XVIe législature
Session ordinaire de 2022-2023

Séance du jeudi 16 mars 2023

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes (nos 762, 917).
Hier soir, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 168 à l’article 4.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 168. Il s’agit d’un amendement de précision et de bon sens, si j’ose dire, puisqu’il propose d’ajouter, à l’alinéa 2 de l’article 4, que c’est quinze jours à l’avance que la Commission locale d’information (CLI) territorialement compétente est informée par le pétitionnaire du dépôt de la demande d’autorisation environnementale. Les CLI sont des instances de débat et de vigilance. Elles assurent une mission générale de suivi, d’information et de concertation en matière de sûreté nucléaire, de radioprotection et d’impact des activités d’un site nucléaire sur les personnes et sur l’environnement alentour. Représentatives des populations riveraines, elles rassemblent, toutes opinions confondues, les élus locaux, les associations environnementales, les délégués syndicaux, des experts et des représentants du monde économique. Il me semble intéressant, de ce fait, qu’elles soient prévenues en amont lorsqu’une demande d’autorisation environnementale est déposée.
La parole est à M. Maxime Laisney, pour un rappel au règlement. Fondé sur l’article 100 de notre règlement, et concernant la sincérité de nos débats, il permettra d’éclairer nos collègues qui auraient été absents hier soir lorsque j’ai posé une question restée jusqu’à maintenant sans réponse : Mme la ministre va-t-elle organiser, ou non, une seconde délibération sur le vote de l’amendement no 190 à l’article 11 bis , qui a eu lieu hier dans l’hémicycle ? Une majorité de députés a en effet refusé ainsi le démantèlement de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et sa fusion partielle dans l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Pour la sincérité de nos débats, nous aimerions obtenir une réponse à cette question.
La parole est à Mme Maud Bregeon, rapporteure de la commission des affaires économiques, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement no 168. Nous avons déjà adopté en commission des affaires économiques, madame la députée, un amendement de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire allant dans le sens de votre proposition. Il prévoit en effet que les CLI soient informées lors du dépôt des demandes d’autorisation environnementale. J’ajoute que l’instruction de ces autorisations dure un an, ce qui nous conduit à considérer votre demande comme déjà satisfaite : il n’est pas nécessaire de prévoir quinze jours supplémentaires en amont de l’autorisation. Avis défavorable. La parole est à Mme la ministre de la transition énergétique, pour donner l’avis du Gouvernement. Il est également défavorable.
(L’amendement no 168 n’est pas adopté.) Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 215 et 520.
La parole est à Mme Marie Pochon, pour soutenir l’amendement no 215.
L’article 4 introduit la faculté d’anticiper les constructions, aménagements, installations et travaux réalisés en vue de la création de réacteurs électronucléaires dès la délivrance de l’autorisation environnementale. En pratique, cela implique que des travaux pourront commencer avant l’autorisation de construction du réacteur. Il nous paraît particulièrement périlleux d’opérer une distinction entre les différents bâtiments des installations nucléaires. L’autorisation environnementale en vue de la création d’un réacteur nucléaire est délivrée au vu de l’étude d’impact portant sur l’ensemble du projet. Commencer à construire tous les à-côtés des réacteurs ne ferait que contraindre par la suite la construction de ces réacteurs, même si cela dérogeait à l’obtention d’une autorisation de mise en travaux. Vous nous parlez de démocratie, d’exigence de concertation ; en réalité, ce que vous nous proposez ici, c’est la fameuse politique du fait accompli. Nous proposons donc de supprimer l’alinéa 3, le gain de temps escompté ne justifiant pas une atteinte disproportionnée à la participation du public – d’autant que, souvent, les retards sont dûs à des difficultés plus industrielles qu’administratives. La parole est à M. Christophe Bex, pour soutenir l’amendement no 520. Avec vous, simplification rime avec précipitation. Objectif : première pierre en 2027. Précipitation, d’abord, au regard des courts délais dont nous disposons pour nous prononcer sur ce projet de loi qui, s’il est présenté comme un simple texte technique, contient en réalité des orientations stratégiques pour notre politique énergétique. Précipitation ensuite s’agissant des procédures administratives nécessaires au lancement des travaux d’installations nucléaires, que vous souhaitez enjamber. Mes collègues du groupe La France insoumise et moi-même l’avons dit à plusieurs reprises : nous sommes totalement opposés à la possibilité de lancer les travaux avant que l’autorisation de création ait été remise. Avec l’article 4, vous prévoyez en effet la possibilité de faire débuter certains travaux relatifs à des installations nucléaires dès la réception de l’autorisation environnementale, en enjambant donc l’autorisation de création.
Cette anticipation, qui peut apparaître comme une simplification de procédures sans grand intérêt, a en réalité des conséquences très concrètes, notamment sur la participation du public. Comment pouvez-vous trouver pertinent d’autoriser le lancement du chantier d’un nouveau réacteur pressurisé européen (EPR) alors même que l’enquête publique n’est pas terminée et que les citoyens n’ont pas pu exprimer leur avis ? Vous renforcez le sentiment de défiance à l’encontre des responsables publics, qui ne cesse de croître au fil des années, en agissant de la sorte.
À défaut de pouvoir vous convaincre, je conclurai par le message d’alerte envoyé par l’Association nationale des comités et commissions locales d’information (ANCCLI) : le fait de construire quoi que ce soit avant l’obtention de l’autorisation de création est un mauvais message envoyé aux citoyens. Chers collègues, soyez responsables et retirez cet article.
Quel est l’avis de la commission ? L’article 4 est probablement le centre du projet de loi. Je comprends que vous souhaitiez supprimer l’alinéa 3, mais vous comprendrez aussi que j’émette un avis défavorable à vos amendements : on a besoin, justement, de pouvoir anticiper une partie des travaux. D’une part, comme je l’ai indiqué hier, il s’agit de travaux qui ne touchent pas à l’îlot nucléaire et ne présentent donc pas de risques en matière de sûreté. D’autre part, les retards successifs accumulés sur le projet de Flamanville 3 – qui ne sont pas uniquement liés à un défaut d’anticipation – ont démontré que tous les leviers permettant d’assouplir le planning étaient bénéfiques à la tenue des délais. Sur le long terme, l’anticipation de travaux de terrassement ou de construction de bâtiments auxiliaires doit permettre d’éviter ou, à tout le moins, de limiter le risque de retards en cascade : chaque opération étant liée à la suivante, le chemin critique du planning peut être remis en cause. Néanmoins, toutes les autorisations environnementales restent nécessaires, tout comme les consultations du public. Je rappelle également que le projet de loi ne prévoit pas de modifier les procédures liées aux parties de la centrale soumises à des enjeux de sûreté. Quel est l’avis du Gouvernement ? Il est également défavorable. La parole est à M. Stéphane Travert. Au-delà de ce que Mme la rapporteure vient d’exposer excellemment, je souligne que nous ne pouvons pas nous permettre, dans un projet de loi comme celui-ci, de remettre en cause le choix de l’accélération des procédures pour la construction des EPR. Aujourd’hui, les caractéristiques techniques n’ont quasiment pas d’impact, ou n’ont qu’un faible impact sur la sécurité et la sûreté, sur lesquelles nous ne transigeons pas, comme nous avons déjà eu l’occasion de le dire. L’anticipation se fait parallèlement aux procédures qui entourent la construction du cœur du réacteur. C’est pourquoi nous souhaitons que ces amendements soient rejetés. Bravo !
(Les amendements identiques nos 215 et 520 ne sont pas adoptés.) Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 521 et 659. L’amendement no 521 de Mme Aurélie Trouvé est défendu.
La parole est à M. Gérard Leseul, pour soutenir l’amendement no 659.
Il s’agit d’un amendement de repli, qui tend à supprimer non l’intégralité de l’aliéna 3 mais sa deuxième phrase. Le groupe Socialistes et apparentés souhaite ainsi réaffirmer l’intérêt qu’il porte à l’enquête publique. C’est une question de bon sens, dans la mesure où l’enquête renforce l’acceptabilité sociale des centrales au sein de la population environnante. Il nous semble très important de ne pas enjamber l’ensemble des procédures comme vous le faites. Quel est l’avis de la commission ? Il est défavorable, pour les raisons déjà exposées. Quel est l’avis du Gouvernement ? Il est également défavorable. Vous semblez omettre, monsieur le député – je pense néanmoins que vous l’avez à l’esprit – qu’il y a d’abord un débat public sur le projet, puis une enquête publique environnementale et enfin une enquête publique sur le dossier d’autorisation de construire. En réalité, aucune construction n’est lancée sans que le public ait eu l’occasion de donner son avis sur le projet de façon relativement approfondie.
