XVIe législature
Session ordinaire de 2022-2023

Première séance du lundi 26 juin 2023

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Première séance du lundi 26 juin 2023

Présidence de Mme Valérie Rabault
vice-présidente

Mme la présidente

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à seize heures.)

    1. Modification de l’ordre du jour

    Mme la présidente

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    La présidente de l’Assemblée nationale a reçu du ministre délégué chargé des relations avec le Parlement une lettre l’informant de l’ajout, en dernier point de l’ordre du jour du jeudi 29 juin, du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la restitution des biens culturels ayant fait l’objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945.

    2. Partage de la valeur au sein de l’entreprise

    Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’un projet de loi

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi portant transposition de l’accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise (nos 1272, 1404).

    Présentation

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.

    M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion

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    Au mois de septembre dernier, j’ai saisi les partenaires sociaux en leur demandant d’ouvrir une négociation interprofessionnelle sur le partage de la valeur au sein de l’entreprise. Cette discussion a abouti à un accord national interprofessionnel (ANI) majoritaire, signé le 10 février 2023, relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise. Lors de l’ouverture de la négociation entre les partenaires sociaux, le Gouvernement s’était engagé à transcrire fidèlement l’accord, si les discussions aboutissaient. C’est ce que propose ce projet de loi.
    Nous sommes fiers de vous présenter des mesures concrètes pour revaloriser le travail et mieux associer les salariés aux résultats de l’entreprise. Les dispositions du projet de loi s’inscrivent dans la continuité de l’action que nous menons depuis 2017 pour revaloriser le travail, au bénéfice du pouvoir d’achat des ménages. La loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises – loi Pacte – a simplifié la conclusion d’accords d’intéressement et de participation dans les PME. Plus récemment, la loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat a facilité le recours à l’intéressement dans les PME et a créé une nouvelle prime de partage de la valeur – PPV.
    Le présent projet de loi de transposition permet d’aller plus loin. À trois égards, il fait évoluer les obligations de partage de la valeur au sein des entreprises, au profit des salariés.
    D’abord, les signataires de l’accord ont voulu faire de la classification une question importante. Au sein des branches, les organisations doivent en effet se réunir tous les cinq ans pour examiner la nécessité de renégocier les classifications dans le cadre des conventions collectives. En pratique, en 2021, l’ancienneté moyenne des grilles était d’environ douze ans. C’était donc un frein à la dynamique des salaires et à la lisibilité des progressions de carrière au sein des branches, qu’il fallait lever. C’est pourquoi, à l’initiative des partenaires sociaux, le premier axe du projet de loi prévoit, d’ici le 31 décembre 2023, l’ouverture d’une négociation en vue d’examiner la nécessité de réviser les classifications, au sein des branches n’ayant pas procédé à cet examen depuis plus de cinq ans. Cette mesure concrète améliorera les rémunérations et valorisera davantage les parcours professionnels des salariés dans un contexte d’inflation.
    Ensuite, le projet de loi développe les dispositifs existants de partage de la valeur dans les petites et moyennes entreprises. En effet, l’application des dispositifs de partage de la valeur est trop inégale et à l’avantage des plus grandes entreprises. Ainsi, en 2020, 70 % des salariés des entreprises de plus de cent salariés disposaient d’un accès à un dispositif de participation, contre 3 % des salariés des entreprises de moins de neuf salariés, et 6 % des salariés de celles comptant entre dix et quarante-neuf salariés. De fait, les entreprises de moins de cinquante salariés ne sont pas soumises à l’obligation de disposer d’un dispositif de participation. Par cet accord, il s’agit d’aller plus loin pour développer le partage de la valeur dans les petites entreprises, grâce à quatre dispositifs essentiels.
