XVIe législature
Session ordinaire de 2022-2023

Première séance du jeudi 30 mars 2023

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Première séance du jeudi 30 mars 2023

Présidence de Mme Caroline Fiat
vice-présidente

Mme la présidente

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à neuf heures.)

    1. Lutte contre les arnaques et les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux

    Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’une proposition de loi

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de MM. Arthur Delaporte et Stéphane Vojetta visant à lutter contre les arnaques et les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux (nos 790, 1006).

    Présentation

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Arthur Delaporte, rapporteur de la commission des affaires économiques.

    M. Arthur Delaporte, rapporteur de la commission des affaires économiques

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    « Bref, mes bébés, par rapport aux lois des influenceurs, franchement c’est trop bien qu’ils aient fait ça. Moi, je suis complètement d’accord avec eux. Et là, y’a mon avocate qui est en train de me préparer genre tout ce que je dois faire parce qu’en fait, moi, avec mes réseaux, j’fais tellement de conneries […] j’ai pas envie de me prendre une amende ou de me faire suspendre […] donc franchement, je trouve ça bien […] qu’ils aient fait des lois, qu’ils encadrent ce métier, parce qu’influenceur, c’est un nouveau métier, donc y’a pas de loi […] mais il va falloir que je respecte toutes ces lois et, moi, ça me fait trop trop peur, je vous jure, mais je vais faire attention. »
    Chers collègues, comme Maeva Ghennam, qui incarne pour beaucoup les dérives de l’influence commerciale, faites attention à la loi qui arrive. Un grand nombre d’influenceurs nous soutiennent et attendent avec impatience l’entrée en vigueur de ce texte qui va imposer des règles là où règne surtout, pour l’instant, la loi de la jungle. Il est d’ailleurs pionnier, en Europe et dans le monde.
    Ce qui nous anime, c’est d’abord la volonté de protéger les victimes de l’influence. Elles sont tellement nombreuses ! Dropshipping, produits défectueux ou dangereux, promotion illégale de l’alcool, détournement de matériel médical pour faire maigrir, conseils bidon de santé rémunérés, promotion de placements financiers dangereux ou d’une pratique illégale de la chirurgie esthétique, absence de transparence sur le caractère promotionnel ou publicitaire des publications : une minorité d’influenceurs peu scrupuleux ont tout osé, jusqu’à s’enrichir frauduleusement en abusant de la confiance ou la crédulité des membres de leur communauté. Le chapitre II de la proposition de loi vise à mettre fin à ces différentes dérives.
    Prenons l’exemple de cette femme qui déclare : « Je me sens tellement bête… J’ai convaincu mon mari d’investir nos économies. Entre le trading, Animmon et les monnaies, on en est à une perte d’environ 10 000 euros. Tout ce qu’on avait réussi à économiser pour notre famille. » Grâce à notre proposition de loi, la honte doit changer de camp.
    Parce que nous croyons fermement que c’est au Parlement que se fabrique la loi – une idée qui pourrait sembler incongrue, dans un contexte politique où le Parlement a été maltraité,…

    M. Guillaume Kasbarian, président de la commission des affaires économiques

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    Mais non !

    M. Denis Masséglia

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    Ce n’est pas le moment !

    M. Arthur Delaporte, rapporteur

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    …où l’on a trop souvent l’impression que le Gouvernement préfère faire la loi seul contre les représentants du peuple –, nous avons fait le choix de constituer, autour de ce texte, ce que mon collègue corapporteur Stéphane Vojetta appelle avec malice une « bulle de paix » pour produire une bonne loi.
    Une bulle de paix où convergent les vues de ce député de la majorité et du député de l’opposition que je suis et qui a défendu, ici même, en février, au nom du groupe Socialistes et apparentés, une proposition de loi visant à définir et à réguler l’influence. Cette bulle s’est élargie aux trente membres du groupe de travail que nous avons créé fin février, en intégrant notamment Aurélien Taché et Nadège Abomangoli, également auteurs d’une proposition de loi sur le sujet.
    Une bulle de paix où le Parlement a été soutenu dans son activité législatrice par le Gouvernement – il faut le saluer –, qui avait lancé, sous l’égide de Bruno Le Maire, des rencontres de l’influence à Bercy, lesquelles ont abouti à des conclusions proches des nôtres.
    Cette bulle de paix semble désormais s’étendre – c’est suffisamment rare pour le mentionner – à la sphère des réseaux sociaux. De Nota Bene à Seb la Frite ou à Melanight, que nous avons reçue lundi soir et qui se dit « repentie », tout l’écosystème de l’influence se félicite de la présentation d’un texte équilibré et pourtant contraignant.
    Cette bulle de paix existe grâce aux victimes et aux lanceuses ou lanceurs d’alerte d’hier et d’aujourd’hui qui nous ont accompagnés et qui soutiennent ce texte pour que les dérives s’arrêtent – je pense notamment au collectif d’aide aux victimes d’influenceurs (AVI).
    La proposition de loi, nous aurons l’occasion d’y revenir, s’articule autour de quatre points cardinaux : clarifier, encadrer, responsabiliser et éduquer. Notre boussole, je l’ai dit, est la protection des consommateurs et de la santé publique. Nous ne voulons plus recevoir des témoignages tels que celui-ci : « J’avais commandé […] une machine à enlever les points noirs pour ma fille avec Snap […], j’ai jamais eu le remboursement. J’ai acheté aussi Pin-up secret pour l’acné de ma fille, une catastrophe : ça sèche et empire. »
    Ce capitalisme charismatique qui avance sous le couvert d’une « morale sanitaire », pour reprendre l’expression du chercheur Joseph Godefroy, a des effets sur les corps et les vies. Nous définissons ce qu’est l’influence commerciale à l’article 1er, afin de mieux l’encadrer.
    Je conclurai mon propos rappelant que nous faisons ici le droit et non la morale.

    M. Guillaume Kasbarian, président de la commission des affaires économiques

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    Nous sommes d’accord !

    M. Arthur Delaporte, rapporteur

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    Les réseaux sociaux sont une opportunité formidable pour l’expression des talents. Nous devons accompagner ces nouveaux modes de création et de consommation, mais aussi les encadrer.
    « […] J’inspire les gens
    Les petits, les grands
    J’suis belle, j’fais du make-up […]
    J’veux la fame sans les responsabilités
    La flemme, donc je fais de la quantité
    Ça m’peine quand dans les médias on parle de moi
    Pour m’dire combien je gagne dans l’mois », rappe Squeezie dans son titre « Influenceurs ».
    Il ne tient qu’à nous de faire en sorte que les influenceurs, désormais responsabilisés, ne soient plus l’objet de l’opprobre public et que l’inventivité de nos créateurs de contenus devienne la source d’une fierté collective. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LFI-NUPES et GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Stéphane Vojetta, rapporteur de la commission des affaires économiques.

    M. Stéphane Vojetta, rapporteur de la commission des affaires économiques

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    Les réseaux sociaux font désormais partie de notre quotidien, qu’on le veuille ou non. Le génie est sorti de sa bouteille il y a déjà bien longtemps, et il faut reconnaître qu’il se comporte trop souvent en mauvais génie. Écoutons, par exemple, les influenceurs Marc et Nadé Blata nous parler d’argent facile : « Gagner beaucoup d’argent dans le digital, c’est possible. On l’avait fait avec le copy trading, avec les cryptomonnaies […]. Marc n’a plus rien à prouver quand il s’agit de savoir comment faire de l’argent ».
    Ces discours récurrents sur les réseaux sociaux qui font miroiter l’argent facile, qui imposent des standards physiques irréalistes et inatteignables finissent par façonner le développement psychique et cognitif de nos enfants et de nos adolescents, mais aussi de nombreuses femmes et de nombreux hommes.
    Les consommateurs et les épargnants, quant à eux, ne se contentent plus de réaliser leurs achats en ligne ou d’investir directement sur des plateformes électroniques. Ce sont désormais leurs choix et leurs décisions qui sont dictés et formatés par les réseaux sociaux, à travers des personnes qui promeuvent des produits en échange d’une contrepartie économique. Cela s’appelle l’influence commerciale et ceux qui l’exercent sont nommés influenceurs.
    Les contenus à caractère promotionnel qu’ils proposent constituent la principale source de financement d’une activité par ailleurs souvent créative et passionnante. Cette influence commerciale est devenue un canal stratégique et légitime pour le marketing de nos produits, de nos marques, de nos annonceurs. Un canal qui brasse des milliards d’euros et qui, la plupart du temps, se comporte de manière éthique et légale – mais pas toujours.
    Trop souvent, des influenceurs commerciaux, parfois par naïveté mais fréquemment à dessein et de manière organisée, contournent la loi dans leur recherche d’un gain personnel fondé sur la tromperie d’un consommateur pris au piège par la confiance installée entre l’influenceur et son audience. Cela s’appelle tout simplement une arnaque : arnaque au dropshipping, aux abonnements cachés ou au compte personnel de formation (CPF), pratiques médicales douteuses, copy trading ou structures pyramidales : les exemples abondent, hélas.
    Nous sommes réunis ce matin pour encadrer cette activité d’influence commerciale, pour mettre fin à ses dérives et pour dire à ceux qui en sont victimes que nous les avons entendus. Ces victimes existent ; nous les avons reçues dans nos bureaux et à la commission des affaires économiques. Nous les avons écoutées raconter les petits et les grands drames de ceux qui ont suivi ces conseils et perdu leurs quelques centaines ou milliers d’euros d’épargne en misant tout sur le rouge alors que c’est le noir qui est sorti ou en pariant sur la mauvaise cryptomonnaie, ou ces histoires tragiques de pratiques médicales bâclées ou frauduleuses, dont les victimes porteront les stigmates bien longtemps dans leur chair et dans leur âme. C’est aussi au nom de ces victimes que nous devons agir.
    Plutôt que citer un rappeur, je préfère convoquer les mots de Bono, le leader du groupe irlandais U2, que j’ai entendu un jour expliquer que l’on peut être en désaccord sur presque tout mais que, tant que la chose sur laquelle on est d’accord est suffisamment importante, alors oui, on peut travailler ensemble.
    Arthur Delaporte et moi ne partageons pas les mêmes idées : nul besoin de dresser ici la liste de nos nombreux désaccords. Mais en choisissant de nous faire confiance mutuellement, nous avons décidé que l’encadrement de l’influence était une cause suffisamment importante. Nous avons donc choisi de travailler ensemble, et je le remercie d’avoir accepté la main tendue. L’union était nécessaire afin d’éviter les textes contradictoires et les batailles partisanes.
    Je veux également remercier ceux de nos collègues qui ont voulu travailler avec nous de m’avoir démontré que nous pouvons parfois oublier nos discordes habituelles. Je remercie enfin le groupe Renaissance pour son soutien et sa volonté de relever le défi, volonté dont témoigne le temps d’examen réservé à ce texte dans le cadre de la niche Renaissance.
    Ce texte se nourrit notamment des conclusions des travaux du ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ; je pense entre autres aux tables rondes de Bercy, qui ont réuni toutes les parties prenantes du secteur, ainsi qu’à la consultation publique, qui a rassemblé des dizaines de milliers de contributions.
     
    La proposition de loi n’a qu’une boussole – protéger les consommateurs – et ses quatre points cardinaux sont : clarifier, encadrer, responsabiliser et éduquer.
    La clarification des règles, Arthur Delaporte vient de l’évoquer.
    Encadrer, c’est rendre obligatoire l’établissement d’un contrat écrit entre l’influenceur et son agence ou son annonceur. C’est aussi rendre l’application de la loi française incontournable et s’assurer que la responsabilité civile des acteurs soit engagée, et ce même s’ils exercent leur activité depuis l’étranger.
    Responsabiliser, c’est appliquer le règlement européen relatif à un marché unique des services numériques, le DSA, à l’influence commerciale pour imposer aux plateformes une série d’obligations : elles doivent mettre à disposition du public des outils de signalement efficaces, répondre aux signalements et collaborer avec nos autorités.
    Enfin, car il faut toujours penser d’abord à notre jeunesse, éduquer, c’est intégrer la notion de sensibilisation contre les dangers d’ordre commercial au sein de la formation aux risques numériques dispensée dans nos établissements scolaires.
    Tout cela aboutit à un texte qui propose d’établir, pour la première fois en Europe, un encadrement transversal de l’activité d’influence commerciale, un texte qui pourra inspirer d’autres pays, voire l’Union européenne.
    Je ne peux pas conclure mon propos sans avoir un mot pour ma responsable de texte, Violette Spillebout, qui a subi mardi une agression intolérable. Merci à toi, Violette, d’être parmi nous, malgré tout. Merci pour ton courage et pour ton engagement, notamment au service de cette cause, qui, je le sais, te tient particulièrement à cœur. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

    M. Guillaume Kasbarian, président de la commission des affaires économiques

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    L’économie, le monde de l’entreprise et les habitudes des consommateurs évoluent parfois plus rapidement que le temps politique. C’est pourquoi le législateur doit régulièrement prendre en compte ces évolutions ; il s’agit de protéger non seulement la société, mais aussi les acteurs économiques, à commencer par les consommateurs. C’est l’objet de cette proposition de loi.
    La régulation de l’activité des influenceurs était fortement attendue en raison des dérives observées ces dernières années, des dérives qui sont l’œuvre d’une minorité d’individus, mais qui ont connu un retentissement médiatique certain. Les influenceurs font partie de la vie quotidienne de nos concitoyens ; ils ont de grandes communautés d’abonnés qui suivent leurs publications et leurs recommandations avec attention. Notre objectif n’est pas de freiner leur développement, mais de faire en sorte qu’ils évoluent dans un cadre éthique acceptable.
    Car, oui, des pratiques inacceptables se sont développées ces dernières années. Nous en avons eu des témoignages lors des auditions menées par les rapporteurs dans le cadre des deux tables rondes organisées par la commission des affaires économiques. Des représentants de collectifs de victimes d’influenceurs et des personnalités qui, chaque jour, luttent contre les arnaques en ligne nous ont dit combien certaines pratiques délictueuses pouvaient briser des vies, en faisant subir, par exemple, des pertes financières significatives ou, pire encore, en portant atteinte à la santé d’un public souvent jeune qui croit avoir établi un lien de confiance avec des personnes abusant de leur notoriété. Nous ne pouvons pas laisser cette situation perdurer.
    Quant à l’immense majorité des influenceurs qui ne cherchent pas à abuser ceux qui les suivent, la loi se doit d’intervenir pour les protéger, non seulement en sanctionnant les brebis galeuses mais aussi en précisant les règles en vigueur, ce qui favorisera le développement de leur activité. Tel est l’objet du texte qui nous est soumis.
    Je me réjouis que celui-ci ait suscité un fort intérêt au sein de la société civile et que son contenu ait été fortement commenté par voie de presse ainsi que sur les réseaux sociaux. J’observe que nombreuses sont les réactions favorables à cette initiative, et j’espère qu’elles seront tout aussi positives à l’issue de l’examen du texte en séance publique.
    Je tiens à saluer, en ces temps politiques mouvementés, une initiative parlementaire qui démontre que nous sommes capables de travailler ensemble, au-delà des clivages habituels. Arthur Delaporte a défendu une première proposition de loi lors de la niche du groupe Socialistes et apparentés de février dernier. Son travail a permis de commencer à avancer sur ce sujet, et je le remercie d’avoir accepté de retirer son texte au profit d’une proposition de loi transpartisane, qui a pour rapporteurs un élu de l’opposition – lui-même – et un élu de la majorité, Stéphane Vojetta. Je les félicite pour leur initiative et pour leur volonté, constamment réaffirmée tout au long de leurs travaux, de faire prévaloir une logique de coconstruction transpartisane de la loi.
    Je salue aussi l’engagement du Gouvernement sur cette question, madame la ministre déléguée, chère Olivia, au travers notamment de l’organisation d’une grande consultation destinée à mieux cerner les attentes de nos concitoyens et à y répondre. J’espère que nos débats seront riches – je sais qu’ils le seront –, car nous partageons un objectif commun et qu’il nous faut trouver le meilleur chemin pour l’atteindre.
    Ce texte vise juste car il se concentre sur l’essentiel : poser une définition de l’activité d’influence commerciale par voie électronique, établir des interdictions ciblées sur les situations les plus problématiques et permettre d’organiser de façon souple les relations entre les influenceurs, leurs agents et les annonceurs. Sur tous ces points, il nous faut trouver les bons équilibres.
    Monsieur Delaporte, j’ai beaucoup aimé ce que vous avez dit tout à l’heure : nous faisons le droit, pas la morale. Nous devons donc suivre des principes simples pour légiférer ; les règles qui s’appliquent aux communications commerciales sur internet, à la publicité papier, à la télévision ou encore à la radio doivent également s’appliquer aux influenceurs, ni plus ni moins. Il n’y a aucune raison en effet d’interdire seulement aux influenceurs des pratiques qui seraient légales dans les communications sur internet, dans la publicité papier, à la télévision ou encore à la radio.
    Les rapporteurs peuvent témoigner de l’attachement de notre commission à ce principe de cohérence, cher à nous tous, qui a été au cœur de nos travaux la semaine dernière, et je ne doute pas un seul instant que nos débats en séance publique y seront également fidèles. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme.

    Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme

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    Si quelqu’un m’avait dit, il y a dix ans, que j’aurais un jour l’honneur de monter à cette tribune en tant que ministre pour prononcer le nom de Nabilla Benattia, je ne l’aurais pas cru, sans savoir au juste ce qui m’aurait paru le plus incroyable : le fait d’être ministre ou le fait d’être ici, devant la représentation nationale, à parler de Nabilla ?
    Mais le monde est ainsi. En dix ans, la politique s’est ouverte à de nouvelles personnalités et la société, à de nouveaux horizons. Il y a dix ans donc, presque jour pour jour, la France entière faisait la connaissance de Nabilla, qui s’inquiétait de ne pas avoir de shampooing. À l’époque, on se moquait ; aujourd’hui, elle est prise très au sérieux, comme de nombreux autres influenceurs, par tous les experts en opinion publique, qui savent que leurs prises de parole peuvent avoir des effets massifs, décisifs, sur la décision d’achat de pas moins de 42 millions de nos compatriotes.
    La vie évolue parfois plus rapidement que la vie politique, vient de dire justement le président Kasbarian. Il n’est donc pas nouveau que des célébrités se fassent les ambassadeurs d’une marque ou d’une entreprise. Ce qui est nouveau, c’est la manière dont la publicité s’invite chez les gens. Les réseaux sociaux ont créé un canal de publicité aussi révolutionnaire, en réalité, que l’installation de la télévision dans nos foyers. Avec une instantanéité dont tous les publicitaires ont bien compris l’enjeu, 42 millions de Françaises et de Français achètent et ont acheté l’an passé sur internet. Plus de 22 millions le font par l’intermédiaire de leur téléphone, et je pense ne pas trop m’avancer si j’émets l’hypothèse qu’il s’est même déjà trouvé une ou un député qui a fait ses courses depuis l’hémicycle. Comme je ne veux froisser personne, nous dirons qu’une telle scène a forcément dû avoir lieu pendant la précédente législature, certainement lors d’une suspension de séance, à n’en pas douter sur une plateforme française, et pour un article absolument indispensable, c’est évident. (Sourires.)
    Ce qui est nouveau, c’est donc le canal et cette relation innovante que des personnalités ont construite avec les consommateurs. Dans ces nouveaux modes de consommation, les influenceurs, créateurs de contenus, ou quel que soit le nom qu’ils s’attribuent, sont des prescripteurs d’opinion par l’intermédiaire des réseaux sociaux. Le canal a changé, mais pas tellement le flux. Notre droit civil et commercial s’applique à ces pratiques, tout comme les règles de création d’activité de droit commun. L’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) communique régulièrement sur ce cadre juridique à travers différents canaux, et la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) est avertie des éventuelles pratiques douteuses par le site SignalConso, qui sera d’ailleurs bientôt disponible sous la forme d’une application mobile que j’aurai le plaisir de lancer dans les prochaines semaines.
    Rien n’interdit de faire de la publicité, que ce soit sur une bonne vieille affiche ou sur un réseau social ; mais internet n’est pas une zone de non-droit et, où que vous alliez, la DGCCRF saura vous rappeler à l’ordre. Mme Benattia-Vergara en est devenue un exemple à ses dépens – et je promets ici d’arrêter les mentions de son cas. Au terme d’une enquête de la DGCCRF, elle a été condamnée, en juillet 2021, à une amende pour pratiques commerciales trompeuses.
    Pourtant, je vous l’accorde, ce cadre juridique n’est pas suffisamment connu par les influenceurs eux-mêmes et, à plus forte raison, par les consommateurs. Dans le même temps, le caractère diffus des réseaux sociaux facilite les pratiques illégales. C’est un constat d’autant plus regrettable, comme l’ont dit les rapporteurs, que près de la moitié des personnes suivant les influenceurs ont entre 15 et 24 ans, une population pour qui acheter en ligne est aussi naturel, voire plus naturel, que de pousser un caddie. Nous avons donc, d’un côté, des dizaines de milliers d’influenceurs qui ne connaissent pas tous leurs devoirs et, de l’autre, des dizaines de millions d’influencés qui ne connaissent pas tous leurs droits.
    Le risque est clair, et je sais que nous partageons ici les mêmes constats, les mêmes inquiétudes. Je veux sincèrement me féliciter, d’ailleurs, de voir que tous les groupes se mobilisent sur le sujet. Je veux aussi sincèrement saluer la qualité des travaux de tous les groupes – en particulier des groupes Socialistes et apparentés et Renaissance – et l’engagement des rapporteurs Delaporte et Vojetta, qui ont permis d’aboutir à un texte transpartisan, qui a été voté à l’unanimité en commission et qui démontre, s’il en était besoin, que nous savons parfois, dans l’intérêt de nos compatriotes, transcender les clivages politiques : c’est la bulle de paix, joliment nommée par Stéphane Vojetta.
    Le texte dont nous allons discuter s’inscrit dans la parfaite continuité de la vaste consultation lancée par Bruno Le Maire en décembre dernier et dont les conclusions ont été rendues la semaine dernière, après recueil des avis de plus de 400 professionnels et de près de 20 000 de nos concitoyens.
    Je note tout d’abord que le Gouvernement, les députés et les Français se rejoignent sur la nécessité de définir l’influence commerciale – c’est l’objet de l’article 1er du texte. Cette définition a été minutieusement travaillée et construite ; j’en salue la portée car elle nous permettra de promouvoir plus efficacement les outils déjà ou bientôt à notre disposition. Des outils légaux, comme les contrats écrits entre les annonceurs et les influenceurs, entre les agences et les influenceurs, dont le Gouvernement demandera avec vous la systématisation ; mais aussi des outils d’accompagnement, comme le guide de bonne conduite des influenceurs et créateurs de contenus, présenté la semaine dernière par Bruno Le Maire et disponible en ligne.
    Dans ce cadre renforcé, nous devons veiller ensemble à ce que les dispositions dont nous discuterons aujourd’hui ne créent pas une publicité à deux vitesses. Un cadre renforcé ne veut pas dire un cadre rabougri. Contrairement à ce qu’on a pu lire dans une tribune ce week-end, il n’est pas question de restreindre l’activité d’influence commerciale davantage que la publicité commerciale ne l’est déjà. Ainsi que je l’ai dit, notre droit contient déjà bon nombre de contraintes, auxquelles les réseaux sociaux n’échappent pas. C’est particulièrement vrai si l’on se réfère au DSA, qui entrera en vigueur prochainement et qui prévoit une meilleure régulation des réseaux et des activités auxquelles ils donnent lieu.
    Cette proposition de loi ne doit pas être détournée de son objet premier. Ce n’est ni une loi sur la publicité ni une loi sur les pratiques comportementales. C’est une loi au service d’un métier naissant, exercé par des personnes qui ont à cœur, pour l’immense majorité d’entre eux, de bien faire leur travail. C’est parce que nous soutenons leur métier, ce nouveau segment économique, que nous soutenons cette proposition de loi.
    Ici, comme l’a dit le rapporteur Delaporte, c’est la loi qui se bâtit, et non la morale. Je sais que les parlementaires sont pleinement sensibilisés à ces problèmes, et c’est tout l’intérêt d’un texte construit par les députés, en lien étroit avec les acteurs, les Français et les administrations. Un texte où personne n’agit, pour le coup, en influenceur puisque, précisément, nous ne faisons la promotion que d’une seule cause, l’intérêt général, sans autre contrepartie que celle de savoir qu’ensemble, nous parviendrons à mieux protéger nos concitoyens.
    Clarifier, encadrer, responsabiliser, éduquer, a rappelé le rapporteur Vojetta, voici l’objectif de cette journée – la quadrature du cercle. Je rappelle pour terminer que, grâce à vous et avec vous, en plus des travaux menés sous l’égide de Bruno Le Maire, à Bercy, ces derniers mois, la France sera possiblement ce soir, grâce à l’initiative parlementaire, la première nation européenne à disposer d’un véritable cadre complet d’accompagnement et de protection de l’influence commerciale. Pour cela, je commence la journée par vous remercier pour cette initiative et ces travaux qui me semblent absolument indispensables. (Applaudissements sur l’ensemble des bancs.)

    Discussion générale

    Mme la présidente

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    Dans la discussion générale, la parole est à Mme Violette Spillebout.

    Mme Violette Spillebout

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    S’il y a bien un sujet qui déchaîne les passions, c’est celui de l’influence sur les réseaux sociaux, une influence pratiquée par de nouvelles stars, qui partagent leurs passe-temps en direct, du matin au soir, souvent avec originalité et humour, et deviennent ainsi progressivement les idoles des jeunes.
    Pour beaucoup d’entre eux, ces influenceurs sont de véritables créateurs de contenus et parfois même des artistes. Ils se professionnalisent en matière de mise en scène, de décors, de stylisme et de montage pour partager avec leurs fans des émotions – joies, peines, colères – mais aussi des conseils en tout genre : avancer dans un jeu vidéo, résoudre un problème de bricolage, consommer de manière plus responsable, s’habiller tendance, faire de la cuisine santé, choisir une sortie culturelle ou encore fabriquer soi-même. Beaucoup d’influenceurs sont entrés dans la vie des gens de manière positive : ils les inspirent, les motivent, et c’est tant mieux. Ces personnalités sont considérées comme des modèles par beaucoup de nos jeunes ; elles sont aussi, ne l’oublions pas, créatrices d’emplois grâce à leurs agences.
    Il est temps, donc, de mieux définir leur statut, après plus de dix ans de vide juridique. Qu’on ne se méprenne donc pas : cette proposition de loi n’a pas vocation à punir les créateurs de contenus et leurs agences ; nous voulons avant tout mieux définir le statut de l’influence commerciale, mais aussi réguler cette nouvelle activité et surtout lutter contre tous les types d’arnaque, de contrefaçon et autres pratiques commerciales frauduleuses, qui font bien trop souvent la une de nos médias. Qui d’entre nous n’a pas déjà été alerté par l’un de ses administrés au sujet d’une dérive de l’influence en ligne, ou sollicité par la victime d’un influenceur, sur les réseaux sociaux ou sur une plateforme ?
    Au départ, c’est une promesse, celle de la beauté éternelle, d’une pilule miracle guérissant le cancer, d’injections à moins 50 % ou encore d’un placement financier qui rapporterait 15 % sur les six prochains mois. Pour les annonceurs et les marques, ces prescripteurs 2.0 à forte notoriété sont les clients idéaux pour faire la promotion de leur produit miracle et développer leurs profits. Mais, derrière les belles promesses de ces vendeurs de rêve, gare aux mirages et aux désillusions en cascade. Les victimes sont vulnérables, naïves parfois, car elles font confiance à leurs idoles. Nous parlons donc bien ici d’arnaques mais aussi d’abus de confiance, et c’est grave. Nous devons éviter que de nouvelles personnes soient victimes de placements financiers frauduleux, de produits de blanchiment dentaire dangereux ou encore d’escroqueries au compte personnel de formation, dérives émanant encore bien trop souvent d’influenceurs à forte notoriété, issus pour beaucoup de la téléréalité.
    Protéger, c’est donc la préoccupation que nous partageons tous. Je suis intimement persuadée que nous voulons tous une meilleure protection du statut de l’influenceur, un meilleur encadrement des relations entre les créateurs de contenus et leurs agents, et un renforcement des sanctions contre les arnaques.
    L’ensemble des auditions, qui ont nourri nos échanges, la qualité de nos débats en commission, et l’important travail de nos collègues de tous les groupes, qui ont déposé de nombreux amendements, augurent d’un moment fort aujourd’hui dans l’hémicycle. En nous gardant de faire des jugements moraux et en nous en tenant à l’application stricte de la loi pour tous et à la protection renforcée de nos enfants, je suis convaincue que nous saurons voter ensemble cette proposition de loi transpartisane, destinée avant tout à protéger les consommateurs.
    Cet enjeu est d’ailleurs également pris à bras-le-corps par le Gouvernement, Bruno Le Maire ayant présenté vendredi dernier un guide de bonne conduite des influenceurs – guide qui confirme la pertinence et l’utilité de ce texte unique en Europe. Je vous remercie, madame la ministre déléguée, d’être à nos côtés pour ce moment fort.
    Mes chers collègues, nous avons une responsabilité importante et une chance inouïe : celle de pouvoir protéger les victimes et de structurer la nouvelle filière de l’influence sur les réseaux sociaux et les plateformes. Je remercie sincèrement et de manière appuyée nos deux corapporteurs, Stéphane Vojetta et Arthur Delaporte, avec qui nous avons beaucoup travaillé, en bonne intelligence, d’agir si concrètement avec cette très belle proposition de loi, que le groupe Renaissance soutient et cherchera à enrichir. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem ainsi que sur les bancs des commissions.)

    M. Emmanuel Pellerin

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    Bravo !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Hervé de Lépinau.

    M. Hervé de Lépinau

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    Nous conviendrons que le sujet de la réglementation du marché de l’influence n’est pas à prendre à la légère. En effet, les premières cibles de ces influenceurs, stars des réseaux sociaux parfois suivies par plusieurs millions d’anonymes, sont nos enfants, nos adolescents, de jeunes adultes qui, pour certains, ont été exposés quotidiennement et pendant plusieurs années au poison de la téléréalité. Ce lien télévisuel, qui se poursuit numériquement sur les réseaux sociaux, crée une chimère d’intimité, une impression de confiance entre l’influenceur et son public. Il n’en faut pas moins à des individus malintentionnés pour abuser de cette confiance factice, bâtie sur des illusions, des paillettes, et une dose importante de buzz.
    Certains s’en donnent d’ailleurs à cœur joie ! En effet, dans une enquête menée depuis 2021, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes relève que six influenceurs sur dix enfreignent la loi. Nous mesurons donc le nombre de victimes potentielles, au mieux trompées, au pire escroquées, et en définitive abusées.
    Ce haut niveau d’infraction est symptomatique du caractère informel de cette activité et des conditions de sa professionnalisation. Que cela fasse suite à une participation à une émission de télévision ou non, et que cela consiste au partage régulier de son quotidien, de messages humoristiques ou de productions artistiques ou vidéoludiques,…

    M. Denis Masséglia

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    Avec des chats !

    M. Hervé de Lépinau

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    …on ne choisit pas d’être influenceur : on le devient progressivement, par la force des choses. Il n’existe pas de formations sérieuses et qui ne soient pas elles-mêmes trompeuses pouvant garantir la transformation d’un parfait quidam en influenceur. L’absurdité de cette profession est qu’elle est réservée à des amateurs.
    De plus, affirmons-le, cette activité n’a rien de révolutionnaire. Les influenceurs ne sont rien d’autre que des publicitaires et, à ce titre, sont soumis aux mêmes textes de loi que n’importe quelle agence de publicité. C’est une évidence, mais cela va mieux en le disant : si la DGCCRF relève des infractions, c’est bien qu’un cadre existe. Nous sommes donc très loin du no man’s land parfois décrit dans les médias et même par certains parlementaires. Dès lors, notre travail doit être de trouver des solutions pour former les influenceurs au droit s’appliquant à leur activité.
    Réciproquement, on ne peut que déplorer que les cibles des influenceurs ne soient pas suffisamment armées pour faire face aux dangers qu’elles courent. La situation est d’autant plus préoccupante que, d’après l’agence Heaven, 87 % des enfants français de moins de 13 ans ont au moins un compte sur les réseaux, qu’ils utilisent régulièrement. À cet égard, lors de l’examen du texte en commission, le groupe Rassemblement national avait déposé un amendement visant à instaurer des cours de prévention dans les établissements scolaires : il avait curieusement été jugé irrecevable alors qu’il était similaire à l’article 5 de la proposition de loi.

    M. Nicolas Meizonnet

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    C’est vrai !

    M. Hervé de Lépinau

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    Bien que nous n’ayons pas été officiellement invités aux discussions transpartisanes sur ce texte, nous souhaitons tout de même vous remercier, messieurs les rapporteurs, pour cette main tendue sous le manteau.
    Cela étant dit, vos propositions demeurent lacunaires, quand elles ne se bornent pas à rappeler ce qui existe déjà. Par exemple, nous peinons à comprendre comment votre texte permettra de forcer les influenceurs installés à l’étranger à se faire représenter légalement en France, étant donné que c’est cette représentation qui constituera la condition sine qua non pour leur opposer le droit français.
    Par ailleurs, tant que le Gouvernement multipliera les effets d’annonce sans engager de moyens financiers suffisants, nous aurons beau jeu de légiférer. Prenez la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes : depuis 2007, ses effectifs ont diminué d’un quart, soit 911 équivalents temps plein (ETP) en moins, alors que ses missions sont de plus en plus larges avec le développement du commerce en ligne.
    Le groupe Rassemblement national ne contribuera toutefois pas à faire de ce texte une occasion manquée : nous sommes ici pour faire œuvre utile pour les Français. Cette proposition de loi n’est selon nous ni plus ni moins qu’une tentative, non pas vaine mais inaboutie, que nous tâcherons d’améliorer au nom de l’intérêt général et du bien commun. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Nadège Abomangoli.

    Mme Nadège Abomangoli

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    C’était très attendu, nous examinons enfin un texte visant à répondre aux victimes des arnaques de certains influenceurs : je dis bien « certains », les influenceurs concernés, essentiellement issus de la téléréalité, devant être distingués des simples créateurs de contenus. Cette proposition de loi est donc non seulement destinée aux consommateurs, mais aussi aux professionnels de ce secteur dont l’image s’est fortement dégradée en raison des turpitudes de quelques-uns, très visibles et protégés par leur notoriété – c’est un paradoxe.
    À cet égard, je tiens à saluer le travail admirable accompli par le collectif AVI, par Audrey Lunique, par le site Signal-Arnaques, par le youtubeur Le Radis irradié, ou encore par l’application Stop Arnaque. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Grâce à leur travail d’information et de plaidoyer, ces personnes et organisations ont conduit à ce que les pouvoirs publics prennent enfin la mesure du phénomène.
    Pendant trop longtemps, les consommateurs n’ont eu pour seule réponse qu’une vidéo du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique appelant les influenceurs à la responsabilité. Manifestement, cet appel n’a pas été suffisant : les chartes de bonnes intentions n’engagent que celles et ceux qui y croient. C’est pourquoi, avec Aurélien Taché, du groupe Écologiste-NUPES, et mon collègue François Piquemal, nous avons lancé des pistes de réflexion au travers de deux propositions de loi, afin de mieux protéger les victimes, de renforcer les moyens alloués à la répression des fraudes, et d’accroître la responsabilité des plateformes. À cette réflexion collective s’ajoute également le travail de ma collègue Ségolène Amiot en faveur de la protection des mineurs (M. François Piquemal applaudit), car de trop nombreux influenceurs exploitent l’image de leurs enfants sans aucune forme de protection.

    M. Arthur Delaporte, rapporteur

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    C’est vrai !

    Mme Nadège Abomangoli

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    Les pratiques illégales de certains influenceurs sont multiples et se renouvellent au gré des tendances du moment. Vous les avez citées, il s’agit du dropshipping, des arnaques au CPF, de la promotion illégale de la chirurgie, ou encore des investissements douteux dans les cryptomonnaies – autant de pratiques pouvant susciter de la détresse chez les consommateurs. En effet, ces arnaques et ces dérives peuvent être sources de précarité et de mise en danger physique ou psychologique.
    Ces pratiques tendent également à créer une ambiance nauséabonde de règlement de comptes sur les réseaux sociaux. Des lanceurs d’alerte sont intimidés, voient leur identité révélée pour avoir osé dénoncer des pratiques d’« influvoleurs » – terme popularisé par Booba – et certains sont même victimes de procédures judiciaires bâillons. Des employés de plateforme font l’objet de menaces de mort, car ils ont suspendu tel ou tel compte.

    M. Arthur Delaporte, rapporteur

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    Je confirme !

    Mme Nadège Abomangoli

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    Et certains influenceurs ayant fait la promotion illégale de produits, en pleine conscience ou par mégarde, se retrouvent aussi harcelés. Il est donc temps que la puissance publique dispose des moyens d’agir et qu’une régulation acceptée par toutes et tous soit instaurée. (M. Arthur Delaporte, rapporteur, applaudit.)
    En outre, nous n’oublions pas qu’il s’agit ici de réguler une activité attractive – cela a été rappelé par les précédents orateurs. Ces modes de création et de communication donnent de la visibilité à des parcours, à des visions de la société et à des productions artistiques qui ne seraient pas diffusées ailleurs. Oui, certaines plateformes ont permis à de nombreux créateurs de sortir de l’anonymat, alors qu’ils n’auraient sans doute pas percé si facilement dans la télévision ou le cinéma, secteurs bien plus fermés socialement.
    Il n’est donc pas question de jeter la pierre aux créateurs de contenus, mais un fort enjeu éthique est attaché à cette démarche de régulation. Disons-le, chers collègues : bon nombre de pratiques commerciales illégales et d’escroqueries en ligne tombent déjà sous le coup de la loi.
    En revanche, la superstructure détermine le comportement de l’infrastructure. Les pratiques frauduleuses de certains naissent des manquements de l’État et des plateformes. Il nous faut donc traiter le problème à la source, en nous penchant sur le rôle des plateformes et sur le manque systémique de moyens de l’État. L’implication totale de la justice et de l’administration est la clé : c’est à elles de faire appliquer la loi et à personne d’autre. Aucun signalement n’aura jamais la force de la chose contrôlée et jugée.
    Le marché de l’influence a été multiplié par dix depuis 2016, représentant désormais 16 milliards d’euros. Les moyens de l’État ont-ils été renforcés en parallèle ? Le site SignalConso, dont vous avez parlé, madame la ministre déléguée, n’a pas produit de résultats probants. En définitive, peu de moyens ont été consacrés jusqu’aux récentes annonces du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Nous les saluons et les suivrons de près, afin qu’elles soient suivies d’actes et de faits.
    De nombreuses mesures contenues dans la proposition de loi vont également dans le bon sens. Le texte reprend notamment nos propositions relatives aux signaleurs de confiance et aux moyens alloués à la DGCCRF : je suis heureuse de constater que le ministre a fait siennes certaines de nos idées.
    Au nom du groupe La France insoumise-NUPES, je salue aussi le caractère inclusif du travail transpartisan mené par les rapporteurs Vojetta et Delaporte, même si nous déplorons que le groupe Renaissance ait choisi de ne pas soutenir plusieurs interdictions, notamment celle de la promotion des paris sportifs, ciblant délibérément les plus jeunes et les plus précaires.
    Nous estimons en effet que les moyens d’agir et de se défendre, au service des citoyens, doivent être musclés et que certaines promotions doivent être interdites : il y va de la crédibilité de tous les acteurs. Le groupe LFI-NUPES prendra toute sa part dans la discussion qui s’ouvre, afin de faire émerger un texte au plus près des besoins. Nous serons particulièrement vigilants sur deux points majeurs : les paris sportifs, que je viens d’évoquer, et les placements financiers risqués, ces derniers ayant d’ailleurs largement motivé nos initiatives parlementaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES ainsi que sur les bancs des commissions.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Virginie Duby-Muller.

    Mme Virginie Duby-Muller

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    Notre assemblée examine aujourd’hui un texte visant à davantage réguler le secteur de l’influence et ses 150 000 créateurs de contenus aux audiences diverses. Alors que les technologies ne cessent de progresser et que les réseaux sociaux occupent désormais une part importante de nos vies, il est important de réguler un secteur qui, jusqu’à présent, souffrait de zones grises, au détriment des consommateurs. Le 23 janvier dernier, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes publiait d’ailleurs une étude accablante montrant que 60 % des influenceurs et des agences contrôlés ne respectaient pas la réglementation sur la publicité et les droits des consommateurs.
    L’influence s’est en effet illustrée ces derniers temps par des abus et a fait l’objet de dénonciations d’arnaques aux conséquences potentiellement graves. Les noms de Dylan Thiry ou de Marc et Nadé Blata, par exemple, sont attachés à des affaires qui ont jeté l’opprobre sur l’ensemble du secteur.
    Ce fut le cas dans le domaine de la santé, d’abord, avec la promotion de dispositifs pharmaceutiques et médicaux ou d’injections réalisées hors cadre médical et présentant des risques de complications. Outre la santé, les influenceurs ont investi les secteurs de la beauté, de la formation professionnelle, et de la finance. Ils sont ainsi nombreux à vendre des NFT – jetons non fongibles – ou des services financiers risqués, tels que le trading de cryptomonnaies, ou à faire la promotion de paris aux résultats très incertains.
    Des sanctions sont certes prononcées, mais elles demeurent trop rares. C’est pourquoi le législateur se devait de réagir, afin de protéger les consommateurs et d’éviter tout abus de confiance de la part des influenceurs auprès de leur communauté, souvent composée d’un public jeune et influençable. Ainsi, ce texte crée et renforce un appareil juridique qui responsabilisera et, le cas échéant, sanctionnera tous les influenceurs, mais aussi leurs agences, les annonceurs et les plateformes de diffusion.
    En premier lieu, la proposition de loi définit juridiquement l’activité d’influence commerciale. Cette définition, insérée dans le code du commerce, permettra de lui appliquer le régime des pratiques commerciales trompeuses. L’ensemble des influenceurs, y compris ceux installés à l’étranger, y seront soumis dès lors qu’ils s’adressent à un public français, même lorsqu’ils font la promotion du dropshipping. De plus, le texte dresse la liste des produits dont la promotion sera interdite ou encadrée, en transposant les règles de la publicité sur les canaux classiques.
    Deuxièmement, le texte crée une définition juridique de la profession d’agent d’influenceur. Là encore, il est nécessaire de délimiter le périmètre des règles qui leur sont applicables, notamment leurs obligations à l’égard des annonceurs gestionnaires de marques et des influenceurs.
    L’obligation de rédiger un contrat écrit dès qu’une prestation économique d’influence est réalisée permettra également de faire prendre conscience à toutes les parties de leurs droits et obligations, tout en sécurisant le contenu et l’exécution de la prestation.
    Par ailleurs, il est important de responsabiliser l’ensemble de l’écosystème, qu’il s’agisse des influenceurs eux-mêmes, de leurs agents, ou des plateformes. Certes, celles-ci ont commencé à agir. Devant la multiplication des plaintes contre les « influvoleurs », Meta, société mère de Facebook et Instagram, a fermé les comptes de personnes incriminées. Il faut toutefois aller plus loin, en instaurant une véritable régulation et en les obligeant à faire apparaître les moyens de signaler des contenus frauduleux. Leur responsabilité pourra être engagée.
    Ainsi, l’article 3 de cette proposition de loi prévoit que, conformément au DSA, les fournisseurs de services d’hébergement mettent en place des mécanismes permettant à tout particulier ou entité – les signaleurs de confiance – de dénoncer des contenus qu’ils jugent illicites. Je défendrai d’ailleurs un amendement visant à obliger les opérateurs à traiter en priorité les signalements de contenu illicite notifiés par les signaleurs de confiance.
    Avec cette proposition de loi, la représentation nationale envoie un message fort à notre jeunesse, qui peut être fascinée par cet argent qui semble si facilement gagné par les influenceurs et dont ceux-ci font souvent étalage. Je salue les nombreuses mesures du texte en faveur de davantage de transparence dans les messages promotionnels et dans les activités publicitaires. La mention obligatoire du caractère retouché par des logiciels de certaines publications ou, pour les formations professionnelles, du nom de l’organisme de formation à l’origine de la publicité ou référencé sur la plateforme MonCompteFormation va dans le bon sens. L’examen du texte en commission a enrichi la version initiale et permet des améliorations notables.
    Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains soutient ce texte. Il était urgent de donner un cadre de référence au métier d’influenceur afin de protéger les consommateurs, en particulier les plus jeunes et les plus vulnérables. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE ainsi que sur les bancs des commissions.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Louise Morel.

    Mme Louise Morel

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    L’influence commerciale sur les réseaux sociaux s’est développée à un tel point qu’elle fait désormais partie intégrante de notre quotidien, au même titre que les spots publicitaires à la télévision, pour ne citer qu’un exemple. Mais si cette publicité télévisuelle fait l’objet d’un contrôle strict par l’Arcom – Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique –, il n’existe a contrario à ce jour aucun encadrement juridique de l’influence commerciale sur les réseaux sociaux. C’est justement l’objectif de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui.
    À l’origine, cette proposition de loi ne visait qu’à doter la France d’outils lui permettant de lutter contre les arnaques et les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux. Cette démarche se trouvait justifiée par le fait que le marché mondial de l’influence est estimé à 16,4 milliards de dollars en 2022 et que les arnaques en tous genres se multiplient : escroqueries, pratiques commerciales trompeuses, fraudes massives. En parallèle, les affaires impliquant des influenceurs se sont développées ces dernières années, laissant des victimes bien souvent démunies. L’urgence de la nécessité de légiférer sur ce sujet est donc réelle.
    Toutefois, au fil des auditions et des travaux devant conduire à l’amélioration du texte, il est devenu évident que nous devions aller plus loin que le seul encadrement des pratiques frauduleuses pour créer un véritable cadre juridique à l’activité d’influenceur. Ce cadre permettrait non seulement de sanctionner les mauvais comportements mais, plus encore, de créer un statut protecteur pour les quelque 150 000 influenceurs recensés en France en 2023.
    C’est l’objet de ce texte que le groupe Démocrate se réjouit de voir arriver dans notre hémicycle, qui plus est dans le cadre d’une démarche transpartisane. À ce propos, je veux sincèrement saluer le travail de concertation remarquable mené par les deux corapporteurs du texte, nos collègues Arthur Delaporte et Stéphane Vojetta. Ils ont rencontré l’ensemble des acteurs de la filière : créateurs de contenus, agents, associations, administrations, etc. Tous les députés ont été invités à participer à ces travaux, qui ont abouti à un texte totalement nouveau, soumis à notre attention.
    Il établit une définition claire de l’activité d’influenceur. Il dresse également une liste de restrictions quant aux produits et services pouvant faire l’objet d’une promotion commerciale sur les réseaux sociaux et propose enfin de réguler les contenus en ligne et de protéger le public, en particulier les plus jeunes d’entre nous. Je voudrais dire à ceux de nos collègues qui craignent que cette régulation restreigne de manière trop importante les libertés individuelles sur les réseaux sociaux que cette régulation est indispensable.
    Sociologiquement, il faut bien comprendre qu’au moment de l’achat d’un produit, nous sommes influencés par une série de facteurs extérieurs – avis en ligne ou de nos amis, publicités –, mais le lien unissant un influenceur et ses abonnés est particulier : il repose sur un socle de valeurs communes, un sentiment d’appartenance à un groupe distinct et d’autres paramètres plus profonds. Il s’agit d’une forme de confiance qui s’établit entre les influenceurs et leurs abonnés.
    Grâce à cette confiance, les influenceurs regroupent tous les facteurs d’influence à la fois et sont ainsi capables de modifier réellement les habitudes de consommation de leurs abonnés. Parallèlement, il faut savoir que lors de notre présence sur les réseaux sociaux, plusieurs biais cognitifs, comme le biais de conformité, altèrent notre capacité à raisonner correctement et nous poussent à des comportements d’achat que nous n’aurions habituellement pas. Cette capacité des influenceurs à toucher un large public attire de plus en plus les entreprises et les marques qui se tournent vers ces nouveaux vecteurs de publicité marketing et se détournent, en partie, des médias traditionnels. Il est donc primordial de protéger les consommateurs, en particulier les publics jeunes qui y sont particulièrement exposés, tout en permettant aux influenceurs de développer leur modèle économique en sécurisant autant que faire se peut leur activité.
    Le groupe Démocrate a développé plusieurs propositions visant à améliorer le texte : il s’agit d’intégrer la lutte contre la contrefaçon aux outils de régulation, de majorer les amendes encourues en cas d’infraction et d’améliorer la visibilité des influenceurs adoptant de bonnes pratiques sur les réseaux sociaux.
    Pour conclure, le groupe Démocrate affirme très clairement que ce texte est un jalon indispensable à la sécurisation de notre modèle social sur internet, car il protège les utilisateurs des réseaux sociaux, tout en offrant un cadre juridique stable pour les professionnels de l’influence. Nous lui apporterons bien entendu notre soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem ainsi que sur les bancs des commissions.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Dominique Potier.

    M. Dominique Potier

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    Cher Stéphane Vojetta, cher Arthur Delaporte, j’ai cherché des références dans la mythologie, mais je n’y ai trouvé que des animaux pas très sympathiques : centaure, amphisbène et autres monstres de l’Antiquité à deux têtes. J’abandonne donc les références mythologiques et naturalistes pour simplement souligner qu’à un moment où tout le monde cherche sa majorité, il est très sympathique de voir deux députés capables de coopérer pour le bien commun alors qu’ils ne sont pas dans le même camp. Je voulais vous remercier. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)
    Le langage est un angle mort de la République, qui n’a pas suffisamment investi cette question, la laissant à la sphère privée. Nos débats sur la responsabilité sociale des entreprises (RSE), qui ont abouti à la directive CSRD – Corporate Sustainability Reporting Directive –, un accomplissement européen, ont montré la nécessité de trouver un langage commun pour dire ce qui est bon et mauvais dans le monde de l’entreprise, notamment dans la publicité.
    Les chiffres montrent que les influenceurs ne sont qu’un arbre qui révèle la forêt de l’envahissement de nos vies par la publicité. Le collectif Big Corpo révèle dans son rapport que 31 milliards d’euros sont consacrés, dans une servitude consentie, par notre société à la publicité et donc à la promotion d’un individualisme matérialiste mû par un désir mimétique. Comparons cette somme aux 4,2 milliards consacrés à l’Ademe (Agence de la transition écologique), et donc à la survie des écosystèmes et à notre propre survie, et aux 3,7 milliards consacrés à la santé publique et à la prévention, y compris aux campagnes de vaccination. Nous consacrons trois fois plus à la publicité ! Est-ce ainsi que les hommes vivent ?
    Le débat sur les influenceurs emprunte nombre de termes à celui sur les sectes : vérité parallèle, vérité alternative, emprise, influence… Il est heureux que la République pose des limites avec la régulation proposée par ce texte. Toutefois, je souhaite souligner la proximité de ce vocabulaire avec celui du domaine religieux pour m’étonner – dans une parenthèse que cette assemblée permet si peu – de voir le zèle avec lequel la République et les républicains ont combattu tous les signes et toutes les empreintes de la religion dans l’espace public, et de nous voir consentir si facilement à ce que Charles Péguy aurait sans doute appelé l’idolâtrie du marché. Mesurons bien ce paradoxe en nous interrogeant sur ce qui libère et sur ce qui emprisonne.

    M. Arthur Delaporte, rapporteur

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    Excellent !

    M. Dominique Potier

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    Nous avons eu, hier encore, avec M. le président des affaires économiques de vifs débats sur les limites institutionnelles à la liberté et sur ce qui est bon pour la société et pour la nature.

    M. Arthur Delaporte, rapporteur

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    C’est le moins qu’on puisse dire !

    M. Dominique Potier

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    Je crois profondément que les limites libèrent et qu’un monde sans foi ni loi, comme celui d’aujourd’hui, nous asservit. Je salue donc votre œuvre. Votre sagesse vous a conduits à maintenir la déclinaison thématique des problèmes abordés par cette proposition de loi tout en régulant l’activité des influenceurs en la mettant au même niveau juridique que les autres activités de publicité – même si je pense que les règles encadrant aujourd’hui la publicité sont insuffisantes.
    Philosophiquement, le groupe Socialistes et apparentés soutient pleinement le combat qui nous réunit aujourd’hui dans la bonne humeur et dans la concorde, comme en témoigne la présence au banc des commissions de l’un des meilleurs membres de notre groupe, Arthur Delaporte. Nous avons choisi d’investir un sujet particulier, celui de la malbouffe, qui est un vieux combat des socialistes.

    M. Arthur Delaporte, rapporteur

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    C’est vrai !

    M. Dominique Potier

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    La prévalence dans les milieux populaires et chez les enfants les plus défavorisés du diabète de type 2 et de l’obésité est une bombe à retardement sociale et sanitaire. Réparer la malbouffe coûte 50 milliards, dont 19 milliards pour le diabète de type 2, provoqué essentiellement par la sédentarité, mais aussi par la malbouffe. Lutter contre la malbouffe et ses effets, qui sont socialement différenciés, est une affaire de justice sociale et de santé publique. Nous avons déposé des amendements pour réguler la publicité pour des édulcorants ou des aliments – sucrés et salés – déséquilibrés à destination des enfants, à laquelle se livrent les influenceurs. Cette publicité représente 800 millions d’euros auquel il faut ajouter les 350 millions dépensés par les trois premières firmes de fast-food. Essayons donc de déminer cette bombe et de mettre fin à la publicité pour la malbouffe faite par les influenceurs, tout en espérant étendre, demain, cette interdiction à tout le secteur de la publicité. (Applaudissements sur l’ensemble des bancs.)

    Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée

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    Il est fort, ce Potier !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Luc Lamirault.

    M. Luc Lamirault

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    La proposition de loi visant à lutter contre les arnaques et les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux, présentée par nos collègues Stéphane Vojetta et Arthur Delaporte, prévoit la création d’un statut d’influenceur et une régulation renforcée de cette activité professionnelle.
    Permettez-moi, avant de m’attacher au fond du sujet, de relever avec satisfaction que nous avons été capables sur un sujet contemporain, important pour la protection de nos concitoyens, de travailler ensemble de manière apaisée, constructive et efficace. J’espère que nous saurons, au cours de cette législature, en faire une méthode de travail habituelle.
    Revenons-en au texte. Certaines personnalités publiques, bénéficiant d’une large audience numérique, utilisent les réseaux sociaux à des fins commerciales, au travers de partenariats conclus avec des marques qu’elles valorisent par la diffusion de leurs contenus. Ces influenceurs tirent une partie substantielle de leurs revenus de la monétisation de ces contenus et de la valorisation de leur image. Ils constituent ainsi une nouvelle forme de travailleurs des réseaux sociaux.
    Le travail des influenceurs a pour cible une audience qui peut être large et diverse, souvent composée de personnes mineures et de jeunes adultes, qui fréquentent différentes plateformes numériques : Instagram, TikTok, Snapchat. Les communautés d’abonnés comptent parfois des millions de personnes.
    Le travail de promotion des influenceurs soulève plusieurs questions au vu du type de produits, d’actes ou de prestations qui font l’objet de promotion, mais également au vu des méthodes mêmes de promotion et de vente ou encore de l’âge du public ciblé : contenus diffusés dissimulant leur caractère sponsorisé et trompant ainsi le public ; produits mis explicitement en avant pour être proposés à l’achat sur des sites vitrines, où le prix affiché est supérieur de plusieurs dizaines d’euros au prix de marché ; produits contribuant à une escroquerie et ceux présentant des risques pour la santé.
    Ainsi un influenceur suivi par 1,5 million d’abonnés sur Instagram a-t-il récemment fait la promotion de gélules qui guérissent les cellules cancéreuses. C’est juste scandaleux ! Les exemples de situations problématiques sont nombreux : vente de cryptomonnaies, d’opérations de chirurgie esthétique, de cartes de stationnement pour personne en situation de handicap, de faux permis ou encore de faux jeux concours. La proposition de loi prévoit donc d’interdire aux influenceurs la réalisation de certaines promotions.
    Dans sa version initiale, l’article 1er du texte instaurait un statut d’influenceur dans le code de la consommation et définissait comme influenceur « toute personne physique ou morale, qui, à titre onéreux ou en échange d’un avantage en nature, produit et diffuse par un moyen de communication électronique des contenus qui visent, à l’occasion de l’expression de sa personnalité, à promouvoir des biens, services, ou une cause quelconque ». Par ailleurs, la version initiale du texte prévoyait d’établir un cadre juridique relatif à l’activité d’influenceur et d’interdire la promotion sur les réseaux sociaux de produits pharmaceutiques, de dispositifs médicaux ou d’actes de chirurgie – à l’exception des cas de relais des campagnes de santé publique du Gouvernement –, mais aussi la promotion des placements et des investissements financiers, ou des actifs numériques entraînant des risques de perte pour le consommateur.
    En commission des affaires économiques, l’adoption de trente-quatre amendements a élargi le champ de la présente proposition de loi. La relation contractuelle entre influenceurs, agents d’influenceurs et annonceurs a par exemple été renforcée et sécurisée par l’obligation d’établir un contrat écrit entre les parties. Le travail de la commission a permis une meilleure coordination du texte avec les évolutions prévues au niveau européen. Enfin, le texte prévoit toujours une obligation d’information du public sur le caractère commercial de la promotion d’actes ou de prestations par les influenceurs, mais aussi sur l’éventuel recours à une pratique dite de dropshipping c’est-à-dire la livraison directe par un fournisseur tiers.
    Partageant la volonté de mieux réguler le marché de l’influence, le groupe Horizons et apparentés votera donc en faveur de la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et LIOT.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Aurélien Taché.

    M. Aurélien Taché

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    Nous y sommes enfin. Après des mois de tergiversations du Gouvernement devant les alertes sur les dérives de certains influenceurs, nous examinons ce matin une proposition de loi transpartisane pour encadrer cette activité.
    Il est difficile de croire qu’Emmanuel Macron et ses ministres ou anciens ministres ne connaissaient rien aux influenceurs. Marlène Schiappa a reçu à l’Élysée plusieurs candidates de la téléréalité dont Maissane de l’émission « Les Marseillais » ou encore Isabeau Delatour des « Princes de l’amour ». Même si c’était pour évoquer une cause légitime, les violences sexistes et sexuelles, les vidéos de cette rencontre qui ont fuité laissaient plus qu’interrogateur sur l’efficacité de cet événement. Le gouvernement précédent avait également fait appel à Sundy Jules et « Enzo Tais-toi ! » pour vanter les mérites du service national universel (SNU) qui n’a attiré jusqu’à aujourd’hui qu’à peine 30 000 jeunes. L’ex-ministre délégué Jean-Baptiste Djebbari a semblé quant à lui bien plus occupé par ses activités d’influenceur sur TikTok que par son poste au Gouvernement. Le Président de la République s’est lui-même donné en spectacle dans un exercice douteux avec McFly et Carlito pendant la crise du covid.
    Pourtant, à votre exception notable, madame la ministre déléguée, jamais un mot n’a été prononcé par le Gouvernement sur toutes les arnaques qui fleurissent sur les réseaux sociaux. Il aura fallu que des députés membres de la Nouvelle Union populaire, écologique et sociale les alertent sur les nombreuses dérives pour que Bruno Le Maire et la majorité se réveillent enfin.
    Moi-même, pendant des mois, j’ai été interpellé par des jeunes dans ma circonscription sur l’ampleur des arnaques liées aux influenceurs, un sujet qui faisait écho à un précédent travail sur les abus publicitaires des paris sportifs en ligne. Dans les deux cas, les principales victimes sont souvent des jeunes des quartiers populaires. C’est ainsi que comme vous le savez, j’ai décidé de lancer un travail d’expertise sur le sujet et de déposer au mois de novembre dernier une proposition de loi visant à encadrer les pratiques commerciales et publicitaires liées au marché de l’influence sur internet. Je ne peux ainsi que soutenir votre volonté d’interdire la promotion d’abonnements à des paris sportifs.
    Comme je le disais, les pouvoirs publics, notamment le Gouvernement, ont tardé à réagir. Ce retard à l’allumage se combine à un autre problème : la DGCCRF n’est pas dotée des moyens financiers et techniques pour agir. De très nombreuses escroqueries restent impunies, alors que des sanctions pourraient déjà être prises si une véritable volonté existait. Tout semble permis sur un marché sans foi ni loi. Augmenter les moyens de la DGCCRF est primordial !
    En effet, pendant des mois, le très célèbre couple formé par Marc et Nadé Blata, comme d’autres personnalités, a sévi sur les réseaux sociaux en pratiquant ce que l’on appelle une arnaque au trading. Le trading de cryptomonnaies, qui attire de plus en plus d’investisseurs, est devenu un terrain plus que favorable aux escroqueries. On apprenait par exemple au mois d’août dernier qu’un youtubeur se faisant appeler Crypto Gouv aurait arnaqué près de 300 personnes en leur proposant des investissements dans la cryptomonnaie et détourné ainsi 4 millions d’euros. Ces escroqueries touchent de plus en plus de jeunes qui, pour épargner leur argent, misent sur ces nouvelles monnaies virtuelles : d’après un récent sondage d’OpinionWay, 14 % des 18-25 ans déclarent envisager d’investir dans les cryptomonnaies ou déjà en posséder.
    Il faut donc agir et vous allez dans ce sens, chers collègues, puisque vous proposez d’encadrer fortement l’activité de ces crypto-influenceurs. Je salue votre travail, ainsi que celui de notre collègue Ségolène Amiot sur la prévention auprès des mineurs. Afin de sécuriser encore davantage ces activités et surtout de protéger les consommateurs, il apparaît urgent de mieux réguler l’activité des influenceurs, d’une manière adaptée à la réalité économique et qui permette un développement sain et responsable de la filière.
    Après les auditions que j’ai menées, il est apparu qu’il fallait trouver un équilibre entre régulation et sanction : l’économie des créateurs de contenus est plus large que les seules arnaques, délits ou mauvaises pratiques de quelques acteurs connus sous le nom d’« influvoleurs ». De nombreux jeunes issus des quartiers populaires ont des pratiques saines, souvent engagées et ne doivent pas être sanctionnés. Je pense ici par exemple à l’agence Smile conseil, fondée par Galo Diallo, qui accompagne des talents à la condition qu’ils aient un projet social et créatif.
    Des textes législatifs encadrent déjà la pratique des partenariats commerciaux ; les professionnels du secteur, réunis au sein de l’ARPP, ont adopté un guide de bonnes pratiques afin de clarifier les situations dans lesquelles une collaboration doit être mentionnée, et selon quelles modalités. Toutefois, force est de constater que l’existence d’un partenariat entre influenceurs et annonceurs n’est toujours pas indiquée pour de nombreux contenus à caractère publicitaire. Le cadre légal est donc insuffisant et l’autorégulation des acteurs ne saurait suffire.
    Après que Nadège Abomangoli, François Piquemal et moi-même avions déposé notre proposition de loi à ce sujet, Bruno Le Maire a annoncé le lancement d’une consultation citoyenne mais aussi des mesures législatives, des mesures réglementaires et finalement un plan pour en finir avec la jungle des influenceurs. Puis M. Delaporte a déposé sa proposition de loi, suivi par M. Vojetta, avant qu’un texte transpartisan ne soit annoncé. L’ensemble des contributions ont abouti à un résultat que nous pouvons qualifier de satisfaisant.

    M. Arthur Delaporte, rapporteur

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    Très satisfaisant !

    M. Aurélien Taché

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    Satisfaisant. Le présent texte contient de nombreuses mesures intéressantes, que nous soutiendrons. Néanmoins, il ne nous exonère pas d’élaborer un cadre de référence avec les parties prenantes du secteur ni de mener une réflexion sur le rôle et les obligations des plateformes de contenus. Il faut enfin renforcer les moyens de contrôle dont dispose l’État.
    Au nom du groupe Écologiste-NUPES, j’appelle à voter pour cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES et SOC ainsi que sur le banc des commissions.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Yannick Monnet.

    M. Yannick Monnet

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    La présente proposition de loi se veut un texte pionnier en Europe dans la régulation du secteur de l’influence commerciale. Elle défend une ambition partagée unanimement sur ces bancs, celle de renforcer l’encadrement de l’activité des influenceurs afin de mettre fin aux nombreuses dérives et pratiques douteuses dont l’actualité nous offre régulièrement des exemples : arnaques aux placements financiers, sur lesquelles l’Autorité des marchés financiers a déjà publié plusieurs mises en garde ; arnaques au compte personnel de formation et aux abonnements cachés ; promotion de médicaments et de pratiques médicales dangereuses, de produits contrefaits, de jeux d’argent et de hasard, de boissons ou de compléments alimentaires douteux. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes relève que les pratiques de 60 % des influenceurs contrôlés dans le cadre des enquêtes qu’elle mène depuis plusieurs années ne sont pas conformes à la réglementation et qu’au-delà même des tromperies et arnaques avérées, la totalité des influenceurs contrôlés ne respectait pas la réglementation relative à la transparence du caractère commercial de leurs publications. Il était essentiel de réagir et de légiférer sur cette question. Nous tenons donc à remercier les rapporteurs pour leur travail législatif, qui définit un cadre juridique clair, fondé sur la contractualisation d’obligations de protection des consommateurs et des mineurs.
    Nous regrettons toutefois que l’examen de ce texte en commission ait conduit à des reculs. Comme à son habitude, en effet, la majorité a laissé son empreinte en transformant en droit mou un cadre à l’origine plus contraignant. L’interdiction de la promotion de médicaments, des produits pharmaceutiques et dispositifs médicaux, prévue dans le texte initial, est passée à la trappe. L’interdiction de faire de la publicité contre rémunération pour les jeux d’argent et de hasard a été remplacée par l’obligation d’informer par un bandeau visible que ceux-ci sont réservés aux personnes majeures. De même, de simples obligations d’information sont désormais prévues pour la promotion de boissons avec ajout de sucre, de sel ou d’édulcorants ou la publicité relative aux formations professionnelles.
    Le travail effectué en commission a ainsi consisté à proposer un décalque du cadre juridique relatif à la promotion de biens et de services dans les autres médias, alors que l’analogie n’est pas satisfaisante. En effet, elle ne permet pas de prendre en compte la spécificité du marketing d’influence et sa parenté avec les phénomènes d’emprise psychologique. Dans l’exposé des motifs de la proposition de loi initiale, vous notiez à juste titre que « la relation faussement intimiste développée par ces influenceurs rassure ceux qui les suivent grâce au ressenti parfois trompeur de transparence, d’honnêteté, de proximité et de bienveillance à leur égard, et les place ainsi dans la situation de voir leurs décisions d’achat déterminées par les indications des influenceurs. » Eu égard à cette particularité, nous aurions souhaité des mesures de régulation plus fortes.
    Nous restons par ailleurs assez circonspects sur le rôle assigné aux signaleurs de confiance, directement inspiré du règlement européen sur les services numériques. Si la mesure est le corollaire de l’absence d’obligation générale de surveillance ou de recherche active des faits par les plateformes, elle conduit peu ou prou à une forme de sous-traitance aux associations des missions de la DGCCRF. S’il est légitime de reconnaître aux associations la faculté de signaler directement les contenus illicites aux autorités, elles n’ont pas vocation à disposer de pouvoirs d’injonction. Or, c’est ce que nous semble implicitement reconnaître l’article 4.
    Pour notre part, nous considérons que l’État ne saurait se défausser de ses responsabilités. La DGCCRF accuse un manque criant de moyens pour procéder aux contrôles et aux enquêtes nécessaires pour réprimer certaines pratiques illégales, notamment en matière de marketing d’influence. L’annonce par le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique de la création d’une brigade spécialisée de 15 agents, alors que notre pays compte 150 000 influenceurs, met en relief cette grave anomalie. Si cette proposition de loi emporte donc notre adhésion sur le principe, nous serons très attentifs aux contours de nos discussions et à la rédaction finale avant d’exprimer un vote.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Nathalie Bassire.

    Mme Nathalie Bassire

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    Je tiens tout d’abord à saluer Béatrice Descamps, qui ne peut être avec nous.
    L’âge d’or des réseaux sociaux a engendré un nouveau métier, celui d’influenceur. Célébrités traditionnelles, instagrameurs, youtubeurs ou bloggeurs, la France ne compte pas moins de 150 000 influenceurs exerçant différentes stratégies de marketing, plus ou moins légales, pour atteindre le consommateur. Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir, samedi dernier, dans une tribune publiée dans Le Journal du dimanche, que certains de ces influenceurs nous exhortent à ne pas casser leur modèle économique à cause des « dérives d’une minorité » ! C’est précisément sur ces dérives que nous entendons agir, pour empêcher que Dylan, suivi par 1,5 million d’abonnés sur Instagram, fasse la promotion de gélules qui guérissent les cellules cancéreuses, ou encore pour éviter que le couple formé par Marc et Nadé Blata tire profit de la naïveté de leurs followers en les incitant à investir dans les cryptomonnaies.
    Il est vrai que ces pratiques trompeuses des influenceurs ne profitent pas d’un vide juridique. Les escroqueries liées aux cryptoactifs relèvent de l’abus de confiance, du vol, de l’escroquerie, et plus globalement du droit pénal général. De la même manière, le fait pour un influenceur de ne pas préciser explicitement que sa publication est une publicité est déjà considéré comme une pratique commerciale trompeuse. Mais les sanctions restent rares, et trop nombreux sont les influenceurs qui se croient tout permis. On ne compte plus les abus ni les victimes, souvent jeunes et influençables.
    Désormais, la prise de conscience des pouvoirs publics est réelle. Je salue et partage la volonté collective d’encadrer plus strictement les pratiques des influenceurs et de leurs agents, grâce à cette proposition de loi, mais aussi grâce au plan d’action du Gouvernement. Il est temps de mettre fin à la loi de la jungle qui prévaut sur les réseaux sociaux en clarifiant la loi en matière de placement de produits interdits. Sur ce point, justement, un amendement a été adopté en commission afin de mieux encadrer la publicité concernant les produits alimentaires trop gras, trop salés ou trop sucrés. Nous estimons qu’il faut aller plus loin et interdire tout simplement la promotion de ces produits. (M. Dominique Potier applaudit.) Nos enfants sont particulièrement vulnérables au marketing alimentaire et il est nécessaire de mieux les protéger des sollicitations sur les plateformes qu’ils affectionnent, surtout quand on connaît la cause de nombreuses maladies dont ils souffrent.
    Nous étions par ailleurs favorables à une meilleure articulation avec les dispositions prévues par le DSA. Dans leur rédaction actuelle, les articles 3 à 4 nous semblent désormais plus à même d’engager la responsabilité des plateformes hébergeant les contenus frauduleux comme Twitter, Instagram, ou TikTok.
    Il conviendra toutefois d’apporter certaines précisions. Ainsi, à ce jour, aucune sanction n’est prévue lorsqu’un influenceur n’indique pas clairement qu’il est un intermédiaire dans la vente d’un produit. En outre, la priorité est de doter les services de répression des fraudes, les douanes, et les services de lutte contre la cybercriminalité et de police judiciaire de moyens suffisants pour éradiquer ce fléau.
    Nous alertons également le Gouvernement sur la nécessité de former les personnels des services de l’État à ces nouvelles technologies et à la lutte contre ces nouvelles formes d’arnaques. La demande d’un rapport est un premier pas, mais elle ne saurait suffire.
    Parallèlement, la sensibilisation aux risques d’escroquerie en ligne dans les établissements scolaires est une bonne initiative. Mais l’école ne peut porter seule cette responsabilité ; les parents ont un rôle important et ils doivent pouvoir accéder à des formations pour accompagner leur enfant sur les réseaux sociaux et comprendre les mécanismes et les dangers auxquels il est exposé.
    Un mot aussi de la création d’une brigade de l’influence commerciale, dotée de quinze agents, au sein de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Le ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, qui l’a annoncée, n’a pas précisé s’il s’agirait de création de postes ou d’un simple redéploiement des effectifs existants. Voilà des années que les agents de la DGCCRF voient leur champ d’intervention s’élargir, et leur effectif diminuer ! La lutte contre les dérives sur les réseaux sociaux ne peut se faire au détriment des autres actions de contrôle de Bercy.
    Malgré ces réserves, le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires est favorable à ce texte qui marque la première étape d’un code de bonne conduite sur les réseaux sociaux. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Tristes reflets de Narcisse, vendeurs de mirages, faiseurs d’illusions, nombreux sont les influenceurs qui usent des réseaux sociaux pour abuser des consommateurs piégés dans une attitude d’hyperconsommation. Pathétique exemple de ce monde en perte de repères, l’influenceuse Ruby Nikara, rappeuse de 21 ans, vendait l’eau de son bain dans des flacons pour la modique somme de 1 500 euros l’unité… Il serait stupide de généraliser, mais il n’en reste pas moins que les situations d’abus prolifèrent.
    Selon une récente étude de Reech, organisme spécialisé dans l’influence et le marketing, 32 % des sondés indiquent être abonnés à un influenceur sur les réseaux sociaux, quand 44 % des interrogés confirment voir du contenu de créateurs sans y être abonnés. Des chiffres qui interpellent puisqu’ils démontrent que les algorithmes des plateformes sociales jouent un rôle majeur dans la diffusion des contenus. Et qu’en outre, ils peuvent toucher un large public qui n’est pas forcément demandeur, mais qui pourrait devenir la proie d’influenceurs peu scrupuleux.
    Toujours selon la même étude, 66 % des sondés indiquent qu’il est nécessaire de faire évoluer le secteur de l’influence vers un modèle plus éthique. C’est l’objet de la proposition de loi que nous étudions aujourd’hui, un texte qui avait déjà fait l’objet de notre attention en février dernier et qui a été retiré pour être retravaillé. Si l’on note certains ajouts, l’esprit du texte reste inchangé ; on ne peut que s’en réjouir.
    Ce texte va donc dans le bon sens puisqu’il commence par le commencement – c’est toujours mieux – en définissant dans son article 1er la notion d’influenceur. En effet, il est compliqué de poursuivre quelqu’un qui abuserait de son statut si ce dernier n’est pas juridiquement défini. La définition a évolué vers les notions d’activité et de pratique de l’influence commerciale. Pour la compléter, il serait également judicieux d’insister sur les comportements promus par certains influenceurs. Je pense à la mise en ligne d’expériences en tous genres avec des paramètres, des scripts et une spontanéité – entre guillemets ! – merveilleusement bien conçue.
    Une attention particulière a été apportée à l’encadrement des pratiques commerciales ouvertes aux influenceurs comme les méthodes à visées esthétiques ou les interventions chirurgicales. L’enjeu est de taille puisque, dans 72 % des cas, les produits achetés par les femmes sont des produits cosmétiques. Le marché de l’apparence est, on le sait, juteux. Il est bien souvent, surtout chez les jeunes femmes, un prélude à la chirurgie.
    J’appelle néanmoins votre attention sur un sujet précis : en l’état de sa rédaction, la proposition de loi n’interdit pas la promotion de compléments alimentaires à propriétés prétendument antidiabétiques, ou de capteurs de glucose en continu. La Fédération française des diabétiques nous alerte sur ce point, j’aurai l’occasion d’y revenir à l’article 2 B.
    En revanche, je ne peux que souscrire à l’interdiction de la promotion des placements ou investissements dans un actif numérique ou, plus généralement, dans un bien incorporel fongible ou non fongible, opérations susceptibles d’entraîner des pertes pour le consommateur. Là encore, c’est une mesure de bon sens tant on sait que de mauvais investissements peuvent conduire à des situations dramatiques, et pas uniquement du point de vue financier.
    Permettez-moi d’exprimer un regret sur les sanctions pénales, insuffisamment dissuasives. Je proposerai deux ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende pour les influenceurs qui s’affranchiraient du nouveau cadre légal.
    Malgré quelques imperfections que nous pourrions corriger en séance – je ne suis pas certaine que le texte touche les influenceurs basés à l’étranger par exemple –, cette proposition de loi est pertinente car elle pose les premiers jalons d’un cadre juridique protecteur pour notre jeunesse. En effet, il est désormais indéniable que les influenceurs jouent un rôle majeur dans la vie de nos enfants et de nos adolescents, par un effet d’identification et d’imitation induit par l’apparente promiscuité entre eux et l’influenceur suivi – influenceur qui entre dans le quotidien des plus jeunes, souvent peu à même de faire preuve d’esprit critique. Cette proximité est fictive, mais elle peut prendre l’apparence d’une réalité pour, in fine, devenir extrêmement perverse et induire des comportements désastreux, voire dangereux.
    Plus que jamais, avec 16,4 milliards de dollars de recettes en 2022, le marché de l’influence attire des personnalités peu scrupuleuses, capables de se mettre en scène et de se vendre. Il est donc nécessaire de voter cette proposition de loi qui a le mérite d’aller dans le bon sens, celui de la protection des consommateurs. (Mme Nathalie Bassire applaudit.)

    Mme la présidente

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    La discussion générale est close.

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à dix heures vingt, est reprise à dix heures trente.)

    Mme la présidente

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    La séance est reprise.

    Discussion des articles

    Mme la présidente

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    J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

    Article 1er

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Ségolène Amiot.

    Mme Ségolène Amiot

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    Mon intervention concerne également l’article 1er bis : cela nous permettra de gagner du temps.
    Les articles 1er et 1er bis sont les pierres angulaires de la proposition de loi puisqu’ils définissent – enfin – les pratiques commerciales des influenceurs. Ils définissent aussi, et surtout, les règles qui doivent les encadrer, afin de les ancrer dans le droit.
    Leur rédaction a été travaillée à maintes reprises et collectivement remaniée, pour aboutir à la présente version, sur laquelle nous devrions tous nous entendre. Je vous proposerai néanmoins une légère amélioration, afin de mieux encadrer le travail des enfants, en alignant le dispositif sur le droit existant pour les domaines du cinéma et du spectacle notamment. Je suis certaine que vous nous rejoindrez sur ce point.
    Vous l’aurez compris, le groupe La France insoumise soutiendra ces articles.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Éric Bothorel, pour soutenir l’amendement no 67.

    M. Éric Bothorel

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    Le présent amendement vise à modifier la définition de l’activité d’influence commerciale par voie électronique. Il s’agit d’inscrire la notion d’engagement réciproque entre une marque ou une organisation et un influenceur, pour caractériser la relation commerciale établie entre les deux parties. L’amendement vise également à insérer les notions de création et de diffusion, qui sont des caractéristiques centrales de l’activité d’influence commerciale par voie électronique et sont juridiquement plus précises que la « promotion ».
    Le guide de bonne conduite des influenceurs et créateurs de contenus, publié lundi par le ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, indique que la mention « communication commerciale » doit figurer sur un contenu sponsorisé.
    Je défends également l’amendement no 72, qui sera examiné dans un instant. Il s’agit d’un amendement de repli visant à insérer la notion d’engagement réciproque.
    Nous avons débattu en commission de la difficulté de cerner, donc de définir, l’activité d’un influenceur. J’ai cité l’exemple de l’activité d’un député. Si, à l’issue de la visite d’une entreprise, ses représentants m’invitent à prendre un repas et qu’ensuite je fais la promotion d’un de ses produits, le texte tel qu’il est issu des travaux en commission m’oblige à faire figurer un bandeau. Si je me déplace à l’étranger dans le cadre d’un voyage payé par une puissance étrangère, avec laquelle la France entretient des relations normales, et que je défends une cause, j’entre dans le champ de la définition telle qu’elle est rédigée.
    J’ai souhaité ne pas m’en tenir au constat. Je défends donc ces amendements, qui tendent à perfectionner la définition de l’activité d’influenceur.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Arthur Delaporte, rapporteur

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    D’abord, monsieur Bothorel, je salue votre engagement sur ce texte, votre participation active à nos travaux et l’intérêt que vous avez porté à l’amélioration de la définition de l’activité d’influenceur.
    Nous avons déjà discuté de vos propositions lors de l’examen en commission, toutefois je pense qu’il est bon de répéter ici les raisons pour lesquelles j’émettrai des avis défavorables.
    S’agissant de la forme, la définition qui nous occupe est l’aboutissement d’un consensus, obtenu à l’issue d’un travail considérable avec l’ensemble de nos collègues, de tous les bancs. Son équilibre est aussi le fruit de la concertation que nous avons menée avec le Gouvernement – que je remercie. Dans ces conditions, il ne serait pas opportun de réécrire l’article, comme l’amendement no 67 tend à le faire.
    Sur le fond, cet amendement tend à inscrire la création et la diffusion de contenus comme des conditions cumulatives. Son adoption ferait peser un risque juridique : les créateurs de contenus pourraient ainsi exciper de la diffusion par une personne tierce pour justifier qu’ils ne sont pas soumis au régime concerné. De nombreuses personnes risqueraient ainsi de sortir du champ d’application de l’article. Pour éviter cet effet de bord, je vous invite à retirer votre amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.
    L’amendement no 72, quant à lui, vise à insérer l’expression « dans le cadre d’un engagement réciproque ». La question est fondamentale. Selon nous, l’amendement est satisfait puisque le texte prévoit que la promotion vient « en contrepartie d’un bénéfice économique ou d’un avantage en nature ». La notion de contrepartie souligne un engagement du diffuseur envers le propriétaire de la marque ou l’agence. Inscrire « engagement réciproque » emporterait un risque juridique car cela suppose un contrat, ce qui serait trop restrictif. En effet, la suite du texte l’évoquera, il arrive que la contrepartie consiste en avantages en nature sans contractualisation, car d’une valeur inférieure à certains seuils. Or, en l’absence de contrat, il faudra apporter la preuve qu’il y a bien un engagement réciproque, ce qui est compliqué.
    Prenons un exemple concret, à l’intention de ceux qui ne connaissent pas le milieu de l’influence : la pratique de l’unboxing ou déballage. Comme M. Bothorel le sait parfaitement, il s’agit de vidéos qui cumulent des milliers, voire des centaines de milliers, de vues, et dans lesquelles des créateurs de contenus, appelés unboxers – ou déballeurs –, ouvrent des boîtes. La marque Shein propose de l’ultrafashion ou mode à bas coût ; @louftilove, influenceuse dotée de 1,2 million d’abonnés sur Youtube, a publié une vidéo « Énorme Haul Shein mère fille (des pépites de fou ! !) » qui a cumulé 600 000 vues : accompagnée de sa fille préadolescente, elle y déballe des produits de la marque. Dans la description, elle indique que la vidéo n’est pas sponsorisée, mais elle donne les liens vers les articles présentés. On pourrait considérer qu’il n’y a pas d’engagement réciproque car la marque a envoyé des vêtements sans nécessairement demander qu’elle fasse la promotion de tel ou tel en particulier. Il existe donc un engagement moral, sans toutefois qu’un engagement réciproque soit juridiquement démontrable.
    Aussi préférons-nous en rester au texte tel qu’il est rédigé. À défaut, toutes les pratiques d’unboxing risqueraient de sortir du champ d’application, alors qu’elles représentent une part importante, et croissante, de l’activité d’influence.
    Néanmoins, votre argumentation a le mérite de présenter les termes du débat et de clarifier l’intention dans laquelle le législateur a choisi le terme « contrepartie ». Il peut s’agir de la réception d’une importante quantité de vêtements, qui représente un montant financier significatif.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée

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    L’amendement no 67 vise à réécrire la définition de l’activité d’influence commerciale. D’autres amendements que vous avez déposés et que nous examinerons par la suite tendent également à modifier la version issue des travaux de la commission. Parce qu’il partage les explications du rapporteur, le Gouvernement vous invite à les retirer, au profit des amendements de M. Delaporte, qui visent également à améliorer la rédaction.
    Quant à l’amendement no 72, j’émets le même avis que le rapporteur, pour les mêmes raisons : avis défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Éric Bothorel.

    M. Éric Bothorel

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    Mon intervention ne fera pas 600 000 vues – sinon, j’en profiterais ! (Sourires.)

    Plusieurs députés

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    Qui sait ?

    M. Éric Bothorel

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    Je retire l’amendement no 67, au profit de la réaction issue du travail collectif – je vous fais confiance. En revanche, j’insiste sur l’importance du dispositif de l’amendement no 72, malgré la qualité de votre réponse. De votre point de vue, l’insertion d’un « engagement réciproque » est peut-être en trop, cependant la notion de contrepartie n’est pas suffisante pour caractériser l’activité. Je suis convaincu que l’article 1er continuera à être amélioré au cours de l’examen du texte ; je maintiendrai donc l’amendement no 72, lorsque arrivera le moment de l’examiner.

    (L’amendement no 67 est retiré.)

    Mme la présidente

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    Chers collègues, vous savez tous que dans notre bel hémicycle, il faut privilégier le français. Le chalenge du jour est donc de traduire en français tous vos anglicismes !

    M. Gilles Le Gendre

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    Le challenge ?

    Mme Louise Morel

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    Le challenge !

    M. Bruno Studer

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    Le défi, madame la présidente !

    Mme la présidente

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    Chalenge est français : j’ai bien employé la prononciation française,…

    M. Christophe Blanchet

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    Avec un bel accent français !

    Mme la présidente

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    …et non l’anglaise – challenge ! Mais disons le défi, si vous préférez !
    La parole est à M. Éric Bothorel, pour soutenir l’amendement no 75.

    M. Éric Bothorel

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    Il vise à supprimer la référence à la notoriété. La notion serait trop difficile à caractériser pour le juge. Cela implique d’entrer dans une logique de seuil insuffisamment efficace, alors même que les influenceurs qui disposent d’une audience réduite peuvent également avoir un fort impact sur les comportements de consommation de leur public.
    L’amendement tend également à insérer le terme « création », qui désigne une caractéristique essentielle de l’activité d’influence commerciale par voie électronique.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Arthur Delaporte, rapporteur

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    Madame la présidente, vous nous mettez au défi de ne pas employer d’anglicismes. Nous parlons d’influence, or un grand nombre d’influenceurs utilisent ce vocabulaire. Si je désignais la pratique de l’unboxing par le terme « déballage », j’emploierais des mots qui ne sont pas ceux de la communauté qui fait l’objet du texte. Vous me permettrez donc quelques écarts de langage, puisque nous nous adressons à un public plus large que celui de cette enceinte.
    Monsieur Bothorel, comme je l’ai expliqué lors de ma précédente intervention, l’insertion des termes « crée et diffuse » risque de créer une condition cumulative qui aura pour effet d’exclure de nombreux influenceurs du champ de la définition. Avis défavorable.

    (L’amendement no 75, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    L’amendement no 164 de M. Arthur Delaporte, rapporteur, est rédactionnel.

    (L’amendement no 164, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Éric Bothorel, pour soutenir l’amendement no 73.

    M. Éric Bothorel

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    Il vise à préciser que l’activité d’influence commerciale par voie électronique consiste à diffuser des « communications commerciales ». Comme tout à l’heure, je m’appuie sur le guide de bonne conduite des influenceurs.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Arthur Delaporte, rapporteur

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    Avis défavorable. Il faut éviter tout effet de bord. La notion de « communications commerciales » pourrait s’avérer restrictive. Il suffirait d’insérer un placement de produit dans des vidéos montrant la vie de tous les jours et d’évoquer le produit en ajoutant par exemple un lien internet, pour sortir de la définition stricte de communication commerciale. Encore une fois, nous estimons que la définition à laquelle nous avons collectivement abouti est la bonne et que la réécriture que vous défendez risquerait de fragiliser la délimitation du champ sur lequel nous souhaitons intervenir.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée

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    Je n’ai rien à ajouter aux explications, claires, du rapporteur. Demande de retrait, sinon avis défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Éric Bothorel.

    M. Éric Bothorel

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    Nous ne serons pas toujours en désaccord ce matin, mais c’est le cas s’agissant de cet amendement. La directive 2000/31/CE du 8 juin 2000, ou directive « sur le commerce électronique », définit la communication commerciale comme : « toute forme de communication destinée à promouvoir, directement ou indirectement, des biens, des services, ou l’image d’une entreprise, d’une organisation ou d’une personne ayant une activité commerciale, industrielle, artisanale ou exerçant une profession réglementée ». Le champ est vaste ; le risque que vous évoquez est donc très faible, sinon nul. Je maintiens donc l’amendement.

    (L’amendement no 73 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 23.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Il vise à appeler votre attention sur un aspect de l’activité d’influenceur qui pourrait faire défaut dans cette proposition de loi.
    Comme l’indique la définition figurant à l’article 1er, les influenceurs exercent une influence sur la façon de consommer de leur public, en faisant la promotion de biens, de services ou d’une cause quelconque. Mais ils influencent également les comportements, notamment des plus jeunes, ce qui représente un risque réel. Je regrette que l’article 1er ne considère pas cet aspect relatif aux comportements. Cet amendement a donc pour objectif d’ajouter à l’article 1er les termes « de comportements ».

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Arthur Delaporte, rapporteur

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    Ce texte n’a pas pour objectif de régir des comportements, ce qui l’exposerait à un risque d’inconstitutionnalité, mais de réguler une activité commerciale. Nous souhaitons en rester à la définition telle qu’elle figure à l’article 1er. Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée

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    Quitte à répéter les propos que j’ai tenus lors de la présentation du texte, je tiens à souligner un point : il importe de ne pas faire de cette proposition de loi ce qu’elle n’est pas, à savoir une proposition de loi comportementale ou relative à la publicité. La représentation nationale souhaite définir et encadrer l’activité d’influence commerciale, qui vise à promouvoir des achats de biens et de services, et non à dicter une manière de se comporter.
    Demande de retrait de cet amendement, qui vise d’éventuels impacts comportementaux ; sinon avis défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Ségolène Amiot.

    Mme Ségolène Amiot

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    Nous sommes contre cet amendement. Comme l’ont rappelé plusieurs orateurs dans la discussion générale, ce texte s’applique à définir un cadre légal et non moral.
    De nombreux influenceurs et influenceuses, créateurs de contenus, se consacrent à la lutte contre les discriminations, le gaspillage alimentaire ou le réchauffement climatique, chacun à leur échelle. En invitant les gens à réduire leurs déchets ou à effectuer de petits gestes, ils ont une influence sur leurs comportements ; nous avons besoin de cette influence.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Je m’inscris totalement en faux par rapport à vos propos, monsieur le rapporteur : l’amendement no 23 n’a pas pour objet de régir des comportements, mais de prévenir l’influence d’injonctions sur certains comportements, ce qui n’est pas la même chose. Ainsi, l’impératif de minceur peut conduire les plus jeunes à adopter des comportements menant à l’anorexie. Il ne me semble pas que ce soit un impératif moral ; il s’agit d’alerter l’opinion publique sur les injonctions, qui peuvent être exprimées par des influenceurs, à adopter certains comportements.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Arthur Delaporte, rapporteur.

    M. Arthur Delaporte, rapporteur

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    Nous aurons l’occasion de revenir sur les injonctions en matière de santé dans la suite de l’examen du texte. Nous ne souhaitons pas modifier la définition prévue à l’article 1er en y introduisant la notion, trop floue, de comportement.

    (L’amendement no 23 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Éric Bothorel, pour soutenir l’amendement no 72.

    M. Éric Bothorel

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    Je tiens à cette notion d’engagement réciproque, qui permet de surmonter une fragilité juridique. Permettez-moi de tenter, encore et toujours, d’avoir de l’influence ! (Sourires sur plusieurs bancs.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Arthur Delaporte, rapporteur

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    Défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée

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    Même avis.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Violette Spillebout.

    Mme Violette Spillebout

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    Lors de la préparation de ce texte, nous avons beaucoup discuté des contreparties et des avantages en nature, notamment avec notre collègue Bothorel. J’avais la même préoccupation que lui, mais j’ai été rassurée par les discussions menées avec les deux rapporteurs et par leur travail de fond. L’article 1er précise bien « en contrepartie d’un bénéfice économique ». Le terme de contrepartie signifie qu’il existe un échange volontaire, une compensation opérée à la suite d’un accord passé entre deux parties qui se sont entendues.
    Prenons l’exemple d’une start-up, qui commercialise des articles cosmétiques bio dont les ingrédients sont produits en France. Afin de les faire découvrir, elle envoie des échantillons ou des tubes – de crème de jour par exemple – à tous les influenceurs et influenceuses s’intéressant à ce type de produits, ainsi qu’aux journalistes de la presse féminine – Elle ou Le Figaro Madame. En contrepartie, elle ne demande rien et ne donne aucune consigne sur la façon d’en parler. Cette entreprise ne sera donc pas concernée par certaines obligations figurant dans le présent texte.
    L’objectif n’est pas de sanctionner des personnes ou des entreprises qui utilisent raisonnablement l’envoi d’échantillons ou de produits, ni d’entraver l’innovation et la création, en particulier des entreprises françaises. Celles-ci doivent pouvoir communiquer avec les influenceurs, qui élargissent la communauté influente que sont déjà les journalistes.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Éric Bothorel.

    M. Éric Bothorel

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    Ce sujet est très intéressant, comme l’ont été nos discussions en commission. Permettez-moi d’insister cependant. Notre possibilité, en tant que députés, de recevoir des biens dans le cadre d’interactions avec des entreprises est strictement encadrée par le déontologue ; nous connaissons tous ces règles. Il n’empêche que les contreparties matérielles, du fait de leur valeur, constituent un bénéfice économique. Monsieur le rapporteur, ma lecture est peut-être plus tordue, plus borderline que la vôtre – pardon, madame la présidente, elle est plus « en frontière » ! (Sourires.)

    Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme et M. Arthur Delaporte, rapporteur de la commission des affaires économiques

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    C’est limite !

    M. Éric Bothorel

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    Toujours est-il que je considère que le risque existe. Mes différents amendements à l’article 1er ne visent pas à disqualifier le travail transpartisan que vous avez accompli, qui est d’une grande qualité – tout le monde l’a souligné. J’essaye simplement de me faire le porte-parole de ceux qui le liraient autrement et qui voudraient défendre des intérêts différents – une sorte de poil à gratter. Je maintiens l’amendement no 72, parce qu’il reste des fragilités d’ordre juridique.

    (L’amendement no 72 est adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 165.

    M. Arthur Delaporte, rapporteur

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    Je demande une deuxième délibération sur l’amendement no 72, à la fin du texte ; certains collègues étaient encore endormis en ce début de matinée… Nous aurons à ce moment-là l’occasion de prolonger ces échanges.
    L’amendement no 165 vise à revenir sur une disposition adoptée en commission à l’initiative de Mme Spillebout, responsable du texte pour le groupe Renaissance. Il est certes nécessaire d’éviter de trop encadrer les petits avantages en nature – qui pourraient toutefois devenir considérables en raison de leur effet cumulatif. Ce point nous a conduits à privilégier l’encadrement de la contractualisation et à introduire des effets de seuil.
    Nous aurons l’occasion de modifier tout le passage relatif à la contractualisation, pour exclure les petits avantages en nature qui induiraient un effet de surcontractualisation permanente sur les petits contrats. Nous préférons conserver la définition telle que nous l’avions adoptée initialement et supprimer les mots « dont la valeur est supérieure au seuil fixé par décret. »
    Prenons un exemple. Si le seuil était fixé 15 euros, les avantages d’un montant inférieur ne seraient pas inclus dans le champ de l’influence et notre objectif de transparence en matière de promotion des contenus ne serait plus rempli. Ainsi, si je recevais un avantage en nature d’une valeur de 12 euros, il me suffirait d’indiquer qu’il a été reçu gratuitement dans le cadre d’un partenariat ; telle est la pratique en Italie. Afin de sortir du champ de l’influence, il suffirait à des marques de fournir des produits d’une valeur allant jusqu’à 14,90 euros. Nous préférons que tous les avantages en nature soient pris en compte, tout en les excluant de la contractualisation. Cet amendement, que j’ai déposé avec le corapporteur Stéphane Vojetta, vise donc à donner à la notion d’activité d’influence commerciale une définition aussi épurée que possible.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée

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    L’amendement n° 165 supprime le critère de seuil visant à définir la catégorie d’influence commerciale à laquelle la loi s’applique. Les seuils de valeur ou de montant soulèvent plusieurs difficultés. Tout d’abord, ils provoqueraient une instabilité dans l’application de la loi dans le temps, en raison de la forte fluctuation des montants perçus d’un contrat à l’autre. Ils affaibliraient surtout la portée de l’interdit pénal. La micro-influence aussi doit être encadrée. Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est favorable à cet amendement.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Violette Spillebout.

    Mme Violette Spillebout

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    Le groupe Renaissance est favorable à cet amendement, compte tenu des discussions que nous avons eues en commission. Notre préoccupation est simple. Prenons l’exemple d’un jeune entrepreneur de ma circonscription : il fabrique des pochettes d’ordinateur haut de gamme à partir d’anciens tissus d’ameublement et en envoie à des influenceurs. Certains entrepreneurs font en effet le choix de ne pas intégrer à leur budget des dépenses de publicité, pour des raisons morales ou écologiques. Ils s’appuient uniquement sur leur réseau, sur le bouche-à-oreille, sur la qualité de leur service client et sur l’envoi de leurs produits.
    Nous souhaitons que ce texte n’empêche pas ces entrepreneurs, ces créateurs, de poursuivre leur activité et qu’il ne crée pas de contraintes superflues pour des pratiques vertueuses. Tout au long de l’examen du texte, nous veillerons à ce qu’il se concentre sur les arnaques et les dérives, sans entraver la création française.

    M. Christophe Blanchet

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    Très bien !

    (L’amendement no 165 est adopté.)

    (L’article 1er, amendé, est adopté.)

    Article 1er bis

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Ségolène Amiot, pour soutenir l’amendement no 81 troisième rectification.

    Mme Ségolène Amiot

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    Dans une étude récente sur la création de contenus, notamment par des influenceurs et des parents influenceurs, nous avons lu que les enfants pouvaient être mis à contribution, pendant parfois plusieurs heures par jour, pour créer ces contenus – qu’il s’agisse de photos ou vidéos. Il nous semble important de protéger les enfants, en nous assurant que, sans autorisation individuelle préalable accordée par l’autorité administrative, un mineur de moins de 16 ans ne puisse être, à quelque titre que ce soit, engagé par un influenceur. Tel est l’objectif de cet amendement.
    Il s’agit de reprendre le dispositif déjà existant de protection de l’enfant, qui s’applique notamment aux activités du cinéma et du spectacle, prévu à l’article L. 7124-1 du code du travail, que j’affectionne. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Arthur Delaporte, rapporteur

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    Madame Amiot, permettez-moi de saluer votre engagement pour la défense des mineurs, ainsi que celui de M. Studer. Je me réjouis de l’ensemble des riches discussions que nous avons eues en commission et des apports qui en ont résulté pour le texte. La manière dont ce texte a été enrichi par les apports et les intérêts partagés de chacune et de chacun est l’exemple même de la construction collective.
    Néanmoins, votre amendement propose d’étendre la portée de la loi visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de 16 ans sur les plateformes en ligne, dite Studer, en prévoyant qu’un enfant de moins de 16 ans ne peut, sans autorisation individuelle préalable accordée par l’autorité administrative, être, à quelque titre que ce soit, engagé ou produit par une personne exerçant de l’influence commerciale par voie électronique.

    M. Arthur Delaporte, rapporteur

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    Nous partageons et comprenons votre objectif, mais nous émettons une réserve sur cet amendement. Je vous invite à le retirer, car ajouter un 6° au sein de l’article L. 7124-1 du code du travail fait courir le risque d’une interprétation a contrario du 5°, qui prévoit déjà qu’une autorisation individuelle préalable doit être délivrée aux mineurs employés « par un employeur dont l’activité consiste à réaliser des enregistrements audiovisuels dont le sujet principal est un enfant de moins de seize ans, en vue d’une diffusion à titre lucratif […] ». Dès lors, ne faisons pas courir un risque juridique à ceux que nous devons protéger.
    Permettez-moi, par ailleurs, de m’appuyer sur cet amendement pour dire que la représentation nationale est particulièrement inquiète de l’utilisation par certains influenceurs de leurs enfants. Je pense notamment, en ma qualité de député normand, à une Rouennaise, Poupette Kenza, qui s’est fait connaître en mettant en scène sa vie de famille, notamment celle de ses enfants, et qui a récemment fait l’objet d’une convocation – elle en a elle-même parlé sur les réseaux sociaux – par les services d’enquête de Bercy. Il est nécessaire d’encadrer ces pratiques, de les réguler et d’avancer en ce sens. Notre texte apporte certaines réponses et va dans le bon sens. Vous cherchez à le compléter, mais j’espère que votre amendement ne sera pas adopté, afin de ne pas fragiliser l’équilibre juridique auquel nous sommes parvenus.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée

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    Je tiens aussi à saluer l’engagement de la députée Ségolène Amiot, qui, comme vient de rappeler le rapporteur Arthur Delaporte, pointe un sujet très important pour nous toutes et tous. Sans répéter les arguments qu’il a développés, j’émets les mêmes réserves pour les mêmes raisons – je ne doute pas que vous les compreniez. Je vous remercie d’avoir soulevé ce point. Je vous invite à retirer votre amendement pour une bonne raison : ne pas fragiliser le dispositif légal en vigueur ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Bruno Studer.

    M. Bruno Studer

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    Nous avons déjà débattu de ces questions lors de l’examen de la proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants.
    Cet amendement est en grande partie satisfait par les dispositions de la loi du 19 octobre 2020 visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de 16 ans sur les plateformes en ligne, qui ont étendu le régime des enfants du spectacle et des enfants mannequins aux enfants figurant dans des vidéos diffusées sur les services en ligne, qui sont dans une relation de travail. Vous avez raison, il faut absolument faire référence au droit du travail, très protecteur en France, et rappeler que le travail des enfants est interdit, notamment sur internet, sauf dérogation. Eu égard aux explications données par M. le rapporteur et Mme la ministre déléguée, j’espère que vous retirerez votre amendement.
    Par ailleurs, j’en profite pour dire à Mme la ministre déléguée que j’attends toujours les décrets d’application de l’article 3 de la loi du 19 octobre 2020, dont je suis l’auteur. Je sais que sa mise en œuvre est très difficile parce qu’on est dans une zone grise, propre à internet. En effet, si l’enfant ne travaille pas forcément, il est utilisé dans le cadre de la stratégie marketing qui est appliquée.
    D’autre part, un vide juridique existe s’agissant des vidéos d’enfants, qui font naître une relation de travail. Je rappelle, s’agissant du mannequinat, que cet amendement est satisfait par l’article L. 7123-2 du code du travail, qui prévoit : « est considérée comme exerçant une activité de mannequin, même si cette activité n’est exercée qu’à titre occasionnel, toute personne qui est chargée : 1° Soit de présenter au public, directement ou indirectement par reproduction de son image sur tout support visuel ou audiovisuel, un produit, un service ou un message publicitaire […] ». La loi visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de 16 ans sur les plateformes en ligne ainsi que l’article sur le mannequinat, en vigueur depuis 2008, sont assez satisfaisants et répondent quasiment à 100 % des cas.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Ségolène Amiot.

    Mme Ségolène Amiot

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    Il existe une zone grise – le collègue Bruno Studer vient de le rappeler – et je trouverais dommage de ne pas rappeler que, lorsque des parents sont influenceurs et mettent en scène leur famille, les enfants sont mis à contribution pour feindre la spontanéité. Or cela leur prend du temps, qui devrait être assimilé à du temps de travail, notamment lorsqu’il s’agit de réaliser la photo parfaite qui sera, notamment, « instagrammée ».
    Malheureusement, cette relation de travail ne fait pas systématiquement l’objet d’un contrat parce qu’elle n’est pas forcément formalisée au sein même de la famille. Cette question est importante et je suis ravie de constater que mon amendement ait appelé l’attention sur celle-ci. Nous devrons malgré tout être vigilants à l’avenir. Étant donné que nous sommes déjà plusieurs à travailler sur un deuxième texte de loi, nous pourrons réexaminer cette question dans ce cadre. Par conséquent, je retire mon amendement.

    (L’amendement no 81 troisième rectification est retiré.)

    Mme la présidente

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    Sur l’amendement no 96, je suis saisie par le groupe Renaissance d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l’amendement no 39.

    M. Dominique Potier

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    Les chiffres sont édifiants : un enfant sur deux de moins de 11 ans et les deux tiers des adolescents sont présents sur les réseaux sociaux et subissent les publications des influenceurs – et de la publicité en général ; ils sont donc soumis à une énorme influence.
    Selon un autre chiffre, l’obésité a explosé entre 2000 et 2020, puisque le nombre de personnes obèses a doublé. Aujourd’hui, une personne sur six est obèse. Sur le plan social, il est important de noter qu’il y a deux fois plus de personnes obèses chez les ouvriers et les employés que chez les cadres et les professions supérieures. Les enfants sont donc fragilisés et leur exposition importante à la publicité est un problème de santé publique, qui est, tout le monde l’admet, une bombe à retardement sanitaire.
    Dans ce contexte, notre amendement, très modéré et très bien écrit, vise à interdire la publicité par les influenceurs des produits alimentaires de faible qualité nutritionnelle – il est inutile de préciser les catégories concernées – à destination des enfants de moins de 16 ans. Arrêtons de massacrer la santé des gamins, notamment des plus pauvres d’entre eux, auxquels il n’est pas proposé de contrepoids en matière culturelle, que ce soit à l’école ou dans leur famille.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Stéphane Vojetta, rapporteur

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    Nous saluons l’intention louable de votre amendement. La protection des mineurs, en particulier de ceux de moins de 16 ans, est un sujet essentiel et de nombreuses dispositions de cette loi visent à la garantir. Cependant, il convient de rappeler le cadre juridique en vigueur et les avancées prévues par le texte.
    S’agissant du cadre juridique en vigueur, je fais également référence à la loi de notre collègue Bruno Studer du 19 octobre 2020 visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de 16 ans sur les plateformes en ligne.

    M. Bruno Studer

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    Elle est très bien, cette loi !

    M. Stéphane Vojetta, rapporteur

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    Elle fixe un cadre, en prévoyant notamment l’autorisation administrative préalable, le contrôle médical de l’enfant et la consignation d’une grande partie des sommes perçues. Bref, il convient d’appliquer ce cadre, qui sera complété, à la suite des travaux du groupe de travail et de la commission.
    Vous avez fait adopter un amendement en commission, qui vise à prévoir que la promotion, par les influenceurs, « de boissons avec ajouts de sucres, de sel ou d’édulcorants de synthèse ou de produits alimentaires manufacturés inclut une information à caractère sanitaire, selon les modalités prévues à l’article L. 2133-1 du code de la santé publique ». La combinaison de la loi dite Studer et de cet instrument d’information, qui reprend les dispositions en vigueur en matière de publicité traditionnelle, couvre, de manière adéquate, le risque qui est cependant réel – vous avez raison de le mentionner. Je vous invite à retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée

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    Je profite de cet amendement pour partager avec vous la position du Gouvernement quant à l’ensemble des interdictions qui sont proposées ou qui le seront : elle est assez claire et ne variera pas. Tout ce qui est interdit ou encadré par des dispositions législatives et réglementaires est intégralement applicable à l’activité d’influence commerciale. C’est l’objet de l’article 2 A de la proposition de loi. S’agissant de plusieurs biens et services, la proposition de loi prévoit certaines exceptions ; de même, plusieurs amendements, dont celui de M. le député Potier, visent à y inscrire certaines exceptions et proposent d’aller plus loin. Le Gouvernement soutient l’exception proposée par les rapporteurs, visant à interdire toute forme de publicité relative aux actes de chirurgie et de médecine esthétique dans le cadre de l’influence commerciale. J’aurai l’occasion de m’exprimer sur cette question.
    Je reviens sur la position générale du Gouvernement. Nous pensons qu’il ne faut pas créer deux poids, deux mesures : l’objectif de cette proposition de loi n’est pas d’être bavard, mais de faire simple et d’être opérationnel, plutôt que de prévoir un système complexe d’interdictions, comportant des exceptions et des dispositions qui s’appliqueraient à certains supports, selon le canal, ou à certaines pratiques – influence commerciale ou publicité à la télévision ou encore dans la presse écrite. Cette proposition de loi est cohérente, elle traite exclusivement de l’influence commerciale et n’a pas vocation à réglementer toute forme d’influence, tout mode de communication ou toute forme de publicité. Elle accompagne et protège le secteur. Elle le régule autour de grands principes.
    Prévoir des dispositions qui seraient différentes et comporteraient des contraintes plus fortes s’appliquant à l’influence commerciale pourrait entraîner des situations absurdes, voire ubuesques. Je sais que nous ne serons pas d’accord, le député Dominique Potier et moi, mais c’est le charme des débats parlementaires : si l’on appliquait des dispositions différentes selon les canaux, cela conduirait à voir une publicité pour des bonbons, diffusée sur une plateforme de contenus vidéo comme YouTube, sur laquelle serait apposé le bandeau obligatoire de prévention sanitaire, avant une intervention d’un influenceur, qui lui ne serait pas autorisé à faire une telle publicité.
    Cette situation serait assez incohérente et comporterait de réelles complexités entraînant aussi un problème d’équité – même si ce n’est pas le premier argument que je souhaite mettre en avant. Or le Gouvernement souhaite que cette proposition de loi aboutisse, compte tenu du travail qui a été réalisé. Votre amendement, qui vise à prévoir des interdictions différentes selon les canaux de diffusion, pourrait entraîner, sur le plan juridique, une rupture d’égalité – vous faites la loi, vous le savez, la frontière est ténue.
    Je ne doute pas que nous en reparlerons, mais il était important de rappeler que, pour des questions de cohérence et de lisibilité, les dispositions législatives et réglementaires qui s’appliquent à toutes les formes de publicité doivent absolument s’appliquer à l’influence commerciale, ni plus ni moins. C’est d’ailleurs dans cet état d’esprit qu’en plus de cette proposition de loi, Bruno Le Maire a présenté les premières mesures d’accompagnement des influenceurs et de protection des consommateurs et souhaite créer les Rencontres de l’influence responsable. Ce rendez-vous annuel nous permettra d’abord d’évaluer l’application de la loi d’ici quelques mois – je sais l’importance légitime que vous accordez au contrôle de la loi et de son exécution – afin, le cas échéant, de la faire évoluer.
    Alors que débute l’examen d’une proposition de loi très importante, je souhaiterais qu’on s’en tienne seulement à celle-ci. Pour qu’elle soit opérationnelle, ne prévoyons pas des interdictions qui varieraient au gré des canaux de diffusion. Pour toutes ces raisons – je ne suis pas sûre que le député Dominique Potier les partage mais, à tout le moins, je le remercie de les avoir écoutées –, je l’invite à retirer son amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Edwige Diaz.

    Mme Edwige Diaz

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    Nous voterons en faveur de cet amendement parce que nous considérons qu’il est impératif d’interdire la promotion par les influenceurs de produits alimentaires de faible qualité nutritionnelle auprès des adolescents de moins de 16 ans.
    Il faut tenir compte du contexte actuel, marqué par une baisse de l’activité de nos jeunes et une augmentation du temps passé devant les écrans, avec des conséquences que l’on connaît, c’est-à-dire une augmentation de l’obésité et des prédispositions à avoir des problèmes de santé. Depuis le covid, cette situation s’est aggravée. Compte tenu du fait que nos jeunes, surtout ceux issus de milieux précaires, sont influençables, nous voterons cet amendement, car il est de notre devoir de les préserver.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Dominique Potier.

    M. Dominique Potier

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    J’entends parfaitement les réponses du rapporteur et de la ministre déléguée. Je le dirai tranquillement…

    M. Éric Bothorel

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    Mais oui !

    M. Dominique Potier

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    …parce que ce matin, nous travaillons dans un très bon état d’esprit, ces deux philosophies sont tout à fait respectables. Selon la première, on applique aux influenceurs les mêmes lois que celles qui régissent la publicité en général, pas plus, pas moins. Cela s’entend et je l’entends. D’autres soutiennent qu’il existe un véritable débat s’agissant de questions sensibles, notamment relatives à la santé publique et aux mineurs.
    Cette proposition de loi est l’occasion d’ouvrir le débat et de mettre un pied dans la porte pour aller vers une régulation plus importante en la matière, afin de mieux protéger les mineurs et la santé publique – un objectif qui me semble respectable.
    Vous noterez que la proposition de l’opposition de gauche est nettement moins disruptive que celle de la majorité adoptée tout à l’heure, qui remettait en cause le fondement même de la loi. (M. Bruno Studer sourit.) Animé uniquement du désir de prendre ma part à un débat constructif, je me sens d’autant plus serein et légitime à maintenir mon amendement que ma collègue Nathalie Bassire, qui ne pourra pas prendre la parole, m’informe à l’instant que les chiffres que je vous ai communiqués tout à l’heure sont terriblement amplifiés en outre-mer. Les enfants les plus défavorisés socialement y sont les premières victimes de la pub, et notamment des influenceurs : le débat est donc ouvert. Ce rappel fait, nous allons pouvoir voter en conscience.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée.

    Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée

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    Je tiens à être claire : pas une seule seconde je ne remets en question les constats dressés par M. Potier, notamment en ce qui concerne l’outre-mer. Je pense sincèrement que c’est un important sujet de santé publique. Faut-il légiférer en la matière ? Ce n’est pas à moi de le dire, mais je comprendrais cette décision, et je ne doute pas que vous seriez alors force de proposition. Néanmoins, adopter un tel amendement dans le cadre de cette proposition de loi relative à l’influence commerciale, c’est courir le risque que l’interprétation ex post du texte conduise à sa censure pour rupture d’égalité.

    M. Bruno Studer

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    C’est exactement ça !

    Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée

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    Ce n’est pas dans l’intérêt du texte. Néanmoins, je répète, monsieur Potier, que je ne remets nullement en cause vos propos, et que l’obésité, notamment, est effectivement un sujet de santé publique très important.

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 39.

    (Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        54
            Nombre de suffrages exprimés                53
            Majorité absolue                        27
                    Pour l’adoption                24
                    Contre                29

    (L’amendement no 39 n’est pas adopté.)

    (L’article 1er bis est adopté.)

    Article 2 A

    Mme la présidente

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    J’ai plusieurs inscrits sur l’article.
    La parole est à Mme Véronique Riotton.

    Mme Véronique Riotton

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    Alors que la création de contenus en ligne explose, l’encadrement de cette nouvelle activité proposé par les rapporteurs est le bienvenu. En effet, cette activité engendre deux nouveaux types de violences faites aux femmes : le premier, que nous avons déjà évoqué, regroupe les violences subies directement par nombre de créatrices elles-mêmes. Le second est lié à la nature des contenus, certaines arnaques atteignant à la dignité, la santé et l’image des personnes, en particulier des femmes.
    Parmi ces dérives, la représentation dégradante et stéréotypée des femmes, à laquelle sont soumis de manière récurrente de jeunes et très jeunes publics, nous semble d’autant plus inacceptable que les conséquences délétères de telles pratiques sont désormais parfaitement documentées. Plusieurs colloques organisés sur ce sujet par la délégation aux droits des femmes et à l’égalité entre les hommes et les femmes, que j’ai l’honneur de présider, ont mis en évidence que les violences numériques, loin d’être virtuelles, étaient au contraire bien réelles.
    Les travaux sur cette proposition de loi sont guidés par la recherche d’une équité entre les pratiques dans la vie réelle et les pratiques numériques. Mais il serait parfaitement légitime, et juridiquement justifié, d’encadrer plus strictement le secteur de l’influence que le secteur traditionnel de la publicité : en effet, en matière juridique, le principe d’égalité n’empêche pas de traiter différemment des situations différentes. Or, dans le secteur traditionnel, il y a toujours une interface humaine qui filtre et régule les contenus, qu’il s’agisse d’un comité de rédaction, des services de l’ARPP ou de ceux de l’Arcom.
    Indépendamment du périmètre du texte fixé par la commission, il nous semble donc nécessaire que le législateur prévoie un filtre des contenus, quel que soit leur support. Je salue donc nos travaux, qui posent une première pierre.
    Par ailleurs, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) mène actuellement des travaux à la fois sur les contenus et la filière de l’influence numériques, dont les conclusions seront portées à votre connaissance d’ici à l’automne. Je garderai un œil attentif sur ces questions et la délégation aux droits des femmes formulera des propositions qui vous seront soumises lors des prochains véhicules législatifs.

    Mme la présidente

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    Il faut conclure, chère collègue.

    Mme Véronique Riotton

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    L’argument technique selon lequel il n’est pas possible de réguler un nombre aussi important de contenus sans risquer d’entraver la liberté d’expression ne peut pas éternellement empêcher le législateur de protéger les jeunes générations.
    Je propose donc de donner une nouvelle mission à l’Arcom… (Mme la présidente coupe le micro de l’oratrice, dont le temps de parole est écoulé. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Ségolène Amiot.

    Mme Ségolène Amiot

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    Je vais pouvoir compléter dès maintenant les propos de Mme Riotton, puisque nous sommes en effet d’accord sur l’importance d’enrichir les missions de régulateur de l’Arcom. Nous avions d’ailleurs déposé des amendements similaires, qui ont malheureusement été déclarés irrecevables.
    S’il faudra revenir sur ce sujet important, nous saluons l’introduction dans le texte d’un nouvel article 2 A, qui prévoit des dispositions que nous appelions de nos vœux en matière de régulation du travail des mineurs de moins de 16 ans. Nous vous en remercions.

    Mme la présidente

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    L’amendement no 70 de M. Éric Bothorel est défendu.

    (L’amendement no 70, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

    Mme la présidente

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    Sur l’article 2 A, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    L’amendement no 172 de M. le rapporteur est rédactionnel.
    Il fait l’objet d’un sous-amendement no 189 de M. Éric Bothorel, lui aussi rédactionnel.

    (Le sous-amendement no 189, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

    (L’amendement no 172, sous-amendé, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 96 et 163.
    La parole est à M. Karl Olive, pour soutenir l’amendement no 96.

    M. Karl Olive

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    Tout d’abord, je félicite et remercie nos collègues Stéphane Vojetta et Arthur Delaporte pour cette proposition de loi transpartisane : un peu de pragmatisme dans ce monde de brutes, ça fait du bien !
    Le tabac tue, ses dérivés tout autant : Philippe avait 46 ans quand il est parti. Aujourd’hui, grâce aux influenceurs, les industries du tabac, de la nicotine et du vapotage se sont fait une place sur Instagram, TikTok et autres réseaux sociaux, devenus leur terrain de jeu. Pour ces industries, superprofiteuses de la dépendance, qui continuent d’exister et d’engranger des bénéfices à coups de hashtags, de jeux concours et d’invitations à des concerts, à quoi bon respecter la loi ?
    En effet, portées par les majors, ces industries investissent massivement dans les campagnes sur les réseaux sociaux pour influencer, entre autres, le jeune public français dès l’âge de 12 ans – et parfois moins. Les majors sont aujourd’hui rejointes par l’industrie de la puff, la cigarette électronique jetable, nouveau fléau à la fois pour la santé des jeunes et pour l’environnement.
    Pire encore : cette stratégie légale n’est même plus cachée. Il existe sur le site internet de la marque Blu, filiale d’Imperial Brands, une page dédiée aux influenceurs, où l’on peut visionner des vidéos montrant en gros plan des fils résistifs sous tension et des cotons imbibés de liquide, autant de références à ce qui serait un « art sensuel » : c’est certes joliment dit, mais la promotion sur les réseaux sociaux du vapotage et des produits du tabac est pourtant interdite en France.
    Alors, mes chers collègues, ne soyons pas dupes de ce qui se joue sous nos yeux, et agissons sans tarder : je vous invite à adopter cet amendement qui tend à compléter la disposition que nous avons introduite en commission s’agissant de l’alcool, en rappelant que les dispositions de la loi Évin, qui interdisent de promouvoir l’alcool sur quelque support que ce soit, s’appliquent également aux produits du tabac, notamment au vapotage et à la puff.
    Philippe était l’un de mes frères : comme 60 000 Français chaque année, il a succombé à ce poison. Alors, de grâce, aucune mansuétude pour les influenceurs empoisonneurs. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – M. Dominique Potier applaudit aussi.)

    M. Philippe Dunoyer

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    Bravo !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 163.

    M. Arthur Delaporte, rapporteur

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    Je vous remercie, monsieur Olive, pour votre amendement. En commission, nous avions en effet introduit une référence à la loi Évin s’agissant de la promotion de l’alcool. Par cohérence, nous avons souhaité déposer un amendement identique au vôtre tendant à rappeler que ces dispositions s’appliquent également aux produits du tabac et du vapotage. Même si c’était déjà largement le cas, l’inscrire dans la loi permet de répondre à la demande des agences d’influenceurs.
    Comme vous l’avez rappelé, l’industrie du tabac a bien compris le potentiel représenté par les influenceurs pour assurer la publicité des produits comme les puffs, ces cigarettes électroniques aromatisées contenant de la nicotine. La finalité est toujours la même : vanter la consommation de tabac.
    Des journalistes de Slate ont mené une enquête poussée sur l’influence de l’industrie du tabac sur les réseaux sociaux, en particulier TikTok, où le clip vantant le snus, ce sachet de nicotine qui se glisse contre la gencive, commercialisé par la marque Lyft, a atteint plus de 13 millions de vues. Des influenceurs posent ainsi avec des pochettes de nicotine, sur fond de musique pop. L’enquête nous apprend en outre que la British American Tobacco a investi plus de 1 milliard d’euros dans l’influence de ses produits sur les réseaux sociaux – 1 milliard d’euros, chers collègues.
    Pourtant, le code de la santé publique est clair, et nous souhaitons rappeler avec la plus grande fermeté que la propagande et la publicité, directe ou indirecte, en faveur du tabac et des produits du tabac, sont interdites. À cet égard, le texte présente également une dimension pédagogique, comme l’illustre parfaitement l’exemple de Maeva Ghennam, qui a découvert il y a tout juste deux jours les interdictions fixées par la loi, preuve de la prise de conscience, par les influenceurs, de l’existence d’un cadre législatif. Nous voulons donc rappeler avec force à l’industrie du tabac et aux influenceurs qu’ils n’ont pas le droit de promouvoir le tabac sur les réseaux sociaux, et demandons solennellement aux plateformes de supprimer immédiatement tout contenu contrevenant à cette interdiction.
    Grâce à une enquête menée sur Instagram au sujet de la promotion des cigarettes électroniques, le comité Génération sans tabac a pu mettre en évidence qu’un réseau regroupant plusieurs dizaines de marques employait effectivement des influenceurs. Il a également analysé les conséquences de cette influence sur la consommation de cigarettes chez les jeunes, et les conclusions sont édifiantes : l’exposition à des publications présentant des produits du vapotage sur les réseaux sociaux – y compris du contenu promotionnel –, est associée à une utilisation accrue de la cigarette électronique chez les adolescents américains ; leur attitude à l’égard de la cigarette électronique est plus positive, ils perçoivent moins le danger lié à l’utilisation de ces produits.
    L’amendement, s’il est symbolique, est important et aura une incidence réelle sur l’activité en ligne et les comportements des influenceurs. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée

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    Mes pensées les plus sincères pour la perte de votre frère, monsieur Olive. Je n’irai pas par cinquante chemins : le Gouvernement est évidemment favorable à ces amendements identiques. Comme je l’ai dit précédemment, d’un point de vue technique, ils sont déjà satisfaits par la rédaction de l’article 2 A et les interdictions législatives en vigueur. Mais il est des évidences qu’il est toujours utile de rappeler, d’où mon avis très favorable.

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix les amendements identiques nos 96 et 163.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        62
            Nombre de suffrages exprimés                62
            Majorité absolue                        32
                    Pour l’adoption                61
                    Contre                1

    (Les amendements identiques nos 96 et 163 sont adoptés.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 209.

    M. Arthur Delaporte, rapporteur

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    Cet amendement est important, car il rappelle la soumission des personnes exerçant l’activité d’influence commerciale par voie électronique aux dispositions du code de la santé publique concernant la publicité des médicaments et des dispositifs médicaux, ainsi qu’aux règles fixées par le règlement européen du 20 décembre 2006 concernant les allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires.
    C’est essentiel, car nous savons qu’une des dérives de l’influence, comme plusieurs orateurs l’ont évoqué lors de la discussion générale, porte sur les produits de santé, mais aussi sur ce qu’on appelle les allégations de santé, des conseils de santé destinés à la communauté des influenceurs et qui ont des effets extrêmement graves sur les corps et sur les vies.
    Ainsi, j’ai reçu hier sur Twitter un message d’un citoyen dont la compagne, exerçant la profession de nutritionniste, reçoit de plus en plus de jeunes femmes anorexiques qui ont suivi les conseils d’influenceurs sur les réseaux sociaux, en particulier sur TikTok. En France, des jeunes femmes sont hospitalisées parce que des influenceurs préconisent des régimes terribles et portent ainsi atteinte à la santé et à la vie des personnes. Le règlement européen sur les allégations de santé permet déjà de répondre à cette question, mais nous souhaitons le rappeler solennellement, car on ne peut pas mégoter avec la santé publique.
    Mediapart a publié le 28 mars un article qui révèle que certains influenceurs font la promotion des capteurs de glucose pour mesurer le taux de glucose et le maîtriser dans le but de maigrir.

    Mmes Ségolène Amiot et Michèle Peyron

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    Oui !

    M. Arthur Delaporte, rapporteur

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    Actuellement, 4,5 millions de personnes utilisent le FreeStyle Libre, un capteur de glucose fabriqué par Abbott, qui est dans le top 10 des leaders mondiaux de l’industrie du dispositif médical. Cela a des conséquences importantes : ceux qui en ont besoin, les diabétiques, peinent à trouver des capteurs de glucose. Léa Coffrant, alias Jenesuispasjolie, par exemple, a fait la promotion de ces capteurs alors qu’elle n’était pas diabétique. Elle indique qu’elle n’a pas voulu s’approprier un dispositif médical : « Je ne savais même pas qu’il s’agissait d’un matériel médical puisque je me suis procuré mon capteur de glucose sans ordonnance », sur internet. Ces capteurs peuvent évidemment être un facteur d’obsession chez les personnes non diabétiques.
    Le médicament Ozempic est sous tension d’approvisionnement en France. Les personnes diabétiques se l’injectent dans le ventre pour ralentir la digestion et augmenter le sentiment de satiété. Sur 215 000 personnes qui ont reçu de l’Ozempic du 1er octobre 2021 au 30 septembre 2022, 2 185 peuvent être considérées comme non diabétiques. Or, chez les personnes non diabétiques, ce médicament provoque des soucis intestinaux, tels que diarrhée, constipation ou nausée, et des effets indésirables plus rares, comme l’inflammation de la vésicule biliaire et, craint-on, le cancer de la thyroïde. À l’arrêt du traitement, bien évidemment, les kilos repartent à la hausse.
    Nous avons reçu la Fédération française des diabétiques (FFD), qui suit nos débats. Cet amendement est un premier pas important, car il est pédagogique. Nous devons dire aux influenceurs : faites attention à la vie et à la santé des consommateurs.
    Nous aurons l’occasion d’y revenir en présentant l’amendement no 176 rectifié, qui permettra d’élargir la discussion et peut-être d’amplifier la régulation.
    L’amendement no 209 est nécessaire. C’est un signal que nous enverrons et j’espère que nous le voterons à l’unanimité.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée

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    Je reprendrai ce que vient de dire le rapporteur : l’amendement no 209 permet de rappeler solennellement les règles en vigueur sur les médicaments et leurs usages.
    Je ne serai pas plus longue : l’avis du Gouvernement est favorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Ségolène Amiot.

    Mme Ségolène Amiot

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    Nous sommes évidemment favorables à cet amendement. Au-delà de cette première pierre, au gré des réécritures de cette proposition de loi, nous avons essayé d’élargir le débat sur tous les dispositifs médicaux et sur ce qui n’est pas à strictement parler un dispositif médical mais qui s’y apparente, notamment les compléments alimentaires, comme le fer ou les vitamines. Ils peuvent paraître tout à fait anodins, puisqu’on peut effectivement les acheter sans ordonnance, parfois même en grande surface, alors que certains excès peuvent provoquer des défaillances organiques profondes, voire définitives. À force de donner ce genre de mauvais conseils, on peut provoquer, chez les jeunes femmes notamment, mais aussi chez les jeunes hommes, la dysmorphophobie, c’est-à-dire la peur de son propre corps ou du corps de l’autre, le fait de ne pas supporter que le corps de l’autre soit différent ou ne soit pas absolument parfait, conforme à certaines représentations. C’est un véritable enjeu de santé mentale, laquelle est mise à mal dans notre pays, ce qui constitue un autre sujet que nous devrons aborder.
    Je regrette que nous ne puissions pas aller plus loin dans le cadre de cette proposition de loi, mais je sais que nous serons nombreux à nous retrouver pour travailler sur cette question. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Prisca Thevenot.

    Mme Prisca Thevenot

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    Je rejoins Ségolène Amiot. Le travail que nous menons au travers de cette proposition de loi transpartisane, qui aborde de nombreux sujets, doit continuer. Je tiens à saluer le travail accompli par la commission, qui toujours a su être réactive, et à vous remercier d’avoir entendu la délégation aux droits des femmes, dont la présidente est présente dans cet hémicycle, puisque la délégation a pu vous auditionner et faire savoir que des comportements que nous combattons dans la vie réelle se retrouvent sur les réseaux de façon très prégnante. Sur le droit des femmes et sur leur santé, ce que nous combattons off line se retrouve on line. (« Hors ligne, en ligne ! » sur divers bancs.) Vous avez raison, chers collègues : la rigueur s’impose dans cet hémicycle.
    Ce que nous combattons hors ligne se retrouve en ligne, disais-je. Nous devons donc continuer puisque, nous le constatons encore ici, les premières victimes de ces dérives sont souvent les corps des jeunes filles qui, étant sous influence, ne se rendent pas compte de ce dont elles sont victimes ; elles se construisent elles-mêmes et se projettent dans la société au travers d’images erronées et de conceptions du corps de la femme que nous combattons déjà hors ligne. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

    (L’amendement no 209 est adopté.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’article 2 A, tel qu’il a été amendé.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        69
            Nombre de suffrages exprimés                69
            Majorité absolue                        35
                    Pour l’adoption                69
                    Contre                0

    (L’article 2 A, amendé, est adopté.)
    (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LFI-NUPES, Dem et SOC.)

    Article 2 B

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Hervé de Lépinau.

    M. Hervé de Lépinau

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    L’article 2 B vise à réduire le champ des influenceurs sur certains produits, entre autres les compléments alimentaires, des produits de première nécessité comme les lunettes ou des produits d’hygiène pour les femmes, les enfants ou les personnes âgées. L’enfer étant parfois pavé de bonnes intentions,…

    Un député du groupe Dem

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    Souvent !

    M. Hervé de Lépinau

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    …je ne voudrais pas que l’on porte préjudice au tissu des très petites entreprises (TPE) et des petites et moyennes entreprises (PME) qui travaillent dans ces secteurs. Vous verrez que nous avons sous-amendé l’amendement no 176 rectifié pour introduire une nuance entre les produits qui ont reçu des agréments nationaux ou communautaires et ceux qui n’en ont pas.
    Je m’adresse particulièrement au président de la commission des affaires économiques qui sera sensible, je pense, à l’argument. Il est absolument nécessaire, grâce au sous-amendement no 184, de séparer le bon grain de l’ivraie.

    M. Arthur Delaporte, rapporteur

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    Ça, c’est un jugement moral !

    M. Hervé de Lépinau

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    Je crois que ces considérations relèvent entièrement de la philosophie de cette proposition de loi. Nous en reparlerons en présentant l’amendement no 184.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Nadège Abomangoli.

    Mme Nadège Abomangoli

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    L’article 2 B, pour nous, concentre l’essentiel des enjeux du texte : il s’agit ici de déterminer quels types de promotions sont acceptables et ont leur place sur les réseaux sociaux. Nous estimons en effet que la promotion de la chirurgie esthétique, de produits illicites et contrefaits, ou de produits et de services financiers doit être interdite. C’est d’ailleurs l’ampleur des dégâts causés par les arnaques sur les produits et services financiers qui a suscité une mobilisation forte du législateur.
    Avant son passage en commission, cet article pouvait être accepté par tous. Cependant, en commission, certains de nos collègues ont fait fi des spécificités des réseaux sociaux – qui motivent pourtant notre engagement à travers cette proposition de loi – pour réduire l’ambition de ce texte en supprimant notamment l’interdiction de promotion des paris sportifs et en les réduisant à l’apposition d’un bandeau de sensibilisation. Nous pensons que ce n’est pas suffisant. La promotion des paris sportifs en ligne vise délibérément les plus précaires, les plus jeunes, les plus influençables, les plus vulnérables, car cela correspond finalement à un modèle de succès immédiat et de valorisation sociale qui est vraiment la marque des réseaux sociaux. Ce sont en effet les ressorts principaux de ces réseaux.
    Prenons exemple sur l’Espagne, qui a interdit la promotion des paris sportifs par les influenceurs et qui a obtenu assez rapidement des résultats tangibles, réels, dans la lutte contre les addictions aux jeux d’argent.
    Notre groupe reviendra par voie d’amendement à l’ambition initiale du texte. Nous espérons être suivis par les rapporteurs et par l’ensemble des députés. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Virginie Duby-Muller.

    Mme Virginie Duby-Muller

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    L’article 2 B revêt une importance majeure, puisqu’il s’agit d’une réécriture plus complète des dispositions relatives à l’encadrement et à la promotion de certains biens et services qui étaient contenues dans l’article 1er dans la rédaction initiale. Ces dispositions concernent les produits de santé, les produits et services financiers, les jeux de hasard et d’argent pour mineurs, les produits illicites et contrefaisants et les jeux vidéo qui reposent sur des mécanismes identiques.
    Je tenais à vous faire part des inquiétudes persistantes dans le monde du diabète, notamment, mais Arthur Delaporte y a déjà fait allusion. Il faudra donc veiller à lutter contre les publicités mensongères en renforçant le contrôle de l’ANSM, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, ou celui de l’Arcom.
    Je pense justement à la promotion de l’antidiabétique Ozempic à des fins de perte de poids, qui entraînera une demande supérieure à l’offre et des tensions d’approvisionnement pour les patients, ou les capteurs de glucose qui sont présentés comme des outils lifestyle. Nous devrons donc être vigilants pour que ces dérives soient particulièrement contrôlées et que les tensions d’approvisionnement que subissent certains médicaments ne se trouvent pas encore accentuées. Je salue donc les propos du rapporteur et j’annonce d’ores et déjà que nous soutiendrons l’amendement no 176 rectifié. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.)

    M. Romain Daubié

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    Très bien !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Christophe Blanchet.

    M. Christophe Blanchet

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    Cet article indispensable résulte des débats de la commission. Comme le prévoit notre règlement, je vais sourcer dès à présent les amendements que nous défendrons. Le groupe MODEM a déposé des amendements élaborés avec le Cnac – le comité national anti-contrefaçon –, dont je suis le président, l’Unifab – l’Union des fabricants pour la protection internationale de la propriété intellectuelle – et l’Inpi – l’Institut national de la propriété intellectuelle –, afin d’insister sur le fait que, si cette proposition de loi se fonde sur le code de la santé publique, c’est en prenant également en considération le code de la propriété intellectuelle qu’elle parviendra à élargir réellement le champ de la responsabilité des influenceurs, notamment en matière de santé publique.
    En effet, un influenceur peut, comme n’importe quel Français, participer sans le savoir à une arnaque impliquant un produit de contrefaçon – je prends cet exemple parce que le texte vise justement à lutter contre les arnaques. Il est utile de rappeler que sur dix Français qui achètent de la contrefaçon, quatre n’en sont pas conscients, mais sont victimes d’une arnaque. Il est tout à fait possible qu’un influenceur ainsi dupé vende des produits de contrefaçon dangereux pour la santé publique, par exemple des crèmes pour le visage ou du parfum. La crème pour le visage contrefaite provoque des brûlures et des séquelles qui conduiront immanquablement la victime à l’hôpital. Quant au parfum contrefait, il est composé à 90 % d’urine animale : formidable, n’est-ce pas ? (Exclamations sur divers bancs.)

    Mme Michèle Peyron

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    Magnifique !

    M. Christophe Blanchet

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    De tels produits sont très répandus, et leur vente sur le marché de la contrefaçon entraîne des conséquences sanitaires. Pourtant, le code de la santé publique ne permet pas de lutter contre ces pratiques. C’est pourquoi nous insisterons pour que le texte mobilise également le code de la propriété intellectuelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)

    M. Romain Daubié

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    Très bien dit !

    Mme la présidente

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