XVIe législature
Session ordinaire de 2022-2023
Séance du mardi 14 mars 2023
- Présidence de Mme Valérie Rabault
- 1. Accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires et fonctionnement des installations existantes
- Discussion des articles (suite)
- Article 1er D (suite)
- Amendements nos 310 et 332
- Mme Maud Bregeon, rapporteure de la commission des affaires économiques
- Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique
- Amendements nos 282, 351, 39, 510, 591 et 592
- Après l’article 1er D
- Amendements nos 421, 422
- Article 1er E
- Mme Louise Morel
- M. Sébastien Jumel
- Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
- Amendements nos 175, 590, 415, 156, 75, 407, 503 et 468
- Sous-amendement no 705
- Amendement no 125
- Article 1er F
- Mme Marie-Noëlle Battistel
- M. Alexandre Loubet
- M. Matthias Tavel
- Mme Julie Laernoes
- Amendements nos 612, 283, 598, 504, 353, 319, 196, 352, 507, 200, 509 et 516
- Article 1er
- Article 1er D (suite)
- Discussion des articles (suite)
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
2e séance
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
En attendant l’arrivée de Mme la ministre de la transition énergétique, je suspends la séance.
(La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.)
(La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.)
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes (nos 762, 917).
Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant aux amendements nos 310 et identique, à l’article 1er D.
Je vous rappelle qu’un scrutin public a été annoncé sur ces amendements, ainsi que sur les amendements nos 351, 591 et 592 et sur l’ensemble de l’article 1er D.
Par ailleurs, sur l’amendement no 510, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je vous rappelle qu’un scrutin public a été annoncé sur ces amendements, ainsi que sur les amendements nos 351, 591 et 592 et sur l’ensemble de l’article 1er D.
Par ailleurs, sur l’amendement no 510, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Nous en venons aux amendements identiques nos 310 et 332.
La parole est à Mme Julie Laernoes, pour soutenir l’amendement no 310. Sur cet article, avez-vous été frappés par la folie du nucléaire ? Oui ! Oui, c’est vrai ! Le présent amendement vise à supprimer l’alinéa 7 de l’article 1er D. Cet après-midi, vous avez rejeté mon amendement qui, en référence au discours de Belfort, visait à substituer au nombre de quatorze réacteurs nucléaires la mention de six réacteurs et l’étude de huit autres – vous avez préféré inscrire dans le texte le nombre de quatorze. Toutefois, l’article tel qu’il est rédigé vise à évaluer non seulement les conséquences de la construction de quatorze réacteurs pressurisés européens (EPR) mais également les capacités de production de réacteurs supplémentaires.
Je ne sais pas si vous voulez rejoindre le programme du Rassemblement national, qui envisage d’ouvrir vingt nouveaux réacteurs dans les quinze prochaines années, ce qui ne figure dans aucune prospective énergétique, mais il me semble qu’il faudrait revenir à un peu plus de raison, même si j’entends bien que vous récitez un mantra afin de redonner de la confiance dans une filière qui, pourtant, a montré ses défaillances.
Cet amendement vise donc à supprimer l’alinéa 7, je le répète, et à revenir à un peu de modération et de raison. Commencez déjà par ouvrir les quatorze nouveaux réacteurs et nous en reparlerons ensuite, notamment après la mise en fonctionnement de celui de Flamanville. La parole est à M. Maxime Laisney, pour soutenir l’amendement no 332. Cet amendement, analogue à celui de ma collègue Julie Laernoes, vise à supprimer l’alinéa 7 de cet article, qui prévoit d’étudier la possibilité de construire plus de réacteurs que les quatorze mentionnés à l’alinéa 1. Retraçons l’historique de ce chiffre, qui ne cesse d’évoluer : dans son discours de Belfort, le président Macron – c’était au cours du mandat précédent – avait promis la construction de six réacteurs et l’étude de huit additionnels. Après le passage du texte au Sénat, nous en sommes arrivés à quatorze EPR et neuf réacteurs supplémentaires. Enfin, à la suite d’un amendement du Gouvernement en commission des affaires économiques, nous en sommes à quatorze plus x. Nous pourrions y voir une forme de progrès et penser que vous avez renoncé aux neuf réacteurs supplémentaires mais, en vérité, vous n’avez renoncé à rien et nous ne savons toujours pas ce que signifie ce x.
Parmi les six scénarios élaborés par RTE – Réseau de transport d’électricité –, ma collègue Aurélie Trouvé vous a dit hier que vous aviez choisi le pire, le sixième, et ignoré les autres, notamment les trois premiers. En fait, vous inventez même un septième scénario sur un coin de table, car aucun des scénarios de RTE ne prévoit de construire quatorze réacteurs, voire davantage. Le PDG d’EDF, M. Luc Rémont, que nous avons eu le plaisir d’auditionner, a même affirmé qu’il ne pouvait pas s’engager sur la construction de plus de six réacteurs.
Nous continuerons donc à vous poser nos questions afin d’éclairer à la fois nos débats et les Français sur ce sujet majeur : comment comptez-vous construire plus de six réacteurs ? Combien d’heures d’ingénierie manque-t-il pour construire des EPR 2 ? D’ailleurs, plutôt que de calculer en heures, ne faut-il pas l’estimer en jours, en semaines, en mois, en années ? Nous ne le savons pas. En siècles ! Pouvez-vous nous indiquer dans combien de temps Framatome sera-t-il capable de produire en série les pièces maîtresses du réacteur, telles que la cuve ou le couvercle ? Enfin, s’agissant du financement, M. Rémont nous a précisé qu’il estimait le coût de construction des six réacteurs à 52 milliards d’euros. Sachant que celui de Flamanville, qui n’est pas de la même génération, en a déjà coûté 20,… Vous n’aimez pas Flamanville ! …combien cela coûtera-t-il aux Français de construire quatorze réacteurs, voire davantage ? Qui paiera à la fin ? Cela se traduira-t-il par une augmentation de la facture des Français, par un endettement supplémentaire d’EDF, par une hausse des impôts ou par un prélèvement sur l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) ? Répondez à ces questions qui éclaireront nos débats et renoncez à construire tous vos réacteurs. Surtout, renoncez à en construire en sus des quatorze déjà mentionnés à l’alinéa 1 de l’article. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) La parole est à Mme Maud Bregeon, rapporteure de la commission des affaires économiques, pour donner l’avis de la commission sur ces amendements identiques. Je me contenterai de répondre à la question posée par l’amendement, si cela ne vous embête pas. Si, ça m’embête ! Le chiffre que vous évoquez est issu d’un ajout du Sénat qui, dans le rapport qui sera remis au Parlement, demandait l’étude de neuf réacteurs en sus des quatorze mentionnés. Pourquoi neuf ? Très honnêtement, ce chiffre m’échappe complètement, d’autant que les tranches sont réalisées par paire. Le programme du Président de la République n’a pas changé : il prévoit la construction de six réacteurs EPR 2 et l’étude de huit réacteurs supplémentaires. Néanmoins, il est toujours intéressant d’interroger la filière sur ses capacités – c’est ce qu’a fait Mme la secrétaire d’État récemment, je crois – et cela explique cette mention dans le texte. Je le répète, le programme du Président de la République, sur lequel nous nous sommes engagés dans nos circonscriptions respectives, n’a pas changé : il concerne la construction de quatorze EPR 2. Vous répondez à côté de la plaque ! La parole est à Mme la ministre de la transition énergétique, pour donner l’avis du Gouvernement. Même avis. La parole est à M. Matthias Tavel. Cet alinéa représente une fuite en avant. Alors même que le PDG d’EDF déclare avoir signé pour six EPR et non pour quatorze, vous proposez d’inscrire dans la loi la possibilité d’aller au-delà de ces quatorze réacteurs. C’est quand même assez original ! Vous dites répondre à la question posée par l’amendement. Toutefois, les questions qui se posent pour la construction de quatorze réacteurs ou plus, se posent déjà pour les six premiers. Nous trouvons pour le moins hasardeux, puisque vous ne répondez pas sur ces six EPR, que vous vouliez vous engager sur huit réacteurs supplémentaires – voire je ne sais combien d’autres. Par ailleurs, le nouveau nucléaire sera-t-il géré par le même exploitant qu’actuellement ? La réponse apportée hier était très floue – et quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup.
Le coût de la construction des six premiers réacteurs est estimé à plusieurs dizaines de milliards. Or, si l’on se fonde sur le coût de celui de Flamanville, 280 milliards seraient nécessaires pour en construire quatorze. Qui va payer ? Le montant sera-t-il prélevé sur l’Arenh ? Imposerez-vous une nouvelle taxe sur les factures des Français ? Ponctionnerez-vous le livret A ? Ou aurez-vous recours à des financements privés, comme cela a été évoqué dans Les Échos, ou bien à des contrats d’achat d’électricité (PPA) comme l’a proposé la Commission européenne encore aujourd’hui ? En définitive, ferez-vous entrer les intérêts privés et les intérêts capitalistes – disons-le clairement – dans le financement de l’énergie nucléaire, ce qui serait très dangereux ? Voilà nos questions. Elles valent pour six réacteurs, pour quatorze et évidemment pour davantage encore. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) La parole est à Mme Julie Laernoes. Nous sommes des législateurs ; nous ne sommes donc pas ici pour faire des annonces et communiquer sur la relance du nucléaire. Ce n’est pas notre fonction première, qui est de légiférer. Nous ne devons donc pas inscrire dans un texte de loi des éléments qui ne figurent ni dans les prospectives énergétiques ni dans les scénarios demandés sur lesquels nous devrions être amenés à nous prononcer. Vous contournez le débat en inscrivant dans le texte le nombre de quatorze réacteurs, ce qui ne fait même pas partie du programme du Président de la République. Si ! Non ! Le programme prévoit d’étudier la construction de huit réacteurs qui viendraient s’ajouter aux six initiaux, ce qui n’est pas du tout la même chose ! Le fait de mentionner, dans votre fuite en avant, le nombre de quatorze réacteurs, auxquels vous ajoutez maintenant la mise à l’étude de réacteurs supplémentaires, est totalement hallucinant compte tenu de la réalité – ces chiffres ne figuraient dans aucun programme électoral, à part celui du Rassemblement national. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe RN.) Si vous voulez suivre le modèle des climato-négationnistes pour diriger la politique énergétique (Protestations sur plusieurs bancs du groupe RN) , dites-le tout de suite ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Écolo-NUPES et LFI-NUPES.) Je mets aux voix les amendements identiques nos 310 et 332. (Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 116
Nombre de suffrages exprimés 116
Majorité absolue 59
Pour l’adoption 20
Contre 96 (Les amendements identiques nos 310 et 332 ne sont pas adoptés.) L’amendement no 282 de Mme la rapporteure est rédactionnel. (L’amendement no 282, accepté par le Gouvernement, est adopté.) L’amendement no 351 de M. Pierre Meurin est défendu.
Quel est l’avis de la commission ? Défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable également. La parole est à Mme Julie Laernoes. Je ne sais pas pour quelle raison le Rassemblement national ne défend plus ses amendements. Peut-être pour que le projet de loi ne puisse pas être débattu ?
L’amendement vise à rajeunir le parc de centrales nucléaires qui est, en effet, vieillissant. Il dresse la liste des années de construction des différents réacteurs : l’âge moyen de ceux-ci est actuellement de 37 ans. Par ailleurs, parmi ceux de la dernière tranche, figurent deux des réacteurs sur lesquels ont été observées les fissures les plus importantes, d’une ampleur inégalée. Eh oui ! Ce qui signifie que le problème n’est pas qu’une question d’âge ; il tient aussi aux capacités de la filière et aux malfaçons qui sont apparues sur certaines soudures. Nous voterons bien évidemment contre cet amendement, qui n’a aucune portée réelle. (Mme Sandra Regol applaudit.) Je mets aux voix l’amendement no 351. (Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 120
Nombre de suffrages exprimés 120
Majorité absolue 61
Pour l’adoption 38
Contre 82 (L’amendement no 351 n’est pas adopté.) La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l’amendement no 39. Il vise à ajouter à l’article l’alinéa suivant : « Le rapport fait état des tendances mondiales, notamment européennes, s’agissant de la production d’énergie nucléaire et de la concurrence internationale dans ce secteur. » Pourquoi ? Nous constatons dans nos débats depuis hier une forme de cécité, voire un déni, sur le fait que nous évoluons dans un contexte de concurrence mondiale en matière de nucléaire. Il s’agit d’une industrie, qui fait partie de l’économie – cela implique la compétence.
Il serait donc intéressant d’éclairer la représentation nationale et les collègues qui ont du mal à comprendre les enjeux du nucléaire… Vous parlez de vos propres collègues ! …sur le fait que la France ne vit pas sous cloche et que l’évolution de cette technologie et de la filière répond à des enjeux européens et internationaux très forts. De grandes puissances viennent en concurrence, telles que les États-Unis, la Russie,… La Russie, oui. …la Chine ou encore la Corée du Sud, et font partie des leaders. Soyons heureux et fiers que la France soit l’un de ces leaders du nucléaire et, surtout, le demeure. C’est pourquoi il serait intéressant d’expliciter ce type de considérations dans le rapport. Quel est l’avis de la commission ? Favorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La parole est à M. Maxime Laisney. Je sais que la ministre n’aime pas les rapports, et ne veut pas gaspiller du temps et de l’énergie pour en produire. Je répondrai donc plutôt à notre collègue : les tendances internationales en matière de nucléaire se cassent la gueule. Vous pourriez relever la vulgarité de certains députés, madame la présidente ! Environ 400 réacteurs sont en fonctionnement dans le monde, et il y a davantage de réacteurs qui ferment que de réacteurs qui ouvrent. Si nous devions remplacer toutes les capacités de production thermiques par du nucléaire, il faudrait fabriquer 2 000 réacteurs nucléaires – or je vous rappelle qu’il n’en existe que 400, et que la tendance est à la baisse. Je viens de vous faire gagner un peu de temps !
Par ailleurs, si nous utilisions tout l’uranium disponible sur terre pour fabriquer de l’électricité pour la planète entière, nous en aurions pour une vingtaine d’années. Le nucléaire n’est pas une solution d’avenir : je vous ai fait économiser du temps et de l’énergie ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy. Nous voterons l’amendement de notre collègue, qui nous paraît de bon aloi. J’aimerais toutefois vous adresser deux questions complémentaires.
Une concurrence s’exerce sur des réacteurs semblables à l’EPR, mais ayant une puissance moindre. Quelle solution vous semble la plus pertinente ? Cela renvoie à un amendement du groupe Les Républicains – qui a peut-être été discuté cet après-midi, quand j’étais absent –, invitant à mener une réflexion sur les réacteurs. Dans le cadre du débat sur la concurrence, nous devrions nous intéresser aux choix des autres acteurs : sont-ils différents des nôtres, et sont-ils pertinents ?
Je m’interroge par ailleurs sur la réactivation du traité instituant la Communauté européenne de l’énergie atomique (Euratom). J’ai déposé des amendements à ce sujet, mais ils ont été jugés irrecevables – je le signale non pour polémiquer, mais parce que la question est importante. Pour rappel, le traité Euratom a une valeur juridique identique aux deux autres piliers de la construction européenne, à savoir le traité instituant la Communauté économique européenne (CEE), et la politique étrangère et de sécurité commune (Pesc). Or le traité Euratom est mort-né, notamment à cause de l’Allemagne. Il n’est mobilisé que dans une certaine mesure en matière de radioprotection et par quelques laboratoires de recherche. Ne serait-il pas opportun de relancer une coopération libre entre partenaires européens ? Je pense en particulier à l’Italie, qui est confrontée à des enjeux de souveraineté énergétique dramatiques, et qui pourrait être volontaire pour travailler sur un réacteur de quatrième génération. (L’amendement no 39 est adopté.) La parole est à M. Antoine Villedieu, pour soutenir l’amendement no 510. Les besoins en électricité augmenteront fortement dans les prochaines décennies, du fait de la numérisation généralisée de la formation et des secteurs professionnels, et de la volonté insatiable de Bruxelles – soutenue par votre gouvernement – d’imposer le tout-électrique dans l’automobile et les transports en commun. Ajoutons à cela la sortie programmée des énergies fossiles, qui représentent encore 7,5 % de notre production électrique : il faudra les compenser par une énergie décarbonée, indépendante et non intermittente.
En parallèle du travail relatif au nucléaire, nous devons prendre en considération la consommation nécessaire à la réindustrialisation du pays : c’est un enjeu vital pour notre économie, défendu depuis des années par Marine Le Pen et par le Rassemblement national. D’après le gestionnaire RTE, la consommation électrique pourrait augmenter jusqu’à 90 % si une vraie politique de réindustrialisation était menée en France. Nous devons en tenir compte.
