XVIe législature
Session ordinaire de 2022-2023
Séance du mercredi 24 mai 2023
- Présidence de M. Sébastien Chenu
- 1. Modification de l’ordre du jour
- 2. Programmation militaire 2024-2030
- Discussion des articles (suite)
- Article 2 et rapport annexé (suite)
- Amendements nos 1013 et 1075
- M. Jean-Michel Jacques, rapporteur de la commission de la défense nationale et des forces armées
- M. Sébastien Lecornu, ministre des armées
- Amendements nos 315, 316, 1171, 875, 876, 1344, 317, 581, 679, 68, 477, 1723, 230, 1014, 1077, 318, 582, 687, 986, 1393, 1394, 319, 320, 321, 583, 680, 1015, 1078 et 273
- M. Christophe Plassard, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
- Amendements nos 405, 1016, 1080, 1079, 1509 et 1510
- Sous-amendement no 1786
- Amendements nos 1512, 1511, 1513, 877, 878, 1471, 323, 324, 1580, 1589, 1451, 1581, 1531, 879, 880, 1180, 1181, 1182, 1183, 1620, 57, 532, 584, 681, 1599, 269 et 1345
- Article 2 et rapport annexé (suite)
- Discussion des articles (suite)
- 3. Ordre du jour de la prochaine séance
2e séance
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
Mes chers collègues, je vous informe que Mme la présidente de l’Assemblée nationale a reçu de M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement une lettre l’informant de l’ajout à l’ordre du jour du mercredi 31 mai, le soir, de la discussion de la proposition de loi maintenant provisoirement un dispositif de plafonnement de revalorisation de la variation annuelle des indices locatifs. La discussion du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense pourra se poursuivre à l’issue de l’examen de cette proposition de loi.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense (nos 1033, 1234 rectifié).
Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant aux amendements identiques nos 1013 et 1075 à l’article 2.
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 1013 et 1075.
La parole est à M. Idir Boumertit, pour soutenir l’amendement no 1013. Il convient de rappeler l’importance de la neutralité carbone et sa nécessaire application dans tous les pans de notre société. Notre écosystème global est en grand danger du fait de l’augmentation toujours plus importante des émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, des bouleversements climatiques sans précédent qui en résultent, de l’érosion massive de la biodiversité et de la sixième extinction de masse. C’est aussi cela, la réalité.
Nous proposons donc d’inscrire dans le présent projet de loi de programmation le principe de neutralité carbone pour nos armées d’ici à 2050. La prévention des pollutions dues à nos activités ainsi que la durabilité de nos armées en dépendent. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) L’amendement no 1075 de M. Aurélien Saintoul est défendu.
La parole est à M. Jean-Michel Jacques, rapporteur de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour donner l’avis de la commission. Défavorable. La parole est à M. le ministre des armées, pour donner l’avis du Gouvernement. Défavorable. (Les amendements identiques nos 1013 et 1075 ne sont pas adoptés.) Je suis saisi de deux amendements, nos 315 et 316, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Laurent Jacobelli, pour soutenir l’amendement no 315. Qu’il s’agisse de consommables ou de systèmes, il nous faut augmenter la disponibilité des matériels. Pour ce faire, il convient évidemment de diminuer notre dépendance aux fournisseurs étrangers – nous en avons déjà parlé – et d’augmenter notre production nationale : nous avons souvent évoqué cet enjeu s’agissant des munitions, des pièces détachées ou encore des kits de maintien en condition opérationnelle (MCO).
Cet amendement vise donc à accroître notre capacité de production souveraine : je parle ici d’éléments fabriqués en France et par des entreprises françaises et autonomes, c’est-à-dire indépendantes de fournisseurs étrangers de matières premières ou de composants. Nous ferions ainsi progresser de manière réelle et tangible notre souveraineté, idée dont nous avons beaucoup parlé en commission et dans cet hémicycle. L’amendement no 316 de M. Laurent Jacobelli est également défendu.
Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ? Je comprends parfaitement l’appel que vous lancez par ces amendements : la production nationale souveraine doit effectivement être favorisée. Cependant, je ne crois pas qu’il soit opportun d’inscrire cet objectif à cet endroit du rapport annexé, c’est pourquoi je vous demanderai de bien vouloir les retirer. Quel est l’avis du Gouvernement ? Plusieurs amendements ont été déposés sur cette importante question, à propos de laquelle le fond et la forme comptent, étant donné qu’il nous faut adopter la rédaction la plus précise possible.
Sur le fond, monsieur Jacobelli, si la production est un élément clé, la maintenance l’est tout autant. En effet, après l’achat d’un équipement, il nous faut être capables de l’entretenir sur la durée de manière souveraine. Nous évoquerons peut-être cette question lors de l’examen des amendements de MM. Lachaud et Saintoul relatifs à la catapulte à vapeur du porte-avions. En l’occurrence, nous achetons cet équipement aux États-Unis, mais sa maintenance est assurée de manière souveraine par la France. À la réflexion sur la production doit donc s’en adjoindre une autre sur la maintenance souveraine : contrairement à ces amendements, qui ne portent que sur le premier aspect, nous ne pouvons dissocier les deux notions.
Afin d’avancer, car de nombreux amendements ont été déposés sur ce sujet, je vous indique dès à présent, monsieur le président, que le no 477 de Mme Tabarot retient mon attention, sa rédaction étant selon moi la plus fine car elle comprend la notion de criticité. Nous n’y sommes pas encore, mais sachez que je lui donnerai un avis favorable. La parole est à Mme Gisèle Lelouis. Monsieur Jacobelli a raison : il convient d’insister sur l’autonomie capacitaire dont nos armées ont besoin pour faire face à un ou plusieurs engagements majeurs, surtout lorsqu’ils se déroulent sous pavillon français unique. L’autonomie stratégique à laquelle nous aspirons ne saurait être empêchée parce que certaines pièces ou certains matériels n’atteindraient pas le territoire national du fait d’un blocus maritime, terrestre ou aérien, ou en raison d’une décision politique d’États ou d’organisations étrangères visant à ne plus ravitailler la France.
La LPM – loi de programmation militaire – montre ici ses limites. Le développement de nos capacités de production et la limitation des importations pour nos armées doivent être l’ambition stratégique de la France à l’horizon 2030. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.) La parole est à M. Bastien Lachaud. Je m’étonne que vous citiez l’exemple de la catapulte à vapeur du porte-avions Charles-de-Gaulle, monsieur le ministre. J’imagine que nombreux sont ceux dans cet hémicycle qui se rappellent des propos du général Bentégeat qui, à la suite du discours de Dominique de Villepin à l’ONU et au refus de la France de participer à la guerre en Irak, avait indiqué que la première mesure de rétorsion des Américains avait été de bloquer la livraison de certaines pièces détachées, notamment celles nécessaires au fonctionnement des catapultes. Cela me surprend donc que vous disiez que le MCO de cet équipement peut être assuré par la France de manière souveraine. Pourriez-vous expliciter vos propos ? J’y reviendrai lors de l’examen d’amendements ultérieurs. (Les amendements nos 315 et 316, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.) L’amendement no 1171 est-il défendu ? Je le retire. (L’amendement no 1171 est retiré.) Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 875 et 876.
La parole est à Mme Martine Etienne, pour soutenir l’amendement no 875. Par ces amendements identiques, le groupe LFI-NUPES propose de mettre la BITD – base industrielle et technologique de défense – au service des besoins des armées françaises. Nous proposons en effet de garantir notre souveraineté industrielle, car les armes ne sont pas des marchandises comme les autres. Vendre du blé à l’Égypte n’a pas le même effet que lui fournir des Rafale !
La logique commerciale détruit à feu doux nos armées. Prélever des capacités vitales sur notre parc d’aéronefs pour satisfaire des contrats, vous savez le faire. En revanche, respecter les contrats signés avec notre BITD, cela vous est plus compliqué, en témoigne la réduction des cibles d’achats de blindés du programme Scorpion.
Nous ne pouvons donc pas nous satisfaire de la gestion de notre BITD. Les carnets de commandes sont réduits ou rendus incertains. Les industriels sont contraints de dépendre des débouchés à l’international et de se plier aux besoins d’autres puissances. En définitive, les besoins des armées françaises deviennent de simples variables d’ajustement suivant le rythme de production, avec des fonds de pension qui pillent les brevets des PME, brevets pourtant clés pour notre tissu industriel de défense.
Nos amendements refusent cette logique et visent à instaurer un pilotage clair de l’effort de défense. En partant des besoins de nos armées, les industriels pourraient avoir des carnets de commandes suffisants pour maintenir un outil de haute qualité et continuer d’investir dans la recherche et le développement (R&D). Des armes de petit calibre aux équipements les plus complexes, un pôle public de l’armement rendrait à l’État sa force planificatrice (« Ah ! » sur quelques bancs du groupe RN) et consacrerait la souveraineté de notre BITD. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) L’amendement no 876 de M. Aurélien Saintoul est défendu.
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ? Vous confondez cibles et respect des commandes. La LPM aura bien pour effet de remplir les carnets de commandes des industries de défense. Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Eu égard à leur rédaction très militante, il me semble que ces amendements sont des amendements d’appel. D’autres à venir relatifs aux nationalisations permettront d’avoir un débat de fond. Avis défavorable. La parole est à M. Aurélien Saintoul. Vous êtes vous-même un militant, monsieur le ministre, ce qui ne vous empêche pas de développer des arguments de fond. Je ne l’écris pas dans la loi ! Les amendements peuvent être militants et aller au fond des choses : ce n’est pas antinomique. C’est trop rouge, monsieur Saintoul ! Par ailleurs, je profite de cette occasion pour revenir un bref instant sur la situation de l’entreprise Segault. Vous avez annoncé hier que vous opposeriez votre veto à la vente de cette société, ce dont nous nous félicitons, mais nous avons appris par voie de presse que Bercy ne serait pas sur la même longueur d’onde. Pourriez-vous nous en dire plus ? La parole est à M. le ministre. Je suggère d’évoquer ce sujet tout à l’heure, lors de l’examen des amendements relatifs aux IEF – investissements étrangers en France. (Les amendements identiques nos 875 et 876 ne sont pas adoptés.) La parole est à Mme Anna Pic, pour soutenir l’amendement no 1344. Cet amendement de ma collègue Santiago, cosigné par l’ensemble du groupe Socialistes et apparentés, tend à souligner la nécessité pour l’État de procéder à des choix capacitaires forts, et à clarifier la notion d’économie de guerre. En effet, celle-ci rend nécessaire la constitution de stocks à la charge de l’État, non seulement de matières et de composants d’intérêt stratégique, mais aussi de produits finis.
L’article 24 de la LPM, qui est inclus dans le chapitre consacré à l’économie de guerre, autorise l’État à contraindre les entreprises à constituer des stocks de matières ou de composants d’intérêt stratégique. Cette disposition nous apparaît néanmoins insuffisante et elle ferait peser un poids important sur les entreprises, qui ne seront pas indemnisées. Ainsi notre amendement vise-t-il à clarifier la notion d’économie de guerre et à la renforcer. En matière de défense, l’État doit prendre une part plus importante, en constituant lui-même et à sa charge des stocks de produits finis sur des bases prévues à cet effet. Quel est l’avis de la commission ? Cet amendement s’inscrit dans le même esprit que les précédents – celui de la nationalisation. En l’occurrence, nous évoquerons tout à l’heure la question des stocks à la charge de l’État. Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable. La parole est à M. Aurélien Saintoul. Cette question ne pourra pas être balayée d’un revers de main, monsieur le rapporteur, en vous contentant de dire que notre objectif est de procéder à des nationalisations pures et simples. Vous l’avez noté, il existe des nuances au sein de la NUPES : en effet, mes camarades socialistes ne défendent pas le principe d’une nationalisation totale de l’appareil de production militaire. Pas encore, mais bientôt ! Ils y viendront peut-être mais, pour l’heure, ce n’est pas leur position.
Quoi qu’il en soit, le sujet mérite d’être abordé. Il faut plus de clarté et de visibilité autour des stocks des entreprises que vous appelez de vos vœux. Or, étant donné que les entreprises en question obéissent à une logique commerciale de rentabilité, il semble difficile de leur imposer une obligation, d’autant plus que la seule certitude que vous pouvez leur donner est que leur trésorerie sera mise à contribution. Dans ces conditions, il leur sera compliqué de définir les mesures adéquates.
Monsieur le rapporteur, vous avez répondu à Mme Etienne qu’elle confondait les cibles et les contrats. C’est possible, mais je rappelle que nous n’avons pas obtenu les informations sur les contrats, malgré nos demandes appuyées par le président de la commission des finances, pas plus que celles relatives au montant des dédits. Le cabinet de M. le ministre n’a pas, jusqu’à présent, manqué de bonne volonté, et il a fourni la plupart des documents que nous lui avons demandés, mais pas ceux-là. (L’amendement no 1344 n’est pas adopté.) La parole est à M. Laurent Jacobelli, pour soutenir l’amendement no 317. Nous demandons beaucoup à notre BITD et c’est normal : nous lui demandons d’être agile, de constituer des stocks, de s’adapter à ce que vous appelez une « économie de guerre ». Pour y parvenir, il faut de la visibilité et des investissements, financiers et humains. Cet amendement propose donc d’insérer après « BITD » le pan de phrase suivant : « , conditionnée à des engagements fermes et sur le long terme de l’État vis-à-vis de celle-ci, ». Quel est l’avis de la commission ? Pour répondre aux besoins, il faut maintenir de la souplesse sans perdre de vue les intérêts de nos armées. Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Cet amendement est en grande partie satisfait. Nous poursuivrons le débat sur la visibilité des stocks lors de la discussion d’autres amendements, mais vous avez eu raison de déposer à nouveau celui-ci, car il permet de poursuivre le débat commencé en commission. Le rapport annexé et le tableau capacitaire fournissent des éléments de visibilité, mais peu de secteurs sont concernés. Il s’agit principalement de ceux pour lesquels les crédits sont en augmentation. D’autres avaient déjà de la visibilité quand, dans le passé, les crédits baissaient mais, curieusement, certaines sensibilités politiques ne semblaient pas alors s’y intéresser – vous n’êtes pas visé, monsieur Jacobelli, puisque vous n’étiez pas encore là.
Certaines formations politiques – là encore, je ne parle pas de la vôtre – reprochent à ce projet de loi de programmation militaire de contenir trop de restes à payer, mais, par définition, s’il y a beaucoup de restes à payer, nous avons de la visibilité. Nous y reviendrons. J’ajoute qu’il existe également des perspectives à l’export. La visibilité est donc bien là. La question qui se pose est plutôt celle du fonctionnement. Nous en discuterons lors de l’examen des amendements suivants.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable. (L’amendement no 317 n’est pas adopté.) Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 581 et 679.
L’amendement no 581 est défendu.
La parole est à M. Aurélien Saintoul, pour soutenir l’amendement no 679. Par cet amendement, nous poursuivons la discussion entamée hier pour savoir si l’expression « économie de guerre » est adéquate ; nous la croyons impropre. Monsieur le ministre, vous nous avez expliqué qu’elle avait émergé du contexte de la guerre en Ukraine et de la nécessité, que vous aviez défendue devant les industriels de la défense, de passer en mode « économie de guerre ».
Nous comprenons l’emploi de cette expression dans ce contexte, mais nous continuons de penser que l’expression est impropre. Nous vous proposons donc, par cet amendement, une solution alternative plus modérée. Il s’agit d’éviter une expression qui laisserait à penser que nous sommes en guerre – au reste, vous reconnaissez bien volontiers que, stricto sensu , nous ne le sommes pas. En outre, une économie de guerre exige la mobilisation de tous les moyens de l’État et même de la nation pour faire face à l’ennemi. L’expression que nous proposons permet de lever une ambiguïté forcément nuisible à terme. Quel est l’avis de la commission ? On retrouve là votre prisme privilégiant l’État et les nationalisations. Il se trouve que les processus peuvent aussi être revus par les entreprises. Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Je vous remercie d’avoir rappelé les explications initiales que j’avais fournies sur cette expression, car mes propos ont pu être caricaturés par la suite. Au cours des vingt dernières années, notre industrie de défense n’avait jamais été confrontée à un client en guerre. Et vous avez mille fois raison de rappeler ce qu’on ne dira jamais assez : nous ne sommes pas en guerre.
Nous sommes le principal client de notre BITD ; il n’en demeure pas moins que la BITD française peut avoir des clients en guerre. Avant la guerre en Ukraine, l’analyse stratégique faisait valoir que ni la lutte contre le terrorisme ni les différentes missions dans lesquelles les armées étaient engagées ne demandaient une mobilisation spéciale de nos industriels, car la gestion des stocks était adaptée à ces demandes et la visibilité était suffisante.
La guerre en Ukraine a réveillé un débat dans lequel le côté droit de l’hémicycle a dit craindre que l’aide à l’Ukraine ne déshabille l’armée française et même jugé dangereux d’aider ce pays – bien des choses ont été dites en ce sens. Je ne reviens pas sur la doctrine d’aide à l’Ukraine ; rappelons simplement que la BITD a la capacité de compléter ses stocks, voire de les augmenter. C’était d’ailleurs l’objet de l’amendement de Benjamin Haddad et d’autres parlementaires de la majorité sur le fonds de soutien qui permet de connecter l’État ukrainien à notre BITD. Nous avons donc vu émerger la différence entre le mode de paix – nous formons tous le vœu qu’il revienne – et l’installation d’une forme d’intensité chez un des clients alliés – c’est le cas de l’Ukraine aujourd’hui – qui demande des capacités de production plus rapides, demande traduite par l’injonction d’aider plus et plus vite.
Il existe donc bien une économie de guerre pour faire face à une guerre qui est déjà là, car la vocation de la BITD n’est pas uniquement intérieure, ce qui garantit un certain équilibre. Elle est universelle et elle se traduit aujourd’hui par la nécessité de produire plus vite. Nous discutons ici de la forme, mais nous discuterons plus tard du fond de cette question, qui concerne notamment les mécanismes européens d’achat. Les délais de production et de livraison peuvent nous mettre en position désavantageuse par rapport à nos concurrents.
