Première séance du jeudi 06 avril 2023
- Présidence de Mme Caroline Fiat
- 1. Accès à une alimentation saine
- Présentation
- Discussion générale
- Discussion des articles
- Article 1er
- Mme Cyrielle Chatelain
- Mme Caroline Parmentier
- M. Elie Califer
- Amendements nos 25, 27, 16 et 94
- Sous-amendements nos 103, 104 et 102
- Amendements nos 48, 3 et 63
- Sous-amendement no 108
- Suspension et reprise de la séance
- Après l’article 1er
- Amendements nos 10 et 49
- M. Guillaume Kasbarian, président de la commission des affaires économiques
- Amendement no 23
- Article 2
- Rappel au règlement
- Article 2 (suite)
- Après l’article 2
- Amendement no 7
- Suspension et reprise de la séance
- Article 3
- Article 1er
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Caroline Fiat
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures.)
1. Accès à une alimentation saine
Discussion d’une proposition de loi
Mme la présidente
La proposition de résolution relative à la reconnaissance du massacre des Algériens du 17 octobre 1961 à Paris, ainsi que la proposition de loi relative à l’interdiction de toute forme de publicité numérique et lumineuse dans l’espace public, initialement inscrites à l’ordre du jour de ce matin, ont été retirées par leurs auteurs. En conséquence, l’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de Mme Francesca Pasquini et plusieurs de ses collègues visant à mieux manger en soutenant les Français face à l’inflation et en favorisant l’accès à une alimentation saine (nos 889, 1019).
Présentation
Mme la présidente
La parole est à Mme Francesca Pasquini, rapporteure de la commission des affaires économiques.
Mme Francesca Pasquini, rapporteure de la commission des affaires économiques
Il y a un an, rien ne laissait présager ma présence devant vous aujourd’hui. Je ne siégeais pas sur les bancs de l’Assemblée, mais j’avais face à moi une trentaine de jeunes élèves, assis sur les bancs de l’école. Souvent, on me demande par curiosité comment je vis ce changement. Comme vous l’imaginez, il n’est pas facile de passer d’un univers professionnel où il nous appartient de transmettre des savoirs et d’éveiller les curiosités, à un mandat d’élu où nous avons la merveilleuse responsabilité de porter la voix de ceux qui nous ont fait confiance.
En préparant la présente discussion générale, je me suis souvent demandé comment auraient réagi mes élèves aux trois articles de la proposition de loi. J’ai la profonde conviction qu’aucun ne se serait opposé à la mise en place d’une aide alimentaire pour les plus fragiles, ni à une solution permettant de mieux manger à la cantine tout en protégeant la planète, et qu’il leur aurait paru inacceptable de laisser leurs camarades s’empoisonner avec des additifs cancérigènes. Que se passe-t-il donc quand on devient adulte ? Comment expliquer que l’on s’oppose à ces propositions, qui relèvent pourtant du bon sens ? C’est tout simple : les enfants sont capables de comprendre simplement ce que nous, les adultes, voyons à travers de multiples filtres qui obscurcissent notre jugement. Ce matin, pourtant, de nombreux adultes vont jouer à un jeu d’enfant : Jacques a dit : « Votez contre la prime alimentation ! » Jacques a dit : « N’améliorez pas le contenu de l’assiette des enfants ! » Jacques a dit : « Fermez les yeux sur les additifs cancérigènes ! » Par cette proposition de loi, le groupe Écologiste-NUPES vous met face à vos responsabilités d’adultes. Je vous demande d’aborder l’examen des trois articles de la proposition de loi avec votre regard de législateur, qui vous engage et vous oblige.
Il y a trente-huit ans, Michel Colucci, dit Coluche, a eu, comme il le disait, « une petite idée » : récupérer des invendus alimentaires pour distribuer 2 000 à 3 000 repas par jour à ceux qui ne peuvent plus manger à leur faim, pour aider ceux qu’il appelait « les nouveaux pauvres » ; dix-huit villes avaient répondu à l’appel. Aujourd’hui, c’est-à-dire trente-huit ans plus tard, les Restos du cœur distribuent près de 400 000 repas par jour ; aux « nouveaux pauvres » d’hier en ont succédé d’autres, comme si la misère ne cessait de dévoiler de nouveaux visages. Coluche disait : « On est dans le pays de la bouffe et de la gastronomie, ce n’est pas ici que les gens vont mourir de faim ! » Pourtant, c’est bien ici que des gens ont faim, autour de nous, dans nos circonscriptions, partout dans le territoire, et de plus en plus.
Je citerai quelques chiffres, même s’ils ne sauraient remplacer l’expérience douloureuse et angoissante de la précarité, que certains d’entre vous soupçonnent à peine, ou pire, feignent de ne pas voir : 8 millions de Français sont en situation de précarité alimentaire avérée, et un Français sur cinq saute au moins un repas par jour. En mars, le prix des produits alimentaires avait crû de 15,8 % par rapport à l’année précédente, hausse inédite depuis les années 1980. Il serait illusoire de croire qu’une baisse de l’inflation résoudrait tous les problèmes par magie, tant l’insécurité alimentaire est devenue un fait structurel.
Que faire ? Personne, ici, ne peut se satisfaire de formules grandiloquentes et d’effets d’annonce. Nous devons trouver une issue rapide à l’urgence alimentaire. Toutes les associations que j’ai auditionnées m’ont fait part de leur inquiétude face à l’inaction du Gouvernement. Concéder 2 euros par personne et par an pour répondre à l’urgence de l’insécurité alimentaire, comme l’a proposé la majorité, est tout simplement indécent ! Votre main n’a pas tremblé lorsqu’il s’est agi de protéger les Français face à la hausse du prix de l’énergie : vous êtes donc parfaitement capables de faire de même ici.
Les Écologistes vous proposent une solution simple, efficace et faisant consensus parmi les acteurs de terrain : une prime de 50 euros par mois versée automatiquement aux ménages les plus précaires. Certains de nos collègues ont exprimé le souhait de flécher cette prime vers des produits durables. L’idée peut paraître louable, mais elle retarderait le déploiement du dispositif – le Gouvernement le sait pertinemment, puisque ces difficultés ont été recensées dans un rapport qu’il n’a jamais daigné remettre au Parlement. Nous ne pouvons plus décemment répondre aux Français qui ont faim : « Patience, un comité se réunira ! »
Une deuxième piste essentielle pour permettre aux Français de mieux manger réside dans la végétalisation accélérée de nos assiettes. Je tiens à dissiper d’emblée un malentendu qui s’est fait jour en commission : il n’est pas question d’imposer un quelconque régime alimentaire aux enfants – pour ne rien vous cacher, je ne suis d’ailleurs pas végétarienne. En revanche, nous souhaitons amplifier la part des protéines végétales, des fruits et des légumes dans l’alimentation, pour des raisons sanitaires et environnementales qui ne sont plus à démontrer. Sauf si nous versons dans l’idéologie et la mauvaise foi, il semble anachronique de s’opposer à des mesures permettant de réduire la consommation de viande : certains n’ont pourtant pas hésité à le faire en commission, faisant fi de la science par simple idéologie. La mesure que nous proposons est plébiscitée par les Français. Le baromètre du Réseau action climat paru mardi le confirme : 80 % des Français sont favorables à l’obligation d’instaurer un deuxième menu végétarien ou une option végétarienne quotidienne dans les cantines scolaires.
Mieux manger, enfin, c’est limiter les risques sanitaires qui pèsent sur l’alimentation. Malgré l’existence d’éléments scientifiques robustes relatifs aux risques de cancer, qui plaident pour l’interdiction des additifs nitrés dans la charcuterie, le Gouvernement semble avoir adopté une stratégie de fuite, remettant sans cesse à plus tard l’interdiction ferme. J’avoue ma surprise d’avoir constaté avant l’examen du texte en commission, lors d’une simple visite sur le site du ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, que le Gouvernement venait de publier son plan en catimini – peut-être avait-il conscience de la faiblesse de ses mesures. Comment peut-on se contenter de demander aux entreprises de s’autoréguler concernant un enjeu de santé aussi fondamental ? Comment peut-on qualifier un plan d’ambitieux, quand il privilégie la protection de l’industrie plutôt que celle des consommateurs ? Comme l’a réaffirmé récemment la Ligue contre le cancer, il n’y a pas de dose acceptable, à plus forte raison lorsque 4 000 cancers par an peuvent être évités.
M. Richard Ramos
C’est très juste !
Mme Francesca Pasquini, rapporteure
Je terminerai par une remarque plus générale. Le texte que je vous présente est le fruit de longs mois de travail, de discussions et de débats avec les experts et les acteurs de la société civile. Rien n’a été laissé au hasard. Depuis quelques jours, le Gouvernement feint de vouloir renouveler le dialogue avec les parties prenantes, en parlant de coconstruction de la loi.
M. Guillaume Kasbarian, président de la commission des affaires économiques
Concernant l’industrie verte, nous allons le faire !
Mme Francesca Pasquini, rapporteure
Pourtant, nos propositions de bon sens n’ont reçu aucune aide ni aucun soutien. Pire, nous avons eu droit à une marque de mépris évidente et à un refus du dialogue, à travers des amendements de suppression déposés dès l’examen en commission. Le Parlement continue d’être une simple chambre d’enregistrement des décisions de l’exécutif, aux dépens des sujets qui préoccupent les Français. Il est encore temps de prouver le contraire : il suffit de faire preuve d’honnêteté intellectuelle, de volonté et de courage politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES et Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées.
M. Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées
Plusieurs millions de nos concitoyens doivent restreindre leur consommation alimentaire par manque d’argent : personne ne saurait l’accepter dans un pays riche comme la France. Nous visons tous le même objectif : lutter contre le fléau de la précarité alimentaire. La discussion qui s’annonce sera l’occasion d’identifier les moyens les plus efficaces pour y parvenir. C’est une question compliquée, sur laquelle il faut se garder d’avoir des avis trop tranchés et définitifs.
J’ai passé douze ans à la Croix-Rouge française, à élaborer et à redéfinir des programmes d’aide alimentaire – l’ensemble des acteurs du secteur mènent une réflexion permanente sur le sujet. J’en ai tiré trois convictions. Premièrement, les solutions sur mesure sont bien plus efficaces que les mesures générales pensées pour répondre à des moyennes qui, sur le terrain, n’existent pas. Deuxièmement, on ne peut pas viser la quantité sans se soucier de la qualité. Troisièmement, le mieux qu’on puisse faire est d’accompagner, de renforcer et de soutenir la transformation de ceux qui sont les mieux placés : les acteurs de l’aide alimentaire eux-mêmes.
Fort de ces convictions éprouvées sur le terrain, je défends devant vous deux choix du Gouvernement : soutenir le pouvoir d’achat des plus modestes et garantir l’accès de tous à une alimentation de qualité.
Le soutien au pouvoir d’achat se traduit dans des mesures d’urgence, que nous avons prises dès l’été dernier : la remise carburant, puis l’indemnité carburant pour les ménages les plus modestes, visant à répondre à la flambée des prix de l’énergie ; le bouclier tarifaire énergie, qui a permis de lutter contre l’inflation à la racine au bénéfice de tous les Français ; le chèque exceptionnel destiné à 12 millions de foyers ayant des revenus modestes ou moyens ; la revalorisation exceptionnelle des pensions de retraite, des allocations familiales, des minima sociaux et du point d’indice de la fonction publique ; l’aide exceptionnelle de rentrée pour les familles bénéficiaires de minima sociaux ; le maintien du repas à 1 euro pour les étudiants modestes et la revalorisation des bourses – Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche s’est exprimée à ce sujet cette semaine ; enfin, le soutien renforcé aux familles monoparentales. J’ai une attention toute particulière pour ces dernières, car elles sont, plus que d’autres, confrontées à la précarité. Aussi avons-nous augmenté de 50 % l’allocation de soutien familial (ASF), et étendu les aides à la garde d’enfant jusqu’à l’âge de 11 ans.
Parallèlement à ces actions directes, nous avons agi pour soutenir fortement les acteurs de la solidarité. Je pense bien sûr aux associations – avec, par exemple, le renforcement des crédits en faveur de la domiciliation ou de l’accès aux droits –, mais aussi aux collectivités, sur lesquelles repose une large part de l’action sociale en France. C’est aussi pour protéger leurs marges d’action que nous avons créé l’amortisseur électricité et le bouclier tarifaire. Par ailleurs, la hausse des dotations – notamment de la dotation globale de financement (DGF) – dans la loi de finances pour 2023 a atteint des montants jamais vus depuis treize ans. Pour assurer le bon suivi de ces mesures, je maintiens un lien permanent avec toutes les associations du secteur. Je les ai encore réunies il y a quelques jours dans le cadre d’une cellule anti-inflation, qui doit aussi nous permettre, si nécessaire, de prendre de nouvelles mesures au plus près des besoins.
