XVIe législature
Session ordinaire de 2022-2023

Séance du lundi 13 mars 2023

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes (nos 762, 917).
La parole est à Mme la ministre de la transition énergétique. Après la promulgation, vendredi, de la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, voici venu le temps de vous prononcer sur le deuxième pilier de la stratégie du Gouvernement en matière de transition énergétique, consacré à la relance de notre filière nucléaire. Ces deux textes ont pour point commun de répondre à une seule et même ambition : faire de la France le premier grand pays industriel à sortir de sa dépendance aux énergies fossiles, et avoir la main sur notre destin énergétique.
Cette ambition doit être notre seule boussole et guider notre action dans la période difficile que vivent nos concitoyens. Cette période est celle d’une crise énergétique, qui tire ses origines d’un conflit aux portes de l’Europe, et celle d’une crise climatique, qui a provoqué des mégafeux, des inondations, des sécheresses et des records de chaleur l’été dernier, et qui menace déjà l’été à venir.
Mettre fin à l’utilisation du gaz, du pétrole et du charbon : voilà le combat de notre siècle. C’est le seul combat qui vaille, tant pour des raisons climatiques et de concorde sociale, que pour des raisons d’indépendance économique, et donc politique. C’est le seul combat qui vaille pour convertir les énergies fossiles, qui représentent les deux tiers de notre mix énergétique, en énergies décarbonées.
Ce combat doit reposer sur la science et ne doit pas laisser la place aux croyances ni à l’idéologie dogmatique. Il ne doit laisser aucune place à ceux qui veulent nous entraîner dans l’opposition stérile entre énergies renouvelables et énergie nucléaire. Ce combat n’est ni de droite ni de gauche. Je le répète, il est le combat de notre temps – le temps de l’écologie. Oui, maîtriser nos émissions de gaz à effet de serre constitue le combat écologique de ce siècle.
Accélérer les énergies renouvelables, c’est être écologiste. Relancer notre filière nucléaire, c’est être écologiste. Car comment peut-on se dire écologiste en préférant les énergies fossiles aux énergies décarbonées ?
Elle a raison ! Comment se dire écologiste lorsqu’on ne vote pas le texte accélérant le déploiement des énergies renouvelables, lorsqu’on répète ad nauseam que le nucléaire émet plus de carbone que l’éolien ou le photovoltaïque,… Eh oui ! …lorsqu’on vante le modèle allemand qui repose sur le charbon, lorsqu’on refuse les conclusions des experts du Giec – Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat – et du Haut Conseil pour le climat (HCC), lesquelles soulignent que le nucléaire est l’un de nos leviers pour lutter contre le réchauffement climatique ? (Mme Sophia Chikirou s’exclame.)
Or lorsqu’on parle d’énergie, la culture scientifique doit être entendue. Ainsi est-ce bien sur la science que s’appuie la stratégie énergétique du Président de la République, énoncée à Belfort. Celle-ci repose sur trois indissociables piliers, chers à la Première ministre, à la majorité et à moi-même.
Il s’agit d’abord de la réduction de la consommation d’énergie, ce qui passe par la sobriété et l’efficacité énergétiques.
Il n’y a pas eu de projet de loi sur cette question ! Si nous voulons atteindre la neutralité carbone, les experts de RTE – Réseau de transport d’électricité – nous le disent, nous devrons réduire de 40 % notre consommation d’énergie d’ici à 2050. Et si on commençait par là ? Le plan de sobriété que j’ai présenté en octobre dernier constitue la première brique de cette trajectoire de long terme. Grâce à la mobilisation des grandes entreprises, des grandes collectivités et des grandes administrations, et plus largement des Françaises et des Français, ce plan a permis à notre pays de réduire de 10 % sa consommation combinée de gaz et d’électricité cet hiver, ce qui équivaut à la production de sept réacteurs nucléaires. Et les prix ? Nous avons su faire en trois mois ce que notre pays, en dépit de certaines lois, n’a pas su faire en trente ans.
Par ailleurs, notre stratégie énergétique repose sur l’augmentation massive et durable de notre production d’énergie décarbonée. Dans ce domaine, je l’ai dit, nous n’avons pas le luxe du dogmatisme. Nous devons accélérer la production de toutes les énergies décarbonées disponibles, dès lors qu’elles sont compatibles avec notre indépendance énergétique et qu’elles contribuent à fournir à nos concitoyens une énergie abondante et abordable.
Notre stratégie implique donc de développer massivement les énergies renouvelables et de relancer l’énergie nucléaire. Sur ce point, assumons de l’affirmer sans détour, notre pays a un lien historique avec la technologie nucléaire, lien qui est le fruit d’une volonté politique forte et ambitieuse : celle du général de Gaulle et de ses successeurs.
On est en 2023 ! On peut aussi avoir de la mémoire ! C’est bien dans cet héritage politique que s’inscrit le programme de relance nucléaire défendu par le Président de la République. Vous n’aimez pas le général de Gaulle ! Des activistes comme Zion Lights, ancienne figure d’Extinction Rebellion, ou Greta Thunberg reconnaissent l’importance du nucléaire pour sortir des énergies fossiles. Et des personnalités politiques comme Alexandria Ocasio-Cortez vantent la filière française de recyclage nucléaire. Il n’y a pas beaucoup d’arguments de fond ! Plus de 75 % des Français se disent favorables à la relance du nucléaire – adhésion qui est plus forte encore chez les citoyens qui habitent à proximité des réacteurs. C’est parce qu’ils ne savent pas ! Si, ils savent très bien ! Certains de nos partenaires européens affichent désormais une stratégie similaire à la nôtre. La Suède, les Pays-Bas, la République tchèque ou encore la Roumanie, pour ne citer que ces pays, ont manifesté le souhait de se doter de nouvelles capacités de production nucléaire, ou de prolonger l’utilisation de leurs capacités nucléaires existantes. J’ai d’ailleurs lancé, avec onze de mes homologues européens, une alliance européenne du nucléaire afin de renforcer nos coopérations et de conforter notre autonomie stratégique dans ce secteur. Cette alliance vise à insister sur l’importance du nucléaire pour la réalisation de nos objectifs climatiques et pour la sécurité énergétique de notre continent : c’est absolument stratégique étant donné que l’avenir du nucléaire se joue aussi au niveau européen.
Nous avons remporté une première bataille s’agissant de la taxonomie européenne et nous devons remporter la deuxième qui se joue cette semaine avec la proposition de règlement pour une industrie à zéro émission nette. Vous pouvez compter sur ma détermination pour défendre cette position auprès de mes homologues.
Très bien ! Avec ce projet de loi, que j’ai l’honneur de présenter, notre objectif est d’anticiper et d’être prêts si, après les concertations, les débats publics et les débats parlementaires qui s’imposent, nous décidions d’avancer dans l’application du nouveau programme nucléaire français.
Celui-ci s’inscrit dans la droite ligne de notre action depuis le début du premier quinquennat.
Ah bon ? Macron avait pourtant dit qu’il fallait réduire la part du nucléaire ! Dès 2018, nous avons commandé à EDF une étude sur un nouveau programme nucléaire. En 2019, nous avons commandé à RTE une étude sur notre futur énergétique. Nous avons mobilisé les filières de l’amont à l’aval avec le plan de relance et le plan France 2030. Nous avons mené une concertation sur notre mix énergétique. Nous avons lancé le débat public sur les nouveaux réacteurs, placé sous l’égide de la CNDP – Commission nationale du débat public. Sans parler du Conseil de politique nucléaire, que préside le chef de l’État. Tout est fait avec ordre et dans l’ordre… Vous avez court-circuité la CNDP ! …pour que la décision définitive que nous prenons soit la plus éclairée, la plus concertée et la mieux préparée possible.
J’ai entendu de nombreuses approximations lors de nos débats en commission des affaires économiques. Il est d’abord inexact et malhonnête de prétendre que le Gouvernement enjamberait le débat public avec ce projet de loi.
C’est la CNDP qui le dit ! Deux débats publics relatifs, d’une part, à la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et, d’autre part, à la construction de nouveaux EPR 2 – réacteurs pressurisés européens de deuxième génération –, se sont déroulés sous l’égide de la CNDP et sont désormais achevés. Ce n’est pas vrai ! J’avais d’ailleurs personnellement convié chacun des membres de la commission des affaires économiques et de celle du développement durable et de l’aménagement du territoire à la conclusion de la concertation sur le mix énergétique lors d’un forum qui a réuni 200 jeunes de tout le pays tirés au sort. Mesdames et messieurs les députés de l’opposition, alors que vous ne cessez de réclamer davantage de débat public, je note que pas un seul d’entre vous ne nous a fait l’honneur de sa présence, excepté ceux de la majorité, notamment M. le président Kasbarian. N’importe quoi ! Excellent président ! Des questions ont été posées par les participants de ces débats sur la technologie nucléaire la plus pertinente, sur les coûts du programme, sur la gestion des déchets et sur la disponibilité des compétences. Nous devons leur apporter des réponses, et nous y travaillons : c’est notre responsabilité. C’est pourquoi j’ai lancé une revue du nouveau programme nucléaire, qui nous permettra, d’ici à la fin de l’été, de connaître les coûts actualisés, et de disposer d’une évaluation des choix technologiques, d’un état des lieux industriel de la filière et d’un bilan sur les besoins en compétences. Une revue des contrats avec la Russie également ? Il n’en demeure pas moins que nous assumons de défendre un projet de relance du nucléaire, car la raison d’être d’un débat public est justement de débattre d’un projet clairement identifié.
Au-delà de son caractère technique, ce texte reflète aussi notre ambition politique pour la filière du nucléaire : en l’occurrence celle d’une grande aventure scientifique, industrielle et humaine, qui rassemblera des hommes et des femmes, des industries et des savoir-faire au service d’un projet national stratégique. C’est un projet pour renouer avec l’esprit de la France des bâtisseurs, un projet pour la fierté de notre pays.
Je puis d’ailleurs témoigner que c’était bien de la fierté que j’ai vue dans les yeux des salariés de Framatome au Creusot et des jeunes qui y suivent une formation grâce aux bourses d’étude lancées par le plan France relance lorsque j’ai annoncé la relocalisation d’un atelier industriel pour la fabrication de pièces critiques des futurs réacteurs.
Avec ce projet de loi, ce n’est ni plus ni moins que le fil de la plus grande aventure industrielle française depuis les années 1970 que nous renouons. Ce texte est une brique technique au service d’une ambition politique assumée.
L’adoption de plus de 170 amendements en commission a permis d’améliorer la rédaction du texte, tout en maintenant son objectif d’améliorer l’efficacité des procédures. Je tiens à remercier Mme la rapporteure, Maud Bregeon, Mme la rapporteure pour avis, Christine Decodts, ainsi que M. le président de la commission des affaires économiques, Guillaume Kasbarian, et M. le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, Jean-Marc Zulesi, pour leur travail précieux sur ce texte.
