XVIe législature
Session ordinaire de 2022-2023
Séance du lundi 05 décembre 2022
- Présidence de Mme Hélène Laporte
- 1. Accélération de la production d’énergies renouvelables
- Présentation
- Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique
- M. Henri Alfandari, rapporteur de la commission des affaires économiques
- M. Éric Bothorel, rapporteur de la commission des affaires économiques
- M. Pierre Cazeneuve, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire
- Mme Aude Luquet, rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire
- M. Guillaume Kasbarian, président de la commission des affaires économiques
- M. Jean-Marc Zulesi, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire
- Mme Liliana Tanguy
- Discussion générale
- M. Sébastien Jumel
- M. Jean-Louis Bricout
- Mme Laurence Maillart-Méhaignerie
- M. Jean-Philippe Tanguy
- Mme Clémence Guetté
- M. Emmanuel Maquet
- M. Bruno Millienne
- Mme Marie-Noëlle Battistel
- M. Vincent Thiébaut
- M. Charles Fournier
- M. Hubert Wulfranc
- Mme Nathalie Bassire
- M. Pierre Meurin
- M. Jérôme Nury
- Mme Emmanuelle Ménard
- M. Marcellin Nadeau
- Mme Yaël Menache
- Mme Véronique Besse
- M. Nicolas Dupont-Aignan
- Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
- Discussion des articles
- Avant l’article 1er A
- Amendement no 1270
- Après l’article 1er A
- Amendement no 1310
- Article 1er BA
- Avant l’article 1er A
- Présentation
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
1e séance
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à seize heures.)
L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables (nos 443, 526).
La conférence des présidents a décidé d’appliquer à cette discussion la procédure du temps législatif programmé, sur la base d’un temps attribué aux groupes de trente heures. Très bien !
La conférence des présidents a décidé d’appliquer à cette discussion la procédure du temps législatif programmé, sur la base d’un temps attribué aux groupes de trente heures. Très bien !
La parole est à Mme la ministre de la transition énergétique.
Deux tiers, c’est la part d’énergies fossiles dans notre consommation finale d’énergie : deux tiers composés de gaz, de fioul et de carburant, dont nous ne pouvons aujourd’hui pas nous passer pour nous déplacer, pour nous chauffer ou pour faire fonctionner notre industrie ; deux tiers d’énergies fossiles importées, au détriment de notre balance commerciale comme de notre souveraineté.
Eh oui !
L’an 2035, c’est la date à laquelle vingt-six de nos cinquante-six réacteurs nucléaires arriveront au terme de cinquante années d’exploitation. Tous devront alors passer le cap d’un contrôle de sûreté approfondi pour voir leur activité prolongée de dix années supplémentaires. En matière énergétique, 2035, c’est demain.
Soixante pour cent, c’est selon Réseau de transport d’électricité (RTE), la proportion d’électricité que nous devrons produire en plus à l’horizon 2050 pour répondre à nos besoins croissants d’électrification pour l’industrie, les transports et les bâtiments, si nous voulons devenir le premier grand pays industriel au monde à sortir des énergies fossiles et à atteindre la neutralité carbone.
Mesdames et messieurs les députés, ces trois chiffres montrent bien que nous sommes à un tournant historique. Et si nous voulons devenir enfin maîtres de notre destin énergétique, nous ne pourrons nous passer d’aucune énergie décarbonée, nucléaire comme renouvelable, tant la marche à franchir est haute. Lorsque je dis renouvelable, je parle bien de toutes les énergies renouvelables, celles qui produisent de l’électricité comme celles qui produisent de la chaleur. Nous devons donc toutes les développer, car il y a urgence.
Urgence face à la crise climatique qui provoque les dérèglements que nous constatons tous : mégafeux, inondations, sécheresses. Cela se vérifie plus que jamais : personne ne peut regarder ailleurs. Urgence également face à la crise énergétique la plus grave que nous connaissons depuis les années 1970. Vous le savez, devoir importer des énergies sans en maîtriser le coût, c’est affaiblir le pouvoir d’achat des Français, c’est peser sur la compétitivité de nos entreprises, c’est réduire les capacités d’investissement des collectivités locales.
Face à ces enjeux, nous ne sommes pas sans solutions. Grâce au travail du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), du Haut Conseil pour le climat ou de RTE, nous savons quels doivent être les quatre piliers intangibles de notre action.
Le premier est la sobriété énergétique. Le 6 octobre dernier, avec la Première ministre, j’ai présenté un plan de sobriété qui vise à réduire de 10 % notre consommation d’énergie d’ici à 2024. L’État ainsi que des centaines d’entreprises et de collectivités locales sont déjà mobilisés pour y parvenir.
Deuxièmement, nous menons des actions ambitieuses en matière d’efficacité énergétique, qu’il s’agisse de la rénovation thermique des bâtiments, du verdissement des transports ou encore de la décarbonation profonde de l’industrie. Le rapport de RTE nous le démontre : d’ici à 2050, si nous voulons atteindre la neutralité carbone, il nous faudra réduire de 40 % notre consommation d’énergie finale.
Troisième pilier : le déploiement massif des énergies renouvelables. C’est tout le sens du grand plan « énergies renouvelables » que j’ai lancé en juin dernier. Grâce à celui-ci, nous avons débloqué 10 gigawatts (GW) de production électrique et 1 térawatt de biométhane. Pour accompagner et assurer la réussite de ce plan, nous avons renforcé les effectifs des équipes d’instruction sur le terrain et nous avons adressé une circulaire aux préfets et services déconcentrés de l’État pour s’assurer de leur implication et de leur engagement. S’agissant des énergies renouvelables, c’est en tout près de trente textes réglementaires qui ont été présentés depuis le mois de mai devant le Conseil supérieur de l’énergie. Le projet de loi que j’ai l’honneur de vous présenter constitue le volet législatif de ce plan global.
Quatrième et dernier pilier : la relance d’un programme nucléaire ambitieux, comme l’a proposé le Président de la République. Cela fait l’objet d’un débat public, engagé en octobre, mené par la Commission nationale du débat public jusqu’à la fin du mois de février 2023. Afin d’anticiper, car nous n’avons pas de temps à perdre, nous travaillons à simplifier les procédures administratives de construction de nouveaux réacteurs à proximité des sites qui en accueillent déjà. Très bien ! C’est tout l’objet du projet de loi qui vous sera présenté début 2023.
Tels sont les grands chapitres de notre stratégie énergétique. Personne ne peut donc douter de la détermination du Président de la République, de la Première ministre et de l’ensemble du Gouvernement à réussir notre transition énergétique.
Il nous appartient maintenant de décliner ces piliers dans une nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Nous avons entamé ce travail en lançant une grande concertation publique « Notre avenir énergétique se décide maintenant ». Elle a déjà recueilli près de 15 000 contributions en un peu plus d’un mois. Les orientations qui seront exprimées vous seront intégralement restituées et pourront nourrir vos réflexions en amont de l’examen de la prochaine loi de programmation sur l’énergie et le climat (LPEC) qui devra être adoptée au second semestre de 2023.
Alors, me direz-vous : pourquoi ne pas attendre 2023 pour ce projet de loi d’accélération de la production des énergies renouvelables ? La réponse, vous la connaissez : nous sommes déjà en retard. La faute à qui ? Les Français ne comprendraient pas que nous renvoyions à demain l’accélération de la production d’énergies renouvelables dans notre pays. Nous sommes en retard de 20 % sur les objectifs que nous nous étions fixés dans le cadre de la précédente programmation pluriannuelle de l’énergie ; en retard également sur nos voisins puisque la France est le seul pays de l’Union européenne à ne pas avoir atteint ses objectifs en matière d’énergies renouvelables.
Ce retard, il nous faut le rattraper et, pour cela, ne pas nous tromper de combat. C’est dommage que vous ne gouverniez pas depuis six ans ! (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.) Je tiens à rappeler une évidence, que nous n’avons peut-être pas assez entendue ces derniers jours : le seul combat qu’il convient de mener, c’est celui des énergies décarbonées contre les énergies fossiles. Dans ce combat, nous pouvons toujours perdre notre temps à opposer des technologies entre elles mais, à la fin, ce seront toujours les Français qui paieront le prix de ces postures dogmatiques. Toutes les énergies ont des avantages et des inconvénients, toutes. À nous, responsables politiques, de construire la meilleure combinaison entre elles pour bâtir l’avenir de notre système énergétique. À nous aussi de dépasser les clivages en nous inscrivant dans les pas de l’appel de Johannesburg lancé par Jacques Chirac, du Grenelle de l’environnement conduit par Nicolas Sarkozy et Jean-Louis Borloo ou de l’accord de Paris sur le climat promu par François Hollande et Laurent Fabius.
Le texte que je vous présente aujourd’hui s’inscrit dans cet esprit. Il est le fruit des échanges que j’ai eus depuis plusieurs mois avec des acteurs associatifs et économiques comme avec les élus locaux et leurs associations. Il est le fruit aussi du travail entamé très en amont avec les parlementaires des différents groupes, au Sénat comme à l’Assemblée nationale. Mme la ministre a raison ! À cet égard, je tiens à souligner la qualité du travail conduit par les quatre rapporteurs, Aude Luquet, Pierre Cazeneuve, Henri Alfandari et Éric Bothorel ainsi que par le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, Jean-Marc Zulesi, et celui de la commission des affaires économiques, Guillaume Kasbarian, et des échanges auquel il a donné lieu. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.) Quel bel exercice d’autocongratulation ! Comme vous le savez, ce projet de loi comporte quatre objectifs : changer de paradigme et construire une véritable méthode de planification des énergies renouvelables, au niveau territorial, conduite par les élus de terrain ; accélérer les procédures administratives sans rien renier de nos exigences environnementales ; faire preuve de bon sens et déployer les énergies renouvelables, particulièrement le photovoltaïque, en libérant du foncier artificialisé ou dégradé ; améliorer la désirabilité et l’appropriation des énergies renouvelables, notamment grâce à un meilleur partage de la valeur de ces projets.
Le texte voté en commission montre que les chemins pour bâtir des compromis existent. Je m’attacherai à ce que nos échanges se poursuivent dans ce même esprit de coconstruction. Je voudrais, à ce titre, prendre le temps de présenter certains enjeux spécifiques du projet de loi auxquels vous êtes, je le sais, particulièrement attentifs.
Je commencerai par la planification, dont l’objet est de remettre les élus locaux et leurs territoires au centre des décisions. Pour cela, nous leur donnons le pouvoir de décider : des leviers pour aménager leur territoire leur permettront de choisir les zones d’accélération où ils souhaitent accueillir des projets d’énergies renouvelables et les zones où ils souhaitent, au contraire, les limiter. Ce sont les communes qui proposent et ce sont elles qui ont le dernier mot. Aucune d’entre elles ne pourra se voir imposer une zone d’accélération sur son territoire. Nous souhaitons bâtir un nouveau pacte territorial au sein duquel l’État jouera un rôle de facilitateur. Nous mettrons notamment à disposition des données et des cartographies, et les référents préfectoraux que nous nommerons seront chargés d’accompagner les collectivités locales.
Quoique de qualité, les débats en commission ont montré que nous devions encore lever certaines incertitudes au sujet de la planification : combien de temps laissons-nous pour définir ces zones ? Quel sort sera réservé aux communes dépourvues de documents d’urbanisme ? Nous y avons beaucoup travaillé ces derniers jours avec vous et les associations d’élus locaux. Le Gouvernement défendra, avec le rapporteur Alfandari, des amendements destinés à répondre à ces questions et à préciser ce dispositif.
Le deuxième enjeu est l’agrivoltaïsme. Notre objectif est ici de concilier souveraineté alimentaire et souveraineté énergétique. Face à l’anarchie actuelle, il nous faut légiférer. C’est la raison pour laquelle nous soutenons la proposition de loi du Sénat, qui a été intégrée à ce projet de loi. Pour la première fois, nous donnons en droit une définition de l’agrivoltaïsme, avec des conditions et un encadrement équilibrés et clairs.
Pour s’assurer de la réussite du dispositif, le Gouvernement soutiendra l’amendement du rapporteur Bothorel qui, empreint de la même philosophie que le système de planification que je viens d’évoquer, propose de faire confiance au local pour tenir compte des spécificités agricoles des territoires. Concrètement, dans chaque département, un document cadre coconstruit par l’ensemble des parties prenantes locales, et entériné par le préfet, permettra de préciser les caractéristiques de la compatibilité des installations photovoltaïques avec l’activité agricole.
Troisième sujet : le partage de la valeur, qui constitue un apport majeur de ce texte, afin de s’assurer que les habitants et les communes profiteront directement des retombées des projets et seront associés à leur réussite. La création d’un fonds de financement d’actions locales pour les collectivités, d’un second fonds dédié à la biodiversité et l’ouverture d’un financement participatif des habitants aux projets engagés dans leur territoire sont des apports positifs que nous soutenons. Très bien ! Par ailleurs, si je reste convaincue que les Françaises et les Français doivent aussi bénéficier du partage de la valeur, j’ai entendu vos inquiétudes concernant le dispositif initial de réduction directe sur les factures des riverains. C’est pourquoi le Gouvernement défendra plusieurs amendements permettant aux collectivités de soutenir leurs habitants et soutiendra les amendements déposés par le groupe Socialistes et apparentés qui ciblent les ménages en situation de précarité énergétique. Très bien ! Quatrième sujet : l’accélération des énergies renouvelables en zones déjà artificialisées. En la matière, les bâtiments constituent une priorité et des mesures importantes avaient déjà été adoptées dans la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite climat et résilience. Pour aller encore plus loin, le Gouvernement soutiendra le dispositif ambitieux mais équilibré de l’amendement no 2823 déposé par le groupe Renaissance. Il fixe des objectifs croissants mais progressifs pour les nouveaux bâtiments, afin de maintenir l’ambition de la mesure votée en commission, tout en permettant une flexibilité nécessaire.
Cinquième sujet : le principe de reconnaissance de la raison impérative d’intérêt public majeur, sur lequel le Gouvernement défendra un amendement de rétablissement de la rédaction initiale. Je sais qu’il soulève des incompréhensions, voire des craintes : certains s’y opposent pour des raisons de protection de la biodiversité, d’autres parce qu’ils ne sont pas convaincus de l’impérieuse nécessité de développer les énergies renouvelables pour notre avenir énergétique.
Si je pense avoir longuement répondu aux seconds au début de ce discours, je veux dire quelques mots à destination des premiers. Cette mesure, qui vient d’être adoptée au niveau européen avec un large soutien des groupes représentés au Parlement européen, dont Les Verts, vise à mettre fin à une pratique quasi systématique de recours dilatoires contre les projets. Sur le fond, elle ne revient pas sur les conditions à remplir en matière d’impact environnemental, qui restent cumulatives et obligatoires pour toute demande de dérogation à l’obligation de protection stricte des espèces protégées. Il est donc clair que le Gouvernement ne sacrifiera pas la biodiversité au profit du climat.
Enfin, je me réjouis que ce texte facilite le développement des énergies renouvelables dans les territoires ultramarins : il s’agit d’un enjeu stratégique pour l’autonomie énergétique de ces territoires, alors que beaucoup connaissent des difficultés en la matière. Je tiens à remercier les députés des outre-mer et des zones non interconnectées pour le travail collectif mené sur ces sujets.
Mesdames et messieurs les députés, je sais que nous saurons ensemble, durant les heures de débats qui sont devant nous, améliorer encore ce projet de loi, et je suis confiante sur le fait que, de la gauche jusqu’à la droite de l’hémicycle, parmi les nombreuses bonnes volontés qui y siègent, nous nous accorderons sur l’essentiel : faire face à la crise énergétique pour le pouvoir d’achat des Français et la compétitivité des entreprises ; défendre l’indépendance industrielle, énergétique et politique de la France ; lutter contre le dérèglement climatique pour l’avenir de nos enfants. Car c’est bien tout l’enjeu de ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – M. Henri Alfandari, rapporteur de la commission des affaires économiques, applaudit également.) La parole est à M. Henri Alfandari, rapporteur de la commission des affaires économiques pour les titres Ier A et Ier. L’heure est venue pour notre assemblée de commencer l’examen du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, qui a suscité de longs débats au Sénat. Les sénateurs nous ont fourni une excellente base de travail, sur laquelle nous nous sommes appuyés en commission, et nous les en remercions.
La guerre en Ukraine nous le rappelle : l’enjeu primordial est de retrouver notre souveraineté énergétique et de moins dépendre des autres pays. Nul besoin d’étendre nos discussions relatives à la relance de la production nucléaire : nous aurons l’occasion d’échanger longuement sur le sujet au début de l’année prochaine. Cependant, il est évident que la construction de nouveaux réacteurs nécessitera de nombreuses années. Or nous ne pouvons attendre de telles échéances pour entreprendre la décarbonation de la société. En effet, pour atteindre la neutralité carbone en 2050, il faut opérer dès maintenant un profond revirement des productions et des usages.
Le retard actuel de la France dans l’atteinte de ses objectifs en matière de politique énergétique exige détermination et ambition, afin de dépasser les résultats déjà accomplis. Les cinq prochaines années seront décisives pour réussir le tournant du renouvelable. Afin d’atteindre les objectifs fixés par les accords internationaux, à travers la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) et la programmation pluriannuelle de l’énergie, et d’obtenir un réel mix énergétique, nous devons raisonner tout type d’énergies confondues : solaire, hydraulique, géothermie, éolien, biogaz ou encore valorisation des déchets.
Grâce aux apports des sénateurs, le présent texte tend à répondre aux nécessités de chaque type d’énergie. Accélérer l’implantation des projets d’énergies renouvelables nécessite bien entendu de veiller à leur insertion territoriale, paysagère et environnementale. Les énergies renouvelables, comme le montrent de nombreux sondages, sont voulues par les populations, sous réserve que leur implantation soit harmonieuse, maîtrisée et compatible avec les autres usages des sols et acceptable pour les populations avoisinantes. C’est ce qui fait toute l’importance de la planification des dispositifs.
Des tentatives ont été faites en ce sens, dans la lignée notamment de la dynamique lancée par le Grenelle de l’environnement, avec la définition, en 2005, de zones de développement de l’éolien (ZDE). Cependant, ces zones, restées purement incitatives et dénuées de portée normative véritable, n’ont pas apporté aux élus l’outil de planification porteur et contraignant dont ils avaient besoin, justifiant leur suppression en 2013 : qu’elles soient pour nous, aujourd’hui, un exemple à ne pas reproduire.
Soyons en sûrs : définir des zones en concertation avec nos citoyens permet d’améliorer l’acceptabilité des projets et aboutit à leur appropriation par la population. C’est le sens de l’article 3 du projet de loi, qui regroupe l’ensemble du dispositif de planification, pour une meilleure lisibilité et visibilité. Confier ce rôle aux élus locaux s’impose en effet comme une évidence : il s’agit de redonner cette mission aux acteurs proches des concitoyens, qui connaissent mieux que quiconque leur terrain et ses spécificités. En mettant les élus au c?ur du dispositif de recensement des espaces destinés à l’implantation d’énergies renouvelables, nous permettons aussi une meilleure implication collective dans les exigences de la transition énergétique et écologique, de meilleurs échanges, autrement dit un développement certain des projets, clé d’un déploiement accéléré des énergies renouvelables.
Je remercie les rapporteurs du Sénat, Mme Laurence Garnier, M. Didier Mandelli, M. Patrick Chauvet, de leurs apports indispensables au projet de loi et je félicite mes collègues rapporteurs à l’Assemblée nationale, Mme Aude Luquet, M. Pierre Cazeneuve et M. Éric Bothorel, pour la qualité de leur travail. Très bien ! Je salue également le Gouvernement pour son écoute, qui a permis un enrichissement significatif du texte. Enfin, j’exprime ma gratitude aux administrateurs qui m’ont accompagné durant ces travaux et m’ont permis de réaliser un travail de qualité réunissant les apports précieux venus de tous les bancs de l’hémicycle.
J’espère que les travaux en séance nous permettront de nous doter d’une loi qui relève efficacement les défis auxquels nous faisons face. À ce stade, nous pouvons nous réjouir d’avoir établi une planification qui consacre les habitants et leurs élus, c’est-à-dire les territoires, comme pierre angulaire de notre action et d’avoir permis le retour d’un État facilitateur et accompagnateur, pour que les choix issus de la concertation se concrétisent in fine en réalisations conformes à leurs volontés. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.) La parole est à M. Éric Bothorel, rapporteur de la commission des affaires économiques pour les titres II à V. Le meilleur d’entre nous ! Le consensus a fait lentement son chemin dans notre pays. Les Français reconnaissent aujourd’hui que pour faire face aux enjeux du climat et à la décarbonation de nos activités, une mobilisation rapide et le déploiement des énergies renouvelables sont nécessaires, parallèlement au renforcement de nos capacités en énergie nucléaire : selon un sondage paru récemment dans Les Échos , 81 % d’entre eux considèrent ainsi que l’installation de nouvelles fermes de panneaux solaires est importante et 40 % estiment qu’il s’agit d’une priorité. Le présent texte traduit cette attente légitime et nous ne pouvons pas les décevoir.
Afin d’accroître l’autonomie stratégique de la France, de lutter contre le réchauffement climatique, de sortir de notre dépendance aux énergies fossiles et d’atteindre la neutralité carbone en 2050, notre stratégie énergétique doit être ambitieuse. Elle tient en trois principes : sobriété, nucléaire, énergies renouvelables. Ce triptyque fixe un cap et permettra à la France de devenir une véritable puissance écologique, une puissance souveraine.
En matière d’énergies renouvelables, la France accuse un retard par rapport à ses objectifs. Il nous faut donc accélérer radicalement leur développement, en divisant par deux les délais fixés entre la décision et la mise en service des installations : c’est l’ambition du texte que nous examinons aujourd’hui. Il mobilise pour ce faire tous les leviers d’accélération disponibles : procédures simplifiées, nouveaux sites d’implantation et nouveaux leviers financiers, tout en garantissant l’implication étroite des acteurs locaux dans le déploiement des projets.
Le travail collectif accompli en commission du développement durable et en commission des affaires économiques – dont je salue mes collègues rapporteurs – a permis d’entériner de nombreuses avancées, notamment grâce à l’esprit de compromis de nos collègues députés et du Gouvernement.
En ce qui concerne l’agrivoltaïsme, le Sénat a posé une première pierre en proposant une définition perfectible. Les nombreux entretiens menés en commission avec les acteurs de la filière ont permis de nous forger une conviction : les agriculteurs doivent avoir l’opportunité de se saisir de ce nouvel outil au service de l’agriculture, sans que les panneaux ne remplacent les troupeaux et sans que la production d’électricité ne concurrence la production et l’emploi agricoles. Nous avons donc proposé et adopté des améliorations de la définition initiale, en préservant les fonctions écologiques des sols et en interdisant le défrichement en zone forestière pour l’implantation de panneaux photovoltaïques. J’espère que le travail en séance nous permettra de parachever cet encadrement.
Pour ce qui a trait au foncier, davantage de terrains sont libérés pour les énergies renouvelables. Le Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres sera désormais consulté afin d’élaborer la liste des friches pouvant faire l’objet d’un aménagement photovoltaïque. Des dérogations au principe d’implantation en continuité urbaine dans les zones littorales et de montagne sont ouvertes, avec un encadrement strict afin de protéger ces territoires fragiles.
Plusieurs articles valorisent le potentiel de l’hydroélectricité, qui présente l’avantage d’être la plus pilotable des énergies renouvelables. Les débits minimaux des cours d’eau peuvent dorénavant être relevés en cas de menace sur la sécurité d’approvisionnement en électricité – je salue le travail de notre collègue Marie-Noëlle Battistel, dont on connaît l’investissement sur le sujet. En cette matière, la rédaction issue de la commission garantit un suivi des impacts sur la biodiversité résultant d’une telle mesure, ainsi que l’affectation des recettes supplémentaires ainsi générées à des actions en faveur de la biodiversité. Le suréquipement des concessions hydroélectriques est également simplifié.
Par ailleurs, nous soutenons résolument l’essor de la méthanisation et de l’hydrogène. Le travail en commission a ainsi permis de sécuriser juridiquement le développement de la méthanisation en zone agricole, tout en conservant l’ambition d’une extension rationnelle et maîtrisée des unités. Le cadre juridique pour le déploiement du gaz bas-carbone est lui aussi précisé.
Nous facilitons également la constitution d’opérations d’autoconsommation collective, ainsi que la conclusion de Power Purchase Agreements (PPA), c’est-à-dire de contrats de vente directe entre le producteur d’énergie renouvelable et le consommateur. Le Sénat a ouvert aux collectivités la possibilité de souscrire des PPA, ce qui constitue un ajout bienvenu.
En ce qui concerne le partage de la valeur produite par les énergies renouvelables, qui concourt à l’acceptabilité des installations, la commission a réintroduit le principe d’un partage avec les riverains et a maintenu le dispositif à destination des collectivités territoriales souhaité par le Sénat. Les producteurs d’énergies renouvelables lauréats de mises en concurrence ont désormais l’obligation de financer des projets de protection de la biodiversité. L’examen en séance publique devrait permettre d’améliorer et d’affiner davantage le partage de la valeur entre ces producteurs et les collectivités.
Le projet de loi conforte par ailleurs la possibilité pour les riverains du lieu de production et pour les communes et leurs groupements concernés de participer au capital social d’une entreprise porteuse d’un projet de production d’énergies renouvelables. J’aurai à cœur de m’assurer que ces mécanismes de partage de la valeur soient opérationnels et qu’ils ne créent pas d’effets de seuil ou de ruptures d’égalité entre les citoyens.
En définitive, le présent projet de loi, tel qu’issu des travaux de la commission des affaires économiques, s’inscrit résolument dans une volonté d’équilibre entre accélération de la production d’énergies renouvelables et préservation des autres enjeux liés à l’occupation de nouvelles surfaces. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.) La parole est à M. Pierre Cazeneuve, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Soixante-cinq pour cent de notre consommation énergétique sont constitués d’énergies fossiles importées. Cela représente une extraordinaire dépendance vis-à-vis de certains pays, et cela a des effets majeurs sur nos émissions de gaz à effet de serre. Aussi le projet de loi répond-il à un double objectif : renforcer notre souveraineté énergétique et lutter contre le dérèglement climatique. Pour y parvenir, nous devons actionner deux leviers : d’une part, la sobriété et l’efficience – en réduisant de 40 % notre consommation énergétique d’ici à 2050 –, d’autre part, la production massive d’énergies décarbonées – à savoir le nucléaire et les énergies renouvelables. C’est parfaitement résumé ! Tel est l’objet du projet de loi : intensifier massivement et immédiatement notre production d’énergies renouvelables. Si je suis un grand défenseur de l’atome, je suis aussi persuadé que la bonne réponse réside dans une lecture scientifique et rationnelle de la situation. Très bien ! Les six scénarios élaborés par RTE dans son rapport « Futurs énergétiques 2050 » accordent tous une part significative aux énergies renouvelables – et, quel que soit le scénario, la marche est très haute. Les énergies renouvelables représentaient 19,3 % de notre consommation finale brute en 2021, alors que nous nous étions engagés à ce qu’elles atteignent 23 %. En outre, nous mettons deux fois plus de temps que nos voisins européens à raccorder un projet d’énergies renouvelables. C’est trop long ! Pour ne prendre qu’un exemple, je passais mon brevet des collèges quand le projet de parc d’éoliennes en mer de Saint-Nazaire a débuté ! Vous avez redoublé plusieurs fois ? (Sourires.) Il faut avancer ! Or cette installation n’a été inaugurée que cette année par le Président de la République.
Le projet de loi doit nous permettre de rattraper notre retard, grâce à quatre grands axes : planifier le déploiement des énergies renouvelables dans les territoires en partant des communes ; rationaliser et accélérer les procédures administratives ; faciliter l’implantation sur des terrains déjà artificialisés ; enfin, développer le partage territorial de la valeur – le tout en préservant la biodiversité et la nécessaire participation du public.
Élu local depuis près de dix ans, je sais l’importance et la nécessité de faire confiance aux élus : ils connaissent mieux que quiconque leur commune et partagent notre ambition de mener à bien la transition. C’est pourquoi je souhaite souligner les nombreux enrichissements qui ont été apportés par le Sénat, notamment au sujet de la planification : il s’agit d’une planification ascendante, qui garantit un déploiement choisi et piloté par les élus locaux, tout en s’alignant sur les objectifs nationaux de la programmation pluriannuelle de l’énergie. Nous avons collectivement travaillé sur cette planification, sous l’égide du rapporteur Henri Alfandari, que je salue. Merci ! Très bien ! Afin d’approfondir le précieux travail entamé par le Sénat, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a adopté 181 amendements. Ensemble, nous avons introduit la mise à disposition publique d’indicateurs de suivi concernant le nombre de projets en cours, les délais moyens d’instruction, le nombre d’autorisations refusées et les motifs de refus. Ensemble, nous avons accéléré et rationalisé les procédures de déploiement des projets, tout en renforçant nos exigences de protection du vivant et la nécessaire participation du public. Ensemble, nous avons consolidé le rôle et le statut du référent préfectoral, pour appuyer les collectivités dans leurs démarches. Ensemble, nous avons élargi le fonds de soutien destiné aux lauréats de l’appel d’offres portant sur des installations éoliennes en mer, qui pourra bénéficier de l’amorçage du Gouvernement. Ensemble, nous avons fixé à 2024 la publication de la première cartographie prévue par le document stratégique de façade (DSF) pour l’éolien en mer. Ensemble, nous avons rendu obligatoires les objectifs de préservation de la biodiversité dans ces mêmes cartographies. Ça, c’est une avancée ! Bravo ! Ensemble, enfin, nous avons créé un régime d’autorisation unique pour les autorisations de production d’énergie renouvelable en mer et les ouvrages de raccordement. Ensemble ! Ce sont autant d’amendements qui, adoptés par la commission, témoignent de notre volonté de coconstruction avec l’ensemble des groupes politiques. Très bien ! Les débats en commission ont été passionnants et particulièrement riches ; je ne doute pas que, dans l’hémicycle, nous poursuivrons l’examen du texte avec la même dynamique et le même esprit, pour voter ensemble ce texte… Ensemble ! …et ne plus jamais devoir ouvrir de centrales à charbon.
Pour finir, je remercie mes collègues corapporteurs – Aude Luquet, Henri Alfandari et Éric Bothorel –, Mme la ministre et son cabinet, ainsi que l’ensemble des chefs de file qui ont contribué au débat en commission, et, bien sûr, les administratrices qui nous ont accompagnés tout au long de l’examen du texte. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.) La parole est à Mme Aude Luquet, rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. En 1901, Émile Zola publie son dernier roman, Travail , œuvre d’anticipation dans laquelle une cité utopique se préparait au temps « où le charbon s’épuiserait au fond des mines » : comment assurerait-on alors « le torrent d’électricité devenu indispensable à l’existence » ? Sous les traits d’un inventeur, l’auteur s’est lancé dans une quête qui l’a conduit à se tourner vers le ciel pour s’adresser directement au « soleil secourable » : « De la sorte », écrit-il, « il y aurait sans cesse là une source de force illimitée, dont on disposerait à sa guise. » Le soleil lui apparaît comme la seule énergie susceptible d’émanciper l’humanité – encore faut-il la maîtriser. Il ajoute : « Des savants étaient parvenus à imaginer de petits appareils qui captaient la chaleur solaire et la transformaient en électricité, mais par quantités infimes […]. Il fallait réaliser le phénomène en grand […]. »
Réaliser ce phénomène en grand, telle est l’ambition du projet de loi. Cette ressource, nous voulons la mettre au cœur de la lutte contre le dérèglement climatique, qui est incontestablement le défi du siècle. Notre volonté est claire : faire de la France le premier grand pays du monde à sortir de la dépendance aux énergies fossiles. C’est un impératif pour protéger l’environnement, renforcer notre souveraineté et améliorer le pouvoir d’achat des Français.
La France ne remportera pas seule ce combat, mais nous devons commencer par être irréprochables si nous voulons être entendus sur la scène internationale – c’est une question de crédibilité. La transition vers une société plus durable, une « cité du bonheur », dans l’imaginaire de Zola, passe par un triptyque indispensable et indissociable : une électrification massive de nos usages, une plus grande sobriété énergétique et une meilleure efficacité énergétique. Le récent rapport de RTE « Futurs énergétiques 2050 » montre que nous pouvons y parvenir, en développant un mix énergétique décarboné qui associe les énergies renouvelables et l’énergie nucléaire. C’est bien là notre ambition.