Ensuite, comme je l’évoquais, il y a la question de l’aide alimentaire. Le choix que nous avons fait est celui d’un soutien fort, puissant, ciblé, à l’aide alimentaire. Dès l’été, à l’initiative bienvenue de votre assemblée, nous avons débloqué des fonds d’urgence à hauteur de 55 millions d’euros, soit un doublement du budget de soutien à l’aide alimentaire. À l’automne, ce budget a de nouveau été abondé en loi de finances rectificative, à hauteur de 40 millions. Nous avons notamment fléché en urgence 10 millions vers des mesures spécifiques en faveur des étudiants. Ces mesures étaient nécessaires et efficaces. Elles permettent avant tout aux associations de faire face au contexte inflationniste. Nous avons souhaité les compléter avec une action structurelle en cours de déploiement : la création d’un fonds d’aide alimentaire durable, annoncé en novembre dernier par la Première ministre, qui permettra le déploiement du programme Mieux manger pour tous.
Chacun le sait, la question du chèque alimentaire unique à la main de l’État a été posée. Je le redis : ce n’est pas le choix que nous avons fait, pour des raisons non seulement d’efficacité opérationnelle, mais aussi de volonté de transformation durable du secteur. À ces deux titres, je sais que nous avons fait le bon choix, et ce d’autant plus que j’ai été, comme vous le savez, de l’autre côté de la barrière. Ce programme doté de 60 millions d’euros en amorçage a vocation à se déployer et à se développer tout au long du quinquennat, en fonction des retours d’expérience et des besoins observés. Il permettra de soutenir les acteurs, associations et collectivités territoriales, en proposant des paniers, des chèques et des ateliers verts et solidaires. Il se déploiera dans le cadre de deux volets.
Le premier permettra, au plan national, dans le cadre de conventions qui seront signées avec les associations d’aide alimentaire agréées, de soutenir des approvisionnements conformes aux recommandations du programme national nutrition santé (PNNS) en augmentant la part des fruits, légumes, légumineuses et produits sous label de qualité distribués aux 4 millions de bénéficiaires de l’aide alimentaire.
Le second volet, territorial, permettra de créer ce que j’appelle des alliances locales de solidarité alimentaire entre producteurs, associations, collectivités et bénéficiaires. C’est donc au plan local qu’il sera pertinent de soutenir – et que nous soutiendrons – des expériences de chèque comme il en existe déjà dans plusieurs villes, menées par des collectivités et des CCAS – centres communaux d’action sociale – ou par des associations. Je pense aux expériences pilotes menées à Montreuil et Dijon et, demain, à Rennes. Elles permettent souvent de faire le lien avec les Amap – association pour le maintien de l’agriculture paysanne –, dans une logique de circuits courts : c’était d’ailleurs très précisément la logique soutenue par la Convention citoyenne pour le climat (CCC). C’est aussi au plan local que nous pourrons soutenir les projets alimentaires territoriaux.
Cette approche, à la fois globale et locale, permet d’assurer un soutien homogène et de laisser toute sa place à l’expérimentation et à l’innovation. Elle permet aussi de soutenir des modèles d’avenir. Je suis convaincu que l’avenir de l’aide alimentaire, c’est avant tout l’accompagnement : il faut évidemment distribuer de l’aide – et nous faisons en sorte qu’il y en ait davantage –, mais il faut aussi soutenir les ateliers verts et solidaires qui permettent un accompagnement plus structurel et global de la personne et de sa famille. Il s’agit, très concrètement, de réapprendre à cuisiner des produits frais et sains auxquels certains ont trop rarement accès. Les acteurs de l’aide alimentaire sont nombreux à partager cette vision.
C’est d’ailleurs celle-ci qui irriguera le pacte des solidarités que je présenterai dans quelques semaines. Il s’inscrira en cohérence et en continuité avec la stratégie de lutte contre la pauvreté des dernières années, avec une ambition réaffirmée et des limites corrigées. Ce pacte s’appuiera sur quatre axes qui sont au cœur des grands enjeux, actuels et à venir, de la solidarité : d’abord, la prévention de la pauvreté et la lutte contre les inégalités à la racine, dès l’enfance ; ensuite, l’amplification de la politique d’accès à l’emploi pour tous ; le troisième axe sera la prévention de la bascule dans la pauvreté et de la lutte contre la grande exclusion ; enfin, le quatrième axe, qui est au cœur de nos échanges du jour, correspond à l’accompagnement des plus précaires dans la transition écologique, en agissant pour faire baisser les dépenses contraintes des ménages les plus modestes non seulement en matière d’alimentation, mais aussi de logement ou de mobilité. L’accès à l’alimentation de qualité pour tous y tiendra une place prépondérante avec, au-delà du programme Mieux manger pour tous, la volonté de déployer largement des mesures qui ont fait leurs preuves comme les repas à 1 euro dans les cantines des communes rurales ou les petits-déjeuners à l’école dans les territoires les plus fragiles.
Ce que je souhaite, et ce que je vous proposerai par un amendement à l’article 1er, c’est, en somme, de laisser se déployer l’initiative prise par le Gouvernement il y a quelques semaines lorsque j’ai lancé le programme Mieux manger pour tous. Nous souhaitons pouvoir expérimenter et évaluer l’approche souple et volontaire que je vous ai présentée, laquelle doit permettre un meilleur ciblage des besoins, puis mesurer les effets de cette approche et en évaluer ensemble la pertinence. C’est ainsi que nous pourrons véritablement lutter contre la précarité alimentaire, aux côtés des associations et des collectivités qui sont en première ligne au quotidien et dont nous reconnaissons l’action. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.)
Discussion générale
Mme la présidente
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Sandra Regol.
Mme Sandra Regol
La situation est historique. Je ne répéterai pas les chiffres, déjà énoncés, de l’inflation sur les produits alimentaires, ni ne rappellerai la hausse exponentielle du nombre de nouveaux bénéficiaires de l’aide alimentaire. Je considère que nous sommes tous conscients, sur ces bancs, de l’urgence d’agir. Et parce que je mise sur l’intelligence collective, je vous propose de nous concentrer collectivement sur les solutions afin que des milliers de familles aient enfin de quoi remplir leur frigo demain. Avant même d’être une urgence, c’est un devoir auquel nos différences politiques ne sauraient faire frein.
Depuis le début de la législature, les Écologistes et la NUPES en général ont proposé des mesures en ce sens, comme la hausse des salaires ou celle des minima sociaux : toutes ont été refusées. Nous ne lâchons pas et nous continuons de faire des propositions, comme aujourd’hui. Monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, chers collègues, la balle est dans votre camp. Nous proposons : agissez !
Monsieur le ministre, vous dites que vous avez agi, mais j’ai le souvenir que l’émission Quotidien avait réalisé un clip amusant sur vos promesses. J’en citerai quelques-unes. Spoiler : elles n’ont pas été tenues. Emmanuel Macron, décembre 2020 : « Je suis d’accord sur le chèque alimentaire, donc il faut qu’on le fasse, vous avez raison, on va le faire. » Olivier Véran, juin 2021 : « Le chèque alimentaire progresse très bien, on y travaille. » Olivia Grégoire, juin 2022 : « Dans les mois qui viennent, il y aura ce chèque alimentaire. » Je n’en ai sélectionné que trois, mais les citations sont nombreuses.
M. Maxime Minot
C’est vrai !
Mme Sandra Regol
« Des mots, toujours des mots, les mêmes mots… ». Pendant ce temps-là, des milliers de Français – travailleuses pauvres, étudiants, retraités – ont faim. Les mots ne les sauveront pas. Alors, agissons !
Je salue la proposition de loi de ma collègue Francesca Pasquini, qui est un refus du fatalisme et une main tendue. Nous refusons que des Français ne puissent pas se nourrir. Nous refusons le creusement des inégalités. Nous rappelons que l’accès à l’alimentation est un droit – je sais que vous partagez ce point de vue, chers collègues. Nous soutiendrons donc la prime de 50 euros par mois et par personne proposée pour répondre à l’urgence. C’est une miette, mais une miette urgente, une miette vitale et, surtout, une miette finançable. Malheureusement, en commission, vous avez réduit cette aide pour faire face à l’inflation à un montant équivalent à 2 euros par an et par personne : c’était une mauvaise blague, à quelques jours du 1er avril. Nous pouvons en faire autre chose. C’est pourquoi nous vous invitons à soutenir cette proposition. Si vous n’en voulez pas, ayez du moins la décence d’agir en urgence ; n’ignorez pas le problème, ne renvoyez pas les Français à leur assiette vide. Nous n’avons plus le temps.
Si remplir les assiettes est une priorité, il faut ensuite regarder leur contenu. L’analyse démontre que l’assiette des Français est totalement déséquilibrée. Ce n’est pas un point de vue, ce n’est pas une opinion, c’est un constat de santé publique. Ce constat est documenté scientifiquement par de nombreuses instances, dont le programme national nutrition santé, l’Anses – Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail – et le Haut Conseil de la santé publique (HCSP). Nous consommons trop de protéines animales et trop peu de protéines végétales et de fruits et légumes nécessaires à la santé, n’en déplaise au ministre de l’intérieur, qui considère cela comme de l’idéologie alors qu’il s’agit de faits scientifiques. Ce constat est particulièrement vrai pour les enfants, n’en déplaise, encore une fois, au ministre de l’intérieur qui, se fondant sur des préjugés non étayés par les faits, estimait en 2021 que « de nombreux enfants n’ont souvent que la cantine pour manger de la viande ». Nous consommons également trop de produits sucrés et ultratransformés : autant de produits nocifs qui mettent en péril la santé des plus jeunes.
Alors que l’Anses souligne qu’il est possible de manger végétarien tous les jours à la cantine – oui, tous les jours ! –, Francesca Pasquini, suivant les recommandations sanitaires, a proposé de rééquilibrer les menus dans les cantines en passant à deux menus végétariens par semaine ou à un choix quotidien. Comme elle l’a répété dans son propos liminaire, il s’agit non pas d’imposer, mais de donner la liberté de manger autrement à ceux qui en font le choix. Sa proposition a laissé une majorité de menus avec de la viande et du poisson.
Être élu, c’est avoir le courage de regarder la réalité en face. La végétalisation de notre alimentation est indispensable pour le climat comme pour la santé. En commission, vous avez exprimé de nombreuses craintes vis-à-vis de l’élevage français. Nous défendons un meilleur élevage, une meilleure viande : souvent, cela veut dire moins. Ce n’est pas dans le développement industriel que nous trouverons des solutions pour demain, ni que nous aiderons les paysans, qui en ont grand besoin. Nous voulons que nos enfants mangent de la viande issue des élevages français plutôt que du bœuf argentin ou du poulet venu du bout du monde ; mais, la viande française étant de meilleure qualité, elle est plus chère. C’est l’introduction de menus végétariens qui permet de dégager du budget pour se l’offrir. Une étude de l’Observatoire national de la restauration collective bio et durable sur une cohorte de 6 000 cantines montre que les cantines qui proposent le plus de menus végétariens sont également celles qui proposent le plus de viande bio et locale. Il ne s’agit pas d’un débat entre les pro et les anti, mais bien d’une question de santé. Si nous voulons soutenir nos élevages, il faut voter pour l’article 2. Le groupe Écologiste-NUPES le fera.
Enfin, nous discuterons d’une dernière mesure essentielle pour la santé : l’interdiction des nitrites dans la charcuterie. Cela fait déjà plusieurs années que des associations donnent l’alerte et que nous sommes au courant de ce danger. Mon collègue Richard Ramos, ici présent, avait déjà proposé leur interdiction l’an dernier. On lui avait alors demandé d’attendre les conclusions d’une étude de l’Anses, lesquelles ont depuis été rendues : elles ont confirmé ce qui était déjà su et documenté, à savoir que les nitrites ingérés par la consommation de viande sont des poisons qui causent des milliers de nouveaux malades chaque année. Comme le rappelait Francesca Pasquini, ce sont près de 4 000 cancers qui pourraient être évités chaque année. Ce n’est pas nous qui le disons, ce sont les spécialistes. Alors, agissons !
Près de 500 000 personnes ont signé la pétition de Foodwatch et de la Ligue contre le cancer nous demandant de voter leur interdiction. Je sais que les pétitions n’ont pas toujours d’importance : hier, une pétition ayant dépassé sur le site de l’Assemblée nationale tous les records de signatures possibles a été refusée par les députés. Je ne désespère pas de restaurer la démocratie parlementaire en écoutant, cette fois-ci, les citoyens. Pourtant, sur ce sujet aussi, la majorité, Les Républicains…
M. Pierre Cordier et M. Maxime Minot
Surtout, ne nous comptez pas dans la majorité !
Mme Sandra Regol
…et le Rassemblement national se sont alliés en commission pour empêcher l’adoption d’une mesure d’intérêt général qui devrait nous réunir de façon transpartisane. J’anticipe les discussions. Je suis sûre que le Gouvernement et la majorité ne manqueront pas de parler du plan d’inaction qu’ils ont publié lundi soir pour justifier leur inaction. Ce plan ne propose rien : il a donc été chaleureusement salué par les industriels, mais beaucoup moins chaleureusement par les associations qui travaillent sur le sujet. Plutôt que de le déconstruire point par point, je préfère vous lire la réaction, courte mais parlante, de la Ligue contre le cancer : « Il n’y a pas de dose acceptable ! La présence de nitrites dans l’alimentation, c’est 4 000 nouveaux cas de cancers par an qui pourraient être évités. Sommes-nous en train de protéger l’industrie charcutière…
M. Richard Ramos
Oui !
Mme Sandra Regol
…ou les consommateurs ? » C’est cette question que nous vous posons.
Le groupe Écologiste-NUPES répond à la Ligue contre le cancer : oui, nous aurons le courage de protéger les Françaises et les Français sans pour autant abîmer l’industrie. Nous voterons l’interdiction des nitrites. C’est une urgence.
Il y a des journées qui réservent des surprises. Peut-être celle-ci sera-t-elle bonne, peut-être serons-nous intelligents collectivement, peut-être adopterons-nous cette proposition de loi dans son intégralité. Nous sommes ouverts à toutes les propositions pour l’améliorer. Mais si nous aboutissons à une subvention de 2 euros par personne, à un renvoi aux calendes grecques de l’interdiction des nitrites et à un manque de choix réel dans les cantines, nous aurons du mal à faire face à nos concitoyens en rentrant dans nos circonscriptions. Pour ce qui les concerne, les Écologistes font le choix de l’action et du courage. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES, SOC et GDR-NUPES. – M. Richard Ramos applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Hubert Wulfranc.
M. Hubert Wulfranc
Après une année 2022 durant laquelle se sont allongées les files de l’aide alimentaire et s’est aggravée la détresse des plus précaires, 2023 s’annonce bien plus périlleuse pour la plupart des Français. Après une année durant laquelle les prix alimentaires ont augmenté de 15 %, tout laisse à penser que l’année en cours sera une nouvelle année de fièvre des prix, notamment des prix alimentaires. De fait, la facture s’alourdit un peu plus chaque mois. Le prix de produits de première nécessité augmente de 20 % à 40 %.
Dans le même temps, les industries agroalimentaires profitent de l’inflation pour doper leurs revenus sur le dos des Français, comme le révèle l’Insee, qui note que « le taux de marge » – autrement dit les profits, disons-le clairement – « a fortement augmenté au cours de l’année 2022 », jusqu’à dépasser son niveau de 2018. L’augmentation du taux de marge a gonflé, au même niveau que celle des prix de l’énergie, l’inflation finale. Les industriels et la grande distribution se sont donc gavés, ce qui a entraîné dans le pays, au bout de la chaîne, la montée en flèche de la précarité alimentaire : 11 % à 12 % des ménages français sont en situation d’insécurité alimentaire et ce chiffre ne baissera pas, selon les associations d’aides alimentaires qui constatent l’explosion de la demande sociale.
Alors, que fait la majorité ? Elle a choisi de censurer en commission la proposition des députés écologistes, qui traduisait pourtant concrètement l’une des promesses de campagne du candidat Macron : la création d’un chèque alimentaire. Pour les députés communistes, la prime alimentaire n’est pas l’unique solution à la crise de l’alimentation et de l’inflation, c’est une solution parmi d’autres. Il n’est pas question ici de soutenir ou de rejeter la politique des chèques. Ce dont il est question, au contraire, c’est de ne pas continuer à flatter la grande distribution, afin de faire baisser les prix.
L’alimentation est un droit primaire, chacun en conviendra. En ce sens, la prime alimentaire, dont nous soutenons la création, doit servir de levier pour transformer l’assiette des Français, alors que le panier inflation proposé a l’effet contraire. Depuis de nombreuses années, notre alimentation s’est dégradée, ce qui entraîne des conséquences graves sur notre santé, car l’obésité, le diabète, le cholestérol, notamment, se sont gravement accrus.
Il n’est pas question de blâmer l’agriculture française. La responsabilité vient de l’incapacité du Gouvernement à soutenir une alimentation saine et locale. Depuis trop longtemps, les majorités successives ont préféré à la ferme France la concurrence internationale à travers l’accord économique et commercial global (Ceta), le Marché commun du Sud (Mercosur) et leurs cortèges de millions de tonnes de denrées alimentaires importées. Ce choix n’est pas neutre pour la qualité nutritionnelle de nos assiettes.
Il n’est pas question non plus de culpabiliser les consommateurs en refusant de voir que manger mieux coûte plus cher : la responsabilité est ailleurs, au cœur des choix qui ont tué notre agriculture. Nombre de filières nationales sont confrontées à la concurrence de produits importés moins-disants, moins bons, moins chers, moins tout. Selon l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), 10 % à 25 % des produits agricoles et alimentaires importés sont concernés. Les conséquences d’un tel décalage coûtent cher aux Français et à leur santé. Il est urgent d’inverser cette situation en soutenant la demande intérieure de produits français de qualité issus des filières locales, ce qui contribuera à faire baisser les prix. Tandis que notre agriculture biologique est en recul et que toute l’agriculture française souffre, une prime alimentaire orientée vers les produits alimentaires made in France est une mesure urgente. C’est le sens de nos propositions.
Nous craignons que la position du Gouvernement sur la question n’envoie de nouveau le signal qu’il laisse se développer une alimentation à deux vitesses. Vous l’aurez compris, les députés du groupe GDR-NUPES saluent en la circonstance la proposition utile et urgente du groupe écologiste et, en conséquence, la soutiendront. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.)
En outre, les députés du groupe GDR-NUPES pensent qu’il est important de conduire une réflexion plus complexe sur le renforcement de la place des menus végétariens au sein de la restauration collective scolaire. En effet, les options végétariennes qui sont proposées actuellement contiennent encore trop de produits transformés. Les rendre obligatoires sans autre choix risque également de faire baisser la consommation de poisson dans nos cantines scolaires, alors même que nombre de nos enfants présentent une carence en acides gras. Enfin, nous regrettons l’attitude du Gouvernement en ce qui concerne les nitrites. Le consensus scientifique existe aujourd’hui pour dénoncer la dangerosité de ces produits.
Mme la présidente
La parole est à M. Michel Castellani.
M. Michel Castellani
La France a beau être une puissance agricole, elle ne nourrit pas tous ceux qui ont faim. Les repas sautés, les produits qu’on n’ose envisager parce qu’ils sont trop chers, les privations pour pouvoir nourrir les enfants sont une réalité pour un nombre croissant de nos concitoyens. En 2021, entre 3,2 millions et 3,5 millions de personnes ont dû recourir à l’aide alimentaire. C’est trois fois plus qu’il y a dix ans, et ces chiffres, déjà astronomiques, ne tiennent pas compte de tous ceux qui renoncent aux réseaux d’aide parce que ceux-ci se trouvent trop loin de leur domicile, et que l’essence, elle aussi, est chère, ou parce que la pauvreté est une étiquette trop lourde à porter et que le regard des autres est pesant. Ils se résignent à avoir faim. Alors, que faire pour les aider ?
Du côté du Gouvernement, on nous parle du programme Mieux manger pour tous. Le Gouvernement proposera même un amendement de réécriture de l’article 1er pour inscrire dans le cadre de cette proposition de loi ce nouveau dispositif d’aide alimentaire. Mais en quoi consiste-t-il ? Pour l’instant, ses contours sont flous. Une seule chose est certaine, il sera abondé de 60 millions d’euros, ce qui permettra de verser 40 millions par an aux associations d’aide alimentaire. C’est bien, mais il faut rappeler que, étant donné l’élargissement de leur public, elles ne disposeront que de 10 euros supplémentaires par personne et par an – ce chiffre est suffisamment éloquent. Les 20 millions restants permettront de soutenir les alliances locales de l’alimentation et l’instauration de chèques verts ou de paniers solidaires.
Voilà donc quel est le sort réservé au chèque alimentaire, tant de fois mis sur la table et tant de fois écarté. Nous avons beau être favorables à une approche plus locale des politiques publiques, nous redoutons qu’avec ce dispositif seul un nombre très réduit de nos concitoyens accède à ce coup de pouce financier.
Il faut évoquer aussi la déception des agriculteurs français, qui misaient sur cette aide pour soutenir la transition agroécologique. La promesse initiale a été réduite à peau de chagrin. La proposition des écologistes avait le mérite de voir plus grand. Les revenus trop faibles sont la première barrière à l’accès à une alimentation de qualité. Il faut donc renforcer les politiques en faveur de la réduction de la précarité. C’est justement ce que vous aviez mis sur la table. Sans doute le dispositif n’était-il pas suffisamment calibré. Il est vrai que rien ne garantit que la prime alimentaire bénéficie aux produits de qualité. Mais l’article 1er, dans sa rédaction initiale, posait un premier jalon ambitieux dans la lutte contre la faim et son adoption nous aurait laissé du temps pour travailler aux contours d’un véritable chèque alimentaire.
Non seulement la pauvreté rend l’accès à la nourriture difficile, mais elle contraint aussi ceux qui en souffrent à acheter des aliments bas de gamme et moins sains. Les plus précaires sont aussi les plus touchés par l’obésité. La faute en revient à une alimentation peu diversifiée, qui ne fait pas suffisamment de place aux fruits, aux légumes et à de la viande et des poissons de qualité. Sur ce point également, la proposition de loi, avant d’être en partie réécrite en commission, proposait quelques pistes.
La première d’entre elles était l’option végétarienne à tous les repas ou, chaque semaine, deux menus végétariens sans autre choix, dans la restauration collective. Pour nous, c’était une piste à explorer, à condition de renforcer la formation des gestionnaires de restauration collective. Sans cela, cette nouvelle obligation aurait pu se traduire par un regain de produits transformés et de gaspillage alimentaire. De même, avant d’interdire les additifs nitrés, nous considérions qu’il fallait accompagner la filière dans son changement de pratique, pour éviter que les traiteurs et les charcutiers ne remplacent ces produits par d’autres plus dangereux encore pour la santé.
Nous devons relever le défi de garantir l’accès à une alimentation durable et de qualité. Cette proposition de loi nous permet de nous saisir de ces sujets, et, nous l’espérons, d’avancer dans la lutte contre la précarité alimentaire. C’est en tout cas l’objectif du groupe LIOT.
M. Richard Ramos
Il n’y a pas de nitrites dans la véritable charcuterie corse !
Mme la présidente
La parole est à M. Pascal Lavergne.
M. Pascal Lavergne
La proposition de loi que nous examinons renvoie à des enjeux essentiels pour notre pays : la transition écologique, la santé publique, l’accès des Français à l’alimentation et la souveraineté agricole de la France. En ouvrant mon propos en commission, j’avais tenu à féliciter Mme Pasquini pour son travail, j’avais même salué son intention, même si nous appartenons à des groupes politiques différents. Si, comme la vôtre, mon histoire politique s’est inscrite à gauche, je n’ai jamais été de ceux qui calomnient et jettent en pâture l’honneur d’un homme ou d’une femme sur les réseaux sociaux, comme cela a été fait. Faire croire que nous voulons aider les Français à hauteur de 2 euros ! L’ampleur du mensonge en dit long sur les méthodes.
Madame la rapporteure, je suis agriculteur et éleveur. Contrairement à vous, je connais les valeurs des femmes et des hommes qui nourrissent ce pays.
Plusieurs députés du groupe Écolo-NUPES
Allez, ça commence !
M. Pascal Lavergne
Contrairement à vous, je sais ce que c’est de mettre ses mains dans la terre ou de faire vêler une vache. Je viens de la ruralité, d’un petit village, et non pas d’une banlieue huppée de Paris. Surtout, j’ai été maire et je sais ce que c’est de venir en aide à ses administrés lorsqu’ils sont dans la galère. (Exclamations sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.)
Mme Caroline Parmentier
Quelle arrogance !
M. Pascal Lavergne
Si les Français doivent être exigeants avec les femmes et les hommes politiques, l’honnêteté nous oblige à dire lorsque la France s’honore par son action. Je suis fier d’être membre d’un groupe, le groupe Renaissance, qui a voté les plus grandes revalorisations de pouvoir d’achat pour faire face à l’inflation.
Mme Caroline Parmentier
Tu parles ! Quelle blague !
M. Pierre Cordier
Toujours fine, la majorité ! Elle a toujours la meilleure manière de faire les choses.
M. Pascal Lavergne
Je suis fier de vivre dans le pays qui consent les plus grandes dépenses sociales d’Europe. Je suis fier de vivre dans le pays qui réalise les plus grandes dépenses publiques en lien avec l’alimentation des pays de l’OCDE – Organisation de coopération et de développement économiques. Ce gouvernement est celui qui a le plus agi contre l’inflation dans les pays d’Europe. Quand nous faisons mieux que tous nos voisins, nous ne pouvons qu’en être fiers.
M. Nicolas Metzdorf
Exactement !
Mme Caroline Parmentier
Les gens n’ont plus de quoi manger !
M. Pascal Lavergne
L’alimentation est un phénomène global de politique publique, qui soulève notamment l’enjeu de notre souveraineté alimentaire. Mais c’est aussi un sujet personnel où se lient nos goûts, nos préférences, nos gourmandises. L’alimentation est aussi un droit. En effet, le droit à l’alimentation est reconnu dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, dans laquelle il fait partie du droit à un niveau de vie suffisant. L’ancien maire, l’éleveur et le restaurateur que je suis ne peut être indifférent à ce sujet. Le groupe parlementaire auquel j’appartiens, et qu’humblement je représente à cette tribune, a démontré depuis 2017 son volontarisme sur les sujets alimentaires,…
Mme Caroline Parmentier
C’est tout l’inverse !
M. Pascal Lavergne
…avec la loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (loi Egalim), la loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, sans oublier la lutte contre le gaspillage, l’obligation d’un menu végétarien par semaine dans les cantines ou encore l’introduction dans le débat public de l’idée de chèque alimentaire. Ce gouvernement et cette majorité…
M. Pierre Cordier
Quelle majorité ?
M. Pascal Lavergne
…déploient déjà de nombreuses mesures pour permettre aux Français de s’alimenter.
Mme Caroline Parmentier
C’est très réussi !
M. Pierre Cordier
On voit le résultat !
M. Pascal Lavergne
Nous avons instauré une aide exceptionnelle de rentrée de 100 euros par foyer, majorée de 50 euros par enfant, qui a été versée à la rentrée 2022 à près de 8 millions de foyers bénéficiaires des minima sociaux. La part de l’État dans la tarification sociale des repas dans les cantines scolaires a augmenté.
Mme Caroline Parmentier
Vous avez tout raté !
M. Pascal Lavergne
Toutefois, l’alimentation est au cœur de plusieurs débats. D’abord, l’aliment est le résultat d’un schéma de production. La question « Qu’est-ce que je mange ? » est indissociable des questions suivantes : « Qui produit ? » et « D’où vient le produit ? » Lorsque nous définissons des politiques publiques alimentaires, nous devons établir avec précaution si, en favorisant telle ou telle catégorie de produits, nous avantageons nos agriculteurs, notre savoir-faire local ou l’importation de produits et, à travers eux, de méthodes que nous trouverions intolérables chez nous.
Ensuite, l’alimentation est un enjeu social dans des périodes d’inflation où les prix des produits alimentaires augmentent au point que des Français doivent renoncer à certains d’entre eux. L’idée du chèque alimentaire vient de la majorité. Elle figurait effectivement dans le programme du Président de la République et je suis ravi qu’à l’occasion de l’examen de cette proposition de loi, notre assemblée puisse travailler sur cette mesure et dessiner pour elle les meilleurs contours possibles. Je me réjouis de l’expérimentation lancée par le Gouvernement à ce sujet et du déploiement d’autres actions pour permettre aux gens de mieux s’alimenter.
Enfin, le tout n’est pas d’avoir accès à une alimentation : il faut encore qu’elle soit bonne, à base de produits variés, frais, sains provenant d’une agriculture durable et respectueuse de l’environnement. Les défis écologiques et sanitaires sont colossaux. Nous sommes passés d’un monde qui comptait 1 milliard de personnes en sous-nutrition en 1990 à un monde qui compte plus de 2 milliards de personnes obèses en 2020. Pour toutes ces raisons, je me réjouis d’aborder ces sujets avec vous.
Vous nous trouverez face à vous et avec vous pour débattre de ces sujets avec sérieux et humanité afin de trouver des solutions concrètes et réalistes au bénéfice des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Stéphanie Galzy.
Mme Stéphanie Galzy
« Pour votre santé, ne mangez pas trop gras, trop salé, trop sucré », « Mangez cinq fruits et légumes par jour » : malheureusement, aujourd’hui, beaucoup de Français ne le peuvent plus. Un sur deux déclare être à l’euro près lorsqu’il fait ses courses, et alors que, selon les derniers chiffres publiés par l’Insee, l’inflation avoisine en moyenne 6 % en mars 2023, elle atteint presque 14,5 % s’agissant des produits alimentaires d’après l’Inspection générale des finances (IGF) : 54 % sur le prix du sucre, 33 % sur celui des steaks, 25 % pour le riz ou encore 22 % pour le beurre, autant de hausses inacceptables.
Cette proposition de loi part d’un bon sentiment : aider les Français à mieux manger, tout en soutenant leur pouvoir d’achat face à l’inflation et en favorisant l’accès à une alimentation saine – un véritable eldorado dans le titre, donc, avant une profonde désillusion devant les mesures annoncées.
Mme Caroline Parmentier
Eh oui !
Mme Stéphanie Galzy
Le texte entend pourtant répondre à un constat que nous partageons : face à la situation sociale, économique et environnementale des Français, il faut agir. Agir, oui, mais en prenant des mesures concrètes. Après son passage en commission des affaires économiques, le texte a radicalement évolué, et des mesures nébuleuses, voire ubuesques, ont été supprimées (Murmures sur les bancs du groupe Écolo-NUPES et sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES) : je pense à la création d’un comité de parties prenantes pour améliorer l’alimentation des Français, à l’instauration d’une option végétarienne obligatoire ou de deux repas végétariens par semaine dans les cantines scolaires, ou encore à l’interdiction de fabriquer, mettre sur le marché, importer ou exporter des viandes traitées aux nitrates ou aux nitrites.
Si le Rassemblement national se félicite du retrait de ces mesures,…
Mme Cyrielle Chatelain
On sait bien que, pour vous, la santé des Français ne compte pas !
Mme Stéphanie Galzy
…le combat continue. L’article 1er, transformé par l’adoption d’un amendement du groupe Renaissance, prévoit désormais l’instauration d’une prime alimentation exceptionnelle de 60 millions d’euros. Cette mesure n’est en réalité qu’une énième manifestation d’une politique du chèque inefficace, inflationniste et réductrice, car elle ne concerne que les Français précaires, qui ne sont pourtant pas les seuls à être touchés par l’inflation des prix des produits alimentaires. Pour une importante ponction sur le budget de l’État, le résultat dans le porte-monnaie du consommateur est ridicule : 6 euros seulement !
La proposition écologiste d’instaurer une prime alimentation exceptionnelle, relayée par le Gouvernement, ne peut que faire écho à la fameuse phrase imputée à Marie-Antoinette : « Ils n’ont pas de pain, qu’ils mangent de la brioche ! ». Cette mesure, c’est dire aujourd’hui aux Français qui ne peuvent pas se nourrir qu’on va exceptionnellement donner une prime aux plus pauvres d’entre eux. Dans un esprit constructif et avec la volonté d’aider tous les Français, nous défendons en lieu et place de cette politique du chèque une mesure simple et efficace :…
Mme Caroline Parmentier
Bravo !
Une députée du groupe LFI-NUPES
Augmenter les salaires !
Mme Stéphanie Galzy
…instaurer la TVA à 0 % sur un panier de biens de première nécessité, comprenant une centaine de produits alimentaires – fruits et légumes frais, œufs, farine, nutrition infantile, viandes, poissons, céréales, produits laitiers notamment – (Applaudissements sur les bancs du groupe RN),…
M. Guillaume Kasbarian, président de la commission des affaires économiques
Ça ne change rien !
Mme Stéphanie Galzy
…afin que tous les Français, quelle que soit leur classe sociale, puissent accéder à une alimentation saine.
M. Guillaume Kasbarian, président de la commission des affaires économiques
On a diminué la TVA dans la restauration !
M. Nicolas Metzdorf
L’économie, ce n’est pas votre fort !
Mme Stéphanie Galzy
Il s’agit d’une mesure de bon sens, déjà adoptée chez nos voisins espagnols il y a quelques mois et, plus récemment, au Portugal, qui a décidé d’instaurer une TVA à 0 % sur les biens alimentaires de première nécessité.
Aider les Français à mieux manger et les soutenir face à l’inflation est une nécessité, mais nous n’y répondrons pas avec vos propositions. Dans le contexte inflationniste et au regard de la crise économique que nous traversons, nous ne pouvons pas voter pour un texte qui vise à donner uniquement quelques dizaines d’euros supplémentaires pour l’année à une petite catégorie de Français seulement. Nous ne pouvons pas laisser de côté la majorité silencieuse, les classes moyennes, qui sont toujours exclues de toutes aides parce qu’elles gagnent 10 euros de trop.
M. Pierre Cordier
C’est vrai !
Mme Stéphanie Galzy
Il est temps de se préoccuper des Français, de tous les Français.
M. Emeric Salmon
Tout à fait !
Mme Stéphanie Galzy
Il est temps que la France adopte la mesure défendue par Marine Le Pen durant la campagne pour l’élection présidentielle de 2022 : instaurer une TVA à 0 % sur un panier d’une centaine de biens alimentaires de première nécessité. Il est temps de promouvoir une mesure qui aidera nos concitoyens à faire face à la crise économique actuelle. Mes chers collègues, il est grand temps. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme Caroline Parmentier
Bravo !
Mme la présidente
La parole est à M. Emmanuel Fernandes.
M. Emmanuel Fernandes
Alors que nous sommes la septième puissance économique mondiale, comment se fait-il qu’une importante partie du pays n’ait plus les moyens de satisfaire le premier des besoins primaires, se nourrir ?
M. Benjamin Lucas
Excellente question !
M. Emmanuel Fernandes
Depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir, le cumul des cinq plus grandes fortunes de France est passé de 117 milliards à 406 milliards d’euros. (« Scandaleux ! » sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Dans le même temps, le nombre de personnes ayant recours à l’aide alimentaire – à travers le réseau des banques alimentaires ou des associations distribuant des denrées sans condition – est passé de 5,5 millions à plus de 9 millions. Et la situation s’aggrave encore en raison de l’inflation sur les produits alimentaires qui explose : 20 % sur le beurre et les pâtes, 25 % à 30 % sur les viandes, entre 30 % et 40 % sur de nombreux légumes. Il est donc plus qu’urgent de donner à chacun, aux familles, les moyens de subvenir à leurs besoins alimentaires. Selon le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Credoc), un Français sur quatre est aujourd’hui contraint de sauter des repas : telle est l’urgence à laquelle nous devons répondre.
Le texte que nous examinons propose une réponse conjoncturelle possible :…
Un député du groupe LFI-NUPES
Exactement !
M. Emmanuel Fernandes
…le versement aux 11 millions de Français les plus en difficulté d’une prime alimentation exceptionnelle de 50 euros par mois. Dans une France plus riche que jamais, la NUPES avait proposé dès juillet des mesures structurelles, comme l’augmentation du Smic à 1 600 euros net. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) À l’unisson, le Rassemblement national, Les Républicains et toute la Macronie ont voté contre cette proposition,…
M. Emeric Salmon
C’est une mauvaise mesure !
M. Emmanuel Fernandes
…qui aurait pourtant permis une augmentation générale des salaires grâce à la convocation de négociations dans les différentes branches. Nous souhaitions également augmenter les retraites et les minima sociaux, et instaurer une garantie autonomie pour les jeunes, afin de limiter le nombre d’étudiants dans les files d’attente de l’aide alimentaire : là encore, Rassemblement national, Républicains et macronistes s’y sont opposés à l’unisson.
Urgence sociale donc, mais également écologique et sanitaire : s’il faut reconnaître des avancées, ces dernières années, en matière de menus végétariens dans une partie de la restauration collective, l’urgence nous impose aujourd’hui de déplacer plus rapidement les curseurs. Nous devons augmenter le nombre de repas végétariens servis chaque semaine dans la restauration collective (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES) et, singulièrement, dans les cantines scolaires. En effet, la surproduction et la surconsommation de viande et de produits laitiers constituent des périls pour notre environnement, alors que, pour protéger le climat, nous avons des objectifs à atteindre collectivement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)
L’élevage industriel est une cause majeure de déforestation : les trois quarts des terres agricoles dans le monde sont utilisés pour de l’élevage intensif, des pans entiers de forêt sont rasés pour installer des élevages bovins ou des cultures intensives de soja pour nourrir le bétail. L’élevage à échelle industrielle entraîne en outre une importante pollution des eaux, notamment en raison de l’utilisation intensive de pesticides pour produire les quantités astronomiques de nourriture pour les animaux. Également responsable d’au moins 14 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES), l’élevage intensif est donc un facteur critique du dérèglement climatique. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)
Je tiens néanmoins à rassurer tous ceux qui sont inquiets pour les éleveurs locaux : comme notre collègue Sandra Regol l’a rappelé, d’après l’Observatoire national de la restauration collective bio et durable, les cantines qui proposent le plus de menus végétariens sont aussi celles proposant le moins de viande importée et le plus de viande bio et locale. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) Il s’agit donc d’une mesure vertueuse pour tous,…
M. Nicolas Metzdorf
Ah oui ?
M. Emmanuel Fernandes
…qui permettrait également d’améliorer la santé des plus jeunes en intégrant davantage de fruits et légumes dans leur alimentation.
Enfin, nous avons aujourd’hui l’occasion de répondre à l’urgence sanitaire et d’agir pour l’intérêt général et la santé publique, en inscrivant dans la loi l’interdiction de fabriquer et vendre des viandes contenant des additifs nitrés, dont l’Anses a confirmé qu’ils augmentaient le risque de cancer colorectal – on en dénombre 43 000 chaque année en France.
Mais alors, « combien le texte coûtera-t-il ? », me demanderez-vous. Le dispositif de prime alimentaire est chiffré à 6,6 milliards d’euros, soit à peine plus de 2 % de la fortune supplémentaire engrangée par les cinq plus grands milliardaires du pays grâce à Emmanuel Macron. Pour que tout le monde comprenne bien, je reformule : pour l’équivalent de 2 % de la fortune supplémentaire – j’insiste sur ce point – accumulée par les cinq plus riches du pays depuis 2017, on pourrait aider 11 millions de personnes en précarité alimentaire à remplir leur assiette ou à ne plus sauter de repas. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) Collègues, il y a peu, le camp présidentiel élargi a empêché, ici même, la généralisation des repas à 1 euro dans les centres régionaux des ?uvres universitaires et scolaires (Crous) pour tous les étudiants.
M. Luc Geismar
N’importe quoi !
M. Emmanuel Fernandes
Notre pays a faim et notre modèle alimentaire a des effets écologiques et sanitaires ravageurs : entendez-le ! Aujourd’hui, nous pouvons agir favorablement sur toutes ces urgences : saisissons cette occasion ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Anne-Laure Blin.
Mme Anne-Laure Blin
Je souhaiterais tout d’abord dire un mot sur la méthode : il est totalement inconvenant d’avoir fait travailler des collègues, des collaborateurs, des administrateurs, toute une assemblée, sur des textes que vous avez finalement retirés à la dernière minute. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) En vérité, vous n’avez aucune estime pour le Parlement et les Français (Mêmes mouvements)…
M. Nicolas Metzdorf
Ce n’est pas faux !
Mme Anne-Laure Blin
…et vous l’avez encore démontré avec ce changement d’ordre du jour.
Mme Sandra Regol
Vous êtes censée réagir sur le texte ! N’avez-vous donc rien à dire sur la misère alimentaire ? Bravo !
Mme Anne-Laure Blin
Mais nous ne lâcherons rien : vous pourrez utiliser toutes les manœuvres, nous serons toujours là pour défendre, pied à pied, les Français contre votre idéologie de décroissance. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) Car c’est bien ce que recouvre votre texte. Non, madame le rapporteur, les Français ne demandent pas l’aumône. Ils attendent notre estime…
M. Benjamin Lucas
L’estime aide à manger, c’est bien connu !
Mme Anne-Laure Blin
…et surtout que nous ayons le courage de nous attaquer enfin aux problèmes structurels qui touchent notre pays et les ménages. La politique du chèque : vous n’avez que ce mot à la bouche. C’est évidemment un concept alléchant, surtout lorsqu’il consiste à distribuer de l’argent public – qui n’est donc pas le vôtre –, mais votre proposition de loi n’est absolument pas généreuse. Tout d’abord, les primes sont très souvent ciblées sur les seuls plus modestes et ne profitent quasiment jamais aux classes moyennes. Les seuils qui conditionnent le recours aux aides sont d’ailleurs parfaitement arbitraires et extrêmement contestables, entraînant une véritable injustice pour les Français. Peut-être cela vous étonnera-t-il, mais les classes moyennes, que vous oubliez tant, sont également touchées par l’inflation galopante des prix de l’alimentation.
Ensuite, ces politiques du chéquier coûtent cher et induisent évidemment un important matraquage fiscal. Je m’interroge d’ailleurs sur les chiffres que vous avez donnés, madame le rapporteur, mais le véhicule législatif que vous avez choisi nous empêche de disposer d’une véritable étude d’impact, et donc de savoir combien coûtera la mesure et quel budget permettra de la financer. À ce jour, nous n’avons aucune donnée fiable.
Contrairement à vous, Les Républicains sont opposés au matraquage fiscal. Votre mesure illustre parfaitement ce que les Français constatent tous les jours : on leur donne d’une main ce qu’on leur reprend de l’autre. Ce n’est pas notre conception de l’action politique : nous devons, bien au contraire, prendre la mesure de la situation et reconnaître que nos compatriotes ne parviennent plus à vivre des revenus de leur travail. Comment valoriser les fruits du travail pour ceux qui fournissent des efforts au quotidien ? Tel est le problème à résoudre.
M. Benjamin Lucas
Augmentez le Smic !
Mme Anne-Laure Blin
Je ne me résous pas à sombrer dans des politiques d’assistanat dont la gauche – et, manifestement, le Gouvernement, vu les propos tenus par M. le ministre – a la recette. Urgence il y a, je vous rejoins sur ce point : urgence à valoriser le travail face à l’assistanat, tout d’abord. (M. Benjamin Lucas s’exclame.) Nous devons tout faire pour que travailler rapporte plus que de ne pas le faire (Exclamations sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES) et que l’aide publique soit réservée uniquement à ceux qui en ont le plus besoin.
Cela requiert courage et volonté en vue de mieux gérer l’argent public : en la matière, les Français attendent beaucoup de nous, car ils mesurent tous les jours le poids et l’inéquité des politiques dites sociales. Il y a également urgence, au lieu d’empiler les chèques, à réduire considérablement et durablement les taxes : plutôt des mesures dont tous bénéficieront que des aides temporaires attribuées sur des critères de revenus et ne bénéficiant donc qu’à certains ! (Exclamations sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) Diminuer les taxes serait une mesure de justice sociale, efficace pour nos compatriotes. En outre, comme nous le disions en juillet dernier, lorsque nous nous opposions avec force au chèque carburant (M. Benjamin Lucas s’exclame) que la NUPES a d’ailleurs aussi combattu, de telles baisses se justifieraient d’autant mieux que, en raison de l’inflation, l’État engrange un surcroît de recettes fiscales.
Contrairement à ce que vous laissez entendre par des raccourcis malhonnêtes, les Républicains sont très soucieux des conditions de vie des Français. (Exclamations sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)
M. Benjamin Lucas
Ce n’est pas flagrant !
Mme Anne-Laure Blin
J’avais ainsi, au cours de la précédente législature, déposé une proposition de loi en faveur des étudiants, dont la situation financière devient de plus en plus difficile : 500 000 d’entre eux n’ont accès à aucun service de restauration universitaire, car ils se trouvent en zone blanche, c’est-à-dire dans des villes moyennes – je pense notamment, dans mon département, à Saumur. Plutôt que de saisir l’occasion de remédier à ces inégalités, votre groupe, ainsi que la majorité gouvernementale, a voté contre mon dispositif. Épargnez-nous donc les leçons de morale : pour paraphraser le président Giscard, la gauche et l’extrême gauche n’ont pas le monopole du cœur ! (Exclamations sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)
M. Benjamin Lucas
Laissez Giscard tranquille !
Mme la présidente
Pour mémoire, madame la députée, il est d’usage depuis 1998 – et surtout, quitte à passer pour pointilleuse, lorsque je préside la séance – de dire « madame la présidente », « madame la rapporteure », « madame la ministre ». (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES, ainsi que sur quelques bancs du groupe RE. – Mme la rapporteure applaudit également.)
La parole est à M. Éric Martineau.
M. Éric Martineau
Madame la rapporteure (Sourires), Jean Anthelme Brillat-Savarin expliquait que « la destinée des nations dépend de la manière dont elles se nourrissent ». Aujourd’hui plus que jamais, nos habitudes alimentaires évoluent non seulement afin de relever les défis écologiques qui se présentent à nous, mais également parce que la santé par l’alimentation constitue l’un des enjeux majeurs des années à venir. Outre cet aspect sanitaire primordial, l’évolution de cette consommation est une donnée essentielle à l’équilibre futur de l’agriculture française. Or, en Europe particulièrement et plus encore en France, une tendance surtout se dégage : une exigence qualitative croissante. Comme résumé dans la publication du haut-commissariat au plan Consommation et pratiques alimentaires de demain : quelle incidence sur notre agriculture ?, cette tendance se traduit par des préoccupations accrues concernant l’écologie, la santé du consommateur, le caractère naturel et bienfaisant du produit, enfin la sûreté de la production.
La proposition de loi que nous nous apprêtons à examiner tente de s’attaquer à ces enjeux : nous saluons l’initiative, bien que les dispositifs proposés ne soient pas pertinents. S’agissant par exemple de la prime alimentaire, rappelons que le Gouvernement a lancé fin 2022 le programme Mieux manger pour tous, accompagné en 2023 d’une enveloppe de 60 millions d’euros afin de soutenir diverses initiatives locales – y compris des chèques alimentaires instaurés par les collectivités territoriales. En outre, l’un des principaux problèmes posés par votre proposition réside dans l’impossibilité de déterminer quels comestibles la prime permettrait d’acheter : pour un coût faramineux de plus de 6 milliards pour les finances publiques, nous n’aurions finalement aucune garantie qu’elle servirait à se procurer des aliments d’une bonne qualité nutritionnelle (Mme Marina Ferrari applaudit), produits par les agriculteurs français !
Nous n’ignorons pas que nos concitoyens peinent à se nourrir sainement à des prix abordables, surtout compte tenu du contexte inflationniste. Nous tâchons d’y remédier : je pense à l’aide exceptionnelle de 100 euros par foyer, plus 50 euros par enfant, versée à l’occasion de la dernière rentrée scolaire, ou au trimestre anti-inflation dans les supermarchés, avec des prix aussi bas que possible sur une sélection de produits. (Mme Lisa Belluco s’exclame.) Autre levier : dans le cadre du plan de relance, 85 milliards ont été consacrés à l’émergence de projets territoriaux en vue d’une alimentation durable et saine, accessible à tous. Concernant la restauration collective, la tarification sociale permet que des repas de qualité soient facturés moins de 1 euro aux familles les plus modestes, grâce au remboursement de 3 euros par l’État.
Touchant ce sujet, du reste, votre texte mettrait en difficulté nombre de communes rurales, pour lesquelles il serait à ce stade techniquement impossible de proposer une solution végétarienne quotidienne ou deux menus végétariens par semaine ; nous partageons en revanche votre volonté de les accompagner au mieux et de créer les conditions de telles évolutions. Nous devons pousser les collectivités à se saisir des possibilités d’expérimentation issues de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi « climat et résilience » (M. Maxime Minot s’exclame), et à proposer chaque jour un menu végétarien, notamment dans les lycées, où les élèves y seront particulièrement sensibles. Pour engager cette transition, les outils sont déjà nombreux : guide consacré au menu végétarien hebdomadaire, livret de recettes végétariennes adaptées à la restauration scolaire, cadre général concernant le plan pluriannuel de diversification des sources de protéines, ou encore guide pédagogique pour la formation initiale des cuisiniers.
Au-delà du volet nutritionnel, le volet sanitaire, qui faisait l’objet de l’article 3, correspond à une cause défendue depuis des années par le groupe Démocrate (MODEM et indépendants). En 2022, l’Anses a confirmé l’existence d’une relation entre le risque de cancer colorectal et l’exposition aux nitrates et nitrites.
M. Richard Ramos
Ça tue les Français !
M. Éric Martineau
Ces conclusions rejoignent celles du Centre international de la recherche sur le cancer (Circ), lequel estime que la viande transformée est cancérogène pour l’homme. L’Anses a également souligné que près de 99 % de la population ne dépassent pas les doses journalières admissibles de ces composés et que la réduction à un niveau « aussi bas que raisonnablement possible » de leur ajout intentionnel dans les aliments constituait un objectif de sécurité alimentaire. Le plan d’action annoncé par le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, Marc Fesneau, prévoit par conséquent une ambitieuse trajectoire de réduction ou de suppression des additifs nitrés dans tous les produits alimentaires.
Dès lors, bien que, je le répète, nous partagions votre objectif, le groupe Dem ne pourra voter en faveur du texte. (« Oh ! » sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES et SOC. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Chantal Jourdan.
Mme Chantal Jourdan
Nous sommes tous au fait du contexte actuel, des difficultés que rencontrent les Français face à une augmentation considérable du coût de la vie, notamment des denrées. Beaucoup d’entre eux, des jeunes, des familles, des personnes âgées, peinent à manger à leur faim, sans même parler de se nourrir correctement. Cette situation est insupportable : pourtant, peu de mesures sont prises en la matière. Le Gouvernement nous promet depuis 2020 un chèque alimentaire qui n’est toujours pas arrivé. La proposition de loi que nous étudions visait à apporter des réponses urgentes, et je tiens à remercier notre collègue du groupe Écologiste-NUPES pour ce travail.
Nous avons entendu s’exprimer en commission l’hostilité au texte des orateurs de droite et d’extrême droite, allant jusqu’à évoquer une guerre idéologique, civilisationnelle, dont le but serait de nous interdire de manger de la viande. La persistance d’une telle opinion est tout à fait regrettable à l’heure où les données scientifiques concernant le climat et la santé convergent pour nous inciter à diversifier nos sources de protéines et à consommer moins de viande, mais de meilleure qualité.
M. Benjamin Lucas
Eh oui !
Mme Chantal Jourdan
L’évolution des comportements alimentaires ne doit évidemment pas s’opérer au détriment des agriculteurs : il convient pour cela de guider les nouvelles pratiques, notamment le passage d’un élevage intensif à un élevage extensif associé à la polyculture, ainsi que de soutenir et accompagner les agriculteurs dans ces transitions. Toujours en commission, la majorité, également opposée à cette proposition de loi, l’a entièrement détricotée et vidée de sa substance : nous le déplorons.
L’article 1er visait ainsi à instaurer une « prime alimentation exceptionnelle ». Le groupe Socialistes et apparentés soutient cette proposition, qui procède d’une logique que nous défendons régulièrement ; par conséquent, nous regrettons que l’adoption d’un amendement de réécriture émanant du groupe Renaissance ait transformé ce dispositif en une expérimentation dont les crédits seraient ceux du programme Mieux manger pour tous, doté pour 2023 de 60 millions d’euros, soit 2 euros par bénéficiaire et par an. Cela n’est pas à la hauteur des enjeux : nous voterons donc pour les amendements visant à rétablir l’article dans sa rédaction initiale et porterons une attention particulière à la nécessité que le dispositif favorise une alimentation durable, locale et de qualité.
L’article 2, qui prévoyait au plus tard en 2025, « une option végétarienne à tous les repas ou, chaque semaine, deux menus végétariens sans autre choix » dans la restauration collective scolaire, a été supprimé. Nous le regrettons également, car cette mesure allait dans le bon sens : la cantine doit permettre à tous d’accéder à une alimentation de qualité, diversifiée, et autant que possible respectueuse de l’environnement. Là encore, nous soutiendrons les amendements tendant à revenir au texte initial, tout en émettant une réserve au sujet des amendements de repli qui visent uniquement à ce qu’une option végétarienne soit proposée à chaque repas : l’absence de plusieurs options poserait problème à certaines collectivités, notamment les petites ou moyennes communes. Cela ne nous empêche pas, encore une fois, d’être favorables à l’esprit et à la dynamique sous-jacents.
Enfin, la suppression de l’article 3, qui visait à interdire dès 2024 pour les produits non traités thermiquement, dès 2025 pour les autres, la mise sur le marché d’aliments à base de viande contenant des additifs nitrés, est tout à fait déplorable : en la matière, il y aurait urgence à agir. Pour résumer, le groupe Socialistes et apparentés soutient, dans sa rédaction d’origine, cette proposition de loi du groupe Écologiste-NUPES. Nous déterminerons notre vote sur le texte en fonction du résultat de son examen en séance publique ; nous invitons la majorité comme la droite à plus d’ambition concernant le bien manger et la réduction de l’impact environnemental de l’alimentation. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe Écolo-NUPES et sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à M. Vincent Thiébaut.
M. Vincent Thiébaut
Comme cela vient d’être rappelé, l’alimentation constitue un enjeu essentiel pour les citoyens que nous sommes. Elle se trouve au cœur non seulement de notre vie, mais aussi de la société : le fait de bien se nourrir, déterminant pour la santé et le développement, est un droit qu’il nous faut défendre. Or l’inflation à laquelle notre pays fait face freine la propagation des bonnes pratiques alimentaires – manger moins de sel, moins de gras, plus de fibres, favoriser les produits bio ou locaux, cuisiner soi-même ; surtout, elle fragilise des milliers de personnes, incitées par leurs difficultés financières à faire de la nourriture une variable d’ajustement. Selon l’Anses, 8 millions de Français, soit plus d’un sur dix, se trouvent en situation d’insécurité alimentaire. C’est inacceptable : nous devons agir.
C’est de cette démarche que participe la proposition de loi visant à mieux manger en soutenant les Français face à l’inflation et en favorisant l’accès à une alimentation saine – objectifs que nous devons tous avoir à cœur d’atteindre. Il nous faut modifier structurellement la problématique à laquelle les familles françaises sont confrontées ; malheureusement, tel ne serait pas l’effet de ce texte. Ainsi, la prime alimentaire temporaire de 50 euros, qui coûterait aux finances publiques plus de 6 milliards, ne garantirait aucunement, à long terme, une alimentation durable et saine aux familles les plus précaires.
Il convient plutôt, comme cela a été évoqué, de nous engager dans une stratégie globale visant à ce que tous aient accès à une alimentation équilibrée, respectueuse du corps et de l’environnement : tel est le but du programme Mieux manger pour tous, présenté fin 2022 par le Gouvernement et doté de 60 millions pour 2023, qui permettra de soutenir les acteurs de la solidarité alimentaire tout en concentrant les dépenses sur une alimentation locale et durable. Le Gouvernement a déposé en ce sens un amendement de réécriture de l’article 1er, que nous soutiendrons. Les chèques nécessitent des actes administratifs longs et ne sont guère demandés, voire guère connus : en nous appuyant sur cette enveloppe conçue en fonction d’objectifs clairs, en associant au dispositif les collectivités territoriales, nous pouvons en revanche élaborer une stratégie efficace afin que nos concitoyens mangent mieux.
Concernant l’introduction de deux menus ou d’une alternative végétarienne dans les cantines scolaires, la loi « climat et résilience » a su apporter une première réponse à une demande sociétale en rendant obligatoire le menu végétarien hebdomadaire dans les cantines publiques et privées. S’agissant de la restauration collective relevant de la responsabilité directe de l’État, elle s’est engagée à proposer une option végétarienne quotidienne et vise un approvisionnement en produits durables et de qualité, pour la viande et le poisson, à hauteur d’au moins 60 % avant le 1er janvier 2024. Je tiens enfin à rappeler qu’une expérimentation est en cours concernant l’introduction de l’option végétarienne quotidienne dans les collectivités volontaires. Au sein du groupe Horizons et apparentés, nous pensons qu’il est essentiel de permettre aux collectivités territoriales d’achever cette expérimentation avant d’introduire toute nouvelle mesure.
Enfin, nous le savons, les additifs nitrés soulèvent des risques importants en matière de santé publique. C’est un problème auquel nous devons nous attaquer. C’est notamment dans l’objectif de réduire et de supprimer l’utilisation des additifs que le Gouvernement a mis en place le 27 mars dernier un plan d’action coordonné. À l’interdiction, nous préférons l’accompagnement et le soutien aux filières, afin d’assurer la transition dans le respect des travailleurs.
M. Jean-Marc Zulesi
Il a raison.
M. Vincent Thiébaut
L’alimentation est un sujet aux défis multiples dont l’importance, nous en sommes convaincus, doit nous conduire à travailler de façon structurelle ; nous devons adopter une stratégie globale, afin de permettre à nos concitoyens de manger bien, de manger mieux, de manger suffisamment. Je tiens toutefois à remercier le groupe Écologiste-NUPES d’avoir inscrit cette proposition de loi à l’ordre du jour, nous permettant ainsi de débattre à ce sujet et de nous enrichir. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs des groupes RE et Écolo-NUPES.)
Mme Lisa Belluco
Merci, monsieur Thiébaut.
Mme la présidente
La discussion générale est close.
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Francesca Pasquini, rapporteure
Je voudrais commencer par remercier les collègues qui soutiennent notre proposition de loi. Monsieur Wulfranc, sachez qu’il est malheureusement difficile de flécher la prime dès à présent. Les acteurs de terrain nous ont indiqué qu’il fallait six à douze mois pour les négociations sur un éventuel fléchage. Or vous savez que nous ne pouvons plus attendre : vous comprendrez donc la façon dont nous avons construit cette mesure.
Madame Galzy, la création d’un comité de parties prenantes n’est pas une mesure ubuesque, c’est une mesure visant à favoriser la concertation. Quant à Mme Blin – qui est partie –, …
Mme Anne-Laure Blin
Je suis là. (L’oratrice rejoint son banc.)
Mme Francesca Pasquini, rapporteure
…j’ai envie de vous demander quelle mouche vous a piquée ! Les Républicains sont en effet le seul groupe à avoir déposé un amendement de suppression d’une prime alimentation, au moment où les Français en ont le plus besoin ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES et SOC.)
Monsieur Lavergne, avant de parler avec certitude de mes origines, sachez que je ne viens pas d’une banlieue huppée des Hauts-de-Seine mais d’une petite ville située au nord de Rome. Je ne reviendrai pas sur vos propos arrogants. Ils ne sont pas représentatifs, j’en suis sûre, des agriculteurs qui ont tous l’élégance et la noblesse que vous n’avez pas. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES et SOC.) Vos propos témoignent bien, en revanche, du dédain et du mépris de votre majorité.
M. Benjamin Lucas
Exactement !
Mme Francesca Pasquini, rapporteure
Monsieur le ministre, vous nous dites que vous souhaitez faire du sur-mesure : je vais me permettre, à cet égard, une comparaison. Quand on a froid, la première nécessité est celle de se couvrir avec ce que l’on peut. De la même façon, la seule chose dont les Français qui ont faim aient besoin, c’est de pouvoir manger, pas de solutions sur-mesure ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES et SOC.) Je n’oublierai pas que vous êtes celui qui pense que les assistantes maternelles gagnent trois Smic par mois ! (Mêmes mouvements.) Et à compter d’aujourd’hui, vous êtes aussi celui qui répond aux Français qui ont faim « Attendez, prenez votre faim en patience. On vous mijote du sur-mesure ! » (Mêmes mouvements.)
Discussion des articles
Mme la présidente
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
Article 1er
Mme la présidente
La parole est à Mme Cyrielle Chatelain.
Mme Cyrielle Chatelain
Je veux tout d’abord saluer le travail des bénévoles de toutes les banques alimentaires et de toutes les associations de solidarité (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES et Dem) qui, au jour le jour, apportent des solutions concrètes à tous ceux que ce gouvernement délaisse.
M. François Cormier-Bouligeon
Vous feriez mieux de voter nos mesures !
Mme Cyrielle Chatelain
Je veux saluer l’ensemble des très jeunes retraités qui, parce qu’ils ont du temps, peuvent en donner aux autres. Les écologistes ont toujours mis au cœur de leur projet le développement de solutions politiques…
Mme Anne-Laure Blin
Ce n’est pas de la politique, c’est du dogmatisme !
Mme Cyrielle Chatelain
…permettant l’accès à une alimentation saine et équilibrée. C’est l’objet de ce texte qui, au travers du développement de repas végétalisés, constitue une avancée vers la transition écologique de l’alimentation. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.) Nous le savons : au plan mondial, l’élevage est responsable de 14 % des émissions de gaz à effet de serre. Ce texte vise aussi à protéger la santé de nos concitoyens en interdisant des substances cancérogènes. Il propose surtout une solution concrète pour aider ceux dont les revenus, aujourd’hui, ne leur permettent pas de manger.
Nous n’avons pas à recevoir de leçon de la part des Républicains, dont il faut rappeler le bilan : sous Nicolas Sarkozy, le chômage et la pauvreté ont augmenté !
M. Benjamin Lucas
Eh oui !
Mme Cyrielle Chatelain
Il y avait, à la fin de son mandat, plus de 300 000 pauvres en France ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.) Voilà votre bilan, chers collègues, et nous nous passerions bien de vos leçons !
Mme Anne-Laure Blin
Cela fait dix ans que la droite n’est plus au pouvoir ! Vous devriez en parler à vos amis socialistes !
Mme Cyrielle Chatelain
Vous n’avez rien fait.
M. Benjamin Lucas
Exactement !
Mme Cyrielle Chatelain
Et la remise sur le prix des carburants que vous avez défendue a surtout bénéficié aux plus riches ! Vous vous cachez derrière les classes moyennes pour prendre des mesures qui servent en réalité les plus riches ! (Mêmes mouvements.)
Je m’adresse enfin à la majorité : avec 30 % d’augmentation du prix des volailles, 20 % du prix des pâtes et 20 % du prix de l’huile, vous vous cachez encore derrière des mesures qui ont fait long feu depuis longtemps !
Mme Anne-Laure Blin
Voulez-vous qu’on parle du nucléaire, et de l’augmentation des prix de l’énergie ?
Mme Cyrielle Chatelain
Nous proposons une mesure concrète, nous faisons un pas ! Nous savons que vous ne voulez pas d’augmentation du Smic, ni d’allocation d’autonomie pour la jeunesse. Eh bien, nous vous proposons une mesure que vous avez vous-mêmes défendue : la prime alimentaire ! Alors, ayez le courage de défendre vos propositions et votez ce texte ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES. – Mme Sarah Legrain applaudit également.)
Mme la présidente
Je suis saisie de plusieurs demandes de scrutin public : sur l’amendement no 16, par le groupe Rassemblement national ; sur l’amendement no 94, par le groupe Démocrate (MODEM et indépendants) ; sur les sous-amendements nos 103, 104 et 102, par le groupe Rassemblement national ; sur l’amendement no 63, par le groupe Écologiste-NUPES…
M. Benjamin Lucas
Très bien.
Mme la présidente
…et, enfin, sur le sous-amendement no 108, par le groupe Rassemblement national.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Caroline Parmentier.
Mme Caroline Parmentier
Avec cette proposition de loi, nous avons la possibilité d’améliorer le pouvoir d’achat de nos compatriotes en supprimant totalement la TVA sur une liste de 100 produits de première nécessité. Les députés du Rassemblement national ont déposé plusieurs amendements en ce sens. L’Espagne et le Portugal sont déjà passés à l’acte avec des plans anti-inflation ambitieux, adoptant précisément les mesures que propose Marine Le Pen. En agissant ainsi, ces pays défendent le pouvoir d’achat de leurs peuples. Nous devons adopter des mesures analogues. Les produits d’alimentation courants ont vu leurs prix augmenter de manière insupportable. Je pense aux familles, aux étudiants, aux personnes âgées qui doivent aujourd’hui choisir entre se loger, se chauffer, se nourrir ou se soigner : ils sont plusieurs millions en France.
Nous devons agir pour limiter la hausse des prix de l’alimentation et défendre le portefeuille de nos concitoyens. Chers collègues, écoutez nos propositions. N’en restons pas à la rédaction actuelle de l’article 1er. La prime alimentation exceptionnelle est une mesure d’enfumage du Gouvernement, inutile et inefficace. Ce n’est qu’un nouvel écho à la politique du chèque d’Emmanuel Macron. Ce chèque n’est pour l’instant qu’une expérimentation à 20 millions d’euros, qui ne donnera lieu à un rapport qu’en juillet 2024. C’est en total décalage avec le caractère d’extrême urgence que revêt la question du pouvoir d’achat dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Elie Califer.
M. Elie Califer
Je suis ennuyé de constater que ce texte a été détricoté en commission alors qu’il n’avait qu’un seul objectif, essentiel : aider les foyers les plus précaires à accéder à une alimentation saine dans un contexte d’inflation. Comment s’y opposer ? Collègues, ne croyez pas que l’attribution d’une prime exceptionnelle aux foyers les plus nécessiteux suffira à régler le problème de l’accès à une alimentation saine. Il est indigent de faire si peu face à un problème si important, qui touche à la santé publique. Dans la circonscription que je représente – la quatrième de la Guadeloupe –, le recours à l’aide alimentaire ne cesse d’augmenter. Selon une récente étude de la Banque alimentaire de Guadeloupe, plus de 7 500 foyers ont bénéficié de l’aide alimentaire en 2021 : rendez-vous compte de l’importance de ce chiffre pour un si petit département. Nous devons, en cet instant, remercier tous ceux qui viennent au secours de ces familles.
Je veux aussi vous faire toucher du doigt la problématique de nos territoires extra-hexagonaux, empoisonnés par le chlordécone et par l’impossibilité pour les familles de s’approvisionner en produits sains. Les terres sont polluées, ce qui est un problème de santé publique. Nous sommes loin de la transition écologique. Et je n’évoque pas la cherté de la vie, ni le manque de régularité observé dans la distribution des aliments, ni encore les difficultés de transport que de nombreux bénéficiaires rencontrent pour se rendre dans ces lieux. Collègues de la majorité – de toute la majorité –, collègues de l’opposition – de toute l’opposition –, sur un tel sujet, qui touche à l’humanité, nous n’avons pas le droit de faire dans la demi-mesure. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs du groupe Écolo-NUPES.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 25 et 27, tendant à supprimer l’article 1er.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 25.
Mme Emmanuelle Ménard
Il s’agit évidemment d’un amendement d’appel. Personne n’ignore les chiffres, qui sont cruels : l’inflation sur un an des prix de l’alimentation a ainsi été évaluée par l’Insee à 14,5 % en février 2023. La pression restera évidemment très forte sur les prix alimentaires toute l’année, les effets des chocs passés se prolongeant. L’inflation devrait même atteindre un pic au mois de juin prochain. Face à la hausse des prix, le Gouvernement avait promis la mise en place d’un panier anti-inflation, composé d’une cinquantaine de produits alimentaires et non alimentaires à prix bas et stable. Le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, Bruno Le Maire, a finalement annoncé le 6 mars dernier un trimestre anti-inflation. Il s’agit d’une sorte d’opération commerciale visant à offrir, jusqu’en juin, le prix le plus bas possible sur une sélection de produits laissée au choix des distributeurs.
C’est une différence d’approche et presque de philosophie qui nous oppose, chers collègues. Avant de proposer un chèque, il convient de se demander pourquoi les Français peinent de plus en plus à se nourrir, à se loger ou encore à se chauffer, et il faut apporter des réponses de fond. Ces réponses sont urgentes car une société saine est une société dans laquelle on peut vivre dignement du fruit de son travail.
Mme Anne-Laure Blin
Elle a raison.
Mme Emmanuelle Ménard
Je comprends évidemment l’idée de soutenir les ménages les plus pauvres – raison pour laquelle il s’agit d’un amendement d’appel –, mais il n’en reste pas moins que, pour répondre à la perte de pouvoir d’achat des Français, les chèques ne sont ni une solution viable, ni une solution pérenne.
M. Serge Muller
Elle a raison.
Mme la présidente
La parole est à Mme Anne-Laure Blin, pour soutenir l’amendement no 27.
Mme Anne-Laure Blin
Je suis bien là, madame la rapporteure, contrairement à ce que vous avez indiqué. Cela confirme ce que je disais pendant la discussion générale : à force de contrevérités et de désinformation, vous dites de gros mensonges. (M. Matthias Tavel s’exclame.)
Si j’ai déposé un amendement de suppression, comme je l’avais déjà fait en commission des affaires économiques, c’est parce que le dispositif, qui a fait l’objet d’une réécriture par le Gouvernement, n’est clairement pas convenable. Je l’ai dit à la tribune il y a quelques instants : il n’engage pas les réformes structurelles qui permettraient aux Français de mieux s’alimenter, et ce pour plusieurs raisons. D’abord, parce que la politique du chèque ne fonctionne pas – je l’ai suffisamment expliqué tout à l’heure ; mais aussi parce que rien n’est fléché : vous ne garantissez pas que les producteurs pourront bénéficier de la prime alimentation exceptionnelle. Le consommateur s’y retrouvera peut-être un peu, mais clairement pas les producteurs français qui se donnent du mal pour alimenter le marché national.
Il y a une dernière raison, c’est que le revenu fiscal de référence doit être « inférieur à un certain montant ». Monsieur le ministre, quel est ce montant ? Quels Français pourront bénéficier de ce dispositif ? Nous n’avons reçu aucun engagement du Gouvernement sur ce point.
Enfin, la date d’entrée en vigueur du dispositif, le 1er septembre 2023, est illusoire. Vous savez très bien qu’il devrait être voté par le Sénat dans les mêmes termes pour permettre une application à cette date. Vous mentez donc aux Français,…
Mme Caroline Parmentier
Oui !
Mme Anne-Laure Blin
…en leur faisant croire que vous voulez améliorer leur pouvoir d’achat et que vous vous souciez de la qualité de leur nourriture, alors que vous ne proposez aucune réforme structurelle.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Francesca Pasquini, rapporteure
Vous parlez d’une politique du chèque, comme si l’instauration d’un chèque alimentaire était de l’argent public gâché. Je rappelle que les produits alimentaires ont subi une inflation record de 15 % en moyenne et que la fréquentation des associations d’aide alimentaire est en très forte augmentation – 22 % aux Restos du cœur cet hiver. En dix ans, le nombre de bénéficiaires de l’aide alimentaire a été multiplié par trois. Les chiffres montrent aussi une baisse de la quantité et de la qualité des produits alimentaires achetés par les Français, ce qui est très préoccupant sur le plan sanitaire et menace la stratégie de montée en gamme de la ferme France. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.) Avis défavorable.
Mme Anne-Laure Blin
Il n’y a pas de fléchage !
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Christophe Combe, ministre
Avis défavorable. Je voudrais rappeler notre stratégie et détailler ce que font le Gouvernement et la majorité pour protéger les Français de l’inflation, quand vous prétendez que notre politique ne serait que du saupoudrage. Notre action, qui a permis de limiter l’inflation en France – elle est inférieure de 3,6 points à l’inflation moyenne dans l’Union européenne – bénéficie à tous les Français.
Par ailleurs, nous cherchons à protéger les ménages plus modestes grâce à des actions ciblées. J’en profite pour vous dire, madame la rapporteure, que je me suis engagé auprès de la Croix Rouge française durant douze ans. Je sais ce que signifient la misère, la pauvreté et les petits salaires : je sais ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Je n’ai aucune leçon à recevoir de votre part sur le sujet !
Mme Cyrielle Chatelain
Vous parlez de ce que vous ne voulez pas voir !
M. Jean-Christophe Combe, ministre
Le mépris, dont vous nous accusez, est celui dont vous faites preuve lorsque vous me regardez droit dans les yeux en proférant ces accusations. Je le répète : je n’ai aucune leçon à recevoir de vous. C’est inadmissible ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)
Le Gouvernement a fait le choix de soutenir une politique de transformation de la lutte contre la précarité alimentaire. C’est ce que nous vous proposons avec la nouvelle rédaction de l’article 1er. Il s’agit de répondre à la fracture sociale alimentaire, de permettre l’accès à une alimentation saine, de qualité et durable, en particulier aux ménages les plus modestes. En sus de l’enjeu social, il y a un enjeu sanitaire – 17 % de la population est en situation d’obésité – et environnemental.
Mme la présidente
Je vais donner la parole à quatre d’entre vous puis nous reprendrons, puisque nous sommes dans le cadre d’une niche parlementaire, la règle du « un pour, un contre ».
La parole est à Mme Sandra Regol.
Mme Sandra Regol
Il s’agit non pas de mener une politique du chèque, mais de demander au Gouvernement de cesser de reculer pour éviter de travailler, lorsqu’il y a urgence, à une action structurelle sur les salaires et à leur nécessaire revalorisation. Vous ne pourrez pas nous prendre en défaut sur ces points ! Il s’agit, dans la grande démocratie qu’est la France, de ne pas se retrouver, demain, avec des millions de personnes affamées. C’est là que réside la réalité que nous devons affronter. L’urgence, c’est donc de rétablir le texte initial en votant l’amendement no 63 de la rapporteure !
Monsieur le ministre, vous savez ce qu’est la misère – ce que personne ne conteste – mais, manifestement, ce gouvernement ne vous laisse pas agir. Alors, rejoignez les associations qui demandent l’adoption de ce texte et mettez vos actions en conformité avec vos idéaux : saisissez la main que nous vous tendons ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES, SOC et GDR-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à M. Pascal Lavergne.
M. Pascal Lavergne
Évidemment, je suis aligné sur le Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Il est hors de question d’accepter ces amendements de suppression. Je souhaite que nous puissions continuer à débattre, afin d’instaurer un dispositif d’aide alimentaire. Le Gouvernement est déjà à pied d’œuvre.
Mme Sandra Regol
Il ne propose rien, que du vent !
Mme la présidente
La parole est à M. Hubert Wulfranc.
M. Hubert Wulfranc
Je vais rajouter une louche aux propos de Mme Regol : faut arrêter les conneries ! (Exclamations sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe RN.) Faut arrêter les conneries ! Quand toutes les droites disent, en guise de défense, qu’il ne faut pas de politique du chéquier et que chacun doit pouvoir vivre dignement de son travail, mais qu’en même temps elles cadenassent systématiquement les augmentations du Smic et des bas salaires, de sorte que les besoins de première nécessité ne sont effectivement plus couverts par le travail, comment voulez-vous que nous les écoutions sérieusement ?
M. Bruno Millienne
C’est à vous d’être un peu sérieux !
M. Hubert Wulfranc
C’est ce que nous n’avons cessé de dire lors du débat sur les retraites : le salaire, c’est la base de la satisfaction des besoins primaires, c’est la base de la solidarité nationale. N’allez pas nous reprocher une politique du chéquier : c’est bien celle que vous pratiquez, alors, assumez-la ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.)
Mme la présidente
Je vois des élèves dans les tribunes. Je pense que leurs professeurs seront ravis que nous les aidions en faisant attention au langage que nous employons dans l’hémicycle. (Applaudissements.)
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.
Mme Emmanuelle Ménard
Je la prends volontiers, d’autant plus que je serai la seule à défendre ces amendements, les trois dernières prises de parole étant contre. Mme Blin sera sans doute d’accord avec moi pour dire qu’il y a une différence de philosophie fondamentale entre votre approche du chèque alimentaire et la nôtre. Madame la rapporteure, vous expliquez que le nombre de foyers qui bénéficient de l’aide alimentaire ne cesse d’augmenter, ce que nous ne contestons pas : j’y vois la preuve que la politique du chèque ou de l’aide ne fonctionne pas ! Ce n’est pas une solution que de continuer de multiplier les aides pour les foyers.
Mme Anne-Laure Blin
Tout à fait !
