XVIe législature
Session ordinaire de 2022-2023

Première séance du jeudi 02 mars 2023

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Première séance du jeudi 02 mars 2023

Présidence de Mme Élodie Jacquier-Laforge
vice-présidente

Mme la présidente

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à neuf heures.)

    1. Lutte contre la récidive

    Discussion d’une proposition de loi

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de Mme Naïma Moutchou, M. Laurent Marcangeli et plusieurs de leurs collègues visant à mieux lutter contre la récidive (nos 740 deuxième rectification, 863).

    Présentation

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Naïma Moutchou, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    Le texte que je vous présente ce matin a nourri beaucoup de fantasmes et d’inexactitudes. Il a été assez largement caricaturé. Je vais donc m’employer à rétablir quelques vérités, parce que le sujet est sérieux, en commençant par rappeler le contexte dans lequel cette proposition de loi s’inscrit et ce qu’elle contient réellement.
    Le contexte, pour ceux qui veulent bien ne pas se mettre d’œillères, est celui d’une multiplication des agressions contre celles et ceux qui incarnent, défendent et font la République : nos policiers, gendarmes, militaires, pompiers, agents de l’administration pénitentiaire, soignants, enseignants, personnels des établissements scolaires, mais aussi, ne les oublions pas, nos agents des caisses d’allocations familiales (CAF) ou de Pôle emploi, nos chauffeurs de bus, conducteurs de train et gardiens d’immeuble.
    Ces serviteurs de la collectivité sont toujours plus exposés, et ils le sont physiquement. Nous ne l’acceptons pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.) Nous n’acceptons pas la remise en cause de ceux qui incarnent l’autorité. Ils ne sont pas victimes de simples violences, il nous faut le réaffirmer sans démagogie, mais avec force et détermination. Je veux donc redire à tous nos agents publics, au nom de mon groupe et de la représentation nationale, notre soutien dans l’exercice de leurs missions et notre reconnaissance de leur engagement quotidien. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR. – M. Roger Chudeau applaudit également.)
    Le contexte est aussi celui d’une hausse constante de la récidive en dépit des efforts déployés, comme le disent les chiffres et comme le confirme le terrain.
    Quels sont les chiffres ? Je n’invente rien, puisqu’ils émanent de « Références statistiques justice », une publication du ministère. La part des récidivistes parmi les condamnés est passée de 11,3 % en 2011 à 15,5 % en 2021. Pour ceux qui voudraient nous expliquer que ce ne sont pas les bons chiffres parce qu’il faudrait prendre en compte une diminution du nombre de réitérants qui aurait entraîné la hausse constatée du nombre de récidivistes,…

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

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    Eh bien oui !

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

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    …je rappelle d’autres chiffres, toujours de la même source officielle : le cumul des réitérants et des récidivistes augmente aussi entre 2017 et 2021, passant de 40,4 % à 41,8 %. Le taux ne baisse ni ne stagne, il augmente. De l’aveu même des acteurs concernés, la récidive demeure un sujet d’actualité. Les magistrats que j’ai auditionnés, les services pénitentiaires d’insertion et de probation (Spip) qui sont au contact des détenus, les syndicats de police et les avocats, tous s’accordent à dire qu’il est urgent d’agir.
    Il y a eu des réformes plus ou moins utiles et opportunes, telles que les fameuses peines planchers créées en 2007 et abrogées en 2014, ou les réformes conduites depuis 2017 pour mettre l’accent sur les alternatives à la détention et les aménagements de peine. Force est de constater que ces réformes n’ont pas été décisives et qu’il faut les compléter. C’est un enjeu de justice et de sécurité pour nos concitoyens – qui le réclament, d’ailleurs. C’est pourquoi nous vous proposons aujourd’hui d’agir autour de deux axes principaux : dissuader et prévenir.
    Il faut dissuader par une sanction pénale plus vigoureuse. C’est l’objet de l’article 1er, qui prévoit une peine minimale ciblée et mesurée. Précisons que ce dispositif ne concerne que la récidive légale et non pas les primo-délinquants. Il vise les auteurs de violences volontaires aggravées contre une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public. La peine minimale encourue est d’un an d’emprisonnement et le juge peut y déroger.
    Il faut prévenir par le biais de l’accompagnement et de la probation, ce qui est l’objet des articles 3 et 4. Ceux-ci visent, d’une part, à expérimenter des permanences de Spip au sein des tribunaux judiciaires, et, d’autre part, à systématiser l’accompagnement des condamnés en libération sous contrainte par des programmes personnalisés.
    Parallèlement à ces deux volets de dissuasion et de prévention, le texte propose de renforcer l’information des maires pour qu’ils aient connaissance des suites judiciaires données aux infractions commises sur le territoire communal. Cette information existe déjà, mais nous souhaitons l’automatiser.
    Enfin, parce que la lutte contre la récidive s’inscrit dans le temps long et qu’elle suppose une approche pluridisciplinaire, l’article 5 prévoit l’organisation d’une conférence de consensus. Elle permettra, à l’image de celle tenue il y a dix ans, en 2012-2013, de dresser un état des lieux actualisé des connaissances et de faire émerger de nouvelles solutions.
    Tous les articles que je vous ai présentés procèdent d’une approche globale et pondérée, jouant sur différents leviers. Ils n’ont pas été adoptés par la commission. Aucun. Pas plus ceux qui jouent sur la dissuasion que ceux qui agissent sur la réinsertion, comme s’il ne fallait rien faire, comme s’il fallait régler des comptes.
    On peut s’opposer coûte que coûte aux peines minimales – pourquoi pas ? Mais rejeter tous les articles d’un même texte alors qu’aucun argument ne résiste à l’analyse, c’est très étonnant. Je suis – avec d’autres – très étonnée de ce qui s’est passé en commission. Il n’y a rien de grave, mais je suis très étonnée.
    Comment s’opposer à l’article 2, celui qui renforce l’information des élus locaux ? Il reprend une mesure que notre assemblée a déjà adoptée en 2021, sur proposition du groupe Dem, dont l’intérêt avait été souligné par une mission d’information conduite par Philippe Gosselin et moi-même, et votée à l’unanimité de la commission des lois.
    Comment s’opposer à l’article 4, qui place l’accompagnement personnalisé des condamnés au cœur de la probation et de la réinsertion, qui renforce le rôle des Spip et de l’administration pénitentiaire ?
    Comment s’opposer à l’article 3, dont le format expérimental rend inopérantes les critiques, qui est une proposition émanant directement des états généraux de la justice mis en place par le ministre après de longs mois d’échanges et de concertation, et alors qu’une mission d’information du Sénat l’a reprise à son compte il y a quinze jours ?
    Venons-en à l’article 1er, à propos duquel beaucoup se sont amusés à dire ce qu’il n’est pas ou ce qu’il ne fait pas. Ce serait le retour des illustres peines planchers Dati-Sarkozy de 2007 ? Allons donc, et comparons ce qui n’est pas comparable !
    En 2007, les peines planchers allaient jusqu’à quinze ans d’emprisonnement et concernaient tous les délits et crimes punis de plus de trois ans d’emprisonnement, c’est-à-dire plusieurs milliers d’infractions. Il s’agissait d’une révolution du code pénal et même du droit pénal. Comparons cette politique globale de lutte contre la récidive à l’article 1er, plus modeste, qui vous est soumis : il prévoit une peine minimale d’un an concernant un seul type d’infraction, les violences aggravées contre les agents publics. Ni la philosophie ni le périmètre ne se ressemblent. Je vais mettre fin aux fantasmes de ceux qui voulaient en découdre : ce n’est pas le retour des peines planchers de 2007 ; je serai d’ailleurs défavorable aux amendements qui proposent d’y revenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)
    Quel problème y a-t-il à vouloir sanctionner plus durement et de manière ciblée l’obstination dans le parcours délinquant de ceux qui s’en prennent à l’autorité ? Serait-ce faire preuve d’humanisme que de s’opposer à une telle mesure ? Je crois que c’est inadapté et déplacé. Les victimes ne sont pas les auteurs, encore moins les auteurs récidivistes. Pardon pour le pléonasme, mais les victimes sont les victimes. J’espère que nous évoquerons le sort des victimes plutôt que l’atténuation de responsabilité des auteurs.
    Quel autre problème ? Le dispositif de l’article 1er serait d’inspiration sarkozyste… le péché originel ! C’est absurde, tout cela relève d’un blocage idéologique. Il y a des remèdes.
    L’inefficacité des peines planchers ? Celles de 2007 ont été globalement inefficaces, bien qu’à y regarder de plus près, leur bilan en matière de délits soit plus mitigé que ce que l’on veut bien dire. Mais surtout, répétons-le, l’article 1er ne réhabilite pas les peines planchers de 2007 et cela n’a aucun sens scientifique de lui appliquer la même analyse. Ajoutons que l’abrogation des peines planchers en 2014 n’a pas fait baisser la récidive, au contraire.

    M. Frédéric Valletoux

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    Eh oui !

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

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    L’atteinte à l’individualisation des peines ? La critique n’est pas opérante. Le juge pourra déroger au minimum, comme le confirme l’abondante jurisprudence du Conseil constitutionnel qui a validé les peines minimales en 2007, 2011 et 2018. Il est assez cocasse de voir une telle levée de boucliers alors qu’il existe des peines plafonds et même, depuis 1994, des peines planchers sans dérogation du juge en matière criminelle. Cela ne choque personne alors que l’on pourrait y voir une atteinte au pouvoir d’appréciation du juge.

    M. Pierre Cordier

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    De nos jours, les gens ne sont plus choqués par grand-chose !

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

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    Les peines complémentaires obligatoires, qui s’imposent au juge comme le ferait une peine plancher, ne sont pas rares dans notre droit. Certains diront que ce ne sont que de petites peines, complémentaires à la peine principale, mais elles n’en sont pas moins automatiques. Du reste, il n’y a pas de petites peines. Citons quelques peines complémentaires : le retrait du permis de conduire, la privation des droits civiques, l’interdiction de gérer une entreprise, le retrait de l’autorité parentale – une mesure adoptée par l’Assemblée nationale sur proposition de Mme Isabelle Santiago –, la peine de dix ans d’inéligibilité en cas de violences aggravées, proposée par nos collègues Bergé et Houlié.

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    Quel amateurisme ! (Sourires.)

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

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    Je ne suis pas sûre que nous puissions les qualifier de petites peines pour les auteurs concernés.
    Comment comprendre ceux qui s’opposent ici à l’article 1er, mais proposent « une peine plancher en cas de récidive » dans le cadre du texte Bergé-Houlié ? L’amendement en question n’émane pas de la droite de l’hémicycle, mais, tenez-vous bien, de deux de nos collègues du groupe GDR, dont la porte-parole va pourtant nous dire à la tribune que les peines minimales pour les récidivistes ne sont pas souhaitables.
    J’en conclus que les mêmes voteront avec enthousiasme l’article 1er et, à la lumière de ces éléments et de ceux que je développerai plus tard, je gage que cette proposition trouvera un large soutien pour ce qu’elle est réellement, c’est-à-dire un texte très différent de l’interprétation qu’en donnent certains.
    Pour conclure, je veux remercier mes collègues de groupe et mon président pour leur confiance et leur soutien. Je remercie Mme Philippine Ray, notre collaboratrice de groupe, mon équipe et M. Julien Barel, l’administrateur de la commission des lois, pour la qualité des travaux que nous avons conduits. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

    M. Pierre Cordier

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    Nous attendons sa réponse avec impatience !

    M. Erwan Balanant

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    Il faut écouter, monsieur Cordier !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

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    J’ai entendu votre impatience. Ma réponse arrive. Elle ne sera faite ni de règlements de comptes ni de fantasmes, mais d’arguments dont je souhaite que nous puissions débattre.
    Permettez-moi, une fois n’est pas coutume, de commencer par une citation : « Conforter le pacte républicain requiert, eu égard à l’importance des missions incarnées par les dépositaires de l’autorité publique, que vous apportiez, mesdames et messieurs les procureurs, des réponses rapides, fermes et visibles contre toutes les atteintes dont les dépositaires de l’autorité publique sont victimes. »
    Voilà la directive très ferme et claire que j’ai adressée le 20 septembre dernier à tous les procureurs de France, par le biais de ma circulaire de politique pénale générale, pour leur demander de poursuivre et de punir tous ceux qui osent s’en prendre aux agents publics et aux forces de sécurité intérieure (FSI).
    La politique pénale que je mène au nom du Président de la République, de la Première ministre et de cette majorité est une politique pénale ferme, mais dépourvue de démagogie – en un mot, une politique pénale qui vise à répondre aux problèmes plutôt qu’à s’en nourrir. Laisser penser que nous mènerions une politique pénale laxiste, c’est porter une atteinte manifeste à la réalité des faits et remettre en cause l’action courageuse du Président de la République et de ses premiers ministres successifs, ainsi que la détermination affichée par la majorité présidentielle dans toutes ses composantes depuis 2017.
    J’en veux pour preuve le fait que la surpopulation carcérale bat tristement des records. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous avons lancé un grand plan immobilier pénitentiaire, qui prévoit la construction de 15 000 places de prison, dans des établissements qui, pour moitié, seront sortis de terre l’année prochaine. Là encore, nous sommes confrontés au double discours que tiennent ceux qui siègent à la droite extrême de cet hémicycle : alors que certains, sur les plateaux de télévision, demandent des peines planchers et en appellent à une justice expéditive, ils refusent la construction de nouvelles prisons dans leur circonscription. Donnez donc un seul exemple de terrain que vos élus auraient proposé !

    Mme Julie Lechanteux

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    Il faut choisir les bons, pas des terres agricoles cultivables !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Les conseillers ne sont jamais les payeurs – pire, ils sont presque toujours les empêcheurs.

    Mme Julie Lechanteux

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    Il faut savoir les construire, ces établissements !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    En matière budgétaire, les mêmes – toujours les mêmes –, dans une abstention coupable, refusent d’ailleurs d’allouer à la justice les moyens dont elle a tant besoin.

    Mme Caroline Abadie

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    Très juste !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Vous l’aurez compris : une lutte sincère contre la récidive nécessite d’abord que ceux qui prétendent lutter contre elle ne cherchent pas, in fine, à s’en repaître.
    La majorité présidentielle, depuis 2017, et le garde des sceaux que je suis, depuis 2020, menons une politique de répression de la délinquance et de lutte contre la récidive qui nous conduit à mettre de côté toutes les idéologies et tous les dogmatismes pour ne nous en tenir, dans les faits, qu’à une unique considération : notre action fonctionne-t-elle ? Notre approche est ici la même : les peines planchers que vous souhaitez partiellement rétablir dans l’article 1er, supprimé par la commission des lois, ont-elles été utiles pour lutter contre la récidive ? La réponse est claire, nette et sans appel : elles n’ont pas permis, ni de près ni de loin, de mieux réprimer la délinquance ou de mieux lutter contre la récidive. Je l’ai dit et je pense l’avoir démontré : je suis un pragmatique, pas un dogmatique ni un idéologue. Si les peines planchers fonctionnaient, je soutiendrais cette proposition sans l’ombre d’une hésitation.
    Il se trouve néanmoins qu’en matière de peines planchers, nous disposons déjà des résultats d’une expérimentation grandeur nature menée sous le quinquennat du président Sarkozy. Le périmètre n’est certes pas le même, madame la rapporteure, mais la philosophie est exactement identique. Les peines planchers n’ont pas entraîné un recours plus important aux peines d’emprisonnement en matière délictuelle, lesquelles étaient déjà très majoritaires dans les condamnations pour des délits commis en récidive. Ainsi, en matière délictuelle, le taux de prononcé d’une peine d’emprisonnement ferme pour un majeur en récidive était de 54,3 % pour la période 2001-2005, de 55,7 % pour la période 2006-2010, de 57,7 % pour la période 2011-2015 et de 69 % pour la période 2016-2020. Pardon de le dire ainsi, mais je pourrais m’arrêter là.
    Je veux néanmoins aller encore plus loin, en ajoutant que l’abrogation des peines planchers n’a pas entraîné une moindre sévérité des juridictions pénales dans les quanta de peine infligés. Elle a même été suivie d’un maintien à un niveau élevé du quantum moyen ferme prononcé contre les récidivistes et d’un accroissement sensible de ce quantum pour les non-récidivistes. Ainsi, en matière délictuelle, le quantum moyen de l’emprisonnement ferme pour un majeur en récidive était de huit mois et demi alors que les peines planchers étaient en vigueur. Il est désormais, après leur abrogation, supérieur à neuf mois. La justice est donc plus sévère sans les peines planchers qu’avec !
    Venons-en ensuite aux déclarations selon lesquelles la récidive aurait augmenté de huit points en trois ans – depuis mon arrivée, donc. Votre analyse, madame la rapporteure, me semble erronée : si le nombre d’affaires retenant la récidive légale a bel et bien augmenté, c’est parce que j’ai fermement demandé aux procureurs de retenir le critère de récidive à chaque fois que c’était possible. Là encore, c’est précisément parce que la politique pénale que nous menons est ferme que la récidive est de plus en plus souvent retenue par les magistrats. Ce n’est donc pas la réitération des faits délictueux qui augmente – elle est stable –, mais bien la force de la répression pénale. Je rappelle en effet que le code pénal est bien fait : les peines encourues en cas de récidive sont multipliées par deux – par deux ! D’ailleurs, s’agissant des délits visés par la proposition de loi, la sévérité est encore plus accentuée, puisque le taux d’emprisonnement, en récidive, a atteint 93 % en 2021. Ainsi, les délits passibles de cinq ans d’emprisonnement ou moins sont déjà punis d’une peine moyenne d’emprisonnement de 14,2 mois, soit nettement plus que la peine plancher prévue dans la proposition de loi soumise à notre examen.
    Ce point étant éclairci, et dès lors que nous nous accordons tous à reconnaître que les magistrats retiennent avec beaucoup plus de force qu’auparavant la récidive légale, sous l’effet de la politique pénale actuellement conduite, je me propose de m’arrêter un instant sur toutes les mesures que nous avons prises pour mieux réprimer les atteintes aux forces de sécurité intérieure et aux agents publics.
    Je rappelle qu’en matière de protection des personnes dépositaires de l’autorité publique, nous avons supprimé, par la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire que j’ai défendue en 2021, les remises de peines automatiques pour les agresseurs de personnes chargées d’une mission de service public. Dans la loi du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure que j’ai présentée avec mon collègue Gérald Darmanin, nous avons créé des incriminations spécifiques afin d’aggraver la répression des actes de violence commis à l’encontre de ceux qui assurent notre sécurité dans l’espace public. Il n’était plus tolérable que leur engagement les érige en cible. Enfin, dans la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République défendue, là encore, par Gérald Darmanin et moi-même, nous avons créé deux nouveaux délits protecteurs des forces de l’ordre et des personnes chargées d’une mission de service public, à savoir le délit de menaces séparatistes et celui de mise en danger par la diffusion d’informations personnelles.
    Dans la dépêche du 4 novembre 2020, j’ai clairement demandé aux procureurs d’apporter une réponse pénale ferme à toutes les atteintes aux personnes chargées d’une mission de service public. Pour que personne n’ait de doute, je vous livre ici les termes en lesquels je me suis adressé aux procureurs de la République : « Toutes les autres professions dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public – élus, membres du personnel de l’administration pénitentiaire, sapeurs-pompiers, membres du corps enseignant, agents des transports publics… – sont aujourd’hui durement exposées. Il importe que la réponse apportée par vos parquets soit à la hauteur de la gravité des faits et des atteintes portées à l’autorité de l’État. »
    Ces mesures de protection, auxquelles s’ajoutent des mesures financières de revalorisation historiques, témoignent du fait que personne ne doute, ni dans ce gouvernement, ni dans cette majorité – ni, je l’espère, dans cet hémicycle – du rôle indispensable, crucial et essentiel que tiennent dans notre République les agents publics et les forces de sécurité intérieure. S’en prendre à eux, c’est s’en prendre à la République tout entière.
    Je me félicite donc que la commission des lois ait rejeté l’article 1er instaurant les peines planchers, qui ne sont ni efficaces pour lutter contre la délinquance, ni utiles pour faire baisser la récidive.
    Je ne peux qu’insister, enfin, sur le fait que le principe d’individualisation des peines, consacré depuis 1789 par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, doit rester un principe cardinal de notre procédure pénale. Il permet au juge de prononcer une peine juste et adaptée, porteuse de sens pour la personne à laquelle elle est infligée. Notre État de droit est fondé sur la confiscation du droit à la vengeance et sur l’impérative confiance due au juge pour apprécier cette juste peine, dont je rappelle qu’elle est toujours susceptible de recours. S’inscrire dans une position de défiance générale à l’égard de nos magistrats, comme le font ceux qui défendent le mécanisme des peines planchers, revient, en quelque sorte, à miner l’État de droit et à altérer inévitablement la confiance du citoyen dans l’institution judiciaire, en laissant croire que la justice n’est pas au rendez-vous.
    S’agissant de l’article 2, je partage la volonté de mieux informer les élus des décisions de justice concernant leurs communes. Depuis mon arrivée à la Chancellerie, j’ai fait de la lutte contre les atteintes aux élus et du renforcement du dialogue institutionnel entre les parquets et ces derniers des priorités absolues, comme en témoignent notamment les circulaires du 6 novembre 2019 et du 7 septembre 2020. Grâce à l’action de mon ministère, presque tous les tribunaux judiciaires avaient désigné, à la fin de l’année 2021, un ou des magistrats chargés d’être les interlocuteurs des élus locaux. Plus de 100 tribunaux ont désigné un magistrat référent sur les problèmes touchant ces élus et ont créé une boîte mail structurelle, une ligne dédiée, ou tout autre circuit rapide consacré aux relations avec les élus locaux.