Ce travail en commission a permis de retirer du texte tous les objectifs programmatiques qui n’y ont pas leur place. À cet égard, la position du Gouvernement est très claire : ni plancher, ni plafond. Nous devons envoyer un signal à notre filière, qui a trop longtemps souffert de recevoir des injonctions contradictoires, sachant que ces objectifs programmatiques seront discutés dans les prochains mois, dans le cadre de l’examen de la première loi de programmation sur l’énergie et le climat (LPEC).
Ce texte renforcera également la sûreté. Je tiens à être très claire et très ferme sur ce point : l’accélération de la production d’énergie nucléaire ne se fera pas au détriment de la sûreté de nos installations présentes et futures.
Vous retirez donc vos amendements ? Contrairement à ce qu’on peut entendre, le projet de loi ne touche pas à une seule virgule de nos procédures de sûreté nucléaire. C’est vous qui créez le doute ! Vous ne voulez pas écouter l’orateur ? L’oratrice ! Alors que la charge de travail est appelée à croître, il est proposé d’élargir les missions de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) – qui peut être contre ? et de réunir, comme elles le sont au Canada ou aux États-Unis, ses compétences et celles de l’IRSN – Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire – sous le statut protecteur d’autorité administrative indépendante. Voilà la réalité de ce projet de loi ! De cette manière, l’ASN deviendrait la deuxième autorité de sûreté au monde en termes de moyens humains et financiers, et ce avec une crédibilité scientifique que je souhaite intacte. Tout le monde y est opposé ! À cet égard, je considère comme parfaitement légitime la volonté de renforcer le contrôle du Parlement et de l’Opecst – Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques – sur le Gouvernement dans la conduite de la réforme. Je donnerai donc un avis favorable aux amendements déposés en ce sens par le groupe Démocrate (MODEM et indépendants) et par M. le député Fugit.
Le projet de loi devra également garantir la ligne rouge que j’ai fixée en matière de transparence de notre système de sûreté, grâce à un amendement du groupe Renaissance que présentera la rapporteure, et renforcer l’attractivité des métiers. Le Gouvernement était d’ailleurs favorable à un amendement relatif au recrutement des personnels de recherche, mais il a malheureusement été déclaré irrecevable.
Ainsi ce texte est-il le deuxième texte énergétique à être soumis au Parlement en trois mois, ce qui témoigne de la détermination du Gouvernement et de la majorité de construire ensemble l’avenir énergétique de notre pays ; de notre détermination à mettre fin à notre dépendance aux énergies fossiles vis-à-vis de puissances étrangères parfois hostiles, grâce à la production d’énergies décarbonées sur notre territoire ; de notre détermination à répondre aux enjeux de pouvoir d’achat des Français et de compétitivité des entreprises ;…
Ce sont nos impôts qui paieront le nucléaire ! …et enfin de notre détermination, toujours avec la majorité, à faire de la France un grand pays énergétique, souverain dans les technologies qu’il emploie et capable de les exporter. Car la France, j’en ai la conviction profonde, est une grande nation nucléaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.) La parole est à Mme Maud Bregeon, rapporteure de la commission des affaires économiques. Il y a un peu plus d’un an, le discours de Belfort du Président de la République dressait les ambitions de la majorité présidentielle en matière de nucléaire. L’heure est venue de concrétiser ensemble ces engagements en actes. L’objectif est simple : accélérer la relance du nucléaire et la construction de nouveaux réacteurs, sans consentir à aucun compromis sur la sûreté. Avec ce texte, nous assumons pleinement notre ambition pour cette filière, là où d’autres voudraient en sortir à tout prix.
Je commencerai par là.
Nous supprimons – enfin ! – le plafond qui limite la part du nucléaire à 50 % dans le mix électrique et la limite de capacité installée ; deux dispositions introduites sous le quinquennat de François Hollande pour affaiblir la filière, sur la base de considérations idéologiques et sur fond d’accord politicien avec les Verts. Pourtant, le nucléaire est une part de notre histoire nationale qu’aucun président de la Ve République, de droite comme de gauche, n’avait alors remise en cause. Chacun, et c’est tout à leur honneur, avait préservé ce fleuron industriel et le consensus national qui l’entourait.
C’est dans un contexte assez similaire à celui d’aujourd’hui – prix de l’énergie qui s’envolent, besoins majeurs d’électrification à assouvir, choix industriels forts – qu’il y a environ cinquante ans, la France prenait ce virage. Le 6 mars 1974, Pierre Messmer annonçait, au 20 heures de l’ORTF (Office de radiodiffusion télévision française), la construction du parc électronucléaire. Celui-ci produit encore aujourd’hui près de 70 % de notre électricité. Pourtant, et j’en ai bien conscience, on touche là à un sujet qui suscite des positions très antagonistes…
Parce que, depuis, on a appris des choses ! …que je respecte et que je peux parfois comprendre, à condition qu’elles s’appuient sur des arguments fondés et étayés. Mais comment ne pas déplorer que, chez certains, les croyances aient, peu à peu, pris le pas sur la science ? Tchernobyl, ce n’est pas de la croyance. Force est de constater que, parfois, tous les arguments sont bons, peu importent les faits, tant qu’ils servent le dogme antinucléaire. Pourtant, notre politique énergétique et écologique doit répondre à des considérations objectives
Nous connaissons l’impact de la sortie du nucléaire : les résultats sont sans appel. Il suffit d’observer nos voisins. Il reste en Allemagne 40 gigawatts de charbon, soit l’équivalent des deux tiers de notre parc nucléaire…
Nous sommes en France, pas en Allemagne ! …et nos voisins viennent d’annoncer le doublement de leur capacité en gaz, avec des impacts climatiques évidents. Vous êtes mal placé pour donner des bons points en matière d’écologie. Ma conviction, au fond, c’est que les vrais écologistes aujourd’hui sont pronucléaires. Les Français l’ont d’ailleurs bien compris puisque, dans une large majorité, ils soutiennent désormais cette énergie. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Écolo-NUPES.) C’est ça le modèle ! Le solaire, l’éolien, sur terre comme en mer, l’hydraulique et le développement des capacités des stations de transfert d’énergie par pompage (Step) : toutes ces formes de production d’énergie sont nécessaires pour relever le défi du climat. S’opposer au développement de l’une d’entre elles serait incohérent et irresponsable alors que les énergies fossiles représentent 60 % de l’énergie consommée en France et 85 % dans le monde.
Pour en revenir au cœur technique du projet de loi, la première partie du texte crée des dispositions temporaires pour accélérer le renouvellement de notre parc historique. Si certains délais sont évidemment justifiés, tels que ceux de l’instruction de l’autorisation de création, sur lequel ce texte ne revient pas, d’autres peuvent être résorbés. La construction de réacteurs électronucléaires est doublement encadrée à l’article 1er : d’une part, dans l’espace, ces dispositions ne valant que pour les réacteurs installés à proximité d’installations existantes ; d’autre part, dans le temps, ces mesures n’étant applicables que pour une durée limitée de vingt ans, délai sur lequel nous avons trouvé un accord avec le Sénat.
Comme dans d’autres secteurs, nous avons, depuis plusieurs années, suradditionné les contraintes administratives et juridiques.
Cela s’appelle des normes et cela sert à protéger les populations ! Il est temps de se donner les moyens de nos ambitions. À titre d’exemple, l’article 2 accélère la procédure de mise en compatibilité de documents d’urbanisme avec les projets de construction, tout en associant les collectivités. L’article 3 intègre le contrôle de la conformité aux règles d’urbanisme des nouveaux réacteurs à l’autorisation environnementale, permettant ainsi de supprimer l’étape des autorisations d’urbanisme, au profit d’un contrôle global et rigoureux par l’autorité environnementale. L’article 4, une des dispositions les plus importantes du texte, permet de commencer les travaux hors îlot nucléaire dès la délivrance de l’autorisation environnementale. Cette anticipation, qui ne concerne pas le cœur de l’installation et les systèmes de sûreté, permettra au maître d’ouvrage de prendre de l’avance sur certaines étapes du chemin critique du planning, donc de limiter les risques de retard en cascade.
La seconde partie du projet de loi porte, quant à elle, sur les installations nucléaires existantes et intègre ni plus ni moins que des mesures de bon sens. Je pense notamment à l’article 10, qui supprime la mise à l’arrêt automatique d’une installation nucléaire de base lorsqu’elle n’a pas fonctionné depuis deux ans.
Quand une voiture n’a pas fonctionné pendant deux ans, elle doit passer le contrôle technique. La mise à l’arrêt automatique n’a pas de sens si l’exploitant souhaite redémarrer l’installation, mais doit, à la suite d’incidents, prolonger la durée de l’arrêt, comme cela est arrivé à Bugey ou à Paluel. Ce n’est pas à un gouvernement, quel qu’il soit, de juger de la sûreté d’une installation ni de sa capacité à produire en fonctionnement normal. Très bien ! Les amendements du Gouvernement votés en commission nous donnerons l’occasion d’avoir le débat sur le rapprochement de l’ASN et de l’IRSN. Ne parlez pas de rapprochement. Il s’agit d’un démantèlement ! J’entends les interrogations légitimes d’une partie de cette assemblée. Nous y avons répondu en commission… Non ! Nous n’avons reçu aucune réponse ! …et nous continuerons à le faire dans cet hémicycle. Il est simplement proposé de réunir des compétences essentielles à la sûreté au sein d’une autorité indépendante, ce que n’est pas l’IRSN aujourd’hui. Je l’ai dit en commission : depuis sa création, aucun grief ne peut être retenu contre l’ASN sur sa gestion rigoureuse de la sûreté. Ni contre l’IRSN ! L’ASN a démontré que la sûreté primait sur tout le reste, y compris sur la production. C’est ainsi qu’elle a pu exiger la mise à l’arrêt temporaire des réacteurs, malgré l’impact de cette décision sur l’équilibre du réseau ou sur les prix de marché. Les exemples ne manquent pas : renforcement de la digue du Tricastin, exigences sismiques à Cruas, traitement de la ségrégation carbone sur le parc en 2019, portage du niveau de sûreté des réacteurs de deuxième génération au plus près de ceux de troisième génération. Les faits parlent d’eux-mêmes. Et les fissures, on en parle ? On en parlera après.
Mes exigences, tant comme rapporteure que comme ancienne ingénieure du secteur, demeurent inchangées : faire ce qu’il y a de mieux pour garantir l’excellence et l’indépendance de la filière de sûreté. C’est précisément ce que prévoit la réforme.
L’autocongratulation, c’est pas mal ! Enfin, et comme j’ai l’habitude de le faire quand je m’exprime sur ce sujet, je terminerai en disant qu’une stratégie énergétique ne se résume pas à des mégawatts et à des règles d’exploitation. Ce qui fait notre fierté, ce sont avant tout des femmes et des hommes : ceux-là même à qui l’on doit d’avoir pu passer l’hiver et qui travaillent dur sur les chantiers de maintenance pour produire l’électricité qui nous alimente tous. Eh oui ! Alors écoutez les salariés de l’IRSN ! La filière a été construite au lendemain de la seconde guerre mondiale, sous la houlette de Marcel Paul, et dont le but était avant tout de pouvoir fournir du courant et de l’énergie au plus grand nombre. Le nucléaire, comme le service public de l’électricité… La maîtrise publique ! …n’est ni de droite ni de gauche. C’est un savoir-faire français mondialement reconnu, défendu, depuis des décennies, par des générations d’ouvriers, de techniciens et d’ingénieurs, et que tout député sincèrement attaché au climat, à notre souveraineté énergétique et au pouvoir d’achat devrait défendre au sein de cette assemblée. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. Exclamations sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.) Vous n’y croyez pas vous-même ! On démantèle l’IRSN avec le sourire ! La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
Chers collègues, seul M. Guillaume Kasbarian a la parole.