Par cet amendement, nous demandons que le rapport du Gouvernement étudie la capacité de la France à produire suffisamment d’électricité pour répondre à l’impératif de réindustrialisation. Le chiffre que nous avançons, 95 gigawatts installés à l’horizon de 2050, correspond à une augmentation de 30 % de la capacité nucléaire, et ne représenterait que 50 % du mix électrique nécessaire dans un scénario de réindustrialisation. Cette question mérite d’être étudiée. Aussi vous demandons-nous de voter cet amendement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.) Quel est l’avis de la commission ? Je n’entrerai pas dans les hypothèses de consommation que vous avancez. Je note en revanche que pour une fois, vous ne parlez pas en pourcentage mais en puissance – c’est déjà un grand progrès.
J’ai le sentiment que vous mettez la charrue avant les bœufs. Quand Pierre Messmer a lancé le programme électronucléaire français, il n’a pas lancé les cinquante-huit réacteurs d’un seul coup. Nous en avons parlé en commission : un contrat de programme initial a été lancé, le CP0 ; sa réussite a conduit au suivant, le CP1, dont le succès a lui-même conduit au CP2. Si nous arrivons déjà à lancer avec succès la construction et le couplage au réseau de quatorze réacteurs, nous pourrons envisager la suite. Je comprends que vous vouliez y réfléchir, mais cela me semble prématuré. (« C’est inquiétant ! » sur les bancs du groupe RN.)
Je demande donc le retrait de l’amendement. Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable. La parole est à M. Maxime Laisney. Par cet amendement, le Rassemblement national manifeste ses atomes crochus avec la minorité présidentielle, en voulant déployer des réacteurs au-delà du raisonnable. Je ne peux m’empêcher de souligner que, tout à l’heure, un député de ce groupe a remis en cause la nocivité de la radioactivité, au motif que quand il y a du soleil, il y a du rayonnement. Que préconisez-vous en cas de bombe atomique : de la crème solaire ? Notre collègue a l’air au point : qu’il nous éclaire ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Bravo, c’est très drôle ! Plus sérieusement, je réitère ma question au sujet des pilules d’iode. La dernière campagne de distribution de ces pilules dans un rayon de 10 à 20 kilomètres autour des centrales a été un fiasco : seuls 25 % des riverains concernés les ont effectivement reçues. De fait, 1,5 million de Françaises et de Français vivent à proximité d’une centrale nucléaire mais n’ont pas eu leur petite pilule. Nous attendons toujours une réponse du Gouvernement : quel plan est prévu pour résoudre ce problème, surtout si de nouveaux réacteurs sont construits ? La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy. Il est essentiel d’étudier – comme nous le faisons – des hypothèses sur les besoins de production d’électricité à long terme. D’ailleurs, vous reconnaissez vous-même qu’il faut du temps pour lancer des programmes de centrales nucléaires. L’objectif de réindustrialisation oblige lui aussi à se projeter dans le temps. Il est donc contradictoire que vous rejetiez notre amendement. Le plan Messmer s’est certes décliné en plusieurs paliers, mais par-delà ces étapes, il visait un objectif d’industrialisation et de poursuite de la prospérité économique. Le plan Marie Curie que nous avons proposé comporte pour sa part trois paliers. Notre démarche est donc logique.
Vous le savez pertinemment, madame la rapporteure : si nous n’avions pas des hypothèses ambitieuses de construction de réacteurs, vous nous reprocheriez, à juste titre, de promettre aux Français une réindustrialisation à hauteur de 10 points de PIB dans les trente prochaines années, sans prévoir les capacités de production électrique afférentes. Vous ne pouvez pas nous reprocher tout et son contraire – n’y voyez pas une critique ; je vous explique simplement les tenants et les aboutissants de notre amendement. Dès lors que nous voulons atteindre notre objectif, il est normal que nous prévoyions des capacités de production électrique cohérentes.
Enfin, vous n’avez pas répondu, hier, à une question essentielle : l’effet falaise – qui commencera en 2040 si les réacteurs ne sont pas prolongés ou ne peuvent pas l’être – n’est pas compensé par le plan prévoyant six réacteurs, et ne l’est qu’en partie par le plan qui en prévoit quatorze – sachant que, dans ce cas, un effet falaise se fera sentir à partir de 2050. Ce qui compte avant tout est certes de lancer des réacteurs dès à présent, mais vous ne pouvez pas balayer du revers de la main le fait que notre nation doive se projeter dans les trente prochaines années, et installer des capacités nucléaires suffisantes pour répondre à des besoins industriels nettement plus importants qu’aujourd’hui. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.) Je mets aux voix l’amendement no 510. (Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 170
Nombre de suffrages exprimés 166
Majorité absolue 84
Pour l’adoption 49
Contre 117 (L’amendement no 510 n’est pas adopté.) La parole est à M. Nicolas Dragon, pour soutenir l’amendement no 591. Il vise à accélérer le formidable potentiel de développement de l’hydrogène vert issu du nucléaire. En parallèle de la relance de la filière nucléaire, nous avons l’occasion de convertir la production actuelle d’hydrogène, polluante, en production décarbonée. Cela devrait plaire aux députés Écolo des bancs d’en face, mais on connaît leurs préjugés antinucléaires !
Un million de tonnes d’hydrogène sont consommées en France, essentiellement par l’industrie. Nous proposons d’installer des électrolyseurs à hauteur de 6 à 8 gigawattheures avant 2027, ce qui constituera une accélération par rapport au plan « hydrogène » du Gouvernement. Ces électrolyseurs seront alimentés par l’électricité de base, essentiellement nucléaire : cela rehaussera mécaniquement le facteur de charge des réacteurs. Selon les estimations, la production de 1 million de tonnes d’hydrogène par ce procédé nécessiterait, à terme, 50 térawattheures par an. Je n’aurai pas la cruauté de demander à la NUPES comment elle compte parvenir à un résultat équivalent avec ses saintes éoliennes !
Ce dispositif présenterait de surcroît un grand intérêt pour les bassins industriels importants, demandeurs d’hydrogène, situés à proximité de centrales – je pense par exemple à celle de Gravelines. Je ne doute donc pas que sur l’ensemble des bancs, vous voterez en faveur de l’accélération de la production d’hydrogène décarboné, à la faveur de la relance du nucléaire : faisons d’une pierre deux coups ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Quel est l’avis de la commission ? Défavorable. Le débat est intéressant, mais reconnaissez que vous vous éloignez pour le moins du sujet. À force d’ajouter des chapitres, ce n’est pas un rapport que nous obtiendrons, mais une thèse ! Excellent ! Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable. Vous parlez de production d’hydrogène à l’horizon de 2027, mais nous construisons des réacteurs à l’horizon de 2035-2037 : votre amendement comporte donc un hiatus. C’est le rapport, tome 1 ! Je mets aux voix l’amendement no 591. (Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 159
Nombre de suffrages exprimés 155
Majorité absolue 78
Pour l’adoption 50
Contre 105 (L’amendement no 591 n’est pas adopté.) La parole est à M. Nicolas Dragon, pour soutenir l’amendement no 592. La société Orano Recyclage – anciennement Orano Cycle – a créé une usine sur son site de La Hague, dénommée UP3-A, en application de l’arrêté du 24 décembre 2020. Afin de renforcer les objectifs de retraitement des déchets prévus par le projet de loi, et alors que la France exporte une part importante de ses déchets – notamment en Russie, dans le cadre d’un accord avec Rosatom –, cet amendement a pour objet de renforcer les capacités françaises de retraitement. Ce faisant, il vise une plus grande souveraineté énergétique de la France : sans usine de retraitement des déchets nucléaires sur notre sol, notre souveraineté ne saurait être totale.
Notez que cet amendement est doublement écologique, puisqu’il vise à augmenter nos capacités de retraitement des déchets et à limiter les exportations de ces derniers à travers l’Europe, dans une logique de circuit court. Le Kazakhstan serait donc en circuit court ? Quel est l’avis de la commission ? Je reconnais qu’il est nécessaire d’enrichir l’uranium de retraitement (URT) en France, pour obtenir de l’uranium de retraitement enrichi (URE) ; je serais d’ailleurs favorable à ce que nous avancions dans ce domaine sur le plan industriel. Cet aspect est déjà intégré dans le rapport, puisque nous prenons en compte les déchets tant en amont qu’en aval. Votre amendement est donc satisfait. J’en demande le retrait ; à défaut, mon avis sera défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable, pour une raison simple : cette question fait l’objet d’études qui seront publiées à la fin de l’année, avec différents scénarios. Nous ne pouvons donc pas vous répondre favorablement dans les délais impartis au rapport : nous ne disposerons alors que d’une première vision. Comme je l’ai annoncé, nous travaillons actuellement sur notre capacité à accompagner nos partenaires européens, en aval comme en amont.
J’en profite pour répondre à M. Tanguy au sujet du traité Euratom. J’ai réuni onze pays européens pour créer une alliance européenne du nucléaire, qui s’appuiera notamment sur les coopérations envisagées dans ce traité. De telles coopérations sont en cours en matière non seulement de sûreté nucléaire, mais aussi de SMR – petits réacteurs modulaires – de nouvelle génération. Euratom n’est donc aucunement un traité mort-né ; il est bien actif.
Plusieurs autres pays sont en train de nous rejoindre ; curieusement, ce n’est pas encore le cas de l’Italie, mais j’espère qu’elle ne nous oubliera pas. La parole est à M. Nicolas Dragon. Compte tenu des arguments de bonne foi que vous venez de développer, je retire l’amendement. ( Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.) (L’amendement no 592 est retiré.) Je mets aux voix l’article 1er D. (Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 191
Nombre de suffrages exprimés 191
Majorité absolue 96
Pour l’adoption 153
Contre 38 (L’article 1er D, amendé, est adopté.)
La parole est à Mme Julie Laernoes, pour soutenir l’amendement no 310. Sur cet article, avez-vous été frappés par la folie du nucléaire ? Oui ! Oui, c’est vrai ! Le présent amendement vise à supprimer l’alinéa 7 de l’article 1er D. Cet après-midi, vous avez rejeté mon amendement qui, en référence au discours de Belfort, visait à substituer au nombre de quatorze réacteurs nucléaires la mention de six réacteurs et l’étude de huit autres – vous avez préféré inscrire dans le texte le nombre de quatorze. Toutefois, l’article tel qu’il est rédigé vise à évaluer non seulement les conséquences de la construction de quatorze réacteurs pressurisés européens (EPR) mais également les capacités de production de réacteurs supplémentaires.
Je ne sais pas si vous voulez rejoindre le programme du Rassemblement national, qui envisage d’ouvrir vingt nouveaux réacteurs dans les quinze prochaines années, ce qui ne figure dans aucune prospective énergétique, mais il me semble qu’il faudrait revenir à un peu plus de raison, même si j’entends bien que vous récitez un mantra afin de redonner de la confiance dans une filière qui, pourtant, a montré ses défaillances.
Cet amendement vise donc à supprimer l’alinéa 7, je le répète, et à revenir à un peu de modération et de raison. Commencez déjà par ouvrir les quatorze nouveaux réacteurs et nous en reparlerons ensuite, notamment après la mise en fonctionnement de celui de Flamanville. La parole est à M. Maxime Laisney, pour soutenir l’amendement no 332. Cet amendement, analogue à celui de ma collègue Julie Laernoes, vise à supprimer l’alinéa 7 de cet article, qui prévoit d’étudier la possibilité de construire plus de réacteurs que les quatorze mentionnés à l’alinéa 1. Retraçons l’historique de ce chiffre, qui ne cesse d’évoluer : dans son discours de Belfort, le président Macron – c’était au cours du mandat précédent – avait promis la construction de six réacteurs et l’étude de huit additionnels. Après le passage du texte au Sénat, nous en sommes arrivés à quatorze EPR et neuf réacteurs supplémentaires. Enfin, à la suite d’un amendement du Gouvernement en commission des affaires économiques, nous en sommes à quatorze plus x. Nous pourrions y voir une forme de progrès et penser que vous avez renoncé aux neuf réacteurs supplémentaires mais, en vérité, vous n’avez renoncé à rien et nous ne savons toujours pas ce que signifie ce x.
Parmi les six scénarios élaborés par RTE – Réseau de transport d’électricité –, ma collègue Aurélie Trouvé vous a dit hier que vous aviez choisi le pire, le sixième, et ignoré les autres, notamment les trois premiers. En fait, vous inventez même un septième scénario sur un coin de table, car aucun des scénarios de RTE ne prévoit de construire quatorze réacteurs, voire davantage. Le PDG d’EDF, M. Luc Rémont, que nous avons eu le plaisir d’auditionner, a même affirmé qu’il ne pouvait pas s’engager sur la construction de plus de six réacteurs.
Nous continuerons donc à vous poser nos questions afin d’éclairer à la fois nos débats et les Français sur ce sujet majeur : comment comptez-vous construire plus de six réacteurs ? Combien d’heures d’ingénierie manque-t-il pour construire des EPR 2 ? D’ailleurs, plutôt que de calculer en heures, ne faut-il pas l’estimer en jours, en semaines, en mois, en années ? Nous ne le savons pas. En siècles ! Pouvez-vous nous indiquer dans combien de temps Framatome sera-t-il capable de produire en série les pièces maîtresses du réacteur, telles que la cuve ou le couvercle ? Enfin, s’agissant du financement, M. Rémont nous a précisé qu’il estimait le coût de construction des six réacteurs à 52 milliards d’euros. Sachant que celui de Flamanville, qui n’est pas de la même génération, en a déjà coûté 20,… Vous n’aimez pas Flamanville ! …combien cela coûtera-t-il aux Français de construire quatorze réacteurs, voire davantage ? Qui paiera à la fin ? Cela se traduira-t-il par une augmentation de la facture des Français, par un endettement supplémentaire d’EDF, par une hausse des impôts ou par un prélèvement sur l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) ? Répondez à ces questions qui éclaireront nos débats et renoncez à construire tous vos réacteurs. Surtout, renoncez à en construire en sus des quatorze déjà mentionnés à l’alinéa 1 de l’article. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) La parole est à Mme Maud Bregeon, rapporteure de la commission des affaires économiques, pour donner l’avis de la commission sur ces amendements identiques. Je me contenterai de répondre à la question posée par l’amendement, si cela ne vous embête pas. Si, ça m’embête ! Le chiffre que vous évoquez est issu d’un ajout du Sénat qui, dans le rapport qui sera remis au Parlement, demandait l’étude de neuf réacteurs en sus des quatorze mentionnés. Pourquoi neuf ? Très honnêtement, ce chiffre m’échappe complètement, d’autant que les tranches sont réalisées par paire. Le programme du Président de la République n’a pas changé : il prévoit la construction de six réacteurs EPR 2 et l’étude de huit réacteurs supplémentaires. Néanmoins, il est toujours intéressant d’interroger la filière sur ses capacités – c’est ce qu’a fait Mme la secrétaire d’État récemment, je crois – et cela explique cette mention dans le texte. Je le répète, le programme du Président de la République, sur lequel nous nous sommes engagés dans nos circonscriptions respectives, n’a pas changé : il concerne la construction de quatorze EPR 2. Vous répondez à côté de la plaque ! La parole est à Mme la ministre de la transition énergétique, pour donner l’avis du Gouvernement. Même avis. La parole est à M. Matthias Tavel. Cet alinéa représente une fuite en avant. Alors même que le PDG d’EDF déclare avoir signé pour six EPR et non pour quatorze, vous proposez d’inscrire dans la loi la possibilité d’aller au-delà de ces quatorze réacteurs. C’est quand même assez original ! Vous dites répondre à la question posée par l’amendement. Toutefois, les questions qui se posent pour la construction de quatorze réacteurs ou plus, se posent déjà pour les six premiers. Nous trouvons pour le moins hasardeux, puisque vous ne répondez pas sur ces six EPR, que vous vouliez vous engager sur huit réacteurs supplémentaires – voire je ne sais combien d’autres. Par ailleurs, le nouveau nucléaire sera-t-il géré par le même exploitant qu’actuellement ? La réponse apportée hier était très floue – et quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup.