(Les amendements identiques nos 521 et 659 ne sont pas adoptés.) Sur l’article 4, je suis saisie par le groupe Renaissance d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Maxime Laisney, pour soutenir l’amendement no 523.
Nous proposons de revenir à la rédaction initiale de l’article 4, aux termes de laquelle le démantèlement des installations et la renaturation du site, dans l’hypothèse où l’exploitant n’aurait pas obtenu l’autorisation de création de l’îlot nucléaire de la centrale, devaient se faire à ses frais et à ses risques. Le rejet de cette disposition en commission aboutit à une situation bancale : les travaux sur les installations environnant le réacteur pourront démarrer, avec les premières routes, les premiers bâtiments, les premières coulées de béton, sans que l’on sache qui assurerait et financerait le démantèlement de ce qui a été construit pour rien si l’exploitant n’obtenait pas l’autorisation de création. À moins que cela ne signifie – ce qui serait plus grave – que l’on ne parte du principe que l’autorisation de création sera donnée quoi qu’il en soit, avant même la fin de l’enquête publique sur le sujet. Nous sommes fondés à dénoncer encore une fois ce texte qui privilégie le fait accompli. La réintroduction de la disposition supprimée serait une mesure de bon sens. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Quel est l’avis de la commission ? Il est défavorable, pour la simple raison qu’il est déjà satisfait par le droit. C’est en effet l’exploitant qui prend les risques et assume la charge des travaux, quels que soient ensuite les résultats de l’instruction et des différentes demandes d’autorisation. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis que Mme la rapporteure. La parole est à Mme Julie Laernoes. Vous dites, madame la rapporteure, que la construction se fait aux risques et périls de l’exploitant. Or l’exploitant devrait être la société EDF, qui vient d’indiquer qu’elle était déjà endettée à hauteur de 65 milliards d’euros – un endettement supérieur à celui atteint par France Télécom avant qu’elle ne sabre dans deux tiers de ses effectifs. Je ne vois donc pas très bien comment EDF pourrait prendre un risque supplémentaire en anticipant une construction et en investissant dans un projet avant l’autorisation.
Par ailleurs, ce que vous n’avez pas pris en compte à l’article 4, ce sont les nouveaux risques liés au changement climatique qui ne sont pas encore intégrés dans les articles que vous avez cités. C’est très grave car, si l’on tient au nucléaire comme vous y tenez, je crois, il est nécessaire de le rendre un tant soit peu robuste face au changement climatique. Or vous avez refusé nos amendements en ce sens, niant la réalité du changement climatique qui est pourtant structurel et qui, d’ici quinze à vingt ans, se sera accéléré. Je suis effarée que vous ayez refusé en bloc ces amendements. Le nucléaire n’est pas robuste face au changement climatique et, de fait, vous niez les risques que cela emporte.
(M. Nicolas Thierry applaudit.) La parole est à Mme la ministre. Je répète ce qui a été dit et redit ces dernières heures. RTE – Réseau de transport d’électricité – consacre un long chapitre de 40 pages de son rapport « Futurs énergétiques 2050 » aux effets du changement climatique sur le système électrique : on y démontre de manière assez claire que, si l’impact du changement climatique sur le nucléaire ne doit pas être négligé, c’est essentiellement en été qu’il se fera sentir, au moment où nous avons le moins besoin d’électricité.
Vous savez pertinemment, par ailleurs, qu’une autorisation environnementale doit prendre en compte – comme la loi et le règlement le prévoient – les conséquences du changement climatique.
De nouveau, je trouve assez ironique, et je le dis très calmement, que vous nous parliez du changement climatique alors que vous n’avez pas pris vos responsabilités lors du vote de la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables.
(M. Jean-Luc Fugit applaudit.) Vous avez un problème de cohérence car, que vous le vouliez ou non, c’est bien le Gouvernement qui est à la pointe du combat climatique avec le plan de sobriété énergétique, la loi sur les énergies renouvelables et le présent projet de loi. (M. Éric Bothorel applaudit également.)
(L’amendement no 523 n’est pas adopté.) La parole est à M. Maxime Laisney, pour soutenir l’amendement no 522. Depuis plusieurs jours, nous posons beaucoup de questions et nous avons peu de réponses, mais nous les écoutons toujours avec attention. Nous ne sommes pas rassurés par celle qui vient de nous être apportée, expliquant que l’amendement est satisfait puisque l’exploitant n’hésitera évidemment pas à démanteler les installations qu’il aura construites pour rien et remettra le terrain dans son état antérieur…
La rapporteure nous a aussi expliqué que les SMR – petits réacteurs modulaires – seraient construits dans le périmètre des centrales existantes et qu’ils ne seraient pas forcément exploités par EDF, mais éventuellement par des start-up.
Eh bien, nous ne sommes pas rassurés à l’idée que des start-up pourraient bricoler des SMR à proximité des centrales nucléaires, engager des travaux avant de recevoir l’autorisation et, entre-temps, se casser la gueule sur le plan économique. Du coup, il n’y aura plus personne pour assurer le démantèlement et, à la fin, ce sont les Français qui paieront !
(Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Par cet amendement, nous proposons de revenir au texte adopté par le Sénat – puisque, comme d’autres l’ont déjà dénoncé, vous avez fait votre marché parmi les apports des sénateurs – et de préciser que l’autorisation de création est délivrée au vu d’une étude d’impact, le cas échéant actualisée, après enquête publique et avis conforme de l’ASN.
Enfin, vous nous faites doucement rigoler lorsque vous évoquez notre vote sur le texte sur les énergies renouvelables. Si nous avons voté contre lui, c’est, outre les raisons indiquées, parce qu’il a été conçu dans le but de privilégier le marché, notamment grâce au mécanisme des contrats de gré à gré, les PPA
(Power Purchase Agreement). Nous retrouvons ici la même main invisible du marché. C’est un scandale que nous dénonçons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Quel est l’avis de la commission ? Défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Même avis. Il y a déjà une enquête publique. La parole est à M. René Pilato. À la suite de vos déclarations, madame la ministre, je suis allé voir sur le site de France Info la rubrique Vrai ou Fake : RTE, l’organisme que vous citez sans arrêt, explique que, si les canicules se multiplient, avec des températures de plus en plus extrêmes, il faudra s’attendre à deux ou trois fois plus d’arrêts de réacteurs. De son côté, M. Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, a déclaré que le scénario à 4 degrés était probable. Alors que la construction des centrales durera entre quinze et vingt ans, vous ne voulez pas entendre qu’il faut prendre des précautions, faire des études d’impact et verrouiller les dossiers.
Nous ne sommes pas d’accord sur le nucléaire, c’est acté. Hier, l’Assemblée, dans sa sagesse, a imposé une sécurité – je lui dis « Bravo ». Acceptez, même si nous ne sommes pas d’accord, que nous puissions avoir raison sur certains points.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) La parole est à Mme la ministre. Voilà une belle illustration de la manière dont vous menez le débat, puisque vous omettez de rappeler que France Info conclut ainsi : « Malgré un impact tangible du changement climatique, il apparaît […] que, même à long terme, les centrales nucléaires trouveront encore assez de ressources en eau pour fonctionner. » Je suis désolée de devoir le préciser. (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
(L’amendement no 522 n’est pas adopté.) Je mets aux voix l’article 4.
(Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 84
Nombre de suffrages exprimés 80
Majorité absolue 41
Pour l’adoption 60
Contre 20
(L’article 4 n’est pas adopté.) Sur l’amendement no 236, je suis saisie par le groupe Renaissance d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je suis saisie de deux amendements, nos 216 et 236, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Marie Pochon, pour soutenir l’amendement no 216.
Implanter une centrale nucléaire, c’est se lancer dans un projet qui durera deux cents ans. Il faut se rendre compte de ce que cela signifie : il y a 200 ans, en 1822, on inventait tout juste le premier moteur électrique rotatif, donc l’électricité ! Et il n’est pas si aisé de savoir où nous en serons en 2223, compte tenu du changement climatique et de l’affaiblissement de nos démocraties…
C’est pourquoi nous souhaitons renforcer le pouvoir décisionnaire des maires et des élus locaux, car il leur revient aussi de déterminer s’ils souhaitent engager pour des centaines d’années leur territoire sur des projets du passé. Nous proposons donc de préciser que l’autorisation ne peut être délivrée qu’avec l’accord des conseils municipaux des communes concernées, ainsi que des conseils municipaux des communes qui entreraient dans le champ de visibilité du parc nucléaire.