    D’abord, le projet de loi donne la possibilité aux entreprises de moins de cinquante salariés de négocier par accord de branche ou d’entreprise des formules dérogatoires à la formule légale de participation. La formule légale peut constituer un frein au développement du partage de la valeur dans les petites entreprises. Le projet de loi introduit une souplesse pour les plus petites entreprises, ce qui facilitera la conclusion d’accords de participation.
    Par ailleurs, en vue de généraliser le dispositif de partage de la valeur dans les petites entreprises, celles de onze à cinquante salariés devront instaurer un tel dispositif, dès lors qu’elles auront réalisé un bénéfice net fiscal positif supérieur à 1 % de leur chiffre d’affaires pendant trois années consécutives. En effet, pourquoi les entreprises de plus de cinquante salariés devraient-elles absolument mettre en ?uvre un tel dispositif de partage de la valeur, et pas celles de moins de cinquante salariés, qui le peuvent ? Il y avait là un manque, que cet accord et le projet de loi proposent de combler.
    Le troisième dispositif prévoit que les entreprises de plus de cinquante salariés auront jusqu’au 30 juin 2024 pour négocier des conséquences en matière de partage de la valeur en cas de bénéfice exceptionnel.
    Enfin, l’accord prévoit que le dispositif d’exonération fiscale sur la prime de partage de la valeur, applicable aux salariés dont la rémunération est inférieure à trois Smic, sera prolongé jusqu’au 31 décembre 2026 dans les entreprises de moins de cinquante salariés.
    Ce sont des mesures concrètes qui visent à étendre les dispositifs de partage de la valeur aux PME, afin qu’ils s’appliquent dans toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, et à remédier à l’inégalité entre les salariés des petites et des grandes entreprises.
    Au-delà de cet aspect, le projet de loi crée de nouveaux outils pour rénover certains dispositifs. Il s’agit d’abord du plan de partage de la valorisation de l’entreprise d’une durée de trois ans, instauré par accord et s’appliquant à l’ensemble des salariés ayant au moins un an d’ancienneté. Les salariés pourront bénéficier d’une prime dans le cas où la valeur de l’entreprise a augmenté sur les trois années de la durée du plan. Cet outil innovant intéresse financièrement les salariés à la croissance de la valeur de l’entreprise, et les fidélise.
    Le projet facilite également l’utilisation de la PPV, créée par la loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat. Par exemple, les entreprises pourront désormais verser jusqu’à deux primes par an au lieu d’une seule, et la prime pourra être versée sur un plan d’épargne salariale afin que les salariés bénéficient d’une exonération fiscale pour les sommes bloquées.
    De manière plus générale, le projet de loi prévoit une série de simplifications et d’assouplissements, comme la sécurisation du versement d’avance par trimestre pour la participation et l’intéressement.
    Enfin, le projet de loi développe l’actionnariat salarié, puisqu’il prévoit de rehausser les plafonds de versement d’actions gratuites de 10 à 15 % du capital social pour les grandes entreprises et les ETI – entreprises de taille intermédiaire –, et de 15 à 20 % du capital social pour les PME.
    Pour conclure, je souhaite souligner que les avancées du présent projet de loi sont issues d’une méthode claire, voulue par le Gouvernement, consistant à confier cette discussion aux partenaires sociaux. Je le disais en introduction, au mois de septembre dernier, j’ai invité les partenaires sociaux à engager une négociation nationale interprofessionnelle pour améliorer les dispositifs de partage de la valeur, sur la base d’un document d’orientation. Celui-ci les invitait à négocier, d’une part, pour renforcer le partage de la valeur entre travail et capital au sein des entreprises, d’autre part, pour améliorer l’association des salariés aux performances de l’entreprise.