Le coût de la construction des six premiers réacteurs est estimé à plusieurs dizaines de milliards. Or, si l’on se fonde sur le coût de celui de Flamanville, 280 milliards seraient nécessaires pour en construire quatorze. Qui va payer ? Le montant sera-t-il prélevé sur l’Arenh ? Imposerez-vous une nouvelle taxe sur les factures des Français ? Ponctionnerez-vous le livret A ? Ou aurez-vous recours à des financements privés, comme cela a été évoqué dans Les Échos, ou bien à des contrats d’achat d’électricité (PPA) comme l’a proposé la Commission européenne encore aujourd’hui ? En définitive, ferez-vous entrer les intérêts privés et les intérêts capitalistes – disons-le clairement – dans le financement de l’énergie nucléaire, ce qui serait très dangereux ? Voilà nos questions. Elles valent pour six réacteurs, pour quatorze et évidemment pour davantage encore. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) La parole est à Mme Julie Laernoes. Nous sommes des législateurs ; nous ne sommes donc pas ici pour faire des annonces et communiquer sur la relance du nucléaire. Ce n’est pas notre fonction première, qui est de légiférer. Nous ne devons donc pas inscrire dans un texte de loi des éléments qui ne figurent ni dans les prospectives énergétiques ni dans les scénarios demandés sur lesquels nous devrions être amenés à nous prononcer. Vous contournez le débat en inscrivant dans le texte le nombre de quatorze réacteurs, ce qui ne fait même pas partie du programme du Président de la République. Si ! Non ! Le programme prévoit d’étudier la construction de huit réacteurs qui viendraient s’ajouter aux six initiaux, ce qui n’est pas du tout la même chose ! Le fait de mentionner, dans votre fuite en avant, le nombre de quatorze réacteurs, auxquels vous ajoutez maintenant la mise à l’étude de réacteurs supplémentaires, est totalement hallucinant compte tenu de la réalité – ces chiffres ne figuraient dans aucun programme électoral, à part celui du Rassemblement national. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe RN.) Si vous voulez suivre le modèle des climato-négationnistes pour diriger la politique énergétique (Protestations sur plusieurs bancs du groupe RN) , dites-le tout de suite ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Écolo-NUPES et LFI-NUPES.) Je mets aux voix les amendements identiques nos 310 et 332. (Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 116
Nombre de suffrages exprimés 116
Majorité absolue 59
Pour l’adoption 20
Contre 96 (Les amendements identiques nos 310 et 332 ne sont pas adoptés.) L’amendement no 282 de Mme la rapporteure est rédactionnel. (L’amendement no 282, accepté par le Gouvernement, est adopté.) L’amendement no 351 de M. Pierre Meurin est défendu.
Quel est l’avis de la commission ? Défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable également. La parole est à Mme Julie Laernoes. Je ne sais pas pour quelle raison le Rassemblement national ne défend plus ses amendements. Peut-être pour que le projet de loi ne puisse pas être débattu ?
L’amendement vise à rajeunir le parc de centrales nucléaires qui est, en effet, vieillissant. Il dresse la liste des années de construction des différents réacteurs : l’âge moyen de ceux-ci est actuellement de 37 ans. Par ailleurs, parmi ceux de la dernière tranche, figurent deux des réacteurs sur lesquels ont été observées les fissures les plus importantes, d’une ampleur inégalée. Eh oui ! Ce qui signifie que le problème n’est pas qu’une question d’âge ; il tient aussi aux capacités de la filière et aux malfaçons qui sont apparues sur certaines soudures. Nous voterons bien évidemment contre cet amendement, qui n’a aucune portée réelle. (Mme Sandra Regol applaudit.) Je mets aux voix l’amendement no 351. (Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 120
Nombre de suffrages exprimés 120
Majorité absolue 61
Pour l’adoption 38
Contre 82 (L’amendement no 351 n’est pas adopté.) La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l’amendement no 39. Il vise à ajouter à l’article l’alinéa suivant : « Le rapport fait état des tendances mondiales, notamment européennes, s’agissant de la production d’énergie nucléaire et de la concurrence internationale dans ce secteur. » Pourquoi ? Nous constatons dans nos débats depuis hier une forme de cécité, voire un déni, sur le fait que nous évoluons dans un contexte de concurrence mondiale en matière de nucléaire. Il s’agit d’une industrie, qui fait partie de l’économie – cela implique la compétence.
Il serait donc intéressant d’éclairer la représentation nationale et les collègues qui ont du mal à comprendre les enjeux du nucléaire… Vous parlez de vos propres collègues ! …sur le fait que la France ne vit pas sous cloche et que l’évolution de cette technologie et de la filière répond à des enjeux européens et internationaux très forts. De grandes puissances viennent en concurrence, telles que les États-Unis, la Russie,… La Russie, oui. …la Chine ou encore la Corée du Sud, et font partie des leaders. Soyons heureux et fiers que la France soit l’un de ces leaders du nucléaire et, surtout, le demeure. C’est pourquoi il serait intéressant d’expliciter ce type de considérations dans le rapport. Quel est l’avis de la commission ? Favorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La parole est à M. Maxime Laisney. Je sais que la ministre n’aime pas les rapports, et ne veut pas gaspiller du temps et de l’énergie pour en produire. Je répondrai donc plutôt à notre collègue : les tendances internationales en matière de nucléaire se cassent la gueule. Vous pourriez relever la vulgarité de certains députés, madame la présidente ! Environ 400 réacteurs sont en fonctionnement dans le monde, et il y a davantage de réacteurs qui ferment que de réacteurs qui ouvrent. Si nous devions remplacer toutes les capacités de production thermiques par du nucléaire, il faudrait fabriquer 2 000 réacteurs nucléaires – or je vous rappelle qu’il n’en existe que 400, et que la tendance est à la baisse. Je viens de vous faire gagner un peu de temps !
Par ailleurs, si nous utilisions tout l’uranium disponible sur terre pour fabriquer de l’électricité pour la planète entière, nous en aurions pour une vingtaine d’années. Le nucléaire n’est pas une solution d’avenir : je vous ai fait économiser du temps et de l’énergie ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy. Nous voterons l’amendement de notre collègue, qui nous paraît de bon aloi. J’aimerais toutefois vous adresser deux questions complémentaires.
Une concurrence s’exerce sur des réacteurs semblables à l’EPR, mais ayant une puissance moindre. Quelle solution vous semble la plus pertinente ? Cela renvoie à un amendement du groupe Les Républicains – qui a peut-être été discuté cet après-midi, quand j’étais absent –, invitant à mener une réflexion sur les réacteurs. Dans le cadre du débat sur la concurrence, nous devrions nous intéresser aux choix des autres acteurs : sont-ils différents des nôtres, et sont-ils pertinents ?
Je m’interroge par ailleurs sur la réactivation du traité instituant la Communauté européenne de l’énergie atomique (Euratom). J’ai déposé des amendements à ce sujet, mais ils ont été jugés irrecevables – je le signale non pour polémiquer, mais parce que la question est importante. Pour rappel, le traité Euratom a une valeur juridique identique aux deux autres piliers de la construction européenne, à savoir le traité instituant la Communauté économique européenne (CEE), et la politique étrangère et de sécurité commune (Pesc). Or le traité Euratom est mort-né, notamment à cause de l’Allemagne. Il n’est mobilisé que dans une certaine mesure en matière de radioprotection et par quelques laboratoires de recherche. Ne serait-il pas opportun de relancer une coopération libre entre partenaires européens ? Je pense en particulier à l’Italie, qui est confrontée à des enjeux de souveraineté énergétique dramatiques, et qui pourrait être volontaire pour travailler sur un réacteur de quatrième génération. (L’amendement no 39 est adopté.) La parole est à M. Antoine Villedieu, pour soutenir l’amendement no 510. Les besoins en électricité augmenteront fortement dans les prochaines décennies, du fait de la numérisation généralisée de la formation et des secteurs professionnels, et de la volonté insatiable de Bruxelles – soutenue par votre gouvernement – d’imposer le tout-électrique dans l’automobile et les transports en commun. Ajoutons à cela la sortie programmée des énergies fossiles, qui représentent encore 7,5 % de notre production électrique : il faudra les compenser par une énergie décarbonée, indépendante et non intermittente.
En parallèle du travail relatif au nucléaire, nous devons prendre en considération la consommation nécessaire à la réindustrialisation du pays : c’est un enjeu vital pour notre économie, défendu depuis des années par Marine Le Pen et par le Rassemblement national. D’après le gestionnaire RTE, la consommation électrique pourrait augmenter jusqu’à 90 % si une vraie politique de réindustrialisation était menée en France. Nous devons en tenir compte.
Par cet amendement, nous demandons que le rapport du Gouvernement étudie la capacité de la France à produire suffisamment d’électricité pour répondre à l’impératif de réindustrialisation. Le chiffre que nous avançons, 95 gigawatts installés à l’horizon de 2050, correspond à une augmentation de 30 % de la capacité nucléaire, et ne représenterait que 50 % du mix électrique nécessaire dans un scénario de réindustrialisation. Cette question mérite d’être étudiée. Aussi vous demandons-nous de voter cet amendement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.) Quel est l’avis de la commission ? Je n’entrerai pas dans les hypothèses de consommation que vous avancez. Je note en revanche que pour une fois, vous ne parlez pas en pourcentage mais en puissance – c’est déjà un grand progrès.
J’ai le sentiment que vous mettez la charrue avant les bœufs. Quand Pierre Messmer a lancé le programme électronucléaire français, il n’a pas lancé les cinquante-huit réacteurs d’un seul coup. Nous en avons parlé en commission : un contrat de programme initial a été lancé, le CP0 ; sa réussite a conduit au suivant, le CP1, dont le succès a lui-même conduit au CP2. Si nous arrivons déjà à lancer avec succès la construction et le couplage au réseau de quatorze réacteurs, nous pourrons envisager la suite. Je comprends que vous vouliez y réfléchir, mais cela me semble prématuré. (« C’est inquiétant ! » sur les bancs du groupe RN.)
Je demande donc le retrait de l’amendement. Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable. La parole est à M. Maxime Laisney. Par cet amendement, le Rassemblement national manifeste ses atomes crochus avec la minorité présidentielle, en voulant déployer des réacteurs au-delà du raisonnable. Je ne peux m’empêcher de souligner que, tout à l’heure, un député de ce groupe a remis en cause la nocivité de la radioactivité, au motif que quand il y a du soleil, il y a du rayonnement. Que préconisez-vous en cas de bombe atomique : de la crème solaire ? Notre collègue a l’air au point : qu’il nous éclaire ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Bravo, c’est très drôle ! Plus sérieusement, je réitère ma question au sujet des pilules d’iode. La dernière campagne de distribution de ces pilules dans un rayon de 10 à 20 kilomètres autour des centrales a été un fiasco : seuls 25 % des riverains concernés les ont effectivement reçues. De fait, 1,5 million de Françaises et de Français vivent à proximité d’une centrale nucléaire mais n’ont pas eu leur petite pilule. Nous attendons toujours une réponse du Gouvernement : quel plan est prévu pour résoudre ce problème, surtout si de nouveaux réacteurs sont construits ? La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy. Il est essentiel d’étudier – comme nous le faisons – des hypothèses sur les besoins de production d’électricité à long terme. D’ailleurs, vous reconnaissez vous-même qu’il faut du temps pour lancer des programmes de centrales nucléaires. L’objectif de réindustrialisation oblige lui aussi à se projeter dans le temps. Il est donc contradictoire que vous rejetiez notre amendement. Le plan Messmer s’est certes décliné en plusieurs paliers, mais par-delà ces étapes, il visait un objectif d’industrialisation et de poursuite de la prospérité économique. Le plan Marie Curie que nous avons proposé comporte pour sa part trois paliers. Notre démarche est donc logique.
Vous le savez pertinemment, madame la rapporteure : si nous n’avions pas des hypothèses ambitieuses de construction de réacteurs, vous nous reprocheriez, à juste titre, de promettre aux Français une réindustrialisation à hauteur de 10 points de PIB dans les trente prochaines années, sans prévoir les capacités de production électrique afférentes. Vous ne pouvez pas nous reprocher tout et son contraire – n’y voyez pas une critique ; je vous explique simplement les tenants et les aboutissants de notre amendement. Dès lors que nous voulons atteindre notre objectif, il est normal que nous prévoyions des capacités de production électrique cohérentes.
Enfin, vous n’avez pas répondu, hier, à une question essentielle : l’effet falaise – qui commencera en 2040 si les réacteurs ne sont pas prolongés ou ne peuvent pas l’être – n’est pas compensé par le plan prévoyant six réacteurs, et ne l’est qu’en partie par le plan qui en prévoit quatorze – sachant que, dans ce cas, un effet falaise se fera sentir à partir de 2050. Ce qui compte avant tout est certes de lancer des réacteurs dès à présent, mais vous ne pouvez pas balayer du revers de la main le fait que notre nation doive se projeter dans les trente prochaines années, et installer des capacités nucléaires suffisantes pour répondre à des besoins industriels nettement plus importants qu’aujourd’hui. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.) Je mets aux voix l’amendement no 510. (Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 170
Nombre de suffrages exprimés 166
Majorité absolue 84
Pour l’adoption 49
Contre 117 (L’amendement no 510 n’est pas adopté.) La parole est à M. Nicolas Dragon, pour soutenir l’amendement no 591. Il vise à accélérer le formidable potentiel de développement de l’hydrogène vert issu du nucléaire. En parallèle de la relance de la filière nucléaire, nous avons l’occasion de convertir la production actuelle d’hydrogène, polluante, en production décarbonée. Cela devrait plaire aux députés Écolo des bancs d’en face, mais on connaît leurs préjugés antinucléaires !
Un million de tonnes d’hydrogène sont consommées en France, essentiellement par l’industrie. Nous proposons d’installer des électrolyseurs à hauteur de 6 à 8 gigawattheures avant 2027, ce qui constituera une accélération par rapport au plan « hydrogène » du Gouvernement. Ces électrolyseurs seront alimentés par l’électricité de base, essentiellement nucléaire : cela rehaussera mécaniquement le facteur de charge des réacteurs. Selon les estimations, la production de 1 million de tonnes d’hydrogène par ce procédé nécessiterait, à terme, 50 térawattheures par an. Je n’aurai pas la cruauté de demander à la NUPES comment elle compte parvenir à un résultat équivalent avec ses saintes éoliennes !
Ce dispositif présenterait de surcroît un grand intérêt pour les bassins industriels importants, demandeurs d’hydrogène, situés à proximité de centrales – je pense par exemple à celle de Gravelines. Je ne doute donc pas que sur l’ensemble des bancs, vous voterez en faveur de l’accélération de la production d’hydrogène décarboné, à la faveur de la relance du nucléaire : faisons d’une pierre deux coups ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Quel est l’avis de la commission ? Défavorable. Le débat est intéressant, mais reconnaissez que vous vous éloignez pour le moins du sujet. À force d’ajouter des chapitres, ce n’est pas un rapport que nous obtiendrons, mais une thèse ! Excellent ! Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable. Vous parlez de production d’hydrogène à l’horizon de 2027, mais nous construisons des réacteurs à l’horizon de 2035-2037 : votre amendement comporte donc un hiatus. C’est le rapport, tome 1 ! Je mets aux voix l’amendement no 591. (Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 159
Nombre de suffrages exprimés 155
Majorité absolue 78
Pour l’adoption 50
Contre 105 (L’amendement no 591 n’est pas adopté.) La parole est à M. Nicolas Dragon, pour soutenir l’amendement no 592. La société Orano Recyclage – anciennement Orano Cycle – a créé une usine sur son site de La Hague, dénommée UP3-A, en application de l’arrêté du 24 décembre 2020. Afin de renforcer les objectifs de retraitement des déchets prévus par le projet de loi, et alors que la France exporte une part importante de ses déchets – notamment en Russie, dans le cadre d’un accord avec Rosatom –, cet amendement a pour objet de renforcer les capacités françaises de retraitement. Ce faisant, il vise une plus grande souveraineté énergétique de la France : sans usine de retraitement des déchets nucléaires sur notre sol, notre souveraineté ne saurait être totale.
Notez que cet amendement est doublement écologique, puisqu’il vise à augmenter nos capacités de retraitement des déchets et à limiter les exportations de ces derniers à travers l’Europe, dans une logique de circuit court. Le Kazakhstan serait donc en circuit court ? Quel est l’avis de la commission ? Je reconnais qu’il est nécessaire d’enrichir l’uranium de retraitement (URT) en France, pour obtenir de l’uranium de retraitement enrichi (URE) ; je serais d’ailleurs favorable à ce que nous avancions dans ce domaine sur le plan industriel. Cet aspect est déjà intégré dans le rapport, puisque nous prenons en compte les déchets tant en amont qu’en aval. Votre amendement est donc satisfait. J’en demande le retrait ; à défaut, mon avis sera défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable, pour une raison simple : cette question fait l’objet d’études qui seront publiées à la fin de l’année, avec différents scénarios. Nous ne pouvons donc pas vous répondre favorablement dans les délais impartis au rapport : nous ne disposerons alors que d’une première vision. Comme je l’ai annoncé, nous travaillons actuellement sur notre capacité à accompagner nos partenaires européens, en aval comme en amont.
J’en profite pour répondre à M. Tanguy au sujet du traité Euratom. J’ai réuni onze pays européens pour créer une alliance européenne du nucléaire, qui s’appuiera notamment sur les coopérations envisagées dans ce traité. De telles coopérations sont en cours en matière non seulement de sûreté nucléaire, mais aussi de SMR – petits réacteurs modulaires – de nouvelle génération. Euratom n’est donc aucunement un traité mort-né ; il est bien actif.