Depuis 2017, notre majorité agit pour renouer durablement avec la croissance, le plein emploi et la réindustrialisation du pays. Pour atteindre ces objectifs économiques, la mère des batailles, c’est celle de l’énergie. Notre pays doit être capable de produire plus d’électricité décarbonée, grâce au renouvelable et grâce au nucléaire – en même temps !
Alors que la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables vient d’être promulguée, le 10 mars, nous débutons aujourd’hui l’examen du projet de loi permettant d’accélérer la construction de nouvelles installations nucléaires.
Je souhaite, à cet égard, saluer le formidable travail de notre excellente rapporteure Maud Bregeon, lors des auditions et pendant les dix-sept heures où notre commission des affaires économiques a siégé.
Dix-sept heures pour le nucléaire ! Le nucléaire repose sur un savoir-faire français qui a fait notre fierté des années 1970 aux années 2000. Toutefois, depuis lors, la stratégie énergétique de notre pays a connu quelques errements, bien illustrés par les auditions menées par la commission d’enquête en cours visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France. Je salue les travaux de cette commission, ainsi que son rapporteur, M. Antoine Armand et son président, M. Raphaël Schellenberger. Pourquoi ne pas avoir attendu la conclusion de ses travaux ? Pour éviter de reproduire les erreurs du passé, il faut que les travaux du nouveau nucléaire, annoncés par le Président de la République dans le discours de Belfort en février 2022, puissent se dérouler dans un calendrier libéré d’embûches administratives. Cela s’appelle la sécurité nucléaire ! C’est exactement l’objet de ce projet de loi : accélérer, accélérer, accélérer (Exclamations sur les bancs du groupe Écolo-NUPES) , notamment pour gagner deux ans dans le calendrier de réalisation des trois premières paires d’EPR.
Chers collègues, je sais que vous avez du mal avec l’accélération. Vous n’avez pas voté le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables et vous n’allez pas voter celui-ci, relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires. Nous avons compris que vous ne souhaitiez pas accélérer !
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.) Ils sont pour la décélération ! En votant ce texte, vous donnez toutes les chances à notre pays de réussir à mettre en service les prochains réacteurs dès 2035. Le retour d’expérience de la construction de l’EPR de Flamanville 3 – Stéphane Travert en parlera probablement – a mis en lumière plusieurs pistes d’amélioration. Vraiment ? En premier lieu, les difficultés techniques ont établi la nécessité de recruter et former dans des métiers spécialisés à haute valeur ajoutée. C’est un chantier qui a déjà débuté, ce qu’a illustré la première semaine des métiers du nucléaire la semaine dernière. Combien de millions supplémentaires ? En même temps, Flamanville a montré l’enjeu de l’organisation logistique des travaux et du bon déroulement de la maîtrise d’œuvre, qui a engendré plusieurs retards dans les premières années de ce chantier. Sur des projets aussi colossaux, l’échéancement des travaux doit être pensé avec précision.
L’article 4 du projet de loi permettra, dès la délivrance de l’autorisation environnementale, dont la demande devrait être déposée par EDF à la fin du premier semestre de cette année pour Penly 3, de démarrer les travaux préparatoires d’aménagement des terrains. Ce démarrage anticipé pourrait permettre, par rapport au droit actuel, de gagner dix-huit mois. La construction des bâtiments de l’îlot nucléaire pourrait commencer après la délivrance de l’autorisation de création d’une installation nucléaire, dont l’instruction prend entre trois et cinq ans et dont la demande sera déposée en même temps que celle de l’autorisation environnementale. Le premier béton nucléaire pourrait donc être coulé, selon les estimations, au premier semestre 2027.
Excellent ! Voilà ce qui vous importe : couler le béton pour que l’installation puisse être inaugurée par le prince Macron ! Pour les paires de réacteurs ultérieures, l’article 2 permettrait un gain de temps sur les procédures administratives de l’ordre de six mois, en accélérant la procédure de mise en compatibilité des documents d’urbanisme avec le projet, tout en garantissant l’association des collectivités concernées. Il s’agit de processus extrêmement lourds et complexes, qui impliquent des milliers d’acteurs, et nous nous réjouissons que le texte contribue à la fois à la simplification administrative et à la sécurisation du chemin critique des projets. Le fameux chemin critique ! Il en va ainsi de la suppression de l’autorisation d’urbanisme, fusionnée avec l’autorisation environnementale à l’article 3 du texte.
Ces mesures prises dans leur ensemble, c’est-à-dire en englobant celles qui permettent de mieux sécuriser le parc existant – je pense à l’article 10 –, doivent nous permettre de conforter pour l’avenir la sécurité de notre approvisionnement électrique. C’est pourquoi je me réjouis de la large majorité trouvée en commission des affaires économiques pour voter ce texte, moyennant les évolutions importantes que nous avons adoptées, toujours dans le sens de la simplicité et de l’efficacité des procédures.
Sur les 543 amendements examinés en commission, nous en avons adopté un tiers, soit 172 amendements, de tous les bancs, dont 23 % ont été déposés par des membres de l’opposition. Nous avons conservé cinq des huit articles ajoutés au Sénat, ceux qui allaient dans le sens de la simplification et de l’efficacité. Nous en avons ajouté cinq, qui vont aussi dans ce sens. J’espère que nous saurons en séance publique continuer à enrichir et améliorer le texte en gardant à l’esprit nos objectifs.
Peut-être adopterez-vous un de nos amendements ! Comme je l’ai déjà affirmé en commission, je ne doute pas qu’il existe dans cet hémicycle une large majorité de députés qui n’ont pas le nucléaire honteux ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.)
J’ai reçu de M. Boris Vallaud et des membres du groupe Socialistes et apparentés (membre de l’intergroupe NUPES) une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel.
Enfin ! Mitterrand revient ! Jamais, depuis les chocs pétroliers de 1973 et 1979, les enjeux énergétiques n’auront pris une place si importante dans le débat public et le quotidien de nos concitoyens : des enjeux de sobriété et de décarbonation pour faire face aux défis de la transition écologique et de l’adaptation au changement climatique ; un enjeu de diversification pour gagner en résilience et retrouver une souveraineté, alors que la guerre en Ukraine a cruellement mis en lumière nos dépendances ; un enjeu de régulation, enfin, afin de relever tous ces défis en protégeant nos biens communs que sont la ressource en eau, les sols et notre biodiversité et en préservant le pouvoir d’achat des Françaises et des Français, la compétitivité de nos entreprises et les moyens de nos collectivités territoriales.
Depuis 2019, il est prévu qu’une vision holistique de ces défis et des solutions permettant de les relever soit définie dans un outil législatif, la loi de programmation sur l’énergie et le climat, que le Gouvernement doit déposer devant le Parlement au plus tard le 1er juillet 2023. Or le Gouvernement a choisi d’inverser l’ordre d’examen de ces questions et de les traiter en silo : nous avons ainsi débattu d’un plan de sobriété énergétique, puis d’un projet de loi sur les énergies renouvelables, avant d’en arriver à ce texte sur le nucléaire, qui sera suivi d’une loi de programmation.
Alors que l’électrification des usages fera augmenter la consommation électrique durant les vingt prochaines années, la sobriété constitue le premier pilier d’une stratégie énergétique cohérente. Durant l’examen du projet de loi de finances pour 2023, le groupe Socialistes et apparentés, comme les autres groupes de gauche, a proposé des investissements majeurs, à la hauteur des enjeux, pour la rénovation énergétique des bâtiments et le développement du réseau ferroviaire, qui auraient été financés par la taxation des superprofits et l’abandon de certains cadeaux fiscaux. Le Gouvernement les a rejetés et il a fallu compter sur le sens des responsabilités des Français pour constater, au moins cet hiver, une moindre consommation énergétique.
Le second pilier est celui de la diversification. Vous avez présenté à l’automne un projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables. Lors des débats sur ce texte, qui fut promulgué vendredi dernier, nous avions déjà formulé notre insatisfaction concernant cet ordonnancement législatif. Cependant, il est vrai que la France est déjà très en retard sur ses objectifs et engagements internationaux en la matière. C’est d’ailleurs le seul pays de l’Union européenne dans cette situation. De plus, quel que soit le scénario de mix énergétique retenu parmi ceux proposés par RTE dans le rapport Futurs énergétiques 2050, la production d’énergie solaire doit être multipliée au moins par sept et celle d’énergie éolienne terrestre au moins par deux et demi pour faire face à des besoins d’environ 750 térawattheures par an. Notre groupe a donc pris toute sa part dans le renforcement de ce texte, que nous avons voté.
Il en va cependant très différemment concernant la production électronucléaire. Sur les six scenarios de RTE, trois permettent d’atteindre la neutralité carbone en 2050, sans nouvelle installation nucléaire. Les trois autres envisagent, outre la prolongation du parc historique prévue dans cinq des six scenarios, un mix comptant entre 26 % de nucléaire, avec huit nouveaux réacteurs, et 50 % de nucléaire, avec quatorze nouveaux réacteurs et quelques SMR – petits réacteurs modulaires.
On comprend mieux ainsi nos débats en commission et le texte qui en résulte. Celui-ci conserve une partie des dispositions de programmation introduites par les sénateurs du groupe Les Républicains, parmi lesquelles la suppression de l’objectif de plafonner la part du nucléaire à 50 % de notre mix énergétique et l’évaluation des conséquences de la construction de quatorze réacteurs électronucléaires, prévue à l’article 1er D.
En décembre, le Gouvernement, comme les rapporteurs du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, avaient rejeté l’inclusion de dispositions de programmation dans ce dernier texte, afin de ne pas préempter le débat sur le projet de loi de programmation sur l’énergie et le climat prévu pour l’été. Nous avions donc retiré nos amendements.
Or vous avez adopté la position inverse lors de l’examen du présent texte en commission, en assumant la fixation d’un nouveau programme électronucléaire dans celui-ci. Pourquoi le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables n’a-t-il donc pas pu refléter notre vision, potentiellement différente de la vôtre ?
Pour nous, il faut viser un mix énergétique diversifié et composé à 100 % d’énergies renouvelables dès que possible, en adoptant une approche pragmatique, scientifiquement éclairée et en restant conscient des contraintes industrielles et humaines. À cet égard, au vu des retards pris dans le développement des énergies renouvelables et dans l’effort de sobriété, le scénario dans lequel nous aurions besoin de l’énergie nucléaire de transition fournie par la prolongation du parc existant pendant cinquante, voire soixante ans et par la construction d’un nombre à définir de nouveaux réacteurs électronucléaires devient de plus en plus certain. Toutefois, bien entendu, les décisions qu’il implique ne peuvent être prises qu’à partir d’une vision globale, en tenant compte de l’ensemble des énergies et dans le cadre de la loi de programmation.