Mme Emmanuelle Ménard
Prenons le taureau par les cornes ! Inversons votre raisonnement. Il est plus que temps que les Français puissent vivre dignement de leur travail ! Votre chèque est peut-être une formule magique, mais je ne pense pas que ce soit une solution. Comme on l’a vu à la télévision ce matin dans des reportages, les Français seront peut-être contents, ponctuellement, de pouvoir être aidés mais ce qu’ils veulent, ce sont des mesures de long terme. Elles doivent transformer notre société pour que nous ne soyons plus obligés, justement, de distribuer une fois un chèque alimentaire, une autre fois un chèque carburant.
Mme Anne-Laure Blin
Voilà !
Mme Emmanuelle Ménard
Ils veulent vivre dignement de leur travail et de leur salaire, sans être obligés de tendre la main : c’est tout ce qu’ils demandent ! (Mme Anne-Laure Blin applaudit.)
(Les amendements identiques nos 25 et 27 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 16, 94, 48, 3 et 63, pouvant être soumis à une discussion commune. L’amendement no 94 fait l’objet des sous-amendements nos 103, 104 et 102 ; l’amendement no 63 fait l’objet d’un sous-amendement no 108.
La parole est à Mme Stéphanie Galzy, pour soutenir l’amendement no 16.
Mme Stéphanie Galzy
L’article 1er, dans sa rédaction actuelle, après qu’il a été modifié en commission par un amendement du groupe Renaissance, propose de mettre en place une prime alimentation exceptionnelle. Cette mesure incarne à merveille la politique du chèque menée par le Gouvernement, qui n’est rien qu’un petit pansement posé sur une plaie béante. De plus, cette politique est non pas généralisée mais ciblée sur un public précis, les ménages en situation de précarité, alors que l’inflation n’est pas un phénomène de classe et touche tous les Français.
Afin d’instaurer une disposition viable économiquement et réellement utile pour que tous les Français puissent accéder à une meilleure alimentation, notre amendement reprend la proposition de Marine Le Pen : la TVA à 0 % sur un panier de biens de première nécessité comprenant une centaine de produits alimentaires.
La TVA sur les aliments représente une charge fiscale importante pour tous les Français : nombreux sont ceux qui doivent choisir, à l’euro près, les aliments qu’ils achètent. En proposant la TVA à 0 % sur un panier comprenant des denrées alimentaires de base – des fruits, des légumes, de la viande, des céréales, du lait, des ?ufs, des huiles et des produits laitiers –, le Rassemblement national souhaite aider nos concitoyens à économiser de l’argent sur leurs achats alimentaires quotidiens, tout en s’assurant qu’ils aient un accès à des aliments sains et nutritifs. Cette mesure de bon sens a déjà été adoptée avec succès en Espagne et au Portugal. Suivons l’exemple de nos voisins ibériques et adoptons cette mesure utile et efficace !
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement no 94.
M. Jean-Christophe Combe, ministre
Il se veut la synthèse de ce que nous avons entendu, à la fois dans les travaux que nous menons, depuis 2020, dans le cadre du comité de coordination de lutte contre la précarité alimentaire où siègent les associations, les producteurs, les agriculteurs, la grande distribution, et dans les réunions que j’ai organisées avec les associations dans le cadre de la mise en place d’une cellule anti-inflation.
Cela me permet de vous dire, d’ailleurs, que les associations ne demandent pas un chèque généralisé. Nous n’avons pas une vision binaire, et nous savons que les chèques peuvent être utiles pour répondre à l’urgence, comme c’est le cas aujourd’hui des chèques d’accompagnement personnalisé, distribués par les CCAS ou les associations localement. Ils peuvent être utiles pour résoudre, de façon ciblée, des problèmes spécifiques, comme nous l’avons vu cet automne. Non, ce que demandent les associations, c’est une augmentation anticipée des prestations sociales. Je vous fais observer, d’ailleurs, qu’entre le 1er avril 2022 et le 1er avril 2023, les prestations ont augmenté de plus de 5,6 %, soit quasiment le niveau d’inflation constatée par l’Insee.
La réécriture proposée dans l’amendement du Gouvernement tient également compte des débats en commission, notamment de la contre-proposition formulée par la majorité. Il rappelle que l’État met en œuvre un programme d’actions, le programme Mieux manger pour tous, doté de 60 millions d’euros, qui s’appuie sur les travaux menés avec les associations. Il se décline à l’échelle non seulement nationale mais aussi locale.
Au niveau national, il permet aux associations d’aide alimentaire de s’approvisionner en denrées fraîches, qu’il s’agisse de fruits, de légumes ou de légumineuses, sous des labels de qualité afin d’offrir aux populations les plus modestes un accès à une alimentation saine et de qualité.
Pour 2023, aux 40 millions attribués aux actions menées au niveau national viennent s’ajouter 20 millions dédiés aux initiatives locales au sein de l’enveloppe de 60 millions qui constitue une mise de départ – le dispositif a vocation à se développer si nous en constatons ensemble l’efficacité. Je crois beaucoup au déploiement de réseaux et de coalitions de solidarité de proximité. L’idée sous-jacente est de soutenir les initiatives locales, lancées par les acteurs publics – services de l’État et collectivités – et privés – associations, entreprises, agriculteurs. Le cahier des charges de la Convention citoyenne pour le climat, qui pouvait paraître complexe, trouve ici une déclinaison concrète, sur-mesure.
Au-delà de l’encouragement donné à ces initiatives, ce plan repose aussi sur les chèques alimentaires, dispositif mis en avant par le Président de la Républiques, auquel certains d’entre vous tiennent, je le sais. Nous soutiendrons la distribution locale de chèques ciblés qui favorisera l’accès des populations modestes à des denrées alimentaires produites localement, issues de circuits courts et répondant aux exigences environnementales. Nous mènerons dans un premier temps une expérimentation qui fera l’objet d’une évaluation. Comme ce processus prendra du temps, nous prévoyons de remettre les résultats de notre évaluation en juillet 2024.
Rappelons, pour finir, qu’il y a un autre étage de cette fusée : le pacte des solidarités, qui repose sur une politique de fond. Il apportera une réponse plus large, au-delà de la lutte contre la pauvreté et la grande précarité. Il vise en effet aussi les classes moyennes, l’un de ses objectifs étant d’éviter le basculement dans la précarité de toute une partie de la population qui peine à boucler ses fins de mois. Je pense à toutes ces familles aux revenus modestes qui subissent très fortement l’inflation, qu’il s’agisse de l’alimentation, de l’énergie ou de la mobilité. Nous aurons à cœur de les accompagner dans les années qui viennent.
Mme la présidente
Nous en venons aux trois sous-amendements à l’amendement no 94. La parole est à M. Nicolas Meizonnet, pour soutenir le sous-amendement no 103.
M. Nicolas Meizonnet
Ce premier sous-amendement devrait faire consensus puisque, dans une logique de patriotisme économique (Exclamations sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES) et de renforcement de notre souveraineté alimentaire, il vise à favoriser le localisme et les circuits courts, principes que tout le monde ou presque s’accorde désormais à défendre, avec les nuances que nous connaissons. Quand Marine Le Pen et le Rassemblement national étaient les seuls à les soutenir avec vigueur, il leur était reproché d’être rabougris et repliés sur eux-mêmes. Cette époque est révolue : on s’aperçoit maintenant que nous avions raison avant l’heure.
Notre sous-amendement entend défendre l’agriculture française en contraignant les collectivités territoriales à privilégier les denrées produites en France, ce qui sera bon non seulement pour notre économie mais aussi pour la santé et le moral des Français. Je vous invite à le voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
Vous avez à nouveau la parole, monsieur Meizonnet, pour soutenir le sous-amendement no 104.
M. Nicolas Meizonnet
Le Gouvernement, par cet amendement no 94, prévoit enfin d’expérimenter le chèque alimentaire qu’il a promis depuis des mois. Si nous soutenons bien évidemment toutes les mesures visant à aider nos compatriotes, nous regrettons que les classes moyennes soient systématiquement les grandes oubliées des politiques sociales. Pourquoi exclure ceux qui paient toujours plus et qui n’ont jamais rien alors même qu’ils sont fortement affectés par l’inflation et la stagnation des salaires ?
Selon une étude du Credoc, publiée à l’automne 2022, 46 % des classes moyennes inférieures se sentent fragilisées, soit une augmentation de 17 points en un an, du fait de l’explosion des prix alimentaires et des dépenses contraintes. Nous proposons donc de préciser que le bénéfice du chèque alimentaire est ouvert aux ménages issus des classes moyennes. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
Nous en venons au troisième sous-amendement, monsieur Meizonnet, le sous-amendement no 102.
M. Nicolas Meizonnet
Le Gouvernement prévoit de remettre au Parlement en juillet 2024 un rapport sur cette expérimentation du chèque alimentaire, dotée d’un budget dérisoire de 20 millions d’euros. Alors qu’Emmanuel Macron avait promis pendant sa campagne de mettre en place cette aide, les Français vont ainsi devoir attendre plus d’un an avant que vous ne rendiez cette évaluation dont l’issue risque d’être incertaine. Nous proposons d’avancer cette date à juillet 2023. Il est urgent d’agir, chers collègues, car les Français souffrent. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Murielle Lepvraud, pour soutenir l’amendement no 48.
Mme Murielle Lepvraud
Le groupe LFI-NUPES entend rétablir la rédaction de l’article 1er dans sa version initiale. Il convient de s’assurer que la prime alimentation exceptionnelle est d’un montant suffisamment élevé pour répondre à l’urgence alimentaire, alors que l’inflation touchant les denrées alimentaires et le recours aux banques alimentaires sont au plus haut. Nous proposons donc de revenir au montant minimum de 50 euros par personne et par mois.
Par ailleurs, pour aller d’un dispositif d’urgence à des solutions pérennes garantissant un accès digne à une alimentation durable pour tous les citoyens, nous proposons également, comme cela était prévu dans la version initiale, d’évaluer l’opportunité d’une hausse des salaires, des retraites et des minima sociaux ainsi que de la généralisation de la gratuité des cantines scolaires et de l’extension à l’ensemble du territoire national du bouclier qualité prix mis en place dans les outre-mer. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Chantal Jourdan, pour soutenir l’amendement no 3.
Mme Chantal Jourdan
Nous souhaitons également revenir à la version initiale de l’article 1er mais en apportant une modification à la déclinaison des objectifs du comité des parties prenantes, afin de lui assigner pour mission l’évaluation des modalités d’un fléchage de l’utilisation de la prime vers des denrées et produits alimentaires durables. La distribution de cette prime alimentation, justifiée par une situation d’urgence, fournit l’occasion d’orienter les comportements vers une alimentation saine, répondant à des critères de qualité.
Nous considérons que ce dispositif n’a pas forcément vocation à être pérennisé. Il importe d’agir à d’autres niveaux, notamment en insistant sur la nécessité d’une augmentation des rémunérations. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 63, qui fait l’objet d’un sous-amendement no 108.
Mme Francesca Pasquini, rapporteure
L’amendement no 63 vise à rétablir la version initiale de l’article 1er tout en y apportant des clarifications. La prime exceptionnelle de 50 euros doit être versée dès le 1er juillet 2023 à l’ensemble des ménages mis en difficulté par l’inflation touchant les prix alimentaires. À partir du 1er septembre, le comité des parties prenantes se réunirait pour émettre des recommandations portant sur l’évolution du dispositif.
Monsieur le ministre, vous qui étiez présent lors de l’ouverture de la campagne des Restos du cœur dans ma circonscription et qui avez travaillé longuement sur les aides alimentaires, vous savez que le dispositif envisagé par le Gouvernement, doté de 60 millions seulement, est inopérant.
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Meizonnet, pour soutenir le sous-amendement no 108.
M. Nicolas Meizonnet
Le comité des parties prenantes doit aussi inclure des représentants des agriculteurs et d’organisations de consommateurs, lesquels constituent les deux éléments principaux du secteur de l’alimentation, les premiers au titre de l’offre, les seconds au titre de la demande.
Le fait de faire participer les consommateurs à ces travaux permettrait d’avoir une vision plus globale, notamment en incluant les classes moyennes. Leur avis est précieux pour étudier pistes et solutions. Qu’il y ait des représentants des agriculteurs est tout aussi important. Rappelons que plusieurs filières agricoles connaissent de grandes difficultés. Les oublier conduirait à se priver de la parole d’acteurs essentiels pour l’élaboration d’un système durable d’accès à une alimentation de qualité pour tous les Français.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements et sous-amendements en discussion commune ?
Mme Francesca Pasquini, rapporteure
Je suis favorable aux amendements nos 48, 3 et, évidemment, 63, et défavorable aux autres amendements et à tous les sous-amendements.
M. Guillaume Kasbarian, président de la commission des affaires économiques
À titre personnel !
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Christophe Combe, ministre
Vous comprendrez que, compte tenu du fait que le Gouvernement a présenté un amendement proposant une nouvelle rédaction de l’article 1er, son avis est défavorable aux autres amendements et aux sous-amendements.
Plusieurs orateurs sont revenus sur le montant du programme d’aide alimentaire Mieux manger pour tous, de 60 millions d’euros.