    M. Pierre Cordier

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    Un numéro vert ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Il ne s’agit pas d’un numéro vert, mais de la possibilité pour un élu de joindre directement le procureur de la République et d’avoir avec lui une relation constructive, pour répondre aux questions qui se posent en permanence.
    En l’état actuel du droit, si le maire est systématiquement informé par le procureur de la République, il l’est seulement à sa demande. Cet équilibre doit, à ce stade, être maintenu.
    En effet, la condition de demande préalable par l’élu lui permet de relayer auprès du procureur de la République son appréhension des infractions troublant l’ordre public sur le territoire de sa commune. Or, comme vous le savez, la notion de trouble à l’ordre public varie grandement selon les caractéristiques propres à chaque commune. Vous comprendrez aisément qu’il est impossible de créer une obligation verticale et universelle de transmission pour toutes les communes de France, le nombre de procédures à Paris étant infiniment plus élevé qu’à Digne par exemple.
    Dans le premier cas, la transmission pour un parquet qui ne compte qu’une commune dans son ressort se résumera à une information statistique, comme dans la plupart des agglomérations des grandes villes de France. Dans le second cas, cette transmission se heurtera à une impossibilité concrète, le parquet de Digne étant limité dans ses capacités, puisqu’il compte trois magistrats mais 198 communes dans son ressort. C’est ce qu’ont rappelé les procureurs de la République entendus par Mme la rapporteure. Ce n’est pas au moment où les états généraux de la justice vont permettre d’alléger le travail de nos magistrats et de nos greffiers qu’il faut, si j’ose dire, emboliser les parquets.
    Ces dispositions générales et uniformes semblent impossibles à mettre en œuvre et manquent complètement leur cible : elles ne permettront pas au maire d’être effectivement informé des suites des affaires les plus significatives qui se sont déroulées dans sa commune.
    Pour atteindre toutefois l’objectif que vous vous êtes fixé, madame la rapporteure – et que, bien sûr, je partage –, le ministère développe le logiciel InfoParquet afin de pouvoir mieux informer les élus, d’un simple clic, d’ici à la fin de l’année.
    Enfin, je vous annonce que, pour renforcer encore la relation entre élus et justice, je vous proposerai, dans la prochaine loi de programmation, de donner davantage de poids aux conseils de juridiction qui associent toutes les parties prenantes locales – dont, bien sûr, les élus –, en y ajoutant notamment les parlementaires du ressort.
    S’agissant de l’article 3, après avoir longuement échangé avec les professionnels de l’insertion et de la probation, j’émets plusieurs réserves.
    D’abord, je m’interroge au sujet de la pertinence de l’organisation des permanences au vu de l’allongement de la durée des audiences pénales et de l’alourdissement de la charge de travail du greffe judiciaire que cela induirait, notamment la multiplication de l’édition des pièces judiciaires par le greffe.
    Ensuite, sur un plan pratique, la transmission de l’ensemble des pièces judiciaires est impossible lorsque l’audience se poursuit, d’autant plus que le greffier doit déjà accomplir de nombreuses tâches et que le texte vise plutôt une transmission des pièces par le greffe du service de l’application des peines au Spip. Le Spip de permanence lui-même n’aurait pas le temps nécessaire pour en prendre connaissance de manière efficace.
    Enfin – vous devez le savoir eu égard à la mobilisation provoquée par cet article –, le retour des CPIP, les conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation, au sein des juridictions serait sans doute considéré par les professionnels et par les organisations syndicales comme une remise en cause profonde de la réforme des Spip de 1999. J’ai entendu à plusieurs reprises les représentants de ces derniers dans le cadre des nombreuses concertations que j’ai organisées pour élaborer le plan d’action issu des états généraux : c’est un refus franc et massif. Je salue donc bien sûr la position de la commission des lois qui, sensible à l’inquiétude des professionnels, a rejeté cet article.
    S’agissant de l’article 4, il est important de préciser que l’approche collective et programmatique, dans le cadre de la prise en charge des personnes bénéficiant d’une libération sous contrainte, est privilégiée au vu de la faible durée de cette mesure et de l’accompagnement de ses bénéficiaires en matière de préparation à la sortie. En outre, c’est justement parce qu’il faut éviter les sorties sèches que ces programmes sont mis en œuvre.
    Ainsi, la participation à un programme constitue une modalité intensive de suivi et doit donc être réservée aux personnes présentant un risque élevé de récidive. Certains ne sont d’ailleurs pas réceptifs à ce dispositif ou ne disposent pas des compétences sociales nécessaires pour travailler en groupe et doivent donc continuer à faire l’objet d’une prise en charge individuelle.
    Enfin, l’article 5 prévoit d’organiser une conférence de consensus de lutte contre la récidive. Je précise qu’une telle conférence s’est déjà tenue en 2013 et qu’elle avait conclu précisément à la nécessité de supprimer les peines planchers, soit l’inverse de ce que propose l’article 1er de ce texte. N’ayant pas le goût de l’effort inutile, vous comprendrez que, si je suis défavorable au rétablissement des peines planchers, je le suis également à l’organisation d’une nouvelle conférence qui viendrait demander la suppression de peines planchers qui auraient été rétablies. Gagnons du temps, de grâce, ne rétablissons pas les peines planchers !
    Il y a deux moyens de lutter contre la récidive. D’abord, il faut sanctionner, car la loi doit être respectée – c’est une évidence pour tout le monde. C’est ce que nous faisons avec détermination – j’ai longuement développé ce point. Ensuite, il faut tout mettre en œuvre pour que le délinquant qui a purgé sa peine retrouve le droit chemin dans notre société. C’est, là encore, ce que nous faisons en conditionnant les remises de peine à l’effort et en développant massivement le travail en prison avec la création du contrat du détenu travailleur. S’agissant des mineurs délinquants, vous avez voté le code de justice pénale des mineurs permettant d’appréhender la délinquance des plus jeunes plus rapidement et plus efficacement.
    S’agissant de ces axes importants, je veux ici saluer très chaleureusement l’engagement sans faille du président Houlié, mais aussi de Caroline Abadie qui a travaillé sur la question pénitentiaire et celui d’Erwan Balanant qui est à nos côtés lorsqu’il s’agit de toujours mieux prendre en charge les mineurs.
    Ma politique pénale est claire. Elle repose sur un équilibre fragile, mais que je m’efforcerai toujours de préserver : fermeté sans démagogie, humanisme sans angélisme. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)

    Discussion générale

    Mme la présidente

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    Dans la discussion générale, la parole est à M. Philippe Pradal.

    M. Philippe Pradal

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    Depuis 2017, le budget a augmenté de 40 %. Ce chiffre, à lui seul, traduit l’immense mobilisation des gouvernements successifs – et en particulier la vôtre, monsieur le garde des sceaux – en faveur de la justice : 15 000 places de prison, une prise en charge différenciée, adaptée au profil et aux besoins des détenus, avec notamment l’ouverture prochaine d’établissements et de structures d’accompagnement vers la sortie, 111 millions d’euros pour permettre l’accès au travail en prison et l’amélioration de la formation professionnelle des détenus et près de 3 millions pour la mise en place d’un dispositif d’évaluation socioprofessionnelle systématique à l’entrée en détention. Cela a été dit, il fallait le rappeler. C’est inédit, c’est ambitieux, c’est heureux.
    Il est heureux que le Gouvernement et la majorité présidentielle se donnent les moyens d’une politique à la hauteur des enjeux – je pense à la nécessité de résorber la crise de confiance profonde de nos citoyens envers l’institution judiciaire.
    Car oui, cette crise existe et nous ne saurions la négliger. Un sentiment d’inefficacité de la justice et d’impunité des délinquants s’est durablement installé dans l’opinion publique. Réel et légitime, il est à la fois à la source et la conséquence d’un manque de confiance dans l’institution judiciaire. Selon le comité des états généraux de la justice, plus de la moitié des personnes sondées disent avoir peu ou pas du tout confiance en la justice. Il ne s’agit pas de considérer que cette appréciation est systématiquement justifiée, mais elle doit être prise en considération, car la justice ne peut être rendue qu’au nom du peuple français.
    Nous assumons de dire que la récidive ou la réitération jouent un rôle particulier dans la formation de cette opinion parce qu’elles cristallisent bien souvent ce malaise chez nos concitoyens. Nous assumons de dire que, malgré l’investissement massif et inédit du ministère de la justice en la matière, ce sujet ne s’épuise malheureusement pas.
    Oui, nous nous devons de répondre à cette préoccupation majeure de nos concitoyens parce qu’au-delà d’un simple sentiment, elle témoigne d’une réalité. En 2019, 40 % des personnes condamnées ont récidivé ou réitéré. Le problème se pose de manière encore plus aiguë lorsque les faits de récidive sont commis à l’encontre des agents de service public qui assurent partout la présence de la République et l’effectivité des valeurs républicaines et qui, par leur déploiement et leur action, luttent au quotidien contre le délitement du lien social que peut représenter, pour les victimes, la délinquance d’habitude.
    C’est donc avec la conviction profonde qu’il est de notre devoir de proposer des solutions concrètes pour lutter plus efficacement encore contre ce fléau que nous souhaitons, ce matin, poser ensemble les bases d’un projet à la fois extrêmement ferme et équilibré.
    Outre les réponses budgétaires fondamentales – je l’ai rappelé –, nous soutenons profondément celle que propose aujourd’hui la rapporteure Moutchou et qui se décompose en quatre temps : sanctionner, informer, accompagner et anticiper. Car oui, cette proposition de loi repose bien sur cet équilibre global ; en négliger un aspect créerait un déséquilibre qui fragiliserait l’édifice.
    Sanctionner, d’abord. Le groupe Horizons et apparentés est profondément convaincu de la nécessité de faire preuve d’une extrême fermeté à l’égard de celles et ceux qui attaquent les symboles de notre République et se rendent coupables de délits qui portent un préjudice majeur au corps social tout entier : les auteurs récidivistes de violences commises sur les personnes dépositaires de l’autorité publique, magistrats, élus, chauffeurs de transports en commun, enseignants et personnels soignants. À cet égard, il semble nécessaire d’instaurer une peine minimale pour les délits ciblant les symboles de la République, les institutions et les personnes qui consacrent leur vie professionnelle à l’intérêt général. Cela ne constituerait en rien une marque de défiance à l’égard de l’autorité judiciaire.
    Non, il ne s’agit pas d’un rétablissement des peines planchers généralisées. Nous proposons ici un dispositif ciblé, proportionné et justifié par la nécessité de mettre toute notre énergie à lutter contre ce fléau : les actes de récidive visant les personnes qui exercent une mission de service public, bien trop souvent prises pour cibles. Comment peut-on accepter qu’une personne qui violenterait, pour la seconde fois, un chauffeur de bus, une infirmière, un gardien de HLM, une enseignante ou un agent de la CAF n’encoure pas une sanction à la hauteur du préjudice qu’elle cause à toute notre société ?
    C’est ce ciblage qui rend la philosophie de cette peine minimale bien différente de celle qui avait guidé le dispositif applicable à partir de 2008. En instaurant une peine minimale pour les violences commises envers ceux qui sont les visages de la République, l’article 1er de cette proposition de loi vise bien à poser une différence essentielle : violenter physiquement une personne exerçant une mission de service public, c’est s’attaquer à la République tout entière.
    La peine minimale vise donc à dissuader les auteurs de récidiver. Les magistrats pourront mettre en avant, lors de la première infraction, le fait qu’en cas de récidive ils seraient tenus par la loi, sauf justification, de prononcer une peine de prison ferme.
    Ce texte se garde toutefois de tout sentiment simpliste qui pourrait conduire à considérer qu’une action sur l’échelle des peines serait une arme suffisante pour régler le problème complexe de la récidive. Le principe d’une peine minimale dissuasive permettra-t-il à lui seul d’endiguer ce fléau ? Non, mais c’est la première pierre à un édifice global qui repose également sur l’accompagnement, l’information et l’anticipation.
    Le groupe Horizons et apparentés est en effet convaincu que cette fermeté ne saurait s’appréhender sans être assortie d’un accompagnement immédiat, appuyé et individualisé des personnes condamnées.
    Un accompagnement immédiat d’abord : comme l’ont recommandé le comité des états généraux de la justice et un récent rapport sénatorial, ce texte propose, sous la forme d’une expérimentation, l’organisation de permanences de Spip dans plusieurs juridictions. Une prise en charge immédiate à la sortie de l’audience contribuera, sans nul doute, à mieux accompagner les condamnés. L’accompagnement par les Spip se révèle efficace pour éviter la récidive – ceci est reconnu – mais également pour aider à la prise de conscience, par le délinquant, des conséquences de la condamnation et de l’acte commis sur les victimes. Une intervention précoce des Spip, telle que ce texte propose de l’expérimenter, représente un atout qu’il faut jouer dans la prévention de la récidive.
    L’accompagnement doit être soutenu et individualisé, car la lutte contre la récidive passe évidemment par un projet de réinsertion efficace. Ainsi, ce texte propose de rendre obligatoires les programmes de prise en charge dans le cadre des libérations sous contrainte. L’identification des programmes adaptés restera évidemment à la discrétion des Spip afin que celui proposé corresponde au profil du bénéficiaire, dans l’optique constante de prévenir la récidive ou la réitération.
    Mais, comme le souligne Mme la rapporteure, pour mener avec justesse le combat contre la récidive, il faut aussi mieux en appréhender les ressorts et mieux évaluer les dispositifs mis en place. C’est l’objectif même de la conférence de consensus ici proposée, dix ans après celle initiée par Mme Taubira. Objectiver les termes de ce débat fondamental et valoriser une approche scientifique, tel sera l’intérêt incontestable de cette conférence.
    En outre, je rappelle que la conférence de consensus précédente comptait deux élus locaux parmi ses membres, ce qui démontre leur importance fondamentale dans la chaîne pénale. C’est la raison pour laquelle nous croyons profondément qu’il est nécessaire de fluidifier encore davantage le dialogue entre les parquets et les maires en portant systématiquement à la connaissance des seconds les suites judiciaires données aux infractions ayant causé un trouble à l’ordre public sur leur commune. Les élus souffrent aujourd’hui d’un déficit d’information au sujet des suites des infractions signalées dans le territoire de leur commune, qu’ils soient ou non à l’origine de ce signalement. Or il faut rappeler que les maires, au plus près des habitants de leur commune, sont les plus à même d’identifier des situations à risque et d’anticiper d’éventuelles infractions, et sont de surcroît les employeurs des agents de la police municipale, souvent primo-intervenante auprès de la population. Mieux prévenir la récidive, c’est donc donner les moyens aux élus locaux de participer activement à la politique de prévention, comme l’a établi, dans son rapport du 14 avril 2021, la mission flash sur les entraves opposées à l’exercice des pouvoirs de police des élus municipaux, dont les corapporteurs étaient les députés Naïma Moutchou et Philippe Gosselin.
    Ce texte présenté par le groupe Horizons et apparentés vise à affronter sans crainte un problème dont dépend le sentiment de nos concitoyens à l’égard de la justice, donc la confiance pourtant indispensable qu’ils doivent lui accorder. Loin des caricatures faciles, loin d’une vision dont la focale serait fixe, il évite les solutions simplistes et uniques face à une situation complexe qui impose d’activer plusieurs leviers.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Ça, c’est sûr…

    M. Philippe Pradal

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    En clôture de mon propos, confirmant mon soutien à cette proposition de loi, je tiens à saluer le courage, le travail opiniâtre et la détermination de Mme la rapporteure Naïma Moutchou qui, présente depuis le début de son engagement citoyen et politique sur ces sujets, a toujours su mener avec justesse ses combats et qui propose aujourd’hui un texte ambitieux et équilibré. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sandra Regol.

    Mme Sandra Regol

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    La lutte contre la récidive est un enjeu réel pour toute la société, mais si de dissuasion nous devons discuter, alors discutons-en vraiment. Or nous en sommes encore loin à ce stade. Après l’inscription des peines planchers dans la loi par la majorité de Nicolas Sarkozy en 2007, ladite majorité n’avait pas cherché à en évaluer l’effet dissuasif, et on comprend rétrospectivement pourquoi. La littérature scientifique nous fournit pourtant des pistes, voire des réponses. Désolée de spoiler : elles ne vont vraiment pas dans votre sens ! Ainsi, l’étude de Thomas Gabor en 1987, celle de Florence de Bruyn en 1997 et celle menée par Sebastian Roché spécifiquement en France en 2007 confirment la contre-productivité de telles mesures.
    De même, l’étude d’impact publié en 2013 par le ministère de la justice démontre que la loi de 2007, outre qu’elle n’a en rien résolu le problème des sorties sèches, a entraîné l’allongement de la durée moyenne des peines de prison puisque l’on est passé, de 2008 à 2011, d’environ huit mois à onze mois d’emprisonnement ferme, ce qui s’est traduit par 4 000 années de prison supplémentaires. Une justice engorgée inutilement, des prisons engorgées inutilement… On voit bien que tout cela ne sert pas à grand-chose. Surtout, ces études ont démontré que si les personnes concernées sont sensibles au risque d’être mises en prison, elles ne le sont absolument pas au risque de l’aggravation des peines. Cela ne sert strictement à rien : ce n’est pas moi qui le dis, c’est la science qui le démontre.

    M. Jocelyn Dessigny et M. Laurent Jacobelli

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    Ah ?

    Mme Sandra Regol

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    Vous distinguez, madame la rapporteure, les peines planchers des peines minimales tout en plaidant pour que la justice soit efficace et forte. Ce faisant, votre proposition renvoie surtout à la logique du code pénal, mais celui de 1810, qui instaurait des peines minimales et maximales, amenuisant ainsi largement le pouvoir du juge. Or l’impératif de la justice, c’est de répondre aux besoins d’individualisation et de progressivité des peines, ce qui implique de la doter de véritables outils pour limiter la récidive et pas d’outils de communication.
    Madame la rapporteure, je vous le dis : les députés du groupe Écologiste-NUPES ne seront pas de ceux qui prônent le retour au XIXe siècle ! (Exclamations sur les bancs du groupe HOR.)
    Il semble que la ZAD se soit drôlement déplacée vers la droite, ces derniers temps…
    Le risque, en confondant la communication et l’action, c’est de tomber dans une inaction condamnable qui nuit aux personnes que vous souhaitez protéger. Je crois en votre sincérité mais, en l’état, votre proposition sert tout juste à rappeler à votre base électorale votre positionnement à droite – c’est sûr qu’entre LR et Horizons, on peut parfois s’y perdre. Si cela peut vous rassurer, nous n’avions aucun doute sur le fait que votre logique est tout à fait à droite. (Mêmes mouvements.) Néanmoins, rendre ainsi un hommage appuyé à l’une des dérives phares de Nicolas Sarkozy – qui a pourtant largement contribué à laminer la droite française – n’est pas la solution la plus raisonnable au vu du coût social aggravé, du coût financier largement documenté et de l’inefficacité des peines planchers, tout cela dans le contexte de l’engorgement de la justice.

    M. Jocelyn Dessigny

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    C’est sûr que vous voulez laisser dehors les récidivistes !

    Mme Sandra Regol

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    Je vois que je vous réveille toutes et tous, c’est déjà ça…
    Je m’interroge sur le but de cette loi, puisque je viens de vous en démontrer l’inefficacité. Vous mettez l’accent sur l’anticipation. On sera d’accord là-dessus, mais celle-ci suppose de renforcer la police dans ses missions et la justice dans son action, ce qui demande d’investir davantage, mais dans le bon sens – l’investigation, la justice, etc. Entrer dans le système carcéral du XXIe siècle revient à remettre enfin la police au service du public et à doter largement la justice en suivant l’exemple des pays européens qui n’incarcèrent pas massivement et où les chiffres de la récidive sont pourtant très bas. Si chercher à éviter la récidive veut vraiment dire chercher à protéger la population, vous voterez alors, mes chers collègues, comme les écologistes de la NUPES, contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES, SOC et GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Elsa Faucillon.

    Mme Elsa Faucillon

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    La proposition de loi que nous examinons ce matin s’inscrit selon le groupe GDR-NUPES dans la mouvance d’inflation carcérale, voire de populisme carcéral, que nous combattons à la fois en raison de son inefficacité et de sa dangerosité. Votre texte, madame la rapporteure, s’appuie sur des données tronquées concernant la récidive : non, celle-ci ne subit pas une folle augmentation, elle est même plutôt stable. La sanction carcérale est au cœur de votre proposition, qui prévoit le retour aux peines planchers, et ce dès l’article 1er, dans un texte qui pourtant appelle à mieux lutter contre la récidive.
    Aucune étude, d’autres l’ont dit avant moi, n’a prouvé l’efficacité des peines planchers dans la lutte contre la récidive : au contraire, leur introduction en 2007 a été un échec en termes de dissuasion – bien que je voie que vous essayez de vous défaire de cette origine, je dois vous le rappeler. Les statistiques mêmes du ministère de la justice indiquent qu’en 2005, 2,6 % des condamnés pour crime et 6,6 % des condamnés pour délit étaient récidivistes, alors qu’ils étaient respectivement 5,6 % et 11 % trois ans après l’entrée en vigueur de la loi instituant les peines planchers. Nous pensons que notre arsenal législatif est assez riche pour lutter contre les réitérations de violence. Ainsi, le code pénal et le code de procédure pénal prévoient déjà l’aggravation des condamnations lorsqu’il est constaté un état de récidive légale.
    Par ailleurs, cette proposition de loi s’oppose en tout point au mouvement de sortie du tout carcéral vers lequel nous devrions tendre. Prévoir une peine de prison systématique pose très clairement un problème au regard de la surpopulation et de la suroccupation des prisons françaises. Rappelons que, trois ans après la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour l’indignité de ses prisons, le comité des ministres du Conseil de l’Europe a une nouvelle fois constaté l’insuffisance des mesures prises par les autorités françaises en demandant l’adoption rapide d’une stratégie globale et cohérente pour réduire la surpopulation carcérale. Voilà à quoi nous devrions plutôt nous atteler au Parlement. Je suis sûre que tous les collègues qui accomplissent leur devoir en usant de leur droit de visite des lieux de privation de liberté l’ont constaté : en 2018, le taux d’occupation des prisons s’élevait à 120 % en moyenne et à 200 % en région parisienne.
    Nous croyons profondément qu’il existe des moyens efficaces et respectueux des droits humains pour lutter contre la récidive, même si cela n’a rien d’évident ni de facile. C’est un défi, certes, mais nous devons le relever. Cela nécessite, en premier lieu, des moyens humains et financiers. Or la justice pénitentiaire, en particulier les Spip, subit des coupes budgétaires depuis de nombreuses années : en 2016, les conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation n’étaient que 2 300 pour suivre 165 000 personnes en milieu ouvert, dont 11 000 personnes sous bracelet électronique. J’ajoute que l’article 3 de votre proposition de loi poursuit la logique de rationalisation des Spip en proposant des permanences au sein des tribunaux judiciaires, mais c’est méconnaître les interventions ainsi que les revendications de leur personnel.
    Enfin, nous regrettons amèrement l’absence de mention des peines alternatives dans la lutte contre la récidive. Les études sont pourtant sans équivoque : l’emprisonnement contient intrinsèquement des conditions qui favorisent la récidive – je pense notamment à la désocialisation. La CEDH recommande, dans un rapport de 2006, d’étendre l’exécution de peines alternatives dans les cas de récidive, considérant que ceux-ci ne sont qu’un symptôme d’une mauvaise réinsertion et qu’il s’agit alors de mieux accompagner les personnes. Le code pénal prévoit d’ailleurs un éventail de peines alternatives à la prison qui peuvent intervenir avant la sentence du juge. Certes, la présente proposition de loi prévoit une systématisation des programmes de prise en charge de condamnés bénéficiant d’une libération sous contrainte, mais sans en préciser les contours. Nous pensons que la liberté conditionnelle, pour être efficace et permettre la réinsertion, doit être préparée individuellement, qu’elle doit s’adapter au profil du condamné et être différenciée.
    Cette proposition de loi, madame la rapporteure, loin de s’attaquer aux origines de la récidive, multiplie et aggrave les peines sans leur donner un sens ni les inscrire dans une perspective de réinsertion. Tout cela fait suffisamment de bonnes raisons pour que le groupe GDR-NUPES vote contre un texte qui ne s’appuie que sur de mauvaises raisons. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Paul Molac.