Alors que la loi « climat et résilience » a déjà permis des avancées ambitieuses, nous voulons accélérer la dynamique pour atteindre nos différents objectifs – ceux de la PPE, qui veut que nous ayons doublé notre capacité de production d’électricité renouvelable en 2028, ainsi que ceux du paquet européen Fit for 55 , qui fixe à 40 % la part des énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie de l’Union européenne en 2030. Dans notre mix énergétique actuel, le solaire représente moins de 3 % de la production d’électricité : nous sommes clairement en retard. Loin de rester dans le statu quo , nous voulons donner un véritable coup d’accélération à la filière : multiplier par dix notre puissance photovoltaïque, tel est le cap affiché par le Président de la République, dont nous partageons l’ambition. Le temps presse. Aujourd’hui, il faut en moyenne cinq ans de procédure pour construire un parc solaire, alors qu’il ne nécessite que quelques mois de travaux. C’est trop long ! C’est beaucoup trop long, en effet. Notre volonté est d’aller deux fois plus vite. Cela n’implique aucunement de forcer la main, mais de mieux identifier les espaces propices au développement des énergies renouvelables, grâce à différents leviers : une planification territoriale, une priorité donnée aux espaces déjà urbanisés et un meilleur partage de la valeur. C’est en activant l’ensemble de ces leviers que nous parviendrons à favoriser l’acceptabilité des projets, chose indispensable pour les accélérer. Concrètement, nous rendrons possible l’installation d’infrastructures de production d’énergie solaire le long des autoroutes et des grands axes routiers, soit un gisement potentiel non négligeable de plus de 2,5 gigawatts. Les voies ferrées et leurs abords ont été ajoutés au texte initial, soit près de 30 000 kilomètres supplémentaires. Nous rendrons également obligatoire la création d’ombrières photovoltaïques sur l’ensemble des parcs de stationnement extérieurs de plus de 2 500 mètres carrés. Peut-être cette superficie évoluera-t-elle lors des débats, mais elle représente déjà 90 à 150 millions de mètres carrés en France.
Pour terminer, nous avons la volonté de favoriser l’installation de production d’énergie solaire sur les toits des bâtiments non résidentiels nouveaux et lourdement rénovés, en renforçant nos ambitions issues de la loi « climat et résilience ». Selon certaines estimations européennes, le photovoltaïque en toiture pourrait fournir près de 25 % de la consommation d’électricité de l’Union européenne, davantage que la part actuelle du gaz naturel. Si nous ne couvrirons pas du jour au lendemain l’ensemble des routes, des parkings et des toitures de France, les dispositions que nous avons votées dans la loi « climat et résilience », et celles que nous voterons dans le présent projet de loi, nous permettront assurément de combler notre retard et d’avancer collectivement vers un futur plus durable – qui ne sera plus une utopie issue de l’imagination d’Émile Zola. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE ainsi que sur quelques bancs des groupes Dem, HOR et LIOT.) La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques. Nous débutons l’examen en séance du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables : adopté avec succès en commission des affaires économiques le 25 novembre, au terme de plus de vingt-quatre heures de débat et de l’examen de 1 035 amendements, il est le fruit d’un beau travail collectif, enrichi par 176 amendements adoptés, dont 52 issus de l’opposition.
L’actualité énergétique est dense : la demande électrique augmente, nos capacités de production électrique sont limitées et les prix sont en hausse partout en Europe. Cette actualité préoccupe légitimement les Français. Rares sont ceux qui comprendraient que la réponse du législateur, face à la crise énergétique, soit de produire moins d’électricité ou de freiner des quatre fers le déploiement de nouvelles capacités de production d’électricité. Au-delà des clivages traditionnels, nous sommes nombreux, dans l’hémicycle, à partager une conviction : pour résoudre la crise énergétique, nous devons produire plus d’électricité, et plus rapidement. Et plus d’électricité nucléaire ! Chaque mégawatt compte. Il faut arrêter de procrastiner ! Certains soutiendront que pour produire plus d’électricité, il faut miser exclusivement sur le tout-nucléaire – ils oublient peut-être un peu trop vite qu’il faut plus de quinze ans pour construire un nouvel EPR – un réacteur pressurisé européen –, et que mettre tous ses œufs dans le même panier est une stratégie hasardeuse, alors que dix-neuf réacteurs sur cinquante-six sont à l’arrêt. D’autres soutiendront que pour produire plus d’électricité, il faut miser exclusivement sur les énergies renouvelables – ils oublient peut-être un peu vite que ce sont des énergies intermittentes, qui consomment de surcroît de l’espace. En réalité, il n’existe pas de production électrique miraculeuse, qui cumule tous les avantages sans présenter aucun inconvénient. C’est pourquoi l’enjeu n’est pas d’opposer les énergies entre elles, mais de renforcer nos capacités de production. Eh oui ! Il faut produire plus d’électricité pour répondre à une demande croissante et calmer les prix du marché ; il faut produire plus d’électricité pour sortir rapidement des énergies fossiles qui émettent beaucoup de CO2 ; il faut produire plus d’électricité pour consolider la souveraineté française, importer moins et donner des perspectives stables de réindustrialisation aux investisseurs. Ce n’est pas dans le texte ! Le texte ne comporte rien à ce sujet ! Il faut produire plus d’électricité, tout à la fois avec le nucléaire et le renouvelable.
Ce projet de loi est un des volets législatifs qui permettront de simplifier et d’accélérer les procédures pour concrétiser les nombreux projets qui émergent dans nos circonscriptions. À titre d’exemple, il est beaucoup question d’agrivoltaïsme. J’étais ce matin dans une exploitation agricole qui fait la fierté de notre territoire, la brasserie l’Eurélienne à Sours, près de Chartres, où, après l’installation de 500 mètres carrés de toiture en photovoltaïque, il est envisagé d’en installer 500 mètres carrés supplémentaires sur un nouveau bâtiment. Bien évidemment, cela se fait avec des agriculteurs moteurs, qui gardent la maîtrise des projets dans l’optique de ne pas grignoter des terres agricoles – car nous sommes tous attachés à la préservation du foncier agricole et à la souveraineté alimentaire de notre pays. Eh oui ! Face à la multiplication de la paperasse administrative, aux procédures à rallonge et aux lenteurs en tout genre, le législateur ne peut pas faire le dos rond : nous avons le devoir de simplifier et d’accélérer, et non de complexifier et de freiner. Cela ne signifie pas que les énergies renouvelables doivent se développer de façon anarchique ; bien au contraire, nous devons donner aux territoires les moyens de mieux planifier leur développement. C’est exactement ce que nous sommes en train d’organiser, là encore, en Eure-et-Loir ; notre département est d’ailleurs de ceux qui ont largement contribué au développement des énergies renouvelables. Après les Hauts-de-France et le Grand Est ! Les habitants et les élus ne sont pas anti-énergies renouvelables : ils demandent de pouvoir choisir, et ils sont au cœur d’une initiative pilote, les États généraux des énergies renouvelables. Sous l’égide du préfet, les élus de tous bords, les associations et les promoteurs s’accordent à déterminer les zones où l’on peut encore installer des énergies renouvelables, et celles où l’on ne souhaite pas subir de nouvelles installations. C’est un travail de concertation gagnant-gagnant qui part du terrain, pour accélérer les développements futurs là où tout le monde s’accorde à le faire. Redonner la main aux élus pour qu’ils puissent décider des endroits où l’on peut encore développer des énergies renouvelables, et des endroits où, à l’inverse, il ne faut pas construire davantage d’installations, c’est exactement ce que prévoit le projet de loi.
Celui-ci enclenchera de nombreuses avancées concrètes : il permettra d’encadrer et de développer les projets d’agrivoltaïsme, d’accélérer l’installation de panneaux photovoltaïques sur les toits des entreprises ainsi que le long des routes et des voies ferrées, ou encore d’accélérer l’installation d’éoliennes en mer – alors que, comme l’a dit M. le rapporteur pour avis, de nombreux pays prennent de l’avance au large de leurs côtes, tout autour de nous.
Il permettra de conclure un pacte territorial avec les élus locaux et d’assurer un meilleur partage de la valeur, donc une meilleure acceptabilité. Bref, grâce à ce projet de loi, nous avons toutes les clés en main pour réussir le pari de l’électrification, de la décarbonation et de la souveraineté énergétique, et nous saurons, j’en suis certain, avancer ensemble,… Ensemble ! …loin des traditionnels clivages politiques – comme l’ont montré nos collègues sénateurs et comme nous l’avons montré en commission –, pour y parvenir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.) La parole est à M. le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Dans un environnement de plus en plus fragilisé, notre ambition est d’entreprendre une transformation profonde de notre modèle, entre sobriété et efficacité énergétique. C’est cette volonté d’agir qui nous réunit aujourd’hui. Alors que la guerre est aux portes de l’Europe, garantir notre souveraineté énergétique est une priorité. Cette exigence nous est rappelée avec acuité : nous devons impérativement réduire notre dépendance à des équilibres géopolitiques fragiles et développer la production énergétique sur notre territoire.
Le projet de loi qui nous réunit doit traduire concrètement les engagements que nous avons pris sur le plan international mais aussi, et surtout, à l’égard de nos concitoyens. Ces engagements sont clairs et partagés : protéger notre environnement et le climat, et garantir la sécurité énergétique. En d’autres termes, il s’agit de faire du développement durable une priorité.
Je souhaite remercier chacun pour l’esprit de responsabilité qui l’a animé jusqu’ici, car il me semble que nos échanges en commission, certes nourris, ont toujours été sereins et constructifs. Cela tient avant tout, et je m’en réjouis, à la volonté, partagée sur tous les bancs, de travailler à des solutions communes. Tel a été le cas, par exemple, lorsque nous avons adopté un amendement transpartisan visant à prendre en compte la préservation de la biodiversité lors de l’implantation d’éoliennes en mer, en particulier dans les aires marines protégées. Je remercie, à cet égard, l’ensemble des groupes de la NUPES pour les échanges que nous avons eus dans le but commun de protéger la biodiversité. Encore un petit effort ! Ne vous inquiétez pas, mon cher collègue : nous serons au rendez-vous. Très bien ! Cela tient aussi aux rapports de bonne intelligence qui ont été noués entre la commission du développement durable et celle des affaires économiques, dont je salue la qualité des travaux, menés sous la présidence de notre collègue Guillaume Kasbarian. Cela tient enfin à l’implication sans faille de Mme la ministre, qui a participé à tous nos débats en commission, pour répondre à l’ensemble des interrogations et apporter toutes les précisions nécessaires. Je n’oublie évidemment pas nos rapporteurs, dont les travaux considérables ont permis d’aboutir à des propositions qui soient le plus communes possible.
Sur le fond, nous devons concilier plusieurs objectifs environnementaux : promouvoir la décarbonation par le renforcement des énergies renouvelables ; nous assurer que, dans le processus de déploiement volontariste des projets, la démocratie environnementale et la participation du public sont bien garanties ; enfin, veiller à ce que l’accélération des énergies renouvelables se fasse dans le respect bien compris des milieux naturels.
Je retiens de nos débats en commission la volonté d’agir ensemble – cela a été dit et répété. Ensemble ! Nous avons été, collectivement, à la hauteur des enjeux, loin des invectives qui peuvent parfois faire la une des médias ; c’est cette assemblée-là que nos concitoyens attendent de nous. Je suis donc convaincu que nous serons en mesure de trouver la voie pour aboutir à des mesures ambitieuses sur des questions aussi importantes que la planification territoriale, la problématique paysagère, la préservation de la biodiversité ou l’article 4.
En conclusion, ce qui doit nous guider c’est de savoir si, oui ou non, nous souhaitons redonner à la France sa pleine souveraineté énergétique,… Oui ! …si, oui ou non, nous voulons faire entrer nos territoires dans une transition énergétique à même d’assurer notre avenir. Oui ! Je ne doute pas que nos débats permettront de faire converger l’ensemble de nos forces politiques vers ces objectifs communs. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.) La parole est à Mme Liliana Tanguy, rapporteure pour observations de la commission des affaires européennes. Je suis particulièrement heureuse de prendre la parole devant vous au nom de la commission des affaires européennes en tant que première rapporteure pour observations d’un projet de loi sous la XVIe législature. Je salue, à cet égard, l’initiative de notre président, Pieyre-Alexandre Anglade, qui tient à mobiliser tous les outils dont nous disposons pour parler d’Europe au sein de cet hémicycle. Les rapports portant observations en sont un ; nous nous en sommes saisis avec enthousiasme, car nous croyons bénéfique d’inscrire le débat que nous avons ici, à l’Assemblée nationale, dans un cadre plus large, européen. Cela est particulièrement vrai lorsqu’il s’agit d’énergie, surtout dans le contexte de crise actuel.
L’Union européenne n’a eu de cesse de renforcer ses ambitions en matière d’énergies renouvelables. En 2009, une première directive avait fixé comme objectif une part de 20 % d’énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie au sein de l’Union en 2020. En 2018, une nouvelle directive a rehaussé cet objectif pour viser 30 % d’énergie produite à partir de sources renouvelables en 2030. En 2019, le Pacte vert pour l’Europe, présenté par la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a fixé l’objectif de la neutralité climatique sur notre continent à l’horizon 2050. Une révision de la directive de 2018 visant 40 % d’énergies renouvelables d’ici à 2030 est annoncée et le plan REPowerEU, le plan de la Commission européenne visant à réduire la dépendance de l’Union en combustibles fossiles importés de Russie, présenté dans le contexte tragique de la guerre en Ukraine, estime nécessaire de porter cet objectif à 45 % afin de renforcer notre indépendance énergétique et de nous défaire des combustibles fossiles russes.
La sobriété et l’efficacité énergétiques doivent nous conduire à reprendre en main notre destin énergétique. Dans ce cadre, le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables doit permettre à la France de renforcer ses capacités de production afin d’atteindre les objectifs fixés par les textes européens. Il est donc à la fois bienvenu et nécessaire si nous voulons nous conformer non seulement à nos engagements européens mais aussi à ceux qu’a annoncés le Président de la République dans ses discours de Belfort et de Saint-Nazaire. Nous devons léguer une planète vivable aux futures générations ; la lutte contre le réchauffement climatique est incontestablement le défi de notre siècle.
Nous le savons, il est indispensable de réduire nos émissions de gaz à effet de serre pour respecter les engagements climatiques que nous avons pris dans le cadre de l’accord de Paris. Or l’utilisation de l’énergie est la première source d’émission de gaz à effet de serre en France ; elle représente, de fait, 70 % des émissions. Dès lors, produire une énergie plus verte est une nécessité si nous voulons réduire nos émissions de façon significative. Cela passe par un déploiement massif des énergies renouvelables.
Ce déploiement nous permettra, de surcroît, de renforcer notre indépendance énergétique, donc notre souveraineté nationale. Cela est d’autant plus nécessaire depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine. La décision de se priver des importations de gaz russe a en effet souligné la vulnérabilité de la France et de l’Europe en matière d’approvisionnement. Or, là encore, les énergies renouvelables offrent une solution, car elles sont produites sur notre territoire, à l’abri des tensions géopolitiques et des fluctuations de prix.
Enfin, à l’heure où le pouvoir d’achat de nos concitoyens est rongé par l’inflation et la hausse du prix de l’énergie, l’accélération de la production d’énergies renouvelables doit permettre d’améliorer le pouvoir d’achat des Français en leur fournissant une énergie moins chère et en les libérant des énergies fossiles. C’est ce narratif que nous devons diffuser auprès de nos citoyens : les énergies renouvelables nous donnent accès à une énergie plus propre, moins chère, et leur déploiement permet de renforcer notre souveraineté.
Par ailleurs, le projet de loi s’inscrit parfaitement dans le momentum européen actuel, puisqu’une proposition de règlement d’urgence comportant des mesures similaires en matière de simplification administrative doit être adoptée lors du prochain Conseil extraordinaire sur l’énergie, en attendant la révision de la directive sur les énergies renouvelables, qui devrait intervenir en 2023. La France est donc, grâce à ce projet de loi, en avance sur ses partenaires. Il n’en demeure pas moins utile de s’inspirer de ces derniers : l’Allemagne, par exemple, a annoncé en début d’année qu’elle comptait consacrer 2 % de son territoire à l’installation d’éoliennes d’ici à 2032 ; quant au Danemark, 47 % de l’électricité qui y a été consommée en 2020 était d’origine éolienne, ce qui constitue un record à l’échelle mondiale.
En facilitant la production d’énergies renouvelables, grâce notamment à la multiplication des zones d’implantation d’infrastructures… Merci. …par la libération du potentiel foncier et à l’accélération du déploiement de l’éolien en mer,… Merci, madame Tanguy. Je termine, madame la présidente.
Ce projet de loi ambitieux, disais-je, doit nous permettre de faire de la France un pays moteur en Europe et le premier grand pays du monde… (Mme la présidente coupe le micro de Mme Liliana Tanguy.) (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)
Soixante pour cent, c’est selon Réseau de transport d’électricité (RTE), la proportion d’électricité que nous devrons produire en plus à l’horizon 2050 pour répondre à nos besoins croissants d’électrification pour l’industrie, les transports et les bâtiments, si nous voulons devenir le premier grand pays industriel au monde à sortir des énergies fossiles et à atteindre la neutralité carbone.
Mesdames et messieurs les députés, ces trois chiffres montrent bien que nous sommes à un tournant historique. Et si nous voulons devenir enfin maîtres de notre destin énergétique, nous ne pourrons nous passer d’aucune énergie décarbonée, nucléaire comme renouvelable, tant la marche à franchir est haute. Lorsque je dis renouvelable, je parle bien de toutes les énergies renouvelables, celles qui produisent de l’électricité comme celles qui produisent de la chaleur. Nous devons donc toutes les développer, car il y a urgence.
Urgence face à la crise climatique qui provoque les dérèglements que nous constatons tous : mégafeux, inondations, sécheresses. Cela se vérifie plus que jamais : personne ne peut regarder ailleurs. Urgence également face à la crise énergétique la plus grave que nous connaissons depuis les années 1970. Vous le savez, devoir importer des énergies sans en maîtriser le coût, c’est affaiblir le pouvoir d’achat des Français, c’est peser sur la compétitivité de nos entreprises, c’est réduire les capacités d’investissement des collectivités locales.
Face à ces enjeux, nous ne sommes pas sans solutions. Grâce au travail du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), du Haut Conseil pour le climat ou de RTE, nous savons quels doivent être les quatre piliers intangibles de notre action.
Le premier est la sobriété énergétique. Le 6 octobre dernier, avec la Première ministre, j’ai présenté un plan de sobriété qui vise à réduire de 10 % notre consommation d’énergie d’ici à 2024. L’État ainsi que des centaines d’entreprises et de collectivités locales sont déjà mobilisés pour y parvenir.
Deuxièmement, nous menons des actions ambitieuses en matière d’efficacité énergétique, qu’il s’agisse de la rénovation thermique des bâtiments, du verdissement des transports ou encore de la décarbonation profonde de l’industrie. Le rapport de RTE nous le démontre : d’ici à 2050, si nous voulons atteindre la neutralité carbone, il nous faudra réduire de 40 % notre consommation d’énergie finale.
Troisième pilier : le déploiement massif des énergies renouvelables. C’est tout le sens du grand plan « énergies renouvelables » que j’ai lancé en juin dernier. Grâce à celui-ci, nous avons débloqué 10 gigawatts (GW) de production électrique et 1 térawatt de biométhane. Pour accompagner et assurer la réussite de ce plan, nous avons renforcé les effectifs des équipes d’instruction sur le terrain et nous avons adressé une circulaire aux préfets et services déconcentrés de l’État pour s’assurer de leur implication et de leur engagement. S’agissant des énergies renouvelables, c’est en tout près de trente textes réglementaires qui ont été présentés depuis le mois de mai devant le Conseil supérieur de l’énergie. Le projet de loi que j’ai l’honneur de vous présenter constitue le volet législatif de ce plan global.
Quatrième et dernier pilier : la relance d’un programme nucléaire ambitieux, comme l’a proposé le Président de la République. Cela fait l’objet d’un débat public, engagé en octobre, mené par la Commission nationale du débat public jusqu’à la fin du mois de février 2023. Afin d’anticiper, car nous n’avons pas de temps à perdre, nous travaillons à simplifier les procédures administratives de construction de nouveaux réacteurs à proximité des sites qui en accueillent déjà. Très bien ! C’est tout l’objet du projet de loi qui vous sera présenté début 2023.
Tels sont les grands chapitres de notre stratégie énergétique. Personne ne peut donc douter de la détermination du Président de la République, de la Première ministre et de l’ensemble du Gouvernement à réussir notre transition énergétique.
Il nous appartient maintenant de décliner ces piliers dans une nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Nous avons entamé ce travail en lançant une grande concertation publique « Notre avenir énergétique se décide maintenant ». Elle a déjà recueilli près de 15 000 contributions en un peu plus d’un mois. Les orientations qui seront exprimées vous seront intégralement restituées et pourront nourrir vos réflexions en amont de l’examen de la prochaine loi de programmation sur l’énergie et le climat (LPEC) qui devra être adoptée au second semestre de 2023.
Alors, me direz-vous : pourquoi ne pas attendre 2023 pour ce projet de loi d’accélération de la production des énergies renouvelables ? La réponse, vous la connaissez : nous sommes déjà en retard. La faute à qui ? Les Français ne comprendraient pas que nous renvoyions à demain l’accélération de la production d’énergies renouvelables dans notre pays. Nous sommes en retard de 20 % sur les objectifs que nous nous étions fixés dans le cadre de la précédente programmation pluriannuelle de l’énergie ; en retard également sur nos voisins puisque la France est le seul pays de l’Union européenne à ne pas avoir atteint ses objectifs en matière d’énergies renouvelables.
Ce retard, il nous faut le rattraper et, pour cela, ne pas nous tromper de combat. C’est dommage que vous ne gouverniez pas depuis six ans ! (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.) Je tiens à rappeler une évidence, que nous n’avons peut-être pas assez entendue ces derniers jours : le seul combat qu’il convient de mener, c’est celui des énergies décarbonées contre les énergies fossiles. Dans ce combat, nous pouvons toujours perdre notre temps à opposer des technologies entre elles mais, à la fin, ce seront toujours les Français qui paieront le prix de ces postures dogmatiques. Toutes les énergies ont des avantages et des inconvénients, toutes. À nous, responsables politiques, de construire la meilleure combinaison entre elles pour bâtir l’avenir de notre système énergétique. À nous aussi de dépasser les clivages en nous inscrivant dans les pas de l’appel de Johannesburg lancé par Jacques Chirac, du Grenelle de l’environnement conduit par Nicolas Sarkozy et Jean-Louis Borloo ou de l’accord de Paris sur le climat promu par François Hollande et Laurent Fabius.
Le texte que je vous présente aujourd’hui s’inscrit dans cet esprit. Il est le fruit des échanges que j’ai eus depuis plusieurs mois avec des acteurs associatifs et économiques comme avec les élus locaux et leurs associations. Il est le fruit aussi du travail entamé très en amont avec les parlementaires des différents groupes, au Sénat comme à l’Assemblée nationale. Mme la ministre a raison ! À cet égard, je tiens à souligner la qualité du travail conduit par les quatre rapporteurs, Aude Luquet, Pierre Cazeneuve, Henri Alfandari et Éric Bothorel ainsi que par le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, Jean-Marc Zulesi, et celui de la commission des affaires économiques, Guillaume Kasbarian, et des échanges auquel il a donné lieu. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.) Quel bel exercice d’autocongratulation ! Comme vous le savez, ce projet de loi comporte quatre objectifs : changer de paradigme et construire une véritable méthode de planification des énergies renouvelables, au niveau territorial, conduite par les élus de terrain ; accélérer les procédures administratives sans rien renier de nos exigences environnementales ; faire preuve de bon sens et déployer les énergies renouvelables, particulièrement le photovoltaïque, en libérant du foncier artificialisé ou dégradé ; améliorer la désirabilité et l’appropriation des énergies renouvelables, notamment grâce à un meilleur partage de la valeur de ces projets.
Le texte voté en commission montre que les chemins pour bâtir des compromis existent. Je m’attacherai à ce que nos échanges se poursuivent dans ce même esprit de coconstruction. Je voudrais, à ce titre, prendre le temps de présenter certains enjeux spécifiques du projet de loi auxquels vous êtes, je le sais, particulièrement attentifs.
Je commencerai par la planification, dont l’objet est de remettre les élus locaux et leurs territoires au centre des décisions. Pour cela, nous leur donnons le pouvoir de décider : des leviers pour aménager leur territoire leur permettront de choisir les zones d’accélération où ils souhaitent accueillir des projets d’énergies renouvelables et les zones où ils souhaitent, au contraire, les limiter. Ce sont les communes qui proposent et ce sont elles qui ont le dernier mot. Aucune d’entre elles ne pourra se voir imposer une zone d’accélération sur son territoire. Nous souhaitons bâtir un nouveau pacte territorial au sein duquel l’État jouera un rôle de facilitateur. Nous mettrons notamment à disposition des données et des cartographies, et les référents préfectoraux que nous nommerons seront chargés d’accompagner les collectivités locales.
Quoique de qualité, les débats en commission ont montré que nous devions encore lever certaines incertitudes au sujet de la planification : combien de temps laissons-nous pour définir ces zones ? Quel sort sera réservé aux communes dépourvues de documents d’urbanisme ? Nous y avons beaucoup travaillé ces derniers jours avec vous et les associations d’élus locaux. Le Gouvernement défendra, avec le rapporteur Alfandari, des amendements destinés à répondre à ces questions et à préciser ce dispositif.
Le deuxième enjeu est l’agrivoltaïsme. Notre objectif est ici de concilier souveraineté alimentaire et souveraineté énergétique. Face à l’anarchie actuelle, il nous faut légiférer. C’est la raison pour laquelle nous soutenons la proposition de loi du Sénat, qui a été intégrée à ce projet de loi. Pour la première fois, nous donnons en droit une définition de l’agrivoltaïsme, avec des conditions et un encadrement équilibrés et clairs.
Pour s’assurer de la réussite du dispositif, le Gouvernement soutiendra l’amendement du rapporteur Bothorel qui, empreint de la même philosophie que le système de planification que je viens d’évoquer, propose de faire confiance au local pour tenir compte des spécificités agricoles des territoires. Concrètement, dans chaque département, un document cadre coconstruit par l’ensemble des parties prenantes locales, et entériné par le préfet, permettra de préciser les caractéristiques de la compatibilité des installations photovoltaïques avec l’activité agricole.
Troisième sujet : le partage de la valeur, qui constitue un apport majeur de ce texte, afin de s’assurer que les habitants et les communes profiteront directement des retombées des projets et seront associés à leur réussite. La création d’un fonds de financement d’actions locales pour les collectivités, d’un second fonds dédié à la biodiversité et l’ouverture d’un financement participatif des habitants aux projets engagés dans leur territoire sont des apports positifs que nous soutenons. Très bien ! Par ailleurs, si je reste convaincue que les Françaises et les Français doivent aussi bénéficier du partage de la valeur, j’ai entendu vos inquiétudes concernant le dispositif initial de réduction directe sur les factures des riverains. C’est pourquoi le Gouvernement défendra plusieurs amendements permettant aux collectivités de soutenir leurs habitants et soutiendra les amendements déposés par le groupe Socialistes et apparentés qui ciblent les ménages en situation de précarité énergétique. Très bien ! Quatrième sujet : l’accélération des énergies renouvelables en zones déjà artificialisées. En la matière, les bâtiments constituent une priorité et des mesures importantes avaient déjà été adoptées dans la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite climat et résilience. Pour aller encore plus loin, le Gouvernement soutiendra le dispositif ambitieux mais équilibré de l’amendement no 2823 déposé par le groupe Renaissance. Il fixe des objectifs croissants mais progressifs pour les nouveaux bâtiments, afin de maintenir l’ambition de la mesure votée en commission, tout en permettant une flexibilité nécessaire.
Cinquième sujet : le principe de reconnaissance de la raison impérative d’intérêt public majeur, sur lequel le Gouvernement défendra un amendement de rétablissement de la rédaction initiale. Je sais qu’il soulève des incompréhensions, voire des craintes : certains s’y opposent pour des raisons de protection de la biodiversité, d’autres parce qu’ils ne sont pas convaincus de l’impérieuse nécessité de développer les énergies renouvelables pour notre avenir énergétique.
Si je pense avoir longuement répondu aux seconds au début de ce discours, je veux dire quelques mots à destination des premiers. Cette mesure, qui vient d’être adoptée au niveau européen avec un large soutien des groupes représentés au Parlement européen, dont Les Verts, vise à mettre fin à une pratique quasi systématique de recours dilatoires contre les projets. Sur le fond, elle ne revient pas sur les conditions à remplir en matière d’impact environnemental, qui restent cumulatives et obligatoires pour toute demande de dérogation à l’obligation de protection stricte des espèces protégées. Il est donc clair que le Gouvernement ne sacrifiera pas la biodiversité au profit du climat.
Enfin, je me réjouis que ce texte facilite le développement des énergies renouvelables dans les territoires ultramarins : il s’agit d’un enjeu stratégique pour l’autonomie énergétique de ces territoires, alors que beaucoup connaissent des difficultés en la matière. Je tiens à remercier les députés des outre-mer et des zones non interconnectées pour le travail collectif mené sur ces sujets.
Mesdames et messieurs les députés, je sais que nous saurons ensemble, durant les heures de débats qui sont devant nous, améliorer encore ce projet de loi, et je suis confiante sur le fait que, de la gauche jusqu’à la droite de l’hémicycle, parmi les nombreuses bonnes volontés qui y siègent, nous nous accorderons sur l’essentiel : faire face à la crise énergétique pour le pouvoir d’achat des Français et la compétitivité des entreprises ; défendre l’indépendance industrielle, énergétique et politique de la France ; lutter contre le dérèglement climatique pour l’avenir de nos enfants. Car c’est bien tout l’enjeu de ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – M. Henri Alfandari, rapporteur de la commission des affaires économiques, applaudit également.) La parole est à M. Henri Alfandari, rapporteur de la commission des affaires économiques pour les titres Ier A et Ier. L’heure est venue pour notre assemblée de commencer l’examen du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, qui a suscité de longs débats au Sénat. Les sénateurs nous ont fourni une excellente base de travail, sur laquelle nous nous sommes appuyés en commission, et nous les en remercions.
La guerre en Ukraine nous le rappelle : l’enjeu primordial est de retrouver notre souveraineté énergétique et de moins dépendre des autres pays. Nul besoin d’étendre nos discussions relatives à la relance de la production nucléaire : nous aurons l’occasion d’échanger longuement sur le sujet au début de l’année prochaine. Cependant, il est évident que la construction de nouveaux réacteurs nécessitera de nombreuses années. Or nous ne pouvons attendre de telles échéances pour entreprendre la décarbonation de la société. En effet, pour atteindre la neutralité carbone en 2050, il faut opérer dès maintenant un profond revirement des productions et des usages.
Le retard actuel de la France dans l’atteinte de ses objectifs en matière de politique énergétique exige détermination et ambition, afin de dépasser les résultats déjà accomplis. Les cinq prochaines années seront décisives pour réussir le tournant du renouvelable. Afin d’atteindre les objectifs fixés par les accords internationaux, à travers la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) et la programmation pluriannuelle de l’énergie, et d’obtenir un réel mix énergétique, nous devons raisonner tout type d’énergies confondues : solaire, hydraulique, géothermie, éolien, biogaz ou encore valorisation des déchets.
Grâce aux apports des sénateurs, le présent texte tend à répondre aux nécessités de chaque type d’énergie. Accélérer l’implantation des projets d’énergies renouvelables nécessite bien entendu de veiller à leur insertion territoriale, paysagère et environnementale. Les énergies renouvelables, comme le montrent de nombreux sondages, sont voulues par les populations, sous réserve que leur implantation soit harmonieuse, maîtrisée et compatible avec les autres usages des sols et acceptable pour les populations avoisinantes. C’est ce qui fait toute l’importance de la planification des dispositifs.
Des tentatives ont été faites en ce sens, dans la lignée notamment de la dynamique lancée par le Grenelle de l’environnement, avec la définition, en 2005, de zones de développement de l’éolien (ZDE). Cependant, ces zones, restées purement incitatives et dénuées de portée normative véritable, n’ont pas apporté aux élus l’outil de planification porteur et contraignant dont ils avaient besoin, justifiant leur suppression en 2013 : qu’elles soient pour nous, aujourd’hui, un exemple à ne pas reproduire.
Soyons en sûrs : définir des zones en concertation avec nos citoyens permet d’améliorer l’acceptabilité des projets et aboutit à leur appropriation par la population. C’est le sens de l’article 3 du projet de loi, qui regroupe l’ensemble du dispositif de planification, pour une meilleure lisibilité et visibilité. Confier ce rôle aux élus locaux s’impose en effet comme une évidence : il s’agit de redonner cette mission aux acteurs proches des concitoyens, qui connaissent mieux que quiconque leur terrain et ses spécificités. En mettant les élus au c?ur du dispositif de recensement des espaces destinés à l’implantation d’énergies renouvelables, nous permettons aussi une meilleure implication collective dans les exigences de la transition énergétique et écologique, de meilleurs échanges, autrement dit un développement certain des projets, clé d’un déploiement accéléré des énergies renouvelables.
Je remercie les rapporteurs du Sénat, Mme Laurence Garnier, M. Didier Mandelli, M. Patrick Chauvet, de leurs apports indispensables au projet de loi et je félicite mes collègues rapporteurs à l’Assemblée nationale, Mme Aude Luquet, M. Pierre Cazeneuve et M. Éric Bothorel, pour la qualité de leur travail. Très bien ! Je salue également le Gouvernement pour son écoute, qui a permis un enrichissement significatif du texte. Enfin, j’exprime ma gratitude aux administrateurs qui m’ont accompagné durant ces travaux et m’ont permis de réaliser un travail de qualité réunissant les apports précieux venus de tous les bancs de l’hémicycle.
J’espère que les travaux en séance nous permettront de nous doter d’une loi qui relève efficacement les défis auxquels nous faisons face. À ce stade, nous pouvons nous réjouir d’avoir établi une planification qui consacre les habitants et leurs élus, c’est-à-dire les territoires, comme pierre angulaire de notre action et d’avoir permis le retour d’un État facilitateur et accompagnateur, pour que les choix issus de la concertation se concrétisent in fine en réalisations conformes à leurs volontés. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.) La parole est à M. Éric Bothorel, rapporteur de la commission des affaires économiques pour les titres II à V. Le meilleur d’entre nous ! Le consensus a fait lentement son chemin dans notre pays. Les Français reconnaissent aujourd’hui que pour faire face aux enjeux du climat et à la décarbonation de nos activités, une mobilisation rapide et le déploiement des énergies renouvelables sont nécessaires, parallèlement au renforcement de nos capacités en énergie nucléaire : selon un sondage paru récemment dans Les Échos , 81 % d’entre eux considèrent ainsi que l’installation de nouvelles fermes de panneaux solaires est importante et 40 % estiment qu’il s’agit d’une priorité. Le présent texte traduit cette attente légitime et nous ne pouvons pas les décevoir.
Afin d’accroître l’autonomie stratégique de la France, de lutter contre le réchauffement climatique, de sortir de notre dépendance aux énergies fossiles et d’atteindre la neutralité carbone en 2050, notre stratégie énergétique doit être ambitieuse. Elle tient en trois principes : sobriété, nucléaire, énergies renouvelables. Ce triptyque fixe un cap et permettra à la France de devenir une véritable puissance écologique, une puissance souveraine.
En matière d’énergies renouvelables, la France accuse un retard par rapport à ses objectifs. Il nous faut donc accélérer radicalement leur développement, en divisant par deux les délais fixés entre la décision et la mise en service des installations : c’est l’ambition du texte que nous examinons aujourd’hui. Il mobilise pour ce faire tous les leviers d’accélération disponibles : procédures simplifiées, nouveaux sites d’implantation et nouveaux leviers financiers, tout en garantissant l’implication étroite des acteurs locaux dans le déploiement des projets.
Le travail collectif accompli en commission du développement durable et en commission des affaires économiques – dont je salue mes collègues rapporteurs – a permis d’entériner de nombreuses avancées, notamment grâce à l’esprit de compromis de nos collègues députés et du Gouvernement.
En ce qui concerne l’agrivoltaïsme, le Sénat a posé une première pierre en proposant une définition perfectible. Les nombreux entretiens menés en commission avec les acteurs de la filière ont permis de nous forger une conviction : les agriculteurs doivent avoir l’opportunité de se saisir de ce nouvel outil au service de l’agriculture, sans que les panneaux ne remplacent les troupeaux et sans que la production d’électricité ne concurrence la production et l’emploi agricoles. Nous avons donc proposé et adopté des améliorations de la définition initiale, en préservant les fonctions écologiques des sols et en interdisant le défrichement en zone forestière pour l’implantation de panneaux photovoltaïques. J’espère que le travail en séance nous permettra de parachever cet encadrement.
Pour ce qui a trait au foncier, davantage de terrains sont libérés pour les énergies renouvelables. Le Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres sera désormais consulté afin d’élaborer la liste des friches pouvant faire l’objet d’un aménagement photovoltaïque. Des dérogations au principe d’implantation en continuité urbaine dans les zones littorales et de montagne sont ouvertes, avec un encadrement strict afin de protéger ces territoires fragiles.
Plusieurs articles valorisent le potentiel de l’hydroélectricité, qui présente l’avantage d’être la plus pilotable des énergies renouvelables. Les débits minimaux des cours d’eau peuvent dorénavant être relevés en cas de menace sur la sécurité d’approvisionnement en électricité – je salue le travail de notre collègue Marie-Noëlle Battistel, dont on connaît l’investissement sur le sujet. En cette matière, la rédaction issue de la commission garantit un suivi des impacts sur la biodiversité résultant d’une telle mesure, ainsi que l’affectation des recettes supplémentaires ainsi générées à des actions en faveur de la biodiversité. Le suréquipement des concessions hydroélectriques est également simplifié.
Par ailleurs, nous soutenons résolument l’essor de la méthanisation et de l’hydrogène. Le travail en commission a ainsi permis de sécuriser juridiquement le développement de la méthanisation en zone agricole, tout en conservant l’ambition d’une extension rationnelle et maîtrisée des unités. Le cadre juridique pour le déploiement du gaz bas-carbone est lui aussi précisé.
Nous facilitons également la constitution d’opérations d’autoconsommation collective, ainsi que la conclusion de Power Purchase Agreements (PPA), c’est-à-dire de contrats de vente directe entre le producteur d’énergie renouvelable et le consommateur. Le Sénat a ouvert aux collectivités la possibilité de souscrire des PPA, ce qui constitue un ajout bienvenu.
En ce qui concerne le partage de la valeur produite par les énergies renouvelables, qui concourt à l’acceptabilité des installations, la commission a réintroduit le principe d’un partage avec les riverains et a maintenu le dispositif à destination des collectivités territoriales souhaité par le Sénat. Les producteurs d’énergies renouvelables lauréats de mises en concurrence ont désormais l’obligation de financer des projets de protection de la biodiversité. L’examen en séance publique devrait permettre d’améliorer et d’affiner davantage le partage de la valeur entre ces producteurs et les collectivités.
Le projet de loi conforte par ailleurs la possibilité pour les riverains du lieu de production et pour les communes et leurs groupements concernés de participer au capital social d’une entreprise porteuse d’un projet de production d’énergies renouvelables. J’aurai à cœur de m’assurer que ces mécanismes de partage de la valeur soient opérationnels et qu’ils ne créent pas d’effets de seuil ou de ruptures d’égalité entre les citoyens.
En définitive, le présent projet de loi, tel qu’issu des travaux de la commission des affaires économiques, s’inscrit résolument dans une volonté d’équilibre entre accélération de la production d’énergies renouvelables et préservation des autres enjeux liés à l’occupation de nouvelles surfaces. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.) La parole est à M. Pierre Cazeneuve, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Soixante-cinq pour cent de notre consommation énergétique sont constitués d’énergies fossiles importées. Cela représente une extraordinaire dépendance vis-à-vis de certains pays, et cela a des effets majeurs sur nos émissions de gaz à effet de serre. Aussi le projet de loi répond-il à un double objectif : renforcer notre souveraineté énergétique et lutter contre le dérèglement climatique. Pour y parvenir, nous devons actionner deux leviers : d’une part, la sobriété et l’efficience – en réduisant de 40 % notre consommation énergétique d’ici à 2050 –, d’autre part, la production massive d’énergies décarbonées – à savoir le nucléaire et les énergies renouvelables. C’est parfaitement résumé ! Tel est l’objet du projet de loi : intensifier massivement et immédiatement notre production d’énergies renouvelables. Si je suis un grand défenseur de l’atome, je suis aussi persuadé que la bonne réponse réside dans une lecture scientifique et rationnelle de la situation. Très bien ! Les six scénarios élaborés par RTE dans son rapport « Futurs énergétiques 2050 » accordent tous une part significative aux énergies renouvelables – et, quel que soit le scénario, la marche est très haute. Les énergies renouvelables représentaient 19,3 % de notre consommation finale brute en 2021, alors que nous nous étions engagés à ce qu’elles atteignent 23 %. En outre, nous mettons deux fois plus de temps que nos voisins européens à raccorder un projet d’énergies renouvelables. C’est trop long ! Pour ne prendre qu’un exemple, je passais mon brevet des collèges quand le projet de parc d’éoliennes en mer de Saint-Nazaire a débuté ! Vous avez redoublé plusieurs fois ? (Sourires.) Il faut avancer ! Or cette installation n’a été inaugurée que cette année par le Président de la République.
Le projet de loi doit nous permettre de rattraper notre retard, grâce à quatre grands axes : planifier le déploiement des énergies renouvelables dans les territoires en partant des communes ; rationaliser et accélérer les procédures administratives ; faciliter l’implantation sur des terrains déjà artificialisés ; enfin, développer le partage territorial de la valeur – le tout en préservant la biodiversité et la nécessaire participation du public.
Élu local depuis près de dix ans, je sais l’importance et la nécessité de faire confiance aux élus : ils connaissent mieux que quiconque leur commune et partagent notre ambition de mener à bien la transition. C’est pourquoi je souhaite souligner les nombreux enrichissements qui ont été apportés par le Sénat, notamment au sujet de la planification : il s’agit d’une planification ascendante, qui garantit un déploiement choisi et piloté par les élus locaux, tout en s’alignant sur les objectifs nationaux de la programmation pluriannuelle de l’énergie. Nous avons collectivement travaillé sur cette planification, sous l’égide du rapporteur Henri Alfandari, que je salue. Merci ! Très bien ! Afin d’approfondir le précieux travail entamé par le Sénat, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a adopté 181 amendements. Ensemble, nous avons introduit la mise à disposition publique d’indicateurs de suivi concernant le nombre de projets en cours, les délais moyens d’instruction, le nombre d’autorisations refusées et les motifs de refus. Ensemble, nous avons accéléré et rationalisé les procédures de déploiement des projets, tout en renforçant nos exigences de protection du vivant et la nécessaire participation du public. Ensemble, nous avons consolidé le rôle et le statut du référent préfectoral, pour appuyer les collectivités dans leurs démarches. Ensemble, nous avons élargi le fonds de soutien destiné aux lauréats de l’appel d’offres portant sur des installations éoliennes en mer, qui pourra bénéficier de l’amorçage du Gouvernement. Ensemble, nous avons fixé à 2024 la publication de la première cartographie prévue par le document stratégique de façade (DSF) pour l’éolien en mer. Ensemble, nous avons rendu obligatoires les objectifs de préservation de la biodiversité dans ces mêmes cartographies. Ça, c’est une avancée ! Bravo ! Ensemble, enfin, nous avons créé un régime d’autorisation unique pour les autorisations de production d’énergie renouvelable en mer et les ouvrages de raccordement. Ensemble ! Ce sont autant d’amendements qui, adoptés par la commission, témoignent de notre volonté de coconstruction avec l’ensemble des groupes politiques. Très bien ! Les débats en commission ont été passionnants et particulièrement riches ; je ne doute pas que, dans l’hémicycle, nous poursuivrons l’examen du texte avec la même dynamique et le même esprit, pour voter ensemble ce texte… Ensemble ! …et ne plus jamais devoir ouvrir de centrales à charbon.
Pour finir, je remercie mes collègues corapporteurs – Aude Luquet, Henri Alfandari et Éric Bothorel –, Mme la ministre et son cabinet, ainsi que l’ensemble des chefs de file qui ont contribué au débat en commission, et, bien sûr, les administratrices qui nous ont accompagnés tout au long de l’examen du texte. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.) La parole est à Mme Aude Luquet, rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. En 1901, Émile Zola publie son dernier roman, Travail , œuvre d’anticipation dans laquelle une cité utopique se préparait au temps « où le charbon s’épuiserait au fond des mines » : comment assurerait-on alors « le torrent d’électricité devenu indispensable à l’existence » ? Sous les traits d’un inventeur, l’auteur s’est lancé dans une quête qui l’a conduit à se tourner vers le ciel pour s’adresser directement au « soleil secourable » : « De la sorte », écrit-il, « il y aurait sans cesse là une source de force illimitée, dont on disposerait à sa guise. » Le soleil lui apparaît comme la seule énergie susceptible d’émanciper l’humanité – encore faut-il la maîtriser. Il ajoute : « Des savants étaient parvenus à imaginer de petits appareils qui captaient la chaleur solaire et la transformaient en électricité, mais par quantités infimes […]. Il fallait réaliser le phénomène en grand […]. »
Réaliser ce phénomène en grand, telle est l’ambition du projet de loi. Cette ressource, nous voulons la mettre au cœur de la lutte contre le dérèglement climatique, qui est incontestablement le défi du siècle. Notre volonté est claire : faire de la France le premier grand pays du monde à sortir de la dépendance aux énergies fossiles. C’est un impératif pour protéger l’environnement, renforcer notre souveraineté et améliorer le pouvoir d’achat des Français.
La France ne remportera pas seule ce combat, mais nous devons commencer par être irréprochables si nous voulons être entendus sur la scène internationale – c’est une question de crédibilité. La transition vers une société plus durable, une « cité du bonheur », dans l’imaginaire de Zola, passe par un triptyque indispensable et indissociable : une électrification massive de nos usages, une plus grande sobriété énergétique et une meilleure efficacité énergétique. Le récent rapport de RTE « Futurs énergétiques 2050 » montre que nous pouvons y parvenir, en développant un mix énergétique décarboné qui associe les énergies renouvelables et l’énergie nucléaire. C’est bien là notre ambition.
Alors que la loi « climat et résilience » a déjà permis des avancées ambitieuses, nous voulons accélérer la dynamique pour atteindre nos différents objectifs – ceux de la PPE, qui veut que nous ayons doublé notre capacité de production d’électricité renouvelable en 2028, ainsi que ceux du paquet européen Fit for 55 , qui fixe à 40 % la part des énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie de l’Union européenne en 2030. Dans notre mix énergétique actuel, le solaire représente moins de 3 % de la production d’électricité : nous sommes clairement en retard. Loin de rester dans le statu quo , nous voulons donner un véritable coup d’accélération à la filière : multiplier par dix notre puissance photovoltaïque, tel est le cap affiché par le Président de la République, dont nous partageons l’ambition. Le temps presse. Aujourd’hui, il faut en moyenne cinq ans de procédure pour construire un parc solaire, alors qu’il ne nécessite que quelques mois de travaux. C’est trop long ! C’est beaucoup trop long, en effet. Notre volonté est d’aller deux fois plus vite. Cela n’implique aucunement de forcer la main, mais de mieux identifier les espaces propices au développement des énergies renouvelables, grâce à différents leviers : une planification territoriale, une priorité donnée aux espaces déjà urbanisés et un meilleur partage de la valeur. C’est en activant l’ensemble de ces leviers que nous parviendrons à favoriser l’acceptabilité des projets, chose indispensable pour les accélérer. Concrètement, nous rendrons possible l’installation d’infrastructures de production d’énergie solaire le long des autoroutes et des grands axes routiers, soit un gisement potentiel non négligeable de plus de 2,5 gigawatts. Les voies ferrées et leurs abords ont été ajoutés au texte initial, soit près de 30 000 kilomètres supplémentaires. Nous rendrons également obligatoire la création d’ombrières photovoltaïques sur l’ensemble des parcs de stationnement extérieurs de plus de 2 500 mètres carrés. Peut-être cette superficie évoluera-t-elle lors des débats, mais elle représente déjà 90 à 150 millions de mètres carrés en France.
Pour terminer, nous avons la volonté de favoriser l’installation de production d’énergie solaire sur les toits des bâtiments non résidentiels nouveaux et lourdement rénovés, en renforçant nos ambitions issues de la loi « climat et résilience ». Selon certaines estimations européennes, le photovoltaïque en toiture pourrait fournir près de 25 % de la consommation d’électricité de l’Union européenne, davantage que la part actuelle du gaz naturel. Si nous ne couvrirons pas du jour au lendemain l’ensemble des routes, des parkings et des toitures de France, les dispositions que nous avons votées dans la loi « climat et résilience », et celles que nous voterons dans le présent projet de loi, nous permettront assurément de combler notre retard et d’avancer collectivement vers un futur plus durable – qui ne sera plus une utopie issue de l’imagination d’Émile Zola. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE ainsi que sur quelques bancs des groupes Dem, HOR et LIOT.) La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques. Nous débutons l’examen en séance du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables : adopté avec succès en commission des affaires économiques le 25 novembre, au terme de plus de vingt-quatre heures de débat et de l’examen de 1 035 amendements, il est le fruit d’un beau travail collectif, enrichi par 176 amendements adoptés, dont 52 issus de l’opposition.
L’actualité énergétique est dense : la demande électrique augmente, nos capacités de production électrique sont limitées et les prix sont en hausse partout en Europe. Cette actualité préoccupe légitimement les Français. Rares sont ceux qui comprendraient que la réponse du législateur, face à la crise énergétique, soit de produire moins d’électricité ou de freiner des quatre fers le déploiement de nouvelles capacités de production d’électricité. Au-delà des clivages traditionnels, nous sommes nombreux, dans l’hémicycle, à partager une conviction : pour résoudre la crise énergétique, nous devons produire plus d’électricité, et plus rapidement. Et plus d’électricité nucléaire ! Chaque mégawatt compte. Il faut arrêter de procrastiner ! Certains soutiendront que pour produire plus d’électricité, il faut miser exclusivement sur le tout-nucléaire – ils oublient peut-être un peu trop vite qu’il faut plus de quinze ans pour construire un nouvel EPR – un réacteur pressurisé européen –, et que mettre tous ses œufs dans le même panier est une stratégie hasardeuse, alors que dix-neuf réacteurs sur cinquante-six sont à l’arrêt. D’autres soutiendront que pour produire plus d’électricité, il faut miser exclusivement sur les énergies renouvelables – ils oublient peut-être un peu vite que ce sont des énergies intermittentes, qui consomment de surcroît de l’espace. En réalité, il n’existe pas de production électrique miraculeuse, qui cumule tous les avantages sans présenter aucun inconvénient. C’est pourquoi l’enjeu n’est pas d’opposer les énergies entre elles, mais de renforcer nos capacités de production. Eh oui ! Il faut produire plus d’électricité pour répondre à une demande croissante et calmer les prix du marché ; il faut produire plus d’électricité pour sortir rapidement des énergies fossiles qui émettent beaucoup de CO2 ; il faut produire plus d’électricité pour consolider la souveraineté française, importer moins et donner des perspectives stables de réindustrialisation aux investisseurs. Ce n’est pas dans le texte ! Le texte ne comporte rien à ce sujet ! Il faut produire plus d’électricité, tout à la fois avec le nucléaire et le renouvelable.
Ce projet de loi est un des volets législatifs qui permettront de simplifier et d’accélérer les procédures pour concrétiser les nombreux projets qui émergent dans nos circonscriptions. À titre d’exemple, il est beaucoup question d’agrivoltaïsme. J’étais ce matin dans une exploitation agricole qui fait la fierté de notre territoire, la brasserie l’Eurélienne à Sours, près de Chartres, où, après l’installation de 500 mètres carrés de toiture en photovoltaïque, il est envisagé d’en installer 500 mètres carrés supplémentaires sur un nouveau bâtiment. Bien évidemment, cela se fait avec des agriculteurs moteurs, qui gardent la maîtrise des projets dans l’optique de ne pas grignoter des terres agricoles – car nous sommes tous attachés à la préservation du foncier agricole et à la souveraineté alimentaire de notre pays. Eh oui ! Face à la multiplication de la paperasse administrative, aux procédures à rallonge et aux lenteurs en tout genre, le législateur ne peut pas faire le dos rond : nous avons le devoir de simplifier et d’accélérer, et non de complexifier et de freiner. Cela ne signifie pas que les énergies renouvelables doivent se développer de façon anarchique ; bien au contraire, nous devons donner aux territoires les moyens de mieux planifier leur développement. C’est exactement ce que nous sommes en train d’organiser, là encore, en Eure-et-Loir ; notre département est d’ailleurs de ceux qui ont largement contribué au développement des énergies renouvelables. Après les Hauts-de-France et le Grand Est ! Les habitants et les élus ne sont pas anti-énergies renouvelables : ils demandent de pouvoir choisir, et ils sont au cœur d’une initiative pilote, les États généraux des énergies renouvelables. Sous l’égide du préfet, les élus de tous bords, les associations et les promoteurs s’accordent à déterminer les zones où l’on peut encore installer des énergies renouvelables, et celles où l’on ne souhaite pas subir de nouvelles installations. C’est un travail de concertation gagnant-gagnant qui part du terrain, pour accélérer les développements futurs là où tout le monde s’accorde à le faire. Redonner la main aux élus pour qu’ils puissent décider des endroits où l’on peut encore développer des énergies renouvelables, et des endroits où, à l’inverse, il ne faut pas construire davantage d’installations, c’est exactement ce que prévoit le projet de loi.
Celui-ci enclenchera de nombreuses avancées concrètes : il permettra d’encadrer et de développer les projets d’agrivoltaïsme, d’accélérer l’installation de panneaux photovoltaïques sur les toits des entreprises ainsi que le long des routes et des voies ferrées, ou encore d’accélérer l’installation d’éoliennes en mer – alors que, comme l’a dit M. le rapporteur pour avis, de nombreux pays prennent de l’avance au large de leurs côtes, tout autour de nous.
Il permettra de conclure un pacte territorial avec les élus locaux et d’assurer un meilleur partage de la valeur, donc une meilleure acceptabilité. Bref, grâce à ce projet de loi, nous avons toutes les clés en main pour réussir le pari de l’électrification, de la décarbonation et de la souveraineté énergétique, et nous saurons, j’en suis certain, avancer ensemble,… Ensemble ! …loin des traditionnels clivages politiques – comme l’ont montré nos collègues sénateurs et comme nous l’avons montré en commission –, pour y parvenir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.) La parole est à M. le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Dans un environnement de plus en plus fragilisé, notre ambition est d’entreprendre une transformation profonde de notre modèle, entre sobriété et efficacité énergétique. C’est cette volonté d’agir qui nous réunit aujourd’hui. Alors que la guerre est aux portes de l’Europe, garantir notre souveraineté énergétique est une priorité. Cette exigence nous est rappelée avec acuité : nous devons impérativement réduire notre dépendance à des équilibres géopolitiques fragiles et développer la production énergétique sur notre territoire.
Le projet de loi qui nous réunit doit traduire concrètement les engagements que nous avons pris sur le plan international mais aussi, et surtout, à l’égard de nos concitoyens. Ces engagements sont clairs et partagés : protéger notre environnement et le climat, et garantir la sécurité énergétique. En d’autres termes, il s’agit de faire du développement durable une priorité.
Je souhaite remercier chacun pour l’esprit de responsabilité qui l’a animé jusqu’ici, car il me semble que nos échanges en commission, certes nourris, ont toujours été sereins et constructifs. Cela tient avant tout, et je m’en réjouis, à la volonté, partagée sur tous les bancs, de travailler à des solutions communes. Tel a été le cas, par exemple, lorsque nous avons adopté un amendement transpartisan visant à prendre en compte la préservation de la biodiversité lors de l’implantation d’éoliennes en mer, en particulier dans les aires marines protégées. Je remercie, à cet égard, l’ensemble des groupes de la NUPES pour les échanges que nous avons eus dans le but commun de protéger la biodiversité. Encore un petit effort ! Ne vous inquiétez pas, mon cher collègue : nous serons au rendez-vous. Très bien ! Cela tient aussi aux rapports de bonne intelligence qui ont été noués entre la commission du développement durable et celle des affaires économiques, dont je salue la qualité des travaux, menés sous la présidence de notre collègue Guillaume Kasbarian. Cela tient enfin à l’implication sans faille de Mme la ministre, qui a participé à tous nos débats en commission, pour répondre à l’ensemble des interrogations et apporter toutes les précisions nécessaires. Je n’oublie évidemment pas nos rapporteurs, dont les travaux considérables ont permis d’aboutir à des propositions qui soient le plus communes possible.
Sur le fond, nous devons concilier plusieurs objectifs environnementaux : promouvoir la décarbonation par le renforcement des énergies renouvelables ; nous assurer que, dans le processus de déploiement volontariste des projets, la démocratie environnementale et la participation du public sont bien garanties ; enfin, veiller à ce que l’accélération des énergies renouvelables se fasse dans le respect bien compris des milieux naturels.
Je retiens de nos débats en commission la volonté d’agir ensemble – cela a été dit et répété. Ensemble ! Nous avons été, collectivement, à la hauteur des enjeux, loin des invectives qui peuvent parfois faire la une des médias ; c’est cette assemblée-là que nos concitoyens attendent de nous. Je suis donc convaincu que nous serons en mesure de trouver la voie pour aboutir à des mesures ambitieuses sur des questions aussi importantes que la planification territoriale, la problématique paysagère, la préservation de la biodiversité ou l’article 4.
En conclusion, ce qui doit nous guider c’est de savoir si, oui ou non, nous souhaitons redonner à la France sa pleine souveraineté énergétique,… Oui ! …si, oui ou non, nous voulons faire entrer nos territoires dans une transition énergétique à même d’assurer notre avenir. Oui ! Je ne doute pas que nos débats permettront de faire converger l’ensemble de nos forces politiques vers ces objectifs communs. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.) La parole est à Mme Liliana Tanguy, rapporteure pour observations de la commission des affaires européennes. Je suis particulièrement heureuse de prendre la parole devant vous au nom de la commission des affaires européennes en tant que première rapporteure pour observations d’un projet de loi sous la XVIe législature. Je salue, à cet égard, l’initiative de notre président, Pieyre-Alexandre Anglade, qui tient à mobiliser tous les outils dont nous disposons pour parler d’Europe au sein de cet hémicycle. Les rapports portant observations en sont un ; nous nous en sommes saisis avec enthousiasme, car nous croyons bénéfique d’inscrire le débat que nous avons ici, à l’Assemblée nationale, dans un cadre plus large, européen. Cela est particulièrement vrai lorsqu’il s’agit d’énergie, surtout dans le contexte de crise actuel.
L’Union européenne n’a eu de cesse de renforcer ses ambitions en matière d’énergies renouvelables. En 2009, une première directive avait fixé comme objectif une part de 20 % d’énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie au sein de l’Union en 2020. En 2018, une nouvelle directive a rehaussé cet objectif pour viser 30 % d’énergie produite à partir de sources renouvelables en 2030. En 2019, le Pacte vert pour l’Europe, présenté par la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a fixé l’objectif de la neutralité climatique sur notre continent à l’horizon 2050. Une révision de la directive de 2018 visant 40 % d’énergies renouvelables d’ici à 2030 est annoncée et le plan REPowerEU, le plan de la Commission européenne visant à réduire la dépendance de l’Union en combustibles fossiles importés de Russie, présenté dans le contexte tragique de la guerre en Ukraine, estime nécessaire de porter cet objectif à 45 % afin de renforcer notre indépendance énergétique et de nous défaire des combustibles fossiles russes.
La sobriété et l’efficacité énergétiques doivent nous conduire à reprendre en main notre destin énergétique. Dans ce cadre, le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables doit permettre à la France de renforcer ses capacités de production afin d’atteindre les objectifs fixés par les textes européens. Il est donc à la fois bienvenu et nécessaire si nous voulons nous conformer non seulement à nos engagements européens mais aussi à ceux qu’a annoncés le Président de la République dans ses discours de Belfort et de Saint-Nazaire. Nous devons léguer une planète vivable aux futures générations ; la lutte contre le réchauffement climatique est incontestablement le défi de notre siècle.
Nous le savons, il est indispensable de réduire nos émissions de gaz à effet de serre pour respecter les engagements climatiques que nous avons pris dans le cadre de l’accord de Paris. Or l’utilisation de l’énergie est la première source d’émission de gaz à effet de serre en France ; elle représente, de fait, 70 % des émissions. Dès lors, produire une énergie plus verte est une nécessité si nous voulons réduire nos émissions de façon significative. Cela passe par un déploiement massif des énergies renouvelables.
Ce déploiement nous permettra, de surcroît, de renforcer notre indépendance énergétique, donc notre souveraineté nationale. Cela est d’autant plus nécessaire depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine. La décision de se priver des importations de gaz russe a en effet souligné la vulnérabilité de la France et de l’Europe en matière d’approvisionnement. Or, là encore, les énergies renouvelables offrent une solution, car elles sont produites sur notre territoire, à l’abri des tensions géopolitiques et des fluctuations de prix.
Enfin, à l’heure où le pouvoir d’achat de nos concitoyens est rongé par l’inflation et la hausse du prix de l’énergie, l’accélération de la production d’énergies renouvelables doit permettre d’améliorer le pouvoir d’achat des Français en leur fournissant une énergie moins chère et en les libérant des énergies fossiles. C’est ce narratif que nous devons diffuser auprès de nos citoyens : les énergies renouvelables nous donnent accès à une énergie plus propre, moins chère, et leur déploiement permet de renforcer notre souveraineté.
Par ailleurs, le projet de loi s’inscrit parfaitement dans le momentum européen actuel, puisqu’une proposition de règlement d’urgence comportant des mesures similaires en matière de simplification administrative doit être adoptée lors du prochain Conseil extraordinaire sur l’énergie, en attendant la révision de la directive sur les énergies renouvelables, qui devrait intervenir en 2023. La France est donc, grâce à ce projet de loi, en avance sur ses partenaires. Il n’en demeure pas moins utile de s’inspirer de ces derniers : l’Allemagne, par exemple, a annoncé en début d’année qu’elle comptait consacrer 2 % de son territoire à l’installation d’éoliennes d’ici à 2032 ; quant au Danemark, 47 % de l’électricité qui y a été consommée en 2020 était d’origine éolienne, ce qui constitue un record à l’échelle mondiale.
En facilitant la production d’énergies renouvelables, grâce notamment à la multiplication des zones d’implantation d’infrastructures… Merci. …par la libération du potentiel foncier et à l’accélération du déploiement de l’éolien en mer,… Merci, madame Tanguy. Je termine, madame la présidente.
Ce projet de loi ambitieux, disais-je, doit nous permettre de faire de la France un pays moteur en Europe et le premier grand pays du monde… (Mme la présidente coupe le micro de Mme Liliana Tanguy.) (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)
Dans la discussion générale, la parole est à M. Sébastien Jumel.
Nous aurions dû défendre une motion de procédure mais les services ont commis une erreur – je ne leur en veux pas, du reste, eu égard à leur charge de travail. Je n’ai donc pas fait modifier l’organisation de la séance publique : je me concentrerai sur mon intervention dans la discussion générale.
Allons-nous passer l’hiver ? « Pas de panique ! », nous rassure-t-on au palais de l’Élysée : il n’y aura pas de coupure si le temps est bon, s’il n’y a pas trop de vent, s’il ne pleut pas et s’il fait beau, bref : si nous avons de la chance… « Tous responsables et pas de panique ! » : voilà un slogan qu’aurait pu lancer le capitaine du Titanic en plein naufrage. Car l’iceberg est devant nous, la coque du navire s’en approche à pleine vitesse et, à défaut d’une véritable stratégie pour s’en détourner et éviter ainsi des mesures de délestage humiliantes et aux conséquences difficiles à prévoir pour nos entreprises et les ménages, le Gouvernement nous a dégoté un nouvel outil, aussi gadget que dérisoire : Ecowatt, le nouveau Bison futé des délestages, qui nous permet de savoir dans quel état se trouve le réseau électrique, quand il risque d’être coupé et, surtout, à quelle heure.
Cet outil a pour vocation de gérer la peur et la panique plutôt que la crise, puisque nous ne savons pas quelles sont les mesures concrètes qui vont nous permettre de passer l’hiver. Doit-on encore une fois, comme lors de la crise du covid, constater l’impuissance de l’État et s’en remettre à soi-même ? Est-ce devenu ça, l’État : un gestionnaire d’applications de crise et de pénurie ?
Ce matin, le président de RTE a parlé de mesures de délestage au conditionnel, preuve que la stratégie de communication, probablement orchestrée par McKinsey ou autre, est bien huilée. Les seconds couteaux font le tour des plateaux de télévision et de radio pour préparer l’opinion à une éventuelle crise, puis deux scénarios se dessinent : soit il y a des délestages et vous pourrez dire : « Nous l’avions prévu, tout va bien se passer » ; soit il n’y a pas de délestages et vous pourrez dire : « Nous l’avions prévu, tout s’est bien passé. »
En vérité, nous sommes, nous, aveugles et démunis. La multiplication des menaces pesant sur la sécurité de notre approvisionnement et la vague de froid qui s’abat sur notre pays, conjuguées aux dysfonctionnements chroniques du marché de l’énergie, empêchent le Parlement et les Français de savoir qui est responsable et comment cette situation a pu se produire.
Aussi allons-nous examiner le projet de loi relatif à l’accélération des énergies renouvelables : un beau prétexte pour ignorer la situation en cours. Écoutez plutôt le président André Chassaigne, qui propose d’organiser de toute urgence un débat au Parlement sur la question des délestages.
Il est nécessaire que la transparence soit faite au moment même où nous traversons cette crise. Nous avons besoin de savoir pourquoi, depuis six ans que le Président de la République est aux responsabilités, ni lui ni sa majorité n’ont rien fait pour stabiliser la production électrique du pays ; pourquoi ce projet de loi et celui relatif à l’accélération du nucléaire interviennent maintenant alors que, depuis le début de son premier mandat, Emmanuel Macron connaissait l’état vieillissant de nos centrales.
Plutôt que de débattre sur un projet de loi qui ne résoudra pas la crise de l’hiver qui vient, nous exigeons un nouveau débat sur la question des délestages auquel les élus locaux, les acteurs des collectivités du quotidien soient associés.
Les députés communistes du groupe GDR-NUPES vous alertent depuis des années sur le risque que fait peser le marché de l’énergie sur notre indépendance énergétique. À présent, ces alertes sont devenues concrètes. Nous aurions besoin de revoir en urgence l’organisation de ce marché. Il ne fallait donc pas inverser le calendrier législatif : nous devons discuter le plus rapidement possible de notre PPE afin d’adapter nos moyens aux besoins. En effet, cette crise n’est pas celle d’un moment, d’une conjoncture, elle est bien plus profonde, plus structurelle.
La situation que nous connaissons depuis des mois n’est pas le fruit du hasard ou seulement de la guerre en Ukraine démarrée en février 2022 : les prix de l’énergie ont explosé bien avant l’invasion russe. Le Gouvernement a été obligé d’intervenir dès octobre 2021 pour faire face à l’augmentation majeure des prix, à savoir plus 50 % depuis la libéralisation complète du marché du gaz et de l’électricité en 2007. Cette hausse frénétique ne semble pas vouloir s’arrêter, ce qui vous a contraints à dégainer le bouclier tarifaire en forme de passoire sur le dos d’EDF.
Pourquoi ? Parce que vous avez confié au marché le soin de régler le problème de gestion d’un bien commun comme l’énergie.
Engagée par une gauche qui avait renoncé et par une droite libérale, la dérégulation a été ce grand mouvement de destruction du service public national que constituait EDF et GDF, un modèle envié par tous qui a permis tous les grands investissements et les grands projets par le passé.
Mais le vent mauvais, le vent du marché, est passé par là, et la dérégulation nous expose désormais à toutes les spéculations, telles que l’indexation du prix de l’électricité sur le prix du gaz – la question n’est pas encore réglée à l’échelle européenne –, la libéralisation des prix, la fin programmée des tarifs réglementés de vente pour les clients résidentiels, d’ores et déjà actée aussi pour les collectivités locales et des milliers d’entreprises qui en subissent les effets. À ce sujet, je veux insister sur l’absence d’efficacité du filet de sécurité institué pour les collectivités et sur l’usine à gaz que continuent de représenter les mécanismes d’aide pour les entreprises dont la compétitivité est sérieusement en danger.
Ce système, que beaucoup d’entre vous ont contribué à ériger depuis vingt-cinq ans, a méticuleusement détruit les fondements sur lesquels repose l’équilibre européen : il a multiplié les mécanismes de marché et de soutien à la concurrence sans développer de politique structurante au plan industriel. Ce détricotage a si bien fonctionné que sont arrivés sur le marché de l’énergie des marchands de savonnettes, comme on dit chez moi, les TotalEnergies et compagnie qui n’ont pas développé de nouvelles capacités de production mais qui, au détriment des opérateurs publics, ont profité des fruits des investissements publics notamment grâce au mécanisme de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) pour faire du low-cost, du démarchage abusif, de la concurrence bas de gamme, là où il n’y en avait pas besoin.
Un beau résultat, puisque douze ans après la loi du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, la loi Nome, nous avons perdu des moyens de productions pilotables, ce qu’illustre la fermeture de Fessenheim en 2018. Un beau résultat puisque EDF a été siphonnée par la concurrence et malmené par des stop and go dans tous les domaines : aussi bien en ce qui concerne les salaires que la recherche et développement ou les compétences, à tel point qu’aujourd’hui, en France, pour faire face au grand carénage, aux corrosions sous contraintes, pour les EPR, notamment à Penly, dans ma circonscription, nous manquons cruellement de soudeurs. Ainsi, empêtrée dans la mise à mort de son service public et le soutien à la concurrence libre et non faussée, notre pays s’est aussi embourbé dans un retard considérable pour décarboner notre mix énergétique.
La France est encore très largement dépendante des hydrocarbures et n’a pas réussi à enclencher une montée en puissance de l’électrification de la consommation énergétique afin de faire baisser la part des énergies fossiles. Notre pays avait pourtant des atouts pour relever ce défi et réaliser cette transition : des salariés de très haut niveau, un réseau électrique sûr au maillage complet sur le territoire, une forte synergie entre EDF et GDF, un programme nucléaire qui a fait ses preuves, une indépendance qui nous a d’ailleurs permis de participer à la solidarité européenne en exportant de l’électricité vers les pays qui en avaient besoin.
Cependant, ce modèle est fragilisé, vous le savez. Le déficit de production d’électricité d’origine nucléaire que nous connaissons, alors que vingt-trois des cinquante-six réacteurs nucléaires sont actuellement à l’arrêt, s’il est le fait de besoins de carénage, est aussi le fruit d’un sous-investissement chronique et de renoncements.
Que faire dans ce contexte ? Le Gouvernement nous propose d’inverser les sujets et les débats. Au lieu de discuter du plan, nous travaillons d’abord à ses détails avec le projet de loi visant à accélérer le déploiement des énergies renouvelables. Autrement dit, alors que nous manquons de sécurité en ce qui concerne l’approvisionnement pour assurer l’équilibre entre l’offre et la demande, nous cherchons à développer des moyens non pilotables, en urgence, sans plan, sans stratégie et, surtout, sans maîtrise publique.
Si nous savons qu’il est essentiel de développer un mix énergétique équilibré, diversifié, qui rattrape le retard pris par le pays sur ce point ; nous avons besoin d’un développement public, planifié, exemplaire, concerté, intégrant les conflits d’usage en mer comme à terre – nous formulons là une préoccupation majeure.
Or, depuis de nombreuses années, la montée en puissance des énergies renouvelables s’est faite au détriment de l’emploi local, de l’industrie made in France et de la maîtrise publique que nous appelons de nos vœux.
Nourries et appuyées par l’obligation d’achat et le complément de rémunération, les énergies renouvelables ont ainsi pu largement bénéficier d’un soutien public sans que jamais la Commission européenne n’y trouve rien à redire. Des dizaines de milliards d’euros ont ainsi permis à tous les porteurs de projets privés d’investir nos paysages. La montée en puissance des énergies renouvelables s’est faite sans planification. Leur développement anarchique a répondu à la seule logique de marché. Les porteurs de projets ont développé ainsi le plus rentable et le plus facile, par exemple l’éolien plutôt que la géothermie. Ils ont également fait le choix de concentrer les installations là où la rentabilité des projets est la plus immédiate, aussi les ont-ils concentrés chez les pauvres, dans les Hauts-de-France, le Grand Est ou le nord de la Seine-Maritime, où la saturation commence à être patente.
L’éolien en mer a suivi la même logique : l’exemple parfait de ce que le marché peut faire à nos écosystèmes marins au mépris total de la volonté des élus et des pécheurs est le projet de parc au large du Tréport. Il veut bien des énergies renouvelables, Jumel, mais pas au large de Dieppe ! Emmanuel Macron semblait partager ce constat : il a déclaré le 14 janvier 2020 à Pau, lors d’une table ronde, que « la capacité à développer massivement l’éolien est réduite », insistant sur le fait que « le consensus sur l’éolien est en train de nettement s’affaiblir dans notre pays ».
La Première ministre, alors ministre de la transition écologique et solidaire, Élisabeth Borne, déclarait une semaine plus tard : « Le développement de l’éolien est très mal réparti en France. […] Cela s’est fait de façon anarchique, et on a des territoires dans lesquels il y a une saturation, y compris visuelle. » Il existait alors un consensus pour dire que ce développement s’était fait sans maîtrise publique, ni structuration de filières françaises, au détriment de nos paysages, de notre patrimoine, et surtout de notre économie, puisque la majorité des producteurs d’éoliennes sont situés outre-Rhin et que l’essentiel des produits du marché du photovoltaïque sont fabriqués en Chine.
Une accélération, oui, mais laquelle ? Sans véritable plan ni moyens, l’État ne va pas accélérer grand-chose. Il ne fera que mettre une fois de plus les mêmes territoires à contribution, au mépris des procédures de concertation du public, de notre indépendance et de la biodiversité, comme l’ont dénoncé des dizaines d’institutions et d’organisations non gouvernementales.
L’accélération n’est pas ce qui motive réellement ce projet de loi. Il vise à envoyer un signal au marché : en France, c’est désormais open bar au développement sans contraintes des énergies renouvelables. Rien ne saura entraver les VRP d’éoliennes ou des panneaux solaires, car rien n’existe dans ce projet – ou pas grand-chose, devrais-je dire – pour empêcher le développement des énergies renouvelables hors des zones définies comme prioritaires par les maires.
Ce projet de loi ne revient sur rien et propose au contraire d’accélérer la mise en miettes de la péréquation tarifaire – toutefois, j’ai cru comprendre qu’un amendement vise à corriger cela ; nous l’examinerons avec attention.
Nous alertons les députés de gauche comme de droite qui sont attachés à l’unicité d’EDF, car ce projet de loi peut constituer le premier levier, la première marche, pour faire entrer le cheval de Troie où se cache Hercule 2.0, ce projet que vous attendez tant pour démanteler une fois pour toutes EDF. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Mais non ! Non ! Après avoir livré les énergies renouvelables au marché et à la rentabilité, vous allez investir dans les EPR et préparer la découpe de notre fleuron.
Et si nous passons l’hiver, au travers de votre impréparation, vous concoctez un plan pour démontrer qu’EDF ne peut pas passer un hiver de plus.
Le groupe GDR-NUPES a déposé une centaine d’amendements qui visent à instituer des garde-fous, à corriger la copie. C’est dans cet état d’esprit que nous entamons ce débat passionnant. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES et LFI-NUPES.) Ah ! Je rappelle que, dans le cadre du temps législatif programmé, chaque orateur dispose du temps qu’il souhaite, la durée de son allocution étant décomptée du temps de parole attribué à son groupe.
La parole est à M. Jean-Louis Bricout. Je veux d’abord souligner, comme vous l’avez dit, madame la ministre, la qualité des échanges que nous avons eus en commission et en dehors, ainsi que celle de l’écoute que vous nous avez accordée. Tout cela nous a permis de mieux évaluer les enjeux et de mieux peser les difficultés que nous rencontrons dans nos territoires. C’est bien de le reconnaître. Nous avons donc abordé ces discussions dans un esprit très constructif, même si nous regrettons que votre niveau d’acceptation de nos propositions ne soit pas plus élevé – toutefois, je ne désespère pas, madame la ministre !
Ensuite, comme l’a affirmé M. Jumel, il y a un problème de temporalité des textes. Il ne dit pas que des choses justes, Jumel ! On a l’impression de parler du contenant avant de parler du contenu ; il me semble qu’on fait les choses à l’envers. Il m’aurait paru plus judicieux de définir d’abord les objectifs dans la PPE puis de définir la méthode pour les atteindre au plus vite.
J’en viens au fond du texte, et je développerai deux points : la planification et l’éolien terrestre, qui pose des problèmes dans les territoires – nous sommes quelques-uns à nous en soucier.
Madame la ministre, le constat est clair : nous sommes les derniers de la classe en Europe. Pour un pays et un président de la République qui donnent parfois des leçons à l’Europe et au monde entier, je dois avouer que cela fait désordre d’être mauvais élèves en matière de production des énergies renouvelables. C’est bien dommage.
Une fois que l’on a dressé ce constat, il est difficile de s’opposer à ce projet de loi, ou du moins de ne pas en approuver les objectifs. Certes, on entend ici et là quelques divergences, notamment au sujet du nucléaire, mais je pense qu’il ne faut pas perdre de vue que si on doit développer le nucléaire, cela ne sera pas effectif avant dix ans, tandis que l’électrification des usages doit se faire dès maintenant. C’est très vrai. Aussi, c’est un constat partagé au sein du groupe LIOT, comme dans la population française, je crois, qu’il faut accélérer la production de l’éolien.
Jusque-là, tout va bien, mais c’est quand on décline cela dans les territoires que cela commence à poser problème. Effectivement, on annonce de nouveaux projets dans des régions déjà à saturation, où ils sont mal acceptés ; certains projets provoquent un encerclement des villages, un mitage des territoires. Ils s’opposent donc aux projets des territoires qui sont souvent touristiques ou culturels ; ils heurtent les paysages. Tout cela pose évidemment problème.
Une chose est sûre, madame la ministre : vous ne pourrez pas atteindre les objectifs sans les territoires. Faire avec les territoires, c’est d’abord respecter les territoires : respecter leurs élus, leurs populations, leurs paysages, leurs projets.
Vous semblez avoir réussi à nous convaincre, mais je crois que le texte n’est pas complet :… Nous le compléterons ensemble. …il faut encore prévoir quelques garde-fous. Encore un effort ! Nous demandons simplement que les élus et la population des territoires aient la parole. Nous voulons dire oui quand c’est nécessaire et pouvoir également dire non : nous voulons disposer de moyens opposables juridiquement pour pouvoir refuser quand c’est nécessaire. Laissez donc à la population et aux élus leurs responsabilités : nous savons faire dans nos territoires.
Comme je l’ai dit, nous souhaitons simplement pouvoir refuser des projets lorsqu’ils n’émanent pas d’une volonté partagée et ne sont pas désirés dans les territoires.
Plusieurs groupes, y compris de l’opposition, ont formulé des propositions. Delphine Batho, par exemple, propose la création d’un indice de saturation visuelle : il me semble que cette proposition mérite d’être entendue, ou en tout cas expertisée. Pour ma part, j’ai suggéré de définir un taux d’effort, afin que les communautés de communes qui auraient déjà fait leur part s’agissant des objectifs régionaux de développement disposent de moyens juridiques pour s’opposer à un projet si elles estiment qu’il pose problème. Nous avons même proposé que ce refus ne soit possible que si l’effort déjà consenti excède d’au moins 10 % les objectifs régionaux.
Nous vous avons proposé d’adosser le périmètre des zones d’accélération aux zonages des différents documents d’urbanisme. C’est certes le cas s’agissant des plans locaux d’urbanisme (PLU), des plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUI) et des schémas de cohérence territoriale (Scot). Mais vous semblez ignorer que certains villages ne sont encore dotés que d’une carte communale ou relèvent du règlement national d’urbanisme (RNU). Dès lors, comment les communes concernées pourraient-elles s’opposer à certains projets ?
Autre proposition que nous avons formulée : conjuguer les dispositions adoptées sous la précédente législature dans le cadre de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite 3DS, avec les zonages définis dans ce nouveau projet de loi, afin qu’il existe dans notre territoire non seulement des zones d’accélération du déploiement des énergies renouvelables, mais également des zones d’exclusion. Encore une fois, l’objectif est de pouvoir refuser un projet lorsque c’est nécessaire.
Je ne sais pas si je dois m’en remettre à Éole, le dieu des vents, ou à Mme la ministre, mais il faut absolument que nos territoires soient bien respectés. Je vous le dis clairement : mon territoire des Hauts-de-France, la Thiérache, est un pays bocager que je n’ai pas l’intention de voir transformé en pays des Télétubbies, avec des éoliennes un peu partout ! Soyez attentifs à nos propositions et respectez nos territoires.
Les autres dispositions du texte seront abordées par ma collègue Nathalie Bassire, qui évoquera notamment les points de vigilance concernant les projets d’agrivoltaïsme. En effet, si ceux-ci sont plutôt positifs pour les opérateurs et, par ricochet, favorables aux agriculteurs, je redoute des dérives – développement anarchique ou envolée des prix du foncier au détriment des jeunes agriculteurs, par exemple.
J’espère que vous serez à notre écoute… Mais oui ! Compte sur nous, Jean-Louis ! …et que les débats, prometteurs, seront très constructifs. (Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT et Dem ainsi que sur quelques bancs du groupe RE.) La parole est à Mme Laurence Maillart-Méhaignerie. Comme cela a déjà été souligné, notre pays fait face à une double menace : le dérèglement climatique et un risque de rupture d’approvisionnement énergétique. Les effets du dérèglement climatique sont déjà visibles dans nos territoires, à travers les canicules successives, les incendies à répétition, la raréfaction des ressources en eau et la disparition d’une partie de notre biodiversité.
La guerre en Ukraine et ses conséquences géopolitiques ont bouleversé les circuits d’approvisionnement des produits énergétiques fossiles.
Ce nouveau contexte international valide le cap fixé par le Président de la République dès février 2022, à Belfort : faire de la France le premier grand pays à sortir des énergies fossiles et à atteindre la neutralité carbone. Pour y parvenir, nous devons réduire de 40 % la consommation d’énergie d’ici à 2050 – 10 % rien qu’au cours des deux prochaines années grâce au plan de sobriété énergétique annoncé cet automne –, développer massivement les énergies renouvelables – notamment parce que c’est le seul moyen de répondre à nos besoins immédiats en électricité, alors qu’il faut quinze ans pour construire un réacteur nucléaire –… C’est ça ! …et simplifier le cadre juridique et administratif des projets d’énergies renouvelables. En effet, nos procédures d’installation sont deux fois plus longues que celles de nos voisins européens : en France, elles durent cinq ans pour construire un parc solaire ne nécessitant que quelques mois de travaux, sept ans pour un parc éolien, et dix ans pour un parc éolien en mer.
La France a présenté un plan d’accélération des énergies renouvelables, qui s’appuie sur un volet réglementaire – que vous avez rappelé, madame la ministre – et un volet législatif – le projet de loi dont nous débutons l’examen, et qui tend à mobiliser quatre leviers.
Tout d’abord, il tend à lever les verrous des procédures administratives pour accélérer le déploiement des projets de bout en bout, de l’autorisation des projets au raccordement au réseau électrique, grâce notamment à un réalignement des seuils d’évaluation environnementale applicables aux projets d’énergies renouvelables ou concourant à notre décarbonation à un niveau découlant des bonnes pratiques européennes. L’accélération passe également par la réduction de trois à quatre mois du délai d’obtention des autorisations environnementales, grâce à une participation anticipée du public, mais aussi par la réduction du temps d’attente avant raccordement au réseau – qui, jusqu’à présent pouvait atteindre trois ans pour certains projets stratégiques – ou encore la possibilité de mutualiser les débats publics pour l’éolien en mer grâce au DSF – en Bretagne, nous y sommes très attachés –, qui a vocation à devenir un véritable outil de planification spatiale de l’espace maritime, et l’unique point de rendez-vous du débat public s’agissant de la coexistence des usages du domaine maritime.
Ensuite, le projet de loi tend à libérer, à court terme, un potentiel de plus de 20 GW de projets d’énergies renouvelables, suffisamment pour doubler la puissance renouvelable installée en France. À ce titre, 10 GW sont mobilisables sans générer aucun conflit d’usage, grâce à l’installation d’équipements photovoltaïques sur les ombrières des parkings, 2,5 GW peuvent être mobilisés, à l’échelle de la France métropolitaine continentale, dans les zones inutilisées le long de routes et autoroutes, et 2 GW pourraient être débloqués à court terme grâce aux projets en cours sur 172 friches, en particulier dans les zones portuaires industrialisées.
Par ailleurs, le projet de loi tend à réduire très fortement le risque de contentieux pour des projets d’énergies renouvelables, en particulier en assurant un meilleur partage de la valeur et des bénéfices des installations, grâce à la démonstration de leur utilité concrète et directe pour les communes et les riverains. En outre, l’émergence de nombreux projets locaux au service de la compétitivité des territoires sera soutenue par le développement de contrats d’achat de long terme entre consommateurs – industriels, notamment – et producteurs.
Enfin, le projet de loi tend à renforcer la territorialisation et la planification des projets. Le Sénat avait progressé sur ce sujet, et le travail mené en commission, très intéressant, a permis d’obtenir des avancées majeures, en donnant un rôle central à la planification et aux élus. Ainsi, les différentes étapes de définition des zones d’accélération seront désormais soumises à l’avis conforme des communes, qui pourront décider où les projets d’énergies renouvelables pourront – ou non – être implantés.
Nous avons tout fait pour que les 357 amendements adoptés lors des travaux de la commission ne remettent pas en cause l’équilibre recherché entre l’accélération du développement des énergies renouvelables et la préservation des terres agricoles, de la biodiversité et des espaces naturels et forestiers, et nous y sommes parvenus. Je ne doute pas que nos travaux dans l’hémicycle demeureront apaisés et constructifs, pour relever les défis énergétiques majeurs auxquels notre pays doit faire face. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.) La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy. Pendant la campagne présidentielle, nous avions annoncé, avec Marine Le Pen, que le fameux discours de Belfort d’Emmanuel Macron n’était pas un plan de relance du nucléaire, mais une gigantesque promotion des énergies intermittentes : encore une fois, nous avions dit la vérité aux Français ; encore une fois, vous leur aviez menti.
Nous y sommes : voilà le texte qui doit doubler le nombre de ces éoliennes terrestres dont les Français ne veulent plus ! Voilà le texte qui doit défigurer nos côtes – sauf au Touquet, évidemment – avec cinquante parcs d’éoliennes en mer dont les Français ne veulent pas ! Voilà le texte qui doit décupler ces panneaux solaires dont les Français découvriront vite qu’ils produisent bien peu d’énergie, mais qu’ils enrichissent massivement la Chine ! Mais ils en veulent, les Français ! Un petit rappel des ordres de grandeur devrait ramener tout le monde à un peu de rationalité : avec seulement deux petits réacteurs nucléaires français… En même temps, il faut les construire ! …nous produisons plus d’électricité qu’avec l’ensemble des panneaux solaires qui recouvrent le territoire depuis 2019. (« Eh oui ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Mme Clémence Guetté s’exclame.)
Le calendrier parlementaire traduit la réalité de vos priorités, mais surtout de votre obsession : l’application systématique et aveugle des décisions européennes – ou plutôt allemandes, n’est-ce pas, madame Pannier-Runacher ? – malgré leur échec, et bien que nous en payions aujourd’hui la terrible facture. Vous prétendez avoir tiré les leçons de l’effondrement de la souveraineté énergétique française et européenne, mais avec ce projet de loi, vous aggravez les erreurs qui nous y ont conduits !
Vous pouvez accumuler autant de gigawatts d’énergie intermittente que vous le souhaitez à l’échelle de la France, ou même de l’Europe, jamais cela ne résoudra nos problèmes d’approvisionnement ! Jamais le soleil de janvier ne vous aidera à passer les durs mois de l’hiver, et encore moins la lumière de la lune. Jamais le grand froid ne sera combattu avec des éoliennes, puisque ces périodes sont systématiquement liées à des vents faibles. Quel manque d’humilité du Gouvernement et de la Commission européenne, pour avoir oublié des lois de la nature si évidentes,… Les « lois de la nature » !… …et que nous avons pourtant mis des millénaires à apprivoiser ! (« Ah ! » sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Quel manque de rationalité, aussi, pour que le continent qui a vu naître le raisonnement scientifique soit lui-même paralysé par des bouffées délirantes faisant faire n’importe quoi à ceux qui devraient nous protéger. (M. Erwan Balanant s’exclame.)
Si l’énergie du soleil et le vent avaient pu produire le niveau de vie et le confort des sociétés industrielles, l’humanité n’aurait pas souffert mille martyres pendant la quasi-totalité de son histoire. Il est temps que vous cessiez de vivre dans le déni de ce que la technologie peut faire des lois de la physique.
Que ne comprenez-vous pas dans le mot « intermittent » ? Aucune solution de stockage massif n’existe – ni n’existera de notre vivant. Que proposez-vous ? 100 % de nucléaire et on attend ? Ce matin encore, à huit heures, les panneaux solaires et les éoliennes français fonctionnaient à moins de 5 % de leur taux de charge (Exclamations sur les bancs du groupe RE) … Forcément ! La nuit, il n’y a pas de soleil ! …alors que le nucléaire, même profondément malade, atteignait 60 % du sien. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Vous pouvez développer plus encore les énergies intermittentes, jamais – ô combien jamais – elles ne permettront de rompre avec les énergies fossiles. Au contraire : plus vous développerez les énergies intermittentes, plus vous nous lierez aux énergies fossiles – au gaz, en particulier – car les deux vont – et sont toujours allées – de pair. Les industriels le savent, les lobbys le savent ; même la Russie le sait, puisque c’est ainsi qu’elle vous a piégés. Parole de spécialiste ! Si vous aviez été sincères, nous aurions déjà modifié les textes adoptés en France depuis vingt ans – en particulier sous la présidence de François Hollande et lors du premier quinquennat d’Emmanuel Macron –, qui prévoyaient tous de fermer douze réacteurs nucléaires. Vous n’avez pas fait les choses dans l’ordre, et le texte dont nous débattons aujourd’hui n’est donc pas pertinent. Comme l’ont dit nos collègues, avant de savoir quelles énergies nous voulons développer, il faut revoir la PPE et le cadre réglementaire et législatif que vous avez fixé. Non, non ! Mais vous ne faites pas les choses dans l’ordre, ou plutôt, vous faites les choses dans l’ordre décidé par l’Allemagne et l’Union européenne ! Si vous ne voulez pas changer le cadre législatif français et européen avant d’envisager le déploiement des énergies en France, c’est tout simplement parce que vous appliquez la feuille de route décidée avant la crise énergétique que nous traversons aujourd’hui. Vous pouvez toujours parler matin, midi et soir de la tragédie ukrainienne, de la crise énergétique ou de celle que nous traversons depuis le début du covid-19 : en réalité, vous n’avez tiré aucune leçon de ces événements, et vous continuez d’appliquer la règle fixée il y a bien longtemps par l’Union européenne. La politique allemande de transition énergétique, l’ energiewende , qui a coûté 500 milliards d’euros, a été un crash-test grandeur nature ; qu’importe : pour des raisons purement idéologiques, vous continuez d’appliquer votre cadre, qui prévoit de diminuer à 50 % la part du nucléaire dans la production d’électricité.
Madame Pannier-Runacher, d’où ce chiffre magique sort-il ? De la PPE ! En vertu de quoi devrions-nous nous limiter à 50 % d’électricité d’origine nucléaire ? Ce chiffre découle-t-il de lois physiques ? Non ! Il découle des lois imposées par l’Allemagne à l’Union européenne… Vous n’aimez pas les Allemands ! …auxquelles vous vous soumettez depuis bien longtemps déjà au nom de l’écologie politique.
Vous continuez de vouloir imposer à la France un cadre qui prévoit de survaloriser les éoliennes – en mer, notamment – alors qu’elles ne fonctionnent pas, ni chez nous, ni dans les pays voisins. (Exclamations sur les bancs du groupe Dem.) À l’inverse, mais avec le même aveuglement, vous méprisez systématiquement les énergies renouvelables qui pourraient fonctionner, celles que le Rassemblement national et Marine Le Pen promeuvent :… Vous avez raison, et tout le monde a tort ! Vous ne savez pas de quoi vous parlez ! Avec le vent que vous brassez on pourrait en faire tourner, des éoliennes ! Dommage qu’on ne puisse pas recycler la bêtise… …pourquoi ne déployez-vous pas davantage l’hydroélectricité, dont le potentiel est important ? Vous refusez d’ouvrir ce débat.
Je remarque que la voix du nucléaire a enfin évoqué le développement des stations de transfert d’énergie par pompage, les Step. Or, qui, durant la campagne présidentielle, avait envisagé de les déployer massivement ? Marine Le Pen, et personne d’autre ! Elle a changé quatre fois d’avis ! Vous refusez toujours d’envisager un développement massif de la géothermie : qui avait évoqué cette possibilité ? Marine Le Pen. Même si les actes ne suivent pas, vous commencez enfin, timidement, à aborder le sujet de l’hydrogène : qui en parle depuis 2005 ? Marine Le Pen ! (Exclamations sur quelques bancs du groupe RE.) Révision de l’histoire ! Nous n’instruisons pas le procès des énergies renouvelables, mais celui des choix stupides que malgré vos échecs, malgré le montant des factures, vous entendez aveuglément imposer aux Français. Ce texte idéologique n’est pas seulement obsolète, mais empreint du cynisme propre à la Macronie : systématiquement, vous retournez contre nos compatriotes leurs propres aspirations. En l’occurrence, les quelques réacteurs nucléaires que vous leur faites miroiter doivent distraire leur attention des milliers de mâts d’éoliennes, sur terre et en mer, et de panneaux photovoltaïques que vous comptez bien installer. Vous vantez une politique souveraine, quand vous vous bornez, je le répète, à partager la folie allemande… Vous n’aimez donc plus l’Allemagne ? …et à refuser constamment de vous expliquer sur ce point ! D’ailleurs, madame Pannier-Runacher, pourriez-vous enfin nous dire où en est l’accord en vertu duquel l’Allemagne est censée nous fournir de l’électricité en échange d’une partie du gaz que nous achetons ? Nous ne constatons pas la moindre transparence en la matière !
Votre aveuglement est tel qu’il convient de le mettre en évidence par un chiffre : le bouclier tarifaire, que vous avez instauré afin de réparer vos erreurs et de protéger les Français des conséquences de vos propres turpitudes, coûtera plus de 100 milliards d’euros, davantage que la construction, vingt ans durant, de notre parc nucléaire ! Je vois, madame Pannier-Runacher, que vous contestez ce montant : sans doute ignorez-vous qu’il a été établi par les services de M. Le Maire ! En somme, ce projet de loi n’a d’autre fin que de répéter, une fois encore, les mêmes erreurs. C’est incroyable ! Je le répète, nous ne rejetons pas les énergies renouvelables, mais votre aveuglement, votre irrationalité et, il faut bien le dire, votre irresponsabilité. Soutenir votre texte, c’est faire péricliter la transition énergétique, nous assujettir au gaz russe et qatarien, condamner les Français à la précarité énergétique, à la pauvreté organisée. Ce projet de loi n’est pas seulement mauvais, mais suicidaire : nous le combattrons donc ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) La parole est à Mme Clémence Guetté. Enfin du sérieux ! Oui, enfin quelqu’un qui s’y connaît ! C’est pitoyable ! Avec ce projet de loi, vous nous demandez à nouveau d’entériner la pagaille et l’improvisation sous le couvert de l’urgence – énergétique, cette fois. Votre impréparation est telle que vous nous annoncez de prochaines fermetures d’écoles, faute d’électricité ! Les jets privés continueront de voler (Mme Prisca Thévenot s’exclame) , les panneaux publicitaires demeureront allumés, mais aux parents d’élèves, informés la veille pour le lendemain, il ne restera d’énergie que celle du désespoir. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)
Face à l’urgence, donc, le projet de loi que vous consacrez aux énergies renouvelables consiste pour l’instant en un micmac administratif peu intelligible et cruellement dénué de vision politique. Au menu, dérogations à tire-larigot et planification sans plan ! Il suffira d’un exemple pour illustrer l’esprit du texte : vous prévoyez – c’est même, à vrai dire, le dispositif central de votre grande ambition planificatrice – des zones d’accélération de la production d’énergies renouvelables. Or rien n’est prévu afin de s’assurer qu’elles accueillent des installations qui concourent à nous faire atteindre nos objectifs de production ; rien n’interdit non plus que des installations de production d’énergies renouvelables soient implantées hors de ces zones. La raison d’être du dispositif se trouve donc dans la toile de fond de votre texte, l’idéologie du Gouvernement, l’obsession de la Macronie : le marché !
Aux États-Unis, Biden met sur la table, pour l’industrie et pour la souveraineté énergétique, l’équivalent de 400 milliards d’euros ; en France, Macron pense sortir des énergies fossiles sans aucun investissement public d’importance, en créant en tout et pour tout quatorze postes en vue de la transition énergétique, ce qui revient à laisser le champ libre aux entreprises privées. Dans ces conditions, vous jurez aux Français qu’ils auront bien du courant en appuyant sur l’interrupteur ! Au fond, vous ne voulez pas que l’État reprenne la main et garantisse enfin notre indépendance énergétique. (MM. Maxime Laisney et Matthias Tavel applaudissent.)
Certains de vos prédécesseurs avaient pourtant compris que la puissance publique devait se donner les moyens d’organiser, de contrôler, de planifier. Sans investissements publics majeurs, nous n’aurions construit ni les 120 barrages dont s’est doté notre pays entre 1945 et 1960, ni les 58 réacteurs du plan Messmer ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Aussi discutables qu’ils puissent être, ces grands chantiers relevaient d’une vision, d’un choix pour la nation. En Macronie, on préfère demander au secteur privé de bien vouloir, s’il lui plaît, importer des panneaux photovoltaïques chinois et des éoliennes allemandes ;… Eh oui ! …pour le tranquilliser, d’ailleurs, vous rognez sur le débat public en lui substituant des consultations numériques. Loin de vous montrer à la hauteur des enjeux en matière de planification par la puissance publique, vous avez hâtivement bricolé un texte censé vous permettre de rattraper votre retard, puisque la France est désormais le seul pays de l’Union européenne à n’avoir pas atteint ses objectifs concernant les énergies renouvelables – tel est votre bilan. Miracle ! Vous voilà finalement convertis à la nécessité d’accélérer leur développement sans attendre, maintenant que Bruxelles nous menace d’une amende, que Poutine coupe le gaz et que les réacteurs nucléaires sont à l’arrêt ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)
Il était temps : nous attendions cette épiphanie, qui doit avant tout s’accompagner d’une ambition claire pour le pays. Le 100 % énergies renouvelables peut constituer cette ambition : c’est en tout cas la nôtre. Il conviendrait bien sûr d’en discuter, de mettre à plat les scénarios envisageables :… Mais ils existent, ces scénarios ! …vous avez préféré annoncer d’emblée que l’on allait couvrir le pays de petits réacteurs nucléaires – ce qui, soit dit en passant, n’est pas plus sérieux du point de vue financier que du point de vue scientifique, puisque ces projets sont technologiquement moins près de leur aboutissement que les voitures volantes. Dès lors, nous déplorons une accélération sans horizon, sans objectifs préalablement définis.
En outre, l’ambition claire que nous souhaitons nécessiterait un accroissement des moyens. Nous étions prêts à débattre de ce sujet à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2023 : à peine entamée la discussion du budget alloué à l’écologie, l’application du 49.3 en sonnait le glas ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Eh oui ! Oubliées les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal), les directions départementales des territoires (DDT), la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC), où absolument tous les acteurs du secteur réclamaient que des postes soient créés afin de raccorder les capacités en attente ! Oubliés les fonds qui auraient permis à la justice de débloquer les contentieux en cours ! C’est un État affaibli dont vous promettez qu’il accélérera fortement le recours aux énergies renouvelables : permettez-nous d’en douter.
Enfin, une ambition claire requerrait de garantir l’emploi et la souveraineté stratégique au sein des filières industrielles concernées (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES) ; or, en vingt ans, la France a perdu 15 000 emplois dans ce secteur et la quasi-totalité de sa chaîne de production de dispositifs photovoltaïques. Emmanuel Macron est l’un des principaux responsables de ce désastre énergétique français. S’il n’était qu’énergétique… En 2014, conseiller de François Hollande, il laissait se conclure la vente de la branche énergie d’Alstom au géant américain General Electric ; en 2018, il décidait la fermeture de l’usine d’hydroliennes Naval Group de Cherbourg, et ne s’opposait pas à la délocalisation en Asie, achevée cette année, de l’activité d’assemblage de modules photovoltaïques de l’entreprise iséroise Photowatt, appartenant au groupe EDF. Scandaleux ! Nous proposons de soutenir la recherche, de planifier la formation des travailleurs, de protéger les filières nationales stratégiques, d’organiser le recyclage des composants et la préservation de l’environnement, enfin de tenir compte du potentiel énergétique des territoires ultramarins, grands absents de votre projet de loi. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES.) Au lieu de tout cela, Emmanuel Macron préfère multiplier les courbettes devant le président Biden en lui demandant de bien vouloir cesser de protéger sa propre industrie. Quelle naïveté ! Pour la France, l’humiliation est totale ! Toutefois, il est encore temps de revoir votre copie. Madame la ministre, vous auriez dû tirer les leçons de l’examen du texte en commission. Suspensions de séance, allers-retours sans fin entre les articles, dispositions qui se marchaient dessus, tout y passait. Quelle fut votre réaction en vue de la séance publique ? Nous faire imposer le temps législatif programmé ! Faute de pouvoir appliquer à volonté le 49.3 – vous gardez cette baguette magique pour le projet de loi consacré à la réforme des retraites qui doit nous être soumis en janvier –, vous avez trouvé un autre moyen de nous museler, en nous empêchant de prendre le temps nécessaire à l’élaboration d’un texte législatif digne de ce nom. C’est un signal très négatif que vous envoyez là à notre assemblée !
Nous avions pourtant mené un travail constructif avec la majorité des groupes – j’en excepte le Rassemblement national, Marine Le Pen (M. Erwan Balanant s’exclame) , fidèle à ses obsessions mortifères, ayant lors de la campagne présidentielle comparé les éoliennes aux migrants et promu l’idée d’un moratoire sur le recours aux énergies éolienne et solaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Éric Bothorel, rapporteur, applaudit également.) Nous avons trouvé des solutions bien au-delà de la NUPES, parfois au sein de votre majorité, car celle-ci compte des députés nourris des utiles travaux, ayant notamment trait à la géothermie, que nous devons au haut-commissariat au plan de M. Bayrou, et que vous avez écartés de la discussion. C’est bien dommage ! Encore une fois, un texte législatif doit être à la hauteur des enjeux dont il traite ; ce n’est pas le cas de celui dont nous commençons l’examen. La position de notre groupe est claire : nous sommes favorables aux énergies renouvelables ainsi qu’à l’accélération de leur production, mais pas n’importe comment, pas dans n’importe quelles conditions. Nous rejetterons donc les nombreuses dispositions, par exemple le soutien à l’hydrogène bas-carbone,… Ça, c’est indispensable ! …qui font de votre texte un cheval de Troie du nucléaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Nous refuserons l’agrivoltaïsme, qui artificialise les sols et nuit à notre souveraineté alimentaire ; les fameux PPA, contrats d’achat d’électricité grâce auxquels Google s’approprie déjà des éoliennes en mer du Nord ;… Des magouilles ! …le bidouillage des factures d’électricité ; le retour de la raison impérative d’intérêt public majeur sans les garanties que nous avons demandées en commission. Non contents de tenir bon au sujet de ces nettes divergences entre nos visions respectives (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES) , nous ferons par voie d’amendement nombre de propositions en vue d’une meilleure planification, ainsi qu’en faveur de l’outre-mer, qui pourrait constituer le fer de lance d’une évolution vers le 100 % énergies renouvelables. (Mêmes mouvements.) Nous relaierons les suggestions des protecteurs de la biodiversité et celles des Français qui souhaitent participer physiquement à des débats organisés à côté de chez eux. Nous ferons au mieux pour que soient intégrées au texte les dispositions indispensables en matière de concertation citoyenne, de protection des filières industrielles, de contrôle public du secteur et de moyens suffisants pour les services de l’État ; nous amenderons également le texte pour que les zones déjà artificialisées, en particulier les parkings, toitures et délaissés autoroutiers, soient utilisées en priorité dans la perspective de l’accélération de la production d’énergies renouvelables dont nous avons besoin. Cela tombe bien : c’est dans le texte ! Madame la ministre, les Français ont froid : pour votre politique des petits pas, le temps fait défaut. Je le répète : soyez à la hauteur et revoyez votre copie ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES ainsi que sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES. – M. Philippe Naillet applaudit également.) La parole est à M. Emmanuel Maquet. Les Français vivront cet hiver une véritable angoisse : celle de voir leur pays, grande puissance mondiale, autrefois leader de l’électricité décarbonée, relégué non seulement parmi les États importateurs, mais parmi les plus exposés au risque de rupture d’approvisionnement. Hélas ! Madame la ministre, c’est à vous qu’il revient d’assumer la responsabilité de la situation, car les tenants de votre idéologie exercent désormais le pouvoir depuis dix ans : dix ans de démantèlement de notre filière d’excellence nucléaire, depuis l’arrêt de Superphénix jusqu’à celui de la centrale de Fessenheim, en passant par l’abandon du projet Astrid de réacteur rapide refroidi au sodium à visée industrielle ; dix ans de subventions massives à une électricité intermittente, de désarmement de notre pays face aux défis climatiques et énergétiques,… Eh oui ! …alors que nous étions en la matière les leaders internationaux grâce à une industrie nucléaire florissante que le monde entier nous enviait. Vous nous dites que les bénéfices de l’exploitation des énergies renouvelables sont en train de compenser les investissements publics pharaoniques dans ce secteur. Pourtant, le compte n’y est pas : tandis que l’on estime à 120 ou 150 milliards d’euros le montant total des engagements financiers, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) évalue les recettes, à l’occasion de cette insupportable hausse des prix, à 31 milliards à peine. La fameuse rente des producteurs d’électricité est donc ponctionnée aux dépens du pouvoir d’achat des Français, diminué par une explosion des prix de cette énergie dont votre politique, en la rendant moins abondante, se trouve directement responsable !
Vous nous parlez également de l’objectif de 23 % d’énergies renouvelables dans notre consommation finale, imposé par l’Union européenne, que nous n’avons pas atteint. Qu’avez-vous fait pour le remettre en cause lors de ses révisions successives, en 2018 et 2022 ? Où étiez-vous pour faire entendre la voix de la France et obtenir qu’à cet objectif trompeur en soit substitué un autre, portant sur la production bas-carbone au lieu de la production renouvelable ? Renouvelable, en effet, ne veut pas dire bon pour le climat : la principale énergie qui a permis à l’Union européenne d’atteindre en 2020 son objectif d’ensemble de 20 % d’énergies renouvelables était la biomasse, autrement dit la combustion de bois ou de gaz.
Par ailleurs, tous les États n’ont pas été logés à la même enseigne. Pour atteindre 20 % à l’échelle de l’Europe, on a demandé 23 % à la France et 18 % à l’Allemagne : où est la justice, où est l’équité ? En 2020, nous avons atteint 19,1 % d’énergies renouvelables, contre 19,3 % pour les Allemands : quasiment le même niveau. Cessons donc de nous flageller alors que, dans le même temps, nos voisins émettent deux fois plus de carbone par habitant que nous – ce qui, en plus de réchauffer l’atmosphère, entraîne chaque année des dizaines de milliers de morts, y compris sur notre sol.
Le groupe Les Républicains s’est montré extrêmement clair au sujet des points d’ouverture, parmi lesquels l’éloignement des éoliennes, sur terre ou sur mer : le saccage de nos campagnes par des aérogénérateurs de plus en plus massifs ne peut continuer. Nos monuments historiques, notre littoral, notre ligne d’horizon constituent l’attrait touristique de nos territoires, du cadre de vie dont, je crois, nous sommes tous très fiers. À l’heure où la Chine développe des éoliennes offshore de 16 mégawatts de puissance et 270 mètres de haut, il est essentiel de mieux protéger notre patrimoine paysager, témoignage de notre belle histoire. Vous croyez nous rassurer en précisant que seul 1 % du territoire national serait planté d’éoliennes à la suite de l’adoption de ce texte : 1 %, c’est la surface d’un département, cinquante fois celle de Paris – une perspective effrayante !
Un autre point de négociation aurait pu être le rôle des élus, qui doit être renforcé. Vous nous proposez de définir des zones d’accélération en accord avec les maires, mais leur définition et leur validation nécessiteront plusieurs mois, voire des années de procédure. Pendant ce temps, et en attendant leur entrée en vigueur, des milliers d’éoliennes continueront d’être installées tous azimuts, sans aucun droit de regard des conseils municipaux. Vous ne souhaitez pas modifier le code de l’environnement pour entendre la voix des territoires ; nous continuerons quant à nous de la porter pendant les discussions qui commencent ce soir.
Dans ces conditions, et pour toutes ces raisons, nous aborderons l’examen du texte avec beaucoup de vigilance, notamment s’agissant de sa principale mesure : l’instauration, sans attendre la mise en place des zones d’accélération en concertation avec les conseils municipaux, de la fameuse raison impérative d’intérêt public majeur. Il ne s’agit là rien de moins que d’écraser le droit commun, et accessoirement la faune et la flore, au profit d’une industrie largement étrangère pour remplir des objectifs injustes et sans lien avec le climat. Eh oui ! Il a raison ! Pour le groupe Les Républicains, le vrai intérêt public majeur, c’est de réindustrialiser la France, mes chers collègues : accélérons la relocalisation du textile, de l’automobile, de la sidérurgie, de l’industrie made in France . Réindustrialiser la France, c’est éviter le carbone induit par la production de pays très en retard en termes d’empreinte carbone. Vous devez entendre nos arguments, madame la ministre, et ne pas franchir ces lignes rouges si vous souhaitez recueillir notre soutien sur ce texte. Dans le cas contraire, vous assumerez la responsabilité de la colère des Français qui se rendent compte de l’impasse dans laquelle notre pays est plongé par de telles politiques, motivées par une idéologie qui nous a déjà conduits à l’échec. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) La parole est à M. Bruno Millienne. Nous nous retrouvons aujourd’hui pour étudier l’un des textes les plus importants de cette législature, et je suis très fier d’être devant vous pour le défendre. C’est un texte ambitieux, qui prouve la volonté de notre majorité de travailler avec tous ceux qui veulent honnêtement préparer notre pays pour atteindre nos objectifs climatiques. Les défis sont immenses et notre retard déjà très important.
Nous n’avons pas le choix. Est-il utile de rappeler pourquoi ? D’abord parce que même si nous consommons moins d’énergie à l’avenir, nous aurons besoin – cela a déjà été rappelé – d’environ 60 % d’électricité en plus d’ici à 2050 par rapport à aujourd’hui. Parce qu’en outre, le nucléaire ne suffira pas. Faire sortir de terre des centrales nucléaires prend du temps, beaucoup de temps. Or, dans le même temps, douze réacteurs arriveront en fin de vie en 2035. Nous n’aurons donc pas le temps nécessaire pour satisfaire nos besoins en électricité avec du nucléaire seulement. Car le nucléaire coûte cher, très cher : près de 52 milliards d’euros pour la construction de six EPR 2 sur une durée de vingt-cinq ans. De plus, un scénario 100 % nucléaire se heurterait à un problème de faisabilité technologique et industrielle : selon la filière elle-même, il existe une sorte de plafond, pour les capacités industrielles, de quatorze réacteurs nucléaires nouveaux à l’horizon 2050. Surtout après dix ans de pause ! L’heure est donc à l’action, à un grand coup d’accélérateur aux projets d’énergies renouvelables en France : les 80 premières éoliennes en mer voient à peine le jour en France, alors que 5 700 tournent déjà en Europe. L’Europe… Certains nous diront qu’elle est une des raisons de nos maux. Pourtant, les propositions populistes et europhobes soutenant une sortie de la France du marché européen de l’énergie ne sont ni viables ni soutenables, nous le savons tous. C’est ce que demande le Medef ! Le Portugal est-il europhobe ? Je ne me souviens pas avoir entendu cette critique lorsque la France était exportatrice nette. Sortir de ce marché ne nous permettrait pas plus de garantir notre approvisionnement énergétique. Le réformer oui, en sortir, non.
L’unique solution est de produire plus d’énergie sur notre sol. Nous travaillons sur ce texte depuis plusieurs semaines avec tous ceux qui partagent ce constat et qui, comme nous au groupe Démocrate, souhaitent accélérer nos procédures d’implantation. Aujourd’hui, il faut cinq ans pour construire un parc solaire et sept ans pour un parc éolien – dix ans lorsqu’il est en mer –, alors qu’il ne faut pas plus de trois ans dans les pays scandinaves, malgré la crise du covid. Cela, chers collègues, nous ne pouvons nous y résoudre.
Les sénateurs ont largement enrichi le texte, pour le voter à la quasi-unanimité. En effet, pour adapter nos modes de vie au dérèglement climatique et préserver ainsi la qualité de vie de nos enfants, un consensus peut vite être trouvé. J’en appelle donc ici solennellement à nos collègues du groupe Les Républicains : si vous ne voulez pas passer pour des anti-énergies renouvelables, comme vous semblez le craindre, emboîtez le pas à vos collègues sénateurs et construisez avec nous ce texte, en responsabilité. Je ne doute pas, d’ailleurs, que les mille et quelques amendements déposés par votre groupe y contribueront pleinement. Tout dépend de leur sort. Je tiens aussi à souligner la qualité des débats que nous avons eus en commission. Ils ont été apaisés et constructifs avec l’ensemble des groupes politiques, grâce à l’engagement et à l’esprit de coconstruction de nos quatre rapporteurs, que je salue ici, mais également grâce à l’investissement et au sérieux de notre ministre, qui peut se targuer d’un travail transpartisan de qualité. J’ose espérer que cet esprit perdurera dans les débats en séance publique, où le regain de visibilité a malheureusement parfois tendance à exacerber la volonté de certains de tout conflictualiser. De grâce, gardons l’esprit constructif qui a prévalu en commission ! Oublions pour un temps, sur ce texte qui engage l’avenir de nos enfants, la politique spectacle qui abîme tant notre institution.
Je pense notamment, à cet égard, au dispositif de planification territoriale, enjeu central de ce texte et réacteur de la réussite d’un projet. Si nous considérons que le droit de veto des maires proposé par les sénateurs n’était pas la solution, nous souhaitons néanmoins placer les élus locaux au cœur du dispositif. Nous soutiendrons donc la proposition d’une conférence territoriale réunissant maires et présidents d’établissement public de coopération intercommunale (EPCI), au sein de laquelle seront définies l’ensemble des zones d’accélération préalablement identifiées par les communes pour implanter les projets d’énergies renouvelables. Aucune commune ne pourra se voir imposer une zone qu’elle n’aura pas identifiée préalablement.
Je tiens également à préciser que notre groupe défendra le rétablissement de l’article 4, c’est-à-dire la reconnaissance de la raison d’intérêt public majeur pour certains projets d’énergies renouvelables. Cependant, nous resterons bien sûr ouverts à une nouvelle rédaction qui permettra peut-être de répondre aux préoccupations de certains, tout en respectant les objectifs du texte.
Autre enjeu central sur lequel le groupe Démocrate est particulièrement engagé : l’agrivoltaïsme. Nous en proposerons une définition plus claire et un encadrement plus strict, pour permettre le déploiement des énergies renouvelables sur les surfaces agricoles sans menacer la production agricole. Nous nous assurerons de la non-artificialisation des sols et de l’effective réversibilité des installations agrivoltaïques, en imposant des garanties financières. Nous proposons que ces projets puissent être portés par des agriculteurs exclusivement.
Enfin, le texte doit permettre à chaque citoyen de se saisir de ces enjeux. C’est pourquoi nous saluons, et poursuivrons en séance, le travail visant à diversifier au maximum nos sources de production. Méthanisation, géothermie, hydrogène, réseaux de chaleur et de froid : il faut accélérer partout où cela est possible. Il faut également promouvoir l’autoconsommation en simplifiant les démarches, pour faciliter la création de sociétés de projets, par exemple.
Il est rare de pouvoir se targuer d’avoir travaillé sur un texte de cette importance, un texte qui marque une inflexion non pas pour le quinquennat à venir mais pour des décennies. Il y a de cela près de quarante ans, nos prédécesseurs ont défini la politique énergétique de notre pays, et nous bénéficions encore aujourd’hui de ses retombées positives. Nous avons la même responsabilité aujourd’hui. C’est une responsabilité non seulement vis-à-vis de nous-mêmes mais aussi vis-à-vis de nos enfants, de notre pays et de l’Europe. Pensons au bien commun, dépassons nos clivages habituels et votons ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs du groupe RE.) La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel. Le groupe Socialistes et apparentés s’était montré particulièrement critique sur le contenu du projet de loi relatif à l’accélération des énergies renouvelables qui lui avait été présenté en août dernier. Je ne reviendrai pas sur l’inversion de calendrier entre les différents textes ou échéances ayant trait à l’énergie dans l’année à venir : projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, projet de loi visant à accélérer la construction de nouveaux réacteurs nucléaires, réforme d’EDF, PPE… Nous en avons longuement parlé mais avouez, madame la ministre, qu’il est difficile de définir à l’aveugle les outils de mise en œuvre d’une programmation.
D’autre part, la sobriété est la grande oubliée alors qu’elle doit être au cœur de nos politiques énergétiques, au même titre que les énergies renouvelables. Le texte lui-même ne comportait aucune mesure de planification territoriale, condition même du succès de l’accélération, aucune mesure ou presque concernant le développement de l’énergie solaire sur des surfaces déjà artificialisées, et rien non plus sur la chaleur renouvelable ou l’hydroélectricité – alors même que l’augmentation de puissance des ouvrages existants n’est pas encore effective, trois ans après la loi « énergie-climat » qui la rendait possible. Qu’attendons-nous ?
Il y a dans ce projet de loi un certain nombre de simplifications et de coordinations utiles, notamment pour l’éolien en mer, et d’autres mesures dont l’utilité est plus discutable, comme le Sénat l’a lui-même souligné. Sur les délais de procédure, par exemple, nous ne devons pas légiférer aux seules fins de placer une rustine pour cacher le problème central et majeur qu’est l’insuffisance des moyens de l’État dans les territoires pour instruire les projets d’une part et les recours d’autre part. L’arrêt des suppressions de postes prévu dans le PLF pour 2023 met fin à l’hémorragie, madame la ministre, mais il ne redonne pas aux Dreal, aux DDT et à la justice administrative des moyens suffisants, au niveau de l’ambition que nous avons pour le développement des énergies renouvelables.
Le Sénat a largement contribué à améliorer ce projet de loi, en lien avec le Gouvernement, et un commencement de résolution a pu y être trouvé en réponse à nombre de nos critiques, notamment sur la planification territoriale. Le Sénat a également su faire face aux enjeux et s’extraire de certaines propositions caricaturales qui furent parfois les siennes sur ces sujets – je pense en particulier au droit de veto que les maires, pour le plus grand nombre, ne demandent pas.
Vous avez souhaité, madame la ministre, préparer l’examen de ce texte dans notre assemblée en inaugurant une nouvelle méthode de travail et en tendant la main à tous les groupes, notamment ceux de l’opposition. Depuis que la Première ministre a annoncé cette nouvelle méthode en juillet dernier, ses propos ont souvent sonné creux. Avec vous, cependant, nous avons trouvé un dialogue véritable, exigeant, parfois compliqué mais constructif et dont nous pensons qu’il a permis à chacun d’évoluer sur ce texte. Ces derniers jours encore, en lien avec le cabinet de la Première ministre, nous avons œuvré à la recherche de solutions. Si nous devons attendre l’issue des débats pour établir un bilan, nous saluons déjà cet état d’esprit. Bravo ! Celui-ci est également partagé par nos rapporteurs, avec qui nous avons eu de nombreux échanges et dont nous voulons, malgré les divergences qui subsistent, saluer le travail.
Sur le fond du projet de loi, nous avons fait évoluer positivement les dispositions de planification territoriale. Comme nous l’avons proposé, les zonages partiront des territoires, des communes elles-mêmes, avant d’être établis au niveau intercommunal et dans les schémas départementaux. Ceux-ci s’appuieront sur les Scot lorsqu’ils existent ou, à défaut, sur le résultat d’un dialogue territorial entre l’État et les EPCI. Ces zones seront respectueuses des choix des territoires tout en étant conformes aux objectifs territorialisés de la programmation pluriannuelle de l’énergie ; elles seront annexées aux documents d’urbanisme pertinents selon les territoires. Nous souhaitons toujours que les zonages puissent devenir pleinement opposables à terme, et nous défendrons des propositions visant à favoriser le fléchage des projets vers ces zones, notamment avec la modulation tarifaire.
En commission, nous avons souligné la nécessité de développer des filières industrielles françaises pour accompagner la massification. Elles seront source d’emplois et de souveraineté énergétique. Si nous accélérons le développement des énergies renouvelables en accroissant notre dépendance, nous aurons raté notre objectif. Nous proposons d’utiliser le vecteur de la commande publique par le biais des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et en accélérant l’entrée en vigueur de l’article 35 de la loi « climat et résilience » pour favoriser les équipements français et européens. Nous avons entendu les propos tenus hier sur France Inter par le ministre délégué chargé de l’industrie, Roland Lescure, qui allaient dans ce sens, et nous avons retravaillé nos propositions depuis l’examen du texte en commission. Nous ne doutons pas que nous pourrons aboutir sur ce sujet avec votre soutien.
Nous avons également formulé des propositions pour libérer des potentiels qui nous semblent avoir été oubliés par ce texte. C’est le cas notamment du réseau de Voies navigables de France (VNF), qui, à l’exemple du réseau concédé à la Compagnie nationale du Rhône, dispose d’un potentiel certain de développement des énergies renouvelables. Nous proposerons donc que des objectifs de production d’énergies renouvelables, en lien avec la PPE et son potentiel fluvial et domanial, soient définis par VNF et mis en œuvre selon une stratégie pluriannuelle. L’établissement public y est prêt et les investisseurs institutionnels également.
Pour ce qui est des outre-mer, nous avons proposé d’en faire des territoires 100 % énergies renouvelables.
Lors des débats en commission, nous avions identifié deux points durs qui demeurent dans le texte et qui font encore obstacle à un vote favorable de notre part. Car notre ambition est bien d’améliorer toujours plus ce projet de loi afin de pouvoir le voter presque comme le nôtre.
La première ligne rouge est la question du solaire au sol, en particulier en zone agricole. Nous pensons que le photovoltaïque doit d’abord être développé dans des zones artificialisées et avons fait des propositions en la matière en commission. Nous avons ainsi obtenu que le niveau de couverture des toitures des nouveaux bâtiments tertiaires soit porté de 50 % à 60 % de leur surface – même si nous estimons qu’il doit être possible de faire mieux – et nous proposons de faire des zones d’activité économique des zones prioritaires de développement des énergies renouvelables.
La définition du solaire au sol en zone agricole, proposée en commission à l’article 11 decies , aurait permis à ces projets de se développer sans entrave. Nos sous-amendements adoptés en commission, qui ont durci la définition de cette activité, ont marqué un premier pas, qui reste cependant insatisfaisant. Les nombreuses sollicitations d’énergéticiens reçues entre-temps nous ont confortés dans notre analyse. Nous avons poursuivi nos débats sur la question ces derniers jours et avons formulé une proposition de rédaction de nature à permettre de trouver un accord. Très bien ! Notre deuxième ligne rouge est la question du partage de la valeur. Nous l’avons dit, celle-ci doit profiter aux territoires sans remettre en cause le principe cardinal de la péréquation tarifaire. L’accueil d’installations de production d’énergies renouvelables n’est pas une charge impliquant une indemnisation, mais une contribution à un effort national qui justifie des retombées positives.
À cet égard, nous sommes totalement opposés à une forme de retour, notamment aux particuliers, par une remise sur la facture d’électricité. Ce mécanisme serait source de jalousies et de conflits de voisinage entre les habitants – parfois d’une même rue, selon les modalités du zonage – et, in fine , cela se ferait au détriment des projets. De plus, le coût d’un tel système serait intégré aux charges de service public, donc supporté par les autres contribuables. Nous avons senti en commission que la majorité était également divisée sur ce point, qui reste pour nous une difficulté très importante.
Nous sommes pour une solution alternative, celle d’un fonds qui permettrait de financer des projets de rénovation énergétique, d’adaptation au changement climatique et de lutte contre la précarité énergétique, ledit fonds étant financé par les porteurs de projets par l’intermédiaire des collectivités locales du bloc communal. Cela doit permettre de faire le lien entre production d’énergie, sobriété et justice sociale, dans un équilibre établi en fonction des priorités de chaque territoire, mais aussi de favoriser l’acceptabilité des projets.
Si l’équilibre des autres dispositions de ce projet de loi est maintenu ou amélioré et si nous trouvons une résolution sur les deux points que j’ai évoqués, nous voterons ce texte. Nous avons été transparents sur nos intentions, madame la ministre, nous avons participé loyalement aux échanges depuis plusieurs semaines et nous croyons à la réalité de cette coconstruction – un modèle dont nous devrions nous inspirer pour d’autres textes à venir. En transformant cet essai, permettez-nous de voter votre texte, qui deviendrait ainsi notre texte : cela dépendra de l’issue des débats, qui résultera elle-même en partie de l’écoute que vous saurez nous accorder. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe RE.) La parole est à M. Vincent Thiébaut. En 2002, Jacques Chirac déclarait : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. » Aujourd’hui, la réalité s’impose à nous et nous ne pouvons plus, nous ne devons plus regarder ailleurs. La maison de la droite, elle, a bien brûlé ! Depuis plusieurs mois, nos concitoyens et concitoyennes vivent une période difficile : inflation, guerre en Ukraine, augmentation du prix de l’énergie, du gaz et du pétrole, difficultés d’approvisionnement en fioul. Ces événements sont incontestablement source d’inquiétudes et nous obligent à agir vite.
Agir vite, d’abord, car notre consommation d’énergie finale dépend toujours aux deux tiers d’une énergie fossile produite par des puissances étrangères. Au vu du contexte actuel, il devient urgent d’atteindre et de garantir notre indépendance et notre autonomie énergétiques : il y va de notre souveraineté économique et politique.
Agir vite, ensuite, car il nous faut prendre nos responsabilités en matière énergétique : la lutte contre le dérèglement climatique doit incontestablement être le défi de notre siècle.
Agir vite, enfin, car il n’existe pas de solution miracle : le nucléaire ne saurait être l’unique recours, mais le 100 % énergies renouvelables n’est pas atteignable non plus. Nous devons donc adopter une approche posée, pragmatique et qui tienne compte de l’enjeu essentiel consistant à fournir de l’énergie aux générations futures en France, tout en assurant notre souveraineté.
Le projet de loi relatif à l’accélération des énergies renouvelables s’inscrit dans cette dynamique. Ce texte doit se comprendre comme une première réponse aux défis auxquels nous faisons face aujourd’hui. Une réponse en matière d’accélération, d’abord, avec la réduction des délais de délivrance de l’autorisation des projets d’énergies renouvelables et la simplification des procédures. En matière de diversification, de déploiement massif et de planification ensuite, mais aussi et surtout en matière de partage de la valeur et de respect de nos territoires. Car, nous en sommes convaincus, c’est en écoutant les acteurs de nos territoires que nous parviendrons à devenir la première grande nation à sortir – ou du moins à tendre à le faire – des énergies fossiles. Il me semble d’ailleurs que cette volonté d’écoute et de partage de la valeur a été l’une des priorités de notre travail en commission, dans un esprit transpartisan.
À ce titre, je tiens à remercier, au nom du groupe Horizons et apparentés, l’ensemble des rapporteurs pour leur implication, leur engagement, leur écoute et leur considération lors de l’examen du texte en commission. Je remercie également Mme la ministre, qui a procédé à de nombreuses consultations. Avec 181 amendements adoptés en commission du développement durable et 176 en commission des affaires économiques, le texte que nous examinons aujourd’hui est, sans aucun doute, le fruit de discussions parfois animées, mais toujours bienveillantes et fertiles.
Le groupe Horizons et apparentés a participé au renforcement de l’ambition de ce texte de loi lors de son examen en commission. Notre groupe a proposé des amendements, défendus notamment par Henri Alfandari, rapporteur de la commission des affaires économiques, pour renforcer le rôle des élus locaux, en particulier des maires, dans la planification et la territorialisation du déploiement des énergies renouvelables.
Dans une optique de partage de la valeur, nous défendrons en séance des amendements visant à inciter économiquement au déploiement des énergies renouvelables au travers des crédits carbone, mais aussi de dispositifs ciblés de soutien à l’implantation de projets dans les zonages prioritaires définis à l’article 3.
Pour assurer un meilleur partage des retombées fiscales des projets éoliens offshore, nous soutenons une affectation d’une part de la valeur aux intercommunalités de la façade maritime, et non seulement aux communes de bord de mer, qui ne sont pas les seules à subir les conséquences de ces projets.
Pour développer les projets d’énergie solaire, nous soutiendrons un amendement visant à lever les obstacles à ces projets sur les terrains ou les ouvrages relevant d’une activité de gestion de l’eau, de l’assainissement ou des eaux pluviales urbaines.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, ce projet de loi est un texte d’avenir, en faveur duquel le groupe Horizons et apparentés est pleinement engagé. Il a pour objectif d’assurer à la France une énergie souveraine, compétitive et décarbonée, et de permettre à l’ensemble de nos concitoyennes et concitoyens de se chauffer, de cuisiner et de se déplacer. Il constituera également une véritable opportunité économique pour notre pays, car les énergies renouvelables représentent plusieurs dizaines de milliards de recettes pour l’État. Les énergies renouvelables sont une chance pour nos territoires et pour la compétitivité de nos entreprises, mais aussi et surtout pour les générations d’aujourd’hui et de demain. Dommage que M. Tanguy ne soit plus là pour entendre cela ! J’espère que les débats que nous aurons en séance seront fructueux et que nous réussirons à raisonner en dehors des positions dogmatiques et idéologiques parfois fondées sur de simples considérations esthétiques. Pour ma part, je ne sais pas s’il est préférable d’avoir au fond de son jardin une éolienne ou une centrale nucléaire – je vous en laisse juges –,… Il faut les deux ! …mais je plaide en faveur d’une approche pragmatique : en effet, si nous pouvons parfois prévoir l’avenir, nous devons toujours le permettre.
Pour toutes ces raisons, le groupe Horizons et apparentés votera en faveur de ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs du groupe RE.) La parole est à M. Charles Fournier. Nous, écologistes, attendions depuis longtemps un texte sur les énergies renouvelables, qui constituent pour nous l’un des trois piliers d’une politique énergétique efficace, écologique et socialement juste. Ces trois piliers, ce sont une sobriété énergétique pour réduire nos consommations et le gaspillage ; l’efficacité énergétique à tous les niveaux pour optimiser nos consommations, et une trajectoire 100 % énergies renouvelables pour produire une énergie propre et mettre fin à la dépendance aux énergies fossiles.