Plusieurs autres pays sont en train de nous rejoindre ; curieusement, ce n’est pas encore le cas de l’Italie, mais j’espère qu’elle ne nous oubliera pas. La parole est à M. Nicolas Dragon. Compte tenu des arguments de bonne foi que vous venez de développer, je retire l’amendement. ( Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.) (L’amendement no 592 est retiré.) Je mets aux voix l’article 1er D. (Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 191
Nombre de suffrages exprimés 191
Majorité absolue 96
Pour l’adoption 153
Contre 38 (L’article 1er D, amendé, est adopté.)
La parole est à Mme Sandra Regol, pour soutenir les amendements nos 421 et 422, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
Il est primordial de respecter les deniers publics. L’amendement vise donc à ce que la Cour des comptes évalue chaque année les coûts de fonctionnement et d’investissement, les moyens humains et les modalités de financement de la production d’énergie nucléaire issue de la construction des EPR. En cas de dépassement égal ou supérieur à 10 % des coûts prévus – ce qui semble se produire assez souvent –, la Cour des comptes publiera également une déclaration explicite en ce sens.
Pour illustrer ce risque de dépassement des coûts, je pourrais citer de nombreux EPR. Celui d’Olkiluoto, en Finlande, construit par Areva, constitue un exemple criant de manque de rentabilité. La construction des deux EPR de Taishan a démarré avec cinq ans de retard et leur rentabilité n’est toujours pas démontrée. Le coût du projet d’Hinkley Point, initialement estimé à 18 milliards de livres sterling, vient d’être réévalué à 32 milliards de livres – l’homothétie entre Hinkley Point et Flamanville n’a rien de fortuit. Oui, jamais aucun projet industriel n’a connu de telles dérives financières.
Respecter les deniers publics, c’est important, particulièrement dans un contexte de crise économique, quand de telles gabegies portent directement atteinte au budget des Français. En effet, c’est peut-être l’épargne des Français qui sera bientôt investie dans le gouffre financier qu’est le projet nucléaire. Le respect que nous devons à nos concitoyens exige au moins que la Cour des comptes contrôle le coût de ce programme et les informe des dérives des coûts de construction. Cela relève du simple pragmatisme.
L’amendement de repli no 422 vise à produire la même obligation déclarative à partir non plus de 10 % mais de 20 % de surcoût. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.) Quel est l’avis de la commission ? Défavorable aux deux amendements. Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable, car ils sont satisfaits : nous suivons les coûts des projets de construction. La parole est à Mme Anne Stambach-Terrenoir. Je salue ces amendements qui permettent de poser à nouveau la question des coûts de cette relance à marche forcée du nucléaire. Combien coûteront les quatorze EPR 2 ? Je rappelle que le budget de 3,3 milliards d’euros initialement promis pour le projet de Flamanville a finalement atteint près de 20 milliards. Nous sommes en droit de nous interroger. Combien coûteront ces constructions ? Combien coûtera le grand carénage, c’est-à-dire la prolongation de la durée de vie des centrales au-delà de quarante ans ? La Cour des comptes a évoqué un budget de 100 milliards d’euros à l’horizon de 2030, mais la récente épidémie de fissures dues à la corrosion sous contrainte change la donne – combien cela va-t-il coûter ?
Puisque vous vous engagez dans cette relance sans aucun débat public, la moindre des choses serait de fournir à la représentation nationale les éléments nécessaires pour l’étudier. Combien coûtera-t-elle ? Qui la paiera ? On parle de prélèvements sur le livret A, qui, pour l’instant sert principalement à financer le logement social ; les factures des familles, des entreprises ou des collectivités exploseront-elles ? Qui paiera et combien ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) (Les amendements nos 421 et 422, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Pour illustrer ce risque de dépassement des coûts, je pourrais citer de nombreux EPR. Celui d’Olkiluoto, en Finlande, construit par Areva, constitue un exemple criant de manque de rentabilité. La construction des deux EPR de Taishan a démarré avec cinq ans de retard et leur rentabilité n’est toujours pas démontrée. Le coût du projet d’Hinkley Point, initialement estimé à 18 milliards de livres sterling, vient d’être réévalué à 32 milliards de livres – l’homothétie entre Hinkley Point et Flamanville n’a rien de fortuit. Oui, jamais aucun projet industriel n’a connu de telles dérives financières.
Respecter les deniers publics, c’est important, particulièrement dans un contexte de crise économique, quand de telles gabegies portent directement atteinte au budget des Français. En effet, c’est peut-être l’épargne des Français qui sera bientôt investie dans le gouffre financier qu’est le projet nucléaire. Le respect que nous devons à nos concitoyens exige au moins que la Cour des comptes contrôle le coût de ce programme et les informe des dérives des coûts de construction. Cela relève du simple pragmatisme.
L’amendement de repli no 422 vise à produire la même obligation déclarative à partir non plus de 10 % mais de 20 % de surcoût. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.) Quel est l’avis de la commission ? Défavorable aux deux amendements. Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable, car ils sont satisfaits : nous suivons les coûts des projets de construction. La parole est à Mme Anne Stambach-Terrenoir. Je salue ces amendements qui permettent de poser à nouveau la question des coûts de cette relance à marche forcée du nucléaire. Combien coûteront les quatorze EPR 2 ? Je rappelle que le budget de 3,3 milliards d’euros initialement promis pour le projet de Flamanville a finalement atteint près de 20 milliards. Nous sommes en droit de nous interroger. Combien coûteront ces constructions ? Combien coûtera le grand carénage, c’est-à-dire la prolongation de la durée de vie des centrales au-delà de quarante ans ? La Cour des comptes a évoqué un budget de 100 milliards d’euros à l’horizon de 2030, mais la récente épidémie de fissures dues à la corrosion sous contrainte change la donne – combien cela va-t-il coûter ?
Puisque vous vous engagez dans cette relance sans aucun débat public, la moindre des choses serait de fournir à la représentation nationale les éléments nécessaires pour l’étudier. Combien coûtera-t-elle ? Qui la paiera ? On parle de prélèvements sur le livret A, qui, pour l’instant sert principalement à financer le logement social ; les factures des familles, des entreprises ou des collectivités exploseront-elles ? Qui paiera et combien ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) (Les amendements nos 421 et 422, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
La parole est à Mme Louise Morel.
En commission, nous avons adopté cet article consistant en une demande de rapport relatif aux besoins en formation créés par la relance du nucléaire. La formation est une condition
sine qua non
pour réussir le chantier de ce siècle, aussi le groupe Démocrate est-il favorable à cette demande de rapport. Madame la ministre, pourriez-vous nous en dire plus long sur la stratégie que vous entendez mettre en œuvre en la matière, afin d’éclairer notre assemblée sur les pistes actuellement étudiées ?
D’autre part, nous savons que les parcours de formation doivent être davantage adaptés ; qu’en est-il de votre position sur un éventuel retour au modèle des écoles de métiers, telles qu’il en existait dans les années 1980 et 1990 ? Il me semble en effet que ce modèle est pertinent lorsqu’il s’agit des corps de métier de la filière nucléaire. La parole est à M. Sébastien Jumel. J’ai fait adopter cet article en commission, fort de l’expérience que m’a donnée la préparation de la construction des deux EPR de Penly. Nous le savons, il est nécessaire de renouveler les savoir-faire, car la filière nucléaire a été siphonnée, voire abandonnée, entraînant la déperdition de compétences. La perspective de la relance nucléaire implique donc non seulement qu’on mobilise la formation professionnelle, mais aussi qu’on permette à l’éducation nationale d’anticiper les besoins en matière de formation initiale, du collège à l’université.
Outre les besoins liés à la relance de la filière, j’ai également insisté en commission sur la nécessité d’identifier les besoins en matière de préservation des savoir-faire industriels dans les bassins de vie concernés. À défaut, la filière nucléaire risque de siphonner les entreprises limitrophes des chantiers. Dans ma circonscription, le pôle verrier – la « Glass vallée » –, qui représente 7 000 emplois et 70 entreprises, ou encore le pôle automobile, seront concurrencés, si l’on n’y prend garde, par les salaires proposés ou par la nature même des emplois créés dans la filière nucléaire.
Il est donc urgent que les services de l’éducation nationale – le ministère et le rectorat – s’emparent de cette question. Pour l’instant, même si des initiatives voient le jour, comme la création récente d’une école de robinetterie et d’une école de soudure, l’éducation nationale est à la remorque. Il faut une impulsion de l’État. C’est pourquoi je sollicite l’implication du Gouvernement en la matière. Sur l’article 1er E, je suis saisie par le groupe Renaissance d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme la ministre. Je voudrais apporter des précisions quant au travail entamé par le Gouvernement sur cette question dont Mme Morel et M. Jumel ont souligné le caractère essentiel. Nous avons annoncé le lancement d’un « plan Marshall des compétences », engagé dès 2019 en ce qui concerne la filière nucléaire, à l’occasion de la signature du contrat stratégique de filière. La filière nucléaire nous présentera le 15 avril un état des lieux des besoins, compétence par compétence, et en mai sa feuille de route en matière de formation.
Je rappelle que nous avons engagé la même démarche pour la filière des énergies renouvelables, en parallèle de la loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, que nous aurions souhaité voir voter par certains qui, ouvertement opposés au nucléaire, ne proposent pourtant pas d’autre solution et ne votent pas les lois qui leur en offrent. (Protestations sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.) Essayez d’élever un peu le débat ! Dans le cadre de la réindustrialisation du pays, l’enjeu consiste donc à nous doter d’un outil de formation destiné à présenter aux jeunes tout au long du parcours de formation, du baccalauréat professionnel au diplôme d’ingénieur ou au postdoctorat, ces métiers et les possibilités qu’ils offrent. Nous envisageons la création de plus de 100 000 emplois pour la seule filière nucléaire : il faudra donc consentir un énorme effort en matière de formation initiale des jeunes et d’accompagnement à la reconversion. La parole est à Mme Lisa Belluco, pour soutenir l’amendement no 175. Je sais que Mme la rapporteure n’apprécie pas les amendements aux articles portant sur une demande de rapport, mais en l’occurrence, leur nombre est limité ; je tenterai donc ma chance.
L’amendement vise simplement à étendre un peu le champ du rapport. Comme l’a indiqué le Conseil économique, social et environnemental (Cese) dans son rapport du 13 janvier 2022, les métiers des énergies renouvelables, notamment leur branche industrielle – je ne m’écarte pas de l’industrie – demeurent en tension. Ces filières pourtant pourvoyeuses d’emplois rencontrent de réelles difficultés pour trouver des candidats. Vos orientations très favorables à la relance du nucléaire pourraient conduire à l’asséchement du marché de l’emploi des énergies renouvelables, mettant ainsi en difficulté leur déploiement, faute de main-d’œuvre et de carrières stables, dans lesquelles on puisse se projeter. Or la planification écologique sérieuse passe aussi par le bon dimensionnement de la politique de formation et par la préservation des filières des énergies renouvelables. Le groupe écologiste appelle donc à soutenir l’emploi qualifié et bien rémunéré, qui peut encore largement progresser dans le secteur du renouvelable.
L’amendement tend à évaluer les moyens qu’il faudra mobiliser pour répondre aux besoins de formation dans les filières énergétiques, qu’il s’agisse de la filière nucléaire ou des filières des énergies renouvelables. Vous affirmez souvent que la politique énergétique de la France doit avancer sur ces deux jambes ; par cet amendement, nous tâchons d’éviter qu’une des deux jambes ne fasse un croche-pied à l’autre. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.) Quel est l’avis de la commission ? Défavorable, car cet amendement est hors sujet. De la même manière, j’ai rendu un avis défavorable aux amendements qui traitaient de l’hydrogène, ce qui ne signifie pas que nous sommes contre la recherche sur l’hydrogène, mais qu’il faut rester dans le champ du texte, qui concerne le nucléaire.
Quant à l’idée que les métiers des énergies renouvelables risquent de souffrir de la concurrence avec les métiers du nucléaire, je ne la trouve pas convaincante. Les compétences, les qualifications et les sites géographiques concernés sont en effet très différents. Le risque n’est pas nul, mais il me paraît bien plus faible que le risque évoqué par M. Jumel, qui soulignait l’attractivité qu’un chantier nucléaire peut représenter, par exemple, pour des soudeurs travaillant à proximité, dans le même bassin d’emploi. Quel est l’avis du Gouvernement ? J’ai indiqué dans mon propos introductif – mais peut-être n’étiez-vous pas pleinement attentifs – que le travail que vous demandez, relatif à l’évaluation des besoins de formation pour le secteur des énergies renouvelables, est en cours. Il prendra plus longtemps que le plan analogue concernant le nucléaire, qui, lancé en 2019, aboutira en avril 2023. En effet, les métiers des énergies renouvelables représentent dix filières distinctes – éolien marin, éolien flottant, photovoltaïque, etc. –, et l’évaluation des besoins démarre à peine. Il n’est donc pas cohérent de fixer à ce travail un délai de six mois, comme vous le proposez.
Je tiens néanmoins à vous rassurer : votre amendement est satisfait, car le processus que vous demandez est déjà engagé. Il fait partie des sujets abordés lors des réunions mensuelles avec les acteurs des énergies renouvelables, qui permettent également d’évoquer leur capacité industrielle à répondre aux objectifs de la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, dont nous regrettons profondément que vous ne l’ayez pas votée. C’est bon, on a compris ! La parole est à Mme Anna Pic. Je soutiens cette demande d’élargissement, car l’ouverture du rapport à l’ensemble du secteur de l’énergie ne changerait pas grand-chose à son objectif. Mon territoire, la Manche, exploite les énergies renouvelables, notamment les énergies marines, ce qui n’empêche pas que l’industrie nucléaire y soit fortement implantée. Je me réjouis d’entendre que vous menez un travail d’évaluation des besoins de formation, mais force est de constater que nous sommes très en retard. La relance du nucléaire est envisagée de longue date, et notre travail relatif à la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) nous a permis de fixer des orientations claires en matière d’énergies renouvelables : nous aurions dû traiter bien plus tôt la question de la formation !
Il est temps d’avancer en coordonnant les différentes filières de l’énergie : dans mon territoire, ces filières coexistent, et les industriels se sont organisés pour offrir la formation que l’éducation nationale n’a pas su proposer à ceux qui souhaitaient travailler dans ces métiers. Il s’agit non d’attiser la concurrence entre les énergies renouvelables et le nucléaire, mais de permettre, au contraire, le passage d’un secteur à l’autre. C’est d’autant plus important que la fin d’un projet est souvent l’occasion d’un changement de filière. La parole est à Mme Julie Laernoes. J’ai relevé plusieurs inexactitudes dans les propos de Mme la ministre et de Mme la rapporteure. Lors de l’examen de la loi sur les énergies renouvelables, nous avions proposé plusieurs amendements tendant à retirer la mention de l’hydrogène bas-carbone, qui introduisait le nucléaire et le soutien à cette filière dans une loi sur les énergies renouvelables où il n’avait pas à figurer. Vous avez introduit le nucléaire dans la loi sur les énergies renouvelables, mais vous refusez de mentionner les énergies renouvelables dans le projet de loi en examen, quand nous abordons la question de la formation.
Il faut accroître les compétences en matière d’énergie. Madame la rapporteure, dois-je vous apprendre que les énergies renouvelables sont décentralisées ? Mais peut-être ai-je employé un gros mot, car vous considérez qu’il faut tout centraliser. Par essence, elles sont décentralisées et elles concernent les bassins d’emploi de tous nos territoires.
Quoi qu’il en soit, pour fabriquer une turbine, qu’elle serve dans le nucléaire ou dans les énergies renouvelables, on a besoin de compétences. C’est pourquoi l’amendement no 175 présenté par Mme Belluco est un amendement de bon sens. Vous soutenez que vous ne mettez pas en concurrence le nucléaire et les énergies renouvelables, mais on a l’impression que vous favorisez uniquement le premier et jamais les secondes.
Enfin, vous pouvez rappeler – et cela montre la vacuité de vos arguments – que les écologistes se sont abstenus sur la loi sur les énergies renouvelables. Nous l’avons fait pour une bonne raison : vous avez refusé tous les amendements qui pouvaient améliorer ce texte loi et vous avez ajouté de nombreuses contraintes à la définition des énergies renouvelables.
Il faudra mesurer les effets de cette loi, mais nous craignons qu’elle ne serve absolument pas à accélérer l’émergence de la filière des énergies renouvelables dans nos territoires. Dans ce domaine, l’État français accuse plus de retard que tous les autres pays européens. Peut-être le tout-nucléaire y est-il pour quelque chose. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.)
Excellent ! La parole est à Mme la rapporteure. Le mix électrique de la France est l’un des plus décarbonés d’Europe. Pour le climat, c’est tout ce qui compte. (« Eh non ! » sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.) Quelle méconnaissance de la réalité ! (L’amendement no 175 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Yaël Menache, pour soutenir l’amendement no 590. Madame la ministre, vous nous avez dit que faire l’inventaire des compétences liées au nucléaire ne servait à rien. Je pense au contraire qu’il faut créer un environnement favorable en prenant en considération toutes les dimensions pour relancer le nucléaire.