La parole est à Mme Christelle Petex-Levet, pour soutenir l’amendement no 236. L’accélération du nucléaire est plus que nécessaire et ce projet de loi doit permettre de réunir toutes les conditions juridiques, financières et d’organisation requises. Nous proposons une mesure pour intégrer les élus locaux dans la concertation, sans toutefois leur donner un droit de veto. Ainsi, il sera mieux tenu compte du cadre de vie dans les communes concernées et alentours. On améliorera également l’acceptabilité du projet. Quel est l’avis de la commission ? L’amendement no 216, madame Pochon, vise à introduire une disposition que vous avez rejetée pour les énergies renouvelables, le droit de veto du maire. Une centrale et une éolienne, ce n’est pas la même chose ! Je suis d’accord, ce n’est pas la même chose sur le plan des dangers et des risques, mais la réticence des populations à voir s’implanter près d’elles un champ d’éoliennes est tout aussi forte.
Par ailleurs, les réacteurs en question seront implantés sur des sites déjà existants, donc près de populations qui vivent déjà…
Dans la terreur ! …à côté d’un CNPE (centre nucléaire de production d’électricité) et de collectivités qui se trouvent déjà dans la boucle. Vous avez refusé ce droit de veto pour l’implantation des éoliennes terrestres, alors que l’hostilité des populations peut être très forte – le président Kasbarian, élu d’Eure-et-Loir, peut en témoigner. Avis défavorable. (Protestations sur divers bancs. – Brouhaha.) Ce n’est pas la même chose ! Chers collègues, je vous demande de parler entre vous moins fort, afin que nous puissions entendre l’avis de la commission. On le connaît déjà ! Madame Petex-Levet, je comprends tout à fait votre préoccupation. Les collectivités sont tenues informées tout au long du processus et associées lors de la mise en compatibilité des documents d’urbanisme. Par ailleurs, l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF), que nous avons auditionnée, nous a fait part de sa satisfaction. À ses yeux, l’implication des élus locaux est suffisante. Je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement. Quel est l’avis du Gouvernement ? Avis défavorable sur l’amendement no 216. Pas plus que nous, vous n’avez voulu du droit de veto des maires sur les énergies renouvelables. Mais alors qu’en toute logique, nous le rejetons aussi pour le nucléaire, vous proposez de le réintroduire ici. Votre incohérence prend un tour systématique. C’est assez saisissant car, alors que seuls trois sites – qui ont déjà accepté une installation nucléaire – seront concernés ces quinze prochaines années, les implantations de production d’énergie renouvelable seront bien plus nombreuses à se déployer sur le territoire. Cette incohérence est gênante lorsqu’on porte en bandoulière la lutte contre le réchauffement climatique ! Comme vous, vous ne la portez pas en bandoulière, vos incohérences ne sont pas gênantes ! Je comprends l’objectif de l’amendement no 236 mais il me semble satisfait, et ce à plusieurs étapes du processus : les collectivités locales concernées sont associées au débat public et le dossier fait l’objet d’une longue instruction, aussi bien sur le plan de l’urbanisme que sur le plan environnemental et nucléaire. Je vous invite, madame Petex-Levet, à le retirer, sans quoi j’y serai défavorable. La parole est à Mme Christelle Petex-Levet. Je vous remercie pour ces explications. Mais il est important d’intégrer au processus les communes voisines de la commune d’implantation, dont le cadre de vie peut être sensiblement modifié. C’est pourquoi je maintiens cet amendement. La parole est à Mme Julie Laernoes. Ce qui est gênant, madame la ministre, c’est que vous n’ayez d’autre argument que la nature du vote de certains groupes sur le projet de loi « énergies renouvelables ». Si j’étais vous, je serais moins fière ! Car si nous n’avons pas voté ce texte, que nous souhaitions pourtant, tant nous croyons nécessaire de développer les énergies renouvelables, c’est que vous ne nous avez pas écoutés, que vous n’avez pas pris en compte notre retour d’expérience, alors que nous travaillons depuis des décennies sur les énergies renouvelables que nous essayons péniblement de faire émerger. (Protestations sur les bancs du groupe RE.) On voit le résultat. Nous aurions souhaité un texte à la hauteur de nos ambitions, de l’enjeu et de l’urgence. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.) Si j’étais vous, je ne m’enorgueillirais pas de cette loi, qui est si mauvaise que même les écologistes, dépités, ne l’ont pas votée. Voilà la réalité ! (Mêmes mouvements.) Elle ne permettra pas de faire face au défi climatique, et vous misez tout sur le nucléaire. C’est irresponsable ! Nous n’atteindrons pas nos objectifs en faveur du climat, votre responsabilité est énorme !
Avoir sur sa commune une installation nucléaire, ce n’est pas la même chose qu’avoir une unité de production d’énergie renouvelable. Une centrale nucléaire ne se démonte pas et elle pèse sur les ressources, notamment en eau. Il importe donc que les communes puissent donner leur avis sur ces projets. Il y a des limites au passage en force !
(Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.) Chers collègues, je ne suis pas certaine qu’une ambiance explosive soit de mise aujourd’hui…
(L’amendement no 216 n’est pas adopté.) Je mets aux voix l’amendement no 236.
(Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 104
Nombre de suffrages exprimés 101
Majorité absolue 51
Pour l’adoption 35
Contre 66
(L’amendement no 236 n’est pas adopté.) La parole est à M. Stéphane Viry, pour soutenir l’amendement no 278. Le groupe Les Républicains, par cet amendement, souhaite établir une équité de traitement entre les énergies renouvelables et l’énergie nucléaire. Il nous paraît incohérent que, dans l’état actuel de la législation, l’installation de nouveaux réacteurs nucléaires ne soit pas considérée comme étant constitutive d’une raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) alors que la version initiale du projet de loi le prévoyait. L’avis du Conseil d’État aurait poussé le Gouvernement à revenir sur cette rédaction. Nous considérons que cette haute juridiction est là non pour faire la loi mais pour formuler des avis. C’est au législateur qu’il appartient de déterminer ce qui est bon, dans l’intérêt du pays. C’est un fait ! Pourquoi les nouvelles installations ne pourraient-elles bénéficier de ce régime spécifique, permettant d’adapter les règles d’urbanisme, alors que la massification de la filière nucléaire répond à l’impératif d’intérêt général d’assurer la pérennité de notre production énergétique ?
Nous vous demandons donc, madame la ministre, de revenir à la version initiale de votre projet de loi.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.) Quel est l’avis de la commission ? Cher collègue, je n’ai pas une virgule à enlever à ce que vous venez dire. Que les énergies renouvelables et le nucléaire soient traités de la même façon, c’est précisément notre ligne. J’émets donc un avis très favorable à votre amendement. Bien ! Quel est l’avis du Gouvernement ? Si le Conseil d’État considère que, par principe, l’installation d’un EPR 2 relève d’une raison impérative d’intérêt public majeur, compte tenu de l’importance de ce type d’équipement, il pourrait avoir des interrogations sur celle d’un SMR. Votre amendement a l’avantage de lever toute ambiguïté et j’y suis favorable. Les Républicains n’aiment pas les ambiguïtés ! La parole est à M. Maxime Laisney. Certains collègues se demandent pourquoi les centrales nucléaires seraient traitées différemment des unités de production d’énergie renouvelable et ne pourraient être considérées comme répondant à une raison d’impérative d’intérêt public majeur. Rappelons une chose simple : il n’est prévu aucun plan d’intervention d’urgence autour d’un champ de panneaux photovoltaïques car ils ne risquent pas de nous exploser à la figure pas plus qu’il n’est envisagé de distribuer des pastilles d’iode aux personnes habitant dans un périmètre de 20 kilomètres autour d’un champ d’éoliennes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.) Une éolienne qui tourne ne crée pas de risques de cancer de la thyroïde pour la population environnante. C’est pour cette raison toute bête qu’il y a une différence de traitement.
