Première séance du jeudi 23 mars 2023
- Présidence de Mme Naïma Moutchou
- 1. Jeux olympiques et paralympiques de 2024
- Discussion des articles (suite)
- Article 7 (suite)
- Amendement no 534
- M. Sacha Houlié, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
- M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer
- Amendements nos 615, 397, 699, 319, 577, 187, 317, 318, 658, 421, 223, 500, 424, 425, 224, 613, 673, 213, 153, 532, 225, 152, 737, 720, 214, 155, 156, 226, 157, 608, 215, 158, 216, 616 et 757
- Sous-amendement no 789
- Amendements nos 1 et 509
- Suspension et reprise de la séance
- Rappels au règlement
- Article 7 (suite)
- Rappel au règlement
- Article 7 (suite)
- Rappels au règlement
- Article 7 (suite)
- Amendements nos 739, 609, 228 et 229 rectifié
- Rappel au règlement
- Article 7 (suite)
- Après l’article 7
- Article 7 bis
- M. José Gonzalez
- Amendement no 426
- Article 7 (suite)
- Discussion des articles (suite)
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Naïma Moutchou
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures.)
1. Jeux olympiques et paralympiques de 2024
Suite de la discussion d’un projet de loi
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions (nos 809, 939).
Discussion des articles (suite)
Mme la présidente
Hier soir, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles, s’arrêtant à l’amendement no 534 à l’article 7.
Article 7 (suite)
Mme la présidente
La parole est à M. Léo Walter, pour soutenir l’amendement no 534.
M. Léo Walter
Le présent amendement vise à limiter l’expérimentation dans le temps en fixant une limite au 1er janvier 2025. Venant du ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse, je suis malheureusement habitué à ce que des expérimentations soient généralisées sans évaluation systématique ni annonce préalable. C’est pourquoi nous préférons qu’une limite soit inscrite de manière ferme dans le texte.
Au cours du débat d’hier soir, on nous a répété à plusieurs reprises, en particulier sur les bancs de la minorité présidentielle, avec ce petit ton condescendant habituel, que nous étions les seuls à nous opposer à l’expérimentation et que, de ce fait, nous étions isolés. Il se trouve que nous sommes soutenus dans ce combat par trente-sept organisations internationales ; si vous ne nous écoutez pas, écoutez-les et fixez une limite au 1er janvier 2025 à cette expérimentation mortifère. (M. Benjamin Lucas applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. Sacha Houlié, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission.
M. Sacha Houlié, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
Nous avons aussi dit, hier soir, que l’expérimentation prendrait fin au 31 décembre 2024. L’amendement est satisfait. C’est la raison pour laquelle je réitère ma demande de retrait ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer, pour donner l’avis du Gouvernement.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis
Vous dites que l’expérimentation aura cours jusqu’au 31 décembre, mais vous ne dites pas qu’elle ne se poursuivra pas après le 1er janvier.
M. Laurent Croizier
C’est une blague ?
M. Sacha Houlié, président de la commission des lois
Hier, c’est lui qui parlait de sophisme !
M. Ugo Bernalicis
Autrement dit, nous vous suspectons de vouloir pérenniser l’expérimentation après le 1er janvier 2025, en disant : « Regardez, c’est vachement bien ; en tout cas, ça n’a fait de tort à personne », avec cette phrase clé : « Sur le terrain, tout le monde dit que ça marche » – quelle que soit l’étude, d’ailleurs. Nous avons eu ce débat, hier, sur les caméras-piétons.
M. Gérald Darmanin, ministre
Sur le terrain, tout le monde dit que ça marche…
M. Ugo Bernalicis
On nous avait promis un rapport d’évaluation ; finalement, on nous a remis un petit document d’une dizaine de pages qui était très intéressant, puisqu’il ne disait rien ; sur la base de ces remontées du terrain, vous avez dit qu’il fallait généraliser l’expérimentation, puisque ça marche. (M. Philippe Latombe applaudit.)
C’était pareil pour les boîtes noires – vous savez, la surveillance des nœuds de connexion pour la lutte contre le terrorisme. En 2016, nous avions prévu une date de reconduction en disant : « On expérimente et, si cela ne marche pas, on arrête. »
M. Gérald Darmanin, ministre
Sur le terrain, on dit que ça marche…
M. Ugo Bernalicis
Quand les bilans ont indiqué que l’expérimentation n’avait permis d’atteindre aucun objectif opérationnel, on nous a dit : « Si cela n’a pas marché, c’est parce que ce n’était pas assez intrusif. Il nous faut les URL, d’autres types de données de connexion, etc. » On a compris le truc !
Par le biais de cet amendement, nous souhaitons donc que l’expérimentation ne puisse pas être prolongée. Nous savons déjà qu’elle ne servira à rien, dans le meilleur des cas, et qu’elle sera néfaste pour les libertés individuelles.
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Sacha Houlié, président de la commission des lois
Je trouve surprenante cette absence totale de confiance dans les pouvoirs d’évaluation du Parlement et dans sa capacité à délibérer de manière souveraine. Si j’osais, je dirais, comme M. le ministre, que vous n’aimez pas le Parlement.
M. Ugo Bernalicis
Seulement la minorité présidentielle !
M. Sacha Houlié, président de la commission des lois
Par ailleurs, vous avez expliqué hier que des règlements européens allaient interdire ces pratiques de traitement algorithmique des vidéos, après leur adoption par la Commission européenne, par le Parlement européen et, in fine, par le Conseil de l’Union européenne. Si cette législation européenne voit le jour, votre demande sera satisfaite sans même que nous ayons à passer par la loi.
M. Léo Walter
Ce niveau de sophisme…
(L’amendement no 534 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 615.
M. Ugo Bernalicis
Nous souhaitons qu’il ne puisse pas être fait usage de drones pour pulvériser du produit stérilisant sur les œufs de goélands. Vous savez qu’une bataille fait rage entre les drones et les goélands depuis plusieurs années, notamment à Paris, et que cela pose des problèmes à la préfecture de police, laquelle a eu l’idée de stériliser les œufs de goélands.
Dans la bataille qui oppose les drones aux goélands, j’ai choisi mon camp, c’est celui des goélands. Eux, au moins, ils sont jolis, ils sont sympas et, même s’ils nous regardent, on ne se dit pas qu’ils nous surveillent. Il n’y a pas d’algorithmes ; c’est la nature, quoi ! Alors que le drone, lui, est beaucoup moins agréable – et puis, la biodiversité des drones, cela ne parle pas à grand monde.
Plus sérieusement, j’aimerais savoir comment M. le ministre prévoit de faire face aux attaques de drones par les goélands. Présentent-elles un risque pour la population ? Les drones dotés d’une autonomie suffisante pour voler en transportant une technologie de bonne qualité pèsent un certain poids : que se passe-t-il s’ils tombent sur quelqu’un ? A-t-on déjà recensé des cas ? Quels ont été les dommages ? Quel est le bilan ? Combien de drones ont été attaqués par des goélands ? Combien cela a-t-il coûté à la préfecture de police – à Paris, mais pas seulement, car des goélands, il y en a dans tout le pays ?
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation
Vous n’avez qu’à créer une commission d’enquête.
M. Ugo Bernalicis
Si l’argumentation rationnelle ne suffit pas à vous convaincre que surveiller la population n’est pas une solution, nous préférons encore nous en remettre aux goélands.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Sacha Houlié, président de la commission des lois
Défavorable.
M. Benjamin Lucas
Vous n’aimez pas les goélands !
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis
Vous n’aimez pas le Parlement !
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre
Une fois n’est pas coutume, je vais lire ma fiche de banc (Sourires) – ce qui ne m’arrive jamais, M. le président de la commission des lois en est témoin. Je tiens à en saluer le rédacteur, obscur mais spirituel, et dont je préserverai l’anonymat, par peur de représailles de votre part.
Le 8 mars, en commission des lois, vous vous préoccupiez, à juste raison, du fait que les drones se faisaient régulièrement attaquer par des goélands à Paris et vous demandiez comment renforcer leur sécurité – chacun se souvient de ce moment mémorable qui illustre combien M. le député Bernalicis se mobilise sur les vrais sujets qui intéressent les Français. Vous repreniez ainsi le constat fait dans cette même assemblée, le 24 juin dernier, par votre idole, l’ancien préfet de police de Paris Didier Lallement, dans le cadre d’une audition de la commission d’enquête sur les obstacles à l’indépendance du pouvoir judiciaire. Désormais, vous renversez l’accusation et vous attaquez le principe même du recours aux drones ;…
M. Ugo Bernalicis
En effet !
M. Gérald Darmanin, ministre
…votre accord aura donc été de brève durée. (Sourires.) Je me contenterai d’un simple constat : c’est que, pour une fois, vous privilégiez la défense des goélands aux noms d’oiseaux. (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.) Avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis
Je ne sais pas si vos équipes savent aussi combien de drones ont été attaqués par des goélands et quels sont les risques pour la population. S’il tombe, est-ce que le drone a un parachute de secours ? (Sourires sur les bancs des groupes RE et Dem.)
M. Gérald Darmanin, ministre
Faites une commission d’enquête !
M. Ugo Bernalicis
Vous riez, mais le sujet est là. Ce qui a mis le principal coup d’arrêt à l’usage des drones à Paris, ce n’est pas la décision du Conseil d’État, mais les goélands ; ils sont donc plus efficaces que le Conseil d’État pour faire respecter la décision de non-usage des drones.
Hier soir, monsieur le ministre, vous avez dit que les drones n’étaient pas utilisés lors des manifestations car vous attendiez que les arrêtés soient validés par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil). Or j’ai eu des retours du terrain, comme on dit, lesquels indiquent que des drones survolent les manifestations depuis plusieurs jours. Alors, les drones sont-ils utilisés lors des manifestations ? Est-ce qu’un décret est en cours de validation par la Cnil ou est-ce que, comme d’habitude, on s’en fiche, auquel cas le seul recours viable que nous ayons, en tant qu’ardents défenseurs des libertés individuelles, serait de s’en remettre à mère Nature ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre
Avec tout le respect que je dois à l’Assemblée nationale, pourrait-on parler du texte, monsieur Bernalicis ? Il nous reste quelque 120 amendements à examiner sur l’article 7. Personnellement, je ne manifesterai pas cet après-midi. J’ai pu voir quelques internautes dire, hier soir, que le groupe La France insoumise voulait examiner le texte plus rapidement ; personnellement, je pense que l’article 7 traite d’un sujet très important, et j’aimerais que l’on revienne aux Jeux olympiques (JO), plutôt que de partir dans les longueurs. Tout le monde n’a pas le talent de Baudelaire pour parler des goélands. (Sourires sur les bancs du groupe Dem.)
M. Léo Walter
Ils n’aiment pas les goélands !
M. Ugo Bernalicis
Ils préfèrent les mouettes !
(L’amendement no 615 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements, nos 397 et 699, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Philippe Latombe, pour soutenir l’amendement no 397.
M. Philippe Latombe
Ces amendements traitent de l’utilisation du droit d’opposition. Le règlement général sur la protection des données (RGPD) prévoit la possibilité de déroger au droit d’opposition par des « mesures législatives » – ce sont les termes utilisés par le droit communautaire. La question est de savoir si, en France, ces mesures législatives correspondent uniquement à la loi ou si elles englobent aussi des mesures dites législatives incluses dans le corpus du droit administratif. La position du Conseil d’État, formulée par la section de l’intérieur, est qu’il est possible de déroger au droit d’opposition par des mesures administratives, des décrets, voire des arrêtés de collectivités territoriales.
La question qui se pose à nous est de savoir si c’est au législateur de fixer le cadre général de l’usage du droit d’opposition, ou si cette décision doit être prise par chaque arrêté préfectoral. Dans un certain nombre de cas, il pourrait être utile de préserver un droit d’opposition ; dans d’autres, il serait utile que l’on puisse y renoncer. Par cet amendement d’appel, le groupe Démocrate souhaite que cet arbitrage soit renvoyé à chaque acte administratif.
Afin d’éviter tout problème constitutionnel, il serait bon, conformément à l’article 34 de la Constitution, que nous dressions un acte positif de discussion en décidant ici que le législateur renonce à inscrire dans la loi la possibilité de renoncer au droit d’opposition et qu’il renvoie cette décision à chaque arrêté, pour que les arrêtés puissent être jugés en proportionnalité sur ce plan-là.
Mme la présidente
La parole est à M. Éric Bothorel, pour soutenir l’amendement no 699.
M. Éric Bothorel
En tant que député des Côtes-d’Armor, je ne vous parlerai pas davantage des goélands, bien que certaines théories complotistes prétendent que l’on a créé la grippe aviaire pour supprimer les goélands et protéger les drones… (Rires et applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.) Mais je ne veux pas laisser prospérer ici ce genre d’idées.
L’amendement que je présente reflète une position différente de celle de notre collègue Latombe. Nous proposons, conformément aux recommandations de la Cnil, de traiter par décret la question de l’exercice du droit d’opposition. Il y a un battle entre le MODEM et Renaissance sur ce point : faut-il un décret, faut-il des arrêtés ? C’est ce que nous mettons en débat. Nous attendons impatiemment le verdict de la commission et celui de M. le ministre.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Sacha Houlié, président de la commission des lois
Comme vous l’avez dit tous les deux, le RGPD, à son article 23, et la loi de 1978, à ses articles 48 et 56, prévoient la possibilité d’aménager le droit d’opposition sans en prévoir les modalités, ce qui renvoie la décision à une disposition réglementaire, laquelle est d’ailleurs régulièrement adoptée. L’article 34 de la Constitution, lui, prévoit que la loi protège « les garanties fondamentales accordées aux citoyens » ; a priori, elle n’entre pas dans le niveau de détail consistant à préciser les modalités du droit d’opposition. C’est la raison pour laquelle, considérant que ces modalités relèvent du domaine réglementaire, je vous demande le retrait de ces amendements.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre
Je reprends l’argument de M. le président de la commission des lois et j’ajoute, à l’intention des députés qui ont déposé ces amendements – que je les invite à retirer –, qu’indépendamment du fait que la décision sur la protection des libertés doit, en effet, être prise par décret, ce dernier sera soumis à l’avis de la Cnil, laquelle dira si nous prenons des décisions disproportionnées ou si nous utilisons mal les dispositions prévues par le législateur. C’est le même décret que nous avons évoqué hier avec les groupes La France insoumise et Rassemblement national. Je crois que votre volonté de protéger les libertés contre le pouvoir potentiellement incontrôlé du Gouvernement est satisfaite. Je vous propose donc de retirer ces amendements ; à défaut, avis défavorable.
Mme la présidente
Maintenez-vous votre amendement, monsieur Latombe ?
M. Philippe Latombe
Je comprends parfaitement ; c’est d’ailleurs l’esprit qui nous anime. Cet amendement d’appel visait à préciser ce point au compte rendu.