    Le présent projet de loi est la traduction d’un exercice de démocratie sociale. Lorsque cette discussion était seulement envisagée, on nous avait prédit qu’elle échouerait de manière certaine, au moment même où d’autres négociations importantes étaient menées en parallèle. Pourtant, le dialogue social a eu lieu, ne s’est pas interrompu et a permis d’aboutir à la conclusion de l’ANI le 10 février, signé par les trois organisations patronales représentatives – le Medef, la CPME (Confédération des petites et moyennes entreprises) et l’U2P (Union des entreprises de proximité) – et par quatre des cinq organisations syndicales représentatives – la CFDT, la CFTC, FO et la CFE-CGC. Je souhaite saluer leur travail et leur esprit de consensus. C’est la preuve que le dialogue social permet de construire des solutions concrètes, consensuelles, au bénéfice direct des Français, sur des sujets qui font l’objet d’une forte attente.
    Cette méthode se poursuit au Parlement. J’espère que la démocratie parlementaire saura conserver les équilibres du présent texte, issu de la démocratie sociale. Je salue les travaux menés par le rapporteur Louis Margueritte, mais également par d’autres députés, comme Eva Sas, dans le cadre de la mission d’information sur l’évaluation des outils fiscaux et sociaux de partage de la valeur dans l’entreprise, dont ils étaient corapporteurs.
    Le texte, tel qu’il a été voté par la commission des affaires sociales, démontre l’attachement des députés à l’équilibre du texte et donc au respect de l’accord. Par souci de cohérence, le Gouvernement souhaite que cet équilibre soit préservé à l’issue de l’examen en séance. Cela ne signifie pas qu’il est impossible de l’améliorer, mais, comme je l’ai dit en commission, nous souhaitons que les signataires de l’accord soient favorables aux améliorations proposées. Telle est notre méthode, qui vise à garantir le respect du résultat du dialogue social, mais aussi de l’engagement à réaliser une transposition intégrale et fidèle.
    Par ailleurs, certaines stipulations de l’accord n’apparaissent pas en tant que telles dans le projet de loi ; cela a été justifié par certains partenaires sociaux signataires. Nous avons considéré qu’il s’agissait de mesures qui ne nécessitaient pas de transposition législative car elles pouvaient être d’ordre réglementaire, relever de la pratique ou bien être satisfaites par le droit – je pense notamment au principe de substitution. Je salue le dépôt par votre rapporteur d’amendements visant à rétablir l’équilibre du texte, sans remettre en cause l’article L. 3312-4 du code du travail, prévoyant le principe de non-substitution.
    Je pense également à la question de la définition des bénéfices exceptionnels. Sur ce point, l’ANI stipulait qu’elle relevait de l’employeur. En accord avec les partenaires sociaux signataires, nous avons proposé une nouvelle rédaction, qui propose de renvoyer la définition des résultats exceptionnels à une négociation et à un accord d’entreprise. Le travail doit se poursuivre sur cette proposition, étant donné qu’un risque juridique a été soulevé. Des amendements ont ainsi été déposés en ce sens, visant à apporter des précisions, conformément à l’avis du Conseil d’État et dans le respect de l’accord signé.
    La commission des affaires sociales, à l’initiative du rapporteur et du groupe Écologiste-NUPES, a souhaité avancer à 2024 l’obligation de mise en place d’un dispositif de partage de la valeur pour les entreprises de onze à cinquante salariés. Le Gouvernement ne proposera pas de revenir sur cette disposition à l’occasion de l’examen du texte en séance.
    En conclusion, la volonté de partager la valeur créée par les entreprises répond à deux demandes importantes des Français. Il s’agit d’œuvrer davantage pour le pouvoir d’achat des salariés, afin de faire face à l’inflation, mais aussi de répondre à une forte demande de participation des salariés dans la marche de leur entreprise, aspiration qui rejoint le désir de démocratie au travail. Par ce projet de loi et grâce à cet accord, nous nous donnons les moyens d’atteindre ces objectifs. C’est un projet de loi équilibré, issu d’une concertation, qui crée une solidarité accrue entre le capital et le travail. Je vous invite donc à adopter le présent projet de loi et, ainsi, à transposer fidèlement l’accord national interprofessionnel du 10 février 2023 relatif au partage de la valeur. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Louis Margueritte, rapporteur de la commission des affaires sociales.