Comme la rapporteure l’a dit lors d’une des réunions de commission – mais elle semble l’avoir oublié –, une centrale nucléaire n’est pas une usine de chocolat. C’est bien dommage d’ailleurs car nous aurions du fondant au chocolat pour plusieurs générations – le cœur de Tchernobyl est toujours en fusion, trente-sept ans après l’accident.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.) La parole est à M. Fabien Di Filippo. Vous êtes à la fois cohérents et incohérents, mes chers collègues. Cohérents en matière de décroissance, en dignes disciples de Nicolas Hulot. Nous voyons bien à quoi nous ont conduits les scénarios chimériques selon lesquels, quoi qu’il arrive, la consommation finale d’électricité viendrait à diminuer. Nous voyons bien que ce n’est pas le cas : vous-mêmes voulez électrifier tout le parc automobile, il y a un nombre croissant d’objets connectés et la population, pour des raisons qui tiennent de plus en plus aux flux migratoires et de moins en moins à une dynamique démographique propre, tend à croître. Le nucléaire est la seule manière de fournir la puissance électrique nécessaire au maintien de notre niveau de vie et au développement de notre économie.
Vous êtes également incohérents quand vous affirmez que le nucléaire, malgré tous les efforts faits pour l’encadrer, est dangereux, contrairement aux énergies renouvelables. Je n’ai absolument rien contre elles…
Rien pour non plus ! …mais prenons le cas des panneaux photovoltaïques que vous avez cité : leur installation conduit à artificialiser les sols et constitue un danger pour la biodiversité dans certains milieux, notamment pour les oiseaux. Il n’existe pas d’énergie renouvelable ne présentant aucun risque de ce point de vue.
La raison impérative d’intérêt public majeur est autant du côté du nucléaire que des énergies renouvelables. Le nier, c’est faire preuve d’idéologie. Nous refusons de nous laisser entraîner sur la pente de la décroissance et de nous retrouver dans quelques années dans l’obligation de nous éclairer à la bougie à cause de vous.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.) Bravo !
(L’amendement no 278 est adopté.) La parole est à Mme Anna Pic, pour soutenir l’amendement no 618. Il propose de joindre au dossier que doit déposer l’exploitant demandant l’autorisation de créer un réacteur nucléaire un dossier complémentaire recensant les incidences du projet en matière de logement, d’hébergement et de services publics locaux afin de permettre aux collectivités locales d’anticiper les besoins. Nous savons que les travaux s’inscrivent sur le temps long et il serait bon que celles-ci puissent agir suffisamment à l’avance, notamment afin d’éviter toute déstabilisation du marché locatif. Quel est l’avis de la commission ? Défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? La question est fondée mais elle doit être traitée en parallèle pour ne pas complexifier l’analyse du dossier. La parole est à M. René Pilato. Aux collègues qui parlent sans cesse d’augmenter la consommation d’électricité, y compris avec les voitures électriques, j’aimerais rappeler que nous sommes dans un monde fini. Or, je n’entends jamais le mot « sobriété » sur vos bancs. La sobriété choisie est une très bonne chose mais la sobriété subie, c’est de la pauvreté. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Il faudra bien vous rendre compte un jour que l’on ne peut pas indéfiniment consommer toujours plus d’électricité.
Défendez-vous la nécessité de faire des économies d’énergie, de déployer des projets en ce sens à l’échelle des collectivités locales et de mener des opérations de rénovation thermique des bâtiments ? Jamais ! Vous voulez construire toujours plus et développer l’énergie nucléaire, mais quand donc allez-vous vous préoccuper de la sobriété ? Cessez donc cette fuite en avant.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Mme Marie Pochon applaudit également.) La parole est à M. Stéphane Delautrette. Je tiens à revenir sur cet amendement de bon sens. Le texte entend accélérer la construction d’installations électronucléaires mais la réussite de ce projet tient à plusieurs facteurs : la capacité à disposer non seulement des compétences nécessaires, sujet que nous évoquerons à d’autres articles, mais aussi des ressources humaines indispensables pour conduire les chantiers dans nos territoires. Vous comprendrez bien, dans ces conditions, qu’il convient de donner aux collectivités la possibilité d’anticiper pour répondre aux besoins en matière de logement et de services publics. L’ajout que nous proposons a toute sa place dans ce projet de loi. (Mmes Anna Pic et Marie Pochon applaudissent.) La parole est à Mme la ministre. Je ne reviendrai pas sur la sobriété, mot que j’ai prononcé pas plus tard qu’il y a trente minutes, mais je tiens à répéter – RTE le dit très bien ! – que nous travaillons à réduire la consommation globale d’énergie et plus spécialement celle d’origine fossile. Nous ne pouvons considérer un mix énergétique comprenant une part d’énergie issue du charbon comme satisfaisant parce qu’il s’appuierait aussi sur les énergies renouvelables. Notre modèle n’est pas l’Allemagne avec ses 20 % d’énergie issue des centrales à charbon et ses énergies renouvelables. Nous, nous nous appuyons sur une électricité à 90 % décarbonée. Et pour encourager le développement de l’énergie bas-carbone, il faut sortir des énergies fossiles et produire davantage d’électricité d’origine non carbonée. C’est tout ce que nous disons. Mais ce n’est pas ce que vous faites. Ce n’est pas autre chose que ce que nous recommande le Haut Conseil pour le climat. Votre propos m’apparaît donc un peu décalé par rapport à la réalité, monsieur Pilato. C’est votre attitude qui est décalée par rapport à la réalité ! Mme Pic connaît bien les enjeux attachés au nucléaire pour être élue d’une circonscription qui, en plus d’être, je l’espère, bientôt concernée par le développement des parcs éoliens marins, comprend une centrale. Elle sait l’importance de pouvoir loger les équipes. Toutefois, la procédure proposée dans l’amendement, juridiquement fragile, complexifierait la constitution du dossier et ralentirait le lancement des travaux. Cela ne veut pas dire pour autant que cette préoccupation ne doit pas être prise en compte tout au long du projet. Retrait ou avis défavorable.
(L’amendement no 618 n’est pas adopté.) La parole est à Mme Marie Pochon, pour soutenir l’amendement no 217. Le mois de février s’est terminé avec un déficit pluviométrique de plus de 50 %, ce qui en fait le mois de février le plus sec jamais enregistré depuis que des mesures sont effectuées. Notre pays a connu plus d’un mois sans pluie, en plein hiver. Les nappes phréatiques, déjà abîmées par la sécheresse de 2022, sont à moitié vides. Les fleuves et les rivières risquent de connaître une baisse de leur étiage de 20 % à 50 % d’ici à 2050. Or l’eau est absolument nécessaire pour le bon fonctionnement des centrales. La baisse du niveau des eaux aura des répercussions non seulement sur la biodiversité, ce qui devrait déjà nous préoccuper, mais également sur le refroidissement des réacteurs. La multiplication des périodes de fortes chaleurs et la baisse progressive des étiages pourraient aboutir à une intermittence dans la production d’électricité du fait de la faiblesse du débit d’eau. Cela conduirait à une baisse de rentabilité des centrales, ce qui, je l’imagine, chers collègues, vous inquiète davantage.
En cohérence avec l’objectif de ce projet de loi, qui est d’assurer la souveraineté énergétique de la France pour les décennies à venir et donc son approvisionnement énergétique, nous proposons par cet amendement que les nouveaux réacteurs électronucléaires ne puissent être construits sur les rives d’un fleuve ou d’une rivière si les risques de baisse d’étiage et de débit de ces cours d’eau sont possibles ou avérés dans les cinquante ans à venir en raison du changement climatique.
Quel est l’avis de la commission ? Défavorable. Quel est l’avis du Gouvernement ? Défavorable. Nous avons déjà eu ce débat. La parole est à Mme Anne Stambach-Terrenoir. Il est insupportable d’être perpétuellement moqués par les députés de certains bancs parce que nous nous montrons sceptiques à l’égard de la magie et de l’infaillibilité du nucléaire. Nous, nous écoutons les scientifiques. Il est prouvé que le changement climatique est en cours. Les sécheresses se multiplient et le phénomène va s’amplifier. Nous connaissons un épisode de sécheresse hivernale inédit qui inquiète les scientifiques. Même M. Béchu a dit qu’il fallait se préparer à un scénario de 4 degrés de réchauffement en France. (Mme Manon Meunier applaudit.) L’été dernier, cinq réacteurs ont obtenu des dérogations pour rejeter leurs eaux chaudes dans les cours d’eau au mépris de la préservation de la biodiversité. (Même mouvement.) Les scientifiques estiment aussi qu’il y a de fortes chances que le Rhône voie son débit baisser de 40 % à l’horizon de 2050.
Malgré ce panorama alarmant, vous foncez tête baissée pour construire des réacteurs qui ne seront pas en service avant quinze ans, donc pas avant 2038, et encore, selon un scénario optimiste, car si le chantier prend douze ans de retard comme celui de Flamanville, ce sera plutôt 2050.