    M. Paul Molac

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    Pour sa première niche parlementaire depuis sa création, le groupe Horizons a fait le choix de rouvrir un débat symbolique et politique, celui des peines planchers. C’est remettre une question polémique à l’ordre du jour. Je ne ferai pas durer le suspense : nous sommes, au groupe LIOT, majoritairement opposés à cette initiative et nous saluons le rejet de l’article 1er par la commission des lois. Je m’interroge sur le but que vous poursuivez, chers collègues, avec ce retour – certes par la petite porte, mais tout de même – des peines planchers.
    Quel en est le bilan ? Ont-elles été un frein à la récidive ? Le dispositif a été mis en œuvre en 2007 à la suite de la volonté ferme, on s’en souvient encore, du président de l’époque, Nicolas Sarkozy, de renforcer la répression. L’idée était alors qu’un contrevenant – un délinquant ou un criminel – serait dissuadé de commettre de nouveaux actes répréhensibles dès lors qu’une peine plancher serait instaurée. Entre 2007 et 2014, on a assisté à une augmentation de près de cinq points de la récidive en matière de vol. Il apparaît que ce système de peines planchers n’est pas dissuasif et que, pire encore, il ne fait pas baisser la délinquance que subissent nos concitoyens et ne favorise en aucun cas la réinsertion des individus après leur condamnation. Je crois que l’argumentation que vient d’exposer le garde des sceaux était très claire et a bien montré que ces peines ne résolvent rien, bien au contraire.
    Avec cette proposition de loi, s’agit-il d’établir une société où l’on enferme purement et simplement les contrevenants en diminuant les chances d’aboutir à une réinsertion, ou d’œuvrer dans le sens d’une meilleure prévention ? Les mesures que vous proposez, madame la rapporteure, ne nous paraissent pas efficaces et, pour tout dire, assez inutiles. Au fond, on est face à un marqueur idéologique et politique. Chers collègues, vous savez comme moi que les méfaits délictueux ou criminels ont des causes multiples, et que des réponses simplistes à des problèmes complexes sont vouées à l’échec. Enfermer la misère sociale derrière des murs ne règle rien, renforcer les peines non plus. Ce n’est donc pas avec des peines planchers qu’on limitera le passage à l’acte, mais plutôt grâce à un accompagnement efficace et individualisé.
    Cela étant dit, je tiens à souligner la qualité du travail fourni par les Spip et le dévouement de leurs agents. C’est bien leur activité, en concertation avec les services judiciaires, qui permet une meilleure réinsertion des personnes condamnées et, de facto, une baisse de la délinquance. Si je peux me permettre de paraphraser Victor Hugo en la matière : ouvrez des écoles, vous fermerez des prisons. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

    M. Antoine Léaument

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    Ils n’aiment pas l’école !

    M. Paul Molac

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    Comme cela a été souligné en commission, il est bien surprenant de proposer une nouvelle conférence du consensus, tout en faisant évoluer la législation simultanément. Le temps de la concertation intervient après le temps de la décision ; à mon sens, il aurait été plus pertinent d’inverser les choses. En tout cas, cela aurait peut-être permis, après discussion et échanges, d’emporter l’adhésion des professionnels. Car force est de constater que si consensus il y a, c’est plutôt contre ce texte !
    Enfin, notre rôle en tant que législateur est bien de fixer un cadre légal pour l’autorité judiciaire, de manière que les magistrats puissent d’eux-mêmes décider de la peine la plus adaptée, en fonction de critères de droit et de fait et des critères liés aux personnes elles-mêmes. Le but est bien entendu de sanctionner, dès lors que cela est nécessaire, mais aussi et surtout de prévenir la récidive et de réinsérer ces personnes dans la société.
    Introduire des peines planchers revient à remettre en cause le travail réalisé par les magistrats et l’ensemble de la chaîne du droit. Dans ces temps troublés, où les critiques pleuvent parfois sur la place publique à l’encontre des juges, nous devons réitérer notre confiance dans la justice, et non faire preuve de défiance envers elle.
    Pour toutes ces raisons, notre groupe votera contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Caroline Abadie.

    Mme Caroline Abadie

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    Madame la rapporteure Naïma Moutchou, vous nous soumettez aujourd’hui une proposition de loi visant à lutter contre la récidive. Nous partageons votre ambition. Nous le devons en tout premier lieu aux victimes, pour qui chaque agression est insoutenable. La récidive, c’est le seul indicateur sur lequel on puisse évaluer l’efficacité de nos politiques pénales. On ne demande pas à la justice de lutter contre les primo-délinquants ; c’est après la commission du premier délit, quand toutes les politiques publiques et toutes les institutions – famille, école, entreprise – ont échoué que l’on demande à la justice de réussir.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    C’est vrai !

    Mme Caroline Abadie

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    La récidive n’est pas un fait, c’est une qualification juridique. Plus les juges reconnaissent la récidive, pour la punir plus durement, plus la récidive augmente, en conséquence de quoi le nombre de réitérants diminue. Cette statistique est totalement contre-intuitive, mais les vases communiquent bel et bien entre réitérants non punis de récidive et réitérants punis de récidive. Nous constatons d’ailleurs que le total de ces deux indicateurs s’est stabilisé en 2021.
    Pour lutter contre la récidive, il faut dissuader par la répression. Tel est justement le sens de l’action que nous menons ensemble depuis 2017, madame la rapporteure, notamment en matière d’agressions visant l’autorité publique : peines plus sévères pour les violences commises contre les forces de sécurité et lors des refus d’obtempérer, limitation des réductions de peine pour les violences graves contre les élus, etc. En même temps, nous nous sommes efforcés de donner à la réinsertion les moyens qu’elle mérite : nous avons recruté 1 500 agents des Spip en cinq ans, créé 2 000 places en structures d’accompagnement vers la sortie (SAS), augmenté la formation professionnelle en détention, favorisé le travail en détention, avec notamment la création d’un statut du détenu salarié. Considérez que je ne cite là que les principaux leviers de désistance mis en lumière par de nombreuses recherches internationales ou nationales ; je pense en particulier aux travaux de l’Observatoire de la récidive et de la désistance.
    Les moyens de la lutte contre la récidive que vous nous proposez aujourd’hui doivent être appréciés à la seule lumière de leur efficacité. Comment évalue-t-on une politique pénale ? A-t-elle réussi à dissuader ? Dans le cas des peines planchers, nous avons la réponse. En effet, le mécanisme des peines planchers a été en vigueur de 2007 à 2014, avec un champ d’application plus large, bien sûr, mais selon le même régime. L’évaluation montre clairement que le dispositif ne fonctionnait pas : d’abord, parce que les juges ont fini par le bouder ; ensuite, parce qu’il n’a pas eu d’impact sur les peines d’emprisonnement prononcées, proches de 94 %, avant comme après cette période ; enfin et surtout, parce que la part des récidivistes n’a pas diminué de 2007 à 2014 – au contraire, elle n’a fait qu’augmenter, tout comme le taux de réitérants. Robert Badinter avait raison : les délinquants ne se baladent pas avec un code pénal sous le bras !
    L’article 1er nous pose d’autant plus question qu’aujourd’hui les délits visés par le texte, ceux qui sont passibles de cinq ans d’emprisonnement en récidive, sont déjà punis d’une peine moyenne d’emprisonnement de 14,2 mois, au-delà des 12 mois proposés ici. À la lumière de ce bilan défavorable, notre groupe ne soutiendra pas l’article 1er.
    Le groupe Renaissance aura pour autre ligne directrice de ne pas vider le texte de sa substance contre la volonté de son auteur – je m’en suis entretenu avec la rapporteure –, au-delà même des réserves qu’appellent les autres dispositions. Par exemple, le retour des Spip au sein des juridictions, prévu à l’article 3, serait considéré par les professionnels comme une vraie remise en cause de la réforme de ces services – c’est ce qu’affirme la Conférence nationale des directeurs pénitentiaires d’insertion et de probation (CNDPIP). S’agissant de l’article 5, il convient de rappeler qu’une conférence de consensus de prévention de la récidive a déjà eu lieu en 2013, laquelle avait justement préconisé de mettre fin aux peines planchers.
    Dans la continuité de nos débats en commission, nous adopterons donc une position globalement défavorable. Mais j’aimerais rappeler un dernier point, car je sais que nos collègues du Rassemblement national ne manqueront pas de se saisir de ce débat pour défendre un fantasme frontiste selon lequel la justice de notre pays serait laxiste.

    M. Laurent Jacobelli

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    Mais elle est laxiste ! On a un très mauvais ministre !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    C’est vrai que vous êtes un excellent député…

    Mme Caroline Abadie

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    Nous n’avons jamais manqué de fermeté pour réprimer la délinquance envers les représentants de l’autorité, ni la délinquance en général :…

    M. Laurent Jacobelli

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    Huit Français sur dix trouvent la justice laxiste !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Vous ne savez pas lire les chiffres, c’est affreux !

    Mme Caroline Abadie

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    …il n’y a qu’à observer la durée d’incarcération moyenne, qui a plus que doublé entre 1980 et 2021, le nombre de condamnations qui, lui aussi, a plus que doublé entre 2002 et 2021, ou encore le nombre de détenus, qui est passé de 53 000 à 73 000 sur la même période, sous l’effet de nos politiques et sans que la délinquance ait évolué. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – M. le président de la commission des lois applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Timothée Houssin.

    M. Timothée Houssin

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    De prime abord, le titre de votre texte est enthousiasmant : on nous promet de lutter contre la récidive, ce que nous réclamons depuis de nombreuses années ! Pour cette journée de niche parlementaire du groupe Horizons et apparentés, c’est-à-dire la pseudo-droite de la Macronie (« Oh ! » sur les bancs du groupe HOR), nous pouvions espérer un texte ambitieux, marqué par une ligne politique claire et à même de lutter contre la récidive. Nous pouvions aussi espérer qu’une majorité incluant toute la Macronie s’accorde pour voter ce texte.
    Malheureusement, après lecture du titre, on découvre rapidement le contenu de votre proposition de loi. Soyons clairs, celle-ci va dans le bon sens, mais la promesse faite par le titre n’est pas tenue. On comprend vite que l’objectif d’Horizons est de communiquer auprès de l’aile droite de la Macronie sans pour autant froisser l’aile gauche, qui gère réellement les questions de justice par le biais du symbolique Dupond-Moretti. On est dans le fameux « en même temps » macroniste : vous voulez communiquer auprès du public sur un texte de lutte contre la récidive et, en même temps, le Gouvernement entend poursuivre sa politique laxiste.
    Le titre de votre proposition de loi nous a fait oublier un instant que, par définition, la ligne d’Horizons est une ligne abstraite qu’on n’atteint jamais.

    M. Jérémie Patrier-Leitus

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    Comme c’est spirituel !

    M. Timothée Houssin

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    Finalement, tout le monde a compris que si ce texte est peu ambitieux et passe par le biais de cette niche, c’est parce qu’en réalité il n’y a pas de consensus au sein de la minorité présidentielle en faveur d’un renforcement des peines en cas de récidive, même pour les cas les plus graves ! C’est ce que laisse entendre M. Darmanin lorsqu’il évoque les peines planchers…

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Vous ne voulez pas changer de discours ?

    M. Timothée Houssin

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    …et c’est ce qu’ont confirmé vos collègues du groupe Renaissance lors du vote du texte en commission.
    Nous l’avons dit, cette proposition de loi ne lutte pas contre toutes les récidives ; il lutte uniquement – et ce n’est certes pas sans importance – contre les récidives les plus graves, mais aussi les plus symboliques. Je veux parler des récidives de violences commises contre ceux de nos compatriotes qui sont le plus exposés : nos élus, nos forces de l’ordre, nos pompiers ou encore nos enseignants.
    Nous pouvions espérer que l’article 1er, qui renferme une proposition de bon sens, fasse consensus au sein de la représentation nationale, mais ce n’est pas le cas. En commission, la gauche et l’extrême gauche de la NUPES – ceux qui affirment que la police tue – et leurs alliés ont voté contre ce dispositif. Plus surprenant encore : le vote du groupe Renaissance, qui a refusé de soutenir vos propositions et de vous donner une majorité pour mieux lutter contre ce type de récidives. Fidèle à la ligne directrice de votre ministre de la justice, M. Dupond-Moretti, le groupe Renaissance refuse tout renforcement des sanctions contre les délinquants.
    Nous l’avons dit, aux yeux du Rassemblement national, votre texte est un minimum en matière de lutte contre la récidive. Certes, le renforcement proposé serait une avancée. Mais nous, nous voudrions protéger tous les Français contre les récidivistes, à l’heure où 40 % des personnes condamnées sont en état de récidive ou de réitération et où la proportion de récidivistes ne fait qu’augmenter, aussi bien en matière délictuelle que criminelle.
    Nous aurions voulu protéger Sihem, retrouvée morte le mois dernier dans un chemin ; le casier judiciaire du principal suspect, qui a avoué les faits, comporte quatorze condamnations. Nous aurions voulu protéger Céleste, 15 ans, violée et tuée à Nantes par un récidiviste condamné à dix-huit ans de prison pour neuf viols et quatre agressions, mais qui en est sorti au bout de treize ans.
    Des familles lambda, sans titre, sans pouvoir, frappées en France par les drames de la récidive, il y en a des centaines. Elles sont les grandes oubliées de votre proposition de loi, et c’est aussi pour elles que nous voulons légiférer. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) C’est en ce sens que nous proposerons, par voie d’amendement, de rétablir les peines planchers, telles qu’elles ont été créées en 2007.
    Notons que nos amendements visant à rétablir la double peine ont été jugés comme des cavaliers législatifs.

    M. Erwan Balanant

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    À juste titre !

    M. Timothée Houssin

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    Et pour cause : en matière de lutte contre la récidive, vous ne prévoyez aucun dispositif pour faciliter l’expulsion des délinquants étrangers, alors qu’ils représentent près de 20 % des condamnés. La révocation automatique du sursis en cas de récidive, que nous proposions, a également été déclarée irrecevable – nous le regrettons. Vous ne faites rien non plus pour lutter contre la réitération, qui consiste pour des délinquants à commettre de nouveaux crimes ou délits différents des précédents et ne répondant pas aux critères de la récidive légale. Pourtant, ces délinquants pourrissent la vie des Français !
    Vous l’avez compris, votre proposition de loi nous semble insuffisante ; nous vous proposerons donc des pistes pour la renforcer. Toutefois, si elle n’est pas vidée de son contenu par la gauche, sous l’œil bienveillant du garde des sceaux…

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Ah !

    M. Timothée Houssin

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    …et avec la complicité du groupe Renaissance, nous la soutiendrons. Nous sommes fidèles à notre volonté de voter toute proposition qui va dans l’intérêt des Français. Le renforcement des sanctions contre les récidivistes coupables d’agressions de dépositaires de l’autorité de l’État va de soi.
    Les députés du Rassemblement national seront aujourd’hui dans l’hémicycle pour contribuer à donner une majorité à ce texte, contre l’extrême gauche de la NUPES et son laxisme, mais aussi contre l’immobilisme coupable des députés du groupe Renaissance, qui refusent de renforcer les sanctions contre des récidives de violences graves, ce dont les Français seront témoins – nous ne manquerons jamais de le rappeler si les groupes que j’ai désignés venaient à faire échouer ce texte. (« Excellent ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Andrée Taurinya.

    M. Antoine Léaument

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    Ah, ça va être autre chose que la bouillie des fachos !

    Mme Andrée Taurinya

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    La folie, c’est faire toujours la même chose et s’attendre à un résultat différent. En voici un bel exemple : pour lutter contre la récidive en 2023, la minorité présidentielle propose de rétablir les peines planchers sous les applaudissements du Rassemblement national. (« Ah ! » sur les bancs du groupe RN.)

    M. Erwan Balanant

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    Vous n’avez pas écouté ce qu’a dit le garde des sceaux ?

    Mme Andrée Taurinya

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    Madame la rapporteure, j’ai cru comprendre que votre proposition de loi faisait grincer des dents, depuis les rangs de votre intergroupe politique jusque dans les bureaux du ministère de la justice. Expliquez-moi ceci : qui sort son code pénal pour vérifier le quantum de la peine encourue avant de commettre une infraction ?

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

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    Oh !

    Mme Andrée Taurinya

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    Je me permets de vous donner la réponse : absolument personne !

    M. Antoine Léaument

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    C’est évident !

    Plusieurs députés du groupe RN

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    Nul n’est censé ignorer la loi !

    Mme Andrée Taurinya

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    Non, les peines planchers n’ont jamais eu aucun effet sur la récidive ou sur le passage à l’acte d’une manière générale. Mais vous, vous proposez de les rétablir. Lorsqu’elles sont introduites par Rachida Dati dans le cadre de la loi du 10 août 2007, les peines planchers ont pour effet d’augmenter la durée d’enfermement des personnes écrouées, et c’est tout.

    M. Laurent Jacobelli

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    C’est déjà ça !

    M. Jocelyn Dessigny

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    En attendant, les délinquants ne sont pas dans la rue !

    Mme Andrée Taurinya

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    Les prisons se remplissent à tel point que le gouvernement Fillon doit, un an plus tard, faire adopter une loi sur les aménagements de peine.

    M. Laurent Jacobelli

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    Il n’y avait qu’à construire des prisons !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    C’est ce qu’on a fait ! Heureusement que vous êtes là…

    Mme Andrée Taurinya

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    En 2014, ce dispositif disparaît enfin. Il égratignait le principe constitutionnel d’individualisation de la peine, consacré par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Je vous le rappelle, dans un État de droit, la peine et ses modalités d’exécution répondent au niveau de gravité des faits sanctionnés ; elles doivent être adaptées à la situation du condamné. Voilà le deuxième écueil auquel vous vous heurtez. Au mépris de l’avis des organisations syndicales d’insertion et de probation, vous imposez le grand retour des Spip dans les tribunaux en phase postsententielle. Avec quels moyens, avec quel argent et dans quels locaux ? On ne le sait pas.
    Ce n’est pas le gage sur les tabacs prévu à l’article 6 qui nous donnera le détail budgétaire de cette mesure.
    Vous voulez « garantir la prise en charge immédiate des condamnés à l’issue de l’audience ». Dès le départ, vous saboterez l’adhésion du condamné à tout programme de réinsertion.

    M. Laurent Jacobelli

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    Et les victimes, on en parle ?

    Mme Andrée Taurinya

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    Vous ne tenez pas compte des heures tardives auxquelles s’achèvent les audiences, surtout dans le cadre des comparutions immédiates. Par son automaticité, ce texte casse la logique de l’individualisation de la peine. C’est une véritable méconnaissance du travail des Spip.

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

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    Oh !

    Mme Andrée Taurinya

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    Vous fixez des objectifs irréalisables à l’administration pénitentiaire. Dans ce contexte, vous ne vous donnez ni les effectifs, ni les moyens, ni le temps pour prévenir la récidive.
    Difficile de traiter d’un sujet aussi sérieux lorsque votre vision est obstruée par des œillères dogmatiques ! Car tel est bien votre problème : vous vivez dans une réalité parallèle…

    M. Jérémie Patrier-Leitus

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    C’est une blague ?

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

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    C’est moi qui vous ai fait ce reproche.

    Mme Andrée Taurinya

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    …en refusant d’affronter le réel, qui vous insupporte : celui d’une densité carcérale hallucinante, qui n’en finit plus d’augmenter (« C’est vrai ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES) ; celui, en prison, d’un manque d’accès au travail, à la formation professionnelle, à la santé, à la culture, à l’hygiène et à l’intimité ; celui du taux de suicide des détenus et des conditions de travail toujours plus insupportables des surveillants, qui doivent supporter les défaillances de nos politiques publiques en matière de santé mentale.
    Certains pensent, dans notre pays, que la justice est laxiste. (« Oui ! » sur les bancs du groupe RN.)

    M. Jocelyn Dessigny

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    C’est le cas de 80 % des Français !

    Mme Andrée Taurinya

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    Qu’ils m’expliquent alors pourquoi nos maisons d’arrêt sont occupées en moyenne à 142 % de leur capacité maximale. (« Bonne question ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Plusieurs députés des groupes RN et LR

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    Parce qu’il n’y a pas assez de places de prison !

    M. Ian Boucard

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    On en a construit 2 000 au lieu de 15 000 !

    Mme Andrée Taurinya

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    Vous voulez vraiment mieux lutter contre la récidive ? Commencez par introduire un mécanisme pérenne de régulation carcérale, que la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté appelle de ses vœux. Luttez contre les conditions de détention indignes dans nos prisons. Luttez contre les sorties sèches en écoutant les recommandations des agents d’insertion et de probation. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Antoine Léaument

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    Exactement !

    M. Laurent Jacobelli

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    C’est la députée des prisonniers qui s’exprime, pas celle des victimes !

    Mme Andrée Taurinya

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    Allégez le fardeau de nos surveillants en sous-effectif, confrontés au quotidien à la perte de sens, dans leurs locaux vétustes. Ce serait un bon début !

    M. Jocelyn Dessigny

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    Bientôt, les victimes devront s’excuser d’avoir provoqué les criminels !

    Mme Andrée Taurinya

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    Pour toutes ces raisons, vous l’avez compris, le groupe La France insoumise s’opposera fermement à ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Roger Vicot applaudit également.)

    M. Laurent Jacobelli

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    Évidemment ! C’est le parti du chaos !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Ian Boucard.

    M. Ian Boucard

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    Nous examinons la proposition de loi visant à mieux lutter contre la récidive, présentée par notre collègue Naïma Moutchou, à qui je tiens à rendre hommage pour la qualité de son travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR. – M. Nicolas Ray applaudit également.)
    Ce texte a notamment pour objet de créer une peine minimale d’un an d’emprisonnement pour les délits de violences commis en état de récidive légale et ayant entraîné une incapacité totale de travail (ITT) à l’encontre des personnes dépositaires de l’autorité publique et des personnes chargées d’une mission de service public. Bien évidemment, le dispositif prévoit que le juge puisse déroger à ce seuil minimal par une décision spécialement motivée, ce qui invalide l’ensemble des arguments qui ont été opposés à l’article 1er.
    La récidive est, malheureusement, un sujet terriblement d’actualité. Et pour cause : le bilan régalien d’Emmanuel Macron est particulièrement mauvais. Ce n’est pas uniquement mon avis et celui de nombreux Français ; ce sont les chiffres du ministère de la justice eux-mêmes qui le disent.

    M. Xavier Breton

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    Eh oui !

    M. Ian Boucard

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    En effet, 41,7 % des individus condamnés en 2021 étaient des récidivistes ou des réitérants. Ce taux de récidive a d’ailleurs explosé, la proportion de récidivistes en matière délictuelle ayant augmenté de 8 points depuis 2018. Il est donc primordial que le législateur s’empare de ce sujet pour prendre les mesures adéquates, face à une délinquance qui explose et à des peines qui restent dérisoires.
    Pour étayer mes propos, je rappelle qu’en 2022, la quasi-totalité des indicateurs de la délinquance enregistrée étaient en hausse par rapport à l’année précédente. Ces hausses sont la poursuite de celles qui avaient été observées avant la crise sanitaire. En 2022, les homicides et les coups et blessures volontaires ont ainsi augmenté de 15 % ; les violences sexuelles, de 11 % ; les escroqueries, de 8 %. Par ailleurs, nos forces de l’ordre sont de plus en plus prises pour cibles. On dénombre chaque jour plus de 100 violences contre les dépositaires de l’autorité publique, nombre qui a crû de 21 % en trois ans.
    Pour ne rien arranger à la situation, Emmanuel Macron a délibérément employé, en décembre 2020, l’expression « violences policières » pour désigner des bavures individuelles. En utilisant cette expression typique d’une extrême gauche qui dit chaque jour son désaveu de nos forces de l’ordre,…

    M. Xavier Breton et M. Nicolas Ray

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    Très juste !

    M. Antoine Léaument

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    Mais non !