L’expression « économie de guerre » ne doit donc pas être dissociée du contexte dans lequel elle a émergé : malheureusement, la guerre est sous nos yeux. Cela étant dit, je vois arriver d’autres amendements sur ce sujet et j’espère que ce n’est pas le fait que cette expression ait été employée par le Président de la République qui suscite vos réactions ; je n’ose l’imaginer. La parole est à M. Aurélien Saintoul. Nos propositions ne s’expliquent effectivement pas seulement par ce fait… Pas seulement, mais un peu quand même ! …mais il y a contribué. Ni vous ni moi ne sommes naïfs en la matière.
La phrase du rapport annexé que nous proposons de modifier – « Cette capacité à réagir et à tenir dans la durée dépendra notamment de l’agilité de notre BITD et des leviers de l’économie de guerre […] » – exprime l’idée d’un balancement entre ce qui relève du domaine privé et ce qui relève des initiatives de la puissance publique pour stimuler, faciliter et inciter. Il nous semble donc préférable d’assumer ce balancement entre les initiatives privées et l’action volontariste de l’État pour permettre à la BITD d’assurer la livraison de ses commandes plutôt que d’utiliser une formule qui relève davantage du slogan, même s’il s’agit d’un contexte tragique.
L’effet slogan de l’expression « économie de guerre » travestit un peu le débat public. Elle a le mérite d’être claire. L’expression que nous proposons, « des actions étatiques », a le mérite d’être neutre, de faciliter la compréhension et d’éviter les effets de manche. (Les amendements identiques nos 581 et 679 ne sont pas adoptés.) La parole est à M. Jocelyn Dessigny, pour soutenir l’amendement no 68. Face au retour de la guerre sur notre continent, il est certain que l’État et notre industrie de défense doivent s’adapter à la possibilité que notre pays puisse prendre part à un conflit de haute intensité. Pour cela, une politique économique cohérente, basée notamment sur un soutien accru à notre BITD, mais aussi sur des leviers tels que la sécurisation des approvisionnements en matières premières d’importance stratégique ou encore la constitution de stocks est nécessaire.
Pour autant, la préparation de notre industrie de défense à l’éventualité d’un conflit ne constitue absolument pas une transition vers une économie de guerre. Le rapport annexé emploie donc cette expression mal à propos. Celle-ci a une définition précise : elle désigne une économie dans laquelle les besoins des forces armées sont satisfaits prioritairement, notamment par prélèvements autoritaires, et par la redirection de l’essentiel de l’appareil productif du pays vers l’effort de guerre. Or, il est évident que tel n’est pas l’objectif visé par le Gouvernement et qu’une telle mobilisation de l’économie n’est fort heureusement pas à l’ordre du jour.
L’amendement propose donc de remplacer les mots « économie de guerre » par les mots « politique économique » qui décrivent bien mieux la réalité dont il est question ici. Quel est l’avis de la commission ? M. le ministre a déjà fourni des explications. Je rappellerai simplement que ce qui importe est de favoriser l’agilité et la possibilité de monter en puissance si le besoin s’en fait sentir. Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Votre définition est en partie juste, mais dans la mesure où elle concerne notre propre armée. Je suis sûr que vous ne refusez pas l’idée que notre BITD exporte. Ses clients internationaux peuvent être en paix, mais ils peuvent aussi être en guerre. Pour pouvoir fournir à ceux-ci des équipements, nul besoin, au moment où nous parlons, de mobiliser les outils du droit pour procéder à des réquisitions. Nous nous trouvons en ce cas dans une zone intermédiaire. Nous nous adressons alors aux industriels pour leur demander de reprendre des muscles.
J’ai entendu ces derniers jours MM. Jacobelli et Giletti dénoncer la Facilité européenne pour la paix qui, selon eux, serait scandaleuse en ce qu’elle permettrait à des pays européens d’acheter hors l’espace européen. Cette affaire relève du dilemme entre la poule et l’œuf : si nous avions la capacité de produire plus vite, la recomposition des stocks pourrait se faire par la base industrielle de défense européenne et française.
Je n’ai pas répondu à M. Saintoul mais nous aurons l’occasion de discuter de la proportionnalité des actions de l’État à l’occasion de la discussion d’amendements portant sur la partie normative du projet de loi. Nous ne sommes pas en guerre et nous n’avons donc pas atteint le stade ultime où il faudrait employer des outils de réquisition, mais nous nous trouvons dans une zone intermédiaire, qui demande des améliorations.
Je revendique fortement l’expression « économie de guerre » et pas seulement parce qu’elle a été employée par le Président de la République. Pour faire vite, il existe trois modèles économiques : le modèle des nationalisations et des régies ; un modèle intermédiaire, qui est le nôtre actuellement, hérité du modèle gaullien des années 1960, dans lequel l’État exerce un certain contrôle sur les entreprises, dans lesquelles il peut détenir des participations ; et un modèle plus libéral et complètement ouvert. Ce n’est pas le vôtre ? Non, et c’est pourquoi ce pays est plus équilibré. Il faut prendre soin de l’héritage du général de Gaulle, monsieur le député !
Cette économie de guerre nécessite une BITD agile afin que nous puissions répondre aux besoins de clients étrangers. C’est aussi cela, le modèle français, et nous devons le protéger.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable. La parole est à M. Jocelyn Dessigny. Nous maintenons notre amendement. Sur le fond, nous pouvons être d’accord avec vous : nous devons nous doter des moyens nécessaires à notre défense et pouvoir être en mesure d’approvisionner des pays alliés. Toutefois, sur la forme, nous pensons que l’expression « économie de guerre » doit être remplacée par celle de « politique économique ». (L’amendement no 68 n’est pas adopté.) La parole est à M. Maxime Minot, pour soutenir l’amendement no 477. Il est défendu. Quel est l’avis de la commission ? Favorable. J’ai bien fait de le défendre ! Vous ne l’avez pas défendu, monsieur Minot ! On ne vous a rien demandé, monsieur Lachaud. (Sourires.) C’est Roland-Garros ! Je peux faire le médiateur ! Si MM. Lachaud et Minot ont des choses à se dire, je suis sûr qu’ils trouveront un autre lieu pour poursuivre leur conversation.
Quel est l’avis du Gouvernement ? Dans l’attente de la discussion et du vote de cet amendement, j’avais émis un avis défavorable sur certains des amendements précédents, qui me semblent satisfaits par celui-ci, de repli. Avis favorable. (L’amendement no 477 est adopté.) Sur les amendements nos 1014 et identique, je suis saisi par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
L’amendement no 1723 de Mme Natalia Pouzyreff est défendu.
Quel est l’avis de la commission ? Demande de retrait. Quel est l’avis du Gouvernement ? Demande de retrait ou avis défavorable. (L’amendement no 1723 est retiré.) L’amendement no 230 de M. Marc Le Fur est défendu.
Quel est l’avis de la commission ? Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. Je ne connais pas de cas de construction d’un bâtiment de la marine nationale à l’extérieur du territoire national. Certes, les bâtiments exportés, par exemple en Grèce, font parfois l’objet de partenariats industriels et d’accords entre différents chantiers en France et dans le pays acheteur, mais ce bon équilibre ne pose pas de problème de souveraineté. Je demande donc le retrait de l’amendement, car je ne vois pas d’où le risque pourrait venir ; la situation ne s’est en tout cas jamais présentée. (L’amendement no 230 est retiré.) Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 1014 et 1077.
La parole est à Mme Pascale Martin, pour soutenir l’amendement no 1014. Afin de renforcer les capacités industrielles et les moyens logistiques des armées, l’État doit nationaliser les entreprises stratégiques de défense, lorsque cela sera jugé nécessaire, par exemple pour les protéger d’une prise de contrôle étrangère et garantir la pleine souveraineté de la BITD.
Les armes ne sont pas des marchandises comme les autres. La logique commerciale est par essence de prolifération, alors qu’en la matière, il faut viser la régulation et la diminution.
Les gouvernements précédents ont accepté un grand déménagement du monde, conséquence d’un libre-échange total et irresponsable. Résultat : notre capacité à satisfaire nos besoins vitaux dépend de pays sur lesquels nous n’avons aucune prise. Si les industries de défense peuvent faire figure d’exception, le bilan des privatisations qu’elles ont connues au cours des dernières décennies demeure inquiétant. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) L’amendement no 1077 de M. Aurélien Saintoul est défendu.
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ? La DGA – direction générale de l’armement – joue déjà un rôle de planification et de coordination ; il n’est nul besoin d’aller plus loin à cet égard. La nationalisation de la BITD n’est pas, selon moi, une solution. Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La parole est à M. Bastien Lachaud. Monsieur le ministre, vous avez rappelé que plusieurs modèles étaient possibles. Dans le domaine des armes, la règle est qu’il est interdit d’exporter. Ainsi, les entreprises de ce secteur n’ont qu’un seul client, l’État français,… Mais non ! …sauf quand celui-ci les autorise à exporter. Dès lors, la concurrence qui justifierait la privatisation des entreprises et le recours à la main invisible du marché n’étant pas possible dans ce domaine, il n’y a aucune raison que les actionnaires tirent profit de leur investissement – puisque celui-ci ne comporte aucun risque et qu’ils sont déjà assurés d’avoir l’État français pour client – et il n’est pas logique de privatiser ces entreprises qui étaient autrefois nationales. Tant que vous n’aurez pas répondu à cet argument, nous maintiendrons cet amendement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) C’est cristallin ! Je mets aux voix les amendements identiques nos 1014 et 1077. (Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 99
Nombre de suffrages exprimés 94
Majorité absolue 48
Pour l’adoption 15
Contre 79 (Les amendements identiques nos 1014 et 1077 ne sont pas adoptés.) La parole est à M. Laurent Jacobelli, pour soutenir l’amendement no 318. L’alinéa 13 du rapport annexé prévoit le financement de la BITD à travers l’épargne. C’est une bonne idée, à laquelle je vous propose d’ajouter une proposition de Marine Le Pen, celle de la création d’un fonds souverain alimenté par l’épargne des Français, qui financerait les entreprises de la BITD, lesquelles ont parfois du mal à obtenir des prêts bancaires à cause de leur réputation.
Un tel fonds permettrait de soutenir l’innovation et les services de recherche et développement de ces entreprises, mais aussi d’empêcher la prédation des entreprises françaises par des entreprises étrangères, et de placer l’épargne de nos concitoyens au service de la nation. Vous le voyez, chers collègues, outre la capitalisation et le « vol » par l’État du secteur privé, il existe des modèles d’investissement populaire, qui peuvent être intéressants pour la BITD. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Quel est l’avis de la commission ? Il existe déjà des fonds d’investissement dans l’innovation. Je pense par exemple à Defense angels.
En outre, ce projet de LPM prévoit 10 milliards d’euros d’investissement pour l’innovation, ce qui n’est pas rien. Même si ce n’est pas l’objet de l’amendement, je me fais un plaisir de le rappeler, car ces crédits aideront indirectement les entreprises. Je vous demande donc de retirer l’amendement. Quel est l’avis du Gouvernement ? Je comprends la motivation de cet amendement visant à créer « un fonds souverain de défense », toutefois, je note que BPIFrance et l’APE – l’Agence des participations de l’État – jouent déjà un tel rôle, quand nous leur demandons d’intervenir. En outre, vous n’êtes pas sans savoir, puisque nous l’avons déjà évoqué en commission, qu’il existe désormais des fonds privés français qui interviennent dans ce secteur – ce n’était pas le cas jusqu’à présent, malheureusement – tels que Tikehau, Amundi et Eiréné, et que de nouveaux projets émergent. Pourtant, la rédaction de votre amendement donne l’impression qu’aucun de ces outils n’existe. Dans votre esprit, que s’agit-il d’inventer de nouveau avec ce fonds souverain ? Ne parvenant pas à le comprendre, je vous demande le retrait. La parole est à M. Laurent Jacobelli. Il est étonnant de devoir répondre aux questions d’un membre du Gouvernement. On innove, avec cette inversion des rôles ! Nous écrivons la loi ! L’amendement vise à compléter le rapport annexé, qui prévoit déjà de faire appel à l’épargne populaire ; bien évidemment, il ne s’agit pas de prétendre que rien n’existe et que nous allons tout créer.
Nous avons beaucoup évoqué le lien entre l’armée et la nation ; celui-ci serait conforté si les Français pouvaient investir ainsi dans la BITD, puisqu’il s’agit bien là d’un lien économique. L’amendement permettrait la participation des Français au développement d’une industrie qui fait honneur à notre pays et est reconnue dans le monde entier – nous rebondissons ainsi utilement sur une proposition de votre texte qui fait écho à l’une des nôtres. La parole est à M. Aurélien Saintoul. Le ministre a raison, cette idée du Front national est très curieuse. Alors que l’industrie de défense est déjà financée par l’argent public, bizarrement, vous nous expliquez que sa nationalisation reviendrait à voler les entreprises. Non, ce serait une utilisation à bon escient des deniers publics. Dès lors que l’État est propriétaire, la nation est propriétaire, dans un cercle vertueux. Votre position, conforme à la tradition d’extrême droite, vise à engraisser le capital tricolore, mais après tout, pourquoi pas ? Vous avez le droit de la défendre.
Vous expliquez ainsi qu’il faut faire ruisseler l’argent des Français vers ces industries, pour qu’elles continuent à dégager des profits et pour encourager leur expansion commerciale, mercantile. Vous, vous voulez les taxer, c’est différent ! L’évangile selon Saintoul ! Encore une leçon de morale ! Ainsi, vous n’avez aucune espèce d’idée ni sur la régulation, ni sur l’innovation.
De surcroît, vous confondez deux idées : c’est une chose de proposer que les financements privé et public ne doivent pas s’exclure l’un l’autre ; une autre de considérer qu’ils doivent s’épauler mutuellement. Ainsi, votre proposition, tout à fait bancale, est conforme à la tradition que vous incarnez. Je n’ai pas de leçon d’économie à recevoir d’un marxiste ! (L’amendement no 318 n’est pas adopté.) Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 582 et 687.
La parole est à M. François Piquemal, pour soutenir l’amendement no 582. Afin de s’assurer que toutes les pièces du porte-avions de nouvelle génération (PANG) seront à notre main – c’est le cas de le dire –, nous souhaitons que les ascenseurs, catapultes et brins d’arrêt armant soient produits par la France. Si nous dépendons de puissances étrangères, nous risquons de mauvaises surprises, comme le passé l’a montré. L’amendement no 687 de M. Aurélien Saintoul est défendu.
Quel est l’avis de la commission ? Même si ce serait l’idéal, toutes les pièces ne peuvent pas être produites en France. La décision en la matière doit prendre en compte tant le coût que les besoins. En l’occurrence, l’important est de disposer de la réserve opérationnelle nécessaire ; c’est le cas. J’émets donc un avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? C’est un bon débat, qui résulte de notre histoire, des programmes passés. Je répondrai d’abord, monsieur Lachaud, à votre question de tout à l’heure sur le MCO des catapultes actuelles. Celles-ci, je le rappelle, sont américaines et fonctionnent à la vapeur. Pour éclairer l’Assemblée sur le sens de votre amendement, il faut en rappeler la raison : dans le passé, les Américains, construisant beaucoup de porte-avions pour leur armée, bénéficiaient d’une capacité de production leur permettant d’exporter à leurs alliés. Nous avions donc décidé de nous approvisionner auprès d’eux, car ce n’était pas notre cas, même si nous disposions de plusieurs porte-avions – nous n’en avons plus qu’un.
S’agissant du MCO, il convient de distinguer les opérations de maintenance courantes et celles qui ont lieu tous les trois à quatre ans pour les pièces importantes ou critiques et impliquent de faire appel au fournisseur américain.
Pour être honnête avec vous, j’ai déjà interrogé la DGA – je pourrai le faire de nouveau, car je souhaite être le plus précis possible, même si je ne peux pas avoir réponse à tout –, pour vérifier que nous ne commandons pas ces pièces aux États-Unis par facilité alors que nous saurions les produire nous-mêmes, en prévision d’une crise – je renvoie aux propos du général Bentégeat que vous évoquiez. De fait, ces pièces sont les seules pour lesquelles nous restons dépendants.
J’en viens à l’objet de vos amendements, le futur porte-avions – pour lequel tous les choix n’ont pas encore été faits. Distinguons les pièces auxquelles vous faites référence : les ascenseurs, les catapultes et les brins d’arrêt. J’ai demandé à la DGA d’étudier la possibilité d’une production nationale pour chacune d’entre elles. Cela implique d’examiner lucidement la question du savoir-faire de nos industries – je le dis sans critique, ni démagogie –, sachant que toutes ces pièces ne sont pas également critiques. Il faut également prendre en compte les délais dans lesquels nous voulons disposer du PANG. Vous connaissez désormais tous les critères de la décision.
Pour les ascenseurs, nous étudions la possibilité d’une production souveraine ; je ne peux pas encore vous donner d’autre réponse. Quant aux catapultes et aux brins d’arrêt, à l’heure où nous parlons, à ma connaissance, aucune entreprise française ne permet d’en produire de manière souveraine – si vous en connaissez une, je vous invite à déposer un sous-amendement. Nous devrons continuer à débattre de cette question dans le cadre de l’examen du programme PANG. Si les grands anciens se sont résolus à choisir des pièces américaines, je pense que c’est parce qu’ils y ont été acculés.
Il nous reste encore du temps avant de devoir prendre une décision définitive concernant cette composante coûteuse du PANG. Ainsi, si vos amendements sont intellectuellement stimulants et suscitent le débat, il n’est pas raisonnable de demander au ministère des armées de s’assurer d’une production souveraine des ascenseurs – autant adopter directement un amendement pour interdire la guerre, nous gagnerions du temps et n’aurions même pas à débattre d’une LPM ! (Sourires.)