Vous voulez construire à toute force alors que nous savons très bien que, dans quelques années, nous devrons faire face à des conflits d’usage de l’eau : cela veut dire qu’il faudra choisir entre utiliser l’eau pour les centrales ou pour l’agriculture, c’est-à-dire pour manger ou, tout simplement, pour boire.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Telle est la réalité, que vous niez en permanence sur ces bancs – je n’en reviens pas, car c’est parfaitement irresponsable.
(L’amendement no 217 n’est pas adopté.)
La parole est à M. Charles Fournier. Madame la ministre, je dois vous reconnaître une certaine constance : entre la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables et cette loi d’accélération du nucléaire, vous vous efforcez de déconstruire le code de l’environnement et de reprendre à votre compte l’adage de Nicolas Sarkozy, selon lequel « l’environnement, ça commence à bien faire ».
Quant à nos collègues des groupes Les Républicains et Rassemblement national, ils étaient devenus les nouveaux amis opportunistes de la nature lorsqu’il s’agissait de combattre l’éolien. Ils se montraient favorables au maintien en l’état de la raison impérative d’intérêt public majeur, votaient contre toutes les dérogations et ont rejeté l’article 4 afin de s’opposer à l’éolien. Aujourd’hui, en matière de nucléaire, c’est open bar : toutes les dérogations sont possibles en raison d’un intérêt supérieur. L’incohérence – je regrette que M. Di Filippo soit sorti – est bien de leur côté !
Nous, nous sommes favorables au maintien du code de l’environnement. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles nous n’avons pas soutenu la loi relative aux énergies renouvelables, dans la mesure où vous n’avez pas, madame la ministre, cherché le compromis. Nous voulons le respect de la Charte de l’environnement qui, dans son préambule, dispose que « la préservation de l’environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la nation ».
L’article 5, puis l’article 6 autorisent des dérogations à la loi relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, dite loi littoral, faisant fi de ce que prévoient les scientifiques en matière de dérèglement climatique. J’en profite pour dire un mot sur le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), dont certains affirment qu’il aurait recommandé le recours au nucléaire : le Giec ne fait pas de recommandations mais dresse l’état des lieux des connaissances et de la recherche en la matière. Dans quatre de ses scenarios, il prévoit une augmentation de l’énergie nucléaire en valeur absolue mais pas en pourcentage – c’est logique, puisque des projets de construction sont en cours –, mais dans les quatre-vingt-dix autres – ils sont malheureusement rédigés en anglais et cela nécessite de les traduire –, il dresse simplement un état des lieux de la recherche. De nombreux scenarios se passent donc totalement du nucléaire.
Votre texte ignore les risques majeurs de submersion, d’inondation ou de remontée des nappes pour de nombreuses centrales – rappelez-vous qu’en 1999, la centrale nucléaire du Blayais a été inondée. À travers ces articles, vous portez atteinte à notre avenir.
(Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES et sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) La parole est à M. Frédéric Falcon. La filière nucléaire française sort exsangue de vingt-cinq années d’attaques en règle initiées par les gouvernements successifs,… Mais non ! …avec une prime à la destruction pour la décennie Hollande-Macron. Les saboteurs sont ici, face à nous, sur les bancs de la gauche socialiste et écologiste ou de la majorité ; ils peinent aujourd’hui à assumer leurs responsabilités,… Qui était au pouvoir ? …tant les conséquences de leurs actes sont dramatiques pour les Français. Les auditions de la commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France l’illustrent parfaitement : tous les acteurs de cette débâcle organisée fuient leurs responsabilités, réfutent toute implication ou, au mieux, invoquent l’oubli.
Il aura fallu attendre la terrible guerre en Ukraine pour mettre malheureusement en lumière la vulnérabilité de notre modèle énergétique. Les Français découvrent que ce patrimoine national, dont ils étaient si fiers, est menacé : effondrement de la production, fermeture de centrales viables par pure idéologie, recherche délaissée, groupes d’influence étrangers à la manœuvre.
Le Monde alertait ses lecteurs, le 5 mars, dans un article intitulé « À Bruxelles, la guerre du nucléaire entre l’Allemagne et la France fait rage » ; pourtant, des députés français Europe Écologie-Les Verts n’ont pas hésité à faire une « master class antinucléaire »,… C’était passionnant ! …dont les travaux ont débuté par l’intervention de la fondation antinucléaire Heinrich Böll Stiftung, organisme financé à hauteur de 70 millions d’euros par le gouvernement allemand. Alors, nous nous interrogeons : ces élus sont-ils des élus de la République ou des représentants du Bundestag ? L’officine Greenpeace s’était penchée dans les médias sur la prétendue influence russe dans le nucléaire français. Il faudrait plutôt s’interroger sur les financeurs des 400 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel mondial de cette prétendue ONG écologiste, dont Jennifer Morgan, sa présidente internationale, est devenue en mars 2022 secrétaire d’État et représentante spéciale pour la politique climatique internationale auprès du ministère des affaires étrangères allemand. La guerre de propagande contre le nucléaire français doit désormais cesser. Cela n’a rien à voir avec l’article ! Une fois posé le constat, la représentation nationale doit s’unir pour réparer ce qui a été cassé, en renouant avec une politique massive d’investissements, en entretenant le parc nucléaire et en déployant de nouvelles installations. Compte tenu de l’urgence énergétique et du réchauffement climatique qui nous obligent à accélérer la décarbonation de notre production, le Rassemblement national votera l’article 5. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) La parole est à M. Matthias Tavel. Cet article concerne les dérogations qui s’appliqueraient aux zones littorales de notre pays. Le seul fait de le dire fait écho à la prise en compte – ou non – du changement climatique. Nous ne pouvons donc que nous inquiéter de constater que la question du littoral est, pour vous, presque un encombrement… Comme les éoliennes ! …que vous pourriez fouler aux pieds pour conduire vos projets.
Chaque site nucléaire occupe 100 à 200 hectares, c’est-à-dire 200 à 300 terrains de football, pour l’installation du réacteur, son raccordement, etc. Or le foncier littoral est rare et cher lorsqu’il est constructible ; c’est d’ailleurs souvent un prétexte que saisissent certaines communes pour ne pas construire de logements sociaux, alors qu’une telle décision ne relève que de l’idéologie.
Ah, le logement social ! Le foncier littoral est fragile sur le plan de la biodiversité et de son écosystème. Dans le contexte du changement climatique, le littoral est soumis à la montée des eaux et au recul du trait de côte, problèmes que nous peinons déjà à gérer en mains endroits, quelle que soit notre couleur politique. Ce foncier littoral est de plus en plus soumis, en raison du changement climatique, à des risques de submersion marine – notre collègue vient de rappeler l’épisode de la centrale du Blayais qui n’est pourtant pas directement située sur le littoral mais sur l’estuaire de la Gironde.
Enfin, s’il faut installer des systèmes de production d’énergie sur le littoral, réservons ce foncier spécifique, du fait de tous les éléments que je viens d’évoquer et des mesures de précaution nécessaires, au développement des énergies marines renouvelables qui, elles, n’entraînent pas les mêmes risques que le nucléaire.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)
La parole est à M. Maxime Laisney, pour un rappel au règlement. Il se fonde sur l’article 100 de notre règlement. Nous n’avons toujours pas obtenu de réponse à notre question – même si une information nous est parvenue par la bande, par un coup de billard à treize bandes, si je puis dire. Mme la ministre a-t-elle prévu de nous faire revoter et de nous tordre le bras après notre victoire d’hier dans cet hémicycle ? Vous le verrez en fin de lecture ! Ce qui nous inquiète, c’est que nous venons d’apprendre qu’au Sénat, dans le cadre de l’examen du texte issu de la commission mixte paritaire sur la réforme des retraites, le Gouvernement est arrivé, la bouche enfarinée, avec un amendement de sept pages. Ce qui vient de se produire au Sénat va-t-il se passer ici ? Allez-vous, une fois de plus, nous tordre le bras et, dans l’affirmative, à quelle heure ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Pour la bonne information de tous, l’article 100 concerne les amendements en discussion. Très bien ! Même si tous les groupes l’invoquent dans les mêmes conditions ( Murmures sur plusieurs bancs) , l’article 100 ne concerne pas le bon déroulement de nos débats. Tenez bon, madame la présidente !
Je suis saisie de quatre amendements identiques, nos 6, 268, 420 et 524, visant à supprimer l’article 5.