    M. Ian Boucard

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    …le Président de la République lui-même a abandonné celles et ceux qui risquent chaque jour leur vie pour protéger la nôtre.
    Il faut par ailleurs noter une baisse du nombre de délinquants et de criminels derrière les barreaux. Il y a en effet moins d’individus incarcérés aujourd’hui que lorsque Christiane Taubira était garde des sceaux. Au 1er janvier 2022, on comptait 68 345 détenus écroués, contre près de 70 000 en 2017. La France, deuxième pays européen pour le nombre d’agressions, est seulement le dix-septième pour le nombre de détenus !
    Face à tous ces problèmes, quelle réponse apporte-t-on à nos concitoyens ? Elle est aujourd’hui inexistante ! En effet, depuis la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales, toutes les mesures prises en 2007 par la droite républicaine ont été abrogées.
    Pourtant, la loi de 2007 prévoyait une peine minimale dès la première récidive pour les crimes et délits passibles d’au moins trois ans d’emprisonnement. De fait, la peine était d’au moins un tiers de la peine maximale prévue. Bien évidemment, le juge pouvait, uniquement en cas de première récidive, prononcer une peine inférieure, à condition de la motiver spécialement – c’est également ce que vous proposez, madame la rapporteure. Il est vrai que la marge d’appréciation du juge était plus faible en cas de deuxième récidive, notamment pour l’ensemble des délits punis d’au moins dix ans d’emprisonnement, notamment les délits commis avec violence et les agressions ou atteintes sexuelles. La peine minimale ne pouvait alors être atténuée que sur le fondement de « garanties exceptionnelles d’insertion ou de réinsertion ».
    Si la proposition de loi que nous étudions va dans le bon sens, elle édulcore nettement ce que Rachida Dati avait mis en place, car elle restreint le retour des peines planchers aux violences commises à l’égard des personnes dépositaires de l’autorité publique.
    J’en viens aux autres dispositions de la proposition de loi. L’article 2 rend systématique l’information des maires par les parquets sur les suites judiciaires données aux infractions constatées sur le territoire communal par la police ou la gendarmerie ; c’est évidemment une bonne chose. L’article 3 instaure l’expérimentation, pendant trois ans et dans cinq départements au moins, de l’organisation de permanences des Spip au sein des tribunaux judiciaires. L’article 4 généralise le suivi de programmes de prise en charge à la sortie de prison des condamnés bénéficiant d’une libération sous contrainte. L’article 5 prévoit l’organisation en 2023 d’une conférence de consensus sur la lutte contre la récidive.
    Les peines minimales assurent un juste équilibre entre deux exigences majeures : une répression accrue des actes commis en récidive et le respect des principes fondamentaux de notre droit pénal. Le fait que le juge puisse déroger au principe de la peine minimale permet de respecter pleinement les principes de nécessité et d’individualisation des peines, qui ont, cela a été rappelé, valeur constitutionnelle.
    En fin de compte, cette proposition de loi incarne la politique pénale menée par cette majorité depuis 2017. Je vous ai écouté attentivement, monsieur le garde des sceaux. Dans toute la première partie de votre raisonnement, vous avez expliqué que cette proposition de loi n’était pas adéquate parce qu’elle était soutenue par la droite républicaine et par une partie de l’extrême droite.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je n’ai pas dit cela !

    M. Ian Boucard

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    Je vous rappelle qu’elle est présentée par une partie de votre majorité. Sur les questions pénales, la majorité présidentielle montre son éclatement entre une aile droite, qui a la volonté d’écouter les Français et de mener une politique plus répressive, et une jambe gauche. Quand il s’agit de condamner les coupables, cette majorité boite souvent sur sa gauche – en disant cela, je ne regarde pas seulement M. le président de la commission des lois, mais aussi de nombreux membres de la majorité. Tout cela relève du « en même temps ». Le ministre de l’intérieur fait de grandes déclarations et veut mieux protéger les forces de l’ordre ; pour votre part, monsieur le garde des sceaux, vous ne voulez pas avancer en la matière, et je le regrette.

    M. Nicolas Ray

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    C’est dommage !

    M. Xavier Breton

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    On en voit les résultats !

    M. Ian Boucard

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    En conséquence, le groupe Les Républicains votera en faveur de cette proposition de loi, qui va dans le bon sens. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR et HOR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Erwan Balanant.

    M. Erwan Balanant

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    Vous l’avez dit, madame la rapporteure, le sujet est sérieux. Il est question en premier lieu de la récidive légale et de la triple peine qu’elle provoque : peine pour les victimes, qui se trouvent ou se retrouvent confrontées à de la violence ; peine pour l’auteur, qui tombe dans la spirale infernale de la délinquance ; peine pour la société, qui fait le constat de son échec, puisqu’elle n’est pas parvenue à réinsérer un individu.
    Soyez rassurée, madame la rapporteure, le groupe Démocrate estime comme vous qu’il est primordial de lutter contre la récidive. La politique pénale conduite ces dernières années en témoigne. La loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice et la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire ont toutes deux visé à mieux préparer la sortie de prison et à favoriser l’insertion. Nous devons continuer dans cette voie. Tel sera le cas avec la loi de programmation de la justice issue des états généraux qui se sont tenus au printemps dernier.
    Toutefois, le groupe Démocrate en est convaincu, la solution que vous proposez n’est pas la bonne. Notre histoire en est le témoin. En rejetant le droit de grâce et en instaurant le système des peines fixes, les révolutionnaires avaient souhaité rompre avec l’absolue liberté des parlements de l’Ancien Régime. La détermination légale de la peine et le rôle réduit accordé au juge étaient synonymes de rempart contre l’arbitraire. Heureusement, l’individualisation judiciaire, longtemps redoutée, est désormais réhabilitée.
    La peine minimale, aussi appelée peine plancher, va à l’encontre de ce mouvement d’individualisation judiciaire. Plus encore, il va à l’encontre d’un principe fondamental de notre droit : l’individualisation des peines. Peu importe que la peine minimale soit introduite dans le cas particulier du mépris de l’autorité. Il n’en demeure pas moins que la sanction sera fondée sur l’acte constitutif de l’infraction lui-même, à l’exclusion des éléments contextuels et circonstanciels qui l’entourent. Certes, la possibilité de déroger à la peine plancher restera ouverte, mais elle portera fortement atteinte au principe que j’ai rappelé.
    La discrétion de l’autorité judiciaire ne peut pas être encadrée de la sorte par le pouvoir législatif. Si je n’oublie pas la décision rendue en 2007 par les sages de la rue Montpensier, je constate l’évolution de la jurisprudence récente du Conseil constitutionnel, qui montre un changement de paradigme et s’inscrit dans la lignée des jurisprudences de la Cour de cassation et de la Cour européenne des droits de l’homme. Ainsi, par une décision du 2 mars 2018, le Conseil constitutionnel a indiqué que le principe de l’individualisation des peines imposait « la motivation des jugements et arrêts de condamnation, pour la culpabilité comme pour la peine ». Cette réforme prétorienne est révélatrice de ce mouvement d’individualisation des peines. Dès lors, les sages pourraient invalider votre dispositif.
    Au-delà de cet obstacle constitutionnel, il est nécessaire de rappeler le bilan plus que mitigé des peines planchers, qui a conduit, rappelons-le, à leur abrogation en 2014.

    M. Ian Boucard

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    Par les socialistes !

    M. Erwan Balanant

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    Cet argument justifierait à lui seul notre opposition à votre dispositif.

    M. Stéphane Viry

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    C’est un peu court !

    M. Erwan Balanant

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    En pratique, les dérogations ont été nombreuses, jusqu’à devenir majoritaires dans les décisions des juges, hostiles à ces sanctions quasi automatiques qui portent atteinte à leur office. Face à cette réticence, la ministre de la justice de l’époque avait enjoint aux procureurs de requérir systématiquement la peine plancher durant l’audience et d’interjeter appel si elle n’était pas prononcée par le juge, tout cela sans effet. Preuve en est que, dans 60 % des cas où le juge était censé prononcer une peine minimale, il a fait usage de sa possibilité d’y déroger, ainsi que l’a indiqué la Chancellerie en 2012.
    En outre, je crois fermement que nous devons écouter les acteurs du monde judiciaire, directement affectés par votre proposition de loi. Tous nous font part de leur opposition au retour des peines planchers en raison de leur inefficacité.
    Néanmoins, je vous rejoins sur un point, madame la rapporteure : il est nécessaire de conduire le débat sur la récidive, et nous devons l’avoir ici. C’est pourquoi le groupe Démocrate votera contre les amendements de suppression. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)

    M. Ian Boucard

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    Très bien !

    M. Erwan Balanant

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    Le groupe Démocrate le réaffirme, et je tiens à conclure sur cet aspect de la question, il est de notre devoir de protéger ceux qui nous protègent. C’est la raison pour laquelle la loi du 22 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure a durci la répression en cas de violences volontaires sur les forces de sécurité.

    Un député du groupe RN

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    C’est une blague ?

    M. Erwan Balanant

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    Vous l’avez compris, le groupe Démocrate ne votera pas en faveur de ce texte. (M. Jean-Paul Mattei applaudit.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Roger Vicot.

    M. Roger Vicot

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    J’ai écouté avec attention votre plaidoyer, madame la rapporteure. Il était dynamique et passionné, mais avait parfois des accents un peu désespérés. Je peux le comprendre, car le texte que vous proposez est assez étonnant, dans la mesure où il s’appuie sur des présupposés contestés par la quasi-totalité des professionnels.
    Nous sommes d’accord avec vous sur un seul point, que vous indiquez au début de l’exposé des motifs : la surpopulation carcérale est l’une des causes qui favorisent la récidive. C’est incontestable, et c’est d’ailleurs pourquoi le texte est frappé d’une certaine incohérence. La réintroduction des peines planchers, certes dans des cas très ciblés et lorsque certains critères sont réunis, suscitera un surcroît de condamnations à la prison et, partant, alimentera la surpopulation carcérale que vous déplorez, elle-même facteur de la récidive.
    J’ai bien entendu que les peines planchers étaient limitées à certains cas ; toutefois, toutes les études, depuis très longtemps, insistent sur leur inefficacité dans la prévention de la récidive et même sur leurs effets négatifs en la matière. Vous proposez une nouvelle conférence de consensus sur la prévention de la récidive, mais nous savons déjà tout sur le sujet : la conférence de consensus de 2012 a élaboré une bibliographie internationale de 140 pages qui prouve de manière incontestable que, quel que soit le cas, quel que soit le pays, les peines planchers sont inefficaces, et la littérature de ces dix dernières années confirme cette inefficacité. J’ajoute, comme l’a déjà évoqué le garde des sceaux, que la peine plancher est un signe de défiance à l’encontre des magistrats du siège, jugés trop indulgents, et qu’il remet en cause un principe qui figure dans notre droit depuis très longtemps, celui de l’individualisation de la peine. C’était d’ailleurs la sixième conclusion de la précédente conférence de consensus : l’individualisation de la peine, qui prend en compte les conditions du délit ainsi que la personnalité et le parcours du futur condamné, est un point de droit absolument incontestable qu’il nous faut préserver et chérir.

    M. Jocelyn Dessigny

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    Et les victimes, on y pense parfois ?

    M. Roger Vicot

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    Par ailleurs, je me demande pour quelle raison vous n’avez pas appuyé vos propositions sur l’expérience des professionnels. Vous proposez que les permanences des Spip se tiennent dans l’enceinte des juridictions. Je vous lis une phrase de la Conférence nationale des directeurs pénitentiaires d’insertion et de probation : « Il est urgent de ne pas retenir un tel article qui aura pour conséquence de mobiliser les Spip sur une intervention chronophage, coûteuse en ressources humaines, sans aucun lien avec leur mission initiale en milieu ouvert, ni aucune plus-value en termes de lutte contre la récidive. »
    Enfin, une conférence de consensus est un travail qui prend du temps – la précédente a demandé six mois de préparation – pour faire le point de la manière la plus large, la plus précise et la plus documentée possible sur un sujet, en l’occurrence la prévention de la récidive. C’est à l’issue de ce travail de compilation et de recoupement d’études scientifiques, à partir des conclusions tirées par la conférence, que l’on peut formuler des propositions. Il nous semble que vous prenez les choses à l’envers en proposant d’abord des solutions contestées par tous et en ne suggérant qu’après l’organisation d’une conférence de consensus.
    Pour toutes ces raisons, vous l’avez compris, le groupe Socialistes et apparentés ne soutiendra pas ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    En France, il ne se passe pas une semaine sans que les médias ne se fassent l’écho de crimes ou de délits commis par des délinquants en état de récidive légale ou de réitération. Ici, c’est un cycliste percuté par une voiture conduite par un homme en état de récidive de délit routier ; là, un passage à tabac en réunion et en récidive ; là encore, c’est une femme battue à mort par son conjoint déjà condamné et tout juste sorti de prison.
    Les chiffres qui concernent la récidive en France sont particulièrement inquiétants : 41,7 % des individus condamnés en 2021 sont des récidivistes ou des réitérants. Depuis 2007, le taux de récidive légale en matière délictuelle est passé de 9,2 % à 15 % et de 4,1 % à 11,5 % pour les crimes. Sans compter que, selon le ministère de l’intérieur, tous les indicateurs de la délinquance sont en hausse depuis l’an dernier.
    Parmi ces chiffres, ceux qui concernent les agressions envers les forces de l’ordre sont tout aussi préoccupants. On dénombre chaque jour plus de 100 actes de violence contre les dépositaires de l’autorité publique, soit une augmentation de 21 % en trois ans. En ce sens, je ne peux qu’apporter mon soutien à l’article 1er, lequel prévoit une peine minimale d’emprisonnement d’un an pour les délits de violences volontaires commises en récidive sur des personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public. Néanmoins, en restreignant cette peine aux agressions contre les dépositaires de l’autorité publique, la proposition de loi ne va pas assez loin et court le risque de ne pas être à la hauteur des enjeux de sécurité publique auxquels nous sommes confrontés.
    Pour mémoire, la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs prévoyait une peine minimale, dès la première récidive, pour les crimes et délits passibles d’au moins trois ans d’emprisonnement. Entre 2007 et 2011, près de 43 000 peines planchers avaient été prononcées, principalement pour des vols, des infractions liées aux stupéfiants et des violences. En 2014, durant le quinquennat de François Hollande, la garde des sceaux de l’époque, Christiane Taubira, était revenue définitivement sur ces peines planchers, sous prétexte d’une augmentation trop importante de la surpopulation carcérale et d’une inefficacité alléguée des peines minimales pour lutter contre la récidive. Elle privilégiait alors les peines de probation à l’enfermement pour lutter contre la récidive, une décision dont on connaît aujourd’hui les résultats.
    Face à la montée de la violence dans quasiment tous les secteurs de notre société, il nous faut rétablir ces peines planchers. Le plan d’action présenté par le ministre de la justice le 5 janvier dernier n’est pas complet, car il omet volontairement la question des peines planchers que les forces de l’ordre sont de plus en plus nombreuses à réclamer. Le défi reste immense et nous nous devons de corriger sans attendre cette défaillance pour que, le plus rapidement possible, notre société mette un terme à sa faiblesse envers délinquants et criminels et se place clairement, symboliquement, du côté des victimes. Le message doit être clair : tolérance zéro pour les récidivistes par l’application des peines planchers.
    L’article 2 de la proposition de loi prévoit l’information systématique – et non plus seulement à sa demande – du maire par le parquet des décisions judiciaires rendues à la suite des infractions causant un trouble à l’ordre public commises sur le territoire de sa commune. Rappelons que la police et la gendarmerie doivent déjà le faire en vertu de l’article L. 2211-3, alinéa 1er, du code général des collectivités territoriales. Rendre automatique cette information de la part des parquets ne pourra que faciliter la coopération entre le maire et les instances judiciaires. Cela permettra au premier magistrat de la ville, le cas échéant, d’introduire un recours ou d’interjeter appel lorsqu’il le jugera nécessaire ou opportun.
    Les articles 3 et 4 de la proposition de loi vont également dans le bon sens, même si la question des moyens alloués à une telle expérience se pose naturellement. Faire entrer les services pénitentiaires d’insertion et de probation dans les tribunaux judiciaires pour une meilleure prise en charge des condamnés dès le prononcé de la peine part d’une bonne intention, bien entendu, mais, pour en avoir discuté régulièrement avec les magistrats du siège comme avec ceux du parquet, je sais que leur priorité semble résider dans le renforcement de leurs effectifs.
    Bref, c’est une proposition de loi qui va dans le bon sens et que je voterai bien volontiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)

    Mme la présidente

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    La discussion générale est close.
    La parole est à Mme la rapporteure.

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

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    Il s’agit toujours des mêmes inexactitudes et des mêmes fantasmes. J’aurai l’occasion d’y répondre plus longuement lors de l’examen des amendements.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    Le postulat sur lequel repose cette proposition de loi visant à mieux lutter contre la récidive est celui d’un laxisme supposé de la justice (Exclamations sur les bancs du groupe HOR),…

    Mme Anne Le Hénanff

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    C’est faux !

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

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    …que confirmeraient les chiffres de la récidive. Je voudrais donc donner quelques chiffres et rappeler certaines actions, avant de partager avec vous quelques réflexions.
    Le premier chiffre que l’on peut donner est, il est vrai, celui de l’augmentation de la récidive légale. Or, comme l’ont démontré le garde des sceaux et l’une des expertes sur la question carcérale, la réitération et la récidive sont des vases communicants : c’est précisément parce que les juges reconnaissent davantage la récidive légale qu’ils sont plus sévères dans leur qualification des faits et donc qu’ils condamnent davantage. Les chiffres publiés par l’Insee en 2019 et en 2021, et récemment actualisés, démontrent que la sévérité des juges explique l’augmentation de la récidive légale, laquelle n’est rien d’autre que la qualification des faits par le juge.
    Le garde des sceaux vous a expliqué tout à l’heure que, pour les infractions donnant lieu à cinq ans d’emprisonnement ou plus, les peines prononcées par les magistrats sont en moyenne de quatorze mois de prison, c’est-à-dire plus que ne le permettrait la proposition de loi. En 2000, les condamnations prononcées par les juges en matière délictuelle étaient en moyenne de 6,8 mois ; vingt et un ans plus tard, en 2021, elles sont de neuf mois, soit une aggravation de deux mois des peines prononcées. En matière criminelle, en 2005, la durée moyenne d’emprisonnement était de 14,4 années. Elle est désormais de 16,1 années, ce qui représente, là aussi, une augmentation significative, avec les conséquences que l’on connaît sur l’emprisonnement. En matière d’emprisonnement ferme, le nombre d’années prononcées est passé de 55 000 en 1999 à 93 000 en 2019 : là encore, ce chiffre combat l’idée que les infractions ne seraient pas réprimées ou qu’elles ne le seraient pas de manière suffisamment sévère, puisque le nombre global de peines prononcées a augmenté de plus de 70 %. En matière de peines fermes, c’est-à-dire celles qui donnent véritablement lieu une incarcération, nous sommes passés, en vingt ans, de 28 % en 2000 à 36 % de peines donnant lieu à une incarcération ; c’est une autre explication à la surpopulation carcérale.
    J’en viens aux actions menées sur le terrain de la prévention. Nous avons adopté un code de justice pénale des mineurs, lequel fait actuellement l’objet d’une évaluation par deux de nos collègues de la commission des lois, Cécile Untermaier et Jean Terlier, qui rendront leurs travaux prochainement. Depuis son entrée en vigueur, c’est-à-dire depuis un peu moins de deux ans, le délai de jugement des mineurs a été divisé par deux, passant de dix-huit mois à huit mois. En installant une épée de Damoclès au-dessus de la tête des mineurs, cette accélération a une incidence directe sur la réduction de la délinquance, car l’on sait que la réitération – appelée récidive quand le juge reconnaît le phénomène légal de récidive – se cristallise sur les premiers actes de délinquance. Pour ceux qui voudraient faire un détour par la littérature, il y a d’ailleurs d’excellents récits, comme L’Éducation d’un malfrat de l’Américain Edward Bunker, qui montrent la fixation de la délinquance juvénile.
    Sur la question de l’exécution des peines, les statistiques publiées par le ministère de la justice indiquent que 95 % des peines sont mises à exécution. En outre, plus de la moitié des peines de plus d’un an prononcées en l’absence du condamné ont finalement été exécutées, et les stocks ont significativement baissé. La proposition de loi semble méconnaître ces chiffres ; pourtant, ils ont été clairement exposés.
    Voilà qui devrait répondre à un certain nombre de vos questions concernant les peines prononcées, l’exécution des sanctions et l’efficacité – ou le laxisme supposé – de la justice.
    J’en viens aux statistiques propres aux forces de l’ordre. Tout d’abord, le taux de présentation devant le procureur de la République est très élevé : il est quasiment multiplié par dix pour les violences commises à l’encontre de forces de sécurité intérieure, ce qui indique une attention particulière des parquets, conséquence directe des circulaires de politique pénale émises à l’encontre des auteurs de ces infractions.
    Ensuite, lorsqu’une ITT est constatée pour une personne dépositaire de l’autorité publique, dans 71 % des cas, une peine de prison est prononcée pour la première infraction – pas pour la deuxième, pas pour une récidive légale, mais pour la première ! Rappelons qu’une personne dépositaire de l’autorité publique n’est pas forcément membre des forces de sécurité intérieure ; elle peut aussi être un professeur ou un élu.
    Ces bons résultats en matière de lutte contre la délinquance ne sont évidemment pas le fruit du hasard : ils s’expliquent, pour commencer, par les budgets successifs du ministère de la justice que nous avons adoptés. J’observe d’ailleurs que la seule mission du projet de loi de finances pour 2023 qui a été examinée dans son intégralité par le Parlement, et qui a été adoptée, est celle du ministère de la justice, examinée par la commission des lois. Nous avons donc déjà largement débattu des questions que nous abordons aujourd’hui et je ne me souviens pas que nous ayons été amenés à discuter d’un quelconque amendement sur les peines planchers. Sur ce sujet, les positions de certains députés ont d’ailleurs évolué. On pourrait évidemment s’interroger sur les raisons de leur changement, mais on ne peut pas reprocher à la majorité sa constance dans le refus des peines planchers – sauf à être malhonnêtes : nous sommes cohérents.
    En ce qui concerne le budget du ministère de la justice, il a connu une hausse de 44 % entre 2017 et 2023 et augmentera de 60 % à l’horizon 2027. Le plan de recrutement est désormais connu : 10 000 fonctionnaires de justice, dont 1 500 magistrats et 1 500 greffiers, vont être embauchés d’ici à 2027. Nous devrons évidemment en tenir compte lorsque nous examinerons l’article 2 et la question de savoir quelles tâches devront être confiées à ces magistrats et à ces greffiers, s’agissant notamment de la notification des procédures aux élus.
    En ce qui concerne la loi du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, la Lopmi, que les députés du groupe Horizons et apparentés ont soutenue, je rappelle qu’ils n’ont pas non plus formulé de propositions sur les infractions à l’encontre des forces de l’ordre lors de sa discussion. Et pour cause : le texte contient plusieurs dispositifs en ce sens. La Lopmi prévoit 15 milliards d’euros pour le ministère de l’intérieur d’ici à 2027 et le recrutement de 8 500 policiers et gendarmes sur cinq ans, en plus des 10 000 postes créés au cours du précédent quinquennat. Vous le voyez, ici non plus, point de laxisme – cela nous a d’ailleurs été maintes fois reproché par des députés de la gauche de l’hémicycle, parmi lesquels on nous range aujourd’hui parce que nous rejetons la proposition de loi !
    Qu’avons-nous fait depuis 2017 pour lutter contre la récidive ? Tout d’abord, nous avons fait adopter la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. C’est un texte que vous connaissez bien, madame la rapporteure, puisque vous vous êtes grandement impliquée dans son élaboration. Vous vous étiez d’ailleurs mobilisée, à l’époque, aux côtés du Premier ministre, pour repousser les peines planchers. Édouard Philippe était particulièrement avisé sur cette question puisqu’il avait exercé, trois mois durant, la fonction éminente de ministre de l’intérieur, cumulée à sa fonction de Premier ministre. À cette période, y compris devant les syndicats de policiers, il expliquait l’inefficacité et l’inutilité des peines planchers, qu’il n’entendait donc pas introduire dans la loi.

    M. Sylvain Maillard

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    Eh oui !

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

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    Je suis donc surpris que vous présentiez aujourd’hui cette proposition de loi. (Exclamations sur les bancs du groupe HOR.)

    M. Paul Christophe

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    On s’en souviendra !

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

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    Qu’avons-nous fait au-delà de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice ? Tout d’abord, nous avons renforcé les aménagements de peine au-dessous d’un an d’emprisonnement ferme… (Protestations sur les bancs du groupe HOR.)

    M. Paul Christophe

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    On s’en souviendra !

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

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    Vous formulez des menaces, chers collègues ? Quand on défend une position politique, elle est toujours publique. Chacun de nous le sait d’expérience. Je m’étonne de vos menaces…

    M. Sébastien Chenu

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    Deux salles, deux ambiances ! (Sourires.)

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

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    Je reprends : nous avons renforcé les aménagements de peine au-dessous d’un an d’emprisonnement ferme, en excluant – j’insiste sur ce point – du champ des peines supérieures à un an les peines de prison exécutées sans aménagement initial.
    Nous avons également systématisé les libérations sous contrainte pour les personnes condamnées à des peines inférieures ou égales à deux ans, sauf pour les personnes condamnées pour des violences sur des policiers. Enfin, comme l’a rappelé M. le garde des sceaux, nous avons supprimé les crédits automatiques de réduction de peine, ainsi que le rappel à la loi et le dispositif qui lui a succédé relatif aux infractions commises à l’égard des personnes dépositaires de l’autorité publique. Enfin, le code de la justice pénale des mineurs a également évolué.

    Plusieurs députés du groupe HOR

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    C’est long !

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

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    C’est long, en effet, car nous avons pris tellement de mesures que je pourrais passer une journée à vous les décrire ! (Rires et exclamations sur les bancs des groupes RN et HOR.)

    M. Laurent Jacobelli

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    Qui se justifie s’accuse !

    M. Paul Christophe

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    On s’en souviendra !

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

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    Je pourrais vous dire aussi que nous avons eu la volonté de créer 15 000 places de prison,…

    M. Laurent Jacobelli

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    La volonté, pas les actes !

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

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    …d’une part pour mieux respecter la dignité des détenus, d’autre part pour en incarcérer davantage, puisque les peines prononcées nécessitent la création de nouvelles places.
    Je pourrais vous dire encore que nous avons adopté plusieurs dispositions relatives à la limitation de la durée des peines et aux réductions de peine, mais aussi à l’exclusion de l’application de plein droit de la libération sous contrainte. Aucune de ces dispositions n’a été soutenue par la droite et l’extrême droite.
    Il est intéressant de le souligner alors que nous examinons la présente proposition de loi. Rappelons que plusieurs députés de droite et d’extrême droite avaient proposé le rétablissement des peines planchers dans leur programme présidentiel de 2022. C’était le cas de Valérie Pécresse – les députés du groupe Les Républicains défendent systématiquement cette mesure.

    M. Sébastien Chenu

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    Ils sont peu nombreux ce matin…

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

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    C’était le cas également de Marine Le Pen et d’Éric Zemmour. Mais ce n’était pas le cas de la majorité présidentielle. Notre position sur la proposition de la loi n’a donc rien de surprenant.

    M. Laurent Jacobelli

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    La France est un coupe-gorge !

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

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    Venons-en aux articles. Je vous ai dit à plusieurs reprises que nous nous opposerions à l’article 1er par cohérence et par fidélité à la position et aux valeurs que la majorité a toujours défendues, mais aussi par pragmatisme, parce que les mesures proposées par le texte sont inefficaces. Par cohérence aussi, nous repousserons l’article 2, comme nous y invite elle-même la présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Certains critiquent l’expertise du Sénat en matière de collectivités, mais ce n’est pas mon cas, et, selon Mme Françoise Gatel, les élus n’ont pas besoin d’être informés de toutes les décisions judiciaires rendues à la suite d’infractions causant un trouble à l’ordre public commises dans leur territoire.
    M. le garde des sceaux nous a expliqué, par ailleurs, que les procureurs seraient paralysés par la nécessité de communiquer ces informations. En outre, cette disposition ne dit rien des procédures non définitives : dans le cas d’un jugement suspensif en matière pénale, lorsque l’appel est pendant, à quel moment la décision judiciaire devrait-elle être communiquée au maire, et quelle décision ? Faudrait-il lui expliquer que tel individu a été condamné en première instance, mais qu’il a fait appel et qu’il ne l’est donc pas de manière définitive ? Cette mesure introduirait de la confusion et n’aurait donc aucun intérêt.
    S’agissant des Spip, nous avons déjà évoqué leur désorganisation. À supposer qu’un délinquant ait commis une infraction à l’encontre d’un membre des forces de l’ordre pour laquelle vous voulez instaurer une peine plancher, ce délinquant ferait sans doute l’objet d’un mandat de dépôt. Dès lors, il serait absurde, alors même qu’on prépare son incarcération, de le maintenir dans les locaux du tribunal pour préparer sa réinsertion. En toute logique, le Spip doit intervenir uniquement dans les locaux de l’administration pénitentiaire.
    Quant à la conférence de consensus de lutte contre la récidive que vous voulez organiser en 2023, je rappelle qu’avec tous les magistrats de France et de multiples personnalités, nous venons de passer un an à imaginer la justice de demain. Ni les avocats, que vous connaissez bien, ni les magistrats, ni les Spip, ni les autres acteurs du monde judiciaire n’ont demandé la réintroduction des peines planchers – aucun d’entre eux !

    M. Laurent Jacobelli

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    Et les victimes ?

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

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    Pourquoi convoquer une conférence de consensus sur un sujet sur lequel nous connaissons déjà la position des acteurs du monde judiciaire ? Cela n’aurait pas de sens et ce serait beaucoup de temps perdu. (Exclamations sur les bancs du groupe HOR.)

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Qu’est-ce que cela change pour les victimes ?

    M. Paul Christophe

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    C’est long !

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

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    Vous voulez un débat, non ? Alors je vous donne des chiffres, je rappelle les textes.

    M. Laurent Marcangeli

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    Arrêtez de nous faire la leçon !

    Mme Lise Magnier

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    Nous perdons du temps !

    M. Laurent Marcangeli

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    Nous ne sommes pas à la fac !

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

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    Si nous étions à la fac et si j’étais le professeur, vous n’auriez peut-être pas fait cette erreur ! (M. Gilles Le Gendre et M. Erwan Balanant applaudissent. – Protestations sur les bancs du groupe HOR.)
    Vous reconnaissez sans doute la réflexion de Dominique Strauss-Kahn à Nicolas Sarkozy lors de la campagne des élections européennes de 1999. Vous voyez que je cite les bons auteurs !

    M. Laurent Jacobelli

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    Cela fait un quart d’heure que vous parlez ! Entre-temps, il y a déjà eu quinze agressions !

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

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    Pour conclure, nous ne soutiendrons donc pas l’article 5 qui propose l’organisation d’une conférence de consensus. Sur ce point, comme sur les autres, vous ne pouvez nullement être surpris de notre opposition. Notre position, cohérente, loyale et pragmatique, s’inscrit dans la continuité de tout ce que nous avons défendu depuis six ans en matière de politique pénale. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Le bon sens est une vertu cardinale. Aujourd’hui, quand un récidiviste est jugé, il encourt une peine deux fois plus importante que celle d’un non-récidiviste. Si un non-récidiviste encourt cinq ans de prison pour un délit, un récidiviste encourt dix ans de prison pour ce même délit. En réalité, les peines planchers que l’on nous propose aujourd’hui ne sont pas de véritables peines planchers, puisque le juge a toujours la possibilité d’y déroger – vous ne me contredirez pas sur ce point. D’ailleurs, il serait inconstitutionnel qu’il en soit autrement, car les magistrats de ce pays sont indépendants – je dis bien « de ce pays », mais j’y reviendrai dans un instant.
    À quoi servirait donc de rétablir les peines planchers ? Soyons pratiques et pragmatiques. La récidive est constatée pour le prévenu Duchmol, qui encourt non plus cinq ans de prison, mais dix. Vous proposez une peine d’emprisonnement d’un an, à laquelle le juge peut déroger. À quoi servirait votre mesure ?
    Comme je l’ai dit dans mon intervention liminaire, nous sommes aujourd’hui non pas mieux-disants, mais mieux-faisants que votre texte, puisque les pénalités prévues pour le périmètre que vous avez choisi, dans le but de protéger les forces de sécurité intérieure – je comprends bien sûr cette intention –, atteignent aujourd’hui 14,2 mois d’emprisonnement ferme. Non seulement notre droit positif est mieux-disant, mais, dans leur sévérité, les magistrats sont également mieux-faisants. À quoi servirait donc votre mesure ? Le bon sens est transpartisan, voyez-vous.
    Alors, évidemment, nous allons débattre, car je suis favorable à ce que les débats aient lieu.

    Mme Félicie Gérard

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    Ah ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    C’est la moindre des choses quand on est démocrate. Vous l’êtes et je le suis. Mais vous avez sans doute compris que le Front national (« Rassemblement national ! Il faut vous mettre à jour ! » sur les bancs du groupe RN) souhaite s’emparer du texte pour y mettre tout ce qui l’anime depuis longtemps.

    M. Laurent Jacobelli

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    Et alors ? Nous sommes élus, non ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Certes, mais moi je suis ministre, et je vais en dire quelques mots. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)

    M. Joris Hébrard

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    Heureusement qu’on est là !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Madame la présidente, puis-je terminer mon intervention ? (« Oh ! » sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    Chers collègues, je vous remercie de bien vouloir écouter l’intervention de M. le ministre jusqu’au bout. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe RN.)

    M. Erwan Balanant

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    Si même le RN se met à bordéliser maintenant ! (Sourires.)

    Mme la présidente

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    Monsieur Balanant, s’il vous plaît !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Puis-je terminer ? Le Rassemblement national (« Ah ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RN) raconte partout, sur les plateaux de télé, à la radio et dans les journaux,…

    M. Antoine Léaument

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    Et dans les meetings fascistes…

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

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    Que vous êtes Mme Taubira en pire !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Oui, ça c’est vrai. Il raconte surtout que la justice est laxiste. Voilà son mantra !

    M. Laurent Jacobelli

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    Elle l’est ! Les prisons n’ont jamais été aussi pleines !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Arrêtons-nous deux secondes sur ce point. La vérité n’est pas l’autoproclamation de la vérité. Les prisons n’ont jamais été aussi pleines et vous dites – je vous ai entendus tout à l’heure, car je suis attentif à vos propos – qu’il faut en construire. Or c’est ce que nous faisons. Quant au taux d’occupation des prisons, il est précisément le signe de la sévérité des magistrats.

    M. Laurent Jacobelli

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    Il est le signe de l’ensauvagement de la société !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Non ! Lors de la séance des questions au Gouvernement (QAG) de cette semaine, je vous ai donné les chiffres de la délinquance dans les Alpes-Maritimes, et je l’avais fait la semaine précédente pour le Var. (Protestations sur les bancs du groupe RN.)

    M. Bryan Masson

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    C’était faux !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je poursuis.

    Mme la présidente

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    S’il vous plaît ! Seul monsieur le garde des sceaux a la parole, et vous pourrez vous exprimer ensuite, bien évidemment, sur les amendements.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Le taux de surpopulation carcérale… (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)

    M. Bryan Masson

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    Vos chiffres étaient faux !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Ce sont les chiffres.

    M. Bryan Masson

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    Admettons que ce soit vrai ; cela reste inquiétant !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je vais vous donner les chiffres. (Les exclamations se poursuivent sur les bancs du groupe RN.)

    M. Thierry Benoit

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    Ce ne sont pas les QAG !

    M. Antoine Léaument

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    C’est une ZAD, ici !

    M. Bryan Masson

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    Soyez brillant, monsieur le ministre !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je voudrais vous donner les chiffres relatifs au laxisme supposé de la justice dans notre pays. En matière délictuelle, la durée moyenne des peines d’emprisonnement ferme s’élevait à 8,2 mois en 2016 et à 9,4 mois en 2020, ce qui représente une augmentation de la sévérité de l’ordre de 15 %. (« Ah ! » sur les bancs du groupe RN.) En matière criminelle, les jurys populaires, notamment, prononçaient des peines d’emprisonnement de 14,9 années en moyenne en 2016 et de 16,1 années en 2020, ce qui représente une augmentation de 8 %. Le total cumulé d’augmentation de la durée des peines, s’agissant des délits et des crimes, s’élève à 13 %. En cas de récidive, le taux d’emprisonnement ferme est quant à lui passé de 54,3 % dans la période comprise entre 2001 et 2005 à 60,9 % sur la période 2016-2020.
    En Europe maintenant,…

    M. Julien Odoul

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    Ah !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …il faut que vous sachiez que la durée moyenne d’emprisonnement des détenus condamnés, qui est en France de 38,5 mois, s’élève à 31,69 mois à l’échelle européenne. Et en Suède, qui est peut-être pour vous une référence, elle n’est que de 6,3 mois ! Voilà les chiffres !

    M. Jocelyn Dessigny

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    Bla bla bla !

    M. Ian Boucard

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    C’est en France que la délinquance augmente le plus ! Parlons de la France !

    M. Laurent Jacobelli

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    Voilà le tableur Excel ; et maintenant, la réalité ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    La réalité, c’est celle-là ! Et je vais vous dire ce que c’est, votre réalité à vous. La réalité qui est la vôtre, elle est victimaire et compassionnelle ; c’est Lola, dont vous n’avez d’ailleurs pas cité le prénom, monsieur le député, Lola ! Le cercueil de cette petite fille sert de marchepied à votre parti ! (Vives protestations sur les bancs du groupe RN.)

    M. Julien Odoul

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    Vous êtes indécent !

    M. Laurent Jacobelli

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    Honteux !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Voilà la réalité !

    Mme Félicie Gérard

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    Vous devriez avoir honte !

    M. Laurent Jacobelli

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    Vous devriez vous excuser !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Encore un mot ! (Les protestations se poursuivent sur les bancs du groupe RN.) L’exemplarité est votre seule boussole en matière de politique pénale. Alors je vais vous dire : j’ai entendu l’un des vôtres dire que nul n’est censé ignorer la loi, et – bien sûr –, vous avez raison.

    M. Sébastien Chenu

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    Même le garde des sceaux !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Mais, voyez-vous, un homme qui s’apprête à commettre un acte de délinquance a d’abord une conviction chevillée au corps – le bon sens, toujours le bon sens : c’est qu’il ne va pas se faire prendre.

    Mme Béatrice Roullaud

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    Il n’est pas chez vous, le bon sens !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Et Robert Badinter disait la chose suivante : quand on commet une infraction, on ne le fait pas avec un code pénal sous le bras. Si vous daignez regarder un peu l’histoire et prendre un peu de hauteur (« Oh ! » sur les bancs du groupe RN), au lieu d’utiliser sans cesse une rhétorique compassionnelle qui vous fournit vos seuls arguments, vous verrez qu’il n’y a jamais eu autant de pickpockets que lorsque les condamnations à mort, les exécutions, étaient perpétrées en place publique !

    M. Laurent Jacobelli

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    Vous ne voulez pas défendre les victimes, plutôt ?

    M. Jocelyn Dessigny

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    Ministre des prisonniers !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Et j’ai encore plusieurs autres choses à vous dire. Messieurs les députés du Front national (Vives exclamations sur les bancs du groupe RN), encore un mot. Si demain un garde des sceaux qui trouverait grâce à vos yeux, à qui vous n’envisageriez pas de jeter des peaux de banane (« Quoi ? » sur les bancs du groupe RN) comme vous l’avez fait à un moment…

    M. Laurent Jacobelli

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    C’est à quelle heure, le karting ? Vous allez être en retard !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Écoutez-moi deux secondes ! Si un tel garde des sceaux, celui que vous appelez de vos vœux, décidait de doubler toutes les peines dans le pays, pensez-vous que cela diminuerait par deux la délinquance ? (« On peut essayer ! » sur les bancs du groupe RN.) Mais vous rêvez ! Vous mentez, vous racontez du vent ! Vous êtes des populistes ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Protestations sur les bancs du groupe RN.)

    M. Laurent Jacobelli

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    Pourquoi vous en prenez-vous à nous ? C’est une obsession ! Il faut aller voir un psy !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je dirai encore un petit mot sur votre crédibilité en matière de justice.

    M. Ian Boucard

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    Est-ce qu’on peut en revenir au texte, ne serait-ce que par respect pour la rapporteure ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Vous savez ce qui me gêne le plus ?

    M. Ian Boucard

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    Vous savez de quoi on parle, aujourd’hui ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Ce qui me gêne le plus, c’est que cette proposition de loi offre une tribune à la droite extrême. (Protestations sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    Chers collègues, s’il vous plaît. Peut-on écouter dans le calme la fin de l’intervention de M. le garde des sceaux ? Vous aurez la parole ensuite.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Écoutez-moi une seconde ! La crédibilité du Rassemblement national en matière de justice (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe RN), je vais vous la rappeler ! Marine Le Pen, dans son livre blanc sur la justice – ne vous en déplaise –, envisageait la création de 9 000 postes de magistrats pour tout le pays ; or, grâce au budget que vous avez voté (Le garde des sceaux se tourne vers les bancs du groupe HOR), mais pas les députés du Rassemblement national, nous avions déjà dépassé ce chiffre !

    M. Ian Boucard

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    Vous associez vos alliés au RN ? L’heure tourne : répondez à Édouard Philippe !

    M. Jocelyn Dessigny

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    Quel cinéma !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Après que la remarque lui a été faite, elle a décidé qu’il fallait 18 000 magistrats dans notre pays : on est passé de 9 000 à 18 000 ! (Les exclamations se poursuivent sur les bancs du groupe RN.)

    Mme Béatrice Roullaud

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    Ça n’a rien à voir avec la proposition de loi !

    Mme la présidente

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    S’il vous plaît ! Peut-on, chers collègues, écouter la fin de l’intervention de M. le garde des sceaux ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Encore un dernier mot. En matière de récidive, votre ancien patron a été condamné dix-sept fois ! (Protestations sur les bancs du groupe RN.)

    M. Laurent Jacobelli

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    Vous êtes ridicule ! Vous êtes vous-même mis en examen, un peu de pudeur !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Dix-sept fois condamné !

    M. Julien Odoul

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    Vous n’êtes pas en examen, vous ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Encore un dernier mot, avant que je m’assoie. (« Ah ! » sur les bancs du groupe RN.) La majorité,…

    M. Laurent Jacobelli

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    Ah, ça redevient la majorité !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …dans sa diversité, vote les budgets relatifs à la justice.

    M. Julien Odoul

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    L’argument massue !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Alors, voyez-vous, vouloir améliorer la justice de notre pays et ne pas lui donner les moyens de le faire, c’est assez singulier.

    M. Laurent Jacobelli

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    Vous êtes Taubira en pire !

    M. Julien Odoul

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    Allez vous reposer !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    S’agissant des Spip, sur lesquels les états généraux de la justice se sont longuement attardés, deux problèmes se posent. Le premier, c’est qu’il n’y a pas assez de place pour que les Spip soient présents dans les tribunaux – c’est aussi bête que cela. Le deuxième, c’est que si les Spip interviennent tout de suite, on va considérablement réduire le nombre de décisions rendues ; en effet, vous le savez, ils ont besoin de pièces dont j’ai expliqué tout à l’heure qu’il était impossible aux greffiers de les fournir au fur et à mesure.
    Enfin, madame Ménard, s’agissant de l’information systématique du maire lui permettant de faire appel de certaines décisions judiciaires, je veux vous dire que nous avons soutenu un texte, la proposition de loi déposée par Mme Nathalie Delattre, visant à permettre aux différentes associations d’élus de se constituer partie civile pour soutenir pleinement, au pénal, un édile victime d’agression ; j’ai fait en sorte qu’elle arrive très vite ici, et elle a été votée. Elle permet aux associations d’élus, y compris l’Assemblée nationale ou une mairie, le cas échéant, de se constituer partie civile ; dans ces conditions, lorsqu’on est partie civile à un procès, on est informé, naturellement : on peut notamment interjeter appel et faire valoir les voies de recours. (Mme Caroline Abadie applaudit.)

    M. Laurent Jacobelli

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    Même la majorité ne vous applaudit pas !

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à onze heures dix, est reprise à onze heures quinze.)

    Mme la présidente

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    La séance est reprise.

    Discussion des articles

    Mme la présidente

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    J’appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte dont l’Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n’a pas adopté de texte.

    Rappel au règlement

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Caroline Fiat, pour un rappel au règlement.

    Mme Caroline Fiat

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    Sur le fondement de l’article 48, alinéa 9. Il commence à devenir habituel dans cet hémicycle de pratiquer une forme d’obstruction pour empêcher la discussion d’avancer sur des propositions de loi déposées dans le cadre d’une niche parlementaire. (MM. Antoine Léaument et Ian Boucard applaudissent.) C’est une très mauvaise habitude, car certains de ces textes, qu’on soit pour ou contre, sont importants. J’aimerais donc qu’elle cesse le plus rapidement possible. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, RN et HOR.)

    M. Florent Boudié

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    Quel humour !

    M. Fabien Di Filippo

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    Il vous faut travailler votre esprit de synthèse, monsieur le garde des sceaux !

    Mme la présidente

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    Merci, madame la présidente. C’est bien prévu dans l’alinéa 9.

    Article 1er

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Loïc Kervran.

    M. Loïc Kervran

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    Je vais essayer d’être plus concis que les députés du groupe dont le temps de parole est inversement proportionnel au nombre de députés présents, mais cela ne sera pas très difficile. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et LR.) Plutôt que de parler des auteurs des infractions, je veux faire résonner dans cet hémicycle la voix de ceux qui exercent les métiers que le texte de notre collègue Naïma Moutchou vise à protéger. Ce sont eux qui nous préoccupent et nous intéressent : les enseignants, les pompiers, les chauffeurs de bus, les policiers, les facteurs, les militaires, les gardiens d’immeuble et les élus locaux. La République se doit de les protéger, car, tous les matins, elle leur fixe un rendez-vous avec leur devoir et, tous les matins, ils sont au rendez-vous. La seule question qui se pose ce matin est de savoir si nous serons au rendez-vous de notre devoir envers eux. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et LR, ainsi que sur quelques bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Elsa Faucillon.

    Mme Elsa Faucillon

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    Mes chers collègues du groupe Horizons et apparentés, malgré vos atermoiements et une certaine forme de camouflage, l’article 1er marque bien un retour des peines planchers. Nous avons été nombreux à le dire : elles sont inefficaces pour lutter contre la récidive et donc dangereuses.
    Cet article est le cœur de votre proposition de loi, qui s’inscrit dans la logique du tout-carcéral alors que les professionnels appellent à en sortir et que les organisations supranationales de défense des droits de l’homme alertent sur l’emprisonnement, qui produit des drames humains et qui a des effets néfastes sur la lutte contre la récidive. Alors que les Nations unies appellent à faire de l’enfermement un dernier recours et que nos voisins européens vident leurs prisons pour mettre en place de réels programmes de réparation, de réhabilitation et de réinsertion, vous présentez une proposition de loi qui rencontre le soutien d’une extrême droite entièrement acquise à cette conception populiste de l’emprisonnement. Regardez donc ce que donnent aujourd’hui, dans cet hémicycle, nos échanges sur votre proposition de loi !

    M. Jocelyn Dessigny

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    Un criminel en prison n’est pas dans la rue à agresser d’honnêtes citoyens !

    Mme Elsa Faucillon

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    La récidive est un phénomène complexe. Toutes les solutions qui se résument à simplement refermer la porte d’une cellule nous engagent sur la mauvaise voie. Nous voterons donc en faveur des amendements proposant la suppression de l’article 1er. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Romain Baubry.

    M. Romain Baubry

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    L’article 1er vise à opposer une peine de prison minimale aux délinquants qui, après s’en être pris à nos forces de l’ordre et à nos agents publics, se trouvent en état de récidive.
    Nous devons protéger ceux qui nous protègent et qui servent la République, qu’ils soient policiers, nationaux ou municipaux, gendarmes, surveillants pénitentiaires, douaniers, pompiers ou qu’ils concourent au service public. Souvent insultés et diffamés, même au sein de cet hémicycle par certains élus d’extrême gauche – qui, aujourd’hui, ont bien besoin des policiers pour les protéger –, ils sont les premiers à être frappés par l’ensauvagement de notre société et subissent, chaque jour, une multitude d’atteintes à leur intégrité physique.
    Derrière ces uniformes, il y a des pères et des mères de famille, qui ne savent pas, lorsqu’ils prennent leur service, dans quel état physique et psychologique ils reviendront chez eux. Parfois, certains ne rentrent pas. Ils ne sont pas des cibles seulement lorsqu’ils portent l’uniforme, car ils sont traqués jusque dans leur vie personnelle, jusqu’à leur domicile, où leurs enfants sont ciblés et leurs conjoints insultés et menacés. Remplacez vos discours d’opérette par des actions concrètes !
    Nous avons, quant à nous, déposé plusieurs amendements dans le but d’enrichir le texte à la suite des tables rondes et des échanges avec les professionnels de la sécurité publique. Ces mesures sont attendues par nos forces de l’ordre comme par la majeure partie de nos concitoyens qui, eux, les soutiennent.
    Ne vous indignez plus lorsque l’un d’entre eux est gravement blessé ou tué, si vous n’avez pas le courage de prendre des mesures fortes pour les protéger et pour punir durement ceux qui s’en prennent à eux. Les membres de nos forces de sécurité publique doivent, comme toute personne chargée d’une mission de service public, être protégés, car, lorsqu’ils sont attaqués, c’est la République et la France qu’on attaque ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Antoine Léaument.

    M. Antoine Léaument

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    Collègues du groupe Horizons et apparentés, vous voulez, avec cette proposition de loi, rétablir les peines planchers alors que, plusieurs l’ont déjà dit, c’est un système totalement inefficace. Vous imaginez que les gens se promènent avec leur code pénal et que, sachant qu’ils vont prendre un an d’emprisonnement ou une autre peine plancher, ils vont éviter de commettre un acte délictuel ou criminel. Ce que vous proposez est contraire à l’indépendance de la justice et, d’ailleurs, dans votre texte même – j’aime bien aller à la source et voir ce que les gens racontent – vous prévoyez des exceptions au principe de la peine plancher : « Toutefois, la juridiction peut prononcer, par une décision spécialement motivée, une peine inférieure à ce seuil ou une peine autre que l’emprisonnement, en considération des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d’insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci. » Vous créez donc un dispositif, dont vous savez qu’il court le risque d’être jugé inconstitutionnel, tout en prévoyant qu’il n’ait pas de suite.
    L’article 1er vise à compléter l’article 139-19 du code pénal. Vous sortez pourtant de son cadre, puisque cet article prévoit que « toute peine d’emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu’en dernier recours si la gravité de l’infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine indispensable et si toute autre sanction est manifestement inadéquate. »
    Enfin, je vous rappelle que l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen – vous savez que c’est un texte que j’aime bien – dispose que « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ». Vous êtes en dehors de ce cadre.
    Vous auriez dû vous appuyer sur d’autres dispositifs. Je remarque que vous mentionnez, dans votre exposé des motifs, des dispositifs, qui, eux, sont efficaces pour éviter la récidive puisque vous y parlez des « mesures dites de "milieu ouvert" qui préparent à la réinsertion des condamnés et contribuent ainsi à prévenir la récidive ». Vous auriez mieux fait de suivre votre exposé des motifs. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, GDR-NUPES et Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Stéphane Viry.

    M. Stéphane Viry

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    Cette proposition de loi pose deux questions : est-il nécessaire de lutter contre la récidive ? Pour moi, la réponse est oui. Est-ce une priorité ? Pour moi, la réponse est oui, tout autant. Monsieur le garde des sceaux, vous avez digressé. Il ne s’agit pas de parler de la magistrature ou de l’application de la loi pénale : il s’agit de poser le cadre de la loi pénale pour des hommes et des femmes qui incarnent la République, qui en sont les garants et qui protègent nos droits et nos libertés.

    M. François Jolivet

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    Bravo !

    M. Stéphane Viry

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    Certains délinquants ciblent ces hommes et ces femmes, qui sont des acteurs au quotidien de notre cohésion sociale. Le pénal, ce n’est pas à vous que je vais l’apprendre, c’est la société, c’est le corps social, c’est le peuple. Comment voulez-vous qu’un peuple accepte que des hommes et des femmes puissent attaquer, alors qu’ils ont déjà été condamnés pour des faits similaires, l’uniforme et le symbole de la République ainsi que la personne qui la sert ? Notre corpus législatif doit être renforcé. Nous défendrons donc cet article et nous chercherons à l’amender.
    Nous devons avoir, de manière transpartisane – vous l’avez dit vous-même, monsieur le garde des sceaux – la même exigence en ce qui concerne la protection de la République et du peuple, et donner pour cela à la magistrature un cadre – auquel elle pourrait, le cas échéant, déroger – afin d’appliquer une répression ferme. La loi pénale, c’est la fermeté, mais c’est aussi la clarté. Elle est un message adressé à tout un chacun, qui sait ainsi ce qu’il encourt s’il la transgresse. Le cadre actuel est faible et friable, et cette proposition de loi permet de le consolider. Je ne comprendrais pas que la majorité la rejette. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR et HOR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Roger Vicot.

    M. Roger Vicot

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    Il ne s’agit pas de nier la nécessité de lutter contre la récidive. Nous parlons des peines planchers et de leur efficacité supposée. Il a été question, à plusieurs reprises, de la conférence de consensus sur la prévention de la récidive de 2012. Je souhaite en lire quelques extraits, en commençant par le paragraphe 6 du rapport du jury : « Le jury de consensus estime qu’il convient de laisser aux magistrats le soin d’apprécier à leur juste mesure les faits délictueux. Leur décision ne doit pas être contrainte, de quelque manière que ce soit, par une peine plancher qui ne tient a priori nul compte du parcours global de l’individu concerné, de la nature des infractions et de la nécessaire individualisation de la peine. » Je poursuis avec la lecture du paragraphe 7, qui est encore plus intéressant : « Il résulte des auditions des experts, des documents et études figurant dans la bibliographie que ce mécanisme est sans effet scientifiquement évalué sur la récidive et qu’il a de surcroît contribué notablement à la surpopulation carcérale, avec tous les effets qui en découlent. »
    C’est bien l’efficacité supposée des peines planchers qui est en cause dans notre débat. Or les études scientifiquement étayées ne démontrent pas leur efficacité.

    Mme la présidente

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    Sur les amendements identiques nos 81, 110 et 11, tendant à supprimer l’article 1er, je suis saisie par les groupes Rassemblement national, La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale et Horizons et apparentés d’une demande de scrutin public
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Roger Vicot, pour soutenir l’amendement no 81.

    M. Roger Vicot

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    Je serai très rapide, puisque je viens d’exposer les raisons de l’inefficacité des peines planchers, documentée de manière répétée par les études, même si madame la rapporteure a rappelé que les peines planchers prévues dans la proposition de loi ne sanctionneraient que certains actes.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sandra Regol, pour soutenir l’amendement no 110.

    Mme Sandra Regol

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    Le retour des peines minimales dans notre droit est ainsi justifié dans l’exposé des motifs : « Il faut assumer de réprimer les récidivistes de manière plus stricte pour dissuader l’auteur de passer à l’acte à nouveau. » Petit souci : la Commission d’analyse et de suivi de la récidive rappelait, au milieu des années 2000 que « la réalité de l’efficacité doit être évaluée rigoureusement car elle ne se confond ni avec les bonnes intentions, ni avec le "bon sens", ni avec les méthodes qui oublient d’intégrer au programme le fait de traiter les problèmes associés aux comportements délinquants ».
    Lors de mon intervention dans la discussion générale, j’ai dressé un bilan assez large de la littérature scientifique ; le garde des sceaux, le président de la commission et l’ensemble de mes collègues s’y sont également attelés. Je voudrais néanmoins ajouter un point sur les effets délétères induits par l’application des peines minimales, qui sont non seulement inefficaces mais également contre-productives. Face à l’engorgement des prisons, les magistrats ont tendance à prononcer des peines alternatives, comme le sursis avec mise à l’épreuve allongée, alourdissant du même coup la charge de l’administration pénitentiaire.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Eh oui !

    Mme Sandra Regol

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    Deuxième effet délétère : plus les infractions sont légères, plus les peines minimales sont appliquées. C’est contradictoire et contre-productif, mais c’est surtout particulièrement injuste. Des peines de prison disproportionnées et inadaptées conduisent à disqualifier la loi. C’est un danger pour la République et pour la démocratie. Elles conduisent également à disqualifier les représentants de la loi aux yeux de la personne punie et aux yeux de toutes les personnes qui peuvent témoigner de l’application de telles peines. C’est un obstacle au respect ultérieur des normes collectives. Enfin, les peines de prison ferme sont considérées par les chercheurs comme un facteur de récidive quand elles sont mal appliquées, ce qui est un autre signe de l’effet contreproductif des peines planchers.
    Pour conclure, je rappelle que nous, membres du groupe Écologiste-NUPES, sommes très attachés au principe d’individuation des peines et nous opposons à leur automaticité. Il importe que le juge continue de pouvoir juger.

    Mme la présidente

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    Merci de conclure, chère collègue.

    Mme Sandra Regol

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    Comme en commission, nous vous demandons donc de supprimer cet article. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Andrée Taurinya, pour soutenir l’amendement no 111.

    Mme Andrée Taurinya

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    Rien, aucune étude, aucun rapport ne permet d’affirmer l’efficacité des peines minimales, c’est-à-dire planchers, introduites en 2008 par Sarkozy, comme cela a été rappelé plusieurs fois ce matin.

    M. Ian Boucard

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    On dit : « M. le président Sarkozy » !

    M. Sylvain Maillard

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    C’est qu’à LFI, ils réservent le mot « président » à Mélenchon !

    Mme Andrée Taurinya

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    Plusieurs études internationales prouvent même le contraire. L’avocat général à la Cour de cassation avait rendu un bilan sévère de ce dispositif, qui avait conduit à revenir sur cette mesure en 2014. Pourquoi, neuf ans plus tard, faudrait-il rétablir les peines planchers, alors que nous savons qu’elles n’ont aucun effet dissuasif ? Elles ont eu pour seuls effets d’augmenter le nombre des peines prononcées, de les alourdir et d’accroître le nombre de détenus en prison.
    Ce que cache cet article, c’est la vieille rengaine du tout répressif qui n’a jamais fait ses preuves, c’est le refrain préféré de la droite et de l’extrême droite. Nous vous demandons donc de supprimer cet article. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

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    Vous me permettrez d’être un peu plus prolixe sur ces amendements de suppression, alors que je ne me suis pas exprimée à l’issue de la discussion générale. En outre, ma réponse couvrira, je pense, un bon tiers des amendements.
    La commission a effectivement supprimé l’article 1er, choix auquel je suis évidemment farouchement opposée. En substance, chers collègues, vous rejetez cet article au motif que l’expérience des peines planchers de 2007 n’a pas fonctionné et que le dispositif est inefficace. Vous avez raison, et cela tombe bien, parce que le dispositif proposé ici n’a rien à voir avec celle-ci, à moins de comparer des pommes et des bananes.

    Mme Caroline Fiat

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    Les deux sont des fruits !

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

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    C’est ce que vous faites depuis le début, en vous trompant de texte, en rejouant les débats de 2007 et de 2014, et en comparant ce qui n’a pas lieu de l’être. C’est sûr, c’est plus simple – quand on veut tuer son chien, on l’accuse d’avoir la rage !
    Je vous rappellerai donc la réalité de ma proposition. Les peines planchers de 2007 s’inscrivaient dans une politique pénale globale, massive, de lutte contre la récidive. Celle-ci concernait tant les majeurs que les mineurs et prévoyait ainsi la levée de l’excuse de minorité – ce qui avait suscité une importante polémique ; elle s’appliquait à tous les délits et crimes punis de plus de trois ans d’emprisonnement, c’est-à-dire plusieurs milliers d’infractions, la quasi-totalité du code pénal. En outre, les peines planchers étaient sévères et allaient jusqu’à quinze ans d’emprisonnement. Elles ont ainsi bien peu en commun avec le contenu de l’article 1er, tant par leur philosophie que pour ce qui concerne leur champ d’application et les peines concernées.
    La philosophie : bien évidemment, nous ne prétendons pas ici définir une nouvelle politique de lutte contre la récidive, car c’est le rôle et la responsabilité du garde des sceaux. Nous avons choisi, avec ce texte, de cibler les atteintes à l’autorité, à la République, à la vie en commun. Le périmètre visé est donc restreint aux infractions de violence délictuelle commises contre les agents publics.
    Quant à la peine proposée, elle est d’un an d’emprisonnement, choix proportionné, puisque les peines actuellement prononcées en la matière sont, selon les chiffres de la DACG – direction des affaires criminelles et des grâces – de huit mois en moyenne – elles sont donc parfois plus longues, parfois moins, tout ceci est précisé dans le rapport.
    Vous comprendrez que la comparaison avec les peines planchers de 2007 ne tient pas la route avec un autre exemple : c’est comme si vous rejetiez une subvention ciblée sur un public particulier, au motif que les aides massives, généralisées et non ciblées, déjà expérimentées, n’ont pas fonctionné, alors que c’est tout sauf évident. Toutes vos références aux conclusions de la conférence de consensus sur la prévention de la récidive sont donc inopérantes, car celles-ci s’appliquent au grand projet de 2007, les peines planchers, mais certainement pas aux présentes propositions, qui n’ont jamais été expérimentées.
    Monsieur Vicot, si c’est le principe de peine minimale – soit le seul point commun de ce texte avec celui de 2007 – qui vous gêne, au motif que celle-ci déposséderait les juges de leur office, soyez rassuré. Tout d’abord, les principes de peine minimale, d’individualisation et de nécessité de la peine ne s’opposent pas nécessairement. Tout dépend de la manière dont la mesure est conçue. Monsieur Balanant, si vous ne me croyez pas, sachez que c’est le point de vue du Conseil constitutionnel lui-même, formulé à trois reprises – en 2007, en 2011 et en 2018, après la décision que vous avez citée, et que je sais lire, pour avoir été avocate. Le Conseil indique ainsi que les principes d’individualisation et de nécessité de la peine, auxquels nous tenons tous, ne sauraient « faire obstacle à ce que le législateur fixe des règles assurant une répression effective des infractions », comme nous le proposons ici. Et la peine minimale prévue, d’un an, laisse suffisamment de marge de manœuvre au juge, puisque les peines encourues pour les délits concernés sont de trois, cinq et sept ans.
    Le juge pourrait en outre déroger à cette peine minimale, en fonction des éléments du dossier et de la personnalité de l’auteur ; c’est une garantie supplémentaire tout comme le fait que les règles de sursis, d’aménagement de peine et d’irresponsabilité pénale ne seraient pas mises en cause. Ainsi, notre proposition entre absolument dans les clous des décisions du Conseil constitutionnel ; elle coche toutes les cases.
    Chers collègues, il ne s’agit pas d’accuser les magistrats de laxisme, de se défier d’eux, mais d’accompagner la main du juge, comme vous l’avez fait en d’autres occasions – j’y reviendrai –, et nous le faisons en respectant les règles de l’art, la Constitution. Notre rôle de législateur est bien de fixer des orientations, des cadres, y compris pour des sujets difficiles comme la justice. Il faut convaincre les magistrats, même si cela demande du courage politique. En ce qui nous concerne, nous ne nous déroberons pas.
    Ceux d’entre vous qui prétendent que la libre appréciation du juge écrase tous les autres principes, qu’elle doit n’être jamais liée, contrainte, entravée par un cadre, nagent en pleine contradiction. Qu’ils se réveillent : quid de la peine plancher en matière criminelle, identique dans son principe, en vigueur depuis 1994 et qui s’applique sans la moindre dérogation possible du juge ? Je n’ai entendu personne ici la remettre en cause. Quid – ce cas est amusant – de la peine plancher de deux ans d’emprisonnement – soit davantage que celle proposée ici – en vigueur jusqu’en 2018 pour le délit de blanchiment douanier ? Cette peine, instaurée en 2014, sous un gouvernement socialiste, alors que M. Hollande était président, n’a été supprimée en 2018 que parce que sa sécurité juridique était remise en question – de manière infondée. Alors qu’elle faisait l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), le législateur a anticipé une censure qui n’a pas eu lieu,…

    M. Erwan Balanant

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    Parce que le Conseil constitutionnel n’a pu se prononcer !

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

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    …le Conseil constitutionnel validant cette peine plancher, dans sa décision no 2018-731, monsieur Balanant. Quid – cas plus intéressant – des peines complémentaires obligatoires ? Il s’agit bien de peines minimales, qui lient la juridiction, certes complémentaires, mais complémentaire ne signifie pas accessoire.

    M. Ian Boucard

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    Elles sont surtout automatiques !

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

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    Elles sont surtout automatiques.

    M. Fabien Di Filippo

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    M. Boucard avait déjà lu le livre, alors forcément…

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

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    Ces peines complémentaires automatiques sont soutenues par de nombreux groupes politiques de l’Assemblée ; je rappelle qu’il y a quelques semaines nous avons voté à l’unanimité la proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales de Mme Santiago, membre du groupe Socialistes et apparentés, qui, en plus de prévoir un retrait obligatoire de l’autorité parentale dans certaines hypothèses, en prévoit la suspension automatique pour des personnes qui ne sont même pas condamnées, mais simplement poursuivies ou mises en examen. Où est la personnalisation de la peine ? C’est bien une peine automatique !
    Comment s’opposer, dès lors, à une peine minimale d’un an en cas non pas de primo-délinquance, mais de récidive de violence contre des agents publics ? Comment s’opposer à une telle peine pour des personnes condamnées, quand on défend des condamnations obligatoires pour des personnes simplement poursuivies et, en l’état du droit, présumées innocentes ?
    Les membres de la NUPES et ceux qui partagent leurs positions…

    M. Ian Boucard

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    Le groupe Renaissance !

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

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    …alors qu’ils sont favorables à une peine obligatoire pour des personnes innocentes, s’opposent à un dispositif voisin pour des récidivistes coupables de violences contre les forces de l’ordre, les élus, les infirmiers, les facteurs, les gardiens d’immeuble ! Pourtant, il est possible de défendre les deux dispositifs – le premier, dans l’intérêt supérieur de l’enfant, le second, dans l’intérêt supérieur de ceux qui nous protègent, nous soignent, nous instruisent et assurent la continuité des services publics. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LR. – M. Roger Chudeau applaudit également.)
    Dans le même esprit, c’est bien notre majorité qui a étendu le champ de la peine complémentaire obligatoire – c’est-à-dire automatique – d’inéligibilité pour les auteurs d’une série de crimes et de délits, dont la quotité peut atteindre dix ans : ce n’est pas une petite peine. Une proposition de loi de Mme Bergé et M. Houlié, cosignée par les membres du groupe Renaissance, prévoit d’ailleurs d’étendre encore ce dispositif. Comment s’opposer à l’article 1er du présent texte, quand on soutient une peine d’inéligibilité automatique de dix ans ? (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)

    M. Ian Boucard

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    C’est la fameuse jambe gauche !

    M. Fabien Di Filippo

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    Une sacrée incongruité !

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

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    Les faits visés dans votre proposition de loi sont graves, mais ne supplantent pas l’atteinte aux valeurs sociales que constituent les violences volontaires que nous voulons réprimer par le présent texte.
    Passons sur l’amendement déposé par deux de nos collègues communistes…

    Mme Elsa Faucillon

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    Ce sont des membres du groupe GDR-NUPES, pas des communistes ! Vous avez été vice-présidente, vous devriez connaître les groupes politiques !

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

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    …– Madame Faucillon, vous n’êtes pas parmi les signataires ; ce sont Mme K/Bidi et M. Rimane – sur la proposition de loi Bergé-Houlié, si je peux l’appeler ainsi, afin d’instaurer une peine plancher en cas de récidive, sans dérogation possible.

    M. Erwan Balanant

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    L’amendement a été retiré !

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

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    Et avant-hier, en commission des lois, si Mme Bergé, rapporteure du texte, a rejeté l’amendement, ce n’est pas à cause d’une condamnation de principe des peines minimales, mais parce que celui-ci ne prévoyait pas de dérogation permettant la libre appréciation du juge et était à ce titre inconstitutionnel. Au contraire, l’article 1er du présent texte l’est.

    M. François Piquemal

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    Il faudrait abréger, là !

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

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    Admettez donc, chers collègues, que je ne comprenne pas votre position. La seule conclusion qui s’impose est que vous faites un blocage idéologique sur un point sémantique – l’expression « peine plancher ». (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LR.)
    Appelons-la autrement – peine minimale, minimum pénal –, je suis ouverte à toutes les suggestions. J’insiste simplement pour que vous regardiez le pays tel qu’il est, sans vous arranger avec vos convictions, sans refuser de voir le terreau de la délinquance. (Mme Emmanuelle Ménard applaudit.) Soyez pragmatiques ; nos concitoyens vous le demandent. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LR et RN.)
    Notre responsabilité est de répondre présents face aux questions de justice, de sécurité. Chers collègues de la NUPES, vous prétendez que le taux de récidive stagne, sans citer les bons chiffres ou en les tronquant – pour ma part, j’espère ne pas l’avoir fait et me suis contentée de citer ceux du ministère de la justice. C’est de la folie ! En réalité, vous avez abandonné les sujets régaliens, vous refusez de légiférer en matière de sécurité et de justice.

    M. Antoine Léaument

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    Mais non !