J’ai interrogé à nouveau les spécialistes de la filière soudure dont j’ai parlé hier soir et sur laquelle je reviens avec l’amendement no 590. Vous avez soutenu qu’un plan de relance était prévu pour ces formations, mais ce ne sont que des promesses.
Je ne comprends pas pourquoi vous vous obstinez à mépriser et à rejeter les amendements de bon sens. Cela trahit simplement une incompétence érigée en méthode. Oh ! Veuillez prendre conscience de l’importance des formations telles que la soudure et les réintégrer au compte personnel de formation (CPF). (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Quel est l’avis de la commission ? La rédaction proposée mentionne les « besoins de formation et de compétences » de manière générale. Oui, on a besoin de soudeurs, mais on a aussi besoin de mécaniciens, de robinetiers, de chimistes, de personnes pouvant assurer la protection des sites. Les compétences d’un centre nucléaire de production d’électricité (CNPE) vont bien au-delà de la seule question des soudures et des chaudronniers, même si l’on en parle beaucoup. La rédaction actuelle est beaucoup plus adéquate aux besoins réels que celle que vous proposez. Quel est l’avis du Gouvernement ? Madame Menache, vous ne m’avez sans doute pas écoutée. Ah si ! J’ai précisément dit, en répondant à Mme Morel, que nous travaillions sur un plan Marshall des compétences, que la filière nous remettrait un rapport le 15 avril prochain et que nous présenterons un plan d’action en mai. Ce plan concerne les bac pro, les bac + 2, les techniciens, les ingénieurs et les post-doc. Comme vous pouvez l’imaginer, parmi les bac pro il y a notamment les soudeurs. Je suis un peu surprise que vous suiviez si peu les débats que vous me prêtiez des mots exactement contraires à ceux que j’ai prononcés à l’instant.
L’avis du Gouvernement est donc évidemment défavorable. La première forme de mépris consiste à ne pas écouter ce que les autres disent dans cet hémicycle. (Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.) (L’amendement no 590 n’est pas adopté.) La parole est à M. Sylvain Carrière, pour soutenir l’amendement no 415. Nous voulons par cet amendement compléter la proposition de nos camarades communistes. Vous le savez, nous ne voulons pas du nucléaire en France pour bien des raisons : l’accès à l’eau rendu incertain, la cible que les réacteurs constituent en cas d’attaque et le mirage d’une énergie illimitée et propre que véhicule le nucléaire.
Cependant, la formation est nécessaire et l’ensemble des professionnels du nucléaire nous a fait part d’un véritable problème de compétences au sein de la filière. Les annonces contradictoires des pouvoirs publics n’y sont pas pour rien.
Les députés du groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale ont à cœur que les ingénieurs et techniciens énergéticiens de demain n’aient pas une unique compétence basée sur le nucléaire mais qu’ils puissent s’adapter à tous les choix politiques qui pourraient être pris dans les années à venir. Ils doivent être compétents pour les opérations de démantèlement qui se produiront nécessairement au cours de leur carrière mais aussi développer une connaissance des énergies renouvelables qui sont les plus sûres et dont notre objectif est qu’elles constituent la majeure partie du mix électrique à l’horizon de 2050. Dès lors, nous voulons compléter les dispositions du rapport prévu à l’article 1er E en y intégrant la dimension de conversion professionnelle dans l’objectif d’une sortie du nucléaire.
Il y va de la santé de nos populations, de la sécurité professionnelle de nos ingénieurs et techniciens mais aussi des capacités d’adaptation de notre pays en cette heure d’instabilité énergétique et de défi écologique sans précédent. Nous voterons donc l’article 1er E si l’amendement est adopté. Dans le cas contraire, nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Quel est l’avis de la commission ? Avis défavorable. Je ne vous étonnerai pas en déclarant que nous ne projetons pas une sortie du nucléaire. L’objectif est précisément que les femmes et les hommes qui travaillent dans cette filière continuent d’y travailler dans dix, vingt ou trente ans.
En outre, c’est ce qu’ils souhaitent eux-mêmes. En effet, les salariés du nucléaire sont très fiers de leur filière… Elle a raison ! Et de leur régime de retraite aussi ! …et de leur outil de travail. Ils sont fiers de se lever tous les matins pour travailler au service public de l’électricité, pour faire tourner une machine qui nous permet à tous de nous alimenter chaque jour en électricité. Ils travaillent dur. Alors, vous pourriez les remercier au lieu de les faire travailler davantage ! J’ai déjà eu l’occasion de le dire : ce sont des générations d’ouvriers, de techniciens et d’ingénieurs qui font la fierté du service de l’électricité à la française. C’est ce qu’il faut valoriser au lieu de préparer leur sortie. Quel est l’avis du Gouvernement ? Avis défavorable. La parole est à M. Maxime Laisney. Quand on respecte les salariés d’EDF, on ne les force pas à travailler deux ans de plus en détruisant leur statut. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) Bravo ! Je rappelle qu’un certain nombre d’entre eux sont en grève et ont la main sur les gigawattheures produits dans le pays – c’est de votre faute et non de la nôtre.
Par ailleurs, ce n’est pas nous qui avons inventé l’Arenh qui explique une bonne partie de la dette d’EDF. C’est vous qui avez décidé de le prolonger et de le graver dans le marbre à l’occasion de la loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat.
Enfin, pour revenir à l’amendement no 415, vous voulez construire de nouvelles centrales – on l’a compris – et prolonger les centrales existantes et vieillissantes de dix, vingt, ou trente ans, je ne sais pas, pour éviter l’effet falaise. Toutefois, ces centrales finiront bien par fermer. Il faudra donc former aussi des gens pour les démanteler, car pour l’instant on ne sait pas comment faire. Or il faudra le faire sérieusement et non dans l’improvisation. Cela doit faire partie de la formation. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) La parole est à M. Sébastien Jumel. Tout en préservant la fraternité dans les combats communs à mener (Sourires sur les bancs du groupe Écolo-NUPES) , je ne voterai pas cet amendement, car je pense que l’objectif qui nous est assigné est bien de construire un mix énergétique équilibré et intelligent dans lequel la relance de la filière nucléaire doit prendre place.
Je saisis l’occasion d’interpeller la rapporteure et la ministre sur un sujet qui nous est cher. Nous pensons que l’un des enjeux d’attractivité des métiers réside dans la préservation du statut des électriciens gaziers que vous avez décidé de défoncer dans votre projet de mauvaise réforme des retraites.
Nous pensons non seulement qu’il faut le préserver car c’est un élément d’attractivité mais même qu’il faut l’élargir aux métiers des sous-traitants ( M. Matthias Tavel applaudit) qui doivent être protégés à la faveur de la restructuration d’une filière que nous voulons réactiver et développer.
Je m’en serais voulu de ne pas vous dire à cette occasion l’attachement que nous avons au statut des électriciens gaziers. Je tiens à réaffirmer le rôle essentiel de ce statut, lequel est non un privilège mais la condition sine qua non du maintien d’un haut niveau de qualification et d’expertise de ceux qui, en faisant tourner les machines, rendent accessible au quotidien ce bien commun de première nécessité qu’est l’énergie. Très bien ! La parole est à Mme la rapporteure. Je vais prendre le temps de vous répondre.
Monsieur Jumel, je ne vais pas rouvrir la question du statut des industries électriques et gazières (IEG). Dommage ! Nous avons eu de longues soirées pour en débattre. J’entends votre point de vue. Ah bon ? Je ne veux pas recommencer le débat, mais simplement vous faire part d’une expérience personnelle. Je suis entrée dans les IEG en 2014, à 23 ans. C’était pendant le quinquennat de François Hollande et l’on envisageait une sortie du nucléaire. Quand j’ai décidé d’entrer chez EDF, personne ne m’a dit : « Super, tu vas travailler dans le nucléaire. » À l’époque, les gens me disaient : « Comment feras-tu quand on aura fermé toutes les centrales ? » Voilà quel message on transmettait à la jeune génération. Je ne prétends pas que ce sera le seul déterminant de l’attractivité, mais nous sommes nombreux à vouloir envoyer un autre message aux jeunes générations par ce projet de loi et par nos prises de position : « Le nucléaire c’est l’avenir. Ces métiers sont des métiers d’avenir, donc allez-y. » Ce message me paraît au moins aussi important que la question du statut.
Monsieur Laisney, franchement, je m’étonne de vous entendre défendre les salariés d’EDF alors que ça fait vingt ans que matin, midi et soir, vous demandez la fermeture de leurs usines, la fin de leur emploi et celle de leur outil de production ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE, RN et Dem.) Ce sont des gens qui sont enracinés dans les territoires ; ils ont souvent commencé très tôt dans ces usines ; ils témoignent d’un attachement à leur outil de travail que l’on voit dans peu d’industries. Vous devriez avoir honte de faire mine de les défendre comme vous le faites aujourd’hui. (Exclamations sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.) Arrêtez plutôt de demander la fermeture de leurs centrales ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.) Rouvrez les mines à charbon tant que vous y êtes ! (L’amendement no 415 n’est pas adopté.) Sur les amendements nos 407 et 125, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 156. L’amendement vise à réaffirmer au sein de l’article 1er E la souveraineté énergétique de la France. Cet article prévoit que le Gouvernement remette un rapport concernant les moyens mobilisés pour que le système éducatif et la formation professionnelle répondent aux besoins de formation et de compétence de la filière industrielle nucléaire dans les trente prochaines années. Il me semble important de réaffirmer en cet endroit qu’il s’agit aussi en répondant à ces besoins « d’assurer la souveraineté énergétique de la France ».
Depuis 1997 et l’abandon du projet Superphénix, les décisions politiques ont été frappées par une irrationnelle défiance vis-à-vis du nucléaire au point que, sous le mandat d’Emmanuel Macron, la centrale nucléaire de Fessenheim a été fermée alors qu’elle aurait parfaitement pu continuer de fonctionner en bénéficiant de travaux d’entretien complémentaires pour poursuivre son activité. Pourquoi cette fermeture ? Pourquoi cette irrationnelle défiance ? Pour une question de symbole, spectre d’un pacte politique avec les écologistes, pacte dont nous payons malheureusement le prix car, après avoir perdu des années sans consolider notre parc nucléaire, nous discutons d’un projet de loi censé nous faire rattraper notre retard. Il est essentiel d’y mentionner l’absolue nécessité, pour le Gouvernement, de reconquérir notre souveraineté énergétique. Quel est l’avis de la commission ? Défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable. Cette précision est déjà apportée ailleurs dans le texte. La parole est à Mme Julie Laernoes. L’exposé des motifs de l’amendement de Mme Ménard illustre bien la croyance, l’idéologie absolue dans laquelle une grande partie de l’hémicycle est malheureusement enfermée, à l’instar de nombreuses Françaises et de nombreux Français qui ont été biberonnés aux vertus du nucléaire. Vous dites que notre défiance vis-à-vis du nucléaire est irrationnelle, mais si vous demandez à un enfant ce que lui évoque le nucléaire, il vous répondra que c’est dangereux : il a appris, dans les livres d’histoire, que les conséquences de la bombe nucléaire ont été dramatiques. (« Quel est le rapport ? » sur les bancs du groupe RN.) Le nucléaire vous permet de recharger votre iPhone ! Ramenons un peu de rationalité dans le débat : le nucléaire, ce n’est pas du chocolat ! C’est une énergie qui comporte des risques.
Madame Ménard, vous avez déploré des lâchetés et un gâchis politique : vous accordez bien trop de poids aux écologistes. C’est l’accident nucléaire de Fukushima, en 2011, qui a alerté les Français sur les risques inhérents à l’utilisation de l’énergie nucléaire. Leur réaction est donc tout à fait rationnelle.
Mme la rapporteure vient de nous faire une confidence, en nous avouant qu’à travers ce projet de loi, elle est en train de prendre une revanche personnelle. Ce n’est pas fair ! C’est une remarque indigne. Mais aujourd’hui, on peut produire une électricité bas-carbone autrement qu’avec le nucléaire, grâce aux énergies renouvelables, qui sont sans risque pour la population – même si, sur ce sujet, vous avez tendance à avoir des œillères. (Mme Lisa Belluco applaudit.) La parole est à Mme Aurélie Trouvé. Puisqu’il est question de souveraineté énergétique, je rappelle que la totalité de l’uranium que nous utilisons est importée de pays comme le Kazakhstan. L’important, aujourd’hui, est de réduire notre vulnérabilité face à l’approvisionnement énergétique, et cela implique de ne pas mettre tous nos œufs dans le même panier, si vous me permettez l’expression. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Mme Perrine Goulet s’exclame.) Or, notre électricité est actuellement produite à 70 % grâce à l’énergie nucléaire. Le mot d’ordre doit donc être de diversifier nos sources d’énergie et d’augmenter massivement la part des énergies renouvelables dans le mix électrique – tout le contraire de ce que vous avez fait avec le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables et des mesures défendues dans ce texte.
Ensuite, vous entendre dire que vous êtes aux côtés des salariés d’EDF, alors même qu’ils sont pleinement et massivement mobilisés contre la réforme des retraites (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES) , qui vise notamment à supprimer le régime spécial dont ils bénéficient, me semble un peu fort de café. Je tiens à leur rendre solennellement hommage, car si les mobilisations contre la réforme des retraites se poursuivent, c’est aussi grâce à eux. (Plusieurs députés du groupe LFI-NUPES se lèvent pour applaudir. – Exclamations sur quelques bancs des groupes RE et Dem.) La parole est à Mme la ministre. Je me permets de reprendre la parole car, si depuis le début de la discussion on entend beaucoup parler des risques du nucléaire et des décès qui y sont liés, je vous trouve très peu disserte sur les dizaines de milliers de décès précoces liés à l’exploitation des centrales à charbon. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – « Eh oui, voilà ! » sur plusieurs bancs du groupe RN.) C’est vous qui en avez rouvert ! Nous menons une politique de décarbonation l’électricité qui, au-delà de la France, servira l’Europe tout entière, puisque le renforcement du développement du nucléaire permettra de fermer des centrales à charbon. Vous qui aimez les études, je vous en signale une tout à fait intéressante, qui évalue à 23 000 rien que pour 2013 le nombre de décès précoces liés à l’exploitation des centrales à charbon. Vous devriez faire preuve d’un petit peu de cohérence. Mais nous sommes cohérents ! Ce n’est pas nous qui avons rouvert des centrales à cause de la défaillance du parc nucléaire français ! Pour notre part, nous sommes cohérents et responsables, et c’est pourquoi nous avons choisi d’accélérer la production d’énergies renouvelables. Vous pouvez bien vous parer de toutes les vertus sur ce sujet : quand il a fallu adopter le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, vous n’avez pas été au rendez-vous de l’histoire. Vous avez adopté une position contraire à celle de vos représentants au Sénat, ce qui est stupéfiant… Elle a raison ! …et, sur les mêmes mesures, vous avez voté le contraire de vos représentants au Parlement européen : de la posture à l’imposture, il n’y a qu’un pas. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.) L’histoire vous jugera ! La parole est à M. Nicolas Dragon. Chers collègues écologistes, vous parlez de la catastrophe de 2011 et de l’accord de 2012, mais curieusement, depuis le début de nos débats sur ce texte, il est une date que vous n’évoquez jamais : le 8 octobre 2018, les scientifiques du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec)… Vous avez lu un rapport scientifique, bravo ! …ont recommandé d’amplifier de 100 % à 500 % l’usage de l’électricité d’origine nucléaire au niveau mondial d’ici à 2050 pour limiter le réchauffement climatique de la planète sous le seuil de 1,5o C. Vous n’avez pas arrêté de dire que le changement climatique n’existait pas ! C’est indiqué en toutes lettres dans leur rapport, on ne peut pas dire autre chose (Applaudissements sur les bancs du groupe RN) : nous ne parviendrons pas à atteindre nos objectifs sans inclure le nucléaire dans notre production électrique nationale et mondiale, d’autant que nous avons de plus en plus d’objets connectés et de voitures électriques – je l’ai déjà dit hier. Ce n’est pas le vent qui poussera vos trottinettes. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) (L’amendement no 156 n’est pas adopté.) Sur l’amendement no 468, je suis saisie par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Guy Bricout, pour soutenir l’amendement no 75. Créées en 1941, les écoles de métiers d’EDF et GDF, centres de formation et d’apprentissage ayant vocation à former en interne les futurs agents de ces entreprises, dispensaient une formation complète et spécialisée dans les métiers de l’électricité.