La parole est à Mme Julie Laernoes, pour soutenir l’amendement no 6.
Ce que prévoit cet article est très grave et devrait nous préoccuper. Nous avons un combat à mener, que vous y adhériez ou non. Nous croyons aux alertes des scientifiques sur le climat et sur l’extinction de la biodiversité. Cette dernière, bien que moins médiatisée et moins visible, est aussi importante pour le vivant et la planète.
Or l’article 5 constitue une attaque en règle à la loi « littoral » : il prévoit une dérogation générale à l’application de cette loi et ouvre toutes les vannes en faveur du nucléaire. Ce faisant, il permet de s’asseoir sur le droit existant. Cette disposition est radicale, inédite et totalement inopportune. Contrairement à ce qui a été prévu dans la loi d’accélération des énergies renouvelables, le projet de loi ne propose pas une dérogation ponctuelle assortie de conditions très strictes d’application mais il prévoit que toutes les installations nucléaires échappent, purement et simplement, à la loi « littoral ».
Il s’agit d’une atteinte disproportionnée à l’article 1er de la Charte de l’environnement : non seulement vous bafouez le droit en vigueur mais en plus vous niez – vous l’avez fait à plusieurs reprises, madame la ministre – les effets du réchauffement climatique. Pensez-vous que le littoral ne sera pas atteint par l’érosion ? Ne croyez-vous pas les scientifiques quand ils expliquent que le glacier de l’apocalypse est déjà en train de fondre et que le niveau de la mer augmentera mécaniquement ?
Pourtant, les nouveaux réacteurs que vous prévoyez d’exempter de toute application de la loi « littoral » se trouveraient dans des zones à risques de submersion marine. À l’unanimité, le Sénat a adopté des amendements tendant à supprimer les dérogations à cette loi. Vous les avez supprimés. C’est totalement irresponsable.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Écolo-NUPES.) La parole est à M. Nicolas Thierry, pour soutenir l’amendement no 268. Il vise à supprimer l’article 5 qui pose une dérogation générale à l’application de la loi sur le littoral pour la construction de nouvelles installations nucléaires. Dans la loi d’accélération des énergies renouvelables, le Gouvernement proposait des dérogations très encadrées à la loi « littoral » alors que, pour le nucléaire, il faudrait y déroger sans réserve ! Ces zones, peut-être parmi les plus riches en matière d’espèces, constituent un enjeu très fort pour la préservation de la biodiversité et elles sont déjà sous pression.
Par ailleurs, elles sont fortement touchées par le changement climatique. Vous avez mentionné que RTE aurait étudié plusieurs scénarios en la matière. Je suis désolé de vous le rappeler, mais RTE réalise de la prospective énergétique et non de la modélisation climatique. Or, comme l’a rappelé récemment Christophe Béchu, il faut se préparer à un monde dans lequel les températures accuseront une hausse de 4 degrés. Aucun scénario, aucun de nos modèles n’a imaginé une France avec + 4 degrés. Quatre degrés, cela représente une
terra incognita , un monde totalement imprévisible dans lequel ne résiste aucun des modèles actuels.
Compte tenu de ce risque, imaginer que l’on puisse déroger à la loi « littoral » est tout simplement irresponsable. Au-delà de nos divergences quant à l’opportunité d’une relance du nucléaire, la dérogation introduite par l’article 5 semble, comme l’a rappelé ma collègue Laernoes, trop radicale. La préservation de la biodiversité et la sécurité des installations nucléaires doivent être notre priorité et nous avons l’impression que vous n’en tenez pas compte du tout.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Écolo-NUPES.) Je vous informe que sur les amendements identiques nos 6, 268, 420 et 524, je suis saisie par le groupe Écologiste-NUPES d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
L’amendement no 420 de M. Charles Fournier est défendu.
La parole est à M. Christophe Bex, pour soutenir l’amendement no 524.
Objectif : première pierre en 2027. Dans votre accélération, nous ne comptons plus les dérogations envisagées, afin de faciliter le déploiement de l’atome, mais force est de constater qu’elles sont toutes aussi absurdes les unes que les autres et en totale contradiction avec l’impératif de protection de l’environnement.
Alors que la loi « littoral » qui vise à protéger nos côtes de la pression urbaine est plus que jamais nécessaire, compte tenu de la multiplication des phénomènes d’érosion et de submersion marine subis par ces territoires, vous vous apprêtez, dans cet article 5, à exonérer de ses dispositions les plus protectrices les constructions, les aménagements, les équipements, les installations et les travaux liés à la création ou à l’exploitation d’un réacteur électronucléaire, ainsi que leurs ouvrages de raccordement.
Avec ce projet de loi, vous voulez faciliter la construction de nouveaux réacteurs sur le littoral, à proximité immédiate des réacteurs électronucléaires déjà existants. Pour vous, la préservation de l’environnement prônée par la Charte de l’environnement n’est-elle qu’un vague principe, dépourvu de toute signification ?
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Quel est l’avis de la commission sur ces amendements de suppression de l’article ? Défavorable. L’article 1er et l’article 6 de la Charte de l’environnement sont précisément respectés – le Conseil d’État le confirme d’ailleurs. D’un côté, vous refusez que des centrales soient implantées près des fleuves, de peur qu’il n’y ait plus assez d’eau… Ce n’est pas que nous avons peur, c’est qu’il y a des vrais risques ! Nous proposons donc de les installer en bord de mer, afin qu’elles fonctionnent en circuit ouvert, mais vous n’êtes pas non plus d’accord. Le dérèglement climatique, cela vous dit quelque chose ? Cela étant, je ne m’attendais pas à vous convaincre.
Nous avons impérativement besoin de cette disposition, notamment pour deux centrales, celle de Penly et celle de Gravelines – le nombre de sites concernés est donc limité.
Vous êtes de mauvaise foi ! Cela n’empêche pas de mener des études relatives notamment à la biodiversité. Il reste que si nous voulons conduire ces projets, nous devons prévoir une dérogation, qui, je le répète, n’aura pas de conséquence sur la sûreté. Quel est l’avis du Gouvernement ? Je profiterai de cette intervention pour répondre à plusieurs questions. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Monsieur Fournier, vous estimez que la loi « énergies renouvelables » procède à une déconstruction du code de l’environnement. Pourtant la décision du Conseil constitutionnel est sans appel : cette loi respecte strictement la Charte de l’environnement – je vous renvoie au texte précis de cette décision. Ce à quoi nous procédons ici est du même ordre, mais sur un champ beaucoup plus restreint – contrairement à ce que vous laissez entendre. La dérogation à la loi « littoral » est nettement plus mordante : elle couvre un plus grand nombre d’installations, sur des terrains qui ne sont pas déjà artificialisés, alors que le présent projet de loi concerne des installations en continuité d’équipements déjà construits. Dans un rayon de 20 kilomètres ! Les postes sources existent déjà pour le nucléaire, alors qu’ils n’existent pas en ce qui concerne les énergies renouvelables. Une fois de plus, vous proférez des contrevérités et vous n’éclairez pas la réflexion du Parlement. En matière de contrevérités, vous avez la palme ! Reprenez l’avis du Conseil d’État : il est plus clément à l’égard de la dérogation prévue dans le projet de loi « nucléaire » que vis-à-vis de celle que vous avez votée dans la loi « énergies renouvelables »… Nous ne l’avons pas votée ! La dérogation que l’Assemblée a votée dans la loi « énergies renouvelables » : vous avez raison de rappeler que vous n’avez pas soutenu cette loi ambitieuse. Ambitieuse ! Dans ses scénarios, RTE fait de la prospective énergétique sur la base des scénarios du Giec. Les experts de RTE apprécieront votre mépris, monsieur Thierry, à l’égard du rapport de quarante pages qu’ils ont produit – dont je rappelle qu’il repose sur une simulation à trente ans, heure par heure, et sur 200 scénarios météorologiques issus du Giec. Ce n’est pas vrai, il n’y a pas de modélisation avec 4 degrés de réchauffement climatique ! Vous n’avez manifestement pas lu le rapport. N’hésitez pas à auditionner des experts de RTE : ils seront ravis de vous expliquer comment ils ont procédé. Ils ont produit une des études les plus approfondies qui aient été menées à l’échelle internationale sur l’évolution d’un système électrique dans un contexte de réchauffement climatique. Je vous invite à respecter le travail des experts de RTE. Vous êtes plusieurs à demander la parole, mais vous êtes aussi plusieurs à me demander de terminer l’examen du texte ce soir : il faut choisir. Exactement ! Retirez le texte inscrit à 15 heures, cela ira plus vite ! (Sourires sur les bancs des groupes LFI-NUPES et sur plusieurs bancs du groupe Écolo-NUPES.) La parole est à M. Nicolas Dragon. Précisons les choses. Comme l’indique son titre, le projet de loi traite de l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants. Ces installations ne seront pas construites sur des terrains vierges, mais à côté d’équipements nucléaires existants, sur des terrains prévus à cet effet, qui ont été achetés et où tout a déjà été pensé. Elles ne verront pas le jour n’importe où.