    M. Louis Margueritte, rapporteur de la commission des affaires sociales

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    « Je rêve d’un pays où l’on se parle à nouveau », déclarait le Premier ministre Michel Rocard à cette même tribune, le 29 juin 1988, lors de son discours de politique générale.
    Le 10 février dernier, les organisations syndicales et patronales sont parvenues à un accord national interprofessionnel ambitieux sur le partage de la valeur au sein de l’entreprise. Peu y croyaient et pourtant, ils l’ont fait.
    De FO au Medef, en passant par la CFTC, la CPME, la CFE-CGC, l’U2P et la CFDT, les partenaires sociaux sont parvenus à s’entendre et à conclure cet accord historique. Le projet de loi que j’ai l’honneur de rapporter aujourd’hui traduit en droit l’engagement du Gouvernement à transcrire fidèlement l’accord des partenaires sociaux. Mes chers collègues, cet accord nous oblige.

    M. Matthias Tavel

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    Non !

    M. Louis Margueritte, rapporteur

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    Le 12 avril, à l’issue de plusieurs mois d’auditions, avec ma collègue du groupe Écologiste-NUPES, Eva Sas, nous avons publié un rapport d’information portant sur l’évaluation des outils sociaux et fiscaux de partage de la valeur dans l’entreprise. Au cours de nos travaux, nous avons auditionné une quarantaine d’acteurs : organisations syndicales et patronales, économistes, universitaires, administrations publiques ainsi que des associations et fédérations spécialisées dans les outils de partage de la valeur.
    Le constat que nous avons dressé ensemble est clair : si la France est la deuxième nation d’Europe en ce qui concerne le partage de la valeur, nous avons encore des marges d’amélioration en la matière. Nous pouvons être bien classés au sein des nations européennes, mais ce n’est pas une raison pour ne pas chercher à faire mieux, et à faire encore davantage pour la rémunération de nos salariés. Quand la richesse est créée, elle doit être encore mieux distribuée entre ceux qui ont contribué à la créer.
    C’est tout le sens de l’accord signé par les partenaires sociaux et du projet de loi. Ce dialogue social, cette écoute, ce respect des partenaires sociaux ont été notre boussole pendant les quatre mois de travail, et ceux qui ont suivi, consacrés à la préparation de notre rapport d’information. Je tiens également à saluer mes collègues Graziella Melchior et Dominique Potier pour la qualité de leur rapport précurseur sur le partage de la valeur au sein des entreprises et ses conséquences sur leur gouvernance, leur compétitivité et la consommation des ménages, publié au mois de décembre 2020. Ce dernier préconisait un élargissement de l’accès à la participation. Grâce à ce projet de loi, que, je l’espère, nous voterons largement, ce sera désormais chose faite.
    Je souhaite à présent vous dire quelques mots des principaux articles du texte, qui transposent exhaustivement et fidèlement l’ANI, conformément à l’engagement pris par le Président de la République, la Première ministre et le ministre Olivier Dussopt.
    Le titre Ier vise à renforcer le dialogue social sur les classifications. L’article 1er prévoit l’ouverture d’une négociation sur la nécessité de réviser les classifications avant le 31 décembre 2023 dans les branches ne s’étant pas pliées à l’exercice depuis plus de cinq ans. L’article 1er bis, introduit par la commission des affaires sociales, impose aux branches d’établir, avant le 31 décembre 2024, un bilan de leur action en faveur de la promotion et de l’amélioration de la mixité des métiers.
    Le titre II rassemble les dispositions ayant pour objet de faciliter la généralisation des outils de partage de la valeur.

    M. Antoine Léaument

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    Et la hausse des salaires, c’est dans quel article ?

    M. Louis Margueritte, rapporteur

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    L’article 2 ouvre aux entreprises de moins de cinquante salariés, qui ne sont pas tenues d’appliquer un régime de participation, la possibilité de le faire, par accord, en retenant une formule de calcul de la réserve spéciale de participation – RSP –dérogatoire à la formule de droit commun et susceptible d’aboutir à un résultat plus ou moins favorable pour les salariés.
    L’article 3 est important ; il vise à faire obligation aux entreprises qui emploient entre onze et quarante-neuf salariés et dont la situation économique le permet – elles doivent avoir enregistré des résultats positifs pendant trois années consécutives – d’instituer un dispositif de partage de la valeur. J’ai souhaité, avec ma collègue Eva Sas, que cette obligation entre en vigueur un an plus tôt que prévu, et je remercie les commissaires aux affaires sociales d’avoir accédé à notre demande.
    Les articles 2 et 3, auxquels la commission a apporté quelques modifications pour qu’ils traduisent mieux l’intention des partenaires sociaux, s’appliqueront pour une durée de cinq ans à compter de la promulgation de la loi.
    L’un des dispositifs phares de l’accord, transposé à l’article 5, est sans conteste l’obligation de mieux partager les résultats d’une augmentation exceptionnelle des bénéfices dans les entreprises de cinquante salariés et plus comptant au moins un délégué syndical. Près de 8 000 entreprises sont potentiellement concernées par cette mesure, bien plus, donc, que les grands et très grands groupes.
    Le dispositif initialement envisagé par les partenaires sociaux confiait au seul employeur le soin de définir ce qu’est une augmentation exceptionnelle des bénéfices. Face au risque d’incompétence négative du législateur, le projet de loi tend à confier cette mission à la négociation collective. Toutefois, pour tenir compte des réserves émises par le Conseil d’État, les partenaires sociaux se sont à nouveau réunis pour proposer une définition qui, je l’espère, recevra un soutien massif de notre assemblée.

    M. Antoine Léaument

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    Non !

    M. Louis Margueritte, rapporteur

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    Dans le prolongement de la loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, l’article 6 vise à compléter le mécanisme de la prime de partage de la valeur, la PPV, et à proroger jusqu’à fin 2026 sa composante exceptionnelle en soutien au pouvoir d’achat du personnel des seules entreprises de moins de cinquante salariés, pour qui cet outil est essentiel.
    En 2022, 25 % des salariés du secteur privé avaient déjà bénéficié de la PPV, pour un montant de 4,4 milliards d’euros.

    Mme Aurélie Trouvé

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    Les primes, c’est 30 % de substitution aux hausses de salaires !

    M. Louis Margueritte, rapporteur spécial

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    Nous souhaitons renforcer cet outil en l’inscrivant durablement dans le champ du partage de la valeur. Il s’agit, en somme, de garder ce qui fonctionne et de le pérenniser.
    Sans que cela constitue une option alternative à l’actionnariat salarié, l’ANI consacre le principe de l’association des salariés à l’évolution de la valorisation de leur entreprise sur le temps long et non plus seulement à ses résultats annuels. Instauré à l’article 7, le plan de partage de la valorisation de l’entreprise permettra aux salariés, à l’issue d’une période de trois ans, de bénéficier d’une prime dont le montant dépendra du taux de progression de la valorisation au cours de la période.
    Le titre III du projet de loi comporte plusieurs mesures de simplification, parmi lesquelles, par exemple, la possibilité, offerte à l’article 9, de verser en cours d’exercice des avances sur les sommes dues au titre de l’intéressement ou de la participation, ou l’aménagement des conditions d’ancienneté en matière d’intéressement et de participation dans la branche du travail temporaire, prévu à l’article 12.
    Le titre IV est consacré au développement de l’actionnariat salarié. En Europe, nous sommes en pointe dans ce domaine, mais nous pouvons aller encore plus loin. Ainsi, afin d’en assurer la diffusion et de renforcer son caractère collectif, l’article 13 tend à rehausser les plafonds d’attribution d’actions gratuites, les fameuses AGA, en particulier lorsque celles-ci bénéficient à une majorité des salariés de l’entreprise. Il vise à introduire, en outre, une faculté de rechargement du plafond individuel d’attribution d’actions, fixé à 10 % du capital social de l’entreprise, en ne tenant compte que des actions détenues depuis moins de sept ans.
    Enfin, l’article 14 a pour objet de renforcer le rôle de l’épargne salariale dans le financement de l’économie verte et solidaire et d’imposer que soit proposé au moins un fonds supplémentaire correspondant aux critères de financement de la transition énergétique et écologique ou de l’investissement socialement responsable. C’est une des traductions de l’ANI.
    Mes chers collègues, nous nous apprêtons à débattre de la plus grande loi sur le partage de la valeur depuis la création par le général de Gaulle de l’intéressement, en 1959 (Sourires et exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES) – cela vous fait rire, mais c’est le cas –, et de la participation, en 1967. Nous allons écrire une nouvelle page de l’histoire du partage de la valeur après celle qui a été écrite au sortir de la seconde guerre mondiale.