Telles sont les contraintes qui pèsent non seulement sur votre serviteur, mais également sur tous nos concitoyens, concernant ce segment critique. Je vous demande donc de retirer vos amendements – même si je ne pense pas que vous le ferez. Leur adoption créerait une obligation de moyens et de résultat que nous ne sommes pas encore capables de satisfaire.
Je pourrais le dire autrement : il n’y a pas de volonté que la catapulte soit américaine – c’est une exception. Encore heureux ! Cela va mieux en le disant, monsieur Saintoul. Le principe est le suivant : l’approvisionnement doit être à 100 % français et souverain, mais il y a des exceptions, comme l’a rappelé le rapporteur.
J’espère avoir démontré pourquoi celle-ci existe. Sans pour autant être d’accord politiquement, il nous faut tenir compte de certaines réalités industrielles, techniques, voire de calendrier – on pourrait par exemple faire le choix de décaler la mise en service du PANG de vingt ans ! La parole est à M. Aurélien Saintoul. Je vous remercie d’avoir pris le temps de faire d’une réponse complète. Vous avez répondu sur la maintenance actuelle et passée, mais celle de la maintenance future des catapultes et brins d’arrêt se pose puisque la technologie va changer, si le choix d’un brin d’arrêt et d’une catapulte magnétiques est maintenu.
En outre, selon les informations que nous avons pu glaner bien que le sujet ne soit pas simple à documenter, par défaut de transparence, il semblerait qu’il faille environ 2 milliards pour développer un tel savoir-faire. Mais peut-être est-ce inexact ? Vous êtes sans doute mieux informé que nous. Certes, c’est une somme – personne ne dit le contraire – mais on peut la considérer comme un investissement : il ne s’agit pas de décréter la fin de la guerre, mais plutôt d’assumer une fonction planificatrice de l’État. Après tout, quand on est gaulliste, on n’a pas de problème avec cette idée !
Dans ce cas, on pourrait envisager l’idée d’un deuxième porte-avions – un bâtiment-frère. Cela ne signifie pas qu’il faut prendre une décision aujourd’hui mais, si vous êtes prêts à développer une filière, ou une capacité, pour 2 milliards, cela peut avoir du sens. Bien sûr, l’amendement était d’appel ; cependant, la question reste ouverte et mérite non seulement d’être posée, mais exposée et retravaillée. La parole est à M. le ministre. Je vous remercie, une fois de plus, d’avoir lancé ce débat. C’est effectivement un amendement d’appel mais le sujet est très intéressant. Si la décision sera formellement prise en comité ministériel d’investissement, j’ai déjà demandé que l’on travaille sur le degré de dépendance du maintien en condition opérationnelle du PANG. C’est dès maintenant qu’il faut le faire, et il faut surtout documenter les segments technologiques qui ne fonctionneraient plus à la vapeur.
Notre histoire ressemble un peu à celle de la poule et de l’œuf. En admettant que nous ayons les moyens – soyons fous : chiche ! – de développer une capacité souveraine, il est difficile de balayer la part d’aléa d’un revers de main. La question du délai se posera. En outre, vers qui exporterait-on ? À qui vendrait-on ? C’est presque une question morale s’agissant d’un porte-avions à propulsion nucléaire, même si on ne parle que d’une catapulte. Cela dépend à qui on la vend ! On exporte bien le Rafale ! Vous nous le reprochez suffisamment ! J’essaie toujours d’être en avance d’un sous-amendement ou d’un amendement. (Sourires.) En outre, étant donné que nous n’avons qu’un seul porte-avions, et non deux ou trois, est-il pertinent de développer la capacité de production des catapultes ? Certains au sein de votre groupe – pas vous deux, commissaires à la défense, très motivés – plaident pour la maîtrise des dépenses militaires ! Je le dis avec humour.
On rentre dans l’épure de notre modèle, qui est intéressant : il a ses limites, il faut qu’on les assume en toute transparence, comme nous venons de le faire, sans se raconter d’histoires. (Les amendements identiques nos 582 et 687 ne sont pas adoptés.) La parole est à M. Christophe Bentz, pour soutenir l’amendement no 986. Il est crucial que l’État corrèle ses efforts matériels pour nos forces armées aux efforts sur les filières de formation professionnelle. Certes, la formation professionnelle ne dépend pas à proprement parler du ministère des armées, mais notre BITD doit pouvoir compter sur une main-d’œuvre fournie et qualifiée si elle veut répondre aux enjeux de cette LPM.
Nous n’aurons pas de sous-marins Barracuda supplémentaires sans soudeurs. Nous ne pourrons pas dire à nos entreprises de rester en France s’il n’y a pas de main-d’œuvre. Nous ne pouvons pas dire que notre défense est souveraine si nous ne pouvons pas créer notre propre matériel.
Le problème est bien là. Nous pourrons ouvrir toutes les lignes de crédit possibles mais, si nous n’avons pas les hommes et les femmes pour répondre à nos besoins, ce ne sera pas crédible. Il est du devoir de l’État de prendre en compte l’enjeu que représentent les filières de formation professionnelle au sein de cette LPM, d’autant que la qualification de la main-d’œuvre n’est pas seulement problématique dans le secteur de l’armement, elle l’est aussi dans le nucléaire ou l’aéronautique. Pour répondre à tous ses besoins, chantiers et défis, la France doit accentuer ses efforts de recrutement et de formation au sein des filières professionnelles.
Il y va également de notre compétitivité. Sans main-d’œuvre, les entreprises ne pourront être compétitives et perdront des marchés. La souveraineté de nos armées passe par la souveraineté des moyens de production. Il est nécessaire de le rappeler au sein du rapport annexé, au vu de l’urgence de la situation. C’est un enjeu de souveraineté et de crédibilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Quel est l’avis de la commission ? Vous avez raison, il est important de s’assurer que la main-
d’œuvre est adaptée aux besoins. Il est vrai que le taux de chômage baisse – il n’a jamais autant baissé depuis des décennies – au point que certaines filières manquent de personnel formé. Il faut donc développer la formation et l’adapter dans chaque bassin de vie – d’une région à une autre, les besoins peuvent être totalement différents.
Votre amendement ne s’inscrit pas vraiment dans le cadre d’une LPM car différents acteurs interviennent en la matière : les agglomérations, les régions, qui ont les compétences économiques, le ministère de l’éducation nationale. En outre, il se produit une prise de conscience collective que tous ces métiers industriels et manuels sont de beaux métiers, que l’on doit valoriser. En clair, je suis d’accord avec vous sur le principe, mais je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement. Dans ce cas, donnez un avis de sagesse ! Quel est l’avis du Gouvernement ? Je vous remercie pour ce débat sur un sujet également important, qui n’est pas propre à l’industrie de défense. Notre modèle, comme vous le savez, repose sur la dualité.
Ce n’est pas l’État seul qui doit accentuer les efforts de recrutement et de formation, contrairement à ce que vous écrivez dans votre amendement ; tout le monde doit le faire, notamment les industriels. Ainsi, en peu de temps, la BITD a fait des efforts qui commencent à aboutir à de belles avancées. J’espère d’ailleurs que cela fera des petits dans d’autres filières et d’autres secteurs. La haute école de formation soudage, par exemple, soutenue par Naval Group et d’autres grands noms du secteur, est un bon exemple d’organisation de la BITD. L’enjeu est considérable pour les très petites, petites et moyennes entreprises du secteur – les TPE et les PME – et c’est pourquoi il est crucial que les entreprises phares du secteur incluant aient une démarche très inclusive à l’égard de leurs sous-traitants.
Les régions doivent elles aussi se mobiliser. Après un tour de table avec la BITD, j’ai été surpris de constater combien leur action est variable en fonction des territoires. Ainsi, pour la région Sud, Renaud Muselier a accepté de conventionner avec le ministère des armées et la BITD afin de mieux cibler les métiers particuliers dans lesquels il faut développer des formations.
Je reviens sur la dualité. Même en matière nucléaire – je ne parle évidemment pas du combat mais de la BITD –, aucune spécialité n’est purement militaire et la dimension duale existe – hormis peut-être la dissuasion, mais elle est traitée différemment. Dans la filière de la propulsion, par exemple, nous partageons certains de nos métiers avec EDF, où travaillent d’anciens marins ou d’anciens agents du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives – CEA – et vice-versa. Les logiques de formation sont donc mutuelles.
Tel qu’il est rédigé, votre amendement est intéressant pour le débat – le sujet est clé – mais ne concerne pas que la BITD. Je vous propose de le retirer car l’État n’est pas seul concerné. Enfin, la structure de coûts – ce qui est facturé à l’État pour son armement – inclut également ces investissements humains pour l’avenir. C’est aussi cela le modèle souverain français. La parole est à M. Yannick Chenevard. Des dispositifs existent déjà, notamment la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, qui a considérablement modifié l’accès à l’apprentissage, quels que soient le niveau d’étude et le type de formation professionnelle.
La progression est énorme sur les emplois spécifiques et les résultats sont au rendez-vous. Bien sûr, pour certains métiers particuliers – le ministre a cité les soudeurs –, il faut renforcer les actions. Mais les opérateurs de compétences créés par la loi collectent désormais les financements nécessaires à la création de centres de formation d’apprentis (CFA), calculés en termes de coût-contrat. C’est précisément ce qu’ont fait certains industriels de notre BITD. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.) Le groupe RE a réveillé l’hémicycle ! C’est bien la première fois ! La parole est à M. Christophe Bentz. En effet, le sujet ne concerne pas que le nucléaire. Mais l’enjeu est crucial, et triple : pour nos armées, pour la formation et pour l’emploi dans les bassins de vie. Compte tenu du bon sens de cet amendement, il est encore temps, monsieur le ministre, de vous en remettre à la sagesse de notre assemblée. (L’amendement no 986 n’est pas adopté.) Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 1393 et 1394.
La parole est à Mme Martine Etienne, pour soutenir l’amendement no 1393. Dans votre rapport, vous évoquez la nécessité de constituer des stocks stratégiques. L’objectif est louable mais, encore une fois, vous oubliez de prévoir des mesures claires, à la hauteur des enjeux. Vous dites que la BITD doit garantir la sécurité des approvisionnements de certaines matières premières, de composants ou de pièces critiques en cas d’engagement majeur. Mais, dans les faits, Naval Group, Safran ou Thales craignent que leur trésorerie soit mise en tension avec le report de charge de nombreux programmes. Nous proposons donc de constituer des stocks stratégiques pour le maintien en condition opérationnelle de nos armées – en clair, la nationalisation.
Oui, comme pour EDF, sécuriser le financement de ces stocks nécessite la garantie intégrale de l’État. Nationaliser, c’est sortir du tout-profit et du report d’investissement. Nationaliser, c’est assurer la stabilité aux femmes et aux hommes qui œuvrent à l’excellence industrielle de la France en matière de défense. Nationaliser, c’est offrir à nos armées une BITD encadrée et pleinement souveraine.
Autrement, votre projet fera reposer l’effort sur la seule trésorerie des industriels, sans incitation particulière à respecter l’objectif flou de constitution de stocks stratégiques. Nous vous proposons donc de compléter le rapport annexé par la phrase suivante : « Dans la perspective de constitution de stocks stratégiques, il apparaît que la nationalisation est le moyen le plus expédient pour atteindre l’objectif. Sans quoi, les entreprises devraient mobiliser leur propre trésorerie. » (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) L’amendement no 1394 de M. Aurélien Saintoul est défendu.
Quel est l’avis de la commission ? Je n’ai pas entendu la même chose que vous lors de mes auditions, entre autres avec Naval Group. Votre propos a le mérite d’être clair et votre position sans ambiguïté – contrairement à d’autres sujets – sur la nationalisation. Vous assumez, on ne peut pas vous l’enlever.
Sur le fond, les stocks stratégiques seront bien entendu proportionnés. Il ne s’agit, en aucun cas, de mettre en difficulté nos entreprises ; ce serait un non-sens. Avis défavorable. (Les amendements identiques nos 1393 et 1394, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.) La parole est à M. Laurent Jacobelli, pour soutenir l’amendement no 319. Depuis tout à l’heure, nous débattons du financement de la BITD. Notre pays est largement contributeur net au budget de l’Union européenne. Nous proposons de mobiliser autant que possible les fonds européens pour subventionner les entreprises de notre BITD et d’agir avec la puissance que nous confère notre rang de deuxième contributeur, et non comme simples spectateurs, de sorte qu’en aucune manière l’Union européenne n’aide des industriels étrangers de la défense.
Cet amendement vise donc à mobiliser les moyens de l’Union européenne, qui finalement sont les nôtres, c’est-à-dire à rendre aux Français leur argent. Quel est l’avis de la commission ? La France profite pleinement des mécanismes financiers européens car elle sait négocier pour y parvenir. J’en veux pour preuve que l’industrie française participe à quarante-sept des soixante et un projets retenus. Je vous demande donc de retirer votre amendement ; à défaut, l’avis de la commission sera défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Monsieur Jacobelli, vous avez raison de saluer, par votre amendement, la présidence française du Conseil de l’Union européenne (PFUE) d’Emmanuel Macron. (Sourires.) Venant de vous, le geste me va droit au cœur. N’en faites pas trop, monsieur le ministre ! Au fond, votre demande va dans le sens de la diplomatie qu’il a choisi de mener. Je ne m’en suis pas aperçu ! Dans le domaine de la défense en particulier, puisque j’en suis depuis un an un acteur et un témoin privilégié, je rends hommage ici, à l’Assemblée nationale, à notre compatriote Thierry Breton, commissaire européen. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.) Sur la promotion d’une culture d’achat européen, selon l’idée que l’argent du contribuable européen doit aller à l’industrie européenne, qui peut paraître une évidence, il obtient des résultats significatifs.
Il ne s’agit pas d’opposer les Européens béats et naïfs… Il y en a ! …aux défenseurs de la souveraineté et du bon sens : ce débat est dépassé depuis longtemps. La question désormais est de savoir comment parvenir à ce résultat. Elle mérite un débat de fond et nous ramène à l’économie de guerre, dont M. Dessigny demandait tout à l’heure qu’on supprime la mention du rapport annexé. Je le dis avec gravité. Quels que soient les responsables politiques à la tête des États européens, dont le nôtre, le climat d’urgence impose de savoir si les industries européennes, et d’abord les nôtres, sont capables de s’adapter aux dispositifs d’achat commun, dont Edirpa – European Defence Industry Reinforcement through common Procurement Act – est le plus connu. Que même la Pologne décide d’acheter en Corée du Sud plutôt qu’aux États-Unis, parce que même les industriels américains prennent trop de temps pour livrer, doit nous mettre en garde, si nous voulons défendre l’industrie française. La situation de mes homologues le montre. Jusqu’à récemment, le critère principal de choix était le prix. Désormais, le retour de la guerre et la pression que l’opinion publique et les parlements exercent sur les gouvernements, notamment des pays de l’Est, ont fait des délais de livraison un critère décisif. Cette considération me ramène à l’économie de guerre, quelque nom qu’on lui donne : il faut soumettre notre industrie de défense à une saine tension afin d’éviter le recours, qu’évidemment je ne souhaite pas, à d’autres industries, en particulier celles situées en dehors de l’Union européenne.
S’agissant du Fonds européen de la défense (FED), les autres pays européens nous reprochent justement de bien tirer notre épingle du jeu. Nous ne le répéterons pas trop fort en dehors de cet hémicycle, mais le rapporteur a raison de souligner que l’industrie française sait tirer avantage de la gestion du FED. Le Brexit a participé à faire évoluer la situation.
Vous raconterez ce que vous voudrez pendant la campagne européenne à venir, mais si l’on s’en tient aux faits, avec une approche un peu technique, il faut admettre que la France tire bon parti de l’Europe de la défense et que nous le devons au Président de la République. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.) (L’amendement no 319 n’est pas adopté.) La parole est à M. Laurent Jacobelli, pour soutenir l’amendement no 320. Le cas de l’entreprise Exxelia nous a tous troublés. Son capital était français ; il est devenu britannique lorsque IK Partners l’a rachetée, avant de décider de la revendre. Que s’est-il passé ? M. Le Maire s’est-il levé, entre deux bouquins (« Oh ! » sur les bancs du groupe RE) , pour ramener dans le giron national cette entreprise qui travaille avec la BITD française ? Pas du tout ! C’est l’entreprise Heico, états-unienne, qui l’a rachetée, malgré toutes les difficultés que nous connaissons avec les États-Unis, liées à la législation à l’export en particulier.
Fort de cette expérience, le groupe Rassemblement national propose d’insérer l’alinéa suivant : « Dans une optique d’autonomie stratégique, la France mettra tout en œuvre pour rapatrier sous capitaux français les entreprises en lien avec notre BITD passées sous pavillon étranger, à chaque fois que l’opportunité se présentera. » (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Quel est l’avis de la commission ? Votre amendement est satisfait. L’État fait déjà le nécessaire, lorsqu’il l’estime opportun. Par ailleurs, certains investissements étrangers peuvent être bénéfiques : la société MBDA obtient de très bons résultats et tout est sécurisé. Il faut rester mesurés et ne pas penser que tout investissement étranger serait mauvais – bien entendu, ce n’est pas ce que vous disiez. Je vous propose donc de retirer votre amendement, sinon l’avis de la commission sera défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Les dispositifs relatifs aux investissements étrangers en vigueur sont efficaces, je peux en témoigner en tant qu’acteur dans ce domaine depuis un an. Arnaud Montebourg, alors ministre de l’économie, les a renforcés pendant l’avant-dernier quinquennat. Au reste, monsieur Saintoul, je n’ai pas d’information tendant à laisser penser que Bercy ne partagerait pas la ligne de l’hôtel de Brienne : si vous pouviez me transmettre l’article que vous avez évoqué avant la fin de la séance, il m’intéresse.
C’est l’occasion d’élargir la publicité des dispositifs relatifs aux IEF. Ils s’appliquent lorsque survient le risque de perdre le contrôle d’une entreprise qui intéresse la défense. D’abord, le ministère, en particulier la DGA, évalue le danger en matière de souveraineté. Plus on se rapproche du domaine de la dissuasion, plus les critères sont stricts ; dans d’autres domaines, on applique d’autres grilles d’évaluation. La DGA est très qualifiée et analyse la situation avec beaucoup de sérieux, comme le fait le CEA, le cas échéant. Dès la première alerte, Bercy organise un tour de table interministériel pour évaluer la nature de l’investissement étranger et définir nos conditions, selon la criticité de l’activité de l’entreprise au regard de notre souveraineté. Le ministère des armées, pour citer le mien en exemple, établit des critères d’encadrement du rachat, en fonction notamment du mode de gouvernance de l’entreprise. Ils ne sont pas toujours rendus publics car ils peuvent relever du secret des affaires ou du secret de la défense. Le processus qui suit est binaire : soit les conditions sont remplies, et l’accord est donné, soit elles ne le sont pas, et le Gouvernement s’oppose.
J’en reviens ainsi à Segault, pour répondre à M. Saintoul. En l’espèce, les conditions que mes équipes avaient mises sur la table n’ayant pas été satisfaites, le ministère des armées a opposé son veto, entraînant celui du ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique – d’autant plus, vous le savez, que pour des raisons historiques, amicales, politiques et institutionnelles, mes relations avec Bruno Le Maire sont très fluides. (Sourires.) Il nous revient de bien définir les conditions préalables, qui peuvent impliquer un blocage ou un encadrement.
J’ai apporté ces précisions parce que plusieurs questions au Gouvernement m’ont frappé ; elles laissaient entendre soit qu’il n’existait pas de dispositifs adéquats, soit qu’ils n’étaient pas appliqués, faute de volonté politique. Je confesse volontiers le décalage entre le temps médiatique, qui expose ces dossiers, et le temps de leur instruction par les services, auxquels s’ajoute le temps social que vivent les personnes qui travaillent dans ces entreprises, facteur humain que je respecte plus que quiconque. Le processus demande donc du temps mais le ministère des armées a bien soumis les cessions de Segault et d’Exxelia à des conditions, de nature différente pour chacune ; dans les deux cas, l’État est intervenu et les a encadrées.
Je vous retourne maintenant la question, pour de bon cœur alimenter le débat, puisque vous êtes désormais législateurs. Vous proposez d’inscrire un principe dans le rapport annexé, qui vise à définir un objectif politique déjà satisfait à bien des égards. Quels dispositifs faudrait-il selon vous renforcer ou ajouter, dans un texte normatif ? Voilà la véritable question. J’ai des idées de réponse, mais elles ne relèvent pas du rapport annexé. Pour cette raison formelle, l’avis du Gouvernement est défavorable. La parole est à Mme Valérie Rabault. Votre raisonnement tiendrait la route monsieur le ministre, si l’État était capable de tenir ses engagements, c’est-à-dire de faire appliquer les conditions qu’il fixe aux entreprises. Or dans les trois quarts des cas, il se fait marcher sur les pieds. Voilà ce qui ne va pas ! Donnez des exemples qui concernent le ministère des armées ! Je parle de l’État en général. Oui, mais alors… Deuxièmement, vous avez raison de citer le décret Montebourg. Nous avons toutefois demandé à Bruno Le Maire d’intégrer l’aéronautique au champ d’application, or il n’en fait toujours pas partie. C’est ballot ! C’est gênant, parce que l’aéronautique est bien un secteur stratégique. Jamais nous n’avons eu gain de cause ! En théorie, votre argumentaire est recevable, mais en pratique, les failles sont nombreuses. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC, ainsi que sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) La parole est à M. Laurent Jacobelli. Je souscris aux propos de Mme Rabault. Vous nous décrivez un monde idéal, monsieur le ministre, mais la volonté d’agir fait défaut. L’année dernière, des investisseurs étrangers ont repris 131 entreprises, dont certaines appartenaient au secteur de la défense, avec l’autorisation de Bercy, malgré un avis parfois négatif du ministère des armées. Lesquelles ? Je vous donnerai l’article du Journal du dimanche ! Ah, le Journal du dimanche . Vous savez aussi bien que moi que c’est vrai. Si j’ai tort – cela peut arriver, dans la vie –, inscrire dans le texte que nous défendrons les entreprises qui sont la cible de prédateurs étrangers ne fera qu’énoncer une réalité ; si j’ai raison, nous nous protégerons. Cela fait deux raisons de voter cet amendement ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.) La parole est à M. le ministre. Merci pour ces deux interventions qui révèlent que les objections sont plus politiques que techniques. Je suis encore bien naïf de vouloir prendre le temps, parfois trop de temps, pour répondre sur le fond ! Non ! La volonté politique est présente, quand bien même vous répéteriez à l’envi que tel n’est pas le cas. C’est toujours le même procès d’intention intenté à la majorité, accusée de laisser l’étranger prédateur de nos entreprises attenter à la souveraineté du pays. Gardez ce discours pour les prochains meetings de la campagne pour les élections européennes. (M. Mounir Belhamiti applaudit.) C’est sérieux ! J’insiste. Depuis un an, je suis ministre des armées : je veux le nom des entreprises pour lesquelles Bercy a passé outre l’avis défavorable du ministère que j’ai l’honneur de diriger ! Il faut se dire les choses !
Madame Rabault, ce ne sont pas les secteurs qui comptent… (Mme Valérie Rabault s’entretient avec d’autres députés.) Madame Rabault ? Depuis le début, elle n’écoute pas les réponses ! Tant pis ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.) (L’amendement no 320 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Laure Lavalette, pour soutenir l’amendement no 321. Il est évidemment salutaire que la BITD constitue des stocks de matières premières critiques, néanmoins, cela ne dégage pas l’État, seul véritable garant de la défense, de ses responsabilités. Le groupe Rassemblement national propose donc de préciser que l’État procède également à la constitution de stocks stratégiques, de matériels nécessaires au bon fonctionnement des armées comme de matières premières nécessaires à leur production. Cet amendement vise à assurer la souveraineté à laquelle nous sommes tous attachés ; il devrait susciter le consensus.
Je reviens à la précédente discussion car je ne peux vous laisser vous glorifier de la sorte. Nous avons auditionné Arnaud Montebourg : il a lui-même souligné qu’en quinze ans, nous avons perdu Arcelor, leader mondial de l’acier ; Pechiney ; Technip ; Alstom – nous avons dû racheter nos turbines à General Electric – ; les ciments Lafarge ; Alcatel et Essilor ! Sauf le respect que je vous dois, monsieur le ministre, vous appartenez à un Gouvernement qui n’a de cesse qu’il n’ait désindustrialisé ! (Protestations sur les bancs du groupe RE.) Depuis 2017, on a inversé la courbe ! Il faut arrêter de dire n’importe quoi ! Vous n’avez rien inversé ! Mes chers collègues ! Vous parlez d’investissements étrangers alors qu’il s’agit de prédateurs qui achètent nos usines pour les démanteler et n’en conserver que les parties rentables. Arrêtez de vous faire plaisir avec de grands mots ! C’est tout le contraire qui se passe depuis six ans ! Allez dire ça aux employés de Buitoni ! C’était une autre époque ! Il ne faut pas ensuite s’étonner que le tissu des PME connaisse des difficultés, puisque ces entreprises travaillaient pour de grands groupes que vous avez laissé partir pour des sommes modiques – Arnaud Montebourg dit que le prix de la trahison s’établit entre 10 et 15 millions d’euros. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Quel est l’avis de la commission ? Madame la députée, votre exposé ne correspond que partiellement au contenu de l’amendement, auquel je vais donc revenir. Il y est question de « produits finis critiques », c’est-à-dire d’équipements. Vous avez raison, nous devons faire des stocks d’équipements. C’est d’ailleurs ce que nous prévoyons pour les munitions, puisque 16 milliards seront investis pour compléter les stocks. Pour le reste, les états-majors expriment bien évidemment leurs besoins, qui sont ensuite pris en compte dans le projet de LPM.
Finalement, tout est affaire de cohérence : faire des stocks d’équipements, cela consiste t-il à remplir des hangars, que l’on devra chauffer, pour y entreposer ensuite des avions ? Tout cela relève en réalité d’une cohérence globale, qui permet d’avoir une armée complète, avec des personnels formés et des éléments de soutien. En tout état de cause, il n’est pas utile de faire des stocks d’équipements dans le seul but de faire des stocks. Demande de retrait. Quel est l’avis du Gouvernement ? Vous avez du talent, madame la députée : vous avez raison de vous en servir. Pour ma part, je suis prêt à tenir un grand débat sur l’industrie, mais ce soir, il est question de l’industrie de défense. Quelles que soient nos opinions politiques, pour être techniquement précis, il faut m’indiquer quelle entreprise de défense a été dépecée et emportée à l’étranger.
Je le dis car je ne défends pas tant la politique du Gouvernement que les centaines de personnes qui, à la DGA et dans les services du ministère, se dévouent intégralement à cette tâche. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et HOR.) La souveraineté est la raison pour laquelle elles se sont engagées. Je ne défends pas que la politique d’un moment, je défends aussi un modèle. Paradoxalement, vous cherchez aussi à le défendre, madame la députée, mais en voulant attaquer les actions d’Emmanuel Macron, vous affaiblissez ce modèle qui s’inscrit dans une continuité depuis les années 1960. Nous l’améliorons, monsieur le ministre ! Les exemples industriels que vous avez évoqués sont globaux ; or il existe un modèle pour l’industrie de défense. Vous pourriez regretter que ce modèle n’ait pas été appliqué aux autres filières – ce serait une autre discussion. S’agissant de l’industrie de défense, le cœur de la souveraineté est largement protégé ; les mécanismes fonctionnent et les participations étrangères doivent remplir des conditions établies par le ministère. Bien sûr ! Vous pouvez toujours faire un meeting de campagne électorale, pour les élections européennes, et vous moquer de ces conditions – vous voyez ce que je veux dire. Mais si nous voulons conserver le sérieux des discussions que nous avons depuis le début de la semaine, il convient de reconnaître que le modèle est plutôt fait pour ça. C’est pourquoi j’ai reprécisé les trois modèles tout à l’heure et c’est pour cela que l’État est toujours actionnaire de plusieurs entreprises. Lorsque les arsenaux de l’État ont été privatisés, celui-ci a conservé des participations. Ce n’est pas consensuel aujourd’hui, puisque certains ici souhaitent des nationalisations. Mais quoi qu’il en soit, le modèle fonctionne.
Quant à l’amendement en tant que tel, la question n’est pas d’être libéral ou non. Vous parlez de « stock stratégique de produits finis critiques » ; en réalité, il s’agit du parc. Dans notre modèle d’armée, il y a les stocks de matières premières et les stocks relatifs à certains types de MCO ; les députés Lachaud et Saintoul ont parlé tout à l’heure du MCO pour la catapulte du porte-avions. L’amendement de Mme Tabarot était intéressant à cet égard et nous reviendrons sur ces aspects lors de l’examen des articles normatifs. Ainsi, lorsque vous parlez d’un « stock stratégique de produits finis critiques », il s’agit déjà de Griffon ou de Jaguar.
Si l’on veut être tout à fait honnête, il ne s’agit pas de stock à proprement parler. Nous ne sommes pas l’armée allemande ; cet argument devrait peser, puisque vous craignez que notre armée lui ressemble. Nous sommes une armée d’emploi, qui fonctionne avec le parc, en cohérence plutôt qu’en masse – nous revenons là au modèle global.
Sincèrement, je conçois très bien qu’il y ait des craintes sociales et politiques concernant certains dossiers, mais la robustesse des dispositifs tels qu’ils ont été imaginés et la manière dont les services de l’État s’en occupent au quotidien fonctionne. Il faut le saluer. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR. – M. Jean-Louis Thiériot applaudit également.) Bravo ! La parole est à M. Aurélien Saintoul. Effectivement, nous avons débattu tout à l’heure des produits semi-finis – et non des produits finis. Un amendement à venir nous permettra de converger.
S’agissant de l’industrie, nous avions peut-être raison de dire hier qu’une loi de programmation et de préservation de la souveraineté était nécessaire ; une loi globale, plutôt qu’une simple loi de programmation militaire. Je livre cette réflexion à la sagacité de nos collègues ; à ce moment du débat, elle sera peut-être accueillie avec moins de lazzis.
Vous nous demandez de vous citer un exemple d’industrie de défense qui aurait été rachetée, monsieur le ministre : je vous donne celui de l’entreprise Manurhin, productrice de machines à fabriquer des cartouches – certes, de petit calibre –, rachetée en 2018 par les Émirats arabes unis ou par une entreprise émirienne. Cela n’a pas eu lieu sous votre responsabilité, mais c’est un fait. Ce n’est pas récent ! Que le dispositif Montebourg existe et soit relativement performant, c’est une chose ; que la volonté politique ait toujours été présente, c’en est une autre.
Par ailleurs, nous avons parlé d’Exxelia. Je sais que le Rassemblement national aime se vanter d’avoir levé ce lièvre, mais c’est moi qui l’ai levé le premier, en commission, en présence du délégué général pour l’armement (DGA). Celui-ci avait indiqué qu’un tour de table était en cours de constitution. J’aimerais bien, monsieur le ministre, que vous nous expliquiez pourquoi vous n’avez pas réussi à le constituer. Quelles sont les conditions de la vente d’Exxelia qui ont permis de laisser passer cette occasion ? Il serait intéressant de le savoir. (L’amendement no 321 n’est pas adopté.) Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 583 et 680.
La parole est à M. Emmanuel Fernandes, pour soutenir l’amendement no 583. Le groupe LFI-NUPES souhaite assurer la préservation de la souveraineté et de l’indépendance nationale par un programme de nationalisation des entreprises stratégiques de défense. Cette nationalisation serait dictée par les impératifs de souveraineté et d’indépendance. Le bilan des dernières décennies de privatisation des industries de défense est inquiétant. L’export, qui représente déjà 30 % des débouchés de la production d’armements en France, prend de plus en plus d’importance ; ce chiffre est en constante augmentation. Il y a donc une dépendance structurelle à l’exportation.
Pour permettre à la puissance publique de reprendre la main, nous préconisons de nationaliser les entreprises stratégiques de la BITD, ce qui permettra à un État stratège de piloter sa propre industrie de défense et sa propre R&D. Nous considérons que l’industrie de défense n’est pas une industrie comme une autre. En partant des besoins de nos armées, les industriels pourraient, dans la plupart des cas, avoir des carnets de commandes suffisants pour maintenir les compétences, un outil de haute qualité, et pour continuer à investir dans la R&D.
La création d’un pôle public de l’armement est, par extension, nécessaire pour préserver le savoir-faire et les compétences nationales et permettre une réelle action planificatrice de l’État en matière d’innovation et de préservation des stocks stratégiques. L’amendement no 680 de M. Aurélien Saintoul est défendu. (Les amendements identiques nos 583 et 680, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.) Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 1015 et 1078.
La parole est à M. Christophe Bex, pour soutenir l’amendement no 1015. Les gouvernements précédents ont accepté un grand déménagement du monde, conséquence d’un libre-échange total et irresponsable. Vous l’avez déjà lu ! Le Gouvernement a renoncé à protéger ses entreprises et préfère livrer, les uns après les autres, les fleurons stratégiques du pays aux puissances étrangères. Dernièrement, l’entreprise Exxelia, spécialiste des composants pour l’aviation militaire, a été rachetée par le groupe américain Heico.
Conséquence des privatisations des vingt dernières années, la logique marchande a prévalu sur la satisfaction de nos besoins domestiques. Les exportations ont conduit à négliger nos armées. La recherche permanente de clients a conduit à faire des équipements de nos propres armées les variables d’ajustement des propositions commerciales.
Cet amendement vise à créer un pôle public de l’armement, pour lequel l’intérêt de nos armées et de notre nation sera primordial. Il est trop dangereux de faire dépendre nos besoins vitaux de puissances étrangères. Nous devons garantir notre souveraineté et nos intérêts par une action planificatrice de l’État. L’amendement no 1078 de M. Aurélien Saintoul est défendu.
Quel est l’avis de la commission ? La DGA est là pour cela. Avis défavorable. (Les amendements identiques nos 1015 et 1078, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.) La parole est à M. Christophe Plassard, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour soutenir l’amendement no 273. Cet amendement est la conséquence du rapport d’information sur l’économie de guerre que j’ai rédigé il y a peu. Celui-ci constate notamment que les banques subissent des pressions dans un environnement hostile. Ces pressions sont souvent le fait de lobbys – que l’on peut qualifier d’ONG – qui les empêchent de jouer leur rôle et les incitent même, de façon souvent agressive, à désinvestir le secteur de la défense, sur des fondements prétendument éthiques. Excellent ! Le consortium bancaire que je propose de constituer octroierait des crédits garantis par l’État, de façon à financer l’industrie de la défense et à dégager les banques du risque réputationnel. Il s’agirait bien d’argent privé et non d’argent public. Ce consortium, géré par une entité publique ou privée, mais extérieure aux banques, ferait ainsi écran aux pressions extérieures que subissent ces institutions financières, qui ne peuvent dès lors jouer leur rôle de financeurs de la BITD. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe HOR.) C’est audacieux ! Quel est l’avis de la commission ? Cet amendement a déjà été examiné en commission. Le rapport annexé prévoit déjà une mission de médiation du crédit défense. Demande de retrait. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. (L’amendement no 273 est retiré.) La parole est à M. Julien Rancoule, pour soutenir l’amendement no 405. Nous devons trouver des solutions au manque de visibilité de la commande publique, qui prive les acteurs industriels de toute faculté d’anticipation des besoins des forces et donc des quantités à produire. Il en résulte une utilisation sous-optimale de l’outil de production interne de la chaîne d’approvisionnement, que les industriels équilibrent grâce à l’export et, lorsque c’est possible, à des missions de sous-traitance civile.
Il faut trouver un équilibre gagnant-gagnant entre l’État et les entreprises. Sinon, cette faible visibilité et le manque de régularité de la commande étatique continueront à altérer la confiance des industriels et à dissuader toute production anticipée en l’absence de commandes.
Prenons l’exemple du programme Scorpion. Dans un premier temps, le Gouvernement a passé un certain nombre de commandes, avant de réduire drastiquement celles-ci, pour finalement les augmenter légèrement il y a quelques jours. Cela ne témoigne pas d’une très grande stabilité. Il nous semble donc pertinent d’inclure dans le rapport annexé la volonté de l’État d’essayer de garantir aux industriels un flux minimal de production tout en permettant à la DGA d’émettre des intentions de commandes.
C’est ce que nous avions préconisé avec Vincent Bru dans notre rapport sur les stocks de munitions, notamment avec la proposition n° 5 « Affermir la visibilité des entreprises et la régularité des commandes étatiques ». Nous espérons que notre recommandation sera suivie. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
La parole est à M. Idir Boumertit, pour soutenir l’amendement no 1013. Il convient de rappeler l’importance de la neutralité carbone et sa nécessaire application dans tous les pans de notre société. Notre écosystème global est en grand danger du fait de l’augmentation toujours plus importante des émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, des bouleversements climatiques sans précédent qui en résultent, de l’érosion massive de la biodiversité et de la sixième extinction de masse. C’est aussi cela, la réalité.
Nous proposons donc d’inscrire dans le présent projet de loi de programmation le principe de neutralité carbone pour nos armées d’ici à 2050. La prévention des pollutions dues à nos activités ainsi que la durabilité de nos armées en dépendent. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) L’amendement no 1075 de M. Aurélien Saintoul est défendu.
La parole est à M. Jean-Michel Jacques, rapporteur de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour donner l’avis de la commission. Défavorable. La parole est à M. le ministre des armées, pour donner l’avis du Gouvernement. Défavorable. (Les amendements identiques nos 1013 et 1075 ne sont pas adoptés.) Je suis saisi de deux amendements, nos 315 et 316, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Laurent Jacobelli, pour soutenir l’amendement no 315. Qu’il s’agisse de consommables ou de systèmes, il nous faut augmenter la disponibilité des matériels. Pour ce faire, il convient évidemment de diminuer notre dépendance aux fournisseurs étrangers – nous en avons déjà parlé – et d’augmenter notre production nationale : nous avons souvent évoqué cet enjeu s’agissant des munitions, des pièces détachées ou encore des kits de maintien en condition opérationnelle (MCO).
Cet amendement vise donc à accroître notre capacité de production souveraine : je parle ici d’éléments fabriqués en France et par des entreprises françaises et autonomes, c’est-à-dire indépendantes de fournisseurs étrangers de matières premières ou de composants. Nous ferions ainsi progresser de manière réelle et tangible notre souveraineté, idée dont nous avons beaucoup parlé en commission et dans cet hémicycle. L’amendement no 316 de M. Laurent Jacobelli est également défendu.
Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ? Je comprends parfaitement l’appel que vous lancez par ces amendements : la production nationale souveraine doit effectivement être favorisée. Cependant, je ne crois pas qu’il soit opportun d’inscrire cet objectif à cet endroit du rapport annexé, c’est pourquoi je vous demanderai de bien vouloir les retirer. Quel est l’avis du Gouvernement ? Plusieurs amendements ont été déposés sur cette importante question, à propos de laquelle le fond et la forme comptent, étant donné qu’il nous faut adopter la rédaction la plus précise possible.
Sur le fond, monsieur Jacobelli, si la production est un élément clé, la maintenance l’est tout autant. En effet, après l’achat d’un équipement, il nous faut être capables de l’entretenir sur la durée de manière souveraine. Nous évoquerons peut-être cette question lors de l’examen des amendements de MM. Lachaud et Saintoul relatifs à la catapulte à vapeur du porte-avions. En l’occurrence, nous achetons cet équipement aux États-Unis, mais sa maintenance est assurée de manière souveraine par la France. À la réflexion sur la production doit donc s’en adjoindre une autre sur la maintenance souveraine : contrairement à ces amendements, qui ne portent que sur le premier aspect, nous ne pouvons dissocier les deux notions.
Afin d’avancer, car de nombreux amendements ont été déposés sur ce sujet, je vous indique dès à présent, monsieur le président, que le no 477 de Mme Tabarot retient mon attention, sa rédaction étant selon moi la plus fine car elle comprend la notion de criticité. Nous n’y sommes pas encore, mais sachez que je lui donnerai un avis favorable. La parole est à Mme Gisèle Lelouis. Monsieur Jacobelli a raison : il convient d’insister sur l’autonomie capacitaire dont nos armées ont besoin pour faire face à un ou plusieurs engagements majeurs, surtout lorsqu’ils se déroulent sous pavillon français unique. L’autonomie stratégique à laquelle nous aspirons ne saurait être empêchée parce que certaines pièces ou certains matériels n’atteindraient pas le territoire national du fait d’un blocus maritime, terrestre ou aérien, ou en raison d’une décision politique d’États ou d’organisations étrangères visant à ne plus ravitailler la France.
La LPM – loi de programmation militaire – montre ici ses limites. Le développement de nos capacités de production et la limitation des importations pour nos armées doivent être l’ambition stratégique de la France à l’horizon 2030. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.) La parole est à M. Bastien Lachaud. Je m’étonne que vous citiez l’exemple de la catapulte à vapeur du porte-avions Charles-de-Gaulle, monsieur le ministre. J’imagine que nombreux sont ceux dans cet hémicycle qui se rappellent des propos du général Bentégeat qui, à la suite du discours de Dominique de Villepin à l’ONU et au refus de la France de participer à la guerre en Irak, avait indiqué que la première mesure de rétorsion des Américains avait été de bloquer la livraison de certaines pièces détachées, notamment celles nécessaires au fonctionnement des catapultes. Cela me surprend donc que vous disiez que le MCO de cet équipement peut être assuré par la France de manière souveraine. Pourriez-vous expliciter vos propos ? J’y reviendrai lors de l’examen d’amendements ultérieurs. (Les amendements nos 315 et 316, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.) L’amendement no 1171 est-il défendu ? Je le retire. (L’amendement no 1171 est retiré.) Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 875 et 876.
La parole est à Mme Martine Etienne, pour soutenir l’amendement no 875. Par ces amendements identiques, le groupe LFI-NUPES propose de mettre la BITD – base industrielle et technologique de défense – au service des besoins des armées françaises. Nous proposons en effet de garantir notre souveraineté industrielle, car les armes ne sont pas des marchandises comme les autres. Vendre du blé à l’Égypte n’a pas le même effet que lui fournir des Rafale !
La logique commerciale détruit à feu doux nos armées. Prélever des capacités vitales sur notre parc d’aéronefs pour satisfaire des contrats, vous savez le faire. En revanche, respecter les contrats signés avec notre BITD, cela vous est plus compliqué, en témoigne la réduction des cibles d’achats de blindés du programme Scorpion.
Nous ne pouvons donc pas nous satisfaire de la gestion de notre BITD. Les carnets de commandes sont réduits ou rendus incertains. Les industriels sont contraints de dépendre des débouchés à l’international et de se plier aux besoins d’autres puissances. En définitive, les besoins des armées françaises deviennent de simples variables d’ajustement suivant le rythme de production, avec des fonds de pension qui pillent les brevets des PME, brevets pourtant clés pour notre tissu industriel de défense.
Nos amendements refusent cette logique et visent à instaurer un pilotage clair de l’effort de défense. En partant des besoins de nos armées, les industriels pourraient avoir des carnets de commandes suffisants pour maintenir un outil de haute qualité et continuer d’investir dans la recherche et le développement (R&D). Des armes de petit calibre aux équipements les plus complexes, un pôle public de l’armement rendrait à l’État sa force planificatrice (« Ah ! » sur quelques bancs du groupe RN) et consacrerait la souveraineté de notre BITD. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) L’amendement no 876 de M. Aurélien Saintoul est défendu.
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ? Vous confondez cibles et respect des commandes. La LPM aura bien pour effet de remplir les carnets de commandes des industries de défense. Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Eu égard à leur rédaction très militante, il me semble que ces amendements sont des amendements d’appel. D’autres à venir relatifs aux nationalisations permettront d’avoir un débat de fond. Avis défavorable. La parole est à M. Aurélien Saintoul. Vous êtes vous-même un militant, monsieur le ministre, ce qui ne vous empêche pas de développer des arguments de fond. Je ne l’écris pas dans la loi ! Les amendements peuvent être militants et aller au fond des choses : ce n’est pas antinomique. C’est trop rouge, monsieur Saintoul ! Par ailleurs, je profite de cette occasion pour revenir un bref instant sur la situation de l’entreprise Segault. Vous avez annoncé hier que vous opposeriez votre veto à la vente de cette société, ce dont nous nous félicitons, mais nous avons appris par voie de presse que Bercy ne serait pas sur la même longueur d’onde. Pourriez-vous nous en dire plus ? La parole est à M. le ministre. Je suggère d’évoquer ce sujet tout à l’heure, lors de l’examen des amendements relatifs aux IEF – investissements étrangers en France. (Les amendements identiques nos 875 et 876 ne sont pas adoptés.) La parole est à Mme Anna Pic, pour soutenir l’amendement no 1344. Cet amendement de ma collègue Santiago, cosigné par l’ensemble du groupe Socialistes et apparentés, tend à souligner la nécessité pour l’État de procéder à des choix capacitaires forts, et à clarifier la notion d’économie de guerre. En effet, celle-ci rend nécessaire la constitution de stocks à la charge de l’État, non seulement de matières et de composants d’intérêt stratégique, mais aussi de produits finis.
L’article 24 de la LPM, qui est inclus dans le chapitre consacré à l’économie de guerre, autorise l’État à contraindre les entreprises à constituer des stocks de matières ou de composants d’intérêt stratégique. Cette disposition nous apparaît néanmoins insuffisante et elle ferait peser un poids important sur les entreprises, qui ne seront pas indemnisées. Ainsi notre amendement vise-t-il à clarifier la notion d’économie de guerre et à la renforcer. En matière de défense, l’État doit prendre une part plus importante, en constituant lui-même et à sa charge des stocks de produits finis sur des bases prévues à cet effet. Quel est l’avis de la commission ? Cet amendement s’inscrit dans le même esprit que les précédents – celui de la nationalisation. En l’occurrence, nous évoquerons tout à l’heure la question des stocks à la charge de l’État. Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable. La parole est à M. Aurélien Saintoul. Cette question ne pourra pas être balayée d’un revers de main, monsieur le rapporteur, en vous contentant de dire que notre objectif est de procéder à des nationalisations pures et simples. Vous l’avez noté, il existe des nuances au sein de la NUPES : en effet, mes camarades socialistes ne défendent pas le principe d’une nationalisation totale de l’appareil de production militaire. Pas encore, mais bientôt ! Ils y viendront peut-être mais, pour l’heure, ce n’est pas leur position.
Quoi qu’il en soit, le sujet mérite d’être abordé. Il faut plus de clarté et de visibilité autour des stocks des entreprises que vous appelez de vos vœux. Or, étant donné que les entreprises en question obéissent à une logique commerciale de rentabilité, il semble difficile de leur imposer une obligation, d’autant plus que la seule certitude que vous pouvez leur donner est que leur trésorerie sera mise à contribution. Dans ces conditions, il leur sera compliqué de définir les mesures adéquates.
Monsieur le rapporteur, vous avez répondu à Mme Etienne qu’elle confondait les cibles et les contrats. C’est possible, mais je rappelle que nous n’avons pas obtenu les informations sur les contrats, malgré nos demandes appuyées par le président de la commission des finances, pas plus que celles relatives au montant des dédits. Le cabinet de M. le ministre n’a pas, jusqu’à présent, manqué de bonne volonté, et il a fourni la plupart des documents que nous lui avons demandés, mais pas ceux-là. (L’amendement no 1344 n’est pas adopté.) La parole est à M. Laurent Jacobelli, pour soutenir l’amendement no 317. Nous demandons beaucoup à notre BITD et c’est normal : nous lui demandons d’être agile, de constituer des stocks, de s’adapter à ce que vous appelez une « économie de guerre ». Pour y parvenir, il faut de la visibilité et des investissements, financiers et humains. Cet amendement propose donc d’insérer après « BITD » le pan de phrase suivant : « , conditionnée à des engagements fermes et sur le long terme de l’État vis-à-vis de celle-ci, ». Quel est l’avis de la commission ? Pour répondre aux besoins, il faut maintenir de la souplesse sans perdre de vue les intérêts de nos armées. Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Cet amendement est en grande partie satisfait. Nous poursuivrons le débat sur la visibilité des stocks lors de la discussion d’autres amendements, mais vous avez eu raison de déposer à nouveau celui-ci, car il permet de poursuivre le débat commencé en commission. Le rapport annexé et le tableau capacitaire fournissent des éléments de visibilité, mais peu de secteurs sont concernés. Il s’agit principalement de ceux pour lesquels les crédits sont en augmentation. D’autres avaient déjà de la visibilité quand, dans le passé, les crédits baissaient mais, curieusement, certaines sensibilités politiques ne semblaient pas alors s’y intéresser – vous n’êtes pas visé, monsieur Jacobelli, puisque vous n’étiez pas encore là.
Certaines formations politiques – là encore, je ne parle pas de la vôtre – reprochent à ce projet de loi de programmation militaire de contenir trop de restes à payer, mais, par définition, s’il y a beaucoup de restes à payer, nous avons de la visibilité. Nous y reviendrons. J’ajoute qu’il existe également des perspectives à l’export. La visibilité est donc bien là. La question qui se pose est plutôt celle du fonctionnement. Nous en discuterons lors de l’examen des amendements suivants.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable. (L’amendement no 317 n’est pas adopté.) Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 581 et 679.
L’amendement no 581 est défendu.
La parole est à M. Aurélien Saintoul, pour soutenir l’amendement no 679. Par cet amendement, nous poursuivons la discussion entamée hier pour savoir si l’expression « économie de guerre » est adéquate ; nous la croyons impropre. Monsieur le ministre, vous nous avez expliqué qu’elle avait émergé du contexte de la guerre en Ukraine et de la nécessité, que vous aviez défendue devant les industriels de la défense, de passer en mode « économie de guerre ».
Nous comprenons l’emploi de cette expression dans ce contexte, mais nous continuons de penser que l’expression est impropre. Nous vous proposons donc, par cet amendement, une solution alternative plus modérée. Il s’agit d’éviter une expression qui laisserait à penser que nous sommes en guerre – au reste, vous reconnaissez bien volontiers que, stricto sensu , nous ne le sommes pas. En outre, une économie de guerre exige la mobilisation de tous les moyens de l’État et même de la nation pour faire face à l’ennemi. L’expression que nous proposons permet de lever une ambiguïté forcément nuisible à terme. Quel est l’avis de la commission ? On retrouve là votre prisme privilégiant l’État et les nationalisations. Il se trouve que les processus peuvent aussi être revus par les entreprises. Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Je vous remercie d’avoir rappelé les explications initiales que j’avais fournies sur cette expression, car mes propos ont pu être caricaturés par la suite. Au cours des vingt dernières années, notre industrie de défense n’avait jamais été confrontée à un client en guerre. Et vous avez mille fois raison de rappeler ce qu’on ne dira jamais assez : nous ne sommes pas en guerre.
Nous sommes le principal client de notre BITD ; il n’en demeure pas moins que la BITD française peut avoir des clients en guerre. Avant la guerre en Ukraine, l’analyse stratégique faisait valoir que ni la lutte contre le terrorisme ni les différentes missions dans lesquelles les armées étaient engagées ne demandaient une mobilisation spéciale de nos industriels, car la gestion des stocks était adaptée à ces demandes et la visibilité était suffisante.
La guerre en Ukraine a réveillé un débat dans lequel le côté droit de l’hémicycle a dit craindre que l’aide à l’Ukraine ne déshabille l’armée française et même jugé dangereux d’aider ce pays – bien des choses ont été dites en ce sens. Je ne reviens pas sur la doctrine d’aide à l’Ukraine ; rappelons simplement que la BITD a la capacité de compléter ses stocks, voire de les augmenter. C’était d’ailleurs l’objet de l’amendement de Benjamin Haddad et d’autres parlementaires de la majorité sur le fonds de soutien qui permet de connecter l’État ukrainien à notre BITD. Nous avons donc vu émerger la différence entre le mode de paix – nous formons tous le vœu qu’il revienne – et l’installation d’une forme d’intensité chez un des clients alliés – c’est le cas de l’Ukraine aujourd’hui – qui demande des capacités de production plus rapides, demande traduite par l’injonction d’aider plus et plus vite.
Il existe donc bien une économie de guerre pour faire face à une guerre qui est déjà là, car la vocation de la BITD n’est pas uniquement intérieure, ce qui garantit un certain équilibre. Elle est universelle et elle se traduit aujourd’hui par la nécessité de produire plus vite. Nous discutons ici de la forme, mais nous discuterons plus tard du fond de cette question, qui concerne notamment les mécanismes européens d’achat. Les délais de production et de livraison peuvent nous mettre en position désavantageuse par rapport à nos concurrents.
L’expression « économie de guerre » ne doit donc pas être dissociée du contexte dans lequel elle a émergé : malheureusement, la guerre est sous nos yeux. Cela étant dit, je vois arriver d’autres amendements sur ce sujet et j’espère que ce n’est pas le fait que cette expression ait été employée par le Président de la République qui suscite vos réactions ; je n’ose l’imaginer. La parole est à M. Aurélien Saintoul. Nos propositions ne s’expliquent effectivement pas seulement par ce fait… Pas seulement, mais un peu quand même ! …mais il y a contribué. Ni vous ni moi ne sommes naïfs en la matière.
La phrase du rapport annexé que nous proposons de modifier – « Cette capacité à réagir et à tenir dans la durée dépendra notamment de l’agilité de notre BITD et des leviers de l’économie de guerre […] » – exprime l’idée d’un balancement entre ce qui relève du domaine privé et ce qui relève des initiatives de la puissance publique pour stimuler, faciliter et inciter. Il nous semble donc préférable d’assumer ce balancement entre les initiatives privées et l’action volontariste de l’État pour permettre à la BITD d’assurer la livraison de ses commandes plutôt que d’utiliser une formule qui relève davantage du slogan, même s’il s’agit d’un contexte tragique.
L’effet slogan de l’expression « économie de guerre » travestit un peu le débat public. Elle a le mérite d’être claire. L’expression que nous proposons, « des actions étatiques », a le mérite d’être neutre, de faciliter la compréhension et d’éviter les effets de manche. (Les amendements identiques nos 581 et 679 ne sont pas adoptés.) La parole est à M. Jocelyn Dessigny, pour soutenir l’amendement no 68. Face au retour de la guerre sur notre continent, il est certain que l’État et notre industrie de défense doivent s’adapter à la possibilité que notre pays puisse prendre part à un conflit de haute intensité. Pour cela, une politique économique cohérente, basée notamment sur un soutien accru à notre BITD, mais aussi sur des leviers tels que la sécurisation des approvisionnements en matières premières d’importance stratégique ou encore la constitution de stocks est nécessaire.
Pour autant, la préparation de notre industrie de défense à l’éventualité d’un conflit ne constitue absolument pas une transition vers une économie de guerre. Le rapport annexé emploie donc cette expression mal à propos. Celle-ci a une définition précise : elle désigne une économie dans laquelle les besoins des forces armées sont satisfaits prioritairement, notamment par prélèvements autoritaires, et par la redirection de l’essentiel de l’appareil productif du pays vers l’effort de guerre. Or, il est évident que tel n’est pas l’objectif visé par le Gouvernement et qu’une telle mobilisation de l’économie n’est fort heureusement pas à l’ordre du jour.
L’amendement propose donc de remplacer les mots « économie de guerre » par les mots « politique économique » qui décrivent bien mieux la réalité dont il est question ici. Quel est l’avis de la commission ? M. le ministre a déjà fourni des explications. Je rappellerai simplement que ce qui importe est de favoriser l’agilité et la possibilité de monter en puissance si le besoin s’en fait sentir. Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Votre définition est en partie juste, mais dans la mesure où elle concerne notre propre armée. Je suis sûr que vous ne refusez pas l’idée que notre BITD exporte. Ses clients internationaux peuvent être en paix, mais ils peuvent aussi être en guerre. Pour pouvoir fournir à ceux-ci des équipements, nul besoin, au moment où nous parlons, de mobiliser les outils du droit pour procéder à des réquisitions. Nous nous trouvons en ce cas dans une zone intermédiaire. Nous nous adressons alors aux industriels pour leur demander de reprendre des muscles.
J’ai entendu ces derniers jours MM. Jacobelli et Giletti dénoncer la Facilité européenne pour la paix qui, selon eux, serait scandaleuse en ce qu’elle permettrait à des pays européens d’acheter hors l’espace européen. Cette affaire relève du dilemme entre la poule et l’œuf : si nous avions la capacité de produire plus vite, la recomposition des stocks pourrait se faire par la base industrielle de défense européenne et française.
Je n’ai pas répondu à M. Saintoul mais nous aurons l’occasion de discuter de la proportionnalité des actions de l’État à l’occasion de la discussion d’amendements portant sur la partie normative du projet de loi. Nous ne sommes pas en guerre et nous n’avons donc pas atteint le stade ultime où il faudrait employer des outils de réquisition, mais nous nous trouvons dans une zone intermédiaire, qui demande des améliorations.
Je revendique fortement l’expression « économie de guerre » et pas seulement parce qu’elle a été employée par le Président de la République. Pour faire vite, il existe trois modèles économiques : le modèle des nationalisations et des régies ; un modèle intermédiaire, qui est le nôtre actuellement, hérité du modèle gaullien des années 1960, dans lequel l’État exerce un certain contrôle sur les entreprises, dans lesquelles il peut détenir des participations ; et un modèle plus libéral et complètement ouvert. Ce n’est pas le vôtre ? Non, et c’est pourquoi ce pays est plus équilibré. Il faut prendre soin de l’héritage du général de Gaulle, monsieur le député !
Cette économie de guerre nécessite une BITD agile afin que nous puissions répondre aux besoins de clients étrangers. C’est aussi cela, le modèle français, et nous devons le protéger.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable. La parole est à M. Jocelyn Dessigny. Nous maintenons notre amendement. Sur le fond, nous pouvons être d’accord avec vous : nous devons nous doter des moyens nécessaires à notre défense et pouvoir être en mesure d’approvisionner des pays alliés. Toutefois, sur la forme, nous pensons que l’expression « économie de guerre » doit être remplacée par celle de « politique économique ». (L’amendement no 68 n’est pas adopté.) La parole est à M. Maxime Minot, pour soutenir l’amendement no 477. Il est défendu. Quel est l’avis de la commission ? Favorable. J’ai bien fait de le défendre ! Vous ne l’avez pas défendu, monsieur Minot ! On ne vous a rien demandé, monsieur Lachaud. (Sourires.) C’est Roland-Garros ! Je peux faire le médiateur ! Si MM. Lachaud et Minot ont des choses à se dire, je suis sûr qu’ils trouveront un autre lieu pour poursuivre leur conversation.
Quel est l’avis du Gouvernement ? Dans l’attente de la discussion et du vote de cet amendement, j’avais émis un avis défavorable sur certains des amendements précédents, qui me semblent satisfaits par celui-ci, de repli. Avis favorable. (L’amendement no 477 est adopté.) Sur les amendements nos 1014 et identique, je suis saisi par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
L’amendement no 1723 de Mme Natalia Pouzyreff est défendu.
Quel est l’avis de la commission ? Demande de retrait. Quel est l’avis du Gouvernement ? Demande de retrait ou avis défavorable. (L’amendement no 1723 est retiré.) L’amendement no 230 de M. Marc Le Fur est défendu.
Quel est l’avis de la commission ? Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. Je ne connais pas de cas de construction d’un bâtiment de la marine nationale à l’extérieur du territoire national. Certes, les bâtiments exportés, par exemple en Grèce, font parfois l’objet de partenariats industriels et d’accords entre différents chantiers en France et dans le pays acheteur, mais ce bon équilibre ne pose pas de problème de souveraineté. Je demande donc le retrait de l’amendement, car je ne vois pas d’où le risque pourrait venir ; la situation ne s’est en tout cas jamais présentée. (L’amendement no 230 est retiré.) Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 1014 et 1077.
La parole est à Mme Pascale Martin, pour soutenir l’amendement no 1014. Afin de renforcer les capacités industrielles et les moyens logistiques des armées, l’État doit nationaliser les entreprises stratégiques de défense, lorsque cela sera jugé nécessaire, par exemple pour les protéger d’une prise de contrôle étrangère et garantir la pleine souveraineté de la BITD.
Les armes ne sont pas des marchandises comme les autres. La logique commerciale est par essence de prolifération, alors qu’en la matière, il faut viser la régulation et la diminution.
Les gouvernements précédents ont accepté un grand déménagement du monde, conséquence d’un libre-échange total et irresponsable. Résultat : notre capacité à satisfaire nos besoins vitaux dépend de pays sur lesquels nous n’avons aucune prise. Si les industries de défense peuvent faire figure d’exception, le bilan des privatisations qu’elles ont connues au cours des dernières décennies demeure inquiétant. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) L’amendement no 1077 de M. Aurélien Saintoul est défendu.
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ? La DGA – direction générale de l’armement – joue déjà un rôle de planification et de coordination ; il n’est nul besoin d’aller plus loin à cet égard. La nationalisation de la BITD n’est pas, selon moi, une solution. Avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. La parole est à M. Bastien Lachaud. Monsieur le ministre, vous avez rappelé que plusieurs modèles étaient possibles. Dans le domaine des armes, la règle est qu’il est interdit d’exporter. Ainsi, les entreprises de ce secteur n’ont qu’un seul client, l’État français,… Mais non ! …sauf quand celui-ci les autorise à exporter. Dès lors, la concurrence qui justifierait la privatisation des entreprises et le recours à la main invisible du marché n’étant pas possible dans ce domaine, il n’y a aucune raison que les actionnaires tirent profit de leur investissement – puisque celui-ci ne comporte aucun risque et qu’ils sont déjà assurés d’avoir l’État français pour client – et il n’est pas logique de privatiser ces entreprises qui étaient autrefois nationales. Tant que vous n’aurez pas répondu à cet argument, nous maintiendrons cet amendement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) C’est cristallin ! Je mets aux voix les amendements identiques nos 1014 et 1077. (Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 99
Nombre de suffrages exprimés 94
Majorité absolue 48
Pour l’adoption 15
Contre 79 (Les amendements identiques nos 1014 et 1077 ne sont pas adoptés.) La parole est à M. Laurent Jacobelli, pour soutenir l’amendement no 318. L’alinéa 13 du rapport annexé prévoit le financement de la BITD à travers l’épargne. C’est une bonne idée, à laquelle je vous propose d’ajouter une proposition de Marine Le Pen, celle de la création d’un fonds souverain alimenté par l’épargne des Français, qui financerait les entreprises de la BITD, lesquelles ont parfois du mal à obtenir des prêts bancaires à cause de leur réputation.
Un tel fonds permettrait de soutenir l’innovation et les services de recherche et développement de ces entreprises, mais aussi d’empêcher la prédation des entreprises françaises par des entreprises étrangères, et de placer l’épargne de nos concitoyens au service de la nation. Vous le voyez, chers collègues, outre la capitalisation et le « vol » par l’État du secteur privé, il existe des modèles d’investissement populaire, qui peuvent être intéressants pour la BITD. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Quel est l’avis de la commission ? Il existe déjà des fonds d’investissement dans l’innovation. Je pense par exemple à Defense angels.
En outre, ce projet de LPM prévoit 10 milliards d’euros d’investissement pour l’innovation, ce qui n’est pas rien. Même si ce n’est pas l’objet de l’amendement, je me fais un plaisir de le rappeler, car ces crédits aideront indirectement les entreprises. Je vous demande donc de retirer l’amendement. Quel est l’avis du Gouvernement ? Je comprends la motivation de cet amendement visant à créer « un fonds souverain de défense », toutefois, je note que BPIFrance et l’APE – l’Agence des participations de l’État – jouent déjà un tel rôle, quand nous leur demandons d’intervenir. En outre, vous n’êtes pas sans savoir, puisque nous l’avons déjà évoqué en commission, qu’il existe désormais des fonds privés français qui interviennent dans ce secteur – ce n’était pas le cas jusqu’à présent, malheureusement – tels que Tikehau, Amundi et Eiréné, et que de nouveaux projets émergent. Pourtant, la rédaction de votre amendement donne l’impression qu’aucun de ces outils n’existe. Dans votre esprit, que s’agit-il d’inventer de nouveau avec ce fonds souverain ? Ne parvenant pas à le comprendre, je vous demande le retrait. La parole est à M. Laurent Jacobelli. Il est étonnant de devoir répondre aux questions d’un membre du Gouvernement. On innove, avec cette inversion des rôles ! Nous écrivons la loi ! L’amendement vise à compléter le rapport annexé, qui prévoit déjà de faire appel à l’épargne populaire ; bien évidemment, il ne s’agit pas de prétendre que rien n’existe et que nous allons tout créer.
Nous avons beaucoup évoqué le lien entre l’armée et la nation ; celui-ci serait conforté si les Français pouvaient investir ainsi dans la BITD, puisqu’il s’agit bien là d’un lien économique. L’amendement permettrait la participation des Français au développement d’une industrie qui fait honneur à notre pays et est reconnue dans le monde entier – nous rebondissons ainsi utilement sur une proposition de votre texte qui fait écho à l’une des nôtres. La parole est à M. Aurélien Saintoul. Le ministre a raison, cette idée du Front national est très curieuse. Alors que l’industrie de défense est déjà financée par l’argent public, bizarrement, vous nous expliquez que sa nationalisation reviendrait à voler les entreprises. Non, ce serait une utilisation à bon escient des deniers publics. Dès lors que l’État est propriétaire, la nation est propriétaire, dans un cercle vertueux. Votre position, conforme à la tradition d’extrême droite, vise à engraisser le capital tricolore, mais après tout, pourquoi pas ? Vous avez le droit de la défendre.
Vous expliquez ainsi qu’il faut faire ruisseler l’argent des Français vers ces industries, pour qu’elles continuent à dégager des profits et pour encourager leur expansion commerciale, mercantile. Vous, vous voulez les taxer, c’est différent ! L’évangile selon Saintoul ! Encore une leçon de morale ! Ainsi, vous n’avez aucune espèce d’idée ni sur la régulation, ni sur l’innovation.
De surcroît, vous confondez deux idées : c’est une chose de proposer que les financements privé et public ne doivent pas s’exclure l’un l’autre ; une autre de considérer qu’ils doivent s’épauler mutuellement. Ainsi, votre proposition, tout à fait bancale, est conforme à la tradition que vous incarnez. Je n’ai pas de leçon d’économie à recevoir d’un marxiste ! (L’amendement no 318 n’est pas adopté.) Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 582 et 687.
La parole est à M. François Piquemal, pour soutenir l’amendement no 582. Afin de s’assurer que toutes les pièces du porte-avions de nouvelle génération (PANG) seront à notre main – c’est le cas de le dire –, nous souhaitons que les ascenseurs, catapultes et brins d’arrêt armant soient produits par la France. Si nous dépendons de puissances étrangères, nous risquons de mauvaises surprises, comme le passé l’a montré. L’amendement no 687 de M. Aurélien Saintoul est défendu.
Quel est l’avis de la commission ? Même si ce serait l’idéal, toutes les pièces ne peuvent pas être produites en France. La décision en la matière doit prendre en compte tant le coût que les besoins. En l’occurrence, l’important est de disposer de la réserve opérationnelle nécessaire ; c’est le cas. J’émets donc un avis défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? C’est un bon débat, qui résulte de notre histoire, des programmes passés. Je répondrai d’abord, monsieur Lachaud, à votre question de tout à l’heure sur le MCO des catapultes actuelles. Celles-ci, je le rappelle, sont américaines et fonctionnent à la vapeur. Pour éclairer l’Assemblée sur le sens de votre amendement, il faut en rappeler la raison : dans le passé, les Américains, construisant beaucoup de porte-avions pour leur armée, bénéficiaient d’une capacité de production leur permettant d’exporter à leurs alliés. Nous avions donc décidé de nous approvisionner auprès d’eux, car ce n’était pas notre cas, même si nous disposions de plusieurs porte-avions – nous n’en avons plus qu’un.
S’agissant du MCO, il convient de distinguer les opérations de maintenance courantes et celles qui ont lieu tous les trois à quatre ans pour les pièces importantes ou critiques et impliquent de faire appel au fournisseur américain.
Pour être honnête avec vous, j’ai déjà interrogé la DGA – je pourrai le faire de nouveau, car je souhaite être le plus précis possible, même si je ne peux pas avoir réponse à tout –, pour vérifier que nous ne commandons pas ces pièces aux États-Unis par facilité alors que nous saurions les produire nous-mêmes, en prévision d’une crise – je renvoie aux propos du général Bentégeat que vous évoquiez. De fait, ces pièces sont les seules pour lesquelles nous restons dépendants.
J’en viens à l’objet de vos amendements, le futur porte-avions – pour lequel tous les choix n’ont pas encore été faits. Distinguons les pièces auxquelles vous faites référence : les ascenseurs, les catapultes et les brins d’arrêt. J’ai demandé à la DGA d’étudier la possibilité d’une production nationale pour chacune d’entre elles. Cela implique d’examiner lucidement la question du savoir-faire de nos industries – je le dis sans critique, ni démagogie –, sachant que toutes ces pièces ne sont pas également critiques. Il faut également prendre en compte les délais dans lesquels nous voulons disposer du PANG. Vous connaissez désormais tous les critères de la décision.
Pour les ascenseurs, nous étudions la possibilité d’une production souveraine ; je ne peux pas encore vous donner d’autre réponse. Quant aux catapultes et aux brins d’arrêt, à l’heure où nous parlons, à ma connaissance, aucune entreprise française ne permet d’en produire de manière souveraine – si vous en connaissez une, je vous invite à déposer un sous-amendement. Nous devrons continuer à débattre de cette question dans le cadre de l’examen du programme PANG. Si les grands anciens se sont résolus à choisir des pièces américaines, je pense que c’est parce qu’ils y ont été acculés.
Il nous reste encore du temps avant de devoir prendre une décision définitive concernant cette composante coûteuse du PANG. Ainsi, si vos amendements sont intellectuellement stimulants et suscitent le débat, il n’est pas raisonnable de demander au ministère des armées de s’assurer d’une production souveraine des ascenseurs – autant adopter directement un amendement pour interdire la guerre, nous gagnerions du temps et n’aurions même pas à débattre d’une LPM ! (Sourires.)
Telles sont les contraintes qui pèsent non seulement sur votre serviteur, mais également sur tous nos concitoyens, concernant ce segment critique. Je vous demande donc de retirer vos amendements – même si je ne pense pas que vous le ferez. Leur adoption créerait une obligation de moyens et de résultat que nous ne sommes pas encore capables de satisfaire.
Je pourrais le dire autrement : il n’y a pas de volonté que la catapulte soit américaine – c’est une exception. Encore heureux ! Cela va mieux en le disant, monsieur Saintoul. Le principe est le suivant : l’approvisionnement doit être à 100 % français et souverain, mais il y a des exceptions, comme l’a rappelé le rapporteur.
J’espère avoir démontré pourquoi celle-ci existe. Sans pour autant être d’accord politiquement, il nous faut tenir compte de certaines réalités industrielles, techniques, voire de calendrier – on pourrait par exemple faire le choix de décaler la mise en service du PANG de vingt ans ! La parole est à M. Aurélien Saintoul. Je vous remercie d’avoir pris le temps de faire d’une réponse complète. Vous avez répondu sur la maintenance actuelle et passée, mais celle de la maintenance future des catapultes et brins d’arrêt se pose puisque la technologie va changer, si le choix d’un brin d’arrêt et d’une catapulte magnétiques est maintenu.
En outre, selon les informations que nous avons pu glaner bien que le sujet ne soit pas simple à documenter, par défaut de transparence, il semblerait qu’il faille environ 2 milliards pour développer un tel savoir-faire. Mais peut-être est-ce inexact ? Vous êtes sans doute mieux informé que nous. Certes, c’est une somme – personne ne dit le contraire – mais on peut la considérer comme un investissement : il ne s’agit pas de décréter la fin de la guerre, mais plutôt d’assumer une fonction planificatrice de l’État. Après tout, quand on est gaulliste, on n’a pas de problème avec cette idée !
Dans ce cas, on pourrait envisager l’idée d’un deuxième porte-avions – un bâtiment-frère. Cela ne signifie pas qu’il faut prendre une décision aujourd’hui mais, si vous êtes prêts à développer une filière, ou une capacité, pour 2 milliards, cela peut avoir du sens. Bien sûr, l’amendement était d’appel ; cependant, la question reste ouverte et mérite non seulement d’être posée, mais exposée et retravaillée. La parole est à M. le ministre. Je vous remercie, une fois de plus, d’avoir lancé ce débat. C’est effectivement un amendement d’appel mais le sujet est très intéressant. Si la décision sera formellement prise en comité ministériel d’investissement, j’ai déjà demandé que l’on travaille sur le degré de dépendance du maintien en condition opérationnelle du PANG. C’est dès maintenant qu’il faut le faire, et il faut surtout documenter les segments technologiques qui ne fonctionneraient plus à la vapeur.
Notre histoire ressemble un peu à celle de la poule et de l’œuf. En admettant que nous ayons les moyens – soyons fous : chiche ! – de développer une capacité souveraine, il est difficile de balayer la part d’aléa d’un revers de main. La question du délai se posera. En outre, vers qui exporterait-on ? À qui vendrait-on ? C’est presque une question morale s’agissant d’un porte-avions à propulsion nucléaire, même si on ne parle que d’une catapulte. Cela dépend à qui on la vend ! On exporte bien le Rafale ! Vous nous le reprochez suffisamment ! J’essaie toujours d’être en avance d’un sous-amendement ou d’un amendement. (Sourires.) En outre, étant donné que nous n’avons qu’un seul porte-avions, et non deux ou trois, est-il pertinent de développer la capacité de production des catapultes ? Certains au sein de votre groupe – pas vous deux, commissaires à la défense, très motivés – plaident pour la maîtrise des dépenses militaires ! Je le dis avec humour.
On rentre dans l’épure de notre modèle, qui est intéressant : il a ses limites, il faut qu’on les assume en toute transparence, comme nous venons de le faire, sans se raconter d’histoires. (Les amendements identiques nos 582 et 687 ne sont pas adoptés.) La parole est à M. Christophe Bentz, pour soutenir l’amendement no 986. Il est crucial que l’État corrèle ses efforts matériels pour nos forces armées aux efforts sur les filières de formation professionnelle. Certes, la formation professionnelle ne dépend pas à proprement parler du ministère des armées, mais notre BITD doit pouvoir compter sur une main-d’œuvre fournie et qualifiée si elle veut répondre aux enjeux de cette LPM.
Nous n’aurons pas de sous-marins Barracuda supplémentaires sans soudeurs. Nous ne pourrons pas dire à nos entreprises de rester en France s’il n’y a pas de main-d’œuvre. Nous ne pouvons pas dire que notre défense est souveraine si nous ne pouvons pas créer notre propre matériel.
Le problème est bien là. Nous pourrons ouvrir toutes les lignes de crédit possibles mais, si nous n’avons pas les hommes et les femmes pour répondre à nos besoins, ce ne sera pas crédible. Il est du devoir de l’État de prendre en compte l’enjeu que représentent les filières de formation professionnelle au sein de cette LPM, d’autant que la qualification de la main-d’œuvre n’est pas seulement problématique dans le secteur de l’armement, elle l’est aussi dans le nucléaire ou l’aéronautique. Pour répondre à tous ses besoins, chantiers et défis, la France doit accentuer ses efforts de recrutement et de formation au sein des filières professionnelles.
Il y va également de notre compétitivité. Sans main-d’œuvre, les entreprises ne pourront être compétitives et perdront des marchés. La souveraineté de nos armées passe par la souveraineté des moyens de production. Il est nécessaire de le rappeler au sein du rapport annexé, au vu de l’urgence de la situation. C’est un enjeu de souveraineté et de crédibilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Quel est l’avis de la commission ? Vous avez raison, il est important de s’assurer que la main-
d’œuvre est adaptée aux besoins. Il est vrai que le taux de chômage baisse – il n’a jamais autant baissé depuis des décennies – au point que certaines filières manquent de personnel formé. Il faut donc développer la formation et l’adapter dans chaque bassin de vie – d’une région à une autre, les besoins peuvent être totalement différents.
Votre amendement ne s’inscrit pas vraiment dans le cadre d’une LPM car différents acteurs interviennent en la matière : les agglomérations, les régions, qui ont les compétences économiques, le ministère de l’éducation nationale. En outre, il se produit une prise de conscience collective que tous ces métiers industriels et manuels sont de beaux métiers, que l’on doit valoriser. En clair, je suis d’accord avec vous sur le principe, mais je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement. Dans ce cas, donnez un avis de sagesse ! Quel est l’avis du Gouvernement ? Je vous remercie pour ce débat sur un sujet également important, qui n’est pas propre à l’industrie de défense. Notre modèle, comme vous le savez, repose sur la dualité.
Ce n’est pas l’État seul qui doit accentuer les efforts de recrutement et de formation, contrairement à ce que vous écrivez dans votre amendement ; tout le monde doit le faire, notamment les industriels. Ainsi, en peu de temps, la BITD a fait des efforts qui commencent à aboutir à de belles avancées. J’espère d’ailleurs que cela fera des petits dans d’autres filières et d’autres secteurs. La haute école de formation soudage, par exemple, soutenue par Naval Group et d’autres grands noms du secteur, est un bon exemple d’organisation de la BITD. L’enjeu est considérable pour les très petites, petites et moyennes entreprises du secteur – les TPE et les PME – et c’est pourquoi il est crucial que les entreprises phares du secteur incluant aient une démarche très inclusive à l’égard de leurs sous-traitants.
Les régions doivent elles aussi se mobiliser. Après un tour de table avec la BITD, j’ai été surpris de constater combien leur action est variable en fonction des territoires. Ainsi, pour la région Sud, Renaud Muselier a accepté de conventionner avec le ministère des armées et la BITD afin de mieux cibler les métiers particuliers dans lesquels il faut développer des formations.
Je reviens sur la dualité. Même en matière nucléaire – je ne parle évidemment pas du combat mais de la BITD –, aucune spécialité n’est purement militaire et la dimension duale existe – hormis peut-être la dissuasion, mais elle est traitée différemment. Dans la filière de la propulsion, par exemple, nous partageons certains de nos métiers avec EDF, où travaillent d’anciens marins ou d’anciens agents du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives – CEA – et vice-versa. Les logiques de formation sont donc mutuelles.
Tel qu’il est rédigé, votre amendement est intéressant pour le débat – le sujet est clé – mais ne concerne pas que la BITD. Je vous propose de le retirer car l’État n’est pas seul concerné. Enfin, la structure de coûts – ce qui est facturé à l’État pour son armement – inclut également ces investissements humains pour l’avenir. C’est aussi cela le modèle souverain français. La parole est à M. Yannick Chenevard. Des dispositifs existent déjà, notamment la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, qui a considérablement modifié l’accès à l’apprentissage, quels que soient le niveau d’étude et le type de formation professionnelle.
La progression est énorme sur les emplois spécifiques et les résultats sont au rendez-vous. Bien sûr, pour certains métiers particuliers – le ministre a cité les soudeurs –, il faut renforcer les actions. Mais les opérateurs de compétences créés par la loi collectent désormais les financements nécessaires à la création de centres de formation d’apprentis (CFA), calculés en termes de coût-contrat. C’est précisément ce qu’ont fait certains industriels de notre BITD. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.) Le groupe RE a réveillé l’hémicycle ! C’est bien la première fois ! La parole est à M. Christophe Bentz. En effet, le sujet ne concerne pas que le nucléaire. Mais l’enjeu est crucial, et triple : pour nos armées, pour la formation et pour l’emploi dans les bassins de vie. Compte tenu du bon sens de cet amendement, il est encore temps, monsieur le ministre, de vous en remettre à la sagesse de notre assemblée. (L’amendement no 986 n’est pas adopté.) Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 1393 et 1394.
La parole est à Mme Martine Etienne, pour soutenir l’amendement no 1393. Dans votre rapport, vous évoquez la nécessité de constituer des stocks stratégiques. L’objectif est louable mais, encore une fois, vous oubliez de prévoir des mesures claires, à la hauteur des enjeux. Vous dites que la BITD doit garantir la sécurité des approvisionnements de certaines matières premières, de composants ou de pièces critiques en cas d’engagement majeur. Mais, dans les faits, Naval Group, Safran ou Thales craignent que leur trésorerie soit mise en tension avec le report de charge de nombreux programmes. Nous proposons donc de constituer des stocks stratégiques pour le maintien en condition opérationnelle de nos armées – en clair, la nationalisation.
Oui, comme pour EDF, sécuriser le financement de ces stocks nécessite la garantie intégrale de l’État. Nationaliser, c’est sortir du tout-profit et du report d’investissement. Nationaliser, c’est assurer la stabilité aux femmes et aux hommes qui œuvrent à l’excellence industrielle de la France en matière de défense. Nationaliser, c’est offrir à nos armées une BITD encadrée et pleinement souveraine.
Autrement, votre projet fera reposer l’effort sur la seule trésorerie des industriels, sans incitation particulière à respecter l’objectif flou de constitution de stocks stratégiques. Nous vous proposons donc de compléter le rapport annexé par la phrase suivante : « Dans la perspective de constitution de stocks stratégiques, il apparaît que la nationalisation est le moyen le plus expédient pour atteindre l’objectif. Sans quoi, les entreprises devraient mobiliser leur propre trésorerie. » (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) L’amendement no 1394 de M. Aurélien Saintoul est défendu.
Quel est l’avis de la commission ? Je n’ai pas entendu la même chose que vous lors de mes auditions, entre autres avec Naval Group. Votre propos a le mérite d’être clair et votre position sans ambiguïté – contrairement à d’autres sujets – sur la nationalisation. Vous assumez, on ne peut pas vous l’enlever.
Sur le fond, les stocks stratégiques seront bien entendu proportionnés. Il ne s’agit, en aucun cas, de mettre en difficulté nos entreprises ; ce serait un non-sens. Avis défavorable. (Les amendements identiques nos 1393 et 1394, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.) La parole est à M. Laurent Jacobelli, pour soutenir l’amendement no 319. Depuis tout à l’heure, nous débattons du financement de la BITD. Notre pays est largement contributeur net au budget de l’Union européenne. Nous proposons de mobiliser autant que possible les fonds européens pour subventionner les entreprises de notre BITD et d’agir avec la puissance que nous confère notre rang de deuxième contributeur, et non comme simples spectateurs, de sorte qu’en aucune manière l’Union européenne n’aide des industriels étrangers de la défense.
Cet amendement vise donc à mobiliser les moyens de l’Union européenne, qui finalement sont les nôtres, c’est-à-dire à rendre aux Français leur argent. Quel est l’avis de la commission ? La France profite pleinement des mécanismes financiers européens car elle sait négocier pour y parvenir. J’en veux pour preuve que l’industrie française participe à quarante-sept des soixante et un projets retenus. Je vous demande donc de retirer votre amendement ; à défaut, l’avis de la commission sera défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Monsieur Jacobelli, vous avez raison de saluer, par votre amendement, la présidence française du Conseil de l’Union européenne (PFUE) d’Emmanuel Macron. (Sourires.) Venant de vous, le geste me va droit au cœur. N’en faites pas trop, monsieur le ministre ! Au fond, votre demande va dans le sens de la diplomatie qu’il a choisi de mener. Je ne m’en suis pas aperçu ! Dans le domaine de la défense en particulier, puisque j’en suis depuis un an un acteur et un témoin privilégié, je rends hommage ici, à l’Assemblée nationale, à notre compatriote Thierry Breton, commissaire européen. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.) Sur la promotion d’une culture d’achat européen, selon l’idée que l’argent du contribuable européen doit aller à l’industrie européenne, qui peut paraître une évidence, il obtient des résultats significatifs.
Il ne s’agit pas d’opposer les Européens béats et naïfs… Il y en a ! …aux défenseurs de la souveraineté et du bon sens : ce débat est dépassé depuis longtemps. La question désormais est de savoir comment parvenir à ce résultat. Elle mérite un débat de fond et nous ramène à l’économie de guerre, dont M. Dessigny demandait tout à l’heure qu’on supprime la mention du rapport annexé. Je le dis avec gravité. Quels que soient les responsables politiques à la tête des États européens, dont le nôtre, le climat d’urgence impose de savoir si les industries européennes, et d’abord les nôtres, sont capables de s’adapter aux dispositifs d’achat commun, dont Edirpa – European Defence Industry Reinforcement through common Procurement Act – est le plus connu. Que même la Pologne décide d’acheter en Corée du Sud plutôt qu’aux États-Unis, parce que même les industriels américains prennent trop de temps pour livrer, doit nous mettre en garde, si nous voulons défendre l’industrie française. La situation de mes homologues le montre. Jusqu’à récemment, le critère principal de choix était le prix. Désormais, le retour de la guerre et la pression que l’opinion publique et les parlements exercent sur les gouvernements, notamment des pays de l’Est, ont fait des délais de livraison un critère décisif. Cette considération me ramène à l’économie de guerre, quelque nom qu’on lui donne : il faut soumettre notre industrie de défense à une saine tension afin d’éviter le recours, qu’évidemment je ne souhaite pas, à d’autres industries, en particulier celles situées en dehors de l’Union européenne.
S’agissant du Fonds européen de la défense (FED), les autres pays européens nous reprochent justement de bien tirer notre épingle du jeu. Nous ne le répéterons pas trop fort en dehors de cet hémicycle, mais le rapporteur a raison de souligner que l’industrie française sait tirer avantage de la gestion du FED. Le Brexit a participé à faire évoluer la situation.
Vous raconterez ce que vous voudrez pendant la campagne européenne à venir, mais si l’on s’en tient aux faits, avec une approche un peu technique, il faut admettre que la France tire bon parti de l’Europe de la défense et que nous le devons au Président de la République. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.) (L’amendement no 319 n’est pas adopté.) La parole est à M. Laurent Jacobelli, pour soutenir l’amendement no 320. Le cas de l’entreprise Exxelia nous a tous troublés. Son capital était français ; il est devenu britannique lorsque IK Partners l’a rachetée, avant de décider de la revendre. Que s’est-il passé ? M. Le Maire s’est-il levé, entre deux bouquins (« Oh ! » sur les bancs du groupe RE) , pour ramener dans le giron national cette entreprise qui travaille avec la BITD française ? Pas du tout ! C’est l’entreprise Heico, états-unienne, qui l’a rachetée, malgré toutes les difficultés que nous connaissons avec les États-Unis, liées à la législation à l’export en particulier.
Fort de cette expérience, le groupe Rassemblement national propose d’insérer l’alinéa suivant : « Dans une optique d’autonomie stratégique, la France mettra tout en œuvre pour rapatrier sous capitaux français les entreprises en lien avec notre BITD passées sous pavillon étranger, à chaque fois que l’opportunité se présentera. » (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Quel est l’avis de la commission ? Votre amendement est satisfait. L’État fait déjà le nécessaire, lorsqu’il l’estime opportun. Par ailleurs, certains investissements étrangers peuvent être bénéfiques : la société MBDA obtient de très bons résultats et tout est sécurisé. Il faut rester mesurés et ne pas penser que tout investissement étranger serait mauvais – bien entendu, ce n’est pas ce que vous disiez. Je vous propose donc de retirer votre amendement, sinon l’avis de la commission sera défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Les dispositifs relatifs aux investissements étrangers en vigueur sont efficaces, je peux en témoigner en tant qu’acteur dans ce domaine depuis un an. Arnaud Montebourg, alors ministre de l’économie, les a renforcés pendant l’avant-dernier quinquennat. Au reste, monsieur Saintoul, je n’ai pas d’information tendant à laisser penser que Bercy ne partagerait pas la ligne de l’hôtel de Brienne : si vous pouviez me transmettre l’article que vous avez évoqué avant la fin de la séance, il m’intéresse.
C’est l’occasion d’élargir la publicité des dispositifs relatifs aux IEF. Ils s’appliquent lorsque survient le risque de perdre le contrôle d’une entreprise qui intéresse la défense. D’abord, le ministère, en particulier la DGA, évalue le danger en matière de souveraineté. Plus on se rapproche du domaine de la dissuasion, plus les critères sont stricts ; dans d’autres domaines, on applique d’autres grilles d’évaluation. La DGA est très qualifiée et analyse la situation avec beaucoup de sérieux, comme le fait le CEA, le cas échéant. Dès la première alerte, Bercy organise un tour de table interministériel pour évaluer la nature de l’investissement étranger et définir nos conditions, selon la criticité de l’activité de l’entreprise au regard de notre souveraineté. Le ministère des armées, pour citer le mien en exemple, établit des critères d’encadrement du rachat, en fonction notamment du mode de gouvernance de l’entreprise. Ils ne sont pas toujours rendus publics car ils peuvent relever du secret des affaires ou du secret de la défense. Le processus qui suit est binaire : soit les conditions sont remplies, et l’accord est donné, soit elles ne le sont pas, et le Gouvernement s’oppose.