Elles ne peuvent être prises qu’en tenant compte des interrogations légitimes que nous avons exprimées en commission sur notre capacité – ou plus précisément sur celle d’EDF – à mener à bien et de manière concomitante la conception et la construction de nouveaux réacteurs, le grand carénage pour prolonger le parc existant et une campagne de réparations de défauts majeurs de corrosion sous contrainte et de fatigue thermique dont les ramifications semblent s’étendre chaque semaine.
Au-delà des contraintes industrielles, disposerons-nous des moyens humains suffisants, en particulier pour les ouvriers spécialisés ? Bien peu a été fait pour satisfaire les besoins d’enseignement et de formation, y compris ceux liés au parc actuel. Quelle est votre stratégie pour gérer le combustible et les déchets de l’amont à l’aval, sans dépendre d’États comme la Russie ? Conservons-nous l’objectif d’enfouissement définitif en couche géologique profonde des déchets ultimes ? Vous défendez un nouveau programme électronucléaire avant que le Parlement n’ait pu débattre de toutes ces questions.
Nous avons déposé des amendements pour instaurer une réelle programmation stratégique sur le combustible et les déchets mais aussi pour développer les moyens humains, pas seulement dans le secteur nucléaire mais aussi pour l’ensemble de notre stratégie en matière d’énergie et de climat.
Vous avez préféré des amendements déposés par les membres du groupe Les Républicains et ceux de votre majorité qui ne considèrent le problème qu’en silo, sous le seul prisme nucléaire, car vous oubliez qu’entre votre future loi sur l’industrie verte, celle relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables et le présent texte sur les besoins du secteur nucléaire, les tensions sur les métiers, les compétences et les matières premières seront énormes et les ambitions en concurrence.
Votre revirement en matière de planification nous interroge sur le sort même de la loi de programmation sur l’énergie et le climat. Selon des bruits de plus en plus insistants, son examen serait reporté
sine die , les modifications apportées au présent texte en commission vous permettent de mener à bien votre projet pour l’énergie nucléaire en vous passant de celle-ci. J’espère que ce ne sont que des bruits.
Sans que vous l’admettiez, le présent projet de loi est calibré sur le scénario N03 de RTE prévoyant un mix composé de 50 % d’énergie nucléaire, grâce à quatorze nouveaux EPR et des SMR, et de 50 % d’énergies renouvelables.
Madame la ministre, prenez-vous l’engagement, au nom du Gouvernement et devant la représentation nationale, que le projet de loi de programmation sera bien déposé avant le 1er juillet 2023 et examiné avant la fin de cette année ? La confiance n’excluant pas le contrôle, nous défendrons un amendement visant à subordonner l’entrée en vigueur du présent texte à la promulgation de la LPEC.
Plusieurs dispositions de ce texte nous semblent poser des difficultés majeures d’un autre ordre. Vous avez réécrit l’article 5 afin de dispenser totalement les installations nucléaires de l’application de la loi relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, dite loi littoral, sans prévoir aucun objectif de limitation de l’artificialisation des sols, de préservation des écosystèmes et de compensation, contrairement à nos propositions.
Alors que le rapporteur des parties du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables concernant l’énergie solaire, M. Bothorel, nous avait permis de prendre le temps nécessaire pour trouver un équilibre entre préservation des terres agricoles et production d’énergies renouvelables, vous préférez, pour le nucléaire, la stratégie du bulldozer et nous le regrettons.
Je pourrai développer d’autres exemples, comme l’article 13, mais je souhaite m’arrêter sur des dispositions qui ne figuraient pas dans le texte initial, ni d’ailleurs dans celui examiné en séance publique par le Sénat. Il s’agit bien évidemment de la décision présidentielle de refonder l’organisation de la sûreté nucléaire dans notre pays, avec la fusion-absorption de l’IRSN par l’ASN.
Disons-le d’emblée, quoi qu’on puisse penser du projet sur le fond, annoncer en comité secret une réorganisation de la sûreté nucléaire au moment où l’opérateur doit faire valider la prolongation de l’exploitation du parc existant et potentiellement un nouveau programme n’est pas de nature à donner confiance aux Français dans la qualité et l’indépendance de ce contrôle. Le faire sans concertation, par amendement en cours de navette, sans étude d’impact et sans avis du Conseil d’État est par ailleurs, à l’égard du Parlement, un affront qui a été dénoncé même au sein de votre majorité ; il ne s’agit pas d’un amendement sur un taux de TVA réduit pour les courses hippiques, mais bien d’un sujet sensible aux conséquences majeures en cas de défaillance.
Sur le fond, nous ne prétendons pas qu’aucune amélioration de l’organisation de la sûreté nucléaire n’est possible – cela mérite bien sûr un débat. Toutefois, nous sommes dubitatifs, car vous justifiez cette réforme par un constat opposé à celui dressé par la Cour des comptes dans son référé de 2021 sur l’IRSN.
Ce n’est pas vrai ! En tout état de cause, il est impératif de maintenir une organisation assurant la séparation des missions d’expertise et de décision, indispensable à l’indépendance de la première. Seule la science doit fonder l’expertise. Il appartient ensuite au régulateur d’équilibrer ces prescriptions avec les contraintes économiques, industrielles et budgétaires lorsqu’il rend ses décisions. L’organisation duale de l’ASN et de l’IRSN apporte cette assurance, comme c’est le cas dans le domaine de la santé avec l’Anses – l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail – et l’Inrae – Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement –, qui ont signé le 3 mars une nouvelle convention quinquennale de collaboration. Cela prouve que les synergies que vous souhaitez entre l’ASN et l’IRSN sont possibles sans fusion.
Il est également essentiel pour la bonne information du public que les avis de l’expertise restent publiés indépendamment de ceux relatifs à la décision, afin que tous les éléments des arbitrages soient connus. Si vous avez heureusement abandonné le projet de transférer la recherche au CEA – le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives –, ce qui aurait lourdement affaibli l’expertise à terme, celle-ci demeurera la variable d’ajustement budgétaire d’une entité dont le volume des missions de contrôle va exploser. Enfin, vous n’avez apporté aucune information quant au devenir des activités économiques de l’IRSN, par exemple dans le domaine de la dosimétrie. Supprimons donc les articles 11
bis et 11 ter , ayons un débat public et une concertation véritable sur ce sujet majeur et proposez un nouveau dispositif dans le projet de loi de programmation sur l’énergie et le climat.
Madame la ministre, vous l’avez vous-même indiqué en commission : ce projet de rapprochement ne sera appliqué qu’après quinze à dix-huit mois de concertation. Pourquoi donc agir aujourd’hui, dans la précipitation ? En outre, en ne permettant pas de débat serein et sérieux sur celui-ci, vous renforcez l’idée selon laquelle le projet de loi de programmation ne verra jamais le jour.
Ainsi, le présent projet de loi, tel qu’adopté en commission, préempte le débat sur la loi de programmation sur l’énergie et le climat et entérine un scénario de relance du nucléaire pour que cette énergie représente 50 % du mix énergétique futur, sans débat d’ensemble. Il remet en cause, sans fondement apparent, l’organisation de la sûreté nucléaire en contournant les obligations constitutionnelles qui auraient permis d’éclairer le Parlement sur les conséquences de cette réforme. Enfin, il n’assure pas la proportionnalité entre les enjeux énergétiques et ceux de préservation de l’environnement à valeur constitutionnelle, au vu des atteintes à la loi « littoral » et de l’insuffisante prise en compte du changement climatique, notamment de la disponibilité de la ressource en eau.
Il y a donc lieu, dans l’attente de la présentation du projet de LPEC et puisque nous ne pouvons plus déposer de motion de renvoi en commission, d’opposer une motion de rejet préalable au présent texte de programmation de la construction de quatorze réacteurs électronucléaires et de réorganisation de la sûreté nucléaire.
(Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) Sur la motion de rejet préalable, je suis saisie par le groupe Renaissance d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme la ministre.
J’ai été fort surprise du dépôt d’une motion de rejet préalable par les membres du groupe Socialistes et apparentés sur un texte concernant le nucléaire, d’autant que je connais leur opinion positive de notre mix énergétique décarboné et du bras armé de notre politique énergétique, EDF. Même si EDF, ce n’est plus ce que c’était ! Madame la députée, vous vous interrogez sur le périmètre de ce texte, et demandez qu’il soit examiné pour ce qu’il est – un texte d’accélération des procédures administratives d’installation nucléaire. Je suis entièrement d’accord avec vous. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SOC.)
Le Gouvernement, la rapporteure et la majorité sont sur la même ligne que vous. Je n’ai cessé de le répéter au Sénat, où je rappelle que des objectifs programmatiques ont été introduits en commission, alors que le Gouvernement n’était pas représenté.
Ce texte n’est pas un texte de programmation énergétique, ce n’est pas la LPEC avant l’heure. J’ai défendu cette position au Sénat, comme en commission à l’Assemblée, pas plus tard que la semaine dernière. Je continuerai de la défendre dans cet hémicycle.
En commission, c’est d’ailleurs cette position qui a conduit le Gouvernement, Mme la rapporteure, la majorité et plusieurs groupes de l’opposition à soutenir des amendements de suppression des éléments programmatiques, en bénéficiant d’un consensus fort. Le symbole en est sans doute l’article 1er B, qui introduisait un plancher de 50 % de nucléaire dans le mix électrique : nous avons pris nos responsabilités en demandant sa suppression.
Vous évoquez la réintroduction du plafond de 50 %, supprimé par le Sénat. Mais cela revient précisément à réinscrire un objectif programmatique et à préempter les débats sur le futur projet de loi de programmation énergétique !
Bien vu ! La position du Gouvernement est claire : ni plancher, ni plafond. Il faut envoyer un signal à notre filière qui a longtemps souffert d’injonctions contradictoires. D’ailleurs, les travaux de la commission d’enquête présidée par Raphaël Schellenberger et dont Antoine Armand est le rapporteur… Vous n’attendez même pas ses conclusions pour faire passer votre projet de loi ! …nous rappellent combien certaines décisions passées ont pu s’apparenter à des coups d’arrêt. Le coup d’arrêt, c’est Fukushima ! C’est 2011 ! Ne reproduisons pas les erreurs du passé, reconnues par tous, sur tous les bancs.
S’agissant de la fusion entre l’IRSN et l’ASN, je le répète, il s’agit, ni plus ni moins, de regrouper deux entités publiques qui interviennent sur la même mission de service public sous la même bannière publique, qui se trouve être la plus protectrice en termes d’indépendance vis-à-vis du Gouvernement.
C’est faux ! Vous ne pouvez pas mentir de cette façon ! Vous déshonorez votre fonction ! Qu’aurait-on entendu si nous avions apporté l’ASN à l’IRSN ? Qu’aurait-on entendu si nous avions demandé à l’ASN de ne plus être une autorité administrative indépendante ? C’est grave ! Vous faites le jeu de l’extrême droite ! Contrairement à ce que vous insinuez, ce texte ne modifie pas une seule virgule de nos procédures de sûreté nucléaire. C’est grave ! Arrêtez de mentir ! Il faut dire la vérité aux Français : nous ne modifions pas une seule virgule de nos procédures de sûreté nucléaire, procédures et autorité reconnues internationalement et qui sont au travail… Vous ne connaissez pas le système si vous répondez cela ! Eh oh ! Madame la députée, si vous aviez l’amabilité de me laisser parler, vous constateriez que j’essaie de vous écouter et que je réponds à vos questions.
Je le répète une nouvelle fois, il s’agit de défendre l’excellence de notre sûreté nucléaire. C’est d’ailleurs ce qui amène l’ASN à formuler des demandes extrêmement fermes auprès d’EDF.
Quant à vos insinuations sur les fissures…
Ce ne sont pas des insinuations ! Ce sont des inquiétudes ! …il est aussi banal de découvrir des fissures de fatigue thermique sur une tuyauterie que de se rendre compte que des équipements vieillissent ! En outre, les pièces sont remplacées. Il faut faire attention à ne pas jeter le discrédit sur une filière d’excellence et sur 220 000 collaborateurs qui travaillent jour et nuit pour assurer notre résilience énergétique. Une filière d’excellence ? Elle est par terre ! C’est inconvenant et inapproprié après l’hiver que nous avons passé. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) Chers collègues, seule la ministre a la parole. Contrairement à ce que vous indiquez, le projet de loi seul ne contribuera pas à enrichir les missions de l’ASN ou à sécuriser le statut des agents de l’IRSN… Mais ils sont en grève ! Monsieur Tavel, madame Laernoes, s’il vous plaît. Demain, nous allons réfléchir à la nouvelle organisation, issue de la réforme, afin de trouver les meilleurs voies et moyens pour répondre à nos objectifs de sûreté et d’indépendance nucléaires. (Mme Christine Arrighi s’exclame.) Madame Arrighi, s’il vous plaît. Enfin, s’agissant des procédures, vous vous étonnez de l’absence de parallélisme avec les procédures prévues par la loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables. Mais il y a une bonne raison à cela : les raccordements existent pour les installations nucléaires et ce que nous faisons a donc beaucoup moins d’impact. À l’inverse – c’est la loi du genre –, les installations d’énergies renouvelables sont atomisées sur le territoire et toutes ne sont pas encore raccordées.
Cependant, notre objectif reste le même : accélérer le déploiement des énergies renouvelables et relancer le nucléaire au service de nos objectifs climatiques. Je pense donc être du côté de la cohérence politique en matière de lutte contre le changement climatique.
(Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
J’invite les députés à voter contre votre motion de censure, pardon, de rejet préalable.
(Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Sourires et exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.) Toujours en avance sur son temps, cette ministre ! Nous en arrivons aux explications de vote. (Brouhaha.)
La parole est à M. Gérard Leseul.
(M. Leseul fait signe qu’il n’a pas entendu.)
Vous avez raison, monsieur Leseul, on ne s’entend pas… Chers collègues, seul M. Leseul a la parole.
Madame la ministre, l’accélération que vous proposez ne doit pas conduire à la précipitation. Votre projet de loi se focalise sur la construction des EPR, sans poser la question plus large de la filière nucléaire, qui va de l’approvisionnement – avec l’uranium – à la production d’énergie et à la gestion des risques qui l’entoure, jusqu’à celle des déchets, dont les plus dangereux sont radioactifs pour des millions d’années. Exactement ! On ne peut restreindre le sujet du nucléaire à l’accélération des procédures de construction des EPR. En outre, cela laisserait penser que le débat est clos, et que la question du mix énergétique français est déjà tranchée avant l’examen de la loi de programmation sur l’énergie et le climat.
Par la voie précipitée d’amendements adoptés en commission, le projet de fusion entre l’IRSN et l’ASN est venu polluer le débat et nos sereines réflexions. C’est donc sans insinuation que nous dénonçons l’absence d’étude d’impact sur cette fusion, sans doute envisagée dans les bureaux de l’Élysée, l’absence d’avis du Conseil d’État, l’absence de présentation argumentée – que nous vous avions demandée – sur les avantages et les inconvénients d’une telle fusion, l’absence de prise en compte de l’avis des organisations syndicales et des travailleurs du nucléaire – que nous saluons pour leur sérieux
(Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC, LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES) –, l’absence d’avis des entités concernées.
C’est également pourquoi nous vous appelons, chers collègues, à voter pour cette motion de rejet de projet de loi non d’accélération, mais de précipitation.
(Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) La parole est à Mme Julie Laernoes. Nous contestons fortement l’opportunité de ce projet de loi car il va bien au-delà de son objet initial. En maintenant la suppression de nos objectifs de réduction de la part du nucléaire dans le mix énergétique, et en y inscrivant votre volonté de construire quatorze EPR, vous foulez du pied vos engagements de respecter le débat sur la programmation énergétique à venir. Vous devriez parler plus fort, on ne vous entend pas… De surcroît, vous piétinez les conclusions des débats publics qui viennent de s’achever. C’est profondément antidémocratique ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES et SOC.)
Vous nous mettez, comme nos concitoyens, devant le fait accompli. C’est inacceptable ! Vous nous demandez de débattre d’un texte actant, de force, une relance du nucléaire, alors que la filière va extrêmement mal : les piscines de déchets débordent, les opérateurs du nucléaire sont fragilisés par des déboires industriels en cascade, en France comme à l’étranger, et nos centrales vieillissent mal.
(Mme Perrine Goulet s’exclame.)
Pour preuve, la moitié du parc était à l’arrêt cet été…
Ah non ! Il était à l’arrêt pour contrôle préventif ! …et de nouvelles fissures, d’une ampleur inédite, ont été retrouvées sur d’autres réacteurs.
Vous misez tout sur la même case. C’est un pari technologique plus que risqué, que l’on ne sait même pas comment financer, puisque l’entreprise EDF est endettée à hauteur de 65 milliards d’euros, plus que France Télécom avant que celle-ci ne sabre dans deux tiers de ses effectifs. Et que dire de la robustesse des centrales face au changement climatique ? Vous vous accrochez à ce mantra quoi qu’il en coûte ; c’est totalement irresponsable !
(Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.)
Autre illustration de votre volonté de passage en force : vous profitez de cette loi pour démanteler de force l’IRSN avec l’aide de l’extrême droite…
Ouh ! Quand ils votent avec vous, ça ne vous dérange pas ! C’est ce même Rassemblement national qui propose de démanteler les éoliennes et de construire plus de vingt nouveaux réacteurs dans notre pays en treize ans alors qu’absolument tout le monde – industriels, scientifiques – estime que c’est impossible.
En outre, vous ne réfléchissez pas aux conséquences d’une telle fragilisation de notre modèle robuste de sûreté. C’est une fuite en avant extrêmement grave, irresponsable et dangereuse. Pour toutes ces raisons, le groupe Écologiste-NUPES votera avec force la motion de rejet préalable et invite tous les députés, qu’ils soient pour ou contre le nucléaire, à faire de même.
(Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES et LFI-NUPES.) La parole est à M. Sébastien Jumel. Certains des propos de notre collègue socialiste Battistel sont justes et légitimes et nous partageons certaines de ses analyses. C’est vrai, le Gouvernement s’y prend à l’envers. Nous l’avons déjà dit à plusieurs reprises : nous aurions souhaité un débat démocratique sur l’épaisseur du mix énergétique, sur son étendue, sur les enjeux stratégiques de politique énergétique, intégrant sobriété, économies d’énergie et structuration des filières.
Et le débat démocratique aurait dû précéder l’examen de ces projets de loi techniques, qui visent à atteindre ces objectifs.
Techniques ? C’est notre sentiment, celui des élus sur les bancs de gauche. D’ailleurs, cela aurait dû conduire nos collègues socialistes à ne pas voter la loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables puisqu’elle précédait le débat démocratique sur la programmation pluriannuelle de l’énergie.
Ce qui fait la richesse de la gauche, je le dis tranquillement, c’est sa diversité sur ce sujet – cette diversité va s’exprimer au cours de nos débats –, mais ce qui fait la cohérence de la gauche, c’est qu’elle réaffirme constamment son attachement à plusieurs principes.
Le premier, c’est que l’énergie doit échapper à la logique de marché. Or de nombreux gouvernements ont abîmé la maîtrise publique de l’énergie, et je leur en veux.
Le second, c’est qu’il faut veiller à ce que le niveau de sûreté et de sécurité nucléaires ne fasse pas débat. Or la fusion de l’IRSN avec l’ASN, qui tombe comme un cheveu sur la soupe, nous préoccupe et rouvre d’ailleurs la boîte de Pandore contenant les arguments de ceux qui s’opposent à la filière nucléaire.
(M. Julien Bayou applaudit.)
Nous souhaitons donc que le débat apporte des éclaircissements. C’est la raison pour laquelle, dans sa majorité, le groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES s’abstiendra sur cette motion.
(Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES. – Mme Sandrine Rousseau et Mme Marie Pochon applaudissent également.) La parole est à M. Benjamin Saint-Huile. Comme M. Jumel, le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires partage une partie du constat de Mme Battistel, et s’interroge sur le calendrier du Gouvernement, sur sa méthode et sur ses choix parfois surprenants, pour ne pas dire hasardeux. Nous aurons l’occasion d’en débattre et, peut-être sereinement, de lutter pied à pied contre les dispositions ajoutées par voie d’amendements, notamment sur la fusion de l’IRSN avec l’ASN. Madame la ministre, vous n’avez pas répondu à nos questions sur le sujet : pourquoi maintenant ? Pourquoi comme cela ? Quelles difficultés vous ont conduit à prendre cette décision ?
Néanmoins, notre groupe considère que le texte initial visant à l’accélération des procédures relatives aux installations nucléaires comporte des éléments intéressants, que nous souhaitons examiner.
C’est pourquoi nous plaidons pour que la discussion ait lieu, dans la diversité, mais aussi dans la construction d’un objectif partagé, sans revenir sur l’absence de loi de programmation, puisque nous aurons sans doute l’occasion de le faire à l’occasion de la discussion générale et des débats. Nous ne voterons donc pas la motion de rejet, même si nous partageons certains des objectifs évoqués par notre collègue.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.) La parole est à M. Antoine Armand. Chers collègues socialistes, devant votre volonté de rejeter en bloc, sans débat, ce projet de loi au motif que le Sénat aurait supprimé l’objectif de réduction à 50 % du nucléaire dans le mix électrique, on peut s’interroger. Éprouvez-vous la nostalgie du quinquennat de François Hollande en matière d’énergie nucléaire ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.) Mais rassurez-vous, chers collègues, même vos anciens camarades sont prêts à tourner la page. Vous n’avez pas compris nos arguments ! Il se trouve qu’en tant que rapporteur de la commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France, j’ai eu l’honneur d’interroger les anciens dirigeants socialistes sur la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance – vous savez, cette loi qui a consacré la réduction du nucléaire à 50 % du mix électrique. C’était un « accord de coin de table » qui allait affaiblir durablement la filière, selon Arnaud Montebourg, ancien ministre socialiste. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.) Aucune étude d’impact ne le justifiait, selon l’ancien premier ministre socialiste, Manuel Valls. (Mêmes mouvements. – Mme Julie Laernoes et M. Matthias Tavel s’exclament.) « Il n’avait pas sa place dans la loi », selon l’ancienne ministre socialiste Ségolène Royal qui a présenté le projet de loi devant notre assemblée.