Par ailleurs, il y a une certaine différence entre l’installation de centaines de milliers d’éoliennes à laquelle nous avons assisté ces dernières années, et une centrale nucléaire qui occupe environ 1 kilomètre carré. L’emprise au sol des machines que certains veulent installer un peu partout, et qui ne fonctionnent que quand il y a du vent, est bien plus importante.
Ne comparez pas l’éolien et le nucléaire ! De plus, une centrale nucléaire fonctionne par tous les temps. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Avec quoi la refroidissez-vous ? Soyons cohérents. Vous ne voulez pas d’une centrale nucléaire près d’un fleuve, parce qu’elle risque de l’assécher ; vous n’en voulez pas non plus près de la mer, parce qu’elle risque d’être submergée. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Qui peut imaginer que le Rhône se retrouve à sec ? (« Ouvrez les yeux ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Les scientifiques ! Depuis le début de l’examen du texte, vous ne cessez d’asséner des contrevérités. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Ça suffit, les dragonnades ! Seul M. Dragon a la parole. Il raconte n’importe quoi ! Vous lui répondrez si vous le souhaitez. Un peu de calme, s’il vous plaît, chers collègues. Faites preuve d’un minimum de cohérence : vous ne pouvez pas dire tout et n’importe quoi – c’est pourtant ce que nous entendons depuis le début de l’examen du texte. Manifestement, vous n’avez pas lu la nouvelle version de l’article 5 tel qu’il a été réécrit en commission : il ne porte plus seulement sur la loi « littoral » mais introduit une dérogation aux principes généraux du code de l’urbanisme. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.) La parole est à M. Jean-François Coulomme. M. Dragon vient de le rappeler : les centrales nucléaires prévues par le projet de loi auront une emprise au sol d’environ 2 kilomètres de long sur 1 kilomètre de profondeur. Quel député peut imaginer affecter une telle superficie côtière – qu’elle soit sur l’Atlantique, sur la Méditerranée, sur la Manche ou en mer du Nord – à un tel dispositif ? Vous faites preuve de mauvaise foi en comparant ces installations avec les équipements de production d’énergies renouvelables, hydroliennes ou éoliennes en mer : autant que je sache, jamais une centrale nucléaire hors de fonction n’a été démantelée en France ! Personne ne veut se charger de cette sale besogne. Le territoire est ponctué des verrues que sont ces centrales nucléaires gigantesques, occupant une vaste emprise, qui ne seront jamais démantelées.
Votre projet est de léguer aux générations futures des verrues infiniment persistantes le long de nos côtes, ce véritable trésor du patrimoine.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Nous voulons leur léguer de l’énergie ! Vous n’aimez pas le patrimoine ! Vous, vous le déboulonnez, le patrimoine ! La parole est à Mme Julie Laernoes. Je m’interroge sur la compatibilité entre l’article 5 et le Comité national du trait de côte (CNTC), lancé mardi dernier par Bérangère Couillard, secrétaire d’État chargée de l’écologie : il s’agit d’une instance de dialogue et de concertation entre les parties prenantes sur tous les sujets relatifs à la gestion intégrée du trait de côte.
Le 22 février, un important éboulement de falaise a emporté un front de 40 mètres de largeur sur 15 mètres de profondeur à Fécamp. C’est peut-être à cause des écologistes, mais cela me semble plutôt lié au réchauffement climatique, comme l’ont indiqué les collectivités territoriales sur place.
(M. Jean-François Coulomme applaudit.)
Le réchauffement climatique fera monter le niveau des mers et des océans : 20 % de nos littoraux sont concernés. En cas de réchauffement des températures supérieur à 2 degrés, l’eau pourrait monter jusqu’à 1 mètre d’ici à 2100. Je tire mes sources de la réponse même que Mme Couillard a faite cette semaine à Marie-Agnès Poussier-Winsback, députée du groupe Horizons et apparentés, lors des questions au Gouvernement. D’après une étude du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), jusqu’à 50 000 habitations pourraient être touchées à l’horizon 2100. Les éboulements de cette nature, qui étaient autrefois exceptionnels, deviennent récurrents dans le pays des Hautes Falaises en Seine-Maritime, comme ailleurs. Partout, le constat est le même : il est urgent d’anticiper.
Lors des questions au Gouvernement, Marie-Agnès Poussier-Winsback a insisté : dès lors que nos territoires sont sujets à l’érosion et aux submersions marines, nous devons adopter une approche très différente de celle qui guide depuis toujours les politiques d’aménagement.
Je vous pose donc une question, madame la ministre : dans le projet de loi, avez-vous pris en compte les préconisations de votre propre collègue, exprimées sur vos propres bancs ? Manifestement, non.
Enfin, nous nous interrogeons sur l’opportunité de construire des centrales dans un contexte de réchauffement climatique. Si l’électrification se poursuit, nous aurons besoin de cette énergie pour la mobilité, mais aussi pour la climatisation l’été, de façon accrue. Le fait que des centrales s’arrêtent l’été posera un vrai problème en période de canicule – d’autant qu’il n’existe toujours pas de plan canicule.
La parole est à M. Gérard Leseul. Vous ne nous ferez pas l’offense d’affirmer que les députés du groupe Socialistes et apparentés n’ont pas voté le projet de loi « énergies renouvelables », madame la ministre. Malgré ses insuffisances et son manque d’ambition, nous l’avons soutenu. Néanmoins, nous voterons ces amendements de suppression de l’article 5, car nous ne saurions accepter une dérogation aussi générale au code de l’urbanisme et à la loi « littoral ». Nous avons été plusieurs à le dire, et à nous alarmer de l’éboulement de falaise qui s’est récemment produit à Fécamp : il faut prendre en considération les spécificités du littoral, et anticiper leur évolution à long terme. Nous vous recommandons donc de voter ces amendements, pour continuer à respecter la loi « littoral » dans son ensemble, et pour refuser les dérogations déraisonnables que vous voulez lui apporter. (M. Jean-François Coulomme applaudit.) La parole est à M. Éric Bothorel. Merci des efforts que vous déployez, madame la présidente, pour que l’ambiance ne devienne pas atomique dans l’hémicycle ! (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) Ça, c’est à 15 heures ! J’échange depuis quelques jours avec nos collègues du groupe Écologiste. S’ils n’ont pas voté la loi « énergies renouvelables », expliquent-ils, c’est parce qu’elle était insuffisamment protectrice pour l’environnement. Pourtant, dans l’exposé sommaire de son amendement no 420, M. Fournier évoque les « dérogations très encadrées actées dans le projet de loi relatif à l’accélération des énergies renouvelables ». Ce faisant, il reconnaît que dans la loi « énergies renouvelables », nous avons pris des dispositions de nature tout à la fois à accélérer la production de ces énergies et à protéger l’environnement. Je suis fier que nous ayons œuvré ensemble à la protection des sols agricoles et de la forêt, et que nous ayons pris des mesures de compensation des impacts environnementaux de l’hydroélectricité. C’est donc par de fausses raisons que vous justifiez votre position à l’égard d’une loi qui, je le répète, conciliait de façon équilibrée l’accélération le développement des énergies renouvelables et la préservation de l’environnement. Excellent, monsieur Bothorel ! Je mets aux voix les amendements identiques nos 6, 268, 420 et 524.
(Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 116
Nombre de suffrages exprimés 114
Majorité absolue 58
Pour l’adoption 27
Contre 87
(Les amendements identiques nos 6, 268, 420 et 524 ne sont pas adoptés.) La parole est à Mme Julie Laernoes, pour soutenir l’amendement no 318. Il vise à rétablir les dispositions votées par le Sénat concernant les ouvrages de raccordement qui bénéficient de dérogations. Je suis consternée par la légèreté avec laquelle vous agissez en matière d’installations nucléaires, en contradiction avec la réalité des faits.
Madame la ministre de la transition énergétique, j’ai déjà cité plusieurs contradictions évidentes entre vos propos et ceux de Mme la secrétaire d’État chargée de l’écologie. M. Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, a également indiqué que la France devrait se préparer à une hausse de 4 degrés de la température moyenne. Vous n’avez pas étudié ce scénario pour prévoir votre politique nucléaire et notre droit ne le prend pas en considération. Nous nous référons à la sagesse des sénateurs, qui avaient amélioré le texte en plusieurs points pour tenir compte de la réalité du réchauffement climatique. Vous avez supprimé toutes ces mesures, niant en quelque sorte l’existence structurelle du réchauffement climatique et ses conséquences sur le bon fonctionnement des centrales nucléaires, dont je rappelle qu’elles ne verront le jour que dans quinze à vingt ans.
Vous annoncez que le mix énergétique français intégrera davantage d’électricité pour sortir des énergies fossiles. De fait, l’évolution des usages et des véhicules électriques permet de prévoir une hausse de la consommation électrique, y compris l’été, ce qui la rendra probablement moins thermosensible. En outre, je rappelle que les canicules de l’été 2022 ont causé environ 11 000 morts. L’intensification des phénomènes qui traduisent le réchauffement climatique conduit à la généralisation des installations de climatisation, qui, jusqu’alors circonscrites au sud du pays, s’étendent aux autres régions. Les Français consomment déjà de l’électricité pour se chauffer l’hiver ; désormais, ils en consommeront également l’été pour se rafraîchir et survivre au réchauffement climatique. Pour ces raisons, les sécheresses de l’été entraînant l’indisponibilité de l’électricité nucléaire – et je ne parle pas des pannes – posent un réel problème pour la sécurité de notre approvisionnement électrique.
Quel est l’avis de la commission ? Chère collègue, nous pouvons être en désaccord au sujet du nucléaire, mais il n’est pas acceptable de nous reprocher de nier les effets du réchauffement climatique, nous accusant implicitement d’une forme de climatoscepticisme. Les mots sont trop graves. (Murmures sur les bancs du groupe Écolo-NUPES et sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Accepteriez-vous que je vous traite de climatosceptique parce que vous refusez le développement d’une énergie décarbonée ? C’est un peu ce que vous avez dit… Je pense que vous ne l’êtes pas et que l’écrasante majorité des députés ne le sont pas. Les enjeux du débat étant majeurs, nous nous devons de prêter attention aux mots que nous employons.
Sur le fond, vous proposez par cet amendement de revenir à la version de l’article adoptée par le Sénat. Cela ne nous convient pas, pour deux raisons.
Premièrement, cette version exclut les ouvrages de raccordement du régime dérogatoire.
Oui ! Or nous n’avons pas seulement besoin de construire les centrales, mais également de les raccorder au réseau. Ces ouvrages de raccordement doivent pouvoir être travaillés en amont. C’est déjà fait ! Nous estimons qu’aucun argument présenté n’est suffisamment robuste pour justifier l’exclusion de ces ouvrages du régime dérogatoire.
Deuxièmement, la version du Sénat requiert l’enfouissement des lignes à haute tension – mais enterrer une ligne à 400 000 volts est une tâche d’une complexité technique inouïe, dont nous ne saurions garantir qu’elle sera réalisable sur chacun des sites. Une telle disposition conduirait donc à retarder, voire à annuler certains projets.
Avis défavorable.
(Mme Anne Le Hénanff applaudit.) Quel est l’avis du Gouvernement ? Avis défavorable. Je tiens d’abord à rappeler que la planification écologique est supervisée par la Première ministre,… Ah bon ? …qui s’assure en permanence que les actions des différents ministères – la politique de biodiversité de Bérengère Couillard, la politique d’adaptation au changement climatique de Christophe Béchu et ma politique d’accélération de la transition énergétique – sont parfaitement cohérentes entre elles. Cela nous avait échappé ! Les scénarios que vous évoquez sont évidemment partagés ; je vous renvoie d’ailleurs une nouvelle fois aux scénarios de RTE qui, contrairement à ce que vous sous-entendez, sont élaborés à partir de différents scénarios du Giec. De plus, chaque ouvrage fera l’objet d’une analyse d’impact environnemental prenant en considération les conséquences du réchauffement climatique. Il est donc inutile de répéter des affirmations fausses… C’est pourtant bien ce que vous faites ! …et contraires à la réalité du droit existant, dont nous ne changeons pas une virgule.
Par ailleurs, je m’étonne de votre appel à recourir à la climatisation. Cela est inédit de la part du groupe écologiste.
(Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) Je n’ai pas dit cela ! Ce n’est pas ce qu’elle a dit ! La réalité de notre travail – je prends pour exemple le plan de sobriété énergétique, car je sais qu’il vous intéresse – consiste à trouver des solutions alternatives au recours trop systématique à la climatisation. Vous dites n’importe quoi ! Enfin, la rédaction du Sénat à laquelle vous vous référez n’avait rien à voir avec votre argumentaire : elle était motivée par d’autres objectifs.
Pour éclairer la représentation nationale, je précise que le régime dérogatoire dont il est ici question est plus restrictif que celui qu’elle a voté dans le cadre de la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables. Par exemple, dans le cas des énergies renouvelables, la dérogation doit durer quatre ans, car il s’agit d’accélérer des projets déjà existants ; dans le cas du nucléaire, le cadre temporel est nécessairement différent, puisqu’il s’agit de projets de long terme, dont la construction démarrera dans cinq ans et aboutira dans quinze ans. Vous avez suffisamment souligné que nous n’étions pas sur du court terme.
La parole est à Mme Julie Laernoes. Vous m’accusez de dire n’importe quoi ; je vous retourne le compliment. ( « Oh ! » et exclamations sur les bancs du groupe RE.) Un peu de respect ! Jamais les écologistes n’ont appelé à recourir à la climatisation. Pour autant, nous ne nions pas la réalité : si la température moyenne augmente de 4 degrés, les élus locaux auront beau essayer de refroidir leur ville en la végétalisant, en luttant contre l’artificialisation des sols et en protégeant la biodiversité, cela ne suffira pas. Il s’agit d’un simple constat : le recours à la climatisation s’accroît à mesure que les températures augmentent, ce qui est d’ailleurs logique, notamment pour les personnes vulnérables qui ne peuvent faire autrement.
Par ailleurs, madame la ministre, vous vous êtes contredite. Vous ne pouvez affirmer d’une part que la création de nouvelles installations nucléaires à proximité d’installations existantes permettra de limiter la nécessité de réaliser des raccordements électriques et d’autre part qu’il est nécessaire d’inclure ces ouvrages dans le régime dérogatoire. Il serait temps que vous vous mettiez d’accord avec Mme la rapporteure.
Une partie des raccordements électriques nécessaires existent déjà, puisqu’ils servent à d’anciennes centrales. Je ne comprends donc pas votre argument, à moins que vous prévoyiez de ne jamais envoyer à la retraite les centrales existantes et de les faire tourner
ad vitam aeternam , en dépit de toutes les alertes relatives aux problèmes de sûreté que poserait leur prolongation jusqu’aux années 2050 – voire jusqu’aux années 2100, si les amendements du groupe Rassemblement national sont adoptés. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Écolo-NUPES et LFI-NUPES.) La parole est à M. Olivier Marleix. Le groupe Les Républicains ne votera évidemment pas cet amendement. Mme Laernoes se réfère aux sénateurs, mais il s’agit là d’une ruse grossière : en réalité, son amendement vise à alourdir les contraintes administratives et les procédures. Cela n’était pas du tout l’intention du Sénat, qui se préoccupait plutôt de la conservation des paysages. (Mme Sophie Taillé-Polian s’exclame.) Vous êtes président d’un groupe de députés ou de sénateurs ? J’observe au passage que votre propre souci de protéger les paysages est à géométrie variable. Lorsqu’il s’agit d’étendre le réseau électrique, cela vous dérange, mais lorsqu’il s’agit d’étaler des centaines d’éoliennes en bordure des côtes, vous trouvez cela formidable et voulez déroger à toutes les mesures de protection. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) L’éolien, cela se démonte facilement ! Cela dit, madame la ministre, je tiens à insister sur la préoccupation du Sénat, qui est légitime. J’ai conscience qu’il serait techniquement difficile d’enfouir les lignes à haute tension, mais il me semble important d’exiger des études d’impact et de continuer à rechercher des solutions techniques permettant de préserver au mieux les paysages, notamment dans les zones littorales.
(L’amendement no 318 n’est pas adopté.)