Nous, écologistes, attendions un texte pour rattraper le retard de la France en matière de déploiement des énergies renouvelables. En 2020, elles n’ont représenté que 19 % de la consommation finale contre les 23 % qui étaient prévus, ce qui fait de la France le seul pays européen à ne pas avoir atteint ses objectifs en la matière. Si nous avions atteint nos objectifs, nous aurions fait des économies majeures et nous disposerions aujourd’hui d’une production équivalente à quatre fois celle produite par Fessenheim, ce qui nous permettrait d’aborder l’hiver dans une situation totalement différente de celle que nous connaissons. Oui, nous serions encore plus dépendants des autres pays ! Pour passer l’hiver sans problème, il aurait surtout fallu ne pas abandonner le nucléaire ! Les énergies renouvelables devraient rapporter à l’État 31 milliards en 2022 et 2023, ce qui constitue une ressource absolument indispensable dans la période que nous traversons. N’en déplaise à certains, la France doit augmenter massivement et très rapidement sa production d’énergie renouvelable. Tous les scénarios existants, même ceux qui font la part belle au nucléaire, prévoient une part d’énergies renouvelables – nous n’avons pas le choix. Mais quel message envoyons-nous à nos compatriotes, qui redoutent des coupures d’électricité cet hiver parce que nous risquons de manquer d’énergie ? Certains disent que la réponse se trouve dans le nucléaire, mais c’est faux. Aujourd’hui, la production est à 48 % de ses capacités – notez bien ce chiffre, qui montre que le nucléaire bat des records de faiblesse. Parce que nous avons désinvesti ! Certains disent que le nucléaire nous rendra notre souveraineté, c’est également faux. Si nous sommes indépendants à 52 % selon la statistique française globale, nous ne le sommes qu’à 12 % en tenant compte de l’origine du combustible nucléaire, car nous sommes très dépendants de l’Ouzbékistan et du Kazakhstan pour ce qui est de l’approvisionnement en uranium.
Nous considérons donc que le nucléaire n’est pas la solution, qui est plutôt à rechercher du côté de la sobriété et des énergies renouvelables. Nous pensons aujourd’hui de manière séparée nos productions et nos consommations. Nous devons absolument envisager notre production en fonction d’une consommation totalement maîtrisée, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui.
Pour ce qui est du texte, il partait selon nous d’un mauvais diagnostic, qui mettait tout notre retard en matière d’énergies renouvelables sur le dos des procédures administratives et du code de l’environnement. Oui, il faut sans doute simplifier les procédures, mais ce n’est pas parce que nous allons nous attaquer au code de l’environnement que nous allons résoudre le problème !
Le vrai diagnostic était ailleurs, notre retard résultant avant tout d’une absence de clarté politique et des tergiversations sans fin sur la trajectoire énergétique de la France. Nous allons avoir un texte de méthode, sans connaître l’ambition et le cap dont notre pays devrait se doter, et cela explique, comme l’ont dit plusieurs de mes collègues, le calendrier fragmenté et peu compréhensible qui rend difficile notre exercice.
Nos difficultés sont également imputables à l’absence de planification descendante et ascendante, c’est-à-dire d’une vision nationale déclinée dans les territoires, mais aussi d’une participation des territoires à la définition de cette planification dont nous manquons cruellement aujourd’hui. Nous manquons de moyens humains au sein des administrations de l’État, mais également auprès des collectivités, en matière d’ingénierie, pour accompagner toutes les transformations qui sont nécessaires. Si nous avions disposé d’une planification, nous aurions déterminé les moyens à mettre en œuvre et aurions pu maintenir la trajectoire que nous nous étions fixée.
La dernière chose à nous avoir fait défaut, c’est un cadrage public du déploiement des énergies renouvelables. C’est la dimension libérale qui l’a emporté dans nos territoires, c’est la compétition, la concurrence qui a pris le dessus.
Nous n’avons pas non plus suffisamment réfléchi au partage de la valeur, une question essentielle – j’y reviendrai – pour que les énergies renouvelables ne soient pas simplement acceptées, mais désirées par nos concitoyens.
Nous avons abordé ce texte avec cinq principes. Je viens d’évoquer le premier, celui de la planification ascendante et descendante, qui doit associer les territoires et les collectivités, mais pas simplement en la personne des maires : tous les élus et les habitants, mais aussi l’ensemble des parties prenantes, notamment les entreprises et les associations, tout le monde doit être autour de la table afin d’aboutir à une vision partagée de cette planification.
Notre deuxième principe est qu’il n’y a pas à choisir entre la biodiversité et les énergies renouvelables. Ces deux enjeux sont d’égale importance. Dans les choix effectués jusqu’à présent, c’est toujours la biodiversité qui a trinqué ; ces temps-ci, on trouve, dans l’hémicycle, de nouveaux amis opportunistes de la biodiversité qui la défendent pour s’opposer à certaines énergies renouvelables mais qui, sur d’autres sujets, la fouleront aux pieds en choisissant davantage d’artificialisation. Défendre la biodiversité, c’est aussi défendre notre souveraineté alimentaire. C’est un enjeu majeur qu’il faudra considérer quand nous parlerons d’agrivoltaïsme.
Le troisième point est qu’il faut d’abord développer les énergies renouvelables sur les terrains artificialisés. Il existe un potentiel important : les délaissés routiers et ferroviaires, les parkings, les toits… Très juste ! Nous sommes d’accord. L’Europe nous a assigné une ambition : d’ici à 2025, l’ensemble des bâtiments commerciaux et publics devront être couverts de panneaux solaires ; pour les bâtiments résidentiels, l’échéance est fixée à 2029. Pourquoi la repousser ? Nous souhaitons que le texte soit beaucoup plus ambitieux.
Le quatrième point est le partage de la valeur. Ce dernier repose sur trois piliers.
Le premier est le partage par l’impôt. De ce point de vue, il est urgent d’envisager une réforme de l’Ifer – imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau – dans le sens d’une meilleure répartition et d’un taux renforcé, pour que la redistribution se fasse par les services publics.
Le deuxième repose sur l’économie et les emplois. Malheureusement, nous sommes actuellement dépendants car nous ne savons pas fabriquer de cellules photovoltaïques et parce que nous n’assurons pas dans les territoires les activités de maintenance liées au secteur éolien, lesquelles représentent de nombreux emplois ; avec 80 000 à 90 000 emplois seulement, nous sommes loin du compte. Si nous voulons qu’il y ait un désir d’énergies renouvelables, il faut que le partage de la valeur se fasse par la reterritorialisation des emplois liés à cette activité.
Enfin, le partage de la valeur passe par les contributions volontaires, lesquelles doivent, à nos yeux, être collectives. Nous refusons la redistribution individuelle, sorte de dédommagement qui serait versé à nos concitoyens, les énergies renouvelables étant vues comme un problème. Nous visons un partage collectif fléché vers les collectivités pour avancer sur la transition écologique et la biodiversité. De plus, nous restons sur l’idée de deux fonds plutôt que d’un fonds fusionné ; cela nous paraît plus pertinent.
À ce stade, nous nous félicitons de certaines avancées réalisées s’agissant de la planification et du rôle des territoires. Le dialogue a été nourri ; toutefois, il manque deux aspects à cette planification. D’abord, il faut encourager la concertation et l’implication des citoyens : puisque nous allons faire des zones, il faut porter celles-ci à leur connaissance pour que chacun dispose d’une vision de la transition énergétique dans les territoires. Ensuite, les zones doivent être réellement incitatives : il y faut tous les leviers pour que cela se passe là et pas ailleurs ; c’est à ce prix-là que cela fonctionnera. Les mécanismes actuels sont insuffisants pour rendre les zones totalement déterminantes dans l’organisation de la planification.
Nous notons aussi des progrès en matière de modulation tarifaire, qui permet de mieux répartir les énergies renouvelables dans les territoires. C’était une revendication ancienne, qui nous avait toujours été refusée : pour résumer, quand on accepte d’aller dans des zones un peu moins rentables, on bénéficie d’un complément de rémunération ou d’un tarif de rachat encourageant.
Nous avons également retenu que les autorisations de projets tiendront compte de l’effet de saturation, grâce à un amendement de ma collègue Delphine Batho qui permet de tenir compte des territoires qui ont le sentiment d’avoir fait leur part, contrairement à d’autres.
Un observatoire des énergies renouvelables est indispensable pour suivre l’état d’avancement du déploiement des énergies renouvelables. En effet, tout le monde parle de potentiel, mais sans jamais dire où il est exactement. Nous regrettons que, dans la proposition formulée par le Gouvernement, cet observatoire se restreigne à la question de la biodiversité ; pour nous, il doit avoir des ambitions plus larges. Nous y reviendrons au cours des débats.
Par ailleurs, la suppression de l’article 4 du code de l’environnement a été agitée comme un frein au développement ; pour nous, cette vision est abusive. Si les énergies renouvelables sont d’intérêt général – et il n’y a aucun doute sur le sujet –, chaque projet n’est pas d’intérêt public majeur. Je vous donne un exemple : en Nouvelle-Aquitaine, le projet Horizeo prévoit de supprimer 1 000 hectares de forêts pour installer des panneaux photovoltaïques. Ce projet n’est pas d’intérêt public majeur. Au contraire, il porte gravement atteinte à la biodiversité. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES et GDR-NUPES.) Très bien ! Soulignons enfin l’avancée dans l’approche des conflits autour des énergies renouvelables. Nous avions proposé la création d’un médiateur, idée qui a été reprise dans le texte. Il nous semble plus intéressant de passer par la médiation que de judiciariser tous les conflits. Un médiateur a déjà été nommé à titre expérimental sur l’hydroélectricité en Occitanie ; étendons le dispositif à l’ensemble des énergies renouvelables.
Malgré tout, plusieurs points ne sont pas réglés à ce stade.
Il faut aller beaucoup plus loin sur le potentiel d’énergies renouvelables dans les zones déjà artificialisées. Nous regrettons que l’article 11 ter ait été supprimé et que nos amendements concernant les bâtiments publics, les bâtiments privés et les logements sociaux aient été rejetés.
Il y a également le sujet de l’agrivoltaïsme et du photovoltaïque au sol, que je mets l’un à côté de l’autre. Nous sommes en train d’inventer une nouvelle activité : quand on met du solaire sur les parkings, on ne parle pas de parkingvoltaïsme, mais étonnamment, pour l’agriculture, on invente une nouvelle notion… Nous voyons ainsi apparaître des projets alibi : plus de 150 hectares d’énergie renouvelable avec quelques moutons, et cela devient de l’agrivoltaïsme. Non ! Il faut que les règles soient extrêmement claires. Le texte propose des avancées, mais il faut aller beaucoup plus loin. Nous sommes opposés au photovoltaïque au sol, pratique qui ne coûte pas cher mais qui est très préjudiciable à la biodiversité comme à notre souveraineté alimentaire.
J’ai indiqué précédemment, au sujet du partage de la valeur, que nous étions opposés à la ristourne individuelle. Nous avons proposé des avancées et des évolutions sur l’Ifer ; il faudra lancer un groupe de travail sur le sujet. Cela n’apparaît pas dans le texte, mais il est indispensable de revisiter cette redistribution par l’impôt concernant les énergies renouvelables.
De plus, il y a la question cruciale des filières économiques et des emplois, sur laquelle le texte ne propose pas ou peu de progrès. Quelques amendements ont ouvert le chantier, mais celui-ci reste plein et entier. Il n’y aura pas de réussite, pas d’acceptation des énergies renouvelables, pas de désir, s’il n’y a pas d’activité économique, d’emplois et d’énergies renouvelables made in France.
Enfin, il y a la question de l’encadrement public des développeurs d’énergies renouvelables. Nous proposons de créer un agrément pour les développeurs afin d’éviter les margoulins, dont les pratiques tout à fait détestables sont vécues comme insupportables par nos concitoyens. Nous suggérons aussi de développer le modèle coopératif avec les communautés locales d’énergie, qui sont une façon d’engager à la fois la puissance publique et nos concitoyens dans la réussite des projets.
Nous avons eu plusieurs échanges ; vous avez ouvert la porte et nous espérons qu’elle ne se refermera pas. Eu égard au chemin parcouru par le texte, avec des plus et des moins, nous resterons très attentifs au cours des débats à venir. Nous ne sommes pas à l’abri de mauvaises ni de bonnes surprises. Les surprises seront bonnes ! Mais, disons-le, pour nous, tout ne se joue pas avec ce texte. Il serait inconcevable de l’essentialiser en décrétant que nous sommes en l’an zéro des énergies renouvelables. Nous n’avons pas avancé. Il faut reconnaître ce qui n’a pas été fait et pourquoi nous en sommes là. Il faudra une loi de programmation ambitieuse ; il faudra une planification et les moyens qui vont avec ; il faudra renforcer les services de l’État ; il faudra une ambition pour l’appropriation collective de la transition énergétique. C’est indispensable pour réussir. J’assistais, ce matin, à l’un des débats organisés avec la Commission nationale du débat public (CNDP). Il n’y avait pas beaucoup de monde, c’était un débat un peu discret. Il me semble qu’il nous faut un temps de concertation beaucoup plus fort que celui qui s’amorce aujourd’hui pour permettre une articulation efficace avec les enjeux de sobriété et le développement des filières concernées. Ne faisons pas jouer à ce texte un rôle si essentiel qu’il justifierait les errements du passé et les renoncements que nous avons déjà connus et qui pourraient se reproduire. Nous souhaitons qu’il soit un bon texte de méthode ; nous y avons travaillé avec sérieux et nous continuerons de le faire. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES, SOC et GDR-NUPES ainsi que sur les bancs des commissions. – M. Jean-Louis Bricout et Mme Laurence Maillart-Méhaignerie applaudissent également.) La parole est à M. Hubert Wulfranc. Les lignes rouges en matière de politique énergétique de notre pays, vous les avez franchies. Elles vous ont été clairement rappelées par mon collègue Sébastien Jumel, au nom des députés communistes et du groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES. Nous avons une vision diamétralement opposée à la trajectoire libérale que vous avez conduite jusqu’à présent et dont nous retrouvons la logique dans ce texte.
L’horizon d’un mix énergétique où le nucléaire et les énergies renouvelables jouent tout leur rôle est acté. Pour notre part, nous l’avons fait dès 2015, mais nous contestons la pente de dérégulation et de fragmentation de la production énergétique qui est à l’œuvre depuis l’ouverture du marché de l’énergie à la concurrence et la casse du monopole d’EDF. (MM. Sébastien Jumel et Marcellin Nadeau applaudissent.) C’est dans un contexte de crise sans précédent, où votre politique est clairement pointée du doigt, que vous prétendez, dans l’urgence, poser quelques briques mal équarries pour endiguer contre vents et marées les conséquences dévastatrices d’une livraison clefs en mains au privé d’un bien de première nécessité : l’électricité. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES. – M. François Cormier-Bouligeon applaudit également.)
Dès lors, l’horizon d’un mix énergétique souhaitable devient source d’incertitude majeure. Car ce texte, comme ceux qui vont suivre – dans le désordre, d’ailleurs –, dessine un bouleversement profond du rapport que nos concitoyens auront avec l’énergie. Ils vont vivre l’électricité, le gaz, leur production et leur consommation d’une tout autre manière. Derrière les mots « accélération », « acceptabilité », voire « désirabilité », il y a les réalités de la vie : le prix de la facture de ce bien de première nécessité ; le territoire dans lequel on vit, on habite, on travaille ; le paysage et le vivant qui nous entourent. Excellent ! Il a raison ! Or, empêtrés dans vos contradictions, vous n’éclairez pas le débat sur les énergies renouvelables en indiquant les conséquences ni les prolongements attendus des décisions législatives proposées. Pas moins de treize rapports, dont ceux que nous avons demandés, figurent dans ce texte ; c’est un fait dont vous n’êtes pas coutumiers. Ils traiteront d’enjeux financiers,
Allons-nous passer l’hiver ? « Pas de panique ! », nous rassure-t-on au palais de l’Élysée : il n’y aura pas de coupure si le temps est bon, s’il n’y a pas trop de vent, s’il ne pleut pas et s’il fait beau, bref : si nous avons de la chance… « Tous responsables et pas de panique ! » : voilà un slogan qu’aurait pu lancer le capitaine du Titanic en plein naufrage. Car l’iceberg est devant nous, la coque du navire s’en approche à pleine vitesse et, à défaut d’une véritable stratégie pour s’en détourner et éviter ainsi des mesures de délestage humiliantes et aux conséquences difficiles à prévoir pour nos entreprises et les ménages, le Gouvernement nous a dégoté un nouvel outil, aussi gadget que dérisoire : Ecowatt, le nouveau Bison futé des délestages, qui nous permet de savoir dans quel état se trouve le réseau électrique, quand il risque d’être coupé et, surtout, à quelle heure.
Cet outil a pour vocation de gérer la peur et la panique plutôt que la crise, puisque nous ne savons pas quelles sont les mesures concrètes qui vont nous permettre de passer l’hiver. Doit-on encore une fois, comme lors de la crise du covid, constater l’impuissance de l’État et s’en remettre à soi-même ? Est-ce devenu ça, l’État : un gestionnaire d’applications de crise et de pénurie ?
Ce matin, le président de RTE a parlé de mesures de délestage au conditionnel, preuve que la stratégie de communication, probablement orchestrée par McKinsey ou autre, est bien huilée. Les seconds couteaux font le tour des plateaux de télévision et de radio pour préparer l’opinion à une éventuelle crise, puis deux scénarios se dessinent : soit il y a des délestages et vous pourrez dire : « Nous l’avions prévu, tout va bien se passer » ; soit il n’y a pas de délestages et vous pourrez dire : « Nous l’avions prévu, tout s’est bien passé. »
En vérité, nous sommes, nous, aveugles et démunis. La multiplication des menaces pesant sur la sécurité de notre approvisionnement et la vague de froid qui s’abat sur notre pays, conjuguées aux dysfonctionnements chroniques du marché de l’énergie, empêchent le Parlement et les Français de savoir qui est responsable et comment cette situation a pu se produire.
Aussi allons-nous examiner le projet de loi relatif à l’accélération des énergies renouvelables : un beau prétexte pour ignorer la situation en cours. Écoutez plutôt le président André Chassaigne, qui propose d’organiser de toute urgence un débat au Parlement sur la question des délestages.
Il est nécessaire que la transparence soit faite au moment même où nous traversons cette crise. Nous avons besoin de savoir pourquoi, depuis six ans que le Président de la République est aux responsabilités, ni lui ni sa majorité n’ont rien fait pour stabiliser la production électrique du pays ; pourquoi ce projet de loi et celui relatif à l’accélération du nucléaire interviennent maintenant alors que, depuis le début de son premier mandat, Emmanuel Macron connaissait l’état vieillissant de nos centrales.
Plutôt que de débattre sur un projet de loi qui ne résoudra pas la crise de l’hiver qui vient, nous exigeons un nouveau débat sur la question des délestages auquel les élus locaux, les acteurs des collectivités du quotidien soient associés.
Les députés communistes du groupe GDR-NUPES vous alertent depuis des années sur le risque que fait peser le marché de l’énergie sur notre indépendance énergétique. À présent, ces alertes sont devenues concrètes. Nous aurions besoin de revoir en urgence l’organisation de ce marché. Il ne fallait donc pas inverser le calendrier législatif : nous devons discuter le plus rapidement possible de notre PPE afin d’adapter nos moyens aux besoins. En effet, cette crise n’est pas celle d’un moment, d’une conjoncture, elle est bien plus profonde, plus structurelle.
La situation que nous connaissons depuis des mois n’est pas le fruit du hasard ou seulement de la guerre en Ukraine démarrée en février 2022 : les prix de l’énergie ont explosé bien avant l’invasion russe. Le Gouvernement a été obligé d’intervenir dès octobre 2021 pour faire face à l’augmentation majeure des prix, à savoir plus 50 % depuis la libéralisation complète du marché du gaz et de l’électricité en 2007. Cette hausse frénétique ne semble pas vouloir s’arrêter, ce qui vous a contraints à dégainer le bouclier tarifaire en forme de passoire sur le dos d’EDF.
Pourquoi ? Parce que vous avez confié au marché le soin de régler le problème de gestion d’un bien commun comme l’énergie.
Engagée par une gauche qui avait renoncé et par une droite libérale, la dérégulation a été ce grand mouvement de destruction du service public national que constituait EDF et GDF, un modèle envié par tous qui a permis tous les grands investissements et les grands projets par le passé.
Mais le vent mauvais, le vent du marché, est passé par là, et la dérégulation nous expose désormais à toutes les spéculations, telles que l’indexation du prix de l’électricité sur le prix du gaz – la question n’est pas encore réglée à l’échelle européenne –, la libéralisation des prix, la fin programmée des tarifs réglementés de vente pour les clients résidentiels, d’ores et déjà actée aussi pour les collectivités locales et des milliers d’entreprises qui en subissent les effets. À ce sujet, je veux insister sur l’absence d’efficacité du filet de sécurité institué pour les collectivités et sur l’usine à gaz que continuent de représenter les mécanismes d’aide pour les entreprises dont la compétitivité est sérieusement en danger.
Ce système, que beaucoup d’entre vous ont contribué à ériger depuis vingt-cinq ans, a méticuleusement détruit les fondements sur lesquels repose l’équilibre européen : il a multiplié les mécanismes de marché et de soutien à la concurrence sans développer de politique structurante au plan industriel. Ce détricotage a si bien fonctionné que sont arrivés sur le marché de l’énergie des marchands de savonnettes, comme on dit chez moi, les TotalEnergies et compagnie qui n’ont pas développé de nouvelles capacités de production mais qui, au détriment des opérateurs publics, ont profité des fruits des investissements publics notamment grâce au mécanisme de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) pour faire du low-cost, du démarchage abusif, de la concurrence bas de gamme, là où il n’y en avait pas besoin.
Un beau résultat, puisque douze ans après la loi du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, la loi Nome, nous avons perdu des moyens de productions pilotables, ce qu’illustre la fermeture de Fessenheim en 2018. Un beau résultat puisque EDF a été siphonnée par la concurrence et malmené par des stop and go dans tous les domaines : aussi bien en ce qui concerne les salaires que la recherche et développement ou les compétences, à tel point qu’aujourd’hui, en France, pour faire face au grand carénage, aux corrosions sous contraintes, pour les EPR, notamment à Penly, dans ma circonscription, nous manquons cruellement de soudeurs. Ainsi, empêtrée dans la mise à mort de son service public et le soutien à la concurrence libre et non faussée, notre pays s’est aussi embourbé dans un retard considérable pour décarboner notre mix énergétique.
La France est encore très largement dépendante des hydrocarbures et n’a pas réussi à enclencher une montée en puissance de l’électrification de la consommation énergétique afin de faire baisser la part des énergies fossiles. Notre pays avait pourtant des atouts pour relever ce défi et réaliser cette transition : des salariés de très haut niveau, un réseau électrique sûr au maillage complet sur le territoire, une forte synergie entre EDF et GDF, un programme nucléaire qui a fait ses preuves, une indépendance qui nous a d’ailleurs permis de participer à la solidarité européenne en exportant de l’électricité vers les pays qui en avaient besoin.
Cependant, ce modèle est fragilisé, vous le savez. Le déficit de production d’électricité d’origine nucléaire que nous connaissons, alors que vingt-trois des cinquante-six réacteurs nucléaires sont actuellement à l’arrêt, s’il est le fait de besoins de carénage, est aussi le fruit d’un sous-investissement chronique et de renoncements.
Que faire dans ce contexte ? Le Gouvernement nous propose d’inverser les sujets et les débats. Au lieu de discuter du plan, nous travaillons d’abord à ses détails avec le projet de loi visant à accélérer le déploiement des énergies renouvelables. Autrement dit, alors que nous manquons de sécurité en ce qui concerne l’approvisionnement pour assurer l’équilibre entre l’offre et la demande, nous cherchons à développer des moyens non pilotables, en urgence, sans plan, sans stratégie et, surtout, sans maîtrise publique.
Si nous savons qu’il est essentiel de développer un mix énergétique équilibré, diversifié, qui rattrape le retard pris par le pays sur ce point ; nous avons besoin d’un développement public, planifié, exemplaire, concerté, intégrant les conflits d’usage en mer comme à terre – nous formulons là une préoccupation majeure.
Or, depuis de nombreuses années, la montée en puissance des énergies renouvelables s’est faite au détriment de l’emploi local, de l’industrie made in France et de la maîtrise publique que nous appelons de nos vœux.
Nourries et appuyées par l’obligation d’achat et le complément de rémunération, les énergies renouvelables ont ainsi pu largement bénéficier d’un soutien public sans que jamais la Commission européenne n’y trouve rien à redire. Des dizaines de milliards d’euros ont ainsi permis à tous les porteurs de projets privés d’investir nos paysages. La montée en puissance des énergies renouvelables s’est faite sans planification. Leur développement anarchique a répondu à la seule logique de marché. Les porteurs de projets ont développé ainsi le plus rentable et le plus facile, par exemple l’éolien plutôt que la géothermie. Ils ont également fait le choix de concentrer les installations là où la rentabilité des projets est la plus immédiate, aussi les ont-ils concentrés chez les pauvres, dans les Hauts-de-France, le Grand Est ou le nord de la Seine-Maritime, où la saturation commence à être patente.
L’éolien en mer a suivi la même logique : l’exemple parfait de ce que le marché peut faire à nos écosystèmes marins au mépris total de la volonté des élus et des pécheurs est le projet de parc au large du Tréport. Il veut bien des énergies renouvelables, Jumel, mais pas au large de Dieppe ! Emmanuel Macron semblait partager ce constat : il a déclaré le 14 janvier 2020 à Pau, lors d’une table ronde, que « la capacité à développer massivement l’éolien est réduite », insistant sur le fait que « le consensus sur l’éolien est en train de nettement s’affaiblir dans notre pays ».
La Première ministre, alors ministre de la transition écologique et solidaire, Élisabeth Borne, déclarait une semaine plus tard : « Le développement de l’éolien est très mal réparti en France. […] Cela s’est fait de façon anarchique, et on a des territoires dans lesquels il y a une saturation, y compris visuelle. » Il existait alors un consensus pour dire que ce développement s’était fait sans maîtrise publique, ni structuration de filières françaises, au détriment de nos paysages, de notre patrimoine, et surtout de notre économie, puisque la majorité des producteurs d’éoliennes sont situés outre-Rhin et que l’essentiel des produits du marché du photovoltaïque sont fabriqués en Chine.
Une accélération, oui, mais laquelle ? Sans véritable plan ni moyens, l’État ne va pas accélérer grand-chose. Il ne fera que mettre une fois de plus les mêmes territoires à contribution, au mépris des procédures de concertation du public, de notre indépendance et de la biodiversité, comme l’ont dénoncé des dizaines d’institutions et d’organisations non gouvernementales.
L’accélération n’est pas ce qui motive réellement ce projet de loi. Il vise à envoyer un signal au marché : en France, c’est désormais open bar au développement sans contraintes des énergies renouvelables. Rien ne saura entraver les VRP d’éoliennes ou des panneaux solaires, car rien n’existe dans ce projet – ou pas grand-chose, devrais-je dire – pour empêcher le développement des énergies renouvelables hors des zones définies comme prioritaires par les maires.
Ce projet de loi ne revient sur rien et propose au contraire d’accélérer la mise en miettes de la péréquation tarifaire – toutefois, j’ai cru comprendre qu’un amendement vise à corriger cela ; nous l’examinerons avec attention.
Nous alertons les députés de gauche comme de droite qui sont attachés à l’unicité d’EDF, car ce projet de loi peut constituer le premier levier, la première marche, pour faire entrer le cheval de Troie où se cache Hercule 2.0, ce projet que vous attendez tant pour démanteler une fois pour toutes EDF. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Mais non ! Non ! Après avoir livré les énergies renouvelables au marché et à la rentabilité, vous allez investir dans les EPR et préparer la découpe de notre fleuron.
Et si nous passons l’hiver, au travers de votre impréparation, vous concoctez un plan pour démontrer qu’EDF ne peut pas passer un hiver de plus.
Le groupe GDR-NUPES a déposé une centaine d’amendements qui visent à instituer des garde-fous, à corriger la copie. C’est dans cet état d’esprit que nous entamons ce débat passionnant. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES et LFI-NUPES.) Ah ! Je rappelle que, dans le cadre du temps législatif programmé, chaque orateur dispose du temps qu’il souhaite, la durée de son allocution étant décomptée du temps de parole attribué à son groupe.
La parole est à M. Jean-Louis Bricout. Je veux d’abord souligner, comme vous l’avez dit, madame la ministre, la qualité des échanges que nous avons eus en commission et en dehors, ainsi que celle de l’écoute que vous nous avez accordée. Tout cela nous a permis de mieux évaluer les enjeux et de mieux peser les difficultés que nous rencontrons dans nos territoires. C’est bien de le reconnaître. Nous avons donc abordé ces discussions dans un esprit très constructif, même si nous regrettons que votre niveau d’acceptation de nos propositions ne soit pas plus élevé – toutefois, je ne désespère pas, madame la ministre !
Ensuite, comme l’a affirmé M. Jumel, il y a un problème de temporalité des textes. Il ne dit pas que des choses justes, Jumel ! On a l’impression de parler du contenant avant de parler du contenu ; il me semble qu’on fait les choses à l’envers. Il m’aurait paru plus judicieux de définir d’abord les objectifs dans la PPE puis de définir la méthode pour les atteindre au plus vite.
J’en viens au fond du texte, et je développerai deux points : la planification et l’éolien terrestre, qui pose des problèmes dans les territoires – nous sommes quelques-uns à nous en soucier.
Madame la ministre, le constat est clair : nous sommes les derniers de la classe en Europe. Pour un pays et un président de la République qui donnent parfois des leçons à l’Europe et au monde entier, je dois avouer que cela fait désordre d’être mauvais élèves en matière de production des énergies renouvelables. C’est bien dommage.
Une fois que l’on a dressé ce constat, il est difficile de s’opposer à ce projet de loi, ou du moins de ne pas en approuver les objectifs. Certes, on entend ici et là quelques divergences, notamment au sujet du nucléaire, mais je pense qu’il ne faut pas perdre de vue que si on doit développer le nucléaire, cela ne sera pas effectif avant dix ans, tandis que l’électrification des usages doit se faire dès maintenant. C’est très vrai. Aussi, c’est un constat partagé au sein du groupe LIOT, comme dans la population française, je crois, qu’il faut accélérer la production de l’éolien.
Jusque-là, tout va bien, mais c’est quand on décline cela dans les territoires que cela commence à poser problème. Effectivement, on annonce de nouveaux projets dans des régions déjà à saturation, où ils sont mal acceptés ; certains projets provoquent un encerclement des villages, un mitage des territoires. Ils s’opposent donc aux projets des territoires qui sont souvent touristiques ou culturels ; ils heurtent les paysages. Tout cela pose évidemment problème.
Une chose est sûre, madame la ministre : vous ne pourrez pas atteindre les objectifs sans les territoires. Faire avec les territoires, c’est d’abord respecter les territoires : respecter leurs élus, leurs populations, leurs paysages, leurs projets.
Vous semblez avoir réussi à nous convaincre, mais je crois que le texte n’est pas complet :… Nous le compléterons ensemble. …il faut encore prévoir quelques garde-fous. Encore un effort ! Nous demandons simplement que les élus et la population des territoires aient la parole. Nous voulons dire oui quand c’est nécessaire et pouvoir également dire non : nous voulons disposer de moyens opposables juridiquement pour pouvoir refuser quand c’est nécessaire. Laissez donc à la population et aux élus leurs responsabilités : nous savons faire dans nos territoires.
Comme je l’ai dit, nous souhaitons simplement pouvoir refuser des projets lorsqu’ils n’émanent pas d’une volonté partagée et ne sont pas désirés dans les territoires.
Plusieurs groupes, y compris de l’opposition, ont formulé des propositions. Delphine Batho, par exemple, propose la création d’un indice de saturation visuelle : il me semble que cette proposition mérite d’être entendue, ou en tout cas expertisée. Pour ma part, j’ai suggéré de définir un taux d’effort, afin que les communautés de communes qui auraient déjà fait leur part s’agissant des objectifs régionaux de développement disposent de moyens juridiques pour s’opposer à un projet si elles estiment qu’il pose problème. Nous avons même proposé que ce refus ne soit possible que si l’effort déjà consenti excède d’au moins 10 % les objectifs régionaux.
Nous vous avons proposé d’adosser le périmètre des zones d’accélération aux zonages des différents documents d’urbanisme. C’est certes le cas s’agissant des plans locaux d’urbanisme (PLU), des plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUI) et des schémas de cohérence territoriale (Scot). Mais vous semblez ignorer que certains villages ne sont encore dotés que d’une carte communale ou relèvent du règlement national d’urbanisme (RNU). Dès lors, comment les communes concernées pourraient-elles s’opposer à certains projets ?
Autre proposition que nous avons formulée : conjuguer les dispositions adoptées sous la précédente législature dans le cadre de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite 3DS, avec les zonages définis dans ce nouveau projet de loi, afin qu’il existe dans notre territoire non seulement des zones d’accélération du déploiement des énergies renouvelables, mais également des zones d’exclusion. Encore une fois, l’objectif est de pouvoir refuser un projet lorsque c’est nécessaire.
Je ne sais pas si je dois m’en remettre à Éole, le dieu des vents, ou à Mme la ministre, mais il faut absolument que nos territoires soient bien respectés. Je vous le dis clairement : mon territoire des Hauts-de-France, la Thiérache, est un pays bocager que je n’ai pas l’intention de voir transformé en pays des Télétubbies, avec des éoliennes un peu partout ! Soyez attentifs à nos propositions et respectez nos territoires.
Les autres dispositions du texte seront abordées par ma collègue Nathalie Bassire, qui évoquera notamment les points de vigilance concernant les projets d’agrivoltaïsme. En effet, si ceux-ci sont plutôt positifs pour les opérateurs et, par ricochet, favorables aux agriculteurs, je redoute des dérives – développement anarchique ou envolée des prix du foncier au détriment des jeunes agriculteurs, par exemple.
J’espère que vous serez à notre écoute… Mais oui ! Compte sur nous, Jean-Louis ! …et que les débats, prometteurs, seront très constructifs. (Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT et Dem ainsi que sur quelques bancs du groupe RE.) La parole est à Mme Laurence Maillart-Méhaignerie. Comme cela a déjà été souligné, notre pays fait face à une double menace : le dérèglement climatique et un risque de rupture d’approvisionnement énergétique. Les effets du dérèglement climatique sont déjà visibles dans nos territoires, à travers les canicules successives, les incendies à répétition, la raréfaction des ressources en eau et la disparition d’une partie de notre biodiversité.
La guerre en Ukraine et ses conséquences géopolitiques ont bouleversé les circuits d’approvisionnement des produits énergétiques fossiles.
Ce nouveau contexte international valide le cap fixé par le Président de la République dès février 2022, à Belfort : faire de la France le premier grand pays à sortir des énergies fossiles et à atteindre la neutralité carbone. Pour y parvenir, nous devons réduire de 40 % la consommation d’énergie d’ici à 2050 – 10 % rien qu’au cours des deux prochaines années grâce au plan de sobriété énergétique annoncé cet automne –, développer massivement les énergies renouvelables – notamment parce que c’est le seul moyen de répondre à nos besoins immédiats en électricité, alors qu’il faut quinze ans pour construire un réacteur nucléaire –… C’est ça ! …et simplifier le cadre juridique et administratif des projets d’énergies renouvelables. En effet, nos procédures d’installation sont deux fois plus longues que celles de nos voisins européens : en France, elles durent cinq ans pour construire un parc solaire ne nécessitant que quelques mois de travaux, sept ans pour un parc éolien, et dix ans pour un parc éolien en mer.
La France a présenté un plan d’accélération des énergies renouvelables, qui s’appuie sur un volet réglementaire – que vous avez rappelé, madame la ministre – et un volet législatif – le projet de loi dont nous débutons l’examen, et qui tend à mobiliser quatre leviers.
Tout d’abord, il tend à lever les verrous des procédures administratives pour accélérer le déploiement des projets de bout en bout, de l’autorisation des projets au raccordement au réseau électrique, grâce notamment à un réalignement des seuils d’évaluation environnementale applicables aux projets d’énergies renouvelables ou concourant à notre décarbonation à un niveau découlant des bonnes pratiques européennes. L’accélération passe également par la réduction de trois à quatre mois du délai d’obtention des autorisations environnementales, grâce à une participation anticipée du public, mais aussi par la réduction du temps d’attente avant raccordement au réseau – qui, jusqu’à présent pouvait atteindre trois ans pour certains projets stratégiques – ou encore la possibilité de mutualiser les débats publics pour l’éolien en mer grâce au DSF – en Bretagne, nous y sommes très attachés –, qui a vocation à devenir un véritable outil de planification spatiale de l’espace maritime, et l’unique point de rendez-vous du débat public s’agissant de la coexistence des usages du domaine maritime.
Ensuite, le projet de loi tend à libérer, à court terme, un potentiel de plus de 20 GW de projets d’énergies renouvelables, suffisamment pour doubler la puissance renouvelable installée en France. À ce titre, 10 GW sont mobilisables sans générer aucun conflit d’usage, grâce à l’installation d’équipements photovoltaïques sur les ombrières des parkings, 2,5 GW peuvent être mobilisés, à l’échelle de la France métropolitaine continentale, dans les zones inutilisées le long de routes et autoroutes, et 2 GW pourraient être débloqués à court terme grâce aux projets en cours sur 172 friches, en particulier dans les zones portuaires industrialisées.
Par ailleurs, le projet de loi tend à réduire très fortement le risque de contentieux pour des projets d’énergies renouvelables, en particulier en assurant un meilleur partage de la valeur et des bénéfices des installations, grâce à la démonstration de leur utilité concrète et directe pour les communes et les riverains. En outre, l’émergence de nombreux projets locaux au service de la compétitivité des territoires sera soutenue par le développement de contrats d’achat de long terme entre consommateurs – industriels, notamment – et producteurs.
Enfin, le projet de loi tend à renforcer la territorialisation et la planification des projets. Le Sénat avait progressé sur ce sujet, et le travail mené en commission, très intéressant, a permis d’obtenir des avancées majeures, en donnant un rôle central à la planification et aux élus. Ainsi, les différentes étapes de définition des zones d’accélération seront désormais soumises à l’avis conforme des communes, qui pourront décider où les projets d’énergies renouvelables pourront – ou non – être implantés.
Nous avons tout fait pour que les 357 amendements adoptés lors des travaux de la commission ne remettent pas en cause l’équilibre recherché entre l’accélération du développement des énergies renouvelables et la préservation des terres agricoles, de la biodiversité et des espaces naturels et forestiers, et nous y sommes parvenus. Je ne doute pas que nos travaux dans l’hémicycle demeureront apaisés et constructifs, pour relever les défis énergétiques majeurs auxquels notre pays doit faire face. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.) La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy. Pendant la campagne présidentielle, nous avions annoncé, avec Marine Le Pen, que le fameux discours de Belfort d’Emmanuel Macron n’était pas un plan de relance du nucléaire, mais une gigantesque promotion des énergies intermittentes : encore une fois, nous avions dit la vérité aux Français ; encore une fois, vous leur aviez menti.
Nous y sommes : voilà le texte qui doit doubler le nombre de ces éoliennes terrestres dont les Français ne veulent plus ! Voilà le texte qui doit défigurer nos côtes – sauf au Touquet, évidemment – avec cinquante parcs d’éoliennes en mer dont les Français ne veulent pas ! Voilà le texte qui doit décupler ces panneaux solaires dont les Français découvriront vite qu’ils produisent bien peu d’énergie, mais qu’ils enrichissent massivement la Chine ! Mais ils en veulent, les Français ! Un petit rappel des ordres de grandeur devrait ramener tout le monde à un peu de rationalité : avec seulement deux petits réacteurs nucléaires français… En même temps, il faut les construire ! …nous produisons plus d’électricité qu’avec l’ensemble des panneaux solaires qui recouvrent le territoire depuis 2019. (« Eh oui ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Mme Clémence Guetté s’exclame.)
Le calendrier parlementaire traduit la réalité de vos priorités, mais surtout de votre obsession : l’application systématique et aveugle des décisions européennes – ou plutôt allemandes, n’est-ce pas, madame Pannier-Runacher ? – malgré leur échec, et bien que nous en payions aujourd’hui la terrible facture. Vous prétendez avoir tiré les leçons de l’effondrement de la souveraineté énergétique française et européenne, mais avec ce projet de loi, vous aggravez les erreurs qui nous y ont conduits !
Vous pouvez accumuler autant de gigawatts d’énergie intermittente que vous le souhaitez à l’échelle de la France, ou même de l’Europe, jamais cela ne résoudra nos problèmes d’approvisionnement ! Jamais le soleil de janvier ne vous aidera à passer les durs mois de l’hiver, et encore moins la lumière de la lune. Jamais le grand froid ne sera combattu avec des éoliennes, puisque ces périodes sont systématiquement liées à des vents faibles. Quel manque d’humilité du Gouvernement et de la Commission européenne, pour avoir oublié des lois de la nature si évidentes,… Les « lois de la nature » !… …et que nous avons pourtant mis des millénaires à apprivoiser ! (« Ah ! » sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Quel manque de rationalité, aussi, pour que le continent qui a vu naître le raisonnement scientifique soit lui-même paralysé par des bouffées délirantes faisant faire n’importe quoi à ceux qui devraient nous protéger. (M. Erwan Balanant s’exclame.)
Si l’énergie du soleil et le vent avaient pu produire le niveau de vie et le confort des sociétés industrielles, l’humanité n’aurait pas souffert mille martyres pendant la quasi-totalité de son histoire. Il est temps que vous cessiez de vivre dans le déni de ce que la technologie peut faire des lois de la physique.
Que ne comprenez-vous pas dans le mot « intermittent » ? Aucune solution de stockage massif n’existe – ni n’existera de notre vivant. Que proposez-vous ? 100 % de nucléaire et on attend ? Ce matin encore, à huit heures, les panneaux solaires et les éoliennes français fonctionnaient à moins de 5 % de leur taux de charge (Exclamations sur les bancs du groupe RE) … Forcément ! La nuit, il n’y a pas de soleil ! …alors que le nucléaire, même profondément malade, atteignait 60 % du sien. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Vous pouvez développer plus encore les énergies intermittentes, jamais – ô combien jamais – elles ne permettront de rompre avec les énergies fossiles. Au contraire : plus vous développerez les énergies intermittentes, plus vous nous lierez aux énergies fossiles – au gaz, en particulier – car les deux vont – et sont toujours allées – de pair. Les industriels le savent, les lobbys le savent ; même la Russie le sait, puisque c’est ainsi qu’elle vous a piégés. Parole de spécialiste ! Si vous aviez été sincères, nous aurions déjà modifié les textes adoptés en France depuis vingt ans – en particulier sous la présidence de François Hollande et lors du premier quinquennat d’Emmanuel Macron –, qui prévoyaient tous de fermer douze réacteurs nucléaires. Vous n’avez pas fait les choses dans l’ordre, et le texte dont nous débattons aujourd’hui n’est donc pas pertinent. Comme l’ont dit nos collègues, avant de savoir quelles énergies nous voulons développer, il faut revoir la PPE et le cadre réglementaire et législatif que vous avez fixé. Non, non ! Mais vous ne faites pas les choses dans l’ordre, ou plutôt, vous faites les choses dans l’ordre décidé par l’Allemagne et l’Union européenne ! Si vous ne voulez pas changer le cadre législatif français et européen avant d’envisager le déploiement des énergies en France, c’est tout simplement parce que vous appliquez la feuille de route décidée avant la crise énergétique que nous traversons aujourd’hui. Vous pouvez toujours parler matin, midi et soir de la tragédie ukrainienne, de la crise énergétique ou de celle que nous traversons depuis le début du covid-19 : en réalité, vous n’avez tiré aucune leçon de ces événements, et vous continuez d’appliquer la règle fixée il y a bien longtemps par l’Union européenne. La politique allemande de transition énergétique, l’ energiewende , qui a coûté 500 milliards d’euros, a été un crash-test grandeur nature ; qu’importe : pour des raisons purement idéologiques, vous continuez d’appliquer votre cadre, qui prévoit de diminuer à 50 % la part du nucléaire dans la production d’électricité.
Madame Pannier-Runacher, d’où ce chiffre magique sort-il ? De la PPE ! En vertu de quoi devrions-nous nous limiter à 50 % d’électricité d’origine nucléaire ? Ce chiffre découle-t-il de lois physiques ? Non ! Il découle des lois imposées par l’Allemagne à l’Union européenne… Vous n’aimez pas les Allemands ! …auxquelles vous vous soumettez depuis bien longtemps déjà au nom de l’écologie politique.
Vous continuez de vouloir imposer à la France un cadre qui prévoit de survaloriser les éoliennes – en mer, notamment – alors qu’elles ne fonctionnent pas, ni chez nous, ni dans les pays voisins. (Exclamations sur les bancs du groupe Dem.) À l’inverse, mais avec le même aveuglement, vous méprisez systématiquement les énergies renouvelables qui pourraient fonctionner, celles que le Rassemblement national et Marine Le Pen promeuvent :… Vous avez raison, et tout le monde a tort ! Vous ne savez pas de quoi vous parlez ! Avec le vent que vous brassez on pourrait en faire tourner, des éoliennes ! Dommage qu’on ne puisse pas recycler la bêtise… …pourquoi ne déployez-vous pas davantage l’hydroélectricité, dont le potentiel est important ? Vous refusez d’ouvrir ce débat.
Je remarque que la voix du nucléaire a enfin évoqué le développement des stations de transfert d’énergie par pompage, les Step. Or, qui, durant la campagne présidentielle, avait envisagé de les déployer massivement ? Marine Le Pen, et personne d’autre ! Elle a changé quatre fois d’avis ! Vous refusez toujours d’envisager un développement massif de la géothermie : qui avait évoqué cette possibilité ? Marine Le Pen. Même si les actes ne suivent pas, vous commencez enfin, timidement, à aborder le sujet de l’hydrogène : qui en parle depuis 2005 ? Marine Le Pen ! (Exclamations sur quelques bancs du groupe RE.) Révision de l’histoire ! Nous n’instruisons pas le procès des énergies renouvelables, mais celui des choix stupides que malgré vos échecs, malgré le montant des factures, vous entendez aveuglément imposer aux Français. Ce texte idéologique n’est pas seulement obsolète, mais empreint du cynisme propre à la Macronie : systématiquement, vous retournez contre nos compatriotes leurs propres aspirations. En l’occurrence, les quelques réacteurs nucléaires que vous leur faites miroiter doivent distraire leur attention des milliers de mâts d’éoliennes, sur terre et en mer, et de panneaux photovoltaïques que vous comptez bien installer. Vous vantez une politique souveraine, quand vous vous bornez, je le répète, à partager la folie allemande… Vous n’aimez donc plus l’Allemagne ? …et à refuser constamment de vous expliquer sur ce point ! D’ailleurs, madame Pannier-Runacher, pourriez-vous enfin nous dire où en est l’accord en vertu duquel l’Allemagne est censée nous fournir de l’électricité en échange d’une partie du gaz que nous achetons ? Nous ne constatons pas la moindre transparence en la matière !
Votre aveuglement est tel qu’il convient de le mettre en évidence par un chiffre : le bouclier tarifaire, que vous avez instauré afin de réparer vos erreurs et de protéger les Français des conséquences de vos propres turpitudes, coûtera plus de 100 milliards d’euros, davantage que la construction, vingt ans durant, de notre parc nucléaire ! Je vois, madame Pannier-Runacher, que vous contestez ce montant : sans doute ignorez-vous qu’il a été établi par les services de M. Le Maire ! En somme, ce projet de loi n’a d’autre fin que de répéter, une fois encore, les mêmes erreurs. C’est incroyable ! Je le répète, nous ne rejetons pas les énergies renouvelables, mais votre aveuglement, votre irrationalité et, il faut bien le dire, votre irresponsabilité. Soutenir votre texte, c’est faire péricliter la transition énergétique, nous assujettir au gaz russe et qatarien, condamner les Français à la précarité énergétique, à la pauvreté organisée. Ce projet de loi n’est pas seulement mauvais, mais suicidaire : nous le combattrons donc ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) La parole est à Mme Clémence Guetté. Enfin du sérieux ! Oui, enfin quelqu’un qui s’y connaît ! C’est pitoyable ! Avec ce projet de loi, vous nous demandez à nouveau d’entériner la pagaille et l’improvisation sous le couvert de l’urgence – énergétique, cette fois. Votre impréparation est telle que vous nous annoncez de prochaines fermetures d’écoles, faute d’électricité ! Les jets privés continueront de voler (Mme Prisca Thévenot s’exclame) , les panneaux publicitaires demeureront allumés, mais aux parents d’élèves, informés la veille pour le lendemain, il ne restera d’énergie que celle du désespoir. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)
Face à l’urgence, donc, le projet de loi que vous consacrez aux énergies renouvelables consiste pour l’instant en un micmac administratif peu intelligible et cruellement dénué de vision politique. Au menu, dérogations à tire-larigot et planification sans plan ! Il suffira d’un exemple pour illustrer l’esprit du texte : vous prévoyez – c’est même, à vrai dire, le dispositif central de votre grande ambition planificatrice – des zones d’accélération de la production d’énergies renouvelables. Or rien n’est prévu afin de s’assurer qu’elles accueillent des installations qui concourent à nous faire atteindre nos objectifs de production ; rien n’interdit non plus que des installations de production d’énergies renouvelables soient implantées hors de ces zones. La raison d’être du dispositif se trouve donc dans la toile de fond de votre texte, l’idéologie du Gouvernement, l’obsession de la Macronie : le marché !
Aux États-Unis, Biden met sur la table, pour l’industrie et pour la souveraineté énergétique, l’équivalent de 400 milliards d’euros ; en France, Macron pense sortir des énergies fossiles sans aucun investissement public d’importance, en créant en tout et pour tout quatorze postes en vue de la transition énergétique, ce qui revient à laisser le champ libre aux entreprises privées. Dans ces conditions, vous jurez aux Français qu’ils auront bien du courant en appuyant sur l’interrupteur ! Au fond, vous ne voulez pas que l’État reprenne la main et garantisse enfin notre indépendance énergétique. (MM. Maxime Laisney et Matthias Tavel applaudissent.)
Certains de vos prédécesseurs avaient pourtant compris que la puissance publique devait se donner les moyens d’organiser, de contrôler, de planifier. Sans investissements publics majeurs, nous n’aurions construit ni les 120 barrages dont s’est doté notre pays entre 1945 et 1960, ni les 58 réacteurs du plan Messmer ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Aussi discutables qu’ils puissent être, ces grands chantiers relevaient d’une vision, d’un choix pour la nation. En Macronie, on préfère demander au secteur privé de bien vouloir, s’il lui plaît, importer des panneaux photovoltaïques chinois et des éoliennes allemandes ;… Eh oui ! …pour le tranquilliser, d’ailleurs, vous rognez sur le débat public en lui substituant des consultations numériques. Loin de vous montrer à la hauteur des enjeux en matière de planification par la puissance publique, vous avez hâtivement bricolé un texte censé vous permettre de rattraper votre retard, puisque la France est désormais le seul pays de l’Union européenne à n’avoir pas atteint ses objectifs concernant les énergies renouvelables – tel est votre bilan. Miracle ! Vous voilà finalement convertis à la nécessité d’accélérer leur développement sans attendre, maintenant que Bruxelles nous menace d’une amende, que Poutine coupe le gaz et que les réacteurs nucléaires sont à l’arrêt ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)
Il était temps : nous attendions cette épiphanie, qui doit avant tout s’accompagner d’une ambition claire pour le pays. Le 100 % énergies renouvelables peut constituer cette ambition : c’est en tout cas la nôtre. Il conviendrait bien sûr d’en discuter, de mettre à plat les scénarios envisageables :… Mais ils existent, ces scénarios ! …vous avez préféré annoncer d’emblée que l’on allait couvrir le pays de petits réacteurs nucléaires – ce qui, soit dit en passant, n’est pas plus sérieux du point de vue financier que du point de vue scientifique, puisque ces projets sont technologiquement moins près de leur aboutissement que les voitures volantes. Dès lors, nous déplorons une accélération sans horizon, sans objectifs préalablement définis.
En outre, l’ambition claire que nous souhaitons nécessiterait un accroissement des moyens. Nous étions prêts à débattre de ce sujet à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2023 : à peine entamée la discussion du budget alloué à l’écologie, l’application du 49.3 en sonnait le glas ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Eh oui ! Oubliées les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal), les directions départementales des territoires (DDT), la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC), où absolument tous les acteurs du secteur réclamaient que des postes soient créés afin de raccorder les capacités en attente ! Oubliés les fonds qui auraient permis à la justice de débloquer les contentieux en cours ! C’est un État affaibli dont vous promettez qu’il accélérera fortement le recours aux énergies renouvelables : permettez-nous d’en douter.
Enfin, une ambition claire requerrait de garantir l’emploi et la souveraineté stratégique au sein des filières industrielles concernées (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES) ; or, en vingt ans, la France a perdu 15 000 emplois dans ce secteur et la quasi-totalité de sa chaîne de production de dispositifs photovoltaïques. Emmanuel Macron est l’un des principaux responsables de ce désastre énergétique français. S’il n’était qu’énergétique… En 2014, conseiller de François Hollande, il laissait se conclure la vente de la branche énergie d’Alstom au géant américain General Electric ; en 2018, il décidait la fermeture de l’usine d’hydroliennes Naval Group de Cherbourg, et ne s’opposait pas à la délocalisation en Asie, achevée cette année, de l’activité d’assemblage de modules photovoltaïques de l’entreprise iséroise Photowatt, appartenant au groupe EDF. Scandaleux ! Nous proposons de soutenir la recherche, de planifier la formation des travailleurs, de protéger les filières nationales stratégiques, d’organiser le recyclage des composants et la préservation de l’environnement, enfin de tenir compte du potentiel énergétique des territoires ultramarins, grands absents de votre projet de loi. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES.) Au lieu de tout cela, Emmanuel Macron préfère multiplier les courbettes devant le président Biden en lui demandant de bien vouloir cesser de protéger sa propre industrie. Quelle naïveté ! Pour la France, l’humiliation est totale ! Toutefois, il est encore temps de revoir votre copie. Madame la ministre, vous auriez dû tirer les leçons de l’examen du texte en commission. Suspensions de séance, allers-retours sans fin entre les articles, dispositions qui se marchaient dessus, tout y passait. Quelle fut votre réaction en vue de la séance publique ? Nous faire imposer le temps législatif programmé ! Faute de pouvoir appliquer à volonté le 49.3 – vous gardez cette baguette magique pour le projet de loi consacré à la réforme des retraites qui doit nous être soumis en janvier –, vous avez trouvé un autre moyen de nous museler, en nous empêchant de prendre le temps nécessaire à l’élaboration d’un texte législatif digne de ce nom. C’est un signal très négatif que vous envoyez là à notre assemblée !
Nous avions pourtant mené un travail constructif avec la majorité des groupes – j’en excepte le Rassemblement national, Marine Le Pen (M. Erwan Balanant s’exclame) , fidèle à ses obsessions mortifères, ayant lors de la campagne présidentielle comparé les éoliennes aux migrants et promu l’idée d’un moratoire sur le recours aux énergies éolienne et solaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Éric Bothorel, rapporteur, applaudit également.) Nous avons trouvé des solutions bien au-delà de la NUPES, parfois au sein de votre majorité, car celle-ci compte des députés nourris des utiles travaux, ayant notamment trait à la géothermie, que nous devons au haut-commissariat au plan de M. Bayrou, et que vous avez écartés de la discussion. C’est bien dommage ! Encore une fois, un texte législatif doit être à la hauteur des enjeux dont il traite ; ce n’est pas le cas de celui dont nous commençons l’examen. La position de notre groupe est claire : nous sommes favorables aux énergies renouvelables ainsi qu’à l’accélération de leur production, mais pas n’importe comment, pas dans n’importe quelles conditions. Nous rejetterons donc les nombreuses dispositions, par exemple le soutien à l’hydrogène bas-carbone,… Ça, c’est indispensable ! …qui font de votre texte un cheval de Troie du nucléaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Nous refuserons l’agrivoltaïsme, qui artificialise les sols et nuit à notre souveraineté alimentaire ; les fameux PPA, contrats d’achat d’électricité grâce auxquels Google s’approprie déjà des éoliennes en mer du Nord ;… Des magouilles ! …le bidouillage des factures d’électricité ; le retour de la raison impérative d’intérêt public majeur sans les garanties que nous avons demandées en commission. Non contents de tenir bon au sujet de ces nettes divergences entre nos visions respectives (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES) , nous ferons par voie d’amendement nombre de propositions en vue d’une meilleure planification, ainsi qu’en faveur de l’outre-mer, qui pourrait constituer le fer de lance d’une évolution vers le 100 % énergies renouvelables. (Mêmes mouvements.) Nous relaierons les suggestions des protecteurs de la biodiversité et celles des Français qui souhaitent participer physiquement à des débats organisés à côté de chez eux. Nous ferons au mieux pour que soient intégrées au texte les dispositions indispensables en matière de concertation citoyenne, de protection des filières industrielles, de contrôle public du secteur et de moyens suffisants pour les services de l’État ; nous amenderons également le texte pour que les zones déjà artificialisées, en particulier les parkings, toitures et délaissés autoroutiers, soient utilisées en priorité dans la perspective de l’accélération de la production d’énergies renouvelables dont nous avons besoin. Cela tombe bien : c’est dans le texte ! Madame la ministre, les Français ont froid : pour votre politique des petits pas, le temps fait défaut. Je le répète : soyez à la hauteur et revoyez votre copie ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES ainsi que sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES. – M. Philippe Naillet applaudit également.) La parole est à M. Emmanuel Maquet. Les Français vivront cet hiver une véritable angoisse : celle de voir leur pays, grande puissance mondiale, autrefois leader de l’électricité décarbonée, relégué non seulement parmi les États importateurs, mais parmi les plus exposés au risque de rupture d’approvisionnement. Hélas ! Madame la ministre, c’est à vous qu’il revient d’assumer la responsabilité de la situation, car les tenants de votre idéologie exercent désormais le pouvoir depuis dix ans : dix ans de démantèlement de notre filière d’excellence nucléaire, depuis l’arrêt de Superphénix jusqu’à celui de la centrale de Fessenheim, en passant par l’abandon du projet Astrid de réacteur rapide refroidi au sodium à visée industrielle ; dix ans de subventions massives à une électricité intermittente, de désarmement de notre pays face aux défis climatiques et énergétiques,… Eh oui ! …alors que nous étions en la matière les leaders internationaux grâce à une industrie nucléaire florissante que le monde entier nous enviait. Vous nous dites que les bénéfices de l’exploitation des énergies renouvelables sont en train de compenser les investissements publics pharaoniques dans ce secteur. Pourtant, le compte n’y est pas : tandis que l’on estime à 120 ou 150 milliards d’euros le montant total des engagements financiers, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) évalue les recettes, à l’occasion de cette insupportable hausse des prix, à 31 milliards à peine. La fameuse rente des producteurs d’électricité est donc ponctionnée aux dépens du pouvoir d’achat des Français, diminué par une explosion des prix de cette énergie dont votre politique, en la rendant moins abondante, se trouve directement responsable !
Vous nous parlez également de l’objectif de 23 % d’énergies renouvelables dans notre consommation finale, imposé par l’Union européenne, que nous n’avons pas atteint. Qu’avez-vous fait pour le remettre en cause lors de ses révisions successives, en 2018 et 2022 ? Où étiez-vous pour faire entendre la voix de la France et obtenir qu’à cet objectif trompeur en soit substitué un autre, portant sur la production bas-carbone au lieu de la production renouvelable ? Renouvelable, en effet, ne veut pas dire bon pour le climat : la principale énergie qui a permis à l’Union européenne d’atteindre en 2020 son objectif d’ensemble de 20 % d’énergies renouvelables était la biomasse, autrement dit la combustion de bois ou de gaz.
Par ailleurs, tous les États n’ont pas été logés à la même enseigne. Pour atteindre 20 % à l’échelle de l’Europe, on a demandé 23 % à la France et 18 % à l’Allemagne : où est la justice, où est l’équité ? En 2020, nous avons atteint 19,1 % d’énergies renouvelables, contre 19,3 % pour les Allemands : quasiment le même niveau. Cessons donc de nous flageller alors que, dans le même temps, nos voisins émettent deux fois plus de carbone par habitant que nous – ce qui, en plus de réchauffer l’atmosphère, entraîne chaque année des dizaines de milliers de morts, y compris sur notre sol.
Le groupe Les Républicains s’est montré extrêmement clair au sujet des points d’ouverture, parmi lesquels l’éloignement des éoliennes, sur terre ou sur mer : le saccage de nos campagnes par des aérogénérateurs de plus en plus massifs ne peut continuer. Nos monuments historiques, notre littoral, notre ligne d’horizon constituent l’attrait touristique de nos territoires, du cadre de vie dont, je crois, nous sommes tous très fiers. À l’heure où la Chine développe des éoliennes offshore de 16 mégawatts de puissance et 270 mètres de haut, il est essentiel de mieux protéger notre patrimoine paysager, témoignage de notre belle histoire. Vous croyez nous rassurer en précisant que seul 1 % du territoire national serait planté d’éoliennes à la suite de l’adoption de ce texte : 1 %, c’est la surface d’un département, cinquante fois celle de Paris – une perspective effrayante !
Un autre point de négociation aurait pu être le rôle des élus, qui doit être renforcé. Vous nous proposez de définir des zones d’accélération en accord avec les maires, mais leur définition et leur validation nécessiteront plusieurs mois, voire des années de procédure. Pendant ce temps, et en attendant leur entrée en vigueur, des milliers d’éoliennes continueront d’être installées tous azimuts, sans aucun droit de regard des conseils municipaux. Vous ne souhaitez pas modifier le code de l’environnement pour entendre la voix des territoires ; nous continuerons quant à nous de la porter pendant les discussions qui commencent ce soir.
Dans ces conditions, et pour toutes ces raisons, nous aborderons l’examen du texte avec beaucoup de vigilance, notamment s’agissant de sa principale mesure : l’instauration, sans attendre la mise en place des zones d’accélération en concertation avec les conseils municipaux, de la fameuse raison impérative d’intérêt public majeur. Il ne s’agit là rien de moins que d’écraser le droit commun, et accessoirement la faune et la flore, au profit d’une industrie largement étrangère pour remplir des objectifs injustes et sans lien avec le climat. Eh oui ! Il a raison ! Pour le groupe Les Républicains, le vrai intérêt public majeur, c’est de réindustrialiser la France, mes chers collègues : accélérons la relocalisation du textile, de l’automobile, de la sidérurgie, de l’industrie made in France . Réindustrialiser la France, c’est éviter le carbone induit par la production de pays très en retard en termes d’empreinte carbone. Vous devez entendre nos arguments, madame la ministre, et ne pas franchir ces lignes rouges si vous souhaitez recueillir notre soutien sur ce texte. Dans le cas contraire, vous assumerez la responsabilité de la colère des Français qui se rendent compte de l’impasse dans laquelle notre pays est plongé par de telles politiques, motivées par une idéologie qui nous a déjà conduits à l’échec. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) La parole est à M. Bruno Millienne. Nous nous retrouvons aujourd’hui pour étudier l’un des textes les plus importants de cette législature, et je suis très fier d’être devant vous pour le défendre. C’est un texte ambitieux, qui prouve la volonté de notre majorité de travailler avec tous ceux qui veulent honnêtement préparer notre pays pour atteindre nos objectifs climatiques. Les défis sont immenses et notre retard déjà très important.
Nous n’avons pas le choix. Est-il utile de rappeler pourquoi ? D’abord parce que même si nous consommons moins d’énergie à l’avenir, nous aurons besoin – cela a déjà été rappelé – d’environ 60 % d’électricité en plus d’ici à 2050 par rapport à aujourd’hui. Parce qu’en outre, le nucléaire ne suffira pas. Faire sortir de terre des centrales nucléaires prend du temps, beaucoup de temps. Or, dans le même temps, douze réacteurs arriveront en fin de vie en 2035. Nous n’aurons donc pas le temps nécessaire pour satisfaire nos besoins en électricité avec du nucléaire seulement. Car le nucléaire coûte cher, très cher : près de 52 milliards d’euros pour la construction de six EPR 2 sur une durée de vingt-cinq ans. De plus, un scénario 100 % nucléaire se heurterait à un problème de faisabilité technologique et industrielle : selon la filière elle-même, il existe une sorte de plafond, pour les capacités industrielles, de quatorze réacteurs nucléaires nouveaux à l’horizon 2050. Surtout après dix ans de pause ! L’heure est donc à l’action, à un grand coup d’accélérateur aux projets d’énergies renouvelables en France : les 80 premières éoliennes en mer voient à peine le jour en France, alors que 5 700 tournent déjà en Europe. L’Europe… Certains nous diront qu’elle est une des raisons de nos maux. Pourtant, les propositions populistes et europhobes soutenant une sortie de la France du marché européen de l’énergie ne sont ni viables ni soutenables, nous le savons tous. C’est ce que demande le Medef ! Le Portugal est-il europhobe ? Je ne me souviens pas avoir entendu cette critique lorsque la France était exportatrice nette. Sortir de ce marché ne nous permettrait pas plus de garantir notre approvisionnement énergétique. Le réformer oui, en sortir, non.
L’unique solution est de produire plus d’énergie sur notre sol. Nous travaillons sur ce texte depuis plusieurs semaines avec tous ceux qui partagent ce constat et qui, comme nous au groupe Démocrate, souhaitent accélérer nos procédures d’implantation. Aujourd’hui, il faut cinq ans pour construire un parc solaire et sept ans pour un parc éolien – dix ans lorsqu’il est en mer –, alors qu’il ne faut pas plus de trois ans dans les pays scandinaves, malgré la crise du covid. Cela, chers collègues, nous ne pouvons nous y résoudre.
Les sénateurs ont largement enrichi le texte, pour le voter à la quasi-unanimité. En effet, pour adapter nos modes de vie au dérèglement climatique et préserver ainsi la qualité de vie de nos enfants, un consensus peut vite être trouvé. J’en appelle donc ici solennellement à nos collègues du groupe Les Républicains : si vous ne voulez pas passer pour des anti-énergies renouvelables, comme vous semblez le craindre, emboîtez le pas à vos collègues sénateurs et construisez avec nous ce texte, en responsabilité. Je ne doute pas, d’ailleurs, que les mille et quelques amendements déposés par votre groupe y contribueront pleinement. Tout dépend de leur sort. Je tiens aussi à souligner la qualité des débats que nous avons eus en commission. Ils ont été apaisés et constructifs avec l’ensemble des groupes politiques, grâce à l’engagement et à l’esprit de coconstruction de nos quatre rapporteurs, que je salue ici, mais également grâce à l’investissement et au sérieux de notre ministre, qui peut se targuer d’un travail transpartisan de qualité. J’ose espérer que cet esprit perdurera dans les débats en séance publique, où le regain de visibilité a malheureusement parfois tendance à exacerber la volonté de certains de tout conflictualiser. De grâce, gardons l’esprit constructif qui a prévalu en commission ! Oublions pour un temps, sur ce texte qui engage l’avenir de nos enfants, la politique spectacle qui abîme tant notre institution.
Je pense notamment, à cet égard, au dispositif de planification territoriale, enjeu central de ce texte et réacteur de la réussite d’un projet. Si nous considérons que le droit de veto des maires proposé par les sénateurs n’était pas la solution, nous souhaitons néanmoins placer les élus locaux au cœur du dispositif. Nous soutiendrons donc la proposition d’une conférence territoriale réunissant maires et présidents d’établissement public de coopération intercommunale (EPCI), au sein de laquelle seront définies l’ensemble des zones d’accélération préalablement identifiées par les communes pour implanter les projets d’énergies renouvelables. Aucune commune ne pourra se voir imposer une zone qu’elle n’aura pas identifiée préalablement.
Je tiens également à préciser que notre groupe défendra le rétablissement de l’article 4, c’est-à-dire la reconnaissance de la raison d’intérêt public majeur pour certains projets d’énergies renouvelables. Cependant, nous resterons bien sûr ouverts à une nouvelle rédaction qui permettra peut-être de répondre aux préoccupations de certains, tout en respectant les objectifs du texte.
Autre enjeu central sur lequel le groupe Démocrate est particulièrement engagé : l’agrivoltaïsme. Nous en proposerons une définition plus claire et un encadrement plus strict, pour permettre le déploiement des énergies renouvelables sur les surfaces agricoles sans menacer la production agricole. Nous nous assurerons de la non-artificialisation des sols et de l’effective réversibilité des installations agrivoltaïques, en imposant des garanties financières. Nous proposons que ces projets puissent être portés par des agriculteurs exclusivement.
Enfin, le texte doit permettre à chaque citoyen de se saisir de ces enjeux. C’est pourquoi nous saluons, et poursuivrons en séance, le travail visant à diversifier au maximum nos sources de production. Méthanisation, géothermie, hydrogène, réseaux de chaleur et de froid : il faut accélérer partout où cela est possible. Il faut également promouvoir l’autoconsommation en simplifiant les démarches, pour faciliter la création de sociétés de projets, par exemple.
Il est rare de pouvoir se targuer d’avoir travaillé sur un texte de cette importance, un texte qui marque une inflexion non pas pour le quinquennat à venir mais pour des décennies. Il y a de cela près de quarante ans, nos prédécesseurs ont défini la politique énergétique de notre pays, et nous bénéficions encore aujourd’hui de ses retombées positives. Nous avons la même responsabilité aujourd’hui. C’est une responsabilité non seulement vis-à-vis de nous-mêmes mais aussi vis-à-vis de nos enfants, de notre pays et de l’Europe. Pensons au bien commun, dépassons nos clivages habituels et votons ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs du groupe RE.) La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel. Le groupe Socialistes et apparentés s’était montré particulièrement critique sur le contenu du projet de loi relatif à l’accélération des énergies renouvelables qui lui avait été présenté en août dernier. Je ne reviendrai pas sur l’inversion de calendrier entre les différents textes ou échéances ayant trait à l’énergie dans l’année à venir : projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, projet de loi visant à accélérer la construction de nouveaux réacteurs nucléaires, réforme d’EDF, PPE… Nous en avons longuement parlé mais avouez, madame la ministre, qu’il est difficile de définir à l’aveugle les outils de mise en œuvre d’une programmation.
D’autre part, la sobriété est la grande oubliée alors qu’elle doit être au cœur de nos politiques énergétiques, au même titre que les énergies renouvelables. Le texte lui-même ne comportait aucune mesure de planification territoriale, condition même du succès de l’accélération, aucune mesure ou presque concernant le développement de l’énergie solaire sur des surfaces déjà artificialisées, et rien non plus sur la chaleur renouvelable ou l’hydroélectricité – alors même que l’augmentation de puissance des ouvrages existants n’est pas encore effective, trois ans après la loi « énergie-climat » qui la rendait possible. Qu’attendons-nous ?
Il y a dans ce projet de loi un certain nombre de simplifications et de coordinations utiles, notamment pour l’éolien en mer, et d’autres mesures dont l’utilité est plus discutable, comme le Sénat l’a lui-même souligné. Sur les délais de procédure, par exemple, nous ne devons pas légiférer aux seules fins de placer une rustine pour cacher le problème central et majeur qu’est l’insuffisance des moyens de l’État dans les territoires pour instruire les projets d’une part et les recours d’autre part. L’arrêt des suppressions de postes prévu dans le PLF pour 2023 met fin à l’hémorragie, madame la ministre, mais il ne redonne pas aux Dreal, aux DDT et à la justice administrative des moyens suffisants, au niveau de l’ambition que nous avons pour le développement des énergies renouvelables.
Le Sénat a largement contribué à améliorer ce projet de loi, en lien avec le Gouvernement, et un commencement de résolution a pu y être trouvé en réponse à nombre de nos critiques, notamment sur la planification territoriale. Le Sénat a également su faire face aux enjeux et s’extraire de certaines propositions caricaturales qui furent parfois les siennes sur ces sujets – je pense en particulier au droit de veto que les maires, pour le plus grand nombre, ne demandent pas.
Vous avez souhaité, madame la ministre, préparer l’examen de ce texte dans notre assemblée en inaugurant une nouvelle méthode de travail et en tendant la main à tous les groupes, notamment ceux de l’opposition. Depuis que la Première ministre a annoncé cette nouvelle méthode en juillet dernier, ses propos ont souvent sonné creux. Avec vous, cependant, nous avons trouvé un dialogue véritable, exigeant, parfois compliqué mais constructif et dont nous pensons qu’il a permis à chacun d’évoluer sur ce texte. Ces derniers jours encore, en lien avec le cabinet de la Première ministre, nous avons œuvré à la recherche de solutions. Si nous devons attendre l’issue des débats pour établir un bilan, nous saluons déjà cet état d’esprit. Bravo ! Celui-ci est également partagé par nos rapporteurs, avec qui nous avons eu de nombreux échanges et dont nous voulons, malgré les divergences qui subsistent, saluer le travail.
Sur le fond du projet de loi, nous avons fait évoluer positivement les dispositions de planification territoriale. Comme nous l’avons proposé, les zonages partiront des territoires, des communes elles-mêmes, avant d’être établis au niveau intercommunal et dans les schémas départementaux. Ceux-ci s’appuieront sur les Scot lorsqu’ils existent ou, à défaut, sur le résultat d’un dialogue territorial entre l’État et les EPCI. Ces zones seront respectueuses des choix des territoires tout en étant conformes aux objectifs territorialisés de la programmation pluriannuelle de l’énergie ; elles seront annexées aux documents d’urbanisme pertinents selon les territoires. Nous souhaitons toujours que les zonages puissent devenir pleinement opposables à terme, et nous défendrons des propositions visant à favoriser le fléchage des projets vers ces zones, notamment avec la modulation tarifaire.
En commission, nous avons souligné la nécessité de développer des filières industrielles françaises pour accompagner la massification. Elles seront source d’emplois et de souveraineté énergétique. Si nous accélérons le développement des énergies renouvelables en accroissant notre dépendance, nous aurons raté notre objectif. Nous proposons d’utiliser le vecteur de la commande publique par le biais des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et en accélérant l’entrée en vigueur de l’article 35 de la loi « climat et résilience » pour favoriser les équipements français et européens. Nous avons entendu les propos tenus hier sur France Inter par le ministre délégué chargé de l’industrie, Roland Lescure, qui allaient dans ce sens, et nous avons retravaillé nos propositions depuis l’examen du texte en commission. Nous ne doutons pas que nous pourrons aboutir sur ce sujet avec votre soutien.
Nous avons également formulé des propositions pour libérer des potentiels qui nous semblent avoir été oubliés par ce texte. C’est le cas notamment du réseau de Voies navigables de France (VNF), qui, à l’exemple du réseau concédé à la Compagnie nationale du Rhône, dispose d’un potentiel certain de développement des énergies renouvelables. Nous proposerons donc que des objectifs de production d’énergies renouvelables, en lien avec la PPE et son potentiel fluvial et domanial, soient définis par VNF et mis en œuvre selon une stratégie pluriannuelle. L’établissement public y est prêt et les investisseurs institutionnels également.
Pour ce qui est des outre-mer, nous avons proposé d’en faire des territoires 100 % énergies renouvelables.
Lors des débats en commission, nous avions identifié deux points durs qui demeurent dans le texte et qui font encore obstacle à un vote favorable de notre part. Car notre ambition est bien d’améliorer toujours plus ce projet de loi afin de pouvoir le voter presque comme le nôtre.
La première ligne rouge est la question du solaire au sol, en particulier en zone agricole. Nous pensons que le photovoltaïque doit d’abord être développé dans des zones artificialisées et avons fait des propositions en la matière en commission. Nous avons ainsi obtenu que le niveau de couverture des toitures des nouveaux bâtiments tertiaires soit porté de 50 % à 60 % de leur surface – même si nous estimons qu’il doit être possible de faire mieux – et nous proposons de faire des zones d’activité économique des zones prioritaires de développement des énergies renouvelables.
La définition du solaire au sol en zone agricole, proposée en commission à l’article 11 decies , aurait permis à ces projets de se développer sans entrave. Nos sous-amendements adoptés en commission, qui ont durci la définition de cette activité, ont marqué un premier pas, qui reste cependant insatisfaisant. Les nombreuses sollicitations d’énergéticiens reçues entre-temps nous ont confortés dans notre analyse. Nous avons poursuivi nos débats sur la question ces derniers jours et avons formulé une proposition de rédaction de nature à permettre de trouver un accord. Très bien ! Notre deuxième ligne rouge est la question du partage de la valeur. Nous l’avons dit, celle-ci doit profiter aux territoires sans remettre en cause le principe cardinal de la péréquation tarifaire. L’accueil d’installations de production d’énergies renouvelables n’est pas une charge impliquant une indemnisation, mais une contribution à un effort national qui justifie des retombées positives.
À cet égard, nous sommes totalement opposés à une forme de retour, notamment aux particuliers, par une remise sur la facture d’électricité. Ce mécanisme serait source de jalousies et de conflits de voisinage entre les habitants – parfois d’une même rue, selon les modalités du zonage – et, in fine , cela se ferait au détriment des projets. De plus, le coût d’un tel système serait intégré aux charges de service public, donc supporté par les autres contribuables. Nous avons senti en commission que la majorité était également divisée sur ce point, qui reste pour nous une difficulté très importante.
Nous sommes pour une solution alternative, celle d’un fonds qui permettrait de financer des projets de rénovation énergétique, d’adaptation au changement climatique et de lutte contre la précarité énergétique, ledit fonds étant financé par les porteurs de projets par l’intermédiaire des collectivités locales du bloc communal. Cela doit permettre de faire le lien entre production d’énergie, sobriété et justice sociale, dans un équilibre établi en fonction des priorités de chaque territoire, mais aussi de favoriser l’acceptabilité des projets.
Si l’équilibre des autres dispositions de ce projet de loi est maintenu ou amélioré et si nous trouvons une résolution sur les deux points que j’ai évoqués, nous voterons ce texte. Nous avons été transparents sur nos intentions, madame la ministre, nous avons participé loyalement aux échanges depuis plusieurs semaines et nous croyons à la réalité de cette coconstruction – un modèle dont nous devrions nous inspirer pour d’autres textes à venir. En transformant cet essai, permettez-nous de voter votre texte, qui deviendrait ainsi notre texte : cela dépendra de l’issue des débats, qui résultera elle-même en partie de l’écoute que vous saurez nous accorder. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe RE.) La parole est à M. Vincent Thiébaut. En 2002, Jacques Chirac déclarait : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. » Aujourd’hui, la réalité s’impose à nous et nous ne pouvons plus, nous ne devons plus regarder ailleurs. La maison de la droite, elle, a bien brûlé ! Depuis plusieurs mois, nos concitoyens et concitoyennes vivent une période difficile : inflation, guerre en Ukraine, augmentation du prix de l’énergie, du gaz et du pétrole, difficultés d’approvisionnement en fioul. Ces événements sont incontestablement source d’inquiétudes et nous obligent à agir vite.
Agir vite, d’abord, car notre consommation d’énergie finale dépend toujours aux deux tiers d’une énergie fossile produite par des puissances étrangères. Au vu du contexte actuel, il devient urgent d’atteindre et de garantir notre indépendance et notre autonomie énergétiques : il y va de notre souveraineté économique et politique.
Agir vite, ensuite, car il nous faut prendre nos responsabilités en matière énergétique : la lutte contre le dérèglement climatique doit incontestablement être le défi de notre siècle.
Agir vite, enfin, car il n’existe pas de solution miracle : le nucléaire ne saurait être l’unique recours, mais le 100 % énergies renouvelables n’est pas atteignable non plus. Nous devons donc adopter une approche posée, pragmatique et qui tienne compte de l’enjeu essentiel consistant à fournir de l’énergie aux générations futures en France, tout en assurant notre souveraineté.
Le projet de loi relatif à l’accélération des énergies renouvelables s’inscrit dans cette dynamique. Ce texte doit se comprendre comme une première réponse aux défis auxquels nous faisons face aujourd’hui. Une réponse en matière d’accélération, d’abord, avec la réduction des délais de délivrance de l’autorisation des projets d’énergies renouvelables et la simplification des procédures. En matière de diversification, de déploiement massif et de planification ensuite, mais aussi et surtout en matière de partage de la valeur et de respect de nos territoires. Car, nous en sommes convaincus, c’est en écoutant les acteurs de nos territoires que nous parviendrons à devenir la première grande nation à sortir – ou du moins à tendre à le faire – des énergies fossiles. Il me semble d’ailleurs que cette volonté d’écoute et de partage de la valeur a été l’une des priorités de notre travail en commission, dans un esprit transpartisan.
À ce titre, je tiens à remercier, au nom du groupe Horizons et apparentés, l’ensemble des rapporteurs pour leur implication, leur engagement, leur écoute et leur considération lors de l’examen du texte en commission. Je remercie également Mme la ministre, qui a procédé à de nombreuses consultations. Avec 181 amendements adoptés en commission du développement durable et 176 en commission des affaires économiques, le texte que nous examinons aujourd’hui est, sans aucun doute, le fruit de discussions parfois animées, mais toujours bienveillantes et fertiles.
Le groupe Horizons et apparentés a participé au renforcement de l’ambition de ce texte de loi lors de son examen en commission. Notre groupe a proposé des amendements, défendus notamment par Henri Alfandari, rapporteur de la commission des affaires économiques, pour renforcer le rôle des élus locaux, en particulier des maires, dans la planification et la territorialisation du déploiement des énergies renouvelables.
Dans une optique de partage de la valeur, nous défendrons en séance des amendements visant à inciter économiquement au déploiement des énergies renouvelables au travers des crédits carbone, mais aussi de dispositifs ciblés de soutien à l’implantation de projets dans les zonages prioritaires définis à l’article 3.
Pour assurer un meilleur partage des retombées fiscales des projets éoliens offshore, nous soutenons une affectation d’une part de la valeur aux intercommunalités de la façade maritime, et non seulement aux communes de bord de mer, qui ne sont pas les seules à subir les conséquences de ces projets.
Pour développer les projets d’énergie solaire, nous soutiendrons un amendement visant à lever les obstacles à ces projets sur les terrains ou les ouvrages relevant d’une activité de gestion de l’eau, de l’assainissement ou des eaux pluviales urbaines.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, ce projet de loi est un texte d’avenir, en faveur duquel le groupe Horizons et apparentés est pleinement engagé. Il a pour objectif d’assurer à la France une énergie souveraine, compétitive et décarbonée, et de permettre à l’ensemble de nos concitoyennes et concitoyens de se chauffer, de cuisiner et de se déplacer. Il constituera également une véritable opportunité économique pour notre pays, car les énergies renouvelables représentent plusieurs dizaines de milliards de recettes pour l’État. Les énergies renouvelables sont une chance pour nos territoires et pour la compétitivité de nos entreprises, mais aussi et surtout pour les générations d’aujourd’hui et de demain. Dommage que M. Tanguy ne soit plus là pour entendre cela ! J’espère que les débats que nous aurons en séance seront fructueux et que nous réussirons à raisonner en dehors des positions dogmatiques et idéologiques parfois fondées sur de simples considérations esthétiques. Pour ma part, je ne sais pas s’il est préférable d’avoir au fond de son jardin une éolienne ou une centrale nucléaire – je vous en laisse juges –,… Il faut les deux ! …mais je plaide en faveur d’une approche pragmatique : en effet, si nous pouvons parfois prévoir l’avenir, nous devons toujours le permettre.
Pour toutes ces raisons, le groupe Horizons et apparentés votera en faveur de ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs du groupe RE.) La parole est à M. Charles Fournier. Nous, écologistes, attendions depuis longtemps un texte sur les énergies renouvelables, qui constituent pour nous l’un des trois piliers d’une politique énergétique efficace, écologique et socialement juste. Ces trois piliers, ce sont une sobriété énergétique pour réduire nos consommations et le gaspillage ; l’efficacité énergétique à tous les niveaux pour optimiser nos consommations, et une trajectoire 100 % énergies renouvelables pour produire une énergie propre et mettre fin à la dépendance aux énergies fossiles.
Nous, écologistes, attendions un texte pour rattraper le retard de la France en matière de déploiement des énergies renouvelables. En 2020, elles n’ont représenté que 19 % de la consommation finale contre les 23 % qui étaient prévus, ce qui fait de la France le seul pays européen à ne pas avoir atteint ses objectifs en la matière. Si nous avions atteint nos objectifs, nous aurions fait des économies majeures et nous disposerions aujourd’hui d’une production équivalente à quatre fois celle produite par Fessenheim, ce qui nous permettrait d’aborder l’hiver dans une situation totalement différente de celle que nous connaissons. Oui, nous serions encore plus dépendants des autres pays ! Pour passer l’hiver sans problème, il aurait surtout fallu ne pas abandonner le nucléaire ! Les énergies renouvelables devraient rapporter à l’État 31 milliards en 2022 et 2023, ce qui constitue une ressource absolument indispensable dans la période que nous traversons. N’en déplaise à certains, la France doit augmenter massivement et très rapidement sa production d’énergie renouvelable. Tous les scénarios existants, même ceux qui font la part belle au nucléaire, prévoient une part d’énergies renouvelables – nous n’avons pas le choix. Mais quel message envoyons-nous à nos compatriotes, qui redoutent des coupures d’électricité cet hiver parce que nous risquons de manquer d’énergie ? Certains disent que la réponse se trouve dans le nucléaire, mais c’est faux. Aujourd’hui, la production est à 48 % de ses capacités – notez bien ce chiffre, qui montre que le nucléaire bat des records de faiblesse. Parce que nous avons désinvesti ! Certains disent que le nucléaire nous rendra notre souveraineté, c’est également faux. Si nous sommes indépendants à 52 % selon la statistique française globale, nous ne le sommes qu’à 12 % en tenant compte de l’origine du combustible nucléaire, car nous sommes très dépendants de l’Ouzbékistan et du Kazakhstan pour ce qui est de l’approvisionnement en uranium.
Nous considérons donc que le nucléaire n’est pas la solution, qui est plutôt à rechercher du côté de la sobriété et des énergies renouvelables. Nous pensons aujourd’hui de manière séparée nos productions et nos consommations. Nous devons absolument envisager notre production en fonction d’une consommation totalement maîtrisée, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui.
Pour ce qui est du texte, il partait selon nous d’un mauvais diagnostic, qui mettait tout notre retard en matière d’énergies renouvelables sur le dos des procédures administratives et du code de l’environnement. Oui, il faut sans doute simplifier les procédures, mais ce n’est pas parce que nous allons nous attaquer au code de l’environnement que nous allons résoudre le problème !
Le vrai diagnostic était ailleurs, notre retard résultant avant tout d’une absence de clarté politique et des tergiversations sans fin sur la trajectoire énergétique de la France. Nous allons avoir un texte de méthode, sans connaître l’ambition et le cap dont notre pays devrait se doter, et cela explique, comme l’ont dit plusieurs de mes collègues, le calendrier fragmenté et peu compréhensible qui rend difficile notre exercice.
Nos difficultés sont également imputables à l’absence de planification descendante et ascendante, c’est-à-dire d’une vision nationale déclinée dans les territoires, mais aussi d’une participation des territoires à la définition de cette planification dont nous manquons cruellement aujourd’hui. Nous manquons de moyens humains au sein des administrations de l’État, mais également auprès des collectivités, en matière d’ingénierie, pour accompagner toutes les transformations qui sont nécessaires. Si nous avions disposé d’une planification, nous aurions déterminé les moyens à mettre en œuvre et aurions pu maintenir la trajectoire que nous nous étions fixée.
La dernière chose à nous avoir fait défaut, c’est un cadrage public du déploiement des énergies renouvelables. C’est la dimension libérale qui l’a emporté dans nos territoires, c’est la compétition, la concurrence qui a pris le dessus.
Nous n’avons pas non plus suffisamment réfléchi au partage de la valeur, une question essentielle – j’y reviendrai – pour que les énergies renouvelables ne soient pas simplement acceptées, mais désirées par nos concitoyens.
Nous avons abordé ce texte avec cinq principes. Je viens d’évoquer le premier, celui de la planification ascendante et descendante, qui doit associer les territoires et les collectivités, mais pas simplement en la personne des maires : tous les élus et les habitants, mais aussi l’ensemble des parties prenantes, notamment les entreprises et les associations, tout le monde doit être autour de la table afin d’aboutir à une vision partagée de cette planification.
Notre deuxième principe est qu’il n’y a pas à choisir entre la biodiversité et les énergies renouvelables. Ces deux enjeux sont d’égale importance. Dans les choix effectués jusqu’à présent, c’est toujours la biodiversité qui a trinqué ; ces temps-ci, on trouve, dans l’hémicycle, de nouveaux amis opportunistes de la biodiversité qui la défendent pour s’opposer à certaines énergies renouvelables mais qui, sur d’autres sujets, la fouleront aux pieds en choisissant davantage d’artificialisation. Défendre la biodiversité, c’est aussi défendre notre souveraineté alimentaire. C’est un enjeu majeur qu’il faudra considérer quand nous parlerons d’agrivoltaïsme.
Le troisième point est qu’il faut d’abord développer les énergies renouvelables sur les terrains artificialisés. Il existe un potentiel important : les délaissés routiers et ferroviaires, les parkings, les toits… Très juste ! Nous sommes d’accord. L’Europe nous a assigné une ambition : d’ici à 2025, l’ensemble des bâtiments commerciaux et publics devront être couverts de panneaux solaires ; pour les bâtiments résidentiels, l’échéance est fixée à 2029. Pourquoi la repousser ? Nous souhaitons que le texte soit beaucoup plus ambitieux.
Le quatrième point est le partage de la valeur. Ce dernier repose sur trois piliers.
Le premier est le partage par l’impôt. De ce point de vue, il est urgent d’envisager une réforme de l’Ifer – imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau – dans le sens d’une meilleure répartition et d’un taux renforcé, pour que la redistribution se fasse par les services publics.
Le deuxième repose sur l’économie et les emplois. Malheureusement, nous sommes actuellement dépendants car nous ne savons pas fabriquer de cellules photovoltaïques et parce que nous n’assurons pas dans les territoires les activités de maintenance liées au secteur éolien, lesquelles représentent de nombreux emplois ; avec 80 000 à 90 000 emplois seulement, nous sommes loin du compte. Si nous voulons qu’il y ait un désir d’énergies renouvelables, il faut que le partage de la valeur se fasse par la reterritorialisation des emplois liés à cette activité.
Enfin, le partage de la valeur passe par les contributions volontaires, lesquelles doivent, à nos yeux, être collectives. Nous refusons la redistribution individuelle, sorte de dédommagement qui serait versé à nos concitoyens, les énergies renouvelables étant vues comme un problème. Nous visons un partage collectif fléché vers les collectivités pour avancer sur la transition écologique et la biodiversité. De plus, nous restons sur l’idée de deux fonds plutôt que d’un fonds fusionné ; cela nous paraît plus pertinent.
À ce stade, nous nous félicitons de certaines avancées réalisées s’agissant de la planification et du rôle des territoires. Le dialogue a été nourri ; toutefois, il manque deux aspects à cette planification. D’abord, il faut encourager la concertation et l’implication des citoyens : puisque nous allons faire des zones, il faut porter celles-ci à leur connaissance pour que chacun dispose d’une vision de la transition énergétique dans les territoires. Ensuite, les zones doivent être réellement incitatives : il y faut tous les leviers pour que cela se passe là et pas ailleurs ; c’est à ce prix-là que cela fonctionnera. Les mécanismes actuels sont insuffisants pour rendre les zones totalement déterminantes dans l’organisation de la planification.
Nous notons aussi des progrès en matière de modulation tarifaire, qui permet de mieux répartir les énergies renouvelables dans les territoires. C’était une revendication ancienne, qui nous avait toujours été refusée : pour résumer, quand on accepte d’aller dans des zones un peu moins rentables, on bénéficie d’un complément de rémunération ou d’un tarif de rachat encourageant.
Nous avons également retenu que les autorisations de projets tiendront compte de l’effet de saturation, grâce à un amendement de ma collègue Delphine Batho qui permet de tenir compte des territoires qui ont le sentiment d’avoir fait leur part, contrairement à d’autres.
Un observatoire des énergies renouvelables est indispensable pour suivre l’état d’avancement du déploiement des énergies renouvelables. En effet, tout le monde parle de potentiel, mais sans jamais dire où il est exactement. Nous regrettons que, dans la proposition formulée par le Gouvernement, cet observatoire se restreigne à la question de la biodiversité ; pour nous, il doit avoir des ambitions plus larges. Nous y reviendrons au cours des débats.
Par ailleurs, la suppression de l’article 4 du code de l’environnement a été agitée comme un frein au développement ; pour nous, cette vision est abusive. Si les énergies renouvelables sont d’intérêt général – et il n’y a aucun doute sur le sujet –, chaque projet n’est pas d’intérêt public majeur. Je vous donne un exemple : en Nouvelle-Aquitaine, le projet Horizeo prévoit de supprimer 1 000 hectares de forêts pour installer des panneaux photovoltaïques. Ce projet n’est pas d’intérêt public majeur. Au contraire, il porte gravement atteinte à la biodiversité. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES et GDR-NUPES.) Très bien ! Soulignons enfin l’avancée dans l’approche des conflits autour des énergies renouvelables. Nous avions proposé la création d’un médiateur, idée qui a été reprise dans le texte. Il nous semble plus intéressant de passer par la médiation que de judiciariser tous les conflits. Un médiateur a déjà été nommé à titre expérimental sur l’hydroélectricité en Occitanie ; étendons le dispositif à l’ensemble des énergies renouvelables.
Malgré tout, plusieurs points ne sont pas réglés à ce stade.
Il faut aller beaucoup plus loin sur le potentiel d’énergies renouvelables dans les zones déjà artificialisées. Nous regrettons que l’article 11 ter ait été supprimé et que nos amendements concernant les bâtiments publics, les bâtiments privés et les logements sociaux aient été rejetés.
Il y a également le sujet de l’agrivoltaïsme et du photovoltaïque au sol, que je mets l’un à côté de l’autre. Nous sommes en train d’inventer une nouvelle activité : quand on met du solaire sur les parkings, on ne parle pas de parkingvoltaïsme, mais étonnamment, pour l’agriculture, on invente une nouvelle notion… Nous voyons ainsi apparaître des projets alibi : plus de 150 hectares d’énergie renouvelable avec quelques moutons, et cela devient de l’agrivoltaïsme. Non ! Il faut que les règles soient extrêmement claires. Le texte propose des avancées, mais il faut aller beaucoup plus loin. Nous sommes opposés au photovoltaïque au sol, pratique qui ne coûte pas cher mais qui est très préjudiciable à la biodiversité comme à notre souveraineté alimentaire.
J’ai indiqué précédemment, au sujet du partage de la valeur, que nous étions opposés à la ristourne individuelle. Nous avons proposé des avancées et des évolutions sur l’Ifer ; il faudra lancer un groupe de travail sur le sujet. Cela n’apparaît pas dans le texte, mais il est indispensable de revisiter cette redistribution par l’impôt concernant les énergies renouvelables.
De plus, il y a la question cruciale des filières économiques et des emplois, sur laquelle le texte ne propose pas ou peu de progrès. Quelques amendements ont ouvert le chantier, mais celui-ci reste plein et entier. Il n’y aura pas de réussite, pas d’acceptation des énergies renouvelables, pas de désir, s’il n’y a pas d’activité économique, d’emplois et d’énergies renouvelables made in France.
Enfin, il y a la question de l’encadrement public des développeurs d’énergies renouvelables. Nous proposons de créer un agrément pour les développeurs afin d’éviter les margoulins, dont les pratiques tout à fait détestables sont vécues comme insupportables par nos concitoyens. Nous suggérons aussi de développer le modèle coopératif avec les communautés locales d’énergie, qui sont une façon d’engager à la fois la puissance publique et nos concitoyens dans la réussite des projets.
Nous avons eu plusieurs échanges ; vous avez ouvert la porte et nous espérons qu’elle ne se refermera pas. Eu égard au chemin parcouru par le texte, avec des plus et des moins, nous resterons très attentifs au cours des débats à venir. Nous ne sommes pas à l’abri de mauvaises ni de bonnes surprises. Les surprises seront bonnes ! Mais, disons-le, pour nous, tout ne se joue pas avec ce texte. Il serait inconcevable de l’essentialiser en décrétant que nous sommes en l’an zéro des énergies renouvelables. Nous n’avons pas avancé. Il faut reconnaître ce qui n’a pas été fait et pourquoi nous en sommes là. Il faudra une loi de programmation ambitieuse ; il faudra une planification et les moyens qui vont avec ; il faudra renforcer les services de l’État ; il faudra une ambition pour l’appropriation collective de la transition énergétique. C’est indispensable pour réussir. J’assistais, ce matin, à l’un des débats organisés avec la Commission nationale du débat public (CNDP). Il n’y avait pas beaucoup de monde, c’était un débat un peu discret. Il me semble qu’il nous faut un temps de concertation beaucoup plus fort que celui qui s’amorce aujourd’hui pour permettre une articulation efficace avec les enjeux de sobriété et le développement des filières concernées. Ne faisons pas jouer à ce texte un rôle si essentiel qu’il justifierait les errements du passé et les renoncements que nous avons déjà connus et qui pourraient se reproduire. Nous souhaitons qu’il soit un bon texte de méthode ; nous y avons travaillé avec sérieux et nous continuerons de le faire. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES, SOC et GDR-NUPES ainsi que sur les bancs des commissions. – M. Jean-Louis Bricout et Mme Laurence Maillart-Méhaignerie applaudissent également.) La parole est à M. Hubert Wulfranc. Les lignes rouges en matière de politique énergétique de notre pays, vous les avez franchies. Elles vous ont été clairement rappelées par mon collègue Sébastien Jumel, au nom des députés communistes et du groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES. Nous avons une vision diamétralement opposée à la trajectoire libérale que vous avez conduite jusqu’à présent et dont nous retrouvons la logique dans ce texte.
L’horizon d’un mix énergétique où le nucléaire et les énergies renouvelables jouent tout leur rôle est acté. Pour notre part, nous l’avons fait dès 2015, mais nous contestons la pente de dérégulation et de fragmentation de la production énergétique qui est à l’œuvre depuis l’ouverture du marché de l’énergie à la concurrence et la casse du monopole d’EDF. (MM. Sébastien Jumel et Marcellin Nadeau applaudissent.) C’est dans un contexte de crise sans précédent, où votre politique est clairement pointée du doigt, que vous prétendez, dans l’urgence, poser quelques briques mal équarries pour endiguer contre vents et marées les conséquences dévastatrices d’une livraison clefs en mains au privé d’un bien de première nécessité : l’électricité. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES. – M. François Cormier-Bouligeon applaudit également.)
Dès lors, l’horizon d’un mix énergétique souhaitable devient source d’incertitude majeure. Car ce texte, comme ceux qui vont suivre – dans le désordre, d’ailleurs –, dessine un bouleversement profond du rapport que nos concitoyens auront avec l’énergie. Ils vont vivre l’électricité, le gaz, leur production et leur consommation d’une tout autre manière. Derrière les mots « accélération », « acceptabilité », voire « désirabilité », il y a les réalités de la vie : le prix de la facture de ce bien de première nécessité ; le territoire dans lequel on vit, on habite, on travaille ; le paysage et le vivant qui nous entourent. Excellent ! Il a raison ! Or, empêtrés dans vos contradictions, vous n’éclairez pas le débat sur les énergies renouvelables en indiquant les conséquences ni les prolongements attendus des décisions législatives proposées. Pas moins de treize rapports, dont ceux que nous avons demandés, figurent dans ce texte ; c’est un fait dont vous n’êtes pas coutumiers. Ils traiteront d’enjeux financiers,