    Plusieurs députés des groupes RN et LR

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    Mais si !

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

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    Mais si, mes chers collègues. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR. – Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme Elsa Faucillon

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    Vous, vous instrumentalisez le domaine régalien !

    Mme la présidente

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    S’il vous plaît, chers collègues, seule Mme la rapporteure a la parole.

    M. François Piquemal

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    Ah ça, on le sait qu’elle a la parole ! (« Oh ! » sur les bancs du groupe HOR.)

    M. François Jolivet

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    Lamentable !

    M. Jocelyn Dessigny

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    Ce n’est pas du sexisme, ça ?

    Mme la présidente

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    Un peu de respect s’il vous plaît, chers collègues.

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

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    Je n’ai pas entendu ce que M. Piquemal a dit.

    Mme la présidente

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    Il constatait simplement que vous aviez la parole.

    M. Fabien Di Filippo

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    Un casque bleu à la présidence !

    Mme la présidente

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    Chers collègues, revenons à l’intervention de Mme la rapporteure.

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

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    Où est la personnalisation de la peine, quand vous votez à deux mains des peines automatiques complémentaires ? Vous faites un faux procès au présent texte, car vous êtes contraints par un carcan idéologique…

    M. Julien Bayou

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    C’est gonflé !

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

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    …qui porte préjudice au pays, car il ne correspond pas à l’intérêt général. Je vous ai donné les chiffres : le taux de récidive ne stagne pas ; de l’aveu même de ceux que j’ai auditionnés, c’est un problème. Reconnaissez-le.
    Quant au respect du principe d’individualisation de la peine, c’est l’avis du Conseil constitutionnel que je vous ai donné, pas le mien, et il l’a formulé à trois reprises ! Vous ne répondez pas à mes questions sur les peines automatiques complémentaires, car vous ne le pouvez pas. Il faudrait pour cela avouer vos contradictions.

    Mme Sandra Regol

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    Oh non, je vous assure !

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

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    Qu’est-ce qui nous insupporte ? C’est que l’on puisse s’en prendre deux fois, voire trois, à un facteur, une infirmière, un agent hospitalier ou un policier. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs des groupes LR, Dem et RN.)

    M. Laurent Jacobelli

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    Exactement !

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

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    Nous apportons une réponse globale. Je le répète, personne n’en parle et vous faites mine d’écarter les trois quarts de ce texte ! Il ne s’agit pas de dogmatisme sécuritaire, mais il ne s’agit pas non plus de privilégier le dogme du non-punir, du zéro incarcération. Nous l’affirmons, notre pays fait face à une crise de l’autorité. En conséquence, oui, l’emprisonnement est une solution. Ce n’est certainement pas la seule solution, mais c’est une des solutions.
    L’article 1er doit être pris dans sa globalité – dissuasion et accompagnement. L’erreur de 2007 a été de ne retenir qu’une approche répressive, dont le champ était très large. L’erreur de 2014 a été de s’appuyer uniquement sur l’accompagnement. Nous proposons une synthèse ciblée et calibrée : dissuader et accompagner. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs des groupes LR, Dem et RN.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Ce sujet mérite beaucoup de recul, beaucoup d’attention et beaucoup de nuances. Pour cela, il faut du temps – le temps du débat. Je suis donc tout à fait favorable à ce que nous puissions débattre. C’est pourquoi je m’en remettrai à la sagesse de votre assemblée et, au fond, à la vitalité de la vie démocratique.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Monsieur le ministre, j’ai écouté attentivement vos objections au rétablissement des peines planchers. J’entends vos arguments. Certains sont tout à fait raisonnables, d’autres sont davantage de mauvaise foi.
    En outre, vous occultez totalement une des dimensions importantes de cette proposition de loi : sa dimension symbolique. À l’heure où, dans notre pays, certains groupes politiques affirment régulièrement et sans sourciller que la police tue,…

    M. Antoine Léaument

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    Ça arrive…

    Mme Emmanuelle Ménard

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    …à l’heure où le Président de la République multiplie les déclarations contradictoires, créant un flou, si vous me permettez l’expression, sur ses relations avec la police, employant le terme de violences policières et s’appropriant ainsi le discours et les éléments de langage de l’extrême gauche, il est essentiel de ne pas négliger la valeur symbolique du rétablissement des peines planchers, pour réaffirmer notre soutien plein et entier aux forces de l’ordre et à ceux qui remplissent des missions de service public.
    Cette valeur symbolique est entre vos mains – entre nos mains – et ceux qui sont sur le terrain au quotidien, parfois au péril de leur vie, ne comprendraient évidemment pas que nous reculions. C’est pourquoi il faut absolument voter contre ces amendements de suppression de l’article 1er.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Timothée Houssin.

    M. Timothée Houssin

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    Bien évidemment, nous voterons contre ces amendements de suppression, car supprimer l’article 1er, c’est supprimer la proposition de loi – c’est le seul article garantissant des peines suffisantes face à des récidives graves.
    L’extrême gauche affirme que les peines planchers sont inefficaces, car elle reste centrée sur l’individu et sur des résultats de court terme, sans jamais évoquer la société et les effets de long terme ou l’exemplarité d’un jugement. Lors d’un procès, il y a un public, des témoins, et, bien souvent, les prévenus sont accompagnés par des amis, des proches ou des voisins. En outre, le jugement est médiatisé. Cela permet de savoir si la République est sévère ou si elle ne l’est pas. Et, lorsqu’elle est laxiste, elle crée un sentiment d’impunité qui, à son tour, entraîne délinquance et récidives. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Caroline Abadie.

    Mme Caroline Abadie

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    En commission, comme ce matin, nous n’avons accusé personne d’être idéologue, et encore moins Mme la rapporteure. J’espère donc qu’elle ne nous fera pas ce procès…

    M. Fabien Di Filippo

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    Quelles tensions dans la majorité !

    M. Laurent Jacobelli

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    Ça bringuebale !

    Mme Caroline Abadie

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    …car notre groupe politique s’est justement construit sur le meilleur de la droite et de la gauche pour faire avancer notre pays.

    M. Sébastien Chenu

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    Ce n’est pas réussi ! Vous avez plutôt pris le pire des deux !

    Mme Caroline Abadie

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    Pourquoi ne croyons-nous pas aux peines planchers ? Jusqu’en 2017, je n’avais pas d’avis sur la question. C’est grâce au travail parlementaire que j’ai évolué. J’ai siégé à l’Observatoire de la récidive et de la désistance, entendu l’association nationale des juges d’application des peines, les professionnels du Spip, ainsi que les professionnels du droit de mon territoire. Cela m’a permis d’en conclure que les peines planchers ne font pas diminuer la récidive. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.) Ce n’est pas parce qu’on les a appliquées à l’intégralité du code pénal en 2007 et qu’on les appliquerait sur quelques pages seulement demain que la différence serait fondamentale.

    M. Stéphane Viry

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    Le ministre s’en remet à notre sagesse !

    Mme Caroline Abadie

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    En revanche, il s’agit de la niche parlementaire d’un groupe politique avec lequel nous partageons beaucoup, avec lequel nous avons tant en commun.

    M. Ian Boucard

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    C’est émouvant !

    Mme Caroline Abadie

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    C’est pourquoi nous souhaitons que le sujet, qui a fait l’objet d’un travail sincère, puisse donner lieu au débat qu’il mérite. Nous nous abstiendrons donc sur ces amendements.

    M. Ian Boucard

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    Ça progresse !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Erwan Balanant.

    M. Erwan Balanant

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    J’ai écouté avec beaucoup d’intérêt l’exposé de la rapporteure, Naïma Moutchou. Elle a dit des choses très justes sur la récidive qui est, je le répète, une triple peine : pour la nouvelle victime, pour la société qui prend acte de son incapacité à réinsérer un individu et aussi, évidemment, pour le délinquant qui tombe dans la spirale de la prison.

    M. Fabien Di Filippo

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    Il l’avait déjà dit !

    M. Erwan Balanant

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    Un débat, sans tabou, sans totem, sans idéologie, est donc nécessaire, c’est la conviction du groupe Démocrate, qui n’a pas d’idéologie sur ce sujet.

    M. Laurent Jacobelli

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    Ni sur aucun !

    M. Erwan Balanant

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    C’est pourquoi nous allons voter contre les amendements de suppression, bien que nous soyons opposés à votre dispositif, madame la rapporteure.

    Mme Sandra Regol

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    Pourquoi voter contre les amendements alors ?

    M. Erwan Balanant

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    Pourquoi y sommes-nous opposés ? Non par idéologie parce que nous serions, par principe, contre les peines planchers, mais parce qu’elles ont démontré qu’elles ne fonctionnaient pas ! Nous ne résoudrons donc pas le problème de la récidive avec un dispositif qui ne fonctionne pas. Mais le débat permettra peut-être – même si j’ai quelques doutes – d’avancer, de faire émerger des propositions et des pistes pour diminuer la récidive.

    Mme Sandra Regol

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    Les amendements de l’extrême droite, c’est cela qui va faire avancer le débat ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. François Jolivet.

    M. François Jolivet

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    Le groupe Horizons et apparentés ne votera pas ces amendements de suppression. Derrière les institutions de la République, y a-t-il, ou non, des hommes et des femmes qui partent au travail tous les matins ? Nous sommes nombreux, sur ces bancs, à dénoncer, condamner, tweeter et nous émouvoir des atteintes portées à nos institutions. Mais il s’agit de discours, et rien ne se passe.
    Aujourd’hui, je pense à celles et ceux qui travaillent, qui sont engagés et portent la responsabilité de missions de service public : agents publics, fonctionnaires territoriaux, hospitaliers ou d’État, sans oublier les fonctionnaires des établissements publics nationaux, les femmes – car ce sont souvent elles qui se font agresser – qui sont à l’accueil des CAF, les agents des sociétés fermières d’eau et d’assainissement, qui exercent une mission par délégation de service public et se font, eux aussi, agresser, tous ces gens qui partent parfois au travail la peur au ventre.
    J’entends les débats d’experts, les constats scientifiques – même si les scientifiques ne sont jamais d’accord entre eux – mais, surtout, je sais que ces agents ont besoin d’une protection particulière. Lors des débats sur le projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure, nous n’étions pas tous d’accord mais, finalement, le texte a été adopté.
    Repoussez donc ces amendements afin que le débat ait lieu et gardez en tête qu’être député, c’est faire et dire, et dire ce que l’on fait. On ne peut pas, un jour, condamner l’agression d’agents en charge d’une mission de service public puis, le lendemain, ne rien faire pour eux lorsqu’ils partent au travail ! (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs des groupes LR et RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. René Pilato.

    M. René Pilato

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    Vous ne tenez pas compte de la réalité vécue par les agents qui travaillent au service de la justice. Ils ne veulent pas d’un retour des peines planchers car elles ne fonctionnent pas.

    M. Ian Boucard

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    Les Français en veulent, eux !

    M. René Pilato

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    Et que faites-vous de la surpopulation actuelle dans les prisons ? Ainsi, quand celle d’Angoulême est remplie à 110 %, c’est-à-dire saturée, celles de Bordeaux et de Tulle atteignent 200 % d’occupation, soit deux détenus pour une place, et celle de Limoges 230 % ! Quand on veut débattre sérieusement, il faut tenir compte de la réalité du terrain et de l’avis des acteurs !

    M. Maxime Minot et M. Fabien Di Filippo

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    Ce ne sont pas les peines planchers le problème !

    M. Laurent Jacobelli

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    Ah, l’entre-soi !

    M. René Pilato

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    Là, le constat que vous faites, vous le faites dans votre tête.

    M. Maxime Minot

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    N’importe quoi !

    M. Jocelyn Dessigny

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    Allez dire ça à toutes les victimes !

    M. René Pilato

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    Il s’appuie sur l’affectif, et non sur la réalité. Vous parlez de bon sens et j’aimerais tordre le cou à cette idée, d’autant que des jeunes nous regardent depuis les tribunes. En effet, l’argument de bon sens s’oppose à la raison.

    M. Laurent Jacobelli

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    Pas vous ! Pas ça !

    M. René Pilato

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    Ainsi, quand on observe le ciel et qu’on constate que le soleil se lève et se couche, le bon sens voudrait qu’on en conclue, comme nos ancêtres, que le soleil tourne autour de la terre, ce qui est totalement faux.

    M. Fabien Di Filippo

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    Vous parlez de bon sens…

    M. Maxime Minot

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    Merci ! Bonne journée !

    M. René Pilato

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    Arrêtez donc de brandir le bon sens ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sandra Regol.

    Mme Sandra Regol

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    Le débat, assez nourri depuis ce matin, l’a aussi été en commission. Nous avons eu l’occasion d’aller au fond des arguments. Ces arguments s’appuient sur nos valeurs, des valeurs qui nous opposent mais qui fondent nos choix.
    En revanche, madame la rapporteure, le dogmatisme, c’est de refuser la réalité, celle des chiffres, des études, des travaux des chercheurs. Le dogmatisme, c’est aussi de refuser d’entendre que votre proposition de loi s’appuie sur des dispositifs déjà expérimentés, qui se sont révélés inefficaces et que vous défendez… tout en nous accusant de dogmatisme ! Le dogmatisme est dans votre camp, et notre devoir est d’affirmer que votre proposition de loi porte une hérédité dont le temps, les chiffres et les faits ont prouvé la nocivité.
    Chers collègues des groupes Dem et Renaissance, vous vous êtes aussi exprimés contre…

    Mme Maud Petit

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    Pas tous !

    Mme Sandra Regol

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    Si vous considérez que l’article 1er est flou, ou dangereux, assumez-le ! Ensemble, comme en commission, votons contre et supprimons cet inutile article 1er, dangereux pour notre démocratie.

    M. Maxime Minot

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    Il n’est pas inutile !

    Mme Maud Petit

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    Moi, j’assume, je suis pour…

    M. Jocelyn Dessigny

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    Les forces de l’ordre s’en souviendront !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Ian Boucard.

    M. Ian Boucard

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    Le groupe Les Républicains votera évidemment contre ces amendements de suppression, puisque nous sommes favorables à l’article 1er, comme je l’ai précédemment expliqué.

    M. Fabien Di Filippo et M. Maxime Minot

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    Il a raison !

    M. Ian Boucard

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    Chers collègues de la majorité, vous ne pourrez pas toujours vous cacher derrière votre petit doigt. Sur l’article 1er, vous devrez décider si vous votez avec ceux qui veulent défendre les femmes et les hommes qui se lèvent le matin, qui endossent l’uniforme de la République, qui risquent leur vie pour assurer la sécurité des Français, ou avec ceux qui pensent que la police tue, qu’elle doit être désarmée, que nous n’avons pas besoin d’elle. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR et RN.)

    M. Ludovic Mendes

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    Vous mélangez tout !

    M. Ian Boucard

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    Vous pouvez dire ce que vous voulez, débattre du milieu ouvert et des travaux en commission. Chaque jour dans notre pays, plus de 100 fonctionnaires des forces de l’ordre sont attaqués. Je remercie à nouveau Mme la rapporteure de défendre l’article 1er, qui pose la question de savoir si nous voulons les défendre et les protéger, et pas autre chose.

    M. Maxime Minot

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    Exactement !

    M. Ian Boucard

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    Il ne s’agit pas de savoir si nous sommes favorables à plus ou moins de sévérité. Tout à l’heure, le garde des sceaux a fait un discours surréaliste de trente minutes adressé à un autre groupe d’opposition plutôt que de parler du texte, pour faire de l’obstruction. (Sourires sur les bancs du groupe RN.) Votre seule innovation, monsieur le garde des sceaux, consiste à ne plus réserver votre obstruction aux seuls textes de l’opposition.
    Ce débat est grotesque, mais il n’occultera pas le fond : oui ou non, voulez-vous protéger nos policiers, nos gendarmes, nos douaniers, nos gardiens de prison, nos instituteurs ? C’est la seule question ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LR et RN.)

    M. Julien Bayou

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    Ce n’est pas la question !

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix les amendements identiques nos 81, 110 et 111.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        158
            Nombre de suffrages exprimés                132
            Majorité absolue                        67
                    Pour l’adoption                31
                    Contre                101

    (Les amendements identiques nos 81, 110 et 111 ne sont pas adoptés.)
    (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et HOR et sur quelques bancs du groupe LR.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de sept amendements, nos 26, 50, 49, 130, 27, 131 et 129, pouvant être soumis à une discussion commune.
    Les amendements nos 49 et 130 sont identiques, ainsi que les amendements nos 27 et 131.
    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 26.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Les peines planchers visent à lutter contre la récidive, ce qui est précisément l’objectif affiché de la présente proposition de loi. Depuis le début de la discussion, les bancs de la gauche et de l’extrême gauche nous objectent leur inefficacité, comme vous, monsieur le ministre. Cependant, il y a une cause à ce manque d’efficacité : lorsque les peines planchers étaient en vigueur, les juges ont largement usé de leur pouvoir de dérogation, en prononçant de moins en moins souvent des peines automatiques qu’ils estimaient inadaptées, en particulier pour les petits délits.
    Nous sommes donc bien en peine de juger l’efficacité, réelle ou supposée, de telles peines. Il est vrai que leur rétablissement relève de l’affichage politique : il s’agit de faire montre de volonté et de fermeté. Encore une fois, en politique, les symboles comptent. Il est essentiel de manifester notre solidarité et notre soutien envers ceux qui nous protègent – policiers et gendarmes –, et envers ceux qui, par leur mission et leur engagement, servent l’intérêt général – pompiers, magistrats, avocats, enseignants, chauffeurs de bus, personnel soignant notamment.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Julie Lechanteux, pour soutenir les amendements nos 50 et 49, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

    Mme Julie Lechanteux

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    Il faut arrêter la politique politicienne ! L’intérêt des Français, ici leur sécurité, doit être la priorité. Nous n’avons rien inventé : 81 % d’entre eux estiment que la justice est trop laxiste. En effet, les condamnations prononcées sont bien trop faibles, voire ridicules, au regard des délits et des crimes commis.
    Prenons l’exemple des treize jeunes qui ont agressé des policiers et les ont brûlés au cocktail Molotov, à Viry-Châtillon : huit, je dis bien huit, ont été acquittés. Rendez-vous compte ! Cela signifie qu’en France, on peut lancer des cocktails Molotov sur les forces de l’ordre en toute impunité.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Mais vous êtes fous !

    Mme Julie Lechanteux

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    Vous parliez de bon sens tout à l’heure, mais où est passé le vôtre ? Où sont vos valeurs ? Ces policiers arrêtent sans cesse des délinquants, qui sont immédiatement relâchés.
    Oui, le laxisme des juges existe, par exemple en matière de viol. L’année dernière, un Syrien de 31 ans en situation irrégulière a été condamné à seulement cinq ans de prison, non pour le viol d’une femme, mais pour les viols de deux femmes, à moins de six mois d’intervalle. Il a violé ces deux femmes à cinq heures du matin, alors qu’elles rentraient de soirée. Elles auraient pu être vos filles, vos sœurs, vos mères !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Ce ne sont pas des magistrats, ce sont des jurys populaires – c’est vous ! Vous dites n’importe quoi !

    Mme Julie Lechanteux

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    Pendant ce temps-là, les députés de la NUPES affirment tranquillement que rien ne permet de penser que les magistrats feraient preuve d’une quelconque indulgence, en particulier lorsque les victimes sont des policiers, des gendarmes, des pompiers ou des professeurs. Voilà ce qu’on peut lire dans l’exposé sommaire de l’un des amendements de la NUPES. Il faut être complètement déconnecté de la réalité pour tenir de tels propos ! Surtout, cela revient à se moquer éperdument des victimes de violence.
    Il faut se préoccuper d’abord et avant tout de protéger les personnes agressées. Comme le porte-parole du Syndicat indépendant des commissaires de police, qu’il faudrait peut-être écouter, l’a très justement dit en audition, certains magistrats baignent dans une culture de laxisme. Il est donc nécessaire de rétablir les peines planchers. Le texte vise à les restaurer pour certains délits seulement, or elles sont nécessaires pour tous les délits, tous les crimes, comme c’était le cas auparavant.
    Les peines de prison ont un effet dissuasif et elles neutralisent les individus dangereux pour la société. Ce que la NUPES et la majorité présidentielle proposent, main dans la main, c’est de laisser les délinquants en liberté. Chers collègues, il faudrait se souvenir que le devoir de l’État est de garantir la sécurité des citoyens, première de leur liberté. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    Sur les amendements identiques nos 49 et 130, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutins public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Ian Boucard, pour soutenir l’amendement no 130.

    M. Ian Boucard

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    Je défendrai également les amendements nos 131 et 129. Ils visent à rétablir le dispositif des peines planchers, tel que la droite républicaine, notamment la garde des sceaux Rachida Dati, l’avait élaboré. La volonté de restaurer ce dispositif s’exprime de plus en plus fortement, je propose donc de l’inscrire dans la loi.
    Sur les peines planchers telles qu’elles avaient été définies, nos analyses divergent. Vous nous expliquez d’abord qu’elles n’ont pas fonctionné, puis qu’elles n’ont pas fonctionné parce que les juges ont agi à leur guise, en recourant systématiquement au principe de dérogation, sans respecter la loi votée par le Parlement. Je vous invite à les rétablir et à instaurer une procédure pénale qui fasse que les juges écoutent les représentants du peuple, afin que chacun soit dans son rôle : qu’ils appliquent les dérogations quand il y a lieu, et non dans 80 % des cas, comme cela a été précédemment expliqué.

    M. Julien Bayou

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    Et la Constitution ?

    M. Ian Boucard

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    Ce sont donc des amendements de bon sens, puisque tel est le mot du jour, qui feront œuvre utile. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.)

    Mme la présidente

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    L’amendement no 27 de Mme Emmanuelle Ménard est défendu.
    L’amendement identique no 131 de M. Ian Boucard vient d’être défendu, tout comme son amendement no 129.
    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

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    Avis défavorable. Je vous renvoie aux explications que j’ai précédemment développées : je ne souhaite pas rétablir les peines planchers de 2007, qui n’ont pas prouvé leur efficacité.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Avis défavorable. Quelle singulière conception de la justice, qui reproche à une cour d’assises d’avoir acquitté des hommes ! L’acquittement est prononcé quand on estime que la preuve de la culpabilité n’a pas été établie. Si le système que vous appelez de vos vœux prévoit que les hommes seront condamnés quand un doute subsiste, quel progrès ! Voilà les inepties que vous osez nous opposer ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Protestations sur les bancs du groupe RN.)

    M. Gilles Le Gendre

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    Eh oui !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    L’affaire de Viry-Châtillon vous porte malheur. (« Allez ! » sur les bancs du groupe RN.) Mme Le Pen avait expliqué que l’avocat général avait fait l’apologie des crimes commis, en particulier qu’il avait quasiment félicité l’un de leurs auteurs. Or elle s’était trompée. L’avocat général avait lu son réquisitoire, comme le font certains avocats et certains avocats généraux ; il en avait donc conservé une trace écrite. Il disait strictement le contraire. Mais vous n’êtes pas à un mensonge près.

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

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    Eh oui !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je retiens que le groupe Rassemblement national, aujourd’hui en la personne de Mme Lechanteux, est favorable à ce que l’on condamne des hommes au bénéfice du doute : c’est formidable ! (Protestations sur les bancs du groupe RN.)