À l’heure de la relance du nucléaire, disposer d’une main-d’œuvre formée pour bâtir les futurs réacteurs est essentiel. Le rétablissement des écoles de métiers est une piste intéressante pour répondre à cet enjeu, et nous proposons qu’elle soit étudiée dans le cadre du rapport qui sera remis au Parlement par le Gouvernement sur les besoins de formation et de compétences de la filière industrielle nucléaire pour les trente prochaines années. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.) Quel est l’avis de la commission ? Défavorable : les besoins de formation seront bien étudiés dans le cadre du rapport, nous en avons déjà largement discuté. Mais personnellement, je suis partante pour rouvrir une école de métiers interne à EDF ! (Sourires.) Quel est l’avis du Gouvernement ? Les besoins de formation et les mesures à prendre pour y répondre seront effectivement étudiés dans le cadre du rapport prévu à l’article 1er E. L’amendement étant satisfait, j’en demande le retrait. Je mets aux voix l’amendement no 75. (Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, il est procédé à un scrutin public.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 185
Nombre de suffrages exprimés 173
Majorité absolue 87
Pour l’adoption 73
Contre 100 (L’amendement no 75 n’est pas adopté.) La parole est à M. Christophe Bentz, pour soutenir l’amendement no 407. Après des années d’un lobbying antinucléaire mené notamment par des mouvements de gauche prétendument écologistes, il est urgent de rétablir la vérité sur le nucléaire, seule énergie décarbonée capable de rendre à la France sa souveraineté énergétique… C’est faux ! …et d’offrir aux Français une électricité à bas coût… C’est faux ! …– si, toutefois, les prix de l’énergie n’étaient pas indexés sur la production gazière, comme nous l’impose le marché européen de l’énergie. À ce sujet, nous attendons d’ailleurs toujours avec impatience qu’Emmanuel Macron ait le courage de le quitter, comme l’ont déjà fait l’Espagne et le Portugal. C’est ça ! Et à la fin du mois, nous n’aurons plus d’électricité ! L’amendement tend à demander au Gouvernement de réfléchir à des mesures permettant de sensibiliser les élèves des établissements primaires, secondaires et supérieurs aux vertus réelles de l’énergie nucléaire. Cela permettra notamment de renforcer l’attractivité des emplois de l’industrie nucléaire, aujourd’hui délaissés par les jeunes actifs en raison de trop nombreuses années de désinformation idéologique. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Quel est l’avis de la commission ? Défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable. La parole est à M. Christophe Bex. J’invite le collègue qui vient de s’exprimer et l’ensemble de son groupe à venir dans la petite ville de Bure : la visite de son laboratoire par les classes de primaire et de collège depuis des années tend justement à sensibiliser les jeunes générations au nucléaire.
Chers collègues, à votre avis, pourquoi EDF fait-il de la publicité ? Une publicité pour le chocolat, par exemple, nous donne envie d’en consommer chez nous. Mais une publicité d’EDF ne nous donne pas envie d’allumer la lumière dans toutes les pièces pour consommer de l’électricité : si EDF paie des encarts de publicité, c’est uniquement pour sensibiliser l’opinion publique à travers les médias. Un journal en a d’ailleurs fait les frais : en décidant de publier un article qui questionnait l’opportunité du nucléaire, il a perdu le soutien financier d’EDF et, du même coup, a dû renoncer à sa version papier. Désormais, il n’existe plus qu’en ligne.
Alors ne vous inquiétez pas : l’idéologie nucléaire, elle est ancrée dans toutes les têtes depuis plus de cinquante ans et le passage de Messmer à la tête du Gouvernement – voire avant ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) Très bien ! La parole est à Mme Julie Laernoes. Cet amendement complète notre vision de ce que serait la politique énergétique du Rassemblement national. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe RN.) On aurait de l’électricité pas chère ! Alors que la propagande est déjà massive autour des sites nucléaires – mon collègue Bex a parfaitement décrit la situation actuelle –, l’amendement propose rien de moins que d’inscrire dans la loi le biberonnage des petites Françaises et des petits Français au nucléaire dès qu’ils sont en âge d’aller à l’école.
Je rappelle que si la France, soutenue par l’industrie nucléaire, a choisi d’intégrer le marché européen de l’électricité et accepté l’indexation des prix de l’électricité sur ceux du gaz, c’est parce que cela nous arrangeait bien de pouvoir vendre cher à nos voisins européens l’excédent d’électricité que nous produisions. Et donc ? Imputer la situation actuelle au marché européen, à l’indexation sur les prix du gaz et à l’Allemagne est donc, factuellement, une erreur : le nucléaire a bel et bien bénéficié du marché européen de l’électricité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES. – Mme Perrine Goulet s’exclame.) La parole est à M. Grégoire de Fournas. C’est incroyable : si, depuis que nous nous sommes pris le mur de la crise énergétique, il y a quelques mois, certains ont évolué, revenant sur leur volonté de fermer quatorze réacteurs, et proposant même un projet de loi pour accélérer la production d’énergie nucléaire, d’autres ne changent jamais d’avis… Cela s’appelle la constance politique ! …et continuent à vouloir nous envoyer dans le mur – je pense à la gauche. Madame Laernoes, si les enfants font un rapprochement entre l’énergie nucléaire et la bombe nucléaire, c’est parce que vous leur avez mis dans la tête que le nucléaire était forcément dangereux et qu’il servait des desseins belliqueux, puisqu’il permettait de faire des bombes. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
De toute façon, en matière d’éducation des jeunes, la gauche a toujours été la championne du bourrage de crâne dans les écoles, que ce soit au sujet du wokisme – exemple dont on parle beaucoup en ce moment – ou du nucléaire. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES et quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.) Il faut au contraire expliquer aux jeunes que le nucléaire est une énergie décarbonée – ne vous en déplaise –, pilotable, contrairement à l’énergie éolienne, et peu chère. C’est d’ailleurs parce qu’elle nous envie notre énergie nucléaire que l’Allemagne, en prônant l’Arenh, a cherché à détruire EDF. Nous voulons ramener dans les écoles le bon sens et la science, plutôt que les fantasmes et l’idéologie de gauche. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Je mets aux voix l’amendement no 407. (Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 198
Nombre de suffrages exprimés 196
Majorité absolue 99
Pour l’adoption 56
Contre 140 (L’amendement no 407 n’est pas adopté.) La parole est à M. Luc Lamirault, pour soutenir l’amendement no 503. Cet amendement dont Jérémie Patrier-Leitus est le premier signataire vise à nous assurer que le rapport propose une stratégie de répartition territoriale des formations professionnelles en rapport avec le nucléaire, associant leur implantation géographique à celle des réacteurs, de manière à participer à l’aménagement du territoire. (L’amendement no 503, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) La parole est à M. Alexandre Portier, pour soutenir l’amendement no 468, lequel fait l’objet d’un sous-amendement, no 705. L’article 1er E prévoit que « le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif aux moyens à mobiliser afin que le système éducatif et de formation professionnelle réponde aux besoins de formation et de compétences de la filière industrielle nucléaire dans les trente prochaines années ». Cet amendement vise à le compléter : il serait en effet utile que le Gouvernement apporte des précisions sur une éventuelle évolution du budget alloué, d’une part, par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche en faveur des écoles d’ingénieurs et, d’autre part, par le ministère chargé de l’enseignement et de la formation professionnelle en faveur des formations de soudeurs et de tuyauteurs nécessaires à la relance industrielle. J’ajouterai à ces formations celle des chaudronniers en vertu du sous-amendement déposé par Mme Danielle Brulebois, du groupe Renaissance, ce qui prouve que nous sommes nombreux à juger essentiel l’ajout de ces dispositions. La parole est à Mme Danielle Brulebois, pour soutenir le sous-amendement no 705. Je souhaite insister sur un point important : si nous voulons développer une filière nucléaire d’excellence, qui constituerait également un secteur industriel majeur, il nous faut créer un choc d’attractivité concernant ses métiers de base, ceux de la métallurgie.
La France a trop longtemps méprisé son industrie : cette dernière n’attire plus les jeunes. L’emploi industriel, pourtant générateur de valeur ajoutée, ne fait plus rêver. Il nous faudra certes des chercheurs, des ingénieurs, des techniciens supérieurs, des informaticiens, mais les compétences de base nous font défaut, et de là proviennent tous nos ennuis : notre parc nucléaire souffre de problèmes techniques, de retards de mise en service, d’arrêts pour maintenance, il a besoin de réparations ou de remises à niveau. Nous l’avons encore constaté cet été sur le chantier de l’EPR de Flamanville : il a fallu faire venir 500 soudeurs des États-Unis et du Canada !
Il conviendrait donc de mesurer l’importance, pour la filière nucléaire, des métiers de la métallurgie. Nous aurons besoin de 7 000 soudeurs. Les industriels, qui ont créé leur propre école, comptent ainsi en recruter 200 chaque année : nous sommes loin du compte. Encore une fois, les pouvoirs publics doivent prendre la mesure du soutien à fournir et revaloriser l’image de ces métiers. Nous disposons d’excellents centres de formation d’apprentis (CFA) ; nous avons dans le Jura un lycée des métiers des arts du métal qui peine à recruter dans ces sections. Disons aux jeunes que la chaudronnerie ne consiste plus à fabriquer des chaudrons, qu’elle offre des métiers recherchés, des métiers d’avenir, où l’on peut réussir et faire une belle carrière ! (« Bravo ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.) Quel est l’avis de la commission sur l’amendement et le sous-amendement ? Je demande leur retrait, chers collègues ; à défaut, avis défavorable. Je crois que nous avons déjà intégré dans le texte des précisions ayant trait aux formations et aux besoins en la matière. En outre, cela fait quatre heures vingt que nous débattons de rapports : j’espère vraiment que chacun d’entre nous les lira ! (Sourires sur plusieurs bancs.) Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. J’insiste encore une fois sur l’intérêt et la nécessité de former davantage de chaudronniers, de soudeurs, d’électrotechniciens et autres métiers que la relance du nucléaire va soumettre à des tensions. C’est une bonne maladie que d’avoir besoin de compétences : ces professions ont un avenir, et ceux qui les exercent ont des conditions de travail plutôt favorables, ainsi que qu’une rémunération supérieure à la moyenne. Il n’en reste pas moins que la rédaction de l’article permet de couvrir tous les métiers que vous souhaitez au contraire égrener. Tous ont leur valeur propre, tous sont indispensables, et vous connaissez mon engagement en la matière : le 3 mars, j’étais au Creusot, à la forge de Framatome, afin d’y saluer les apprentis bénéficiant de bourses d’études pour le nucléaire, dispositif que nous avons instauré en 2019. La semaine dernière a également eu lieu la semaine des métiers du nucléaire. Tout cela est en marche pour le bien du pays. La parole est à M. Fabien Roussel. Nous soutenons l’amendement et le sous-amendement, qui vont dans le sens de la reconstruction d’une véritable politique en faveur de l’industrie française. La reconquête par le pays de son tissu industriel commencera par une restauration de la filière nucléaire, laquelle permettra l’alimentation de ce dernier en énergie décarbonée, répondant ainsi aux impératifs climatiques. Nous aurons donc besoin de dizaines de milliers de soudeurs, de chaudronniers, qui construiront et entretiendront les futurs réacteurs.
Malheureusement, ces dernières années, dans l’éducation nationale, dans nos lycées professionnels, les formations à ces métiers ont souvent été supprimées : on ne croyait plus au nucléaire ni à l’industrie. Il faut donc demander à l’éducation nationale de recréer une filière du nucléaire et qu’elle forme à ses métiers, y compris ceux de la métallurgie. C’est pourquoi, je le répète, nous soutiendrons les dispositions soumises à notre examen ; nous sommes de fervents défenseurs de l’industrie nucléaire dans le cadre d’un mix composé des énergies nucléaire et renouvelables. Les deux ne s’opposent pas mais, en tout cas, le nucléaire est indispensable à l’avenir industriel de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES.) Très bien ! La parole est à M. Olivier Marleix.
D’autre part, nous savons que les parcours de formation doivent être davantage adaptés ; qu’en est-il de votre position sur un éventuel retour au modèle des écoles de métiers, telles qu’il en existait dans les années 1980 et 1990 ? Il me semble en effet que ce modèle est pertinent lorsqu’il s’agit des corps de métier de la filière nucléaire. La parole est à M. Sébastien Jumel. J’ai fait adopter cet article en commission, fort de l’expérience que m’a donnée la préparation de la construction des deux EPR de Penly. Nous le savons, il est nécessaire de renouveler les savoir-faire, car la filière nucléaire a été siphonnée, voire abandonnée, entraînant la déperdition de compétences. La perspective de la relance nucléaire implique donc non seulement qu’on mobilise la formation professionnelle, mais aussi qu’on permette à l’éducation nationale d’anticiper les besoins en matière de formation initiale, du collège à l’université.
Outre les besoins liés à la relance de la filière, j’ai également insisté en commission sur la nécessité d’identifier les besoins en matière de préservation des savoir-faire industriels dans les bassins de vie concernés. À défaut, la filière nucléaire risque de siphonner les entreprises limitrophes des chantiers. Dans ma circonscription, le pôle verrier – la « Glass vallée » –, qui représente 7 000 emplois et 70 entreprises, ou encore le pôle automobile, seront concurrencés, si l’on n’y prend garde, par les salaires proposés ou par la nature même des emplois créés dans la filière nucléaire.
Il est donc urgent que les services de l’éducation nationale – le ministère et le rectorat – s’emparent de cette question. Pour l’instant, même si des initiatives voient le jour, comme la création récente d’une école de robinetterie et d’une école de soudure, l’éducation nationale est à la remorque. Il faut une impulsion de l’État. C’est pourquoi je sollicite l’implication du Gouvernement en la matière. Sur l’article 1er E, je suis saisie par le groupe Renaissance d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme la ministre. Je voudrais apporter des précisions quant au travail entamé par le Gouvernement sur cette question dont Mme Morel et M. Jumel ont souligné le caractère essentiel. Nous avons annoncé le lancement d’un « plan Marshall des compétences », engagé dès 2019 en ce qui concerne la filière nucléaire, à l’occasion de la signature du contrat stratégique de filière. La filière nucléaire nous présentera le 15 avril un état des lieux des besoins, compétence par compétence, et en mai sa feuille de route en matière de formation.
Je rappelle que nous avons engagé la même démarche pour la filière des énergies renouvelables, en parallèle de la loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, que nous aurions souhaité voir voter par certains qui, ouvertement opposés au nucléaire, ne proposent pourtant pas d’autre solution et ne votent pas les lois qui leur en offrent. (Protestations sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.) Essayez d’élever un peu le débat ! Dans le cadre de la réindustrialisation du pays, l’enjeu consiste donc à nous doter d’un outil de formation destiné à présenter aux jeunes tout au long du parcours de formation, du baccalauréat professionnel au diplôme d’ingénieur ou au postdoctorat, ces métiers et les possibilités qu’ils offrent. Nous envisageons la création de plus de 100 000 emplois pour la seule filière nucléaire : il faudra donc consentir un énorme effort en matière de formation initiale des jeunes et d’accompagnement à la reconversion. La parole est à Mme Lisa Belluco, pour soutenir l’amendement no 175. Je sais que Mme la rapporteure n’apprécie pas les amendements aux articles portant sur une demande de rapport, mais en l’occurrence, leur nombre est limité ; je tenterai donc ma chance.
L’amendement vise simplement à étendre un peu le champ du rapport. Comme l’a indiqué le Conseil économique, social et environnemental (Cese) dans son rapport du 13 janvier 2022, les métiers des énergies renouvelables, notamment leur branche industrielle – je ne m’écarte pas de l’industrie – demeurent en tension. Ces filières pourtant pourvoyeuses d’emplois rencontrent de réelles difficultés pour trouver des candidats. Vos orientations très favorables à la relance du nucléaire pourraient conduire à l’asséchement du marché de l’emploi des énergies renouvelables, mettant ainsi en difficulté leur déploiement, faute de main-d’œuvre et de carrières stables, dans lesquelles on puisse se projeter. Or la planification écologique sérieuse passe aussi par le bon dimensionnement de la politique de formation et par la préservation des filières des énergies renouvelables. Le groupe écologiste appelle donc à soutenir l’emploi qualifié et bien rémunéré, qui peut encore largement progresser dans le secteur du renouvelable.
L’amendement tend à évaluer les moyens qu’il faudra mobiliser pour répondre aux besoins de formation dans les filières énergétiques, qu’il s’agisse de la filière nucléaire ou des filières des énergies renouvelables. Vous affirmez souvent que la politique énergétique de la France doit avancer sur ces deux jambes ; par cet amendement, nous tâchons d’éviter qu’une des deux jambes ne fasse un croche-pied à l’autre. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.) Quel est l’avis de la commission ? Défavorable, car cet amendement est hors sujet. De la même manière, j’ai rendu un avis défavorable aux amendements qui traitaient de l’hydrogène, ce qui ne signifie pas que nous sommes contre la recherche sur l’hydrogène, mais qu’il faut rester dans le champ du texte, qui concerne le nucléaire.
Quant à l’idée que les métiers des énergies renouvelables risquent de souffrir de la concurrence avec les métiers du nucléaire, je ne la trouve pas convaincante. Les compétences, les qualifications et les sites géographiques concernés sont en effet très différents. Le risque n’est pas nul, mais il me paraît bien plus faible que le risque évoqué par M. Jumel, qui soulignait l’attractivité qu’un chantier nucléaire peut représenter, par exemple, pour des soudeurs travaillant à proximité, dans le même bassin d’emploi. Quel est l’avis du Gouvernement ? J’ai indiqué dans mon propos introductif – mais peut-être n’étiez-vous pas pleinement attentifs – que le travail que vous demandez, relatif à l’évaluation des besoins de formation pour le secteur des énergies renouvelables, est en cours. Il prendra plus longtemps que le plan analogue concernant le nucléaire, qui, lancé en 2019, aboutira en avril 2023. En effet, les métiers des énergies renouvelables représentent dix filières distinctes – éolien marin, éolien flottant, photovoltaïque, etc. –, et l’évaluation des besoins démarre à peine. Il n’est donc pas cohérent de fixer à ce travail un délai de six mois, comme vous le proposez.
Je tiens néanmoins à vous rassurer : votre amendement est satisfait, car le processus que vous demandez est déjà engagé. Il fait partie des sujets abordés lors des réunions mensuelles avec les acteurs des énergies renouvelables, qui permettent également d’évoquer leur capacité industrielle à répondre aux objectifs de la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, dont nous regrettons profondément que vous ne l’ayez pas votée. C’est bon, on a compris ! La parole est à Mme Anna Pic. Je soutiens cette demande d’élargissement, car l’ouverture du rapport à l’ensemble du secteur de l’énergie ne changerait pas grand-chose à son objectif. Mon territoire, la Manche, exploite les énergies renouvelables, notamment les énergies marines, ce qui n’empêche pas que l’industrie nucléaire y soit fortement implantée. Je me réjouis d’entendre que vous menez un travail d’évaluation des besoins de formation, mais force est de constater que nous sommes très en retard. La relance du nucléaire est envisagée de longue date, et notre travail relatif à la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) nous a permis de fixer des orientations claires en matière d’énergies renouvelables : nous aurions dû traiter bien plus tôt la question de la formation !
Il est temps d’avancer en coordonnant les différentes filières de l’énergie : dans mon territoire, ces filières coexistent, et les industriels se sont organisés pour offrir la formation que l’éducation nationale n’a pas su proposer à ceux qui souhaitaient travailler dans ces métiers. Il s’agit non d’attiser la concurrence entre les énergies renouvelables et le nucléaire, mais de permettre, au contraire, le passage d’un secteur à l’autre. C’est d’autant plus important que la fin d’un projet est souvent l’occasion d’un changement de filière. La parole est à Mme Julie Laernoes. J’ai relevé plusieurs inexactitudes dans les propos de Mme la ministre et de Mme la rapporteure. Lors de l’examen de la loi sur les énergies renouvelables, nous avions proposé plusieurs amendements tendant à retirer la mention de l’hydrogène bas-carbone, qui introduisait le nucléaire et le soutien à cette filière dans une loi sur les énergies renouvelables où il n’avait pas à figurer. Vous avez introduit le nucléaire dans la loi sur les énergies renouvelables, mais vous refusez de mentionner les énergies renouvelables dans le projet de loi en examen, quand nous abordons la question de la formation.
Il faut accroître les compétences en matière d’énergie. Madame la rapporteure, dois-je vous apprendre que les énergies renouvelables sont décentralisées ? Mais peut-être ai-je employé un gros mot, car vous considérez qu’il faut tout centraliser. Par essence, elles sont décentralisées et elles concernent les bassins d’emploi de tous nos territoires.
Quoi qu’il en soit, pour fabriquer une turbine, qu’elle serve dans le nucléaire ou dans les énergies renouvelables, on a besoin de compétences. C’est pourquoi l’amendement no 175 présenté par Mme Belluco est un amendement de bon sens. Vous soutenez que vous ne mettez pas en concurrence le nucléaire et les énergies renouvelables, mais on a l’impression que vous favorisez uniquement le premier et jamais les secondes.
Enfin, vous pouvez rappeler – et cela montre la vacuité de vos arguments – que les écologistes se sont abstenus sur la loi sur les énergies renouvelables. Nous l’avons fait pour une bonne raison : vous avez refusé tous les amendements qui pouvaient améliorer ce texte loi et vous avez ajouté de nombreuses contraintes à la définition des énergies renouvelables.
Il faudra mesurer les effets de cette loi, mais nous craignons qu’elle ne serve absolument pas à accélérer l’émergence de la filière des énergies renouvelables dans nos territoires. Dans ce domaine, l’État français accuse plus de retard que tous les autres pays européens. Peut-être le tout-nucléaire y est-il pour quelque chose. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.)
Excellent ! La parole est à Mme la rapporteure. Le mix électrique de la France est l’un des plus décarbonés d’Europe. Pour le climat, c’est tout ce qui compte. (« Eh non ! » sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.) Quelle méconnaissance de la réalité ! (L’amendement no 175 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Yaël Menache, pour soutenir l’amendement no 590. Madame la ministre, vous nous avez dit que faire l’inventaire des compétences liées au nucléaire ne servait à rien. Je pense au contraire qu’il faut créer un environnement favorable en prenant en considération toutes les dimensions pour relancer le nucléaire.
J’ai interrogé à nouveau les spécialistes de la filière soudure dont j’ai parlé hier soir et sur laquelle je reviens avec l’amendement no 590. Vous avez soutenu qu’un plan de relance était prévu pour ces formations, mais ce ne sont que des promesses.
Je ne comprends pas pourquoi vous vous obstinez à mépriser et à rejeter les amendements de bon sens. Cela trahit simplement une incompétence érigée en méthode. Oh ! Veuillez prendre conscience de l’importance des formations telles que la soudure et les réintégrer au compte personnel de formation (CPF). (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Quel est l’avis de la commission ? La rédaction proposée mentionne les « besoins de formation et de compétences » de manière générale. Oui, on a besoin de soudeurs, mais on a aussi besoin de mécaniciens, de robinetiers, de chimistes, de personnes pouvant assurer la protection des sites. Les compétences d’un centre nucléaire de production d’électricité (CNPE) vont bien au-delà de la seule question des soudures et des chaudronniers, même si l’on en parle beaucoup. La rédaction actuelle est beaucoup plus adéquate aux besoins réels que celle que vous proposez. Quel est l’avis du Gouvernement ? Madame Menache, vous ne m’avez sans doute pas écoutée. Ah si ! J’ai précisément dit, en répondant à Mme Morel, que nous travaillions sur un plan Marshall des compétences, que la filière nous remettrait un rapport le 15 avril prochain et que nous présenterons un plan d’action en mai. Ce plan concerne les bac pro, les bac + 2, les techniciens, les ingénieurs et les post-doc. Comme vous pouvez l’imaginer, parmi les bac pro il y a notamment les soudeurs. Je suis un peu surprise que vous suiviez si peu les débats que vous me prêtiez des mots exactement contraires à ceux que j’ai prononcés à l’instant.
L’avis du Gouvernement est donc évidemment défavorable. La première forme de mépris consiste à ne pas écouter ce que les autres disent dans cet hémicycle. (Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.) (L’amendement no 590 n’est pas adopté.) La parole est à M. Sylvain Carrière, pour soutenir l’amendement no 415. Nous voulons par cet amendement compléter la proposition de nos camarades communistes. Vous le savez, nous ne voulons pas du nucléaire en France pour bien des raisons : l’accès à l’eau rendu incertain, la cible que les réacteurs constituent en cas d’attaque et le mirage d’une énergie illimitée et propre que véhicule le nucléaire.
Cependant, la formation est nécessaire et l’ensemble des professionnels du nucléaire nous a fait part d’un véritable problème de compétences au sein de la filière. Les annonces contradictoires des pouvoirs publics n’y sont pas pour rien.
Les députés du groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale ont à cœur que les ingénieurs et techniciens énergéticiens de demain n’aient pas une unique compétence basée sur le nucléaire mais qu’ils puissent s’adapter à tous les choix politiques qui pourraient être pris dans les années à venir. Ils doivent être compétents pour les opérations de démantèlement qui se produiront nécessairement au cours de leur carrière mais aussi développer une connaissance des énergies renouvelables qui sont les plus sûres et dont notre objectif est qu’elles constituent la majeure partie du mix électrique à l’horizon de 2050. Dès lors, nous voulons compléter les dispositions du rapport prévu à l’article 1er E en y intégrant la dimension de conversion professionnelle dans l’objectif d’une sortie du nucléaire.
Il y va de la santé de nos populations, de la sécurité professionnelle de nos ingénieurs et techniciens mais aussi des capacités d’adaptation de notre pays en cette heure d’instabilité énergétique et de défi écologique sans précédent. Nous voterons donc l’article 1er E si l’amendement est adopté. Dans le cas contraire, nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Quel est l’avis de la commission ? Avis défavorable. Je ne vous étonnerai pas en déclarant que nous ne projetons pas une sortie du nucléaire. L’objectif est précisément que les femmes et les hommes qui travaillent dans cette filière continuent d’y travailler dans dix, vingt ou trente ans.
En outre, c’est ce qu’ils souhaitent eux-mêmes. En effet, les salariés du nucléaire sont très fiers de leur filière… Elle a raison ! Et de leur régime de retraite aussi ! …et de leur outil de travail. Ils sont fiers de se lever tous les matins pour travailler au service public de l’électricité, pour faire tourner une machine qui nous permet à tous de nous alimenter chaque jour en électricité. Ils travaillent dur. Alors, vous pourriez les remercier au lieu de les faire travailler davantage ! J’ai déjà eu l’occasion de le dire : ce sont des générations d’ouvriers, de techniciens et d’ingénieurs qui font la fierté du service de l’électricité à la française. C’est ce qu’il faut valoriser au lieu de préparer leur sortie. Quel est l’avis du Gouvernement ? Avis défavorable. La parole est à M. Maxime Laisney. Quand on respecte les salariés d’EDF, on ne les force pas à travailler deux ans de plus en détruisant leur statut. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) Bravo ! Je rappelle qu’un certain nombre d’entre eux sont en grève et ont la main sur les gigawattheures produits dans le pays – c’est de votre faute et non de la nôtre.
Par ailleurs, ce n’est pas nous qui avons inventé l’Arenh qui explique une bonne partie de la dette d’EDF. C’est vous qui avez décidé de le prolonger et de le graver dans le marbre à l’occasion de la loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat.
Enfin, pour revenir à l’amendement no 415, vous voulez construire de nouvelles centrales – on l’a compris – et prolonger les centrales existantes et vieillissantes de dix, vingt, ou trente ans, je ne sais pas, pour éviter l’effet falaise. Toutefois, ces centrales finiront bien par fermer. Il faudra donc former aussi des gens pour les démanteler, car pour l’instant on ne sait pas comment faire. Or il faudra le faire sérieusement et non dans l’improvisation. Cela doit faire partie de la formation. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) La parole est à M. Sébastien Jumel. Tout en préservant la fraternité dans les combats communs à mener (Sourires sur les bancs du groupe Écolo-NUPES) , je ne voterai pas cet amendement, car je pense que l’objectif qui nous est assigné est bien de construire un mix énergétique équilibré et intelligent dans lequel la relance de la filière nucléaire doit prendre place.
Je saisis l’occasion d’interpeller la rapporteure et la ministre sur un sujet qui nous est cher. Nous pensons que l’un des enjeux d’attractivité des métiers réside dans la préservation du statut des électriciens gaziers que vous avez décidé de défoncer dans votre projet de mauvaise réforme des retraites.
Nous pensons non seulement qu’il faut le préserver car c’est un élément d’attractivité mais même qu’il faut l’élargir aux métiers des sous-traitants ( M. Matthias Tavel applaudit) qui doivent être protégés à la faveur de la restructuration d’une filière que nous voulons réactiver et développer.
Je m’en serais voulu de ne pas vous dire à cette occasion l’attachement que nous avons au statut des électriciens gaziers. Je tiens à réaffirmer le rôle essentiel de ce statut, lequel est non un privilège mais la condition sine qua non du maintien d’un haut niveau de qualification et d’expertise de ceux qui, en faisant tourner les machines, rendent accessible au quotidien ce bien commun de première nécessité qu’est l’énergie. Très bien ! La parole est à Mme la rapporteure. Je vais prendre le temps de vous répondre.
Monsieur Jumel, je ne vais pas rouvrir la question du statut des industries électriques et gazières (IEG). Dommage ! Nous avons eu de longues soirées pour en débattre. J’entends votre point de vue. Ah bon ? Je ne veux pas recommencer le débat, mais simplement vous faire part d’une expérience personnelle. Je suis entrée dans les IEG en 2014, à 23 ans. C’était pendant le quinquennat de François Hollande et l’on envisageait une sortie du nucléaire. Quand j’ai décidé d’entrer chez EDF, personne ne m’a dit : « Super, tu vas travailler dans le nucléaire. » À l’époque, les gens me disaient : « Comment feras-tu quand on aura fermé toutes les centrales ? » Voilà quel message on transmettait à la jeune génération. Je ne prétends pas que ce sera le seul déterminant de l’attractivité, mais nous sommes nombreux à vouloir envoyer un autre message aux jeunes générations par ce projet de loi et par nos prises de position : « Le nucléaire c’est l’avenir. Ces métiers sont des métiers d’avenir, donc allez-y. » Ce message me paraît au moins aussi important que la question du statut.
Monsieur Laisney, franchement, je m’étonne de vous entendre défendre les salariés d’EDF alors que ça fait vingt ans que matin, midi et soir, vous demandez la fermeture de leurs usines, la fin de leur emploi et celle de leur outil de production ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE, RN et Dem.) Ce sont des gens qui sont enracinés dans les territoires ; ils ont souvent commencé très tôt dans ces usines ; ils témoignent d’un attachement à leur outil de travail que l’on voit dans peu d’industries. Vous devriez avoir honte de faire mine de les défendre comme vous le faites aujourd’hui. (Exclamations sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.) Arrêtez plutôt de demander la fermeture de leurs centrales ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.) Rouvrez les mines à charbon tant que vous y êtes ! (L’amendement no 415 n’est pas adopté.) Sur les amendements nos 407 et 125, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 156. L’amendement vise à réaffirmer au sein de l’article 1er E la souveraineté énergétique de la France. Cet article prévoit que le Gouvernement remette un rapport concernant les moyens mobilisés pour que le système éducatif et la formation professionnelle répondent aux besoins de formation et de compétence de la filière industrielle nucléaire dans les trente prochaines années. Il me semble important de réaffirmer en cet endroit qu’il s’agit aussi en répondant à ces besoins « d’assurer la souveraineté énergétique de la France ».
Depuis 1997 et l’abandon du projet Superphénix, les décisions politiques ont été frappées par une irrationnelle défiance vis-à-vis du nucléaire au point que, sous le mandat d’Emmanuel Macron, la centrale nucléaire de Fessenheim a été fermée alors qu’elle aurait parfaitement pu continuer de fonctionner en bénéficiant de travaux d’entretien complémentaires pour poursuivre son activité. Pourquoi cette fermeture ? Pourquoi cette irrationnelle défiance ? Pour une question de symbole, spectre d’un pacte politique avec les écologistes, pacte dont nous payons malheureusement le prix car, après avoir perdu des années sans consolider notre parc nucléaire, nous discutons d’un projet de loi censé nous faire rattraper notre retard. Il est essentiel d’y mentionner l’absolue nécessité, pour le Gouvernement, de reconquérir notre souveraineté énergétique. Quel est l’avis de la commission ? Défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable. Cette précision est déjà apportée ailleurs dans le texte. La parole est à Mme Julie Laernoes. L’exposé des motifs de l’amendement de Mme Ménard illustre bien la croyance, l’idéologie absolue dans laquelle une grande partie de l’hémicycle est malheureusement enfermée, à l’instar de nombreuses Françaises et de nombreux Français qui ont été biberonnés aux vertus du nucléaire. Vous dites que notre défiance vis-à-vis du nucléaire est irrationnelle, mais si vous demandez à un enfant ce que lui évoque le nucléaire, il vous répondra que c’est dangereux : il a appris, dans les livres d’histoire, que les conséquences de la bombe nucléaire ont été dramatiques. (« Quel est le rapport ? » sur les bancs du groupe RN.) Le nucléaire vous permet de recharger votre iPhone ! Ramenons un peu de rationalité dans le débat : le nucléaire, ce n’est pas du chocolat ! C’est une énergie qui comporte des risques.
Madame Ménard, vous avez déploré des lâchetés et un gâchis politique : vous accordez bien trop de poids aux écologistes. C’est l’accident nucléaire de Fukushima, en 2011, qui a alerté les Français sur les risques inhérents à l’utilisation de l’énergie nucléaire. Leur réaction est donc tout à fait rationnelle.