J’en reviens ainsi à Segault, pour répondre à M. Saintoul. En l’espèce, les conditions que mes équipes avaient mises sur la table n’ayant pas été satisfaites, le ministère des armées a opposé son veto, entraînant celui du ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique – d’autant plus, vous le savez, que pour des raisons historiques, amicales, politiques et institutionnelles, mes relations avec Bruno Le Maire sont très fluides. (Sourires.) Il nous revient de bien définir les conditions préalables, qui peuvent impliquer un blocage ou un encadrement.
J’ai apporté ces précisions parce que plusieurs questions au Gouvernement m’ont frappé ; elles laissaient entendre soit qu’il n’existait pas de dispositifs adéquats, soit qu’ils n’étaient pas appliqués, faute de volonté politique. Je confesse volontiers le décalage entre le temps médiatique, qui expose ces dossiers, et le temps de leur instruction par les services, auxquels s’ajoute le temps social que vivent les personnes qui travaillent dans ces entreprises, facteur humain que je respecte plus que quiconque. Le processus demande donc du temps mais le ministère des armées a bien soumis les cessions de Segault et d’Exxelia à des conditions, de nature différente pour chacune ; dans les deux cas, l’État est intervenu et les a encadrées.
Je vous retourne maintenant la question, pour de bon cœur alimenter le débat, puisque vous êtes désormais législateurs. Vous proposez d’inscrire un principe dans le rapport annexé, qui vise à définir un objectif politique déjà satisfait à bien des égards. Quels dispositifs faudrait-il selon vous renforcer ou ajouter, dans un texte normatif ? Voilà la véritable question. J’ai des idées de réponse, mais elles ne relèvent pas du rapport annexé. Pour cette raison formelle, l’avis du Gouvernement est défavorable. La parole est à Mme Valérie Rabault. Votre raisonnement tiendrait la route monsieur le ministre, si l’État était capable de tenir ses engagements, c’est-à-dire de faire appliquer les conditions qu’il fixe aux entreprises. Or dans les trois quarts des cas, il se fait marcher sur les pieds. Voilà ce qui ne va pas ! Donnez des exemples qui concernent le ministère des armées ! Je parle de l’État en général. Oui, mais alors… Deuxièmement, vous avez raison de citer le décret Montebourg. Nous avons toutefois demandé à Bruno Le Maire d’intégrer l’aéronautique au champ d’application, or il n’en fait toujours pas partie. C’est ballot ! C’est gênant, parce que l’aéronautique est bien un secteur stratégique. Jamais nous n’avons eu gain de cause ! En théorie, votre argumentaire est recevable, mais en pratique, les failles sont nombreuses. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC, ainsi que sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) La parole est à M. Laurent Jacobelli. Je souscris aux propos de Mme Rabault. Vous nous décrivez un monde idéal, monsieur le ministre, mais la volonté d’agir fait défaut. L’année dernière, des investisseurs étrangers ont repris 131 entreprises, dont certaines appartenaient au secteur de la défense, avec l’autorisation de Bercy, malgré un avis parfois négatif du ministère des armées. Lesquelles ? Je vous donnerai l’article du Journal du dimanche ! Ah, le Journal du dimanche . Vous savez aussi bien que moi que c’est vrai. Si j’ai tort – cela peut arriver, dans la vie –, inscrire dans le texte que nous défendrons les entreprises qui sont la cible de prédateurs étrangers ne fera qu’énoncer une réalité ; si j’ai raison, nous nous protégerons. Cela fait deux raisons de voter cet amendement ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.) La parole est à M. le ministre. Merci pour ces deux interventions qui révèlent que les objections sont plus politiques que techniques. Je suis encore bien naïf de vouloir prendre le temps, parfois trop de temps, pour répondre sur le fond ! Non ! La volonté politique est présente, quand bien même vous répéteriez à l’envi que tel n’est pas le cas. C’est toujours le même procès d’intention intenté à la majorité, accusée de laisser l’étranger prédateur de nos entreprises attenter à la souveraineté du pays. Gardez ce discours pour les prochains meetings de la campagne pour les élections européennes. (M. Mounir Belhamiti applaudit.) C’est sérieux ! J’insiste. Depuis un an, je suis ministre des armées : je veux le nom des entreprises pour lesquelles Bercy a passé outre l’avis défavorable du ministère que j’ai l’honneur de diriger ! Il faut se dire les choses !
Madame Rabault, ce ne sont pas les secteurs qui comptent… (Mme Valérie Rabault s’entretient avec d’autres députés.) Madame Rabault ? Depuis le début, elle n’écoute pas les réponses ! Tant pis ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.) (L’amendement no 320 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Laure Lavalette, pour soutenir l’amendement no 321. Il est évidemment salutaire que la BITD constitue des stocks de matières premières critiques, néanmoins, cela ne dégage pas l’État, seul véritable garant de la défense, de ses responsabilités. Le groupe Rassemblement national propose donc de préciser que l’État procède également à la constitution de stocks stratégiques, de matériels nécessaires au bon fonctionnement des armées comme de matières premières nécessaires à leur production. Cet amendement vise à assurer la souveraineté à laquelle nous sommes tous attachés ; il devrait susciter le consensus.
Je reviens à la précédente discussion car je ne peux vous laisser vous glorifier de la sorte. Nous avons auditionné Arnaud Montebourg : il a lui-même souligné qu’en quinze ans, nous avons perdu Arcelor, leader mondial de l’acier ; Pechiney ; Technip ; Alstom – nous avons dû racheter nos turbines à General Electric – ; les ciments Lafarge ; Alcatel et Essilor ! Sauf le respect que je vous dois, monsieur le ministre, vous appartenez à un Gouvernement qui n’a de cesse qu’il n’ait désindustrialisé ! (Protestations sur les bancs du groupe RE.) Depuis 2017, on a inversé la courbe ! Il faut arrêter de dire n’importe quoi ! Vous n’avez rien inversé ! Mes chers collègues ! Vous parlez d’investissements étrangers alors qu’il s’agit de prédateurs qui achètent nos usines pour les démanteler et n’en conserver que les parties rentables. Arrêtez de vous faire plaisir avec de grands mots ! C’est tout le contraire qui se passe depuis six ans ! Allez dire ça aux employés de Buitoni ! C’était une autre époque ! Il ne faut pas ensuite s’étonner que le tissu des PME connaisse des difficultés, puisque ces entreprises travaillaient pour de grands groupes que vous avez laissé partir pour des sommes modiques – Arnaud Montebourg dit que le prix de la trahison s’établit entre 10 et 15 millions d’euros. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Quel est l’avis de la commission ? Madame la députée, votre exposé ne correspond que partiellement au contenu de l’amendement, auquel je vais donc revenir. Il y est question de « produits finis critiques », c’est-à-dire d’équipements. Vous avez raison, nous devons faire des stocks d’équipements. C’est d’ailleurs ce que nous prévoyons pour les munitions, puisque 16 milliards seront investis pour compléter les stocks. Pour le reste, les états-majors expriment bien évidemment leurs besoins, qui sont ensuite pris en compte dans le projet de LPM.
Finalement, tout est affaire de cohérence : faire des stocks d’équipements, cela consiste t-il à remplir des hangars, que l’on devra chauffer, pour y entreposer ensuite des avions ? Tout cela relève en réalité d’une cohérence globale, qui permet d’avoir une armée complète, avec des personnels formés et des éléments de soutien. En tout état de cause, il n’est pas utile de faire des stocks d’équipements dans le seul but de faire des stocks. Demande de retrait. Quel est l’avis du Gouvernement ? Vous avez du talent, madame la députée : vous avez raison de vous en servir. Pour ma part, je suis prêt à tenir un grand débat sur l’industrie, mais ce soir, il est question de l’industrie de défense. Quelles que soient nos opinions politiques, pour être techniquement précis, il faut m’indiquer quelle entreprise de défense a été dépecée et emportée à l’étranger.
Je le dis car je ne défends pas tant la politique du Gouvernement que les centaines de personnes qui, à la DGA et dans les services du ministère, se dévouent intégralement à cette tâche. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et HOR.) La souveraineté est la raison pour laquelle elles se sont engagées. Je ne défends pas que la politique d’un moment, je défends aussi un modèle. Paradoxalement, vous cherchez aussi à le défendre, madame la députée, mais en voulant attaquer les actions d’Emmanuel Macron, vous affaiblissez ce modèle qui s’inscrit dans une continuité depuis les années 1960. Nous l’améliorons, monsieur le ministre ! Les exemples industriels que vous avez évoqués sont globaux ; or il existe un modèle pour l’industrie de défense. Vous pourriez regretter que ce modèle n’ait pas été appliqué aux autres filières – ce serait une autre discussion. S’agissant de l’industrie de défense, le cœur de la souveraineté est largement protégé ; les mécanismes fonctionnent et les participations étrangères doivent remplir des conditions établies par le ministère. Bien sûr ! Vous pouvez toujours faire un meeting de campagne électorale, pour les élections européennes, et vous moquer de ces conditions – vous voyez ce que je veux dire. Mais si nous voulons conserver le sérieux des discussions que nous avons depuis le début de la semaine, il convient de reconnaître que le modèle est plutôt fait pour ça. C’est pourquoi j’ai reprécisé les trois modèles tout à l’heure et c’est pour cela que l’État est toujours actionnaire de plusieurs entreprises. Lorsque les arsenaux de l’État ont été privatisés, celui-ci a conservé des participations. Ce n’est pas consensuel aujourd’hui, puisque certains ici souhaitent des nationalisations. Mais quoi qu’il en soit, le modèle fonctionne.
Quant à l’amendement en tant que tel, la question n’est pas d’être libéral ou non. Vous parlez de « stock stratégique de produits finis critiques » ; en réalité, il s’agit du parc. Dans notre modèle d’armée, il y a les stocks de matières premières et les stocks relatifs à certains types de MCO ; les députés Lachaud et Saintoul ont parlé tout à l’heure du MCO pour la catapulte du porte-avions. L’amendement de Mme Tabarot était intéressant à cet égard et nous reviendrons sur ces aspects lors de l’examen des articles normatifs. Ainsi, lorsque vous parlez d’un « stock stratégique de produits finis critiques », il s’agit déjà de Griffon ou de Jaguar.
Si l’on veut être tout à fait honnête, il ne s’agit pas de stock à proprement parler. Nous ne sommes pas l’armée allemande ; cet argument devrait peser, puisque vous craignez que notre armée lui ressemble. Nous sommes une armée d’emploi, qui fonctionne avec le parc, en cohérence plutôt qu’en masse – nous revenons là au modèle global.
Sincèrement, je conçois très bien qu’il y ait des craintes sociales et politiques concernant certains dossiers, mais la robustesse des dispositifs tels qu’ils ont été imaginés et la manière dont les services de l’État s’en occupent au quotidien fonctionne. Il faut le saluer. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR. – M. Jean-Louis Thiériot applaudit également.) Bravo ! La parole est à M. Aurélien Saintoul. Effectivement, nous avons débattu tout à l’heure des produits semi-finis – et non des produits finis. Un amendement à venir nous permettra de converger.
S’agissant de l’industrie, nous avions peut-être raison de dire hier qu’une loi de programmation et de préservation de la souveraineté était nécessaire ; une loi globale, plutôt qu’une simple loi de programmation militaire. Je livre cette réflexion à la sagacité de nos collègues ; à ce moment du débat, elle sera peut-être accueillie avec moins de lazzis.
Vous nous demandez de vous citer un exemple d’industrie de défense qui aurait été rachetée, monsieur le ministre : je vous donne celui de l’entreprise Manurhin, productrice de machines à fabriquer des cartouches – certes, de petit calibre –, rachetée en 2018 par les Émirats arabes unis ou par une entreprise émirienne. Cela n’a pas eu lieu sous votre responsabilité, mais c’est un fait. Ce n’est pas récent ! Que le dispositif Montebourg existe et soit relativement performant, c’est une chose ; que la volonté politique ait toujours été présente, c’en est une autre.
Par ailleurs, nous avons parlé d’Exxelia. Je sais que le Rassemblement national aime se vanter d’avoir levé ce lièvre, mais c’est moi qui l’ai levé le premier, en commission, en présence du délégué général pour l’armement (DGA). Celui-ci avait indiqué qu’un tour de table était en cours de constitution. J’aimerais bien, monsieur le ministre, que vous nous expliquiez pourquoi vous n’avez pas réussi à le constituer. Quelles sont les conditions de la vente d’Exxelia qui ont permis de laisser passer cette occasion ? Il serait intéressant de le savoir. (L’amendement no 321 n’est pas adopté.) Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 583 et 680.
La parole est à M. Emmanuel Fernandes, pour soutenir l’amendement no 583. Le groupe LFI-NUPES souhaite assurer la préservation de la souveraineté et de l’indépendance nationale par un programme de nationalisation des entreprises stratégiques de défense. Cette nationalisation serait dictée par les impératifs de souveraineté et d’indépendance. Le bilan des dernières décennies de privatisation des industries de défense est inquiétant. L’export, qui représente déjà 30 % des débouchés de la production d’armements en France, prend de plus en plus d’importance ; ce chiffre est en constante augmentation. Il y a donc une dépendance structurelle à l’exportation.
Pour permettre à la puissance publique de reprendre la main, nous préconisons de nationaliser les entreprises stratégiques de la BITD, ce qui permettra à un État stratège de piloter sa propre industrie de défense et sa propre R&D. Nous considérons que l’industrie de défense n’est pas une industrie comme une autre. En partant des besoins de nos armées, les industriels pourraient, dans la plupart des cas, avoir des carnets de commandes suffisants pour maintenir les compétences, un outil de haute qualité, et pour continuer à investir dans la R&D.
La création d’un pôle public de l’armement est, par extension, nécessaire pour préserver le savoir-faire et les compétences nationales et permettre une réelle action planificatrice de l’État en matière d’innovation et de préservation des stocks stratégiques. L’amendement no 680 de M. Aurélien Saintoul est défendu. (Les amendements identiques nos 583 et 680, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.) Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 1015 et 1078.
La parole est à M. Christophe Bex, pour soutenir l’amendement no 1015. Les gouvernements précédents ont accepté un grand déménagement du monde, conséquence d’un libre-échange total et irresponsable. Vous l’avez déjà lu ! Le Gouvernement a renoncé à protéger ses entreprises et préfère livrer, les uns après les autres, les fleurons stratégiques du pays aux puissances étrangères. Dernièrement, l’entreprise Exxelia, spécialiste des composants pour l’aviation militaire, a été rachetée par le groupe américain Heico.
Conséquence des privatisations des vingt dernières années, la logique marchande a prévalu sur la satisfaction de nos besoins domestiques. Les exportations ont conduit à négliger nos armées. La recherche permanente de clients a conduit à faire des équipements de nos propres armées les variables d’ajustement des propositions commerciales.
Cet amendement vise à créer un pôle public de l’armement, pour lequel l’intérêt de nos armées et de notre nation sera primordial. Il est trop dangereux de faire dépendre nos besoins vitaux de puissances étrangères. Nous devons garantir notre souveraineté et nos intérêts par une action planificatrice de l’État. L’amendement no 1078 de M. Aurélien Saintoul est défendu.
Quel est l’avis de la commission ? La DGA est là pour cela. Avis défavorable. (Les amendements identiques nos 1015 et 1078, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.) La parole est à M. Christophe Plassard, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour soutenir l’amendement no 273. Cet amendement est la conséquence du rapport d’information sur l’économie de guerre que j’ai rédigé il y a peu. Celui-ci constate notamment que les banques subissent des pressions dans un environnement hostile. Ces pressions sont souvent le fait de lobbys – que l’on peut qualifier d’ONG – qui les empêchent de jouer leur rôle et les incitent même, de façon souvent agressive, à désinvestir le secteur de la défense, sur des fondements prétendument éthiques. Excellent ! Le consortium bancaire que je propose de constituer octroierait des crédits garantis par l’État, de façon à financer l’industrie de la défense et à dégager les banques du risque réputationnel. Il s’agirait bien d’argent privé et non d’argent public. Ce consortium, géré par une entité publique ou privée, mais extérieure aux banques, ferait ainsi écran aux pressions extérieures que subissent ces institutions financières, qui ne peuvent dès lors jouer leur rôle de financeurs de la BITD. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe HOR.) C’est audacieux ! Quel est l’avis de la commission ? Cet amendement a déjà été examiné en commission. Le rapport annexé prévoit déjà une mission de médiation du crédit défense. Demande de retrait. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. (L’amendement no 273 est retiré.) La parole est à M. Julien Rancoule, pour soutenir l’amendement no 405. Nous devons trouver des solutions au manque de visibilité de la commande publique, qui prive les acteurs industriels de toute faculté d’anticipation des besoins des forces et donc des quantités à produire. Il en résulte une utilisation sous-optimale de l’outil de production interne de la chaîne d’approvisionnement, que les industriels équilibrent grâce à l’export et, lorsque c’est possible, à des missions de sous-traitance civile.
Il faut trouver un équilibre gagnant-gagnant entre l’État et les entreprises. Sinon, cette faible visibilité et le manque de régularité de la commande étatique continueront à altérer la confiance des industriels et à dissuader toute production anticipée en l’absence de commandes.
Prenons l’exemple du programme Scorpion. Dans un premier temps, le Gouvernement a passé un certain nombre de commandes, avant de réduire drastiquement celles-ci, pour finalement les augmenter légèrement il y a quelques jours. Cela ne témoigne pas d’une très grande stabilité. Il nous semble donc pertinent d’inclure dans le rapport annexé la volonté de l’État d’essayer de garantir aux industriels un flux minimal de production tout en permettant à la DGA d’émettre des intentions de commandes.
C’est ce que nous avions préconisé avec Vincent Bru dans notre rapport sur les stocks de munitions, notamment avec la proposition n° 5 « Affermir la visibilité des entreprises et la régularité des commandes étatiques ». Nous espérons que notre recommandation sera suivie. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)