Il y a deux solutions : soit l’on considère que l’inscription au compte rendu est suffisante pour un éventuel contrôle constitutionnel, auquel cas je suis prêt à retirer l’amendement, soit l’on entérine le fait que la décision doit être prise par la loi et non par un acte administratif ; dans cette hypothèse, j’appellerais à voter contre l’amendement de mon groupe. L’essentiel est qu’il y ait un acte positif pour que le Conseil constitutionnel puisse dire que, dans le cadre des débats, le législateur a bien déterminé que la décision devait être prise par décret.
Je conçois qu’il est baroque d’appeler à voter contre l’amendement que l’on a soi-même déposé. Je retire donc le mien ; si Éric Bothorel maintient le sien, nous voterons pour. L’essentiel est de marquer les choses.
(L’amendement no 397 est retiré.)
Mme la présidente
La parole est à M. Éric Bothorel.
M. Éric Bothorel
Quant à moi, je donne ma langue au goéland et je retire mon amendement.
(L’amendement no 699 est retiré.)
Mme la présidente
La parole est à M. Benjamin Lucas, pour soutenir l’amendement no 319.
M. Benjamin Lucas
Je suis ravi de vous retrouver, monsieur le ministre ! En m’habillant ce matin, je me suis toutefois demandé si mon col roulé serait perçu par vos caméras intelligentes comme un comportement à risque de « lemairisme ». J’ai craint que cela ne me cause des difficultés. N’y voyez aucun signal particulier pour la course à Matignon !
M. Erwan Balanant
Tout tourne autour de vous, c’est incroyable ! (Sourires.)
M. Benjamin Lucas
Dans sa rédaction actuelle, l’article 7 permet de déroger à l’obligation d’information du public sur l’emploi de la vidéosurveillance algorithmique (VSA). Comme l’a rappelé la Cnil sans toutefois être entendue, cette information est essentielle à la garantie minimale des droits fondamentaux et des libertés publiques. La dérogation à l’obligation d’information s’applique « lorsque les circonstances l’interdisent ou que cette information entrerait en contradiction avec les objectifs poursuivis ».
Cette disposition pose plusieurs problèmes, qui n’ont absolument pas été réglés par la commission. Tout d’abord, on ne voit pas très bien quelles circonstances ou quels objectifs pourraient justifier qu’on cache les caméras aux citoyens, à moins de tous les considérer comme des suspects devant être surveillés à leur insu. Ensuite, le flou de cette formulation reprise du code de la sécurité intérieure conduit à faire de l’information l’exception et du secret la règle : n’importe quel argument pourrait être avancé pour se soustraire à l’obligation.
Afin de garantir le respect des droits de nos concitoyens, le groupe Écologiste-NUPES demande, par cet amendement, la suppression de la dérogation à l’obligation d’information, et ce d’autant plus que nous parlons ici de la vidéosurveillance algorithmique, bien plus intrusive que la vidéosurveillance classique.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Sacha Houlié, président de la commission des lois
Ce qui est visé avec la formule « sauf lorsque les circonstances l’interdisent ou que cette information entrerait en contradiction avec les objectifs poursuivis », c’est la lutte contre le terrorisme. Avec sa suppression, vous nous proposez donc, en réalité, de prévenir les terroristes qu’ils sont filmés.
Mme Sandra Regol
Oh ! Mais enfin, c’est le droit d’informer !
M. Sacha Houlié, président de la commission des lois
Votre amendement réduirait quelque peu l’intérêt du traitement algorithmique des vidéos, vous le comprenez bien. Cette formule est en outre nécessaire à la cohérence du droit en vigueur puisque la même exception figure dans le code de la sécurité intérieure. Enfin, elle a été validée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 21 janvier 2022. Avis défavorable.
(L’amendement no 319, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Benjamin Lucas, pour soutenir l’amendement no 577.
M. Benjamin Lucas
Il vise à informer les habitants des communes qui mettent en place un dispositif de VSA de son emploi. Depuis le début de ce débat, nous parlons du public des Jeux olympiques et paralympiques, mais ces personnes seront également soumises à la vidéosurveillance. Or, vous en conviendrez, monsieur le président de la commission, elles ne sont pas des terroristes en puissance et doivent être informées de cette atteinte à leur liberté fondamentale.
Le droit au respect de la vie privée des habitants des communes qui utilisent la VSA doit être garanti. Ils doivent donc être informés du fait qu’ils seront filmés et que les images sur lesquelles ils apparaîtront seront exploitées par des algorithmes.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Sacha Houlié, président de la commission des lois
Les communes qui recourent à un dispositif de vidéoprotection déploient systématiquement des panneaux pour informer les habitants qu’ils entrent dans une zone de vidéoprotection. Les habitants de ces communes et le public en général sont donc déjà informés de l’utilisation de la vidéosurveillance. Je demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
(L’amendement no 577, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 187.
Mme Emmanuelle Ménard
Cet amendement rédactionnel vise à s’assurer que les personnes qui assisteront aux Jeux olympiques et paralympiques seront clairement informées du traitement algorithmique des images sur lesquelles elles apparaîtront.
Je propose d’ajouter les mots « et explicitement » au troisième alinéa, dont le début serait donc ainsi rédigé : « Le public est préalablement et explicitement informé par tout moyen approprié de l’emploi de traitements algorithmiques sur les images collectées au moyen de systèmes de vidéoprotection […]. » Vous le savez, chers collègues, ces questions sont parfois techniques – je ne parle pas des goélands ! Aussi une information préalable et claire des usagers paraît-elle nécessaire. L’ajout de l’adverbe « explicitement » ne peut pas faire de mal.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Sacha Houlié, président de la commission des lois
J’ai déjà répondu. L’amendement est satisfait.
(L’amendement no 187, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de trois amendements, nos 317, 318 et 658, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Sandra Regol, pour soutenir les amendements nos 317 et 318, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
Mme Sandra Regol
Il est important d’être clair sur l’information donnée au public : tel est le sens de ces deux amendements.
La Cnil l’a rappelé explicitement, l’information claire et permanente du public sur l’utilisation d’un dispositif de vidéosurveillance est une garantie essentielle en matière de droits et de libertés. Vous le savez bien, monsieur le ministre, puisque vous nous avez donné lecture hier d’un avis de vingt pages de la Cnil ; je vous invite à le consulter de nouveau sur ce point. Cette garantie est également prévue par le code de la sécurité intérieure et constitue un préalable à toute contestation de l’emploi de la vidéosurveillance par nos concitoyens. La démocratie française s’est construite sur l’existence de contre-pouvoirs à même de contester des décisions injustes.
Monsieur le président de la commission, vous soutenez que cette information conduirait à prévenir les terroristes qu’ils sont filmés. Nous pensons, quant à nous, qu’elle est conforme au droit des citoyennes et des citoyens de contester le fait d’être filmés contre leur gré ou à leur insu – or comment le contester si l’on n’est pas au courant ? Par l’amendement no 317, nous demandons donc qu’il soit précisé, à l’alinéa 3 de l’article 7, que le public est informé « de manière claire et permanente ».
Les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 seront un événement mondial. Nous l’avons maintes fois répété, le fiasco du Stade de France, commenté dans le monde entier, a révélé l’incapacité des personnels et des forces de l’ordre de communiquer dans des langues étrangères. La situation sera encore plus complexe lors des Jeux olympiques et paralympiques puisque de multiples langues seront requises en plus de l’anglais. Or rien n’a été prévu, dans la transmission de l’information, pour tenir compte de la diversité linguistique propre à l’événement ou des besoins spécifiques des personnes en situation de handicap – les personnes sourdes ou aveugles notamment, absentes du dispositif. Rappelons que les Jeux de Paris 2024 seront olympiques, mais aussi paralympiques. Nous avons le devoir d’inclure tous les publics.
Si l’ajout des mots « de manière claire et permanente » vous pose problème – ce qui serait lourd de sens –, nous proposons, avec l’amendement de repli no 318, de mentionner uniquement dans l’alinéa 3 la nécessité de tenir compte de la diversité linguistique propre à l’événement et des besoins spécifiques des personnes en situation de handicap en matière d’information.
Mme la présidente
La parole est à M. Laurent Croizier, pour soutenir l’amendement no 658.
M. Laurent Croizier
Toute information publique se doit d’être accessible, lisible et compréhensible par tous. Je suis très sensible à la question de l’accessibilité de l’information pour les personnes en situation de handicap, notamment les personnes en situation de handicap intellectuel, et je salue le travail mené par les associations qui défendent leurs droits, en particulier, dans ma circonscription, l’association Droits Devant 25.
L’alinéa 3 de l’article 7 crée l’obligation d’informer le public de l’emploi de traitements algorithmiques sur les images collectées au moyen de systèmes de vidéoprotection. Avec cet amendement, nous demandons que l’information soit « appropriée, adaptée et accessible à toute personne en situation de handicap » et nous défendons le droit à l’information pour tous sans aucune distinction. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.)
M. Erwan Balanant
Très bon amendement !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements en discussion commune ?
M. Sacha Houlié, président de la commission des lois
Je salue l’attention particulière que vous portez à l’information des personnes handicapées. Toutefois, l’alinéa 3 prévoit l’information du public sur la présence de caméras de vidéoprotection par « tout moyen approprié », ce qui recouvre à la fois des messages écrits et des logos facilement identifiables par tous. D’ailleurs, les règles du RGPD s’appliquent à l’article 7 comme à toutes les dispositions du droit français et déclinent déjà les exigences que doivent respecter les modalités de l’information du public.
Madame Regol, vous souhaitez que l’intégralité du public présent à Paris lors des Jeux soit informée. La Ville de Paris a certes pour habitude d’apposer des placards gigantesques dans les rues de la capitale pour informer les citoyens, sur le déroulement de travaux par exemple,…
M. Sylvain Maillard
Travaux qui ne se terminent jamais !
M. Sacha Houlié, président de la commission des lois
…mais prévoir une information sur la vidéoprotection en 200 langues me semble assez baroque. Lorsque vous vous rendez à l’étranger, j’imagine que vous ne vous attendez pas à ce que les panneaux informant le public de la présence de caméras de vidéoprotection – elles sont fréquemment utilisées dans les villes américaines ou australiennes – soient tous traduits en français !
Enfin, madame Regol, vous vous livrez à un mélange des genres un peu cavalier en parlant du terrorisme.
Mme Sandra Regol
C’est vous qui en avez parlé !
M. Sacha Houlié, président de la commission des lois
Les panneaux destinés à l’information du public signalent la présence d’un système de vidéoprotection dans l’espace public. Dans les circonstances particulières qui justifient une dérogation à l’obligation d’information, les caméras utilisées sont différentes : ce sont des caméras embarquées sur des aéronefs. Veillez, je vous prie, à ne pas mélanger les dispositions. Avis défavorable.
Mme Sandra Regol
C’est vous qui l’avez fait !
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandra Regol.
Mme Sandra Regol
Pour garantir le droit à l’information de tous – il s’agit même d’un devoir –, il est possible d’utiliser un nombre plus important de langues ou des pictogrammes. Si les autres pays ne respectent pas ce droit et ne favorisent pas l’inclusion des personnes en situation de handicap et l’accessibilité de l’information, ce n’est pas le problème du législateur français,…
M. Benjamin Lucas
Ils n’aiment pas les pictogrammes !
Mme Sandra Regol
…dont la fonction est de protéger le peuple.
Mme la présidente
La parole est à M. Erwan Balanant.
M. Erwan Balanant
Sur ce sujet, je partage l’avis de Mme Regol et de M. Croizier.
M. Benjamin Lucas
Écoutez la sagesse !
M. Erwan Balanant
Lorsque nous préparons notre propagande électorale, nous avons le devoir de rédiger des documents faciles à lire et à comprendre, les Falc. Avec les mots « tout moyen approprié », le projet de loi va dans ce sens, mais il serait bon de préciser qu’une attention particulière doit être portée à l’accessibilité de l’information. Cela ne mangerait pas de pain.
M. Benjamin Lucas
Il a raison !
M. Erwan Balanant
Il serait sans doute compliqué de prévoir des panneaux d’information dans toutes les langues, mais des pictogrammes compréhensibles par tous existent. J’appelle donc l’Assemblée à soutenir ces amendements qui soulignent la nécessité d’apporter une attention particulière à la bonne information du public. (M. Benjamin Lucas applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Sacha Houlié, président de la commission des lois
Je le répète, l’alinéa 3 prévoit que le public est informé « par tout moyen approprié » : préciser ces moyens conduirait à exclure tous les autres. Il est louable de souligner que l’information doit être accessible à tous, notamment aux personnes handicapées, mais l’objectif risquerait d’être manqué à cause de l’adoption de ces amendements, laquelle conduirait de fait à exclure certaines personnes.
Madame Regol, je suis une fois de plus surpris par vos propos car vos objectifs entrent en contradiction : vous demandez une information riche et développée, mais les panneaux publicitaires, dont j’ai parlé tout à l’heure, sont antiécologiques, ils gâchent la vue et favorisent la publicité.
Mme Sandra Regol
C’est de l’information, pas de la publicité !
M. Sacha Houlié, président de la commission des lois
En vérité, vos amendements ne sont pas écologiques.
M. Benjamin Lucas
Quelle mauvaise foi !
(Les amendements nos 317, 318 et 658, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. Benjamin Lucas
Ce n’est pas gentil !
Mme Sandra Regol
On voit qui sont les dogmatiques : ceux qui ne votent jamais pour les autres !
M. Benjamin Lucas
Ils n’aiment pas le MODEM !
M. Jocelyn Dessigny
C’est l’hôpital qui se fout de la charité !
Mme la présidente
Je suis saisie de trois amendements, nos 421, 223 et 500, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Emmanuel Fernandes, pour soutenir l’amendement no 421.
M. Emmanuel Fernandes
Si la vidéosurveillance algorithmique devait effectivement être exploitée, les députés du groupe La France insoumise demandent, par cet amendement de repli, la transparence du code de l’algorithme proposé pour sa mise en œuvre.
La loi pour une République numérique et plus récemment le RGPD ont introduit de nouvelles dispositions dans le droit concernant les algorithmes publics. Ces dispositions visent à instaurer une plus grande transparence et une plus grande redevabilité de l’administration dans l’usage de ces systèmes, en particulier quand ils sont utilisés pour prendre des décisions.
Concrètement, il est aujourd’hui nécessaire de signaler les moments où un algorithme est utilisé, de décrire et de préciser son fonctionnement général, de justifier les objectifs et les raisons du recours à cet algorithme, d’expliquer ses effets et de préciser ses impacts individuels et généraux.
Il faut également rendre accessible le code source en le publiant, ainsi que la documentation associée, et aussi – c’est essentiel pour garantir la transparence du dispositif – indiquer les voies de recours possibles.
Par ailleurs, puisqu’il est question de transparence et d’exercice des droits fondamentaux, j’entends revenir sur un sujet dont nous avons parlé rapidement hier soir en sortant de l’hémicycle, monsieur le ministre : la formation d’une nasse, à Strasbourg, pose problème car les forces de l’ordre n’ont pas respecté votre propre schéma de maintien de l’ordre. En effet, une ruelle était bouchée des deux côtés et des dizaines de personnes ont été gazées de manière intense ; une femme et son bébé ont ainsi dû se réfugier dans un restaurant.
Mme Sandra Regol
Il a raison !