Mme la rapporteure vient de nous faire une confidence, en nous avouant qu’à travers ce projet de loi, elle est en train de prendre une revanche personnelle. Ce n’est pas fair ! C’est une remarque indigne. Mais aujourd’hui, on peut produire une électricité bas-carbone autrement qu’avec le nucléaire, grâce aux énergies renouvelables, qui sont sans risque pour la population – même si, sur ce sujet, vous avez tendance à avoir des œillères. (Mme Lisa Belluco applaudit.) La parole est à Mme Aurélie Trouvé. Puisqu’il est question de souveraineté énergétique, je rappelle que la totalité de l’uranium que nous utilisons est importée de pays comme le Kazakhstan. L’important, aujourd’hui, est de réduire notre vulnérabilité face à l’approvisionnement énergétique, et cela implique de ne pas mettre tous nos œufs dans le même panier, si vous me permettez l’expression. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Mme Perrine Goulet s’exclame.) Or, notre électricité est actuellement produite à 70 % grâce à l’énergie nucléaire. Le mot d’ordre doit donc être de diversifier nos sources d’énergie et d’augmenter massivement la part des énergies renouvelables dans le mix électrique – tout le contraire de ce que vous avez fait avec le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables et des mesures défendues dans ce texte.
Ensuite, vous entendre dire que vous êtes aux côtés des salariés d’EDF, alors même qu’ils sont pleinement et massivement mobilisés contre la réforme des retraites (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES) , qui vise notamment à supprimer le régime spécial dont ils bénéficient, me semble un peu fort de café. Je tiens à leur rendre solennellement hommage, car si les mobilisations contre la réforme des retraites se poursuivent, c’est aussi grâce à eux. (Plusieurs députés du groupe LFI-NUPES se lèvent pour applaudir. – Exclamations sur quelques bancs des groupes RE et Dem.) La parole est à Mme la ministre. Je me permets de reprendre la parole car, si depuis le début de la discussion on entend beaucoup parler des risques du nucléaire et des décès qui y sont liés, je vous trouve très peu disserte sur les dizaines de milliers de décès précoces liés à l’exploitation des centrales à charbon. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – « Eh oui, voilà ! » sur plusieurs bancs du groupe RN.) C’est vous qui en avez rouvert ! Nous menons une politique de décarbonation l’électricité qui, au-delà de la France, servira l’Europe tout entière, puisque le renforcement du développement du nucléaire permettra de fermer des centrales à charbon. Vous qui aimez les études, je vous en signale une tout à fait intéressante, qui évalue à 23 000 rien que pour 2013 le nombre de décès précoces liés à l’exploitation des centrales à charbon. Vous devriez faire preuve d’un petit peu de cohérence. Mais nous sommes cohérents ! Ce n’est pas nous qui avons rouvert des centrales à cause de la défaillance du parc nucléaire français ! Pour notre part, nous sommes cohérents et responsables, et c’est pourquoi nous avons choisi d’accélérer la production d’énergies renouvelables. Vous pouvez bien vous parer de toutes les vertus sur ce sujet : quand il a fallu adopter le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, vous n’avez pas été au rendez-vous de l’histoire. Vous avez adopté une position contraire à celle de vos représentants au Sénat, ce qui est stupéfiant… Elle a raison ! …et, sur les mêmes mesures, vous avez voté le contraire de vos représentants au Parlement européen : de la posture à l’imposture, il n’y a qu’un pas. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.) L’histoire vous jugera ! La parole est à M. Nicolas Dragon. Chers collègues écologistes, vous parlez de la catastrophe de 2011 et de l’accord de 2012, mais curieusement, depuis le début de nos débats sur ce texte, il est une date que vous n’évoquez jamais : le 8 octobre 2018, les scientifiques du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec)… Vous avez lu un rapport scientifique, bravo ! …ont recommandé d’amplifier de 100 % à 500 % l’usage de l’électricité d’origine nucléaire au niveau mondial d’ici à 2050 pour limiter le réchauffement climatique de la planète sous le seuil de 1,5o C. Vous n’avez pas arrêté de dire que le changement climatique n’existait pas ! C’est indiqué en toutes lettres dans leur rapport, on ne peut pas dire autre chose (Applaudissements sur les bancs du groupe RN) : nous ne parviendrons pas à atteindre nos objectifs sans inclure le nucléaire dans notre production électrique nationale et mondiale, d’autant que nous avons de plus en plus d’objets connectés et de voitures électriques – je l’ai déjà dit hier. Ce n’est pas le vent qui poussera vos trottinettes. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) (L’amendement no 156 n’est pas adopté.) Sur l’amendement no 468, je suis saisie par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Guy Bricout, pour soutenir l’amendement no 75. Créées en 1941, les écoles de métiers d’EDF et GDF, centres de formation et d’apprentissage ayant vocation à former en interne les futurs agents de ces entreprises, dispensaient une formation complète et spécialisée dans les métiers de l’électricité.
À l’heure de la relance du nucléaire, disposer d’une main-d’œuvre formée pour bâtir les futurs réacteurs est essentiel. Le rétablissement des écoles de métiers est une piste intéressante pour répondre à cet enjeu, et nous proposons qu’elle soit étudiée dans le cadre du rapport qui sera remis au Parlement par le Gouvernement sur les besoins de formation et de compétences de la filière industrielle nucléaire pour les trente prochaines années. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.) Quel est l’avis de la commission ? Défavorable : les besoins de formation seront bien étudiés dans le cadre du rapport, nous en avons déjà largement discuté. Mais personnellement, je suis partante pour rouvrir une école de métiers interne à EDF ! (Sourires.) Quel est l’avis du Gouvernement ? Les besoins de formation et les mesures à prendre pour y répondre seront effectivement étudiés dans le cadre du rapport prévu à l’article 1er E. L’amendement étant satisfait, j’en demande le retrait. Je mets aux voix l’amendement no 75. (Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, il est procédé à un scrutin public.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 185
Nombre de suffrages exprimés 173
Majorité absolue 87
Pour l’adoption 73
Contre 100 (L’amendement no 75 n’est pas adopté.) La parole est à M. Christophe Bentz, pour soutenir l’amendement no 407. Après des années d’un lobbying antinucléaire mené notamment par des mouvements de gauche prétendument écologistes, il est urgent de rétablir la vérité sur le nucléaire, seule énergie décarbonée capable de rendre à la France sa souveraineté énergétique… C’est faux ! …et d’offrir aux Français une électricité à bas coût… C’est faux ! …– si, toutefois, les prix de l’énergie n’étaient pas indexés sur la production gazière, comme nous l’impose le marché européen de l’énergie. À ce sujet, nous attendons d’ailleurs toujours avec impatience qu’Emmanuel Macron ait le courage de le quitter, comme l’ont déjà fait l’Espagne et le Portugal. C’est ça ! Et à la fin du mois, nous n’aurons plus d’électricité ! L’amendement tend à demander au Gouvernement de réfléchir à des mesures permettant de sensibiliser les élèves des établissements primaires, secondaires et supérieurs aux vertus réelles de l’énergie nucléaire. Cela permettra notamment de renforcer l’attractivité des emplois de l’industrie nucléaire, aujourd’hui délaissés par les jeunes actifs en raison de trop nombreuses années de désinformation idéologique. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Quel est l’avis de la commission ? Défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable. La parole est à M. Christophe Bex. J’invite le collègue qui vient de s’exprimer et l’ensemble de son groupe à venir dans la petite ville de Bure : la visite de son laboratoire par les classes de primaire et de collège depuis des années tend justement à sensibiliser les jeunes générations au nucléaire.
Chers collègues, à votre avis, pourquoi EDF fait-il de la publicité ? Une publicité pour le chocolat, par exemple, nous donne envie d’en consommer chez nous. Mais une publicité d’EDF ne nous donne pas envie d’allumer la lumière dans toutes les pièces pour consommer de l’électricité : si EDF paie des encarts de publicité, c’est uniquement pour sensibiliser l’opinion publique à travers les médias. Un journal en a d’ailleurs fait les frais : en décidant de publier un article qui questionnait l’opportunité du nucléaire, il a perdu le soutien financier d’EDF et, du même coup, a dû renoncer à sa version papier. Désormais, il n’existe plus qu’en ligne.
Alors ne vous inquiétez pas : l’idéologie nucléaire, elle est ancrée dans toutes les têtes depuis plus de cinquante ans et le passage de Messmer à la tête du Gouvernement – voire avant ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) Très bien ! La parole est à Mme Julie Laernoes. Cet amendement complète notre vision de ce que serait la politique énergétique du Rassemblement national. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe RN.) On aurait de l’électricité pas chère ! Alors que la propagande est déjà massive autour des sites nucléaires – mon collègue Bex a parfaitement décrit la situation actuelle –, l’amendement propose rien de moins que d’inscrire dans la loi le biberonnage des petites Françaises et des petits Français au nucléaire dès qu’ils sont en âge d’aller à l’école.
Je rappelle que si la France, soutenue par l’industrie nucléaire, a choisi d’intégrer le marché européen de l’électricité et accepté l’indexation des prix de l’électricité sur ceux du gaz, c’est parce que cela nous arrangeait bien de pouvoir vendre cher à nos voisins européens l’excédent d’électricité que nous produisions. Et donc ? Imputer la situation actuelle au marché européen, à l’indexation sur les prix du gaz et à l’Allemagne est donc, factuellement, une erreur : le nucléaire a bel et bien bénéficié du marché européen de l’électricité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES. – Mme Perrine Goulet s’exclame.) La parole est à M. Grégoire de Fournas. C’est incroyable : si, depuis que nous nous sommes pris le mur de la crise énergétique, il y a quelques mois, certains ont évolué, revenant sur leur volonté de fermer quatorze réacteurs, et proposant même un projet de loi pour accélérer la production d’énergie nucléaire, d’autres ne changent jamais d’avis… Cela s’appelle la constance politique ! …et continuent à vouloir nous envoyer dans le mur – je pense à la gauche. Madame Laernoes, si les enfants font un rapprochement entre l’énergie nucléaire et la bombe nucléaire, c’est parce que vous leur avez mis dans la tête que le nucléaire était forcément dangereux et qu’il servait des desseins belliqueux, puisqu’il permettait de faire des bombes. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
De toute façon, en matière d’éducation des jeunes, la gauche a toujours été la championne du bourrage de crâne dans les écoles, que ce soit au sujet du wokisme – exemple dont on parle beaucoup en ce moment – ou du nucléaire. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES et quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.) Il faut au contraire expliquer aux jeunes que le nucléaire est une énergie décarbonée – ne vous en déplaise –, pilotable, contrairement à l’énergie éolienne, et peu chère. C’est d’ailleurs parce qu’elle nous envie notre énergie nucléaire que l’Allemagne, en prônant l’Arenh, a cherché à détruire EDF. Nous voulons ramener dans les écoles le bon sens et la science, plutôt que les fantasmes et l’idéologie de gauche. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Je mets aux voix l’amendement no 407. (Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 198
Nombre de suffrages exprimés 196
Majorité absolue 99
Pour l’adoption 56
Contre 140 (L’amendement no 407 n’est pas adopté.) La parole est à M. Luc Lamirault, pour soutenir l’amendement no 503. Cet amendement dont Jérémie Patrier-Leitus est le premier signataire vise à nous assurer que le rapport propose une stratégie de répartition territoriale des formations professionnelles en rapport avec le nucléaire, associant leur implantation géographique à celle des réacteurs, de manière à participer à l’aménagement du territoire. (L’amendement no 503, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) La parole est à M. Alexandre Portier, pour soutenir l’amendement no 468, lequel fait l’objet d’un sous-amendement, no 705. L’article 1er E prévoit que « le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif aux moyens à mobiliser afin que le système éducatif et de formation professionnelle réponde aux besoins de formation et de compétences de la filière industrielle nucléaire dans les trente prochaines années ». Cet amendement vise à le compléter : il serait en effet utile que le Gouvernement apporte des précisions sur une éventuelle évolution du budget alloué, d’une part, par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche en faveur des écoles d’ingénieurs et, d’autre part, par le ministère chargé de l’enseignement et de la formation professionnelle en faveur des formations de soudeurs et de tuyauteurs nécessaires à la relance industrielle. J’ajouterai à ces formations celle des chaudronniers en vertu du sous-amendement déposé par Mme Danielle Brulebois, du groupe Renaissance, ce qui prouve que nous sommes nombreux à juger essentiel l’ajout de ces dispositions. La parole est à Mme Danielle Brulebois, pour soutenir le sous-amendement no 705. Je souhaite insister sur un point important : si nous voulons développer une filière nucléaire d’excellence, qui constituerait également un secteur industriel majeur, il nous faut créer un choc d’attractivité concernant ses métiers de base, ceux de la métallurgie.
La France a trop longtemps méprisé son industrie : cette dernière n’attire plus les jeunes. L’emploi industriel, pourtant générateur de valeur ajoutée, ne fait plus rêver. Il nous faudra certes des chercheurs, des ingénieurs, des techniciens supérieurs, des informaticiens, mais les compétences de base nous font défaut, et de là proviennent tous nos ennuis : notre parc nucléaire souffre de problèmes techniques, de retards de mise en service, d’arrêts pour maintenance, il a besoin de réparations ou de remises à niveau. Nous l’avons encore constaté cet été sur le chantier de l’EPR de Flamanville : il a fallu faire venir 500 soudeurs des États-Unis et du Canada !
Il conviendrait donc de mesurer l’importance, pour la filière nucléaire, des métiers de la métallurgie. Nous aurons besoin de 7 000 soudeurs. Les industriels, qui ont créé leur propre école, comptent ainsi en recruter 200 chaque année : nous sommes loin du compte. Encore une fois, les pouvoirs publics doivent prendre la mesure du soutien à fournir et revaloriser l’image de ces métiers. Nous disposons d’excellents centres de formation d’apprentis (CFA) ; nous avons dans le Jura un lycée des métiers des arts du métal qui peine à recruter dans ces sections. Disons aux jeunes que la chaudronnerie ne consiste plus à fabriquer des chaudrons, qu’elle offre des métiers recherchés, des métiers d’avenir, où l’on peut réussir et faire une belle carrière ! (« Bravo ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.) Quel est l’avis de la commission sur l’amendement et le sous-amendement ? Je demande leur retrait, chers collègues ; à défaut, avis défavorable. Je crois que nous avons déjà intégré dans le texte des précisions ayant trait aux formations et aux besoins en la matière. En outre, cela fait quatre heures vingt que nous débattons de rapports : j’espère vraiment que chacun d’entre nous les lira ! (Sourires sur plusieurs bancs.) Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. J’insiste encore une fois sur l’intérêt et la nécessité de former davantage de chaudronniers, de soudeurs, d’électrotechniciens et autres métiers que la relance du nucléaire va soumettre à des tensions. C’est une bonne maladie que d’avoir besoin de compétences : ces professions ont un avenir, et ceux qui les exercent ont des conditions de travail plutôt favorables, ainsi que qu’une rémunération supérieure à la moyenne. Il n’en reste pas moins que la rédaction de l’article permet de couvrir tous les métiers que vous souhaitez au contraire égrener. Tous ont leur valeur propre, tous sont indispensables, et vous connaissez mon engagement en la matière : le 3 mars, j’étais au Creusot, à la forge de Framatome, afin d’y saluer les apprentis bénéficiant de bourses d’études pour le nucléaire, dispositif que nous avons instauré en 2019. La semaine dernière a également eu lieu la semaine des métiers du nucléaire. Tout cela est en marche pour le bien du pays. La parole est à M. Fabien Roussel. Nous soutenons l’amendement et le sous-amendement, qui vont dans le sens de la reconstruction d’une véritable politique en faveur de l’industrie française. La reconquête par le pays de son tissu industriel commencera par une restauration de la filière nucléaire, laquelle permettra l’alimentation de ce dernier en énergie décarbonée, répondant ainsi aux impératifs climatiques. Nous aurons donc besoin de dizaines de milliers de soudeurs, de chaudronniers, qui construiront et entretiendront les futurs réacteurs.
Malheureusement, ces dernières années, dans l’éducation nationale, dans nos lycées professionnels, les formations à ces métiers ont souvent été supprimées : on ne croyait plus au nucléaire ni à l’industrie. Il faut donc demander à l’éducation nationale de recréer une filière du nucléaire et qu’elle forme à ses métiers, y compris ceux de la métallurgie. C’est pourquoi, je le répète, nous soutiendrons les dispositions soumises à notre examen ; nous sommes de fervents défenseurs de l’industrie nucléaire dans le cadre d’un mix composé des énergies nucléaire et renouvelables. Les deux ne s’opposent pas mais, en tout cas, le nucléaire est indispensable à l’avenir industriel de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES.) Très bien ! La parole est à M. Olivier Marleix.