    M. Antoine Léaument

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    Bravo ! Excellent !

    M. Louis Margueritte, rapporteur

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    Ce projet de loi s’inscrit dans le prolongement de l’action conduite depuis 2017 par Bruno Le Maire et beaucoup d’autres ministres pour préserver le pouvoir d’achat des Français, que ce soit en les protégeant pendant la crise du covid-19 puis la crise inflationniste de 2022, en baissant leurs impôts de 52 milliards d’euros entre 2017 et 2022,…

    M. Antoine Léaument

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    De quels Français parlez-vous ? Des riches !

    M. Bruno Millienne

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    Oh, ça va !

    Mme Prisca Thevenot

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    Écoutez, plutôt !

    M. Louis Boyard

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    On a lu le texte !

    M. Louis Margueritte, rapporteur

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    …en supprimant la taxe d’habitation – suppression qui leur a rapporté 20 milliards de pouvoir d’achat, soit un gain de 750 euros par foyer – ou en portant à 7 500 euros le plafond des heures supplémentaires défiscalisées.
    Le projet de loi ambitionne d’améliorer encore davantage le pouvoir d’achat des Français. Grâce à vous, gravons dans le marbre de la loi l’accord du 10 février conclu par les syndicats et le patronat !
    De Montceau-les-Mines à Aubervilliers, en passant par Dijon, Armentières-sur-Avre, Chalon-sur-Saône, Hazebrouck, Buxy et Cayenne, le peuple français nous regarde. Du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest, dans l’Hexagone comme en outremer, il compte sur nous. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme Aurélie Trouvé

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    Le peuple, ce sont les salariés en lutte !

    M. Louis Margueritte, rapporteur

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    Chers collègues, voici un texte sur lequel je vous appelle à tous nous retrouver. Il y a un an, les Françaises et les Français nous ont demandé de travailler ensemble. En adoptant ce texte largement, sans esprit partisan, nous ferons honneur à la démocratie sociale.
    Votons pour le dialogue social ! Votons pour un renouveau du partage de la valeur ! Votons pour une plus grande attractivité des entreprises ! Votons pour un meilleur partage des bénéfices ! Votons pour ce qui est au fondement de notre République : l’intérêt général ! Tous ensemble. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)

    Motion de rejet préalable

    Mme la présidente

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    J’ai reçu de Mme Mathilde Panot et des membres du groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire écologique et sociale une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.
    La parole est à M. Matthias Tavel.

    M. Antoine Léaument

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    Vous allez voir comment on partage la valeur !

    M. Matthias Tavel

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    Commençons par dissiper l’enfumage. Il y a quelques instants, M. le ministre s’est gargarisé à cette tribune, vantant la démocratie sociale, qui permet que soit conclu un accord national interprofessionnel comme celui du 10 février, dont traite ce projet de loi. Mais enfin, depuis l’affaire de la pension de retraite à 1 200 euros, les Français savent bien que cette cascade a été réalisée par un professionnel du retournement de veste et du mensonge. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Antoine Léaument

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    Bravo !

    M. Matthias Tavel

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    Lorsque M. Dussopt parle de démocratie sociale, il est aussi crédible que Gargantua qui affirmerait se lancer dans un programme minceur… Comme les ogres, les dévoreurs de droits sociaux ne sont jamais rassasiés.
    En effet, monsieur Dussopt, si vous étiez sincèrement pour la démocratie sociale, et même pour la démocratie tout court, vous auriez laissé notre assemblée rejeter ou abroger la réforme des retraites. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Antoine Léaument

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    Bien dit ! Bravo !