M. Emmanuel Fernandes
Je souhaite donc savoir si vous avez eu le temps de vous pencher sur ce cas singulièrement violent qui s’est déroulé à Strasbourg,…
M. Benjamin Lucas
Très bonne question !
M. Emmanuel Fernandes
…et quelles mesures disciplinaires vous comptez prendre à ce sujet. (M. Benjamin Lucas et Mme Sandra Regol applaudissent.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandra Regol, pour soutenir l’amendement no 223.
Mme Sandra Regol
« L’information des personnes » concernant l’usage des caméras augmentées est « un élément essentiel pour assurer la loyauté des traitements dans un objectif de transparence à l’égard du public » ; elle est aussi « indispensable pour permettre le déploiement [des] dispositifs [concernés] […] dans un climat de confiance à l’égard des autorités publiques ». Ce ne sont pas mes mots mais ceux de la Cnil, et nous tenons à vous rappeler que nous sommes toujours attentifs à ses avis.
Si le projet de loi prévoit bien l’information du public, il crée toutefois des exceptions « lorsque les circonstances l’interdisent » et dans les cas où « cette information entrerait en contradiction avec les objectifs poursuivis ». De telles formulations, vous nous l’accorderez, sont très imprécises et pas tout à fait à même de susciter la confiance ni de fonder une décision des législateurs.
En effet, il existerait ainsi des situations non définies, dans lesquelles il serait préférable de ne pas informer le public. Qu’est-ce qu’une situation non définie ? On ne va pas faire de sémantique, mais je vous laisse vous amuser un petit moment sur cette question. Il existerait donc des situations dans lesquelles il serait impossible de s’opposer, de faire rectifier ou de faire valoir ses droits ; c’est tout de même un peu problématique dans un État de droit. Autrement dit, nous sommes prêts, en l’état du texte, à espionner la population à son insu, sans qu’elle ait le moindre droit de recours.
Nous proposons donc que le public soit informé de manière systématique de l’usage d’outils d’analyse automatisée sur ses images, dans un objectif de transparence à son égard et de respect de ses droits. Le présent amendement vise ainsi à supprimer la dispense d’information du public concernant l’usage de caméras de vidéosurveillance algorithmique.
Mme la présidente
La parole est à M. Léo Walter, pour soutenir l’amendement no 500.
M. Léo Walter
Il va dans le même sens que le précédent – ils sont d’ailleurs en discussion commune. M. Houlié, tout à l’heure, nous reprochait de ne pas faire confiance au Parlement. Je veux le rassurer : nous faisons toute confiance au Parlement. En revanche, nous avons du mal, en effet, à faire confiance à un gouvernement…
M. Benjamin Lucas
Qui ne nous a jamais demandé la confiance !
M. Léo Walter
…qui, depuis tout à l’heure, refuse d’intégrer dans la loi les éclaircissements que nous lui demandons ; ils seraient pourtant à même, justement, d’instaurer cette confiance.
M. Bernalicis demandait si, oui ou non, des drones étaient déjà utilisés ; hier, M. Latombe – que je salue – nous a dit que la VSA était déjà testée au Hellfest depuis trois ans, si j’ai bien tout compris…
M. Philippe Latombe
Non, pas du tout !
M. Léo Walter
Vous m’expliquerez, monsieur Latombe ; en échange, je suis prêt à vous initier à la technique du pogo.
M. Philippe Latombe
Pas besoin, merci.
M. Erwan Balanant
Il n’en a pas besoin ! Il va tous les ans au Hellfest, Latombe, c’est un fan !
M. Éric Bothorel
Le MODEM est très métal.
M. Léo Walter
C’est simplement qu’hier, apparemment, vous aviez besoin d’un spécialiste ; je vous disais juste que j’étais moi-même un habitué. Dans ce cas, nous nous retrouverons dans le pogo !
M. Benjamin Lucas
Dans le respect des gestes barrières !
M. Léo Walter
Nous aimerions donc savoir si la VSA est déjà expérimentée ou pas ; et si oui, où l’est-elle ? Enfin, toujours s’agissant des pogos, nous n’avons pas non plus eu de réponse sur ce qu’est un événement « anormal » dans un festival. Nous souhaitons obtenir des clarifications à ce sujet.
M. Sylvain Maillard
Quand les gens tombent par terre, ils se piétinent et peuvent se faire écraser !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?
M. Sacha Houlié, président de la commission des lois
S’agissant des exceptions, j’ai déjà répondu assez longuement. En ce qui concerne la publication de l’algorithme, ensuite, vous nous dites que c’est une technologie qui pourrait s’avérer dangereuse. Vous voulez donc la rendre accessible à tous en en publiant l’algorithme. Encore une fois, c’est assez contradictoire : si le traitement algorithmique est effectivement dangereux, au point qu’il nécessite des protections particulières – vingt-huit garanties longuement énumérées hier par le ministre de l’intérieur –, il mérite de ne pas être accessible à tout le monde, afin de ne pas pouvoir être dupliqué et déployé par n’importe qui.
Par ailleurs, il y a un non-dit dans ce que vous proposez : ce que vous cherchez en demandant la publication de l’algorithme, c’est à faire perdre son intérêt commercial pour les sociétés qui seraient susceptibles de le développer. C’est un non-dit que je dévoile et qui motive aussi probablement certains des amendements qui suivront : si l’algorithme est publié, il n’y aura plus aucun intérêt commercial à le développer et aucune entreprise ne le fera.
M. Sylvain Maillard
Eh oui !
M. Sacha Houlié, président de la commission des lois
C’est certainement votre but, mais je donne un avis défavorable à vos amendements.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre
Avis défavorable également. Je tiens à répondre à M. le député Fernandes, qui m’a interpellé. Hier soir, en effet, il m’a demandé des explications ou en tout cas des informations sur ce qu’il appelle une nasse qui serait contraire au schéma de maintien de l’ordre. Or je rappelle qu’en soi les nasses ne sont pas contraires au maintien de l’ordre ; il faut simplement qu’à chaque fois, une sortie soit aménagée par les forces de l’ordre. C’est la question que vous posiez : était-il possible de sortir de la rue concernée – la rue des Dentelles, si j’ai bien retenu ce que vous m’avez dit, monsieur le député ?
Mme Sandra Regol
Oui !
M. Gérald Darmanin, ministre
Hier, nous avons terminé nos travaux vers minuit et demi. J’ai laissé un petit mot à mon directeur de cabinet et nous en avons parlé ce matin ; il doit être en ce moment même en contact avec la préfète ou avec son directeur de cabinet. Je vous répondrai dans la matinée, si vous le souhaitez ; je n’ai pas encore connaissance de ces événements qui se sont déroulés à Strasbourg – il y a quarante-huit heures, me semble-t-il – mais j’ai bien fait écho à votre question.
Ensuite, pour ce qui est des drones, je vais le redire, parce qu’un mensonge répété ne fait pas une vérité : M. Bernalicis – qui est parti – voit voler à la fois des goélands et des drones, mais s’il y a des drones qui volent, ce ne sont pas ceux de la préfecture de police. En effet, elle ne peut pas en utiliser tant que la Cnil n’a pas publié son avis sur les décrets…
M. Sylvain Maillard
Eh oui !
M. Gérald Darmanin, ministre
…qui autorisent l’autorité administrative à faire voler des drones, comme l’a voulu le Conseil constitutionnel, en respectant évidemment les conditions édictées par le droit.
En revanche, ce qui est vrai, c’est que des personnes qui n’appartiennent pas à la police, à la gendarmerie ou à d’autres services de l’État font voler des drones. C’est ce qui m’a permis de dire – et je le répète – qu’en France, tout le monde peut faire voler des drones, sauf les policiers.
M. Sylvain Maillard
Sauf les policiers ! Il a raison !
Mme Maud Bregeon
C’est inadmissible !
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Latombe.
M. Philippe Latombe
Je souhaite préciser plusieurs points pour remettre l’église au milieu du village. Ce que j’ai dit hier concernant le Hellfest, c’est que ce festival utilise beaucoup les nouvelles technologies : il fut l’un des premiers festivals à utiliser des bracelets à puce pour permettre notamment les entrées et le paiement des consommations, afin d’éviter que les festivaliers aient du liquide sur eux ou se fassent voler leur carte bancaire. On y a aussi expérimenté les premières antennes 5G et plusieurs laboratoires d’université viennent y capter des images pour analyser les mouvements de foule et voir quelles conséquences ils peuvent en tirer ;…
M. Sacha Houlié, président de la commission des lois
Finalement, ils aiment bien la sécurité, les métalleux !
M. Philippe Latombe
…ils cherchent en particulier à les mathématiser afin d’être en mesure de les anticiper. Je n’ai jamais dit que c’était fait pour entraîner des algorithmes de VSA – la vidéosurveillance augmentée, comme vous l’appelez ; ce n’est absolument pas le cas. C’est d’ailleurs au Hellfest que l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria) vient capter des images pour essayer d’entraîner un algorithme qui permettrait de gérer les foules – c’est son fameux GPS de gestion des foules. Et si ses chercheurs parviennent à le mettre au point, il sera d’ailleurs en open source – source ouverte.
Cela fait écho à ce qu’Éric Bothorel voulait et il a ainsi retiré son amendement : s’il y a des laboratoires qui déposent des brevets et des entreprises qui les achètent, il y a aussi de nombreux laboratoires de recherche qui veulent faire de l’open source. C’est le cas de l’Inria et nous souhaiterions d’ailleurs que cet algorithme soit retenu, s’il fonctionne, pour être utilisé dans le cadre des Jeux olympiques. Ce serait un outil complètement français et européen, conforme à l’éthique que nous appelons de nos vœux et surtout en open source : ce serait très bien et je serais très heureux que nous puissions l’utiliser. Mais je n’ai jamais dit que le Hellfest était le lieu d’expérimentation d’une VSA sauvage ; ce n’est absolument pas le cas et si ce devait l’être, la Cnil s’en saisirait immédiatement.
Enfin, en ce qui concerne la gestion des foules, il faut arrêter de dire que c’est de la biométrie : l’objectif, c’est de savoir combien il y a de personnes au mètre carré pour déterminer, le cas échéant, le moment où la pression entre elles sera telle qu’il risque d’y avoir des accidents. C’est bête, mais cela nécessite des calculs mathématiques et on sait qu’à partir de six personnes au mètre carré, le risque est grand. On cherche ensuite à savoir quels sont les comportements humains qui peuvent engendrer des mouvements de foule et donc des accidents.
M. Éric Bothorel
Très bien ! Très clair.
M. Laurent Croizier
Bravo !
(Les amendements nos 421, 223 et 500, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 424.
M. Ugo Bernalicis
Il fait partie d’une série d’amendements visant à rendre les dispositifs de surveillance algorithmique les plus transparents possible, afin que nous puissions les analyser, les décortiquer, les comprendre et, finalement, nous y opposer – évidemment – en toute rationalité. Lorsque nous avons dit vouloir que le code de l’algorithme soit transparent, on nous a fait remarquer – à juste titre – que nombre des codes utilisés dans la vidéosurveillance étaient libres de droit, en open source, et donc que le sujet fondamental n’était pas forcément le code en tant que tel, mais bien son utilisation et le paramétrage opéré par l’utilisateur, c’est-à-dire ce qui est demandé à l’algorithme, les objectifs qui lui sont assignés et la définition de comportements « normaux » ou « anormaux » – ce que vous appelez les « événements prédéterminés ».
Et en effet, la question continue de se poser : quel est l’usage que vous allez faire de ces codes ? Et allez-vous uniquement utiliser des codes qui sont en open source ? Cela permettrait au moins de lever les doutes sur la mécanique – pour ainsi dire – de l’algorithme utilisé, à défaut d’interroger l’usage qui est fait des données. Nous avons besoin de savoir dans quelle direction nous allons. Vous avez commencé une liste, monsieur le ministre, hier, de ce que pourraient être les « événements prédéterminés » ; j’aimerais qu’ensemble, nous complétions cette liste au fur et à mesure,…
M. Gérald Darmanin, ministre
On l’a déjà fait !
M. Ugo Bernalicis
…de sorte qu’elle ne fasse pas simplement l’objet d’un décret pris dans un coin, en loucedé, dans lequel pourraient être intégrés toutes sortes d’éléments. Je vous parlais hier des sweats à capuche, par exemple : sont-ils plus criminogènes que les costumes ? C’est une question qui se pose.
M. Gérald Darmanin, ministre
Tout dépend de qui les porte !
M. Ugo Bernalicis
Je suis d’accord mais comment fait-on ? Est-ce que ce sera un point de détection ? Comment allez-vous utiliser ces algorithmes ?
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Sacha Houlié, président de la commission des lois
Défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre
J’ai d’abord eu un peu peur que le député Bernalicis ait mal compris la mesure. Hier, je mettais ses questions sur le compte d’une mauvaise compréhension de sa part, et peut-être même d’une mauvaise explication de la part du président de la commission des lois ou de moi-même – peut-être sans doute plus de la part du président de la commission des lois que de moi-même, il faut bien le dire !
M. Sacha Houlié, président de la commission des lois
Oh ! Rappel au règlement ! (Sourires sur quelques bancs du groupe RE.)
M. Benjamin Lucas
La pédagogie, ce n’est pas votre fort !
M. Gérald Darmanin, ministre
J’avais peur que M. Bernalicis n’ait pas compris et je pensais que c’était pour cette raison qu’il nous avait fait nous répéter trois fois hier. Mais ce matin, je me dis que s’il pose tant de fois la question, c’est peut-être pour alimenter la petite capture vidéo qu’il réalise pour ses réseaux sociaux. Le but serait de poser tellement de fois la question qu’à la fin, le ministre ne répondrait plus : il pourrait alors dire que nous ne donnons pas de réponse à la question sur les sweats à capuche, ce qui signifierait que le Gouvernement a quelque chose à cacher. Je vais donc me répéter, puisque, comme disent les pédagogues, la répétition fixe la notion : ce n’est pas un petit décret pris dans un coin, « en loucedé » – je vous cite, monsieur le député –, mais un décret qui est pris après avis positif – évidemment publié – de la Cnil et qui fixe le fait que pour chacun des départements de la République, le préfet justifie par arrêté – lui aussi publié, bien évidemment – l’utilisation de l’intelligence artificielle afin de détecter un événement prédéterminé, en conformité avec la loi de la République.
Il est donc validé par la Cnil – je l’ai déjà répété –, par le Conseil d’État – je l’ai déjà dit – et, espérons-le, par le Conseil constitutionnel. Je constate d’ailleurs, monsieur Bernalicis, que s’agissant des deux derniers textes que nous avons examinés ensemble – le dernier étant la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi) –, vous avez à chaque fois affirmé de façon très péremptoire que le Conseil constitutionnel les censurerait – or il ne l’a pas fait.
M. Sylvain Maillard
Eh oui !
M. Sacha Houlié, président de la commission des lois
Mauvais juriste !
M. Gérald Darmanin, ministre
M. Houlié dit que vous êtes un mauvais juriste ; pour ma part, je n’irai pas jusque-là, bien évidemment. Ce que je veux dire, monsieur Bernalicis, pour que l’intégralité de la séquence puisse être diffusée sur vos réseaux sociaux, c’est qu’en effet, la mesure fait l’objet d’un décret pris après avis de la Cnil, publié au Journal officiel, qui fait naître un arrêté l’autorisant pour chacun des événements, dans chacun des départements ; elle peut d’ailleurs être suspendue à tout moment. Vous pourrez reposer la question tout à l’heure, mais ça ne changera pas la réponse : je vous répondrai de la même manière.
D’ailleurs – j’ouvre une parenthèse dans la parenthèse –, je vous encourage à regarder ce qui se passe dans les manifestations de cette semaine, par exemple celles d’hier et d’avant-hier : vous trouverez sur les réseaux sociaux des images capturées par des drones. Je l’ai dit tout à l’heure à l’Assemblée en répondant à la question posée par votre collègue – vous n’étiez pas présent à ce moment-là –, mais ces drones n’appartiennent pas à la police ni à la gendarmerie et je crois savoir, si j’en juge par les réseaux sociaux, qu’ils ont une connaissance assez approfondie du programme de La France insoumise et en particulier de sa dénonciation de la police. Pour ma part, j’aimerais connaître – si je peux me permettre de poser une question, madame la présidente – votre avis sur ces drones qui filment l’espace public, diffusent en vidéo les comportements et les images physiques de personnes tout à fait reconnaissables sans leur accord, et les publient sur les réseaux sociaux pour soutenir vos thèses politiques. Votre réponse m’intéresse. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)
M. Sylvain Maillard
Excellent !
Mme la présidente
La parole est à M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis
Je ne sais pas si je suis un mauvais juriste…
M. Gérald Darmanin, ministre
C’est le président de la commission qui le dit !
M. Ugo Bernalicis
…ou si nous avons un problème de Conseil constitutionnel.
M. Gérald Darmanin, ministre
C’est le Conseil constitutionnel qui pose problème, maintenant !
M. Sacha Houlié, président de la commission des lois
Vous n’êtes pas venu à l’invitation du Conseil constitutionnel !
M. Ugo Bernalicis
Pour ma part, j’ai tranché depuis longtemps ce débat interne avec moi-même parce que je crois qu’une VIe République et une modification du fonctionnement du Conseil constitutionnel seraient de nature à changer deux ou trois bricoles. D’ailleurs, je me souviens d’une présidente de la commission des lois qui avait conclu à un problème de composition du Conseil constitutionnel après s’être fait censurer l’intégralité de son texte. Bon, je clos la séquence.
À part cela, monsieur le ministre, j’ai bien compris l’articulation : décret, avis conforme de la Cnil, bla bla bla. Mais vous, qu’allez-vous mettre concrètement dans le décret que vous allez envoyer à la Cnil ? Hier, vous avez commencé une énumération – les colis, les foules, les goulets d’étranglement… –, en précisant qu’il ne s’agissait que d’exemples et que la liste n’était pas complète. Alors, j’essaie de savoir si le port d’un sweat à capuche sera poursuivable.
Comme vous n’étiez pas là, monsieur le ministre, je vais reprendre un exemple que j’avais développé en commission : imaginons qu’une analyse criminologique révèle que 95 % des cambriolages sont faits au moyen de camionnettes blanches.
M. Sylvain Maillard
Quatre-vingt-quinze pour cent des camionnettes sont blanches !
M. Ugo Bernalicis
Allez-vous considérer la présence de camionnette blanche comme événement prédéterminé anormal qui fera clignoter l’alarme de l’opérateur ? Que comptez-vous mettre dans ce décret ? Je souhaite le savoir dès maintenant, sans attendre le moment de sa publication, l’avis de la Cnil et le reste. Quelles sont vos intentions politiques ? Comment voyez-vous les choses ? On ne met pas en place de tels dispositifs comme ça, hors-sol – passez-moi l’expression, même s’il ne s’agit pas que de drones – pour se faire plaisir en se disant qu’on verra bien par la suite. Je vous le redemande : quelles sont les intentions du Gouvernement sur ce point, parce que la Cnil ne va pas tout bloquer et tout empêcher, ce qui n’est d’ailleurs pas votre intention ?
Quant aux drones utilisés lors des récentes manifestations,…
Mme la présidente
Veuillez conclure, cher collègue.
M. Ugo Bernalicis
…ils n’appartiennent pas à la police, dites-vous. Très bien. Savez-vous à qui ils appartiennent…
M. Gérald Darmanin, ministre
À LFI !
M. Ugo Bernalicis
…puisqu’ils doivent faire l’objet d’une demande d’autorisation ?
Mme la présidente
Merci, monsieur Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis
Que l’on sache comment cela fonctionne.
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Mazars, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.
M. Stéphane Mazars, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation
Je souhaite interpeller… Non, pour le coup, il ne s’agit pas d’interpeller. (Sourires.) J’aimerais essayer d’appeler l’attention de certains de nos collègues, notamment l’orateur précédent, sur l’ineptie des propos qui peuvent être tenus dans cette enceinte. Nous discutons d’un grand défi : sécuriser l’organisation des Jeux olympiques dans notre pays, en menant une expérimentation dont nous aurons à tirer un bilan et les conséquences, afin de déterminer si nous voulons ou non la pérenniser ou l’adapter.
Notre collègue explique que nous allons essayer d’utiliser ce traitement algorithmique des images captées par la vidéoprotection pour détecter des sweats à capuche. Nous sommes en train de parler de la sécurisation des Jeux olympiques durant lesquels des centaines de milliers de spectateurs vont venir sur les sites des compétitions en famille, avec des enfants et des adolescents. Et notre collègue d’expliquer que notre volonté serait d’identifier des personnes en sweat à capuche dans je ne sais quel dessein !
M. Ugo Bernalicis
Eh bien oui !
M. Stéphane Mazars, rapporteur pour avis
Mesure-t-il le décalage entre ses propos et les enjeux dont nous discutons dans cet hémicycle ?
M. Bertrand Sorre, rapporteur pour avis
En effet !
M. Maxime Minot
Il se discrédite tout seul !
M. Stéphane Mazars, rapporteur pour avis
Ces propos tenus à l’envi depuis hier soir sont d’une totale ineptie et nous empêchent d’avancer dans l’examen d’un texte utile pour le pays.
Mme Sandra Regol
C’est toujours pareil : vous ne vous remettez jamais en question !
M. Stéphane Mazars, rapporteur pour avis
Comme vient de le dire notre collègue, vous vous discréditez totalement quant au fond du sujet. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre
Monsieur Bernalicis, je vous propose un contrat non léonin : je réponds une nouvelle fois à votre question – cela doit être la cinquième fois, mais ce n’est pas très grave – et vous répondez à la mienne, parce que vous ne l’avez pas fait.
Pour répondre à votre question, j’indique que les événements prédéterminés ne sont pas qualifiés d’anormaux ou de suspects dans le texte. C’est votre vocabulaire, celui de la peur et du complot.
M. Ugo Bernalicis
Ah non, ce n’est pas mon vocabulaire, mais celui employé par le rapporteur en commission !
M. Gérald Darmanin, ministre
Vous attaquez non pas ce que nous faisons, mais ce que nous aurions l’intention de faire. Très bien. D’après ce que je comprends, à part M. Bernalicis, il n’y aurait que de mauvais juristes, notamment à la Cnil, au Conseil d’État et au Conseil constitutionnel. À un moment, peut-être faudrait-il que vous vous posiez des questions personnelles, monsieur Bernalicis. Fermons cette parenthèse, je vous laisse régler la question avec ces éminents juristes.
Les événements prédéterminés servent à repérer des situations et non pas des personnes. Je m’adresse aux gens qui nous écoutent car chacun aura désormais compris le propos de La France insoumise : plutôt que de chercher à garantir la sécurité de nos concitoyens, il s’agit de faire de l’obstruction, sans doute pour mieux dénoncer une supposée violence étatique.
Répétons-le, les événements prédéterminés servent à repérer des situations et non pas des personnes. Puisque vous voulez des exemples, monsieur Bernalicis, en voici un : un départ de feu. Lors d’un événement, il n’est pas si bête de se servir des 400, 500 ou 600 caméras de vidéoprotection à la disposition des opérateurs pour repérer un départ de feu.
Autre exemple : un mouvement de foule, même s’il ne faut pas condamner tout mouvement de foule par nature puisque certains d’entre eux peuvent être positifs. Votre collègue de la France insoumise a d’ailleurs expliqué hier que certains départs de feu, comme les feux de la Saint-Jean, pouvaient aussi l’être. Imaginons un feu de la Saint-Jean lors d’un événement culturel, sportif.
Autres exemples : les goulets d’étranglement de population, comme ceux qui ont provoqué des difficultés dans le métro lors d’événements que nous avons évoqués ; un colis ou un sac abandonné.
M. Léo Walter
Vous l’avez déjà dit !
M. Ugo Bernalicis
Nous voulons la liste !
M. Gérald Darmanin, ministre
Que se passe-t-il ensuite ? Tout le monde a vu des murs d’images dans des séries télévisées – cela a dû vous arriver aussi, monsieur Bernalicis, entre deux vols de drones ou de goélands. Sur le mur d’images, apparaissent le sac abandonné, le départ de feu, le mouvement de foule et les événements qui y ont conduit.
C’est alors qu’intervient l’opérateur : un policier, un gendarme – en qui je sais que vous avez absolument toute confiance – ou des personnes agréées. Il lève ou non le doute, et, le cas échéant, il envoie des collègues sur le terrain pour constater que ce départ de feu ou ce mouvement de foule est normal ou anormal.
M. Sylvain Maillard
Rien de plus que cela !
M. Gérald Darmanin, ministre
Ce n’est rien d’autre que ça, comme le dit le président Maillard. Pour répondre à votre question, j’indique qu’il n’y a pas les sweats à capuche.
M. Ugo Bernalicis
Et les camionnettes blanches ?
M. Gérald Darmanin, ministre
On peut aussi énumérer tous les vêtements de la création. Personnellement, je suis là cet après-midi, à la disposition du Parlement, et je peux répondre à toutes vos questions. J’en avais aussi posé une. Pourquoi n’y avez-vous pas répondu, monsieur Bernalicis, vous qui êtes protecteur des libertés ? Je vous dis que la police et la gendarmerie ne font pas voler de drones.
M. Ugo Bernalicis
OK.
M. Gérald Darmanin, ministre
Ces institutions le feront dans le cadre voulu par le législateur et le Conseil constitutionnel, dès que le décret pris après avis de la Cnil – dont je vous ai dit d’ailleurs qu’il était positif – permettra d’en faire voler dans le respect des libertés individuelles.
En revanche, il existe des drones qui alimentent des réseaux sociaux soutenant vos thèses politiques. Je peux vous en donner beaucoup d’exemples si vous le souhaitez, mais comme vous êtes devant votre ordinateur, je suis sûr que vous les avez déjà repérés. Alimentés par drones, ces réseaux diffusent le visage de personnes, de mineurs, de policiers en action…
M. Sacha Houlié, président de la commission des lois
Sans aucune information préalable !
M. Gérald Darmanin, ministre
Sans aucune information préalable, vous avez raison de le souligner, monsieur le président de la commission des lois. Tout cela permet de soutenir ce que nous appellerons les mouvements d’humeur de certains groupes politiques, dont le vôtre. Vous ne répondez pas à la question basique que je vous pose à ce sujet, monsieur le député : trouvez-vous cela normal, classique, d’un point de vue moral ? Il serait intéressant que tout le monde puisse entendre votre réponse. Si vous répondez par l’affirmative, cela voudrait dire que vous avez moins confiance dans la police et dans la loi de la République que dans le vol de drones sauvages qui vous permettent, sélectionnant les images, de soutenir des thèses contre l’État et les policiers. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)
M. Sylvain Maillard
Je crains que ce ne soit le cas, monsieur le ministre !
(L’amendement no 424 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 425.
M. Ugo Bernalicis
Nous voulons entrer dans le cœur des algorithmes et savoir à quoi ils vont être utilisés. Nous avons une petite liste : mouvement de foule, départ de feu, goulet d’étranglement, sac, colis, donc pas de sweat à capuche.
M. Gérald Darmanin, ministre
Pas de réponse ?
M. Ugo Bernalicis
Je vais vous répondre, monsieur le ministre. Vous connaissez la technique : on répond d’abord à autre chose, puis on revient éventuellement sur le sujet initial.
M. Gérald Darmanin, ministre
Éventuellement…
M. Sacha Houlié, président de la commission des lois
Vous noyez le poisson !
M. Ugo Bernalicis
Il n’y a donc pas de sweat à capuche. Si nous posons la question des camionnettes, c’est parce que nous avons vu des reportages sur la vidéosurveillance intelligente montrant que certaines villes utilisent les caméras de manière un peu sauvage. L’alerte clignote, par exemple, dès qu’un scooter passe dans une rue où les scooters sont interdits, parce que ce critère fait partie des événements prédéterminés. C’est tout. Je n’invente rien d’extraordinaire en insistant sur le paramétrage. Ici, on cible les scooters ; là, on pourrait viser les vélos si tout cycliste est suspecté d’être un écoterroriste – pour prendre un exemple au hasard. (Mme Sandra Regol rit.)
M. Erwan Balanant
Oui, je suis un méchant écoterroriste !
M. Jean-Michel Jacques
Complotistes !
M. Ugo Bernalicis
Allez-vous faire clignoter les passages de vélo un peu partout ? Ces questions se posent.
Quant aux drones dont vous parlez, monsieur le ministre, j’aimerais savoir à qui ils appartiennent. Je n’ai pas vu d’images prises depuis les drones, mais des drones filmés par des gens.
M. Gérald Darmanin, ministre
Mais non, regardez ! (M. le ministre brandit son téléphone portable.)
M. Ugo Bernalicis
Si vous avez des sources, envoyez-les moi, pas de problème.
M. Erwan Balanant
Vous pouvez les poster sur Twitch !
M. Gérald Darmanin, ministre
Êtes-vous d’accord avec ces pratiques ?
M. Ugo Bernalicis
Nous pouvons aussi parler de ceux qui filment les policiers pendant les manifestations, depuis plusieurs jours, à pied et avec une ou plusieurs caméras. Le Conseil constitutionnel s’est déjà prononcé sur cet aspect du fameux article 24 de la loi du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés. Ce n’est pas la même chose d’être filmé par la puissance publique ou de filmer des policiers en tant que citoyen.
M. Jean-Michel Jacques
Tout dépend de ce que vous faites des images !
M. Ugo Bernalicis
Le régime juridique n’est pas le même, comme le savent tous les bons juristes qui sont au banc de la commission et au banc du Gouvernement.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Sacha Houlié, président de la commission des lois
Alors que l’article 7 prévoit une information du public par tout moyen, vous prévoyez un moyen restrictif d’informer. En fait, vous voulez restreindre la portée de l’information qui sera donnée au public. C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Je note que vous n’avez pas répondu à la question qui vous était posée : les manifestants peuvent-ils eux-mêmes utiliser des drones pour filmer les manifestations ?
M. Gérald Darmanin, ministre
Sans informer au préalable !
M. Sacha Houlié, président de la commission des lois