    Un député du groupe RN

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    Pas un mot pour les victimes !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Ensuite, vous sortez l’affaire du Syrien. Vous qui aimez le peuple, qui revendiquez d’être les seuls à respecter sa volonté, souvenez-vous que la décision a été prononcée par un jury populaire. Connaissez-vous un mot, un seul mot, de ce dossier ? Si oui, levez-vous et dites-le-moi ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.)

    M. Laurent Jacobelli

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    Allez jouer au baby-foot !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    J’y retournerai, jouer au baby-foot, et je vous expliquerai ! C’est une honte !

    M. Jocelyn Dessigny

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    C’est vous qui êtes une honte ! Et les parties de cartes ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Vous mélangez tout ! Aucune finesse intellectuelle !

    Mme la présidente

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    Sur l’amendement no 50, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    (L’amendement no 26 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Bien que la demande de scrutin public sur l’amendement no 50 soit arrivée tardivement, êtes-vous d’accord pour procéder au vote dès maintenant ? (« Oui ! » sur divers bancs.)
    Je mets aux voix l’amendement no 50.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        110
            Nombre de suffrages exprimés                110
            Majorité absolue                        56
                    Pour l’adoption                42
                    Contre                68

    (L’amendement no 50 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix les amendements identiques nos 49 et 130.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        115
            Nombre de suffrages exprimés                114
            Majorité absolue                        58
                    Pour l’adoption                43
                    Contre                71

    (Les amendements identiques nos 49 et 130 ne sont pas adoptés.)

    (Les amendements identiques nos 27 et 131 ne sont pas adoptés.)

    (L’amendement no 129 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de deux demandes de scrutin public : par le groupe Rassemblement national sur l’amendement no 165, et par le groupe Les Républicains sur l’amendement no 120. 
    Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Philippe Pradal, pour soutenir l’amendement no 165.

    M. Philippe Pradal

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    Il vise à compléter l’article 1er en ajoutant trois infractions à la liste de celles prévues par le dispositif, afin d’améliorer ce dernier. La première concerne les violences commises sur les familles des personnes visées, afin que la récidive ne fasse pas des familles les victimes de dommages malheureusement collatéraux. La seconde élargit le champ au délit d’embuscade commis contre des membres des forces de l’ordre. La dernière inclut les violences commises avec usage ou menace d’une arme, en bande organisée, dans le cadre d’un guet-apens. Nous estimons logique et légitime d’ajouter ces trois infractions au dispositif prévu à l’article 1er. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe HOR.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

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    Avis favorable, à titre personnel. Il est cohérent d’élargir ainsi le champ des infractions. D’abord, les victimes concernées restent les mêmes : les dépositaires de l’autorité publique ou les personnes chargées d’une mission de service public. Je ne vois pas pourquoi on distinguerait la violence d’une embuscade de celle d’un guet-apens avec usage d’arme, ou les violences commises sur un pompier en raison de ses fonctions et celles commises sur son enfant.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Défavorable.

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 165.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        114
            Nombre de suffrages exprimés                110
            Majorité absolue                        56
                    Pour l’adoption                72
                    Contre                38

    (L’amendement no 165 est adopté. En conséquence, l’amendement no 120 tombe.)
    (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. Sébastien Chenu

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    Quand on peut rendre service !

    Mme Caroline Parmentier

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    Chez nous, c’est gratuit !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Nicolas Ray, pour défendre l’amendement no 120.

    M. Nicolas Ray

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    Permettez-moi de commencer par saluer l’audace et le courage de Mme le rapporteur du groupe Horizons et apparentés. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs des groupes RE et LR.) Elle défend un texte équilibré, qui consolide l’effet dissuasif des peines et la prévisibilité, et qui permet également de renforcer la répression à l’encontre…

    Mme la présidente

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    Excusez-moi, cher collègue, mais l’adoption de l’amendement no 165 a malheureusement fait tomber le vôtre.
    Je suis saisie de trois amendements, nos 80, 79 et 90, pouvant être soumis à une discussion commune.
    Les amendements nos 79 et 90 sont identiques.
    La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l’amendement no 80.

    M. Fabien Di Filippo

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    Malgré nos divergences d’appréciation sur l’efficacité des peines planchers, il ressort de nos débats l’existence dans la société de problèmes d’effacement de certains repères, de perte d’autorité et de montée de la violence. Il est important d’en tenir compte.
    Monsieur le garde des sceaux, dans votre réponse aux intervenants de la discussion générale, j’ai bien entendu vos propos reconnaissant que la peine minimale prévue, d’une durée d’un an, était beaucoup trop faible. Cet amendement vise à créer une peine minimale de trois ans d’emprisonnement pour des personnes perpétrant à nouveau des violences d’autant plus inacceptables qu’elles sont commises à l’encontre de policiers, de pompiers, de militaires, de représentants des forces de l’ordre et d’enseignants.

    Mme la présidente

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    Monsieur Di Filippo, je vous invite à présent à défendre l’amendement no 79.

    M. Fabien Di Filippo

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    Il s’agit d’un amendement de repli qui vise à créer une peine minimale de deux ans, si trois ans vous semblent trop longs.

    Mme la présidente

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    L’amendement no 90 de Mme Christelle D’Intorni est défendu.
    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

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    La durée de la peine minimale fait partie des réflexions nécessaires. Toutefois, avec une peine minimale d’un an, le dispositif me semble bien calibré ; il est resserré, mais je pense qu’il sera efficace et suffisamment dissuasif.
    Porter la durée minimale des peines planchers à deux ou trois années me semble excessif, puisque les peines encourues sont de trois ans. Une telle durée risque ne pas être dans les clous, pour le Conseil constitutionnel. La moyenne qui nous a été communiquée est de huit mois ; nous en proposons douze. Cela reste un minimum : le magistrat peut prononcer une peine supérieure. Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Au fond, peu vous importe que votre amendement soit inconstitutionnel ; le tout, c’est de rappeler haut et fort que vous êtes proches des policiers, des gendarmes…

    Un député du groupe RN

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    Contrairement à vous !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …et de tous ceux que le texte entend protéger, comme si vous en aviez le monopole. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)

    M. Sébastien Chenu

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    Oui, c’est vrai !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je l’ai rappelé : à compter du moment où un récidiviste encourt une pénalité deux fois plus lourde que celle encourue par un non-récidiviste et à compter du moment où le juge peut déroger, l’efficacité pose un véritable problème. Je maintiens ces arguments, qui ne sont pas dogmatiques. Tenir ces propos ne me rend pas moins attentif que vous à la situation des policiers et des gendarmes.

    M. Antoine Léaument

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    Vous n’aimez pas la police !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Il est possible de proposer des dispositifs utiles ; j’ai défendu la suppression des réductions de peine pour les agressions perpétrées contre les forces de sécurité intérieure, que j’estimais utile.
    Je vais vous dire ce que personne, vraisemblablement, n’osera dire.

    M. Laurent Jacobelli

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    Oh là là !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Nous assistons à une sorte de « fait-diversification » de la justice. Elle n’est plus présentée de façon globale, avec des chiffres, de la réflexion et de la nuance ; non, on nous sort une affaire, choquante, au sujet de laquelle la peine prononcée est ridicule. Effectivement, sur les centaines de milliers de peines prononcées, il en est parfois une qui nous amène à nous interroger. Comme pour les trains qui n’arrivent pas à l’heure, c’est naturellement sur celle-ci que l’on s’arrête.

    M. Jocelyn Dessigny

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    Votre train à vous est souvent en retard !

    M. Michel Herbillon

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    C’est la perception de nos concitoyens, monsieur le garde des sceaux !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Avec le dispositif que vous proposez, si le juge ayant prononcé une peine ridiculement faible était saisi, il dérogerait au dispositif. Cela ne changerait donc strictement rien !
    Pour le reste, nous pouvons convenir que certaines affaires posent un problème : c’est comme ça dans toutes les corporations. Dans la magistrature, des décisions parfois singulières sont rendues ; au barreau, des choses parfois singulières sont plaidées. Toutefois, cela n’est pas la norme ! Pour mesurer le laxisme de la justice, il ne faut pas s’arrêter à telle ou telle affaire, mais regarder l’ensemble des chiffres. Je vous les communique depuis des mois, mais vous refusez de les entendre ! Un juge laxiste dérogera, puisque, par définition, la peine plancher n’est pas obligatoire ; si elle l’était, elle serait anticonstitutionnelle.
    Chez vos amis hongrois,…

    M. Julien Odoul

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    Ah, ça faisait longtemps !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …les juges se plaignent d’être tenus par le pouvoir politique. Souhaitons qu’il n’en soit jamais ainsi en France !
    Avis défavorable.

    M. Jocelyn Dessigny

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    Vous n’êtes peut-être pas le défenseur des policiers, mais vous êtes celui des prisonniers ! Vous en avez le monopole !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Fabien Di Filippo.

    M. Fabien Di Filippo

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    Monsieur le garde des sceaux, ce ne sont pas des faits isolés ; chacun de nous a connu ce type d’affaire dans sa circonscription. Pensez à ce que peuvent ressentir des pompiers ou des policiers qui ont été agressés et qui, quelques semaines ou quelques mois plus tard, revoient leur agresseur, qui se permet de les narguer. C’est à des situations de ce genre que nous vous demandons de réagir.

    (L’amendement no 80 n’est pas adopté.)

    (Les amendements identiques nos 79 et 90 ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

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    L’amendement no 153 de Mme la rapporteure est rédactionnel.
    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Défavorable.

    Mme la présidente

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    Je le mets aux voix. (Mme la présidente met l’amendement no 153 aux voix.) Le résultat du vote à main levée étant douteux, nous allons procéder au vote par scrutin public.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Le doute profite à la présidente ! (Sourires sur plusieurs bancs.)

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        128
            Nombre de suffrages exprimés                122
            Majorité absolue                        62
                    Pour l’adoption                90
                    Contre                32

    (L’amendement no 153 est adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Nicolas Ray, pour soutenir l’amendement no 181.

    M. Nicolas Ray

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    Il a pour objectif d’ajouter à la sanction pénale prévue par l’article 1er une sanction financière prenant la forme de la suspension des droits à toute prestation sociale. Notre système de solidarité est un bien précieux, auquel nous sommes attachés, mais il constitue une charge publique, financée en grande partie par le travail des Français. Les délinquants récidivistes se placent en dehors du pacte social et ne peuvent donc continuer à profiter de ses avantages.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

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    Défavorable, sur le fond et sur la forme. Je ne souhaite pas que les prestations sociales puissent être supprimées. Je ne pense pas que le sujet soit celui de la responsabilité des familles.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Un parent handicapé dont l’enfant commettrait ce type d’infraction verrait donc son allocation aux adultes handicapés (AAH) supprimée ? Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Antoine Léaument.

    M. Antoine Léaument

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    Jusqu’où ira votre démagogie ? Proposer de supprimer les prestations sociales des parents d’une personne condamnée ? Vous rendez-vous compte de ce que vous proposez ? Celui qui commet un acte délictuel est puni pour cet acte ; vous, vous considérez que toute la famille est responsable, y compris les parents ! (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)

    Mme Caroline Parmentier

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    Oui, pour les mineurs !

    M. Antoine Léaument

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    Il faudrait alors supprimer les prestations sociales versées à ces derniers. Vous rendez-vous compte de l’absurdité de cet amendement et du fait qu’il ne respecte pas la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ?

    M. Erwan Balanant

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    Arrêtez de regarder de notre côté, ce n’est pas notre amendement !

    M. Antoine Léaument

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    Désolé, mais M. Ray est assis un peu plus haut que vous !
    Collègues, vous entrez dans une forme de démagogie qui frise l’absurdité. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Bien évidemment, nous voterons contre les amendements nos 181 et 182. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    (L’amendement no 181 n’est pas adopté.)

    M. Sylvain Maillard

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    M. Léaument nous a convaincus !

    Mme la présidente

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    Sur l’article 1er, je suis saisie par les groupes Horizons et apparentés, Rassemblement national, Les Républicains et La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l’amendement no 182.

    M. Fabien Di Filippo

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    Comprenez à quel point il est insupportable, pour nos concitoyens qui travaillent et paient leurs impôts, de voir que certains, alors qu’ils bénéficient de la solidarité nationale, se livrent à des actes délictuels parmi les plus graves : agresser des pompiers, des policiers, des enseignants.
    On ne peut se prévaloir de la solidarité de l’ensemble de la nation tout en sapant le fondement de ses institutions et en agressant ses plus éminents représentants. Vous avez été assez caricatural en évoquant l’AAH, monsieur le garde des sceaux. Chaque collectivité, y compris une commune, doit avoir la possibilité de suspendre les prestations qu’elle distribue.
    Chacun doit assumer la portée de ses actes, parce que lorsque l’on agresse quelqu’un ou lorsque l’on commet ce genre de délit, cela a un coût pour notre système de justice, pour nos collectivités, pour nos forces de l’ordre. À un moment donné, si l’on veut sortir de la spirale de la perte d’autorité dans laquelle est prise la France depuis une dizaine d’années, il faut rétablir ce type de repères.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

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    L’amendement no 78 vise à supprimer la possibilité pour le juge de déroger au minimum…

    M. Fabien Di Filippo

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    Nous examinons l’amendement no 182 !

    Mme la présidente

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    L’amendement no 78 sera examiné ensuite. Les amendements nos 182 et 78 n’ont pas fait l’objet d’une présentation groupée.  

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

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    J’émets donc un avis défavorable sur l’amendement no 182.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Même avis.

    (L’amendement no 182 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Sur l’amendement no 150, je suis saisie par le groupe Renaissance d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l’amendement no 78.

    M. Fabien Di Filippo

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    Monsieur le garde des sceaux, nous ne tomberons pas non plus d’accord sur cet amendement, qui vise à supprimer la possibilité pour la juridiction de « prononcer une peine inférieure à ce seuil ou une peine autre que l’emprisonnement ». Vous nous avez déjà expliqué en quoi cette mesure serait inconstitutionnelle.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

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    Sur cet amendement et ceux visant à restreindre la possibilité pour le juge de déroger à la peine minimale, je vous renvoie aux décisions du Conseil constitutionnel du 9 août 2007, du 10 mars 2011 et du 14 septembre 2018. Il rappelle la faculté pour le juge de prononcer une peine inférieure à la peine minimale d’emprisonnement, afin de tenir compte notamment des circonstances de l’infraction.
    Du reste, je propose la même dérogation que celle qui était prévue pour les peines planchers délictuelles dans la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, car c’est le dispositif le plus solide du point de vue juridique. Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Au moins, Rachida Dati défendait un texte qui était constitutionnel. Nous avons franchi toutes les limites du raisonnable, puisque, si des peines planchers sont automatiquement prononcées, nous n’avons même plus besoin de juges ! Une petite machine avec un beau programme ou une belle application suffiront.

    M. Erwan Balanant

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    ChatGPT, ça marchera bien !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    L’automaticité des peines aux États-Unis a conduit à la condamnation de quelques gamins, en état de récidive, à vingt ans d’emprisonnement pour avoir volé une pizza.

    M. Jocelyn Dessigny

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    Toujours la caricature !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    On ne peut légiférer sur de tels dispositifs sans faire preuve de nuance. Vous proposez l’automaticité des peines ; ce n’est donc plus la peine qu’on ait des juges. J’y suis totalement défavorable, c’est de l’antijustice par essence et par définition.

    M. Laurent Jacobelli

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    Vous avez peur pour vos petits protégés !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Mes petits protégés, c’était un gamin qui n’avait ni père ni mère, avec lequel j’ai joué deux minutes au baby-foot en allant au self. Vous, vous lui auriez sans doute donné un coup de pied.

    M. Jocelyn Dessigny

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    Accusation gratuite et sans fondement !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Alors, qu’auriez-vous fait ?

    M. Jocelyn Dessigny

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    Nous n’aurions pas joué au karting !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Vous avez l’humanité d’un verre de lampe !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Fabien Di Filippo.

    M. Fabien Di Filippo

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    On peut discuter de la constitutionnalité de la mesure et avoir des interprétations différentes. Mais il est ridicule d’être aussi caricatural. En effet, c’est toujours le juge qui décide si la personne est ou non coupable et c’est la loi qui fixe le quantum de peine, que vous le vouliez ou non. Et comparer ce dispositif, qui instaurerait une peine automatique d’un an de prison, avec celui en vigueur aux États-Unis, qui prévoit une peine automatique de vingt ans de prison, rend votre argumentation deux fois plus ridicule. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR et RN.)

    M. Laurent Jacobelli

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    Lamentable ! C’est Taubira avec une barbe !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Antoine Léaument.

    M. Antoine Léaument

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    Depuis ce côté de l’hémicycle, il est assez intéressant de vous regarder vous battre entre gens de droite.

    M. Sébastien Jumel

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    C’est assez jouissif !

    M. Antoine Léaument

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    L’alinéa 3 de l’article 1er de la proposition de loi de notre collègue Naïma Moutchou prévoit que « la juridiction peut prononcer, par une décision spécialement motivée, une peine inférieure à ce seuil ou une peine autre que l’emprisonnement en considération des circonstances de l’infraction ». Ainsi, vous proposez l’instauration de peines planchers, qui n’en sont pas vraiment puisque votre dispositif prévoit la possibilité d’individualiser ces peines.

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

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    Vous devriez être content, ça devrait vous plaire !

    M. Antoine Léaument

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    En effet, vous savez très bien que sans cette dérogation, celui-ci serait inconstitutionnel.
    En face, les députés siégeant sur les bancs de la droite nous disent qu’il faut instaurer de véritables peines planchers, sans donner la possibilité au juge de déroger au minimum. Ils proposent donc de remplacer l’alinéa 3 par l’alinéa suivant : « La juridiction ne peut prononcer une peine inférieure à ce seuil ou une peine autre que l’emprisonnement. »
    Vous rendez-vous compte du ridicule de la situation ?

    M. Fabien Di Filippo

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    C’est ridicule, 41 % des individus condamnés qui récidivent ?

    M. Antoine Léaument

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    Alors qu’en ce moment, il y a une urgence sociale, nous débattons du rétablissement des peines planchers. L’élargissement ou non du dispositif, son caractère constitutionnel ou non : en réalité, vous n’en avez rien à faire. Vous souhaitez simplement faire un peu de démagogie pénale (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES), afin de mettre les gens en prison et de pouvoir dire que tout le monde est irresponsable.
    Or, d’après l’exposé des motifs de la proposition de loi, les outils qui permettent réellement de prévenir la récidive – si tel était précisément votre objectif, vous prévoiriez d’autres mesures – sont les peines alternatives à la prison (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES), telles que le placement en extérieur. Arrêtez donc de nous faire perdre du temps alors qu’il y a des sujets bien plus importants à traiter que vos absurdités démagogiques ! (Mêmes mouvements.)

    M. Léo Walter

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    Très bien !

    (L’amendement no 78 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    L’amendement no 150 de M. Stéphane Viry est défendu.
    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

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    Défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Andrée Taurinya.

    Mme Andrée Taurinya

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    Le diable se cache dans les détails. Je voudrais expliquer de nouveau pourquoi cet amendement est dangereux,…

    M. Laurent Jacobelli

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    Ce sont les délinquants qui sont dangereux !

    Mme Andrée Taurinya

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    …comme vient de le faire le député Léaument. L’alinéa 3 de l’article 1er commence par un « toutefois » auquel cet amendement vise à substituer l’expression « par exception », ce qui limite encore plus le pouvoir des juges.

    M. Ian Boucard

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    Même vous, vous n’y croyez pas !

    Mme Andrée Taurinya

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    Une nouvelle fois, vous vous enferrez dans le tout-répressif. Par conséquent, nous voterons contre cet amendement.

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 150.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        181
            Nombre de suffrages exprimés                181
            Majorité absolue                        91
                    Pour l’adoption                56
                    Contre                125

    (L’amendement no 150 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Les amendements nos 177 et 178 de M. Alexandre Portier sont défendus.

    (Les amendements nos 177 et 178, repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Nicolas Ray, pour soutenir l’amendement no 132.

    M. Nicolas Ray

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    Il vise à instaurer une double peine…

    M. Matthias Tavel

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    Une double Le Pen, oui !

    M. Nicolas Ray

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    …pour les étrangers en situation de récidive, concernés par la peine minimale prévue par le présent article. En effet, ces personnes n’ont pas respecté le pacte républicain de notre pays qui les a généreusement accueillies et n’ont donc plus leur place sur notre territoire, après avoir purgé leur peine d’emprisonnement. C’est une mesure attendue par nos concitoyens.

    (L’amendement no 132, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’article 1er.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        185
            Nombre de suffrages exprimés                185
            Majorité absolue                        93
                    Pour l’adoption                87
                    Contre                98

    (L’article 1er n’est pas adopté.)
    (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à douze heures cinquante.)

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente

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    La séance est reprise.
    La parole est à Mme la rapporteure. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

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    Je prends la parole pour vous informer que je vais retirer la proposition de loi.

    M. Antoine Léaument

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    Très bien !

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

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    Croyez-moi, cela nous coûte, à moi et à mon groupe, et cela navre tous ceux qui auraient voulu voter pour ce texte.

    M. Jérôme Nury et M. Fabien Di Filippo

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    Eh oui !

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

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    Je pense en particulier aux absents, de tous bords.
    J’étais prête au combat, à un combat d’idées : argument contre argument, convictions contre convictions. J’étais moins prête – je dois vous le dire, mes amis – aux coups tordus, aux manœuvres, aux coups de procédure (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et LR), aux demandes de scrutin public sur des amendements rédactionnels…
    Quel gâchis, mes chers collègues !

    M. Jérôme Nury

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    Des faux amis !

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

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    Nous étions attendus, sur ce sujet. Hélas ! certains d’entre vous ont voulu en faire une affaire personnelle.

    M. Jérôme Nury

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    Exactement !

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

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    Quant à nous, nous ne sommes pas des députés hors-sol ; nous sommes proches des gens et des faits. Nous travaillons dans l’intérêt général, pour ceux qui se lèvent avec la mission de nous protéger, d’enseigner, de nous instruire. Nous leur devions ce texte ! (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et LR.)

    M. Ian Boucard

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    Bravo !

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

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    Nous sommes ici, car nous nous sommes engagés pour eux. Voyez-vous, mes chers collègues, nous refusons les positions doctrinaires : elles font du mal à l’intérêt général, à nos concitoyens, aux Français !
    Je retire la proposition de loi mais, je vous le dis, nous poursuivrons le combat. Nous continuerons à défendre nos convictions en la matière, et nous le ferons avec force, justice, justesse et vérité ! (Mmes et MM. les députés du groupe HOR se lèvent et applaudissent vivement. – Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mme Maud Petit applaudit également.)

    Mme la présidente

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    Il est pris acte du retrait de la proposition de loi par son auteure, en application de l’article 84, alinéa 2, du règlement.
    En conséquence, il n’y a pas lieu de poursuivre la discussion de la proposition de loi.

    2. Ordre du jour de la prochaine séance

    Mme la présidente

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    Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
    Discussion de la proposition de loi visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne ;
    Discussion de la proposition de loi visant à renforcer la protection des familles d’enfants atteints d’une maladie ou d’un handicap ou victimes d’un accident d’une particulière gravité ;
    Discussion de la proposition de loi visant à soutenir les petites entreprises et les collectivités territoriales en cas de crise énergétique.
    La séance est levée.

    (La séance est levée à douze heures cinquante-cinq.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra