choquent nos concitoyens. Je salue donc cette initiative qui s’est inscrite en synergie avec les travaux de la Chancellerie, notamment sur la redéfinition de la notion de domicile, afin de mieux réprimer les squats, qui ne sont plus tolérables. Je veux être très clair : il ne s’agit pas de favoriser de riches propriétaires, des rentiers qui exploiteraient les gens démunis, mais bien de faire respecter notre droit et de faire cesser l’affaissement de l’autorité de l’État, que toutes les affaires médiatisées ont gravement mise à mal.
    Ces situations ont souvent mis en lumière de petits propriétaires qui, ayant économisé toute leur vie pour acquérir un bien, qu’ils ont loué, se retrouvent dans l’impossibilité de récupérer le fruit de leur travail et de leurs économies. Je pense en particulier à l’exemple d’une vieille dame vivant dans un Ehpad, qui s’est retrouvée dans l’incapacité de récupérer l’appartement, squatté, qu’elle souhaitait vendre pour payer les mensualités de son Ehpad et assurer ainsi sa fin de vie. Impossible de récupérer son bien, car l’appartement était occupé de façon illégale. Cette situation est intolérable et porte gravement atteinte à notre pacte social et républicain, lequel veut que les citoyens s’en remettent aux autorités pour faire respecter la loi. Il est inacceptable qu’une dame âgée angoisse à l’idée de ne plus pouvoir payer ses traites parce qu’elle ne peut pas récupérer un bien acquis à la sueur de son front.
    Je le dis tout net : la lutte contre les squats est nécessaire. Dans cette lutte, force doit rester à la loi, laquelle doit d’abord protéger les gens honnêtes.

    M. Jocelyn Dessigny

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    Une fois n’est pas coutume !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je suis particulièrement sensible à ces situations individuelles qui concernent la vie quotidienne de femmes et d’hommes, une vie quotidienne que nous essayons, chacun à notre niveau, d’améliorer chaque jour. Non, le logement n’est pas un lieu ou un bien matériel comme les autres. C’est le lieu de l’intime, du repos, de la famille. Il convient de le protéger contre les atteintes qui peuvent y être portées.
    J’ai examiné en détail la proposition de loi. Je salue votre travail, monsieur le président Kasbarian, ainsi que celui de la commission des affaires économiques. Avant de vous livrer mon avis sur chacune des dispositions qu’elle comporte, je voudrais faire quelques rappels généraux.
    La protection du droit de propriété figure effectivement au nombre des droits de l’homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789. Toutefois, ce n’est pas le droit de propriété que protège aujourd’hui le délit de l’article 226-4 du code pénal, mais le domicile, comme émanation du droit au respect de la vie privée, lequel est constitutionnellement et conventionnellement garanti. C’est l’objet du délit de violation de domicile. Depuis 2015, l’article 226-4 distingue expressément deux infractions, dont celle de maintien dans le domicile d’autrui, qui présente la particularité d’être une infraction continue et non une infraction instantanée, comme l’est l’introduction dans le domicile d’autrui. Cette particularité fait que les forces de l’ordre peuvent, tout au long de l’occupation, intervenir et interpeller les squatteurs, quel que soit le délai écoulé – quarante-huit heures ou plus – depuis leur introduction dans le domicile. Cette infraction est donc un outil juridique efficace et puissant pour faire cesser les situations de squats caractérisées. J’insiste sur ce fait car il est trop souvent cité, dans la presse, des cas de Français partis en vacances et qui ne peuvent pas récupérer leur domicile car plus de quarante-huit heures seraient passées.
    Votre proposition de loi vise à augmenter les peines encourues pour la violation de domicile afin de les aligner sur celles encourues par le propriétaire qui, par exemple, rentre chez lui à l’aide de manœuvres dans le but de récupérer son bien. C’est le monde à l’envers !

    M. Philippe Vigier et Mme Annie Genevard

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    Absolument !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Pis, des informations me sont remontées selon lesquelles le squatteur a parfois le cynisme d’afficher sur la fenêtre du domicile qu’il occupe les pénalités qui seraient encourues par le propriétaire. On marche sur la tête ! (« C’est vrai ! » et applaudissements sur les bancs des groupes RE, LR, Dem et HOR.) Je suis donc – vous l’avez compris – tout à fait favorable à cet alignement dans l’échelle des peines, qui me semble en effet nécessaire et permettra de répondre à une situation que nous ne pouvons que qualifier de totalement injuste.
    Je suis, en revanche – il fallait un bémol –, un peu plus réservé sur l’article 2 de la proposition de loi, qui vise à clarifier les notions utilisées dans l’infraction de violation de domicile en élargissant la notion de domicile à celle de domicile vide de meubles. Or un bien immobilier ne peut être considéré comme un domicile s’il ne comporte pas des éléments minimaux nécessaires à l’habitation. Un tel élargissement soulève donc des difficultés d’ordre constitutionnel car il porte atteinte au sens du délit de violation de domicile, qui vise à protéger, comme je l’ai rappelé, la vie privée et familiale et non le droit de propriété. En revanche, l’extension de la notion de domicile à la résidence secondaire ne pose pas de problème,…

    M. Sylvain Maillard

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    Très bien !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …car le domicile est déjà interprété de cette manière par la jurisprudence. J’ai bon espoir que nos débats nous permettront d’avancer sur ce point.
    Je veux également faire part de mes fortes réserves quant à l’article 1er A, issu des travaux de votre commission, qui prévoit la création d’un délit général d’occupation sans droit ni titre, de mauvaise foi, d’un immeuble d’habitation.
    En premier lieu, il présente d’importantes fragilités constitutionnelles eu égard au principe de légalité des délits, qui impose de définir clairement le champ d’application de l’infraction. Or, vous me l’accorderez, la « mauvaise foi » ne fait l’objet d’aucune définition en droit pénal.

    M. Sylvain Maillard

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    Elle existe, pourtant !

    M. Pierre Dharréville

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    Vous en savez quelque chose !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Oui, je vous le confirme, monsieur Maillard. Elle existe partout – sauf dans l’hémicycle, naturellement. (Sourires.)

    M. Jocelyn Dessigny

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    Cela dépend du ministre qui est au banc !

    M. Stéphane Peu

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    Elle existe jusqu’à la tribune de cette assemblée.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    En deuxième lieu, le champ d’application de ce délit me paraît trop large, voire excessif : il aurait également pour effet d’incriminer les locataires défaillants qui ne font l’objet d’aucune mesure d’expulsion, y compris pendant la trêve hivernale et y compris si aucune procédure d’expulsion n’a été lancée à leur encontre.
    Enfin, cet article procède à un renversement de la charge de la preuve et instaure, de ce fait, une présomption de culpabilité. Un tel dispositif présente un risque constitutionnel extrêmement important.
    En complément des outils offerts par notre procédure pénale, nous disposons de deux voies pour expulser le squatteur du logement d’autrui : une voie civile et une voie administrative.
    La voie civile permet de saisir le juge des référés. Celui-ci, lorsqu’il constate l’existence d’un trouble manifestement illicite, c’est-à-dire l’occupation du bien, peut ordonner les mesures conservatoires qui s’imposent, dont l’expulsion. Selon les données statistiques de 2021, le délai moyen de traitement d’une demande d’expulsion d’un squatteur devant le juge judiciaire est de cinq mois.
    Nous disposons également, depuis la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, dite loi Dalo, d’une procédure administrative d’exécution forcée. L’article 38 de cette loi permet aux préfets, lorsqu’une plainte a été déposée pour violation de domicile, d’ordonner l’expulsion des squatteurs sans attendre qu’une décision judiciaire soit rendue.

    M. Sébastien Delogu

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    On rêve !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    À la suite de l’entrée en vigueur de la loi Asap, qui est venue compléter la loi Dalo, nous avons pris l’initiative, avec mes collègues des ministères de l’intérieur et du logement, d’adresser, le 22 janvier 2021, une instruction aux préfets pour détailler la mise en œuvre de cette procédure et leur enjoindre d’assurer la rapidité de son exécution. Plus que jamais, l’exécutif est donc mobilisé pour lutter contre les squats.
    La présente proposition de loi tend à renforcer la procédure administrative afin de faciliter l’expulsion des occupants sans droit ni titre. Il me semble toutefois nécessaire de veiller à ce que ces nouveaux dispositifs ne puissent pas avoir de conséquences sur les locataires de bonne foi qui peuvent se trouver dans une situation économique délicate et qu’il est indispensable de ne pas pointer du doigt dans un contexte économique incertain. Il faut garder à l’esprit que notre droit civil permet d’aménager les droits des locataires qui ne paient plus leurs loyers, en permettant au juge, après la délivrance d’un commandement de quitter les lieux, d’octroyer de façon exceptionnelle des délais supplémentaires afin de permettre à des familles en situation de précarité de se reloger dans des conditions dignes. Le droit civil fait également obstacle aux expulsions durant la trêve hivernale. C’est là un acquis non négligeable – j’insiste sur ce point – car la loi veille ainsi à répondre à des situations individuelles qui peuvent se révéler dramatiques. Il n’apparaît pas souhaitable que la légitime lutte contre les squatteurs conduise à modifier ces équilibres. Votre proposition de loi prévoit la réduction de certains délais de procédure, afin d’accélérer le traitement de ces affaires. Cela ne bouleverse pas l’équilibre des droits en présence ; j’y suis donc tout à fait favorable. Cette recherche d’équilibre se retrouve également dans les textes actuels, entre le dispositif pénal qui réprime la violation de domicile et l’article 38 de la loi Dalo.
    S’agissant des propriétaires, il est important de sécuriser leur situation face à des occupations illicites de leur bien et donc de les décharger, dans certaines circonstances, de leur responsabilité. C’est l’objet de l’article 2 bis de la proposition de loi.
    Il me semble indispensable de trouver un équilibre entre la défense de la propriété immobilière, qui concerne aussi les petits propriétaires, et le droit au logement, dans le respect de nos principes constitutionnels. C’est tout le sens des débats que nous allons avoir et qui sont, je le crois, absolument nécessaires.
    Avant de laisser la parole à mon ami et collègue Olivier Klein, qui nous éclairera sur le volet logement du texte, je tiens à saluer l’esprit de coconstruction qui a présidé à la conception de cette proposition. Je veux ainsi remercier le président Kasbarian, les groupes de l’opposition – je pense aux groupes Les Républicains et LIOT –,…

    M. Stéphane Peu

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    Et Rassemblement national !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    … et ceux de la majorité bien entendu, qui ont participé à l’amélioration de ce texte – je pense en particulier à Paul Midy, mais également à Philippe Pradal et aux députés du groupe Démocrate.
    Dans la lutte contre les squats, ce texte est une nouvelle étape intéressante. Faisons en sorte, tous ensemble – cela nous est arrivé il y a quelques jours, et même il y a quelques heures –, qu’il apporte des solutions efficaces, concrètes et respectueuses de nos grands principes constitutionnels. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem, HOR et LIOT.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué chargé de la ville et du logement.

    M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement

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    Le texte que nous examinons a trait à des situations humaines souvent complexes.
    Dans sa première partie, il traite du cas inacceptable des squats – et je connais votre attachement, monsieur le rapporteur, à résoudre de tels cas, comme l’a rappelé le garde des sceaux. Je salue, à cet égard, l’adoption en commission d’un amendement du groupe Renaissance qui vise à sanctionner pénalement les marchands de sommeil, qui, indûment, organisent des squats en faisant croire qu’ils sont propriétaires des logements, et ce en toute illégalité et au détriment des plus faibles.

    M. Philippe Vigier

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    Ce n’est pas bien du tout !

    M. Olivier Klein, ministre délégué

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    C’est inacceptable, et le Gouvernement est pleinement mobilisé contre ce phénomène. Son action en la matière s’inscrit dans le cadre de la lutte contre l’habitat indigne, dont les procédures ont été renforcées et simplifiées par la loi Elan, adoptée sous la précédente législature.
    Toutefois, il nous faut aussi chercher les moyens de mobiliser les locaux vacants qui peuvent offrir légalement un toit à ceux qui en ont besoin. La proposition de loi vise ainsi à prolonger le dispositif expérimental qui permet à un propriétaire de confier, pendant une durée donnée, un local vacant à une association afin qu’elle y accueille et y héberge celles et ceux qui en ont besoin.

    Un député du groupe RE

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    C’est très bien !

    M. Olivier Klein, ministre délégué

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    Je sais que notre discussion nous permettra d’évoquer la pérennisation de ce dispositif social.
    La proposition de loi prévoit, par ailleurs, un durcissement du droit existant à l’encontre des locataires mauvais payeurs. Je tiens à être clair sur ce point : l’assimilation d’un locataire mauvais payeur à un squatteur n’a pas lieu d’être. Il s’agit de situations très différentes.

    Mme Danielle Simonnet

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    Dommage de les traiter dans la même loi !

    M. Olivier Klein, ministre délégué

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    J’ai conscience que, dans le cas des impayés de loyers, nous avons affaire à des situations humaines toujours très complexes. L’examen de ce texte doit donc s’inscrire dans la recherche d’un équilibre, car l’enjeu est double : il nous faut, d’un côté, sécuriser les bailleurs – le parc locatif étant essentiel dans le parcours résidentiel –, de l’autre, accompagner les locataires en difficulté grâce à des outils adaptés.
    Notre politique, c’est la prévention des expulsions.

    Mme Danielle Simonnet

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    Ah bon ?

    M. Olivier Klein, ministre délégué

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    De nombreux dispositifs sont développés pour accompagner les locataires en difficulté et éviter d’en arriver à l’expulsion. En amont des procédures, des outils sont déployés dans le cadre du plan interministériel de prévention des expulsions. Ainsi, des équipes mobiles de soixante-dix juristes et travailleurs sociaux, financées par l’État, rencontrent les locataires en difficulté dans de nombreux départements, et le Fonds de solidarité pour le logement (FSL), géré par les conseils départementaux et financé en partie par l’État, accompagne les locataires.
    Ce soutien est particulièrement nécessaire dans la période actuelle, où les charges augmentent, malgré les boucliers tarifaires, la limitation de la hausse des loyers et l’accompagnement proposé par l’État notamment sous la forme du chèque énergie. Notre objectif est évidemment que la hausse des charges n’entraîne aucune expulsion locative. Je veux d’ailleurs rappeler que j’ai demandé aux caisses d’allocations familiales (CAF) de continuer à verser les aides personnelles au logement (APL) à tous les locataires de bonne foi qui se trouvent dans une situation de loyers impayés.
    Quant aux propriétaires bailleurs, ils peuvent être indemnisés lorsque l’État ne leur accorde pas le concours de la force publique.
    Ces outils reflètent l’équilibre que nous cherchons. Et nos efforts paient ! J’ai présidé, le 3 novembre, une réunion de l’Observatoire national des impayés locatifs : aucune hausse significative de ces impayés n’a été relevée – mais notre vigilance doit rester constante. Le nombre d’expulsions locatives n’a pas, lui non plus, explosé, malgré les craintes alimentées par la crise du covid.
    Eu égard à ces résultats, je crois important de poursuivre les efforts pour prévenir les expulsions locatives. Il faut accorder du temps au travail social, il faut laisser au juge le pouvoir d’analyser chaque situation, d’être au plus proche des réalités difficiles d’une expulsion, qui est toujours un échec.

    Mme Danielle Simonnet

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    Cette loi ne le permettra plus !

    M. Olivier Klein, ministre délégué

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    Ce sera une préoccupation constante dans l’examen de cette proposition de loi, notamment de son article 5.
    Le texte s’inscrit dans cette logique d’équilibre. Je tiens à rappeler que nous disposons déjà d’un arsenal juridique et de procédures qui visent à la préserver ; cette proposition de loi tend à aller plus loin, démarche que le Gouvernement partage à certaines conditions. Comme je l’ai dit, il faut poursuivre le travail de prévention. Le troisième plan interministériel de prévention des expulsions, en cours jusqu’à la fin de l’année 2023, traduit la mobilisation du Gouvernement. Je le répète : l’équilibre est essentiel. L’équilibre apaise le marché, évite des cautions toujours plus importantes et des assurances toujours plus chères, mais il ne doit pas se faire en ignorant la situation humaine des locataires, les ruptures, les heurts. Je sais que ce message est entendu, je crois qu’il est partagé, et j’ai confiance dans les débats qui auront lieu dans les prochaines heures pour atteindre cet équilibre. Dans ces conditions, le Gouvernement donnera un avis favorable à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

    Mme Danielle Simonnet

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    Vous étiez contre cette proposition de loi !

    Motion de rejet préalable

    Mme la présidente

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    J’ai reçu de Mme Mathilde Panot et des membres du groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

    M. Philippe Vigier

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    Encore ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. François Piquemal.

    M. François Piquemal

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    « Nous n’accepterons pas que l’on considère comme des coupables ceux qui, dans la nécessité d’éviter la maladie et peut-être la mort […], occupent des logements vacants. » (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES. – Murmures sur les bancs du groupe RE.)

    M. Philippe Vigier

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    Ça commence fort !

    M. François Piquemal

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    Ces mots ne sont pas de nous, mais d’un ancien député : Henri Grouès, plus connu sous le nom de l’abbé Pierre. Il les prononça en décembre 1994, rue du Dragon, à Paris, alors qu’il venait soutenir des militants du droit au logement et des familles qui avaient réquisitionné un bâtiment vide appartenant à la Cogedim. L’abbé Pierre affirmait que leur action était juste et que, quand les institutions ne font rien, on n’a d’autre choix que de s’abriter où l’on peut.

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Ça n’a rien à voir !

    M. François Piquemal

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    En apparentant le fait d’occuper tout type de logement vacant à un vol passible de trois à quinze ans de prison ferme, vous glissez, monsieur le rapporteur, sur une pente dangereuse. Votre texte, contrairement à ce que vous avancez, ne vise pas la protection des petits propriétaires, mais bien la criminalisation de tous les mal-logés. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Si une telle proposition de loi avait été adoptée jadis, l’abbé Pierre aurait été emprisonné.
    Pourtant, nous aurions espéré que dans un pays qui compte 4,1 millions de personnes mal logées, 300 000 sans-abri dont 42 000 enfants, vous nous proposeriez enfin une loi à la hauteur des enjeux du mal-logement. Au lieu de quoi, votre priorité est de répondre à la « médiatisation constante » – je reprends les termes de l’exposé des motifs – d’un épiphénomène. Les affaires de squat ne concernent que 0,005 % des logements recensés dans le pays.

    Mme Anne Genetet

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    C’est toujours cela de trop !

    M. François Piquemal

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    Elles concernent 170 affaires par an, autant que le nombre de députés Renaissance, et cent fois moins que celui des expulsions locatives. Mme Wargon elle-même, ancienne du ministre du logement, a signifié que c’était un problème mineur qui ne méritait pas d’instrumentalisation politique.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Et les soignants non vaccinés, ça concerne combien de personnes ?

    M. François Piquemal

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    Mme Cosse, ancienne ministre du logement, dit de votre proposition de loi qu’elle revient sur des années de travail sur la prévention des expulsions. Vous devriez leur prêter une oreille plus attentive qu’aux éditoriaux de CNews. (M. Damien Maudet applaudit.)

    Mme Aurore Bergé

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    Nous n’avons pas de chroniqueurs chez Hanouna, nous !

    M. François Piquemal

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    Il est évident pour tout le monde ici qu’il est inacceptable de rentrer un jour chez soi et de découvrir que des gens s’y sont installés. C’est tellement inacceptable que nos anciens ont déjà légiféré sur le sujet, comme cela a été dit : la loi sanctionne l’occupation du domicile d’autrui d’un an de prison et de 15 000 euros d’amende. La loi actuelle prévoit l’expulsion sans délai des personnes occupant le domicile, qu’il s’agisse d’une résidence secondaire ou principale. La notion de domicile est ainsi protégée nettement, et ce n’est pas ce type de squat que vise votre proposition de loi. Elle vise plutôt toutes les autres personnes qui sont juridiquement sans droit ni titre et victimes du mal-logement.
    Qui protégez-vous réellement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Arrêtez…

    M. François Piquemal

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    Contrairement à ce que vous prétendez, vous ne protégez pas les petits retraités qui sont propriétaires bailleurs, sinon vous nous auriez proposé la garantie universelle des loyers ou l’augmentation des pensions de retraite. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES.) En réalité, vous protégez les intérêts des multipropriétaires qui détiennent à eux seuls plus de 75 % du parc locatif. En effet, votre proposition de loi dissocie le domicile de la notion de lieu de vie. Un gros propriétaire pourra prétendre qu’un logement vide non meublé ou encore des immeubles de bureaux vacants laissés à l’abandon sont son domicile. Bienvenue en Absurdistan !
    Vous introduisez une définition du domicile dangereuse qui casse les cadres juridiques admis et qui pose aussi une question globale concernant le rapport au logement. Vous devriez à ce sujet lire Chez soi, livre dans lequel Mona Chollet revient sur ce qu’est un domicile : c’est un lieu où on vit, seul ou accompagné, où on bâtit une famille, où se font les premiers pas des enfants, où on se retrouve autour d’un repas, où on se réfugie quand ça ne va pas.

    Mme Prisca Thevenot

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    Justement !

    M. François Piquemal

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    C’est un toit au-dessus de sa tête et le parfum des siens.

    Mme Anne Genetet

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    Il ne faut pas s’en faire virer par d’autres !

    M. François Piquemal

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    Être chez soi, ce n’est pas posséder un logement laissé vide, sans meubles, sans âme, avec pour seule fonction de servir de bien de spéculation.
    C’est un lieu où se jouent aussi les rapports de domination entre les hommes et les femmes, qu’il convient de combattre pour viser une égalité entre les sexes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme Sophia Chikirou

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    Très bien !

    M. François Piquemal

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    Le logement est souvent à la charge de la femme, assignée aux tâches domestiques par les stigmates patriarcaux qui perdurent dans notre société. Beaucoup d’associations de mal-logés vous le diront : quand un problème de logement survient, c’est sur la femme que repose le poids des problèmes. S’en prendre aux personnes qui rencontrent des difficultés pour se loger, c’est s’en prendre majoritairement à des femmes.

    M. Mathieu Lefèvre

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    Vous êtes en dessous de tout !

    M. François Piquemal

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    Voici quelques exemples concrets, recueillis dans nos permanences, de personnes qui, aux termes de cette proposition de loi, seraient considérées comme des squatteurs et même des voleurs.
    Guillaume est étudiant en droit.

    M. Mathieu Lefèvre

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    Il a bien choisi sa voie !

    M. François Piquemal

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    Il est arrivé dans une grande ville qu’il ne connaît pas. Il a trouvé un logement, une sous-location. (Exclamations sur les bancs du groupe RE.)

    Mme Sophia Chikirou

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    Écoutez !

    M. François Piquemal

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    Un jour, la personne qui lui sous-loue le logement lui dit que le propriétaire doit récupérer son bien d’ici un mois : il lui signifie son congé pour vente. Guillaume fait une demande de HLM, cherche un logement, mais du fait du montant des loyers, de la caution, des feuilles de salaire sur trois générations qu’on lui demande, Guillaume n’y arrive pas : il stresse tous les matins à l’idée de se retrouver à la rue…

    Mme Sophia Chikirou

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    Il y a 300 000 SDF dans ce pays !

    M. François Piquemal

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    …mais ne peut faire autrement. Selon vous, Guillaume est-il un squatteur ?
    Aurore a 71 ans, elle est retraitée mais ne s’en sort pas avec ses 900 euros par mois et un loyer qui augmente chaque année. (Exclamations prolongées sur les bancs du groupe RE.)

    Mme Sophia Chikirou

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    Écoutez ! C’est ça, la réalité !

    M. Éric Poulliat

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    Vous avez connu cette réalité, vous ?

    Mme Sophia Chikirou

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    Madame la présidente, on m’invective ! On tente de m’intimider !

    M. François Piquemal

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    Après des impayés pendant plusieurs mois, le propriétaire entame la procédure d’expulsion ; elle est reconnue comme expulsable. Aurore est-elle une voleuse ?
    Élisabeth et son fils Bruno louent de manière informelle un logement à un marchand de sommeil qui les arnaque ; ils sont prioritaires au titre du droit au logement opposable (Dalo) mais attendent toujours. Sont-ils pour autant des squatteurs ?

    Mme Sophia Chikirou

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    Écoutez !

    Mme la présidente

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    Mes chers collègues, je vous invite à écouter l’orateur. Si vous souhaitez avoir des échanges de manière bilatérale, poursuivez la discussion hors de l’hémicycle. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR et sur quelques bancs du groupe RN.)

    M. François Piquemal

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    Chaque député du groupe Renaissance peut venir me voir ensuite au lieu de m’invectiver à la tribune.
    Je continue de vous donner des exemples. Emmanuel est licencié de son travail, il doit quitter son logement de fonction mais il ne sait pas où traverser la rue pour trouver un abri.

    M. Philippe Vigier

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    C’est parce qu’il n’a pas croisé Emmanuel !

    M. François Piquemal

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    Emmanuel est-il un voleur ?
    Voilà où mèneront vos dispositions absurdes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Je prends un dernier exemple. Le 5 novembre 2018, à Marseille, dans le quartier Noailles, les bâtiments du 63 et 65, rue d’Aubagne, se sont effondrés. Julien, Taher, Chérif, Fabien, Simona, Niassé, Ouloume, Marie-Emmanuelle : huit personnes sont mortes du mal-logement. Après la catastrophe, le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées rend public un rapport intitulé « Marseille : de la crise du logement à une crise humanitaire ». Il constate que « les effondrements rue d’Aubagne ne relèvent pas de faits divers accidentels » mais résultent d’une suite de dysfonctionnements des acteurs publics, mairie et État en tête. Des élus Les Républicains sont épinglés pour la location ou la vente de logements insalubres, car au 65, rue d’Aubagne, des personnes étaient victimes de marchands de sommeil. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
    L’adoption de votre proposition de loi aurait amené à considérer ces personnes comme des squatteurs et des voleurs, et nous assisterions à une situation indigne où des propriétaires voyous auraient pu se retourner contre leurs victimes pour leur imputer la dégradation de leur immeuble.

    M. Philippe Vigier

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    On ne vit pas dans le même pays !

    M. François Piquemal

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    Il y a un an, 1 500 personnes évacuées après le drame de Noailles vivaient toujours dans des logements temporaires, parfois précaires, dont ils sont souvent occupants sans droit ni titre. Dites-nous, monsieur le rapporteur : sont-ils pour vous des squatteurs et des voleurs ?
    En réalité, votre proposition de loi vise essentiellement à protéger les multipropriétaires qui spéculent sur le logement.

    Mme Virginie Duby-Muller

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    Caricature !

    M. François Piquemal

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    Je vais vous raconter une histoire advenue dans ma ville de Toulouse. Si vous êtes déjà venus dans la ville rose, vous connaissez sans doute la place Saint-Pierre et ses bars traditionnels. À quelques pas de là, face à la Garonne, il y a un bâtiment de 4 500 mètres carrés qui s’appelle Quai Saint-Pierre. Il appartient désormais à la société Cogedim qui présente ainsi son projet immobilier sur son site : « Votre résidence services seniors Cogedim Club allie adresse prestigieuse […] et services haut de gamme. […] Un emplacement incomparable conjuguant sécurité, rentabilité et optimisation fiscale. » Il faut que je vous raconte comment cet immeuble qui est vide depuis dix ans est arrivé entre les mains de la Cogedim. Il a appartenu à la métropole de Toulouse, qui l’a cédé en 2014 à un promoteur immobilier pour 4,75 millions d’euros. Six ans plus tard, le bâtiment est toujours vide et ce promoteur le vend à la Cogedim pour plus de 11 millions. En six ans, il a donc fait un bénéfice de 6 millions sur un bâtiment qu’il a volontairement laissé vacant pour spéculer. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Sébastien Delogu

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    Eh oui !

    M. François Piquemal

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    La semaine dernière, nous avons appris, grâce à la police judiciaire – que je salue – que ce promoteur était placé en garde à vue avec d’autres magnats de l’immobilier dans une affaire d’escroquerie dont un des leviers était la spéculation locative.

    M. Romain Daubié

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    Hors sujet !

    M. Philippe Vigier

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    Quel rapport ?

    M. François Piquemal

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    Le rapport, c’est que c’est ce genre d’individus que votre proposition de loi protégera. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Philippe Vigier

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    Incroyable !

    M. François Piquemal

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    Ces individus spéculent sur les logements vides, sur les loyers, sur le dos de nos anciens, des locataires, des personnes qui sont en situation de fragilité face au logement, dans un pays qui compte 3,1 millions de logements vacants.
    En vingt ans, ce chiffre a augmenté de 55 %.

    M. Philippe Vigier

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    Au moins…

    M. François Piquemal

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    Il n’y a guère que les superprofits du CAC40 qui augmentent aussi vite, et il existe une corrélation entre les deux. En 2016, Leilani Farha, la rapporteure spéciale de l’ONU sur le droit au logement convenable, décrivait comment de grosses sociétés immobilières captaient des immeubles de logements et de bureaux qu’ils laissaient vacants exprès pour spéculer.

    Mme Virginie Duby-Muller

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    Hors sujet !

    M. François Piquemal

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    Quelles mesures prenez-vous dans cette proposition de loi pour lutter contre de telles pratiques ? Aidez-vous les petits propriétaires bailleurs pour rénover leur logement et le remettre en location ? Taxez-vous les multipropriétaires qui laissent sciemment des logements vides ? Comptez-vous utiliser la loi qui permet leur réquisition ? Rien de tout cela.

    Philippe Vigier et Éric Woerth

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    Hors sujet !

    M. François Piquemal

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    Pourtant la loi de réquisition fait pleinement partie de notre histoire républicaine. Créée après la guerre par le général de Gaulle, elle a été utilisée pour accueillir les pieds-noirs venus d’Algérie, et par des gouvernements de gauche comme de droite, mais vous n’en parlez jamais. Je me permets de vous glisser ces paroles du rappeur Nekfeu qui vous y feront peut-être penser : « Dehors c’est froid, il n’y a plus d’humanité. Un homme est mort inanimé devant un immeuble inhabité. » Toutes les cinq heures, dans notre pays, une personne meurt dans la rue. Pourtant, pour un sans-abri, dix logements sont vides.
    Votre loi prétend lutter contre les squatteurs mais, on l’a vu, cette dénomination reflète diverses réalités que vous n’avez même pas pris la peine d’étudier. Vous auriez pourtant pu auditionner des victimes de marchands de sommeil, des locataires en difficulté, des locataires victimes d’escrocs, des personnes qui se sont réfugiées par nécessité dans un logement vide. Vous n’avez rien fait de tout cela ; vous avez choisi les lobbys de l’immobilier et de la spéculation.
    À l’heure où les locataires voient les charges d’énergie augmenter, vous vous apprêtez à ajouter une pression dangereuse sur les 4 millions de mal-logés de notre pays. C’est là le grand paradoxe : vous créez avec cette loi les conditions pour que davantage de personnes se retrouvent à la rue – c’est un responsable du Secours catholique qui l’affirme – et soient tentées d’entrer dans un des 3 millions de logements vides de notre pays. Les squats, c’est votre inaction politique en matière de logement qui en est le terreau.

    M. Mathieu Lefèvre

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    Ah ! C’est notre faute alors !

    M. François Piquemal

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    C’est le manque de moyens pour les travailleurs sociaux du 115, le manque de places d’hébergement d’urgence, le peu de logements sociaux construits alors que la demande ne cesse d’augmenter, la coupe des APL. Votre loi va y ajouter l’affaiblissement considérable des dispositifs de prévention des expulsions. Elle constitue une attaque sans précédent…

    M. Philippe Vigier

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    Ouais, ouais…

    M. François Piquemal

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    …à l’encontre des droits et de la protection des locataires. On sait que le mal-logement a un coût humain important, car il met en question l’accès à l’emploi, à la santé, à la scolarité. Tout cela va peser humainement et économiquement sur l’ensemble de la société.
    Monsieur le ministre délégué chargé de la ville et du logement, il est certain que nous avons des désaccords, mais je sais que votre parcours vous rend sensible à la question du mal-logement, et que vous voulez continuer à avancer sur le chemin du plan pour le logement d’abord, car vous savez que c’est nécessaire et que les mesures sont encore insuffisantes. Or – la Fondation Abbé-Pierre le dit – les mesures de la proposition de loi vont totalement à l’inverse de ses intentions. J’ai cru comprendre par voie de presse que vous partagiez notre avis, monsieur le ministre délégué, alors gagnons du temps : demandons au rapporteur de retirer sa proposition de loi, dont nous savons tous deux qu’elle est dangereuse pour des millions de nos concitoyens (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES), pour les personnes qui rencontrent des difficultés de logement comme pour les petits artisans, commerçants et entreprises qui occupent des locaux sans droit ni titre – car c’est aussi cela, la réalité.
    Pour améliorer les rapports locatifs, il existe une autre voie : sécuriser le locataire autant que le bailleur, revoir les loyers à la baisse et les encadrer, revaloriser les APL, créer une sécurité sociale du logement. Ces dispositions, comme d’autres, pourraient figurer dans une grande loi relative au logement : avec nos collègues de la NUPES, nous sommes prêts à vous soumettre de nombreuses propositions.

    Une députée du groupe RE

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    C’est ça, oui…

    M. François Piquemal

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    Dans notre pays, la crise du logement n’a jamais été aussi importante depuis des décennies. Je terminerai donc comme j’ai commencé, avec les mots de l’abbé Pierre – en espérant qu’ils résonneront en vous autant qu’ils résonnent en nous : « Gouverner, c’est d’abord loger son peuple. » (Mmes et MM. les députés du groupe LFI-NUPES se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Écolo-NUPES.)

    M. Éric Woerth

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    Ils ne résonnent pas du tout en vous !

    Mme la présidente

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    Sur la motion de rejet préalable, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. le rapporteur.

    M. Guillaume Kasbarian, rapporteur

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    Monsieur Piquemal, vous avez parlé d’un épiphénomène : heureusement que c’en est un ! Heureusement que des maisons et appartements de France ne sont pas squattés chaque minute ! Heureusement que tous les rapports locatifs ne se résument pas à des impayés ! Heureusement qu’il s’agit de cas minoritaires – sinon il n’y aurait d’ailleurs plus de marché locatif, car si la probabilité de ne pas toucher son loyer était très importante, plus personne n’oserait mettre un bien immobilier en location.
    Si ces situations sont minoritaires, peut-on pour autant ne rien faire et s’en accommoder ?

    M. Philippe Vigier

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    Non ! C’est le rôle de la puissance publique !

    M. Guillaume Kasbarian, rapporteur

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    Peut-on laisser des dizaines de personnes dans une situation déplorable, parce que leur bien est squatté ou qu’un occupant y reste pendant des années sans jamais payer ?
    Vous m’avez reproché de ne pas avoir auditionné de squatteurs lors des travaux préparatoires à l’examen du texte. Je le confirme : je n’auditionne pas de délinquants, je ne leur demande pas pourquoi ils squattent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

    Mme Aurore Bergé

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    Excellent !

    M. Guillaume Kasbarian, rapporteur

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    Car aujourd’hui, même si vous refusez de le reconnaître, le squat est bel et bien un délit – et pas uniquement dans ma proposition de loi.
    Vous avez raconté l’histoire de plusieurs personnes ; je tiens à votre disposition les dizaines de témoignages que nous avons reçus de Cléa, Jean-Loup, Bernadette, Amélie, Robert, Madeleine, Patricia, Doriane, Hippolyte, Tiffany, Jean-Philippe, Anne, Hervé, qui tous nous ont écrit pour témoigner de leurs difficultés. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.) Discutons de ce sujet, monsieur Piquemal, et, par conséquent, rejetons la motion de rejet préalable ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

    M. Ugo Bernalicis

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    C’est tout ce que vous avez comme arguments ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Une fois encore, vous êtes dans l’idéologie la plus dogmatique qui soit ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Ugo Bernalicis

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    Et vous, dans le nihilisme !

    Mme Danielle Simonnet

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    Arrêtez avec votre arrogance !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je ne prendrai qu’un exemple pour vous le prouver : vous avez déploré pendant cinq minutes l’existence de marchands de sommeil, que l’article 1er bis tend justement à pénaliser. Vous n’avez pas lu le texte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.)
    Grandeur d’âme, références à l’abbé Pierre… J’aimerais bien voir comment vous réagiriez si quelqu’un investissait votre domicile ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.) Si vous réalisiez en tentant de rentrer chez vous que votre clé ne fonctionne plus : là, on vous entendrait ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Cela ne vaut pas pour les logements sociaux, madame Simonnet, mais cela vaut pour tout le reste ! Je suis évidemment défavorable à l’adoption de la motion de rejet.

    M. Ugo Bernalicis

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    On ne vous a pas demandé votre avis !

    Mme Ségolène Amiot

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    La législation existe déjà, que vous faut-il de plus ?

    Mme la présidente

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    Nous en venons aux explications de vote. La parole est à Mme Sabrina Sebaihi.

    Mme Sabrina Sebaihi (Écolo-NUPES)

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    « La première bataille, c’est de loger tout le monde dignement. Je ne veux plus, d’ici la fin de l’année, avoir des femmes et des hommes dans les rues, dans les bois ou perdus. C’est une question de dignité, c’est une question d’humanité et d’efficacité […]. » Je suis obligée de commencer mon propos avec cette citation d’Emmanuel Macron, tant la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui va dans le mauvais sens.

    M. Éric Woerth

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    Aucun rapport !

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Ignorez-vous les chiffres de la rue ? Ignorez-vous l’importance de la hausse des loyers dans les communes où leur encadrement est inexistant ? Les squatteurs ne viennent pas de nulle part : c’est la raréfaction du logement qui crée le squat.

    M. Benjamin Haddad

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    Ben oui !

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Or, face à cette situation, vous proposez tout simplement de réinventer la prison pour dettes, pourtant abolie en France depuis 1867.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Vous excusez toujours les délinquants !

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Chers collègues de la majorité, j’ai lu avec attention votre rapport : vous soulignez dans un passage que le nombre de textes déposés au Parlement au cours des années passées témoigne de l’intérêt pour ce sujet – l’intérêt de la droite et de l’extrême droite ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Comme vous, ils détestent les pauvres et font de la récupération politique sur ce thème.
    Je voudrais rappeler quelques chiffres que vous avez manifestement occultés au moment de rédiger votre texte : vous aimez marauder avec eux, mais savez-vous seulement que le 115 refuse chaque soir un hébergement à plus de 6 000 personnes, dont 1 700 enfants ?

    M. Ugo Bernalicis

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    Eh oui !

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Il est un autre chiffre sur lequel aucun d’entre vous ne devrait fermer les yeux : celui des morts à la rue. En 2021, la rue a tué 623 personnes.

    Mme Ségolène Amiot

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    En France ! La honte.

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Et vous souhaiteriez envoyer les personnes qui sont à la rue en prison, plutôt que de les laisser se loger ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) Si vous allez jusqu’à supprimer la possibilité de rééchelonner leurs dettes, comment voulez-vous que les Français les plus démunis s’en sortent ?

    Mme Sophia Chikirou

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    C’est le retour de l’Ancien Régime !

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Alors que 3,1 millions de logements sont vacants, votre proposition passe totalement à côté du seul sujet qui devrait nous préoccuper : offrir de l’humanité, plutôt que de mener une politique de faits divers ! Je vous appelle donc à rejeter massivement le texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Mme Sandra Regol applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Stéphane Peu.

    M. Stéphane Peu (GDR-NUPES)

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    Nous voterons en faveur de la motion de rejet…

    M. Mohamed Laqhila

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    Pas de débat, alors ?

    M. Stéphane Peu

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    …parce que la proposition de loi nous semble aller dans une très mauvaise direction.
    Comme vous tous, je reçois dans ma permanence des propriétaires dont le bien est squatté ou qui subissent des impayés durables, mais également beaucoup de locataires en grande difficulté. Tout le monde s’accorde pour reconnaître que l’inflation actuelle a fait exploser les quittances de loyer, en raison de l’augmentation des loyers mais aussi des charges, qui permettent notamment de couvrir des factures d’énergie elles-mêmes en forte hausse. Des millions de nos concitoyens vont donc rencontrer de grosses difficultés pour payer leur loyer, et nous le savons tous. (Protestations sur les bancs du groupe RE.)
    La seule question qui vaille est donc la suivante : dans notre pays, est-on capable de trouver un chemin pour protéger à la fois les propriétaires et les locataires ou les personnes mal logées ?

    M. Philippe Vigier

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    Ah ! Il y a du progrès !

    M. Stéphane Peu

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    Vous n’utilisez pas le bon véhicule législatif. Les violations de domicile sont des situations gravissimes et scandaleuses, mais exceptionnelles, et l’arsenal juridique permettant d’y mettre fin existe.

    M. Benjamin Haddad

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    Ce n’est pas vrai !

    M. Stéphane Peu

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    Votre proposition de loi, qualifiée de « proposition de loi antisquat », ne tend en réalité qu’à durcir la législation pour accélérer l’expulsion de locataires qui rencontrent des difficultés pour payer leur loyer, et non pas à lutter contre les squats. Le texte est déséquilibré : il protège les propriétaires – pas les petits propriétaires, comme vous le dites, mais surtout les multipropriétaires, qui ont fait de l’immobilier et de l’augmentation des loyers une rente – au détriment des intérêts des locataires et des personnes en difficulté pour se loger. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Christophe Naegelen.

    M. Christophe Naegelen (LIOT)

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    Cette motion de rejet est surprenante, et prouve que la France insoumise ne manque pas d’aplomb : alors qu’il y a tout juste deux heures, ses membres nous expliquaient, la main sur le cœur, que le recours du Gouvernement au 49.3 nous empêchait de débattre des textes, les voilà qui proposent une motion de rejet de la proposition de loi de notre collègue Kasbarian, motion dont l’adoption nous empêcherait de discuter de ce texte ! C’est dommage. (Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT, RE, Dem et HOR. – M. Kévin Mauvieux applaudit également.)

    M. Philippe Vigier

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    Ah, la cohérence…

    M. Christophe Naegelen

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    On est à l’Assemblée nationale : quand on représente les Français, il faut avoir un minimum de cohérence !

    M. Philippe Vigier

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    La NUPES est en ordre de marche !

    M. Christophe Naegelen

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    Vous montrez une fois de plus que vous n’en avez aucune, contrairement au groupe LIOT, qui souhaite débattre de la proposition de loi, car comme tout texte, elle peut être améliorée. À cette fin, nous avons d’ailleurs déposé des amendements. Nous voterons donc contre la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT, RE et Dem. – Mme Emmanuelle Ménard applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.

    M. Jean-Philippe Tanguy (RN)

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    Nous voterons évidemment contre la motion de rejet préalable.
    Tout d’abord, parce que le texte de loi s’inspire très largement d’une proposition que Marine Le Pen avait faite lors du précédent quinquennat (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES),…

    M. Ugo Bernalicis et Mme Sabrina Sebaihi

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    Et voilà !

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    …pour redonner toute sa place à la question légitime de l’occupation illégale des logements, qui fait scandale auprès de la population – à juste titre.
    Vous nous faites des leçons de morale, chers collègues de la NUPES, mais vous votez généralement avec la majorité présidentielle. Cessez donc cette agitation qui vous anime quand cela vous arrange ; demain, vous vous féliciterez d’être dans le camp la majorité. Votre indignation est à l’image de votre position en matière de logement : à géométrie variable. (Protestations sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)
    Il est insupportable de recevoir des leçons de morale de la NUPES, alors que depuis quarante ans, le Parti socialiste a largement contribué à l’échec de la politique du logement en France. Vous êtes coresponsables de ce que vous dénoncez, chers collègues !

    M. Boris Vallaud

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    C’est faux !

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Les écologistes également sont coresponsables : Mme Duflot a été ministre du logement, elle aussi.

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Heureusement que la majorité recycle vos propositions !

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Vous faites semblant de découvrir des situations auxquelles vous avez contribué. Vous êtes à la tête d’un nombre incalculable de collectivités territoriales – notamment de communes –, y compris de grandes collectivités urbaines, qui disposent de beaucoup de moyens pour le logement : vous êtes donc coresponsables de la situation que vous dites déplorer.
    Les communistes sont coresponsables également ! (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES.)

    M. Pierre Dharréville

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    Arrêtez de dire n’importe quoi !

    M. Stéphane Peu

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    Les communistes, c’est la loi SRU !

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Qu’a fait M. Mélenchon, quand il était ministre de M. Jospin dans un gouvernement de gauche plurielle ? A-t-il démissionné pour protester contre la politique du logement en France ? Jamais ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Vos leçons de morale sur la situation du logement en France sont donc insupportables.
    Vous opposez d’honnêtes gens – ceux qui paient votre échec en matière de logement – à d’autres honnêtes gens – ceux qui ont investi dans un bien qui se retrouve illégalement occupé et sont victimes de laxisme judiciaire. Il n’y a donc que le Rassemblement national qui défende les honnêtes gens des deux bords, les victimes de mal-logement et les victimes de laxisme judiciaire.

    M. Stéphane Peu

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    Silence pour la France !

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Nous voulons débattre de cette proposition de loi et la renforcer. Nous voterons toutes les mesures qui permettront de défendre les petits propriétaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Paul Midy.

    M. Paul Midy (RE)

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    Nous examinons une nouvelle fois une motion de rejet déposée par la France insoumise : cela devient une habitude !

    M. Sylvain Maillard

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    Vous n’aimez pas le débat !

    M. Paul Midy

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    Vous savez pourtant qu’elle n’a aucune chance d’être adoptée, chers collègues, et qu’au final, nous ne ferons donc que perdre du temps. C’est une forme d’obstruction continue et larvée à laquelle nous nous sommes habitués depuis le début de la législature.
    Notre méthode à nous, c’est le débat,…

    M. Pierre Dharréville

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    Sauf sur le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale !

    M. Paul Midy

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    …c’est pour cela que nous sommes tous réunis dans l’hémicycle, c’est ce que nous ont demandé les Françaises et les Français.

    Mme Nathalie Oziol

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    Aucun débat !

    M. Paul Midy

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    Le travail sur cette proposition de loi est engagé depuis plusieurs semaines ; en commission, nous avons examiné plusieurs centaines d’amendements et avons eu des débats productifs et utiles, qui ont permis d’amender et de modifier largement le texte. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES, auxquelles répondent de vives protestations sur les bancs du groupe RE.)
    La proposition de loi est très attendue de nos concitoyens : il suffit d’ouvrir le journal pour voir qu’ils… (Brouhaha.)

    Mme la présidente

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    S’il vous plaît, monsieur Bernalicis ! Nous avons écouté la présentation de la motion de rejet, je vous demande donc d’écouter l’orateur. (Nouvelles exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) Madame Regol, je souhaite que le débat soit le plus serein possible malgré des avis contraires sur le sujet. Nous écoutons M. Midy : lui seul a la parole.

    M. Paul Midy

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    Il est important de débattre sereinement, parce que cette proposition de loi est très attendue de nos concitoyens. Il suffit d’ouvrir le journal pour voir…

    Mme Sabrina Sebaihi

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    La politique du fait divers !

    M. Paul Midy

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    …que nos concitoyens sont trop nombreux à être victimes de squats et d’arnaqueurs, souvent multirécidivistes. Bien entendu, nous proposons de continuer le travail, de ne pas éviter le débat et de tout faire pour que la proposition de loi soit adoptée. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. William Martinet.

    M. William Martinet (LFI-NUPES)

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    Chers collègues, essayons de prendre un peu de hauteur (« Oh ! » sur les bancs du groupe RE) puisque, finalement, nous débattons de deux principes à valeur constitutionnelle : d’un côté, le droit au logement, de l’autre, le droit de propriété.
    Nous défendons la motion de rejet parce que nous considérons que cette proposition de loi rompt l’équilibre juridique entre ces deux principes constitutionnels. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES –M. Benjamin Lucas applaudit également.) En portant atteinte au droit au logement, le texte, de facto, est défavorable aux locataires, aux mal-logés et aux sans-abri. Je le dis avec gravité : si cette proposition de loi venait à s’appliquer dans le contexte de crise du logement que nous vivons – je rappelle qu’on dénombre 300 000 SDF et 4 millions de personnes mal logées –, elle constituerait une véritable bombe sociale, une machine à fabriquer du sans-abrisme. Voilà la réalité. (Mêmes mouvements.)
    Tentons de résumer les deux principaux points de désaccord que nous avons avec le texte issu des travaux de la commission.
    Premièrement, il réduit les marges de manœuvre du juge dans le cadre de la procédure d’expulsion.

    Un député du groupe RE

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    C’est faux !

    M. William Martinet

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    Or cette procédure ne s’applique pas aux squatteurs, mais à des personnes entrées en toute légalité dans un logement, qui ont signé un bail et payé leur loyer mais qui sont confrontées à des difficultés financières, comme cela arrive à des millions de Français. Elle s’applique même à des locataires…

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Ce n’est pas ce que prévoit la proposition de loi !

    M. William Martinet

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    …qui payent leurs loyers rubis sur l’ongle mais qui sont expulsés en raison du congé pour vente donné par leurs propriétaires qui décident de vendre leur logement. Dans ces cas précis, vous restreignez le pouvoir d’appréciation du juge, vous réduisez la durée des procédures d’expulsion et vous l’empêchez de faire son travail (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES), c’est-à-dire de prendre en considération la situation sociale des familles afin d’éviter le sans-abrisme.
    Je suis très déçu des travaux en commission car c’est un secret de polichinelle au sein de la majorité et du Gouvernement que M. le ministre délégué chargé de la ville et du logement ne partage pas la philosophie de ce texte. Malheureusement, cette position n’a pas permis de faire évoluer celui-ci. Il existe une coalition entre la minorité présidentielle et les groupes RN et LR… (Mme la présidente coupe le micro de l’orateur. – Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

    Plusieurs députés du groupe RE

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    C’est fini !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Annie Genevard.

    Mme Annie Genevard (LR)

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    Monsieur Piquemal, c’est en tant que militant qui ne craint pas l’outrance, et non en tant que législateur, que vous avez défendu votre motion.

    M. Ugo Bernalicis

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    C’est pareil !

    Mme Annie Genevard

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    En effet, vous avez commencé votre propos en disant que, parfois, on squatte un logement pour éviter la maladie et la mort, comme si le squat était un acte de légitime défense.

    Mme Sophia Chikirou

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    Et de survie pour les personnes à la rue !

    Mme Annie Genevard

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    Deuxième exemple d’outrance, lorsque vous dites que ce texte vise à protéger les intérêts des spéculateurs, des multipropriétaires, des escrocs et des lobbys immobiliers – je reprends vos termes –, comme si tout autre cas de figure n’existait pas. Or les médias, ne vous en déplaise, s’en font régulièrement l’écho et vous ne pouvez le nier.
    Troisième exemple d’outrance, lorsque vous dites que les institutions ne font rien – comme si, depuis l’appel de l’abbé Pierre durant l’hiver 1954, il ne s’était rien passé dans notre pays,…

    M. Philippe Vigier

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    Eh oui, très bien, madame Genevard !

    Mme Annie Genevard

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    …comme si la question du logement était demeurée le point aveugle de toutes les politiques publiques. Vous savez bien que c’est absolument faux, et s’il ne fallait vous donner qu’un exemple, je citerais la loi Dalo – excusez du peu. (Protestations sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

    M. Philippe Vigier

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    Eh oui, Jacques Chirac !

    M. Sébastien Delogu

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    Commencez déjà par l’appliquer !

    M. Ugo Bernalicis

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    Le Dalo est tombé à l’eau ! (Sourires.)

    Mme Annie Genevard

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    Cette outrance dessert profondément votre propos. C’est vrai, les difficultés de logement existent, et nous avons le devoir d’y répondre. À la fois les élus nationaux que nous sommes et les élus locaux, notamment les maires, ne font qu’essayer de répondre aux besoins de leur population en matière de logement. Ce n’est pas facile.

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Commencez par construire des logements sociaux dans vos villes !

    Mme Annie Genevard

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    Bref, en aucun cas le mal-logement ne peut légitimer le squat, nous ne pouvons admettre un tel raisonnement. C’est la raison pour laquelle nous nous opposerons à cette motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Paul Mattei.

    M. Jean-Paul Mattei (Dem)

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    Il faudrait s’intéresser au texte que nous examinons et dont, j’espère, nous continuerons de débattre. Il présente deux aspects.
    Le premier concerne le squat : il est indigne de s’approprier un bien, notamment celui d’un petit propriétaire, lorsque ce bien ne nous appartient pas – vous l’avez même dit.
    Le second est relatif aux relations contractuelles entre les bailleurs et les locataires. Je suis un peu étonné de la remarque de Stéphane Peu car le texte tend à maintenir ces équilibres en plaçant le juge au centre de la relation contractuelle, qui est nécessaire. Celle-ci est prévue depuis très longtemps dans notre législation, qui a toujours visé à l’améliorer dans un sens favorable au locataire, qui me semble être le bon. Le texte n’est pas en train de rompre cet équilibre. Les députés du groupe Démocrate (MODEM et indépendants) se sont intéressés au fond du texte et se sont également posé des questions relatives au respect de cet équilibre.
    Le squat se distingue de l’occupation d’un logement dans le cadre d’une relation contractuelle entre un bailleur et un locataire. Le texte a été largement modifié en commission ; j’espère qu’il continuera à évoluer en séance.
    Du reste, en sécurisant ces rapports contractuels, nous agissons en faveur du logement. En effet, à force de les fragiliser, nous n’incitons pas les investisseurs, qui ne sont pas tous gros, à s’intéresser à la pierre, dans le cadre d’une démarche vertueuse. Par conséquent, dans les centres-villes, il restera des immeubles entiers non rénovés. Or la puissance publique ne pourra pas tout faire.
    Ainsi, ce texte, bien qu’il ne soit pas parfait et qu’il ne résolve pas tous les problèmes, est nécessaire. Bien entendu, il faut que nous en débattions et que nous l’améliorions, afin d’en faire un vecteur de nouvelles mesures pour protéger et favoriser le logement dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Gérard Leseul.

    M. Gérard Leseul (SOC)

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    Ce texte tente ou plutôt prétexte de réagir à quelques rares affaires de squat récemment médiatisées. Il vise aussi les litiges relatifs aux loyers impayés. La proposition de loi amalgame squats de domiciles, squats de bâtiments vides et situations d’impayés. En réalité, elle constitue un grave recul du droit au logement. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC, LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)
    Par un mélange des genres dangereux entre le squat – occupation illicite d’un logement après violation de la propriété – et le défaut de paiement d’un locataire qui se trouve socialement en danger, vous assimilez un locataire en difficulté à un squatteur. Ce n’est ni moralement ni politiquement acceptable.
    Cette proposition de loi remet véritablement en cause un corpus de règles, patiemment élaborées, qui visent à protéger la partie réputée la plus faible du contrat, le locataire. Le fait de tripler les peines de prison en cas de squat et d’apparenter l’occupation sans droit ni titre à un vol – donnant la possibilité au juge de prononcer des peines pouvant aller jusqu’à dix ans de prison – tout en réduisant les délais de maintien dans le domicile accordés par le juge aux personnes vulnérables atteste de votre démarche strictement punitive.
    Pour reprendre les mots du garde des sceaux, « force doit rester à la loi ». Il nous a d’ailleurs donné des raisons supplémentaires de voter la motion de rejet, en alertant sur plusieurs dérives du texte et sur le très faible équilibre entre la défense de la propriété et les droits du locataire. De son côté, le ministre délégué chargé de la ville et du logement a multiplié les alertes : il faut trouver les moyens de renforcer les logements d’urgence ; il n’est pas possible de confondre mauvais locataires et squatteurs ; les locataires, notamment en situation de fragilité, doivent être accompagnés. (M. Pierre Dharréville s’exclame.)
    Cette proposition de loi est qualifiée de honteuse par toutes les organisations d’aide au logement : ATD Quart Monde, le Secours catholique, le Samu social.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Ce sont des militants !

    M. Gérard Leseul

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    Ce sont peut-être des militants mais, chaque jour, ils sont au plus près de ceux qui sont en difficulté. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES.) Ce sont eux que vous devez également entendre ! Cette proposition de loi, d’inspiration finalement très libérale et relevant d’une logique punitive, ne répond pas à l’urgence sociale et ne correspond pas à notre vision apaisée de la cohésion sociale de notre pays. Nous voterons donc cette motion. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

    Mme Sandra Regol

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    Il faut des valeurs, c’est compliqué !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Pradal.

    M. Philippe Pradal (HOR)

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    J’ai écouté avec grande attention l’ensemble des orateurs qui se sont exprimés sur cette motion de rejet préalable. Le nouveau député que je suis n’y voit que des raisons de poursuivre le débat. En effet, je ne comprends pas le dépôt de cette motion car les orateurs qui souhaitent le rejet du texte nous ont donné des arguments sur lesquels nous échangerons, qui nous permettront d’amender le texte et feront peut-être bouger les lignes. C’est la raison pour laquelle les députés du groupe Horizons et apparentés voteront avec fierté contre cette motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RE et Dem.)

    Plusieurs députés du groupe RE

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    Bravo !

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix la motion de rejet préalable.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        193
            Nombre de suffrages exprimés                193
            Majorité absolue                        97
                    Pour l’adoption                43
                    Contre                150

    (La motion de rejet préalable n’est pas adoptée.)
    (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Protestations sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

    Discussion générale

    Mme la présidente

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    Dans la discussion générale, la parole est à M. Aurélien Taché.

    M. Aurélien Taché

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    Étant donné que la motion de rejet préalable n’a pas été adoptée, ce que je regrette, je vais parler du fond de votre texte. Je suis obligé de commencer mon propos en vous disant que la proposition de loi, que nous examinons aujourd’hui, est aussi inique que dangereuse. Monsieur le ministre délégué, je suis vraiment très surpris que vous puissiez y souscrire, eu égard à votre parcours, en votre qualité d’ancien maire d’une ville qui a souffert plus que toute autre des marchands de sommeil. (Bruits de conversation sur divers bancs.)
    Car ce ne sont pas eux que cette loi punira. Non, ils pourront continuer d’exploiter tranquillement les souffrances des plus précaires, en empochant le loyer de logements insalubres, parfois prêts à s’effondrer, comme de tristes exemples nous l’ont récemment rappelé.

    Mme la présidente

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    Chers collègues, je vous invite à écouter l’orateur ou bien à quitter l’hémicycle.

    M. Aurélien Taché

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    Mais c’est bien aux plus fragiles et aux locataires en difficulté que vous avez décidé de vous attaquer.
    Monsieur le rapporteur, peut-être avez-vous été vexé du retrait de l’article le plus brutal de votre proposition de loi, l’article 3, qui visait à créer une sanction pénale pour les personnes qui resteraient dans leur logement lorsqu’une procédure d’expulsion était enclenchée, alors même qu’ils n’auraient nulle part où aller ? Mais vous saviez que vous pouviez compter sur les députés du groupe Les Républicains et ceux du groupe Rassemblement national pour y ajouter une dose encore plus forte d’inhumanité. C’est d’ailleurs ce qu’ils ont fait en commission, en créant deux nouveaux articles nauséabonds.
    L’un prévoit de libérer le propriétaire d’un bien immobilier de son obligation d’entretien du bien lorsque celui-ci est occupé sans droit ni titre, constituant un véritable blanc-seing donné aux marchands de sommeil. Cette disposition visera désormais la famille qui arrêterait de payer le loyer, alors que des moisissures empêchent les enfants de respirer, ou que le balcon ou le plafond menace de s’effondrer.
    L’autre qualifie de vol l’occupation sans droit ni titre d’un logement, ouvrant la voie aux sanctions prévues par le code pénal pour ce délit – sanctions qu’on croirait sorties d’un mauvais film de science-fiction. Soyons clairs, chers collègues, la définition du logement inclut non seulement le domicile, mais également n’importe quel immeuble à usage d’habitation. Mais lisons plutôt : vous voulez, monsieur le rapporteur, tripler cette peine et l’étendre à l’occupation de tout type de logement, assimilant donc cette occupation à un vol et lui appliquant les circonstances aggravantes prévues pour ce délit.
    Ainsi, le locataire dont le bail a été résilié à la suite d’impayés de loyer risquera désormais trois ans de prison, sans que ses difficultés – divorce, maladie, perte d’emploi – soient prises en considération et peu importe qu’il ait été ou non accompagné. L’accompagnement est pourtant peu probable puisque, depuis 2017, les aides au logement n’ont cessé de diminuer.
    En raisonnant toujours à partir de la définition du vol, votre texte pourrait également conduire à punir de sept ans de prison l’occupant sans droit ni titre d’un entrepôt où, par exemple, une mère sans abri et son bébé souffrant du froid pourraient se réfugier. Cette sanction serait finalement plus lourde que celle s’appliquant à un délit d’initié ou à un conflit d’intérêts – CQFD.
    Enfin, vous proposez que cette peine, puisque je rappelle que l’article 1er apparente l’occupation sans droit ni titre à un vol, soit étendue à quinze ans années de réclusion quand l’occupation est commise en bande organisée. Les militants du droit au logement, présents ce soir à proximité de l’Assemblée nationale, ne seront donc pas traités comme des voleurs, c’est vrai, mais comme des assassins, en encourant quinze ans de prison. Avec ce texte, chers collègues, la mafia du mal-logement à de beaux jours devant elle. Mais c’en sera fini des défenseurs des mal-logés. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Et vous ne vous arrêtez pas là, puisque votre texte réduit les délais durant lesquels les locataires en difficulté peuvent régulariser leurs impayés, retire au juge la faculté de ne pas résilier un bail quand un accord entre propriétaire et locataire est trouvé ou que le locataire peut attester de sa bonne foi, et empêche les travailleurs sociaux, qui souffrent déjà tant, de faire leur métier.

    M. Benjamin Lucas

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    Exactement !

    M. Aurélien Taché

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    Monsieur Kasbarian, même si les seuls sans-abri que vous connaissez sont certainement ceux qu’il vous arrive parfois d’enjamber (Protestations sur les bancs du groupe RE),…

    M. Guillaume Kasbarian, rapporteur

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    Franchement, c’est honteux ! Nous n’avons aucune leçon à recevoir de vous !

    M. Rémy Rebeyrotte

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    Scandaleux !

    M. Aurélien Taché

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    …je voudrais ici vous rappeler ces quelques chiffres : à la fin du mois d’août 2022, 42 000 enfants vivaient dans des hébergements d’urgence, des abris de fortune ou dans la rue.
    Selon les données de l’Unicef, de la Fédération des acteurs de la solidarité et de la Fondation Abbé-Pierre, 4 millions de Français sont non ou mal logés.

    M. Éric Woerth

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    Ce n’est pas le sujet !

    M. Aurélien Taché

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    En réalité, votre proposition de loi ne fait que mettre sous le tapis les vrais enjeux du logement aujourd’hui. Vous prétendez sécuriser les rapports entre les propriétaires, les bailleurs et les locataires, mais vous ne vous attaquez jamais au problème à la racine.

    M. Benjamin Lucas

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