C’est sans doute la peur de froisser publiquement vos alliés Europe Écologie-Les Verts (EELV) et LFI qui l’explique… En commission des affaires économiques, ils se sont à nouveau illustrés par leur opposition systématique et aveugle à l’énergie nucléaire, au mépris de l’urgence climatique et énergétique.
(M. Gilles Le Gendre applaudit. – Protestations sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.)
Quand la production d’électricité nucléaire émet soixante-dix fois moins de CO2 que le charbon,…
Ni charbon, ni pétrole ! …quarante fois moins que le gaz, quatre fois moins que le solaire, deux fois moins que l’hydraulique et autant que l’éolien, il est difficile de suivre les méandres de la pensée socialiste, dont le groupe s’est abstenu en commission et vient de déposer une motion de rejet préalable.
Le groupe Renaissance la repoussera. Cette motion vous place une nouvelle fois – et je le regrette – dans le camp de l’obstruction et de l’irresponsabilité.
(Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.) La parole est à M. Nicolas Dragon. Avec 220 000 emplois, la filière nucléaire constitue la troisième industrie française, derrière l’aviation et l’automobile. En matière énergétique, elle a contribué pendant des décennies à notre indépendance nationale. Nos compatriotes, nos entreprises et notre industrie ont profité de l’électricité la moins chère et la plus abondante d’Europe, si abondante que nous l’avons revendue à nos voisins, y compris à ceux d’outre-Rhin. Qu’il pleuve, qu’il neige, qu’il vente, l’approvisionnement en électricité était assuré. Les entreprises y gagnaient en compétitivité ; quant aux habitants, ils se souviennent avec regret du montant peu élevé de leurs factures.
Rappelons-nous les risques de coupures d’électricité que nous avons connus cet hiver : ils ont révélé le piteux état du secteur énergétique français. C’est le résultat de politiques ultralibérales et européennes, qui ont cassé le service public de l’énergie et déstabilisé les entreprises, notamment EDF. Ceux sur ces bancs qui ont gouverné et qui gouvernent encore portent une lourde responsabilité. Le présent projet de loi va dans le bon sens, mais nous ne pouvons que déplorer le temps perdu à cause de la majorité qui le défend : pendant la précédente législature, elle proposait de réduire la part du nucléaire à 50 % du mix énergétique.
La situation déplorable que nous connaissons est aussi le triste bilan de ceux qui n’ont cessé de dénigrer le nucléaire, faisant preuve d’autant de constance que d’aveuglement. Chers collègues écologistes, en présentant cette motion de rejet préalable,…
Ce n’est pas nous ! (Sourires.) C’est le groupe Socialistes ! …vous êtes cohérents avec la ligne que vous défendez depuis des décennies – toujours aussi bornés dans votre entêtement à combattre une énergie pourtant décarbonée, toujours aussi prompts à défendre vos saintes éoliennes, qui défigurent nos paysages et ne compensent aucunement la production d’énergie du parc nucléaire. (Mmes Ségolène Amiot et Sandra Regol s’exclament.)
Confronté à un tel sectarisme, le groupe Rassemblement national ne votera évidemment pas la motion de rejet. Bien au contraire, ses élus s’attacheront à défendre la relance de notre filière nucléaire.
(Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) La parole est à M. Christophe Bex. Le 6 mars 1974, trois semaines avant le décès du président Pompidou, Pierre Messmer, premier ministre, annonce, sans aucune discussion ni aucun débat, que le pays fait le choix de l’atome. En plein choc pétrolier, l’indépendance énergétique est un argument massue. Si l’on peut comprendre l’opinion pronucléaire d’alors, il est temps, cinquante ans après, d’en finir avec la magie de l’atome. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
S’agissant de sécurité, nous avons connu les catastrophes de 1979 aux États-Unis, de 1986 à Tchernobyl et de 2011 à Fukushima.
L’indépendance est de façade : dès 1975, avec la licence Westinghouse, le made in America fait la gloire du nucléaire français.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Pour retraiter l’uranium, l’industrie française est prise au piège de sa dépendance à la Russie. (Exclamations sur quelques bancs du groupe RE.) Encore n’importe quoi ! Et le gaz, il vient d’où ? Quant à la ressource fossile, la dépendance est totale : l’uranium importé provient principalement du Niger et du Kazakhstan.
Le nucléaire n’est pas bon pour le climat : les milliards investis pour son développement le seront au détriment des énergies renouvelables.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Et le climat n’est pas bon pour le nucléaire : le manque d’eau remet en cause le fonctionnement des centrales ; la multiplication des événements extrêmes augmente le risque d’inondation des réacteurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Nicolas Thierry applaudit également.)
L’industrie atomique est un avion qui a certes des ailes, mais est dépourvu de train d’atterrissage.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Mme Sandra Regol applaudit également.) Bure ne doit pas devenir la déchetterie du nucléaire : je vous invite à imaginer un chantier de 2023 qui aurait commencé en 1871 ! C’est irresponsable de dire ça ! Ce n’est pas sérieux. Ni l’économie ni le climat ne justifient le lancement industriel d’une filière EPR en France. Merci de conclure, cher collègue. La production nucléaire ne fournit que 2,5 % de la demande finale mondiale d’énergie ; elle s’oppose à la volonté commune. Cher collègue, votre temps de parole est écoulé. Le présent, c’est le soleil, le vent, l’eau, l’océan. Le présent, c’est aussi le changement de nos modes de vie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES – Mme Sandrine Rousseau applaudit également.) Il faut changer de mode de consommation… (La présidente coupe le micro de l’orateur. – Les membres du groupe LFI-NUPES se lèvent et applaudissent l’orateur. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Écolo-NUPES.) La parole est à M. Olivier Marleix. Décidément, nos collègues du groupe Socialistes sont étonnants. Il y a quelques jours à peine, avec un relent de patriotisme économique qu’on ne leur avait pas connu depuis longtemps, ils défendaient un texte visant à nationaliser EDF,… Excellent texte ! …premier producteur d’électricité au monde et champion du nucléaire. Marleix, ministre de l’énergie ! Nous avons pensé que c’était formidable, que les communistes, fidèles depuis toujours au consensus national en faveur du nucléaire, avaient dû les ramener sur le droit chemin. Mais patatras, vous voilà replongés dans le scepticisme – sans doute avez-vous, cette fois-ci, écouté davantage vos collègues du groupe Écologiste, qui vous ont applaudi avec frénésie. Vous n’avez pas de leçons à donner ! Madame Chikirou, s’il vous plaît, seul M. Marleix a la parole. De votre côté, écoutez moins Macron : ça ira mieux ! Vous nous ressortez votre intention de plafonner la production d’énergie nucléaire à 50 %, comme si ce chiffre avait été gravé par Moïse sur les tables de la loi, alors que nous savons tous désormais qu’il a été griffonné sur un coin de table par François Hollande ! (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)
Tout cela est indigne de vous, chers collègues, surtout de vous, chère Marie-Noëlle Battistel, que nous savons si compétente dans le domaine de l’énergie. Vous avez mené un combat si intéressant en faveur de l’énergie hydroélectrique que nous nous en voudrions de ne pas pouvoir vous entendre dans le débat sur la relance du nucléaire.
Très juste, il a raison ! Aussi, afin de vous laisser vous exprimer et prendre la place qui vous revient dans les discussions sur le texte, le groupe Les Républicains votera contre la présente motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe Dem.) La parole est à Mme Louise Morel. Encore une fois déposée par nos collègues de la NUPES, cette motion de rejet ne nous surprend pas, quand bien même elle constitue un nouveau déni de réalité. Elle révèle une position dogmatique s’agissant du nucléaire, selon laquelle les préoccupations environnementales devraient conduire à s’y opposer, sans faire de hiérarchie dans les difficultés. Or être écologiste (Exclamations sur les bancs du groupe Écolo-NUPES) , c’est chercher toutes les solutions pour préserver la planète du changement climatique et de ses effets. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem et RE.) Ça suffit, cessez de nous expliquer comment il faut être écologiste ! Les écologistes n’aiment pas être recadrés, ils sont dans la pensée unique ! Si nous voulons agir de manière responsable, l’urgence de la situation nous empêche de nous passer de l’électricité nucléaire, décarbonée.
Ce déni de vérité n’est pas nouveau. Il y a un peu plus de vingt ans, Dominique Voynet chantait les louanges du gaz, et appelait à doubler la consommation mondiale de gaz naturel. Elle affirmait : « L’Europe a tout intérêt à diversifier son approvisionnement et à jouer un rôle actif dans la construction des grands gazoducs internationaux. » Elle faisait aussi l’éloge du charbon, expliquant que la menace de changement climatique ne devait pas le condamner. De tels propos sont en complet décalage avec la nécessité de trouver des solutions concrètes adaptées au changement climatique. Soyons à la hauteur.
Être démocrate, c’est laisser les parlementaires que nous sommes discuter de ce sujet. Ce débat est indispensable pour l’avenir énergétique du pays, et les Français l’attendent.
Les Français adorent les débats sur le nucléaire ! Laissons l’examen du texte se dérouler, en rejetant massivement la motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, RE et HOR.) Je mets aux voix la motion de rejet préalable
(Il est procédé au scrutin.) Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 189
Nombre de suffrages exprimés 184
Majorité absolue 93
Pour l’adoption 60
Contre 124
(La motion de rejet préalable n’est pas adoptée.)
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Anna Pic. En décembre, nous examinions le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables. Quelques semaines plus tard, nous débutons l’examen du présent projet de loi, qui vise à relancer la filière nucléaire. Qu’ont en commun ces deux textes ?
D’une part, ils prévoient un allégement parfois hasardeux des procédures administratives en vigueur, pour faciliter les installations d’énergies renouvelables et nucléaires. D’autre part, ils ont une fâcheuse tendance à préempter le débat relatif aux grandes orientations énergétiques du pays, alors que le projet de loi de programmation sur l’énergie et le climat doit être examiné dans quelques mois. Curieuse façon de concevoir la fabrique de la loi que de vous assurer que rien ne viendra perturber votre dessein, avant même que la stratégie générale de politique énergétique soit établie. Nous ne partageons pas cette conception de l’élaboration de la loi, mais elle est sans doute fidèle à la volonté du Président de la République. N’a-t-il pas décidé seul, il y a à peine plus d’un an, de relancer l’industrie nucléaire ?
Venons-en au projet de loi qui nous intéresse aujourd’hui. Les besoins mondiaux en électricité vont croissant, or nous disposons dorénavant de moins de trente ans pour atteindre l’objectif de neutralité carbone que nous nous sommes fixé. Dans ce contexte, le groupe Socialistes et apparentés n’est pas antinucléaire par principe. Nous assumons même de considérer qu’il est nécessaire de faire de cette énergie décarbonée et pilotable une énergie de transition, afin d’éviter que le dérèglement climatique ne soit irréversible. Pour autant, nous ne pouvons pas raisonnablement approuver la relance que vous proposez, pour plusieurs raisons.
Premièrement, votre projet se heurtera irrémédiablement à la complexité du réel. La France n’a pas mené de programme de construction quasi simultanée de plusieurs réacteurs depuis plus de vingt ans. Ce constat est d’abord synonyme d’un véritable manque de compétences industrielles, dont Flamanville 3 est certainement le meilleur exemple. Ensuite, l’outil de production est notablement dégradé. Enfin, nous payons collectivement le prix du délitement du tissu de sous-traitance.
Tout cela, l’Autorité de sûreté nucléaire en a parfaitement conscience, raison pour laquelle elle appelle à un plan Marshall qui pourrait se révéler une chimère. L’exploitant EDF ne dit pas autre chose. La pyramide des âges entraînera le départ à la retraite de 70 000 des 220 000 travailleurs de la filière dans les années à venir. Dans le même temps, il faudra quelque 300 000 personnes pour réaliser la relance souhaitée. Il faudra donc trouver et former 150 000 ingénieurs, techniciens et ouvriers au cours des dix prochaines années, dans des secteurs parfois en très forte tension.
Deuxièmement, la relance que vous appelez de vos vœux ne tient absolument pas compte du cycle de vie du combustible, qui constitue pourtant d’ores et déjà un enjeu majeur. Au cours de l’examen du texte, nous proposerons l’élaboration d’une loi de programmation quinquennale entièrement dédiée à cet aspect, ainsi que la remise d’un rapport qui détermine les moyens nécessaires pour garantir la réussite de chaque étape, de l’extraction au stockage définitif, en passant par le recyclage et le retraitement.
Enfin, votre volonté de fusion-absorption de l’IRSN par l’ASN est à la fois grave et préoccupante. Sur la forme, on ne peut prévoir une réorganisation de cette ampleur par voie d’amendement, sans aucune étude d’impact et à rebours des conclusions de la Cour des comptes. Sur le fond, ce que vous considérez comme une fluidification est incompatible avec la possibilité de maintenir une indépendance entre la fonction de régulateur, qui est celle de l’ASN, et la mission d’expertise de l’IRSN, ce qui fait pourtant la force de notre modèle de sûreté.
En tout état de cause, il serait aventureux d’envoyer un tel signal à l’orée d’une prolongation du parc existant et d’une éventuelle relance. En matière de sûreté nucléaire, la France est considérée, à juste titre, comme une référence à travers le monde : notre organisation y participe grandement. Nous veillerons fermement à ce qu’il en aille toujours ainsi car nous ne voulons pas d’un nucléaire low cost. La relance souhaitée par le Président de la République, aussi discutable soit-elle – et nous en discuterons lors de la loi de programmation –, ne doit en aucun cas servir de prétexte au nivellement par le bas de nos normes de sécurité.
Ce projet de loi, comme la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, pose la question bien plus vaste des orientations énergétiques que la représentation nationale souhaite donner à la France pour les prochaines années. En outre, à l’heure où les factures énergétiques des Français s’envolent, nous veillerons légitimement, tout au long de l’examen du texte, à préserver leurs intérêts. Dès lors, notre position dépendra de l’évolution des débats et du sort qui sera réservé à nos amendements.
(Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) La parole est à M. Xavier Albertini. Le projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes constitue l’un des principaux piliers de l’évolution de la stratégie énergétique française. En effet, notre pays veut devenir la première grande nation à sortir des énergies fossiles. Sa stratégie repose d’abord sur un important effort de sobriété énergétique.
Le plan conduit depuis cet automne, visant à réduire de 10 % notre consommation énergétique en deux ans et de 40 % d’ici à 2050, en est la preuve. Au-delà de cet effort de sobriété, il nous faut surtout remplacer dès à présent les énergies fossiles, qui constituent les deux tiers de l’énergie consommée, par des énergies bas-carbone. Le nucléaire est de nature à relever ce défi et à garantir notre souveraineté.
Le présent projet de loi s’inscrit dans cette démarche. Il prévoit des mesures indispensables pour réunir les conditions juridiques, financières et organisationnelles nécessaires à la relance d’une politique ambitieuse de nucléaire civil. Il programme six nouveaux EPR 2, ainsi que l’étude de la construction de huit EPR 2 additionnels. Au terme de son examen en commission, ce projet de loi a été enrichi par l’adoption de 172 amendements, dont les douze du groupe Horizons et apparentés. En outre, je me réjouis, madame la ministre et mesdames les rapporteures, de la fluidité de nos échanges.
Ça change de la réforme des retraites ! Mais revenons au texte qui, pour l’essentiel, vise à simplifier les démarches administratives des projets nucléaires construits à proximité immédiate des centrales existantes ou les concernant directement. Certains travaux annexes, qui ne concernent jamais directement l’îlot nucléaire – le défrichement, le terrassement, l’installation de stations de pompage et de bâtiments de traitement des effluents –, pourront débuter en amont, permettant ainsi de gagner jusqu’à deux ans dans la construction d’un nouveau réacteur.
Grâce à des superpositions, ces démarches de simplification et d’accélération des procédures sont permises sans jamais renier le très haut niveau d’exigence que nous appliquons à la sûreté et à la sécurité de la filière nucléaire. À ce titre, la fusion annoncée de l’ASN et de l’IRSN suscite des inquiétudes compréhensibles. Le dispositif français de réglementation, de contrôle, d’expertise et de recherche en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection est structuré autour de ces deux entités : l’IRSN, un établissement public à caractère industriel et commercial (Epic) placé sous la tutelle de cinq ministères ; l’ASN, une autorité administrative indépendante du gouvernement, ce qui lui garantit un plus grand niveau d’indépendance. Ce statut exclut en effet toute interrogation sur l’interaction entre les préoccupations de sûreté nucléaire et de radioprotection et d’autres tâches que le Gouvernement doit aussi assumer, comme l’approvisionnement énergétique ou son rôle d’actionnaire principal des grands opérateurs du secteur nucléaire.
Cette indépendance a été démontrée ces dernières années, avec notamment les récentes mises à l’arrêt des réacteurs nucléaires, par précaution, dans un contexte de grave crise énergétique et de tensions inédites dans l’approvisionnement en électricité.
Les amendements que nous avons soutenus et adoptés en commission visent à renforcer les moyens de l’ASN et à intégrer en son sein les compétences techniques de l’IRSN. Ce n’est pas une simple absorption de la dernière par la première, mais une opération de fusion que je qualifierais presque de création. Ce rapprochement permettra de fluidifier le processus de décision et d’améliorer la coordination. Les expertises techniques pourront être présentées directement au collège de l’ASN, permettant ainsi des décisions scientifiquement éclairées plus rapides qu’aujourd’hui, en réduisant le temps d’appropriation par l’ASN des avis de l’IRSN.
Bien plus, le rapprochement de ces deux entités se fera dans le respect des statuts de leurs salariés, de sorte que les conditions de travail comme le niveau de rémunération soient préservés. Dans un contexte de forte tension sur les compétences dans la filière, l’attractivité des différents métiers sera renforcée à court terme, compte tenu de la nécessaire montée en puissance des effectifs de contrôle de la sûreté et de la sécurité nucléaire. Cette logique de renforcement du dispositif de sûreté nucléaire et de radioprotection permettra tout à la fois une simplification et une meilleure efficacité opérationnelle de l’ASN. Ce faisant, nous ne retirons aucune des prérogatives des instances de contrôle et nous prenons toutes les précautions pour que les strates de décision et d’expertise soient séparées, afin de garantir le plus haut niveau d’indépendance à chaque étape.
Le groupe Horizons et apparentés tient à saluer l’équilibre de ce texte présenté par le Gouvernement, ainsi que les objectifs et les avancées qu’il comporte, auxquels notre groupe a pris toute sa part. En complément de la loi sur les énergies renouvelables adoptée il y a quelques semaines, ce texte nous permettra de mobiliser l’ensemble des différentes sources d’énergie bas-carbone, afin d’atteindre l’objectif de neutralité carbone que nous nous sommes collectivement fixé et d’assurer la souveraineté énergétique de la France.
(Applaudissements sur les bancs du groupe HOR, sur quelques bancs du groupe RE, et sur les bancs des commissions.) La parole est à Mme Julie Laernoes. Je suis une femme, je ne suis pas ingénieure nucléaire, mais je suis une citoyenne qui s’interroge légitimement sur un sujet sciemment confisqué par des experts, avec des mots toujours rassurants : « Ne vous inquiétez pas : vous ne connaissez pas le sujet, mais tout est sous contrôle ». Vraiment ? Le nuage de Tchernobyl s’est arrêté à nos frontières ; vraiment ? Si la centrale de Flamanville est un fiasco industriel et financier, c’est la faute des antinucléaires ; vraiment ? Si la moitié des réacteurs étaient à l’arrêt cet été et qu’on a dû recourir au charbon, c’est là encore la faute des antiprogressistes ? L’accumulation des déchets radioactifs, extrêmement dangereux pendant des milliers d’années, ne pose pas de problème ? Le nucléaire, c’est l’indépendance énergétique de la France ; vraiment ? Eh oui ! Ne sommes-nous pas pieds et poings liés à la Russie de Poutine ? Si ! Elle a raison ! Les débâcles du nucléaire sont uniquement la faute des écologistes ; vraiment ? Ce sont les mêmes mots depuis des décennies, minimisant les risques et brimant celles et ceux qui posent des questions légitimes. Dans le pays le plus nucléarisé au monde, nous sommes pourtant en droit de nous interroger ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES et sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) En plus de cinquante ans, l’industrie nucléaire n’a résolu aucun des problèmes qu’elle était censée résoudre. Dans ce contexte, est-il raisonnable de décaler l’âge de départ à la retraite de nos vieux réacteurs, alors qu’ils souffrent déjà de leur vieillissement ? (Mêmes mouvements.) Non ! La retraite à 40 ans ! (Sourires.) J’en veux pour preuve la découverte de nouvelles fissures d’une ampleur inégalée sur les sites de Penly et Cattenom. Les défaillances graves s’enchaînent ; qui aurait pu les prédire ? Marcel Boiteux, PDG d’EDF jusqu’en 1979. Il expliquait que la longévité des réacteurs a été calculée pour 12 000 cycles thermiques, soit un peu plus de trente ans. La corrosion sous contrainte n’est donc pas le résultat d’un mauvais sort, mais la suite logique du vieillissement des centrales. (M. Jordan Guitton s’exclame.) Eh oui ! Et nous voudrions parier sur leur prolongation, sans attendre la validation de l’ASN ? Nous ne sommes plus en 1979, mais en 2023. Est-il vraiment responsable de proposer une relance du nucléaire sans prendre en considération la réalité du changement climatique ? Quand on prévoit de construire de nouveaux réacteurs, n’est-il pas de notre devoir d’étudier le contexte dans lequel ils devront évoluer ? S’ils arrivent à voir le jour, ce ne sera pas avant quinze ou vingt ans. Pourtant le climat s’emballe déjà, avec de plus en plus de sécheresses ! Comment continuer à prélever plus de 26 milliards de mètres cubes d’eau par an sans affecter ni l’agriculture ni notre consommation d’eau potable ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES et sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)
Le « glacier de l’apocalypse » fond et fait monter le niveau des mers. Ce n’est pas de la science-fiction ; c’est la réalité !
(M. Jean-Philippe Tanguy s’exclame.) Quid des centrales prévues en zones submersibles ? En commission, vous avez balayé tous nos amendements à ce sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.) Eh oui ! C’est un acte grave et irresponsable ! Il est d’autant plus grave que vous le justifiez en invoquant l’urgence climatique. Non, le nucléaire ne sauvera pas le climat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES et sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Tous les scientifiques le martèlent : nous avons sept ans pour agir, alors que les éventuels nouveaux réacteurs ne verront pas le jour avant 2037, au plus tôt. Vous masquez votre inaction climatique derrière une solution prétendument magique, qui n’est qu’un mirage ! On ne sait même pas comment la financer : par des hausses d’impôt, des hausses des tarifs, en piochant dans l’épargne des Français ? Scandaleux ! Aucune banque ne veut nous prêter de l’argent pour une technologie aussi hasardeuse ! Tant mieux ! Je rappelle tout cela, car le texte dont nous allons débattre a profondément changé de nature et aura de graves répercussions. Dans ce texte, selon ce que vous disiez, madame la ministre, il n’était pas question de la place d’un nouveau programme nucléaire. C’est pourtant bien de cela qu’il s’agit ! Vous choisissez de saboter l’objectif de réduction du nucléaire pour mieux relancer ce dernier (M. Jean-Luc Fugit s’exclame) , et ce, sans attendre les conclusions des concertations ni apporter au Parlement des éléments sur la future loi de programmation sur l’énergie et le climat, qui doit être publiée d’ici à juillet 2023. Comme si ce mépris pour le processus démocratique ne vous suffisait pas, vous comptez maintenant mettre à terre notre modèle de sûreté, pour que rien n’entrave votre mégalomanie atomique. Si seulement ! Que l’on soit pour ou contre l’énergie nucléaire, notre intérêt est le même : nous devons nous préserver le plus possible d’un accident. Pourtant, en deux amendements, vous actez à la hussarde le démantèlement de l’IRSN. Ce choix de ruiner dans la précipitation un système dual robuste, construit pendant des décennies, est particulièrement irresponsable et dangereux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES et sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)
Nous sommes inquiets de la nouvelle teneur de ce texte et atterrés par votre volonté de passer en force et d’imposer le fait accompli. Les décisions relatives à l’avenir du nucléaire seront lourdes de conséquences et engagent les générations futures : elles doivent donc être arbitrées de manière démocratique et ne peuvent plus être concentrées entre les mains de quelques personnes ! Qu’ils soient des hommes ou des femmes, ingénieurs nucléaires ou non, laissez les citoyens conscients, informés et éclairés, décider de leur avenir ! Saisissez-vous de notre proposition de résolution et organisez une convention citoyenne sur la relance du nucléaire.
(Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES et SOC.) Bravo ! La parole est à M. Sébastien Jumel. L’énergie est un bien commun de première nécessité. Nous en avons besoin pour vivre, pour nous déplacer, pour faire fonctionner le pays. Par conséquent, les questions liées à l’approvisionnement et au coût pour les usagers – dont 8 millions de précaires énergétiques – et pour l’économie réelle sont primordiales et essentielles, ce sont même des questions de souveraineté.
Dans le même temps, personne ne peut ignorer l’urgence climatique qui bouscule non seulement les équilibres vitaux de la planète, mais aussi nos modes de vie. La lutte contre le réchauffement climatique, la réduction des gaz à effet de serre, l’électrification des usages pour sortir des énergies fossiles, sont d’une urgence telle qu’elles impliquent d’établir enfin une véritable stratégie nationale de l’énergie.
Du point de vue du groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES – notamment de sa composante communiste qui, avec le ministre Marcel Paul, a bâti le fleuron industriel EDG-GDF dans le sang, les larmes et l’espérance de la Libération –, cela implique de sortir l’énergie de la logique de marché, du dogme de la libéralisation construit à l’échelle européenne par des renoncements successifs à la souveraineté industrielle.
Je l’ai dit en commission : aucun des gouvernements qui se sont succédé ne peut s’exonérer de sa responsabilité en ce domaine. Nicolas Sarkozy a privatisé EDF et siphonné son modèle de financement avec la loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, dite Nome. Le gouvernement Jospin n’est pas pour rien dans les règles que ce texte applique et transpose. L’Arenh – l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique – issu de la loi Nome favorise d’une manière éhontée des concurrents prédateurs. François Hollande, enfermé dans un troc politicien intenable, a été incapable de construire un mix énergétique équilibré. Emmanuel Macron a fermé la centrale de Fessenheim avant de consacrer l’abandon d’Astrid, le réacteur rapide refroidi au sodium à visée industrielle, au point d’être contraint de rouvrir les centrales thermiques qu’il avait lui-même fermées. Aucun n’est susceptible de donner la moindre leçon.
L’absence d’un État stratège et planificateur pèse lourd dans la situation actuelle, qui est préoccupante. Les énergies renouvelables se sont développées d’une manière anarchique, au gré du marché, sans structuration de filières industrielles françaises, au détriment des territoires – s’agissant de l’éolien terrestre – et des pêcheurs – s’agissant de l’éolien en mer. La politique de
stop and go a affaibli nos savoir-faire : le fiasco de Flamanville et les difficultés à faire face efficacement aux corrosions sous contrainte en sont les plus récentes illustrations.
La crise énergétique et l’explosion des prix, qui fragilisent les artisans, comme nos boulangers, mais aussi les petites et moyennes entreprises et industries, auraient dû vous conduire à remettre les choses à l’endroit, après le virage à 180 degrés opéré à Belfort : rompre l’allégeance à Bruxelles et la soumission à l’Allemagne, afin de déconnecter le prix du gaz de la construction du prix de l’énergie ; réaffirmer la force de la puissance publique par une vraie nationalisation des outils de production, en même temps que le rétablissement dans l’urgence d’un véritable bouclier tarifaire avec des tarifs réglementés ; organiser un véritable débat démocratique autour d’un mix énergétique décarboné, équilibré, consenti parce qu’intelligent, comme les communistes l’ont défendu lors des dernières campagnes électorales – de Fabien Roussel à Fabien Gay en passant par moi-même ; se doter des outils pour atteindre ces objectifs en réalisant un plan de rénovation thermique, en développant les énergies renouvelables dans le respect des territoires et en relançant une filière nucléaire avec un haut niveau de recherche et de sûreté.
En inversant le calendrier, vous enfoncez un coin dans cette logique. En entachant votre politique énergétique d’une malformation congénitale, le projet de loi relatif aux énergies renouvelables a laissé la part belle au marché. Deux points nous semblent problématiques : ce texte est débattu alors que la programmation pluriannuelle de l’énergie n’est pas réexaminée ; vous remettez en cause l’originalité du modèle français en matière de sûreté et de sécurité, avec la fusion brutale de l’IRSN et de l’ASN.
Le député de Penly vous le dit : notre rapport de confiance avec le nucléaire n’est pas béat ou naïf. Il est exigeant, porteur d’un haut niveau de revendications sociales et environnementales, celles-là mêmes qui sont remises en cause par votre projet de fusion.
Le député de Penly vous le dit : notre rapport de confiance avec EDF justifie notre attachement au statut des électriciens-gaziers, en première ligne contre la réforme des retraites, afin de renforcer l’attractivité des métiers de l’énergie.
(Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR-NUPES et LFI-NUPES.) Notre rapport de confiance impose de mieux encadrer la sous-traitance, de mieux anticiper les problèmes posés par un chantier EPR en matière de formation, de santé, d’aménagement du territoire – je pense aux problèmes de foncier propres aux projets d’intérêt national.
Notre rapport de confiance conduit à la nécessaire réaffirmation du rôle d’un État stratège, planificateur, garant d’une énergie sûre, décarbonée, à bas coût, sous maîtrise publique – nos amendements visent cet objectif. Voilà l’état d’esprit qui animera le groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES durant les débats.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR-NUPES.) La parole est à M. Benjamin Saint-Huile. En toile de fond, la question qui n’est pas posée, mais à laquelle il faut répondre pour les semaines, mois et années qui viennent, est : quelle est la politique énergétique espérée, souhaitée, préparée par la France ?
Comme nous l’avons fait lors de l’examen du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, nous examinons ce texte sans avoir fixé de cadre. À ce titre, la motion de rejet préalable, défendue par Mme Battistel, a au moins le mérite de souligner à quel point nous sommes en désaccord avec la méthode que vous avez choisie, laquelle nous interroge. Finalement, l’objectif que fixe le Gouvernement se résume à ces mots : « faire […] de la France, le premier grand pays du monde à sortir de la dépendance aux énergies fossiles ». Il faut donc chercher à atteindre cet objectif, en espérant que chacun trouve sa place.
Nous sommes aujourd’hui amenés à parler du nucléaire et de l’accélération des procédures, après que nous avons eu à examiner et à traiter la question des énergies renouvelables. Certains auront le loisir de répéter que nous avons mis la charrue avant les bœufs : nous n’avons toujours pas compris pourquoi vous avez choisi ce calendrier, à moins que vous ne craigniez de ne pas disposer de voix suffisantes pour voter ce texte. Nous tenons ardemment à la loi de programmation sur l’énergie et le climat et nous serons attentifs au respect scrupuleux du calendrier que vous avez annoncé à plusieurs reprises, madame la ministre, en commission et dans l’hémicycle.
Nous avons pris acte du changement de pied du Président de la République, illustré par son discours prononcé à Belfort. Nous n’entrerons pas dans des débats stériles pour savoir si ce revirement est utile – ceux qui critiquent les changements de pied ont parfois tendance à oublier qu’il y a quelque temps, ils ou elles ont également changé d’avis.
En fait, notre position sur la question complexe de l’énergie nucléaire a fluctué presque en même temps et dans le même sens que celle de l’opinion publique. Lorsque nous sommes confrontés à des accidents nucléaires, la question de la sécurité devient évidemment prioritaire et l’opinion publique se demande si nous sommes capables de freiner la production de cette dangereuse énergie. En revanche, lorsque les choses vont bien et que l’énergie nucléaire peut répondre à certains de nos besoins, l’opinion publique y est très favorable.
Les uns et les autres, vous avez choisi de citer le chiffre selon lequel 75 % des Français sont favorables à la production d’énergie nucléaire en France. Très bien. J’espère que le Gouvernement fera toujours preuve de cohérence en prenant en considération l’opinion publique avant de faire des choix et de prendre des mesures stratégiques. En effet, vous oubliez généralement de citer le chiffre qui atteste de l’opposition nette de l’opinion publique à la réforme des retraites.
Excellent ! Revenons donc à ce texte qui passe par le petit chas de l’aiguille. En effet, il ne nous amène pas à nous interroger sur la politique énergétique, mais vise uniquement à traiter la question initiale de l’accélération des procédures. Du reste, le