    M. Matthias Tavel

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    C’est là le premier motif de cette motion de rejet : nous ne vous laisserons pas tourner la page des retraites en instrumentalisant ce texte pour qu’il serve votre communication.
    Le projet de loi que vous nous présentez n’est pour vous qu’un alibi : l’alibi du dialogue social, l’alibi du pouvoir d’achat pour un gouvernement qui n’a rien fait depuis un an pour augmenter les salaires.
    C’est le second motif de cette motion de rejet : nous voulons dénoncer la censure que vous pratiquez. La hausse des salaires est, pour vous, lors de l’examen de ce texte, un débat interdit. C’est pourtant la question numéro un dans le pays, du motoriste Man Diesel à Saint-Nazaire jusqu’à Disneyland Paris, du secteur du nettoyage industriel, comme chez Atalian ou ISS, à celui de la grande distribution, comme à Carrefour ou Grand Frais, de Vertbaudet à la fonction publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Partout, les travailleurs réclament un juste salaire et, partout, vous y opposez !
    Alors oui, nous affirmons ici que la hausse des salaires est une revendication totalement légitime. C’est une mesure d’urgence sociale, quand les prix alimentaires augmentent de 17 %. (Mêmes mouvements.) C’est une question de justice, quand les profits et les marges de bien des industries explosent, au détriment des consommateurs. C’est une nécessité économique, quand le pays va vers la récession. Enfin, c’est indispensable d’un point de vue écologique, si l’on veut que les Français puissent consommer mieux, soutenir la filière bio en difficulté et faire vivre les producteurs locaux plutôt que le low cost mondialisé.
    Il y a urgence, car la prédation du capital ne ralentit pas, bien au contraire. Voyez ces grands patrons qui gagnent 1 200 fois le salaire moyen de leur entreprise, comme M. Carlos Tavares, PDG de Stellantis : il gagne plus de 4 000 fois le Smic, soit un Smic mensuel toutes les deux heures !

    Mme Raquel Garrido

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    Indécent !

    M. Matthias Tavel

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    Par quoi cela est-il permis, sinon par la toute-puissance du capital ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) En dix ans, la rémunération des PDG du CAC40 a augmenté de 90 %. Dans les cent plus grandes entreprises françaises, entre 2011 et 2021, les versements aux actionnaires ont crû de 57 % tandis que les versements aux salariés n’ont augmenté que de 22 %.

    Mme Raquel Garrido

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    Voilà où va l’argent !

    M. Matthias Tavel

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    Cette oligarchie vit au-dessus de nos moyens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Nous l’avons vu encore récemment chez Total : en novembre, la direction, soutenue par le Gouvernement, refusait une hausse de 10 % des salaires. Quelques semaines plus tard, le PDG s’augmentait de 23 % !

    Mme Raquel Garrido

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    Ça, c’est du partage de la valeur…

    M. Matthias Tavel

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    La France est un paradis pour millionnaires et actionnaires. Notre pays est le champion d’Europe du versement de dividendes aux actionnaires – champion d’Europe ! Mais, comme le disait déjà Victor Hugo, c’est de l’enfer des pauvres qu’est fait le paradis des riches. (Mêmes mouvements.) En effet, les salaires réels, c’est-à-dire une fois l’inflation prise en compte, ont baissé l’an dernier. Et le travail ne protège plus de la pauvreté, puisque la France compte 1,2 million de travailleurs pauvres.
    Voilà le bilan du macronisme : l’injustice à tous les étages !
    Pire encore, en 2019, 45 % des dividendes et rachats d’actions par les cent plus grandes entreprises françaises auraient suffi à couvrir leurs besoins d’investissement dans la transition écologique. Oui, les dividendes sont climaticides, les actionnaires sont écocidaires.

    M. Laurent Jacobelli

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    Oh !

    M. Matthias Tavel

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    Voilà la vérité ! (Mêmes mouvements.)
    Il y a une contradiction flagrante entre le titre et le contenu du projet de loi. Dans le titre, il est question du partage de la valeur ; dans les articles, il n’est question que du partage du profit. Or la valeur créée ne se résume pas au profit. Le profit n’est rien d’autre que la valeur créée par les salariés, valeur qui leur a été volée par un salaire plus faible que la richesse créée par leur travail. Parler de partage de la valeur en pensant au seul partage du profit, c’est exclure d’emblée d’augmenter les salaires. (M. Antoine Léaument applaudit.)
    Encore une fois, la Ve République et les choix du Gouvernement corsètent l’Assemblée. Vous avez volontairement choisi de restreindre le champ du projet de loi à la transposition de l’accord du 10 février. Cela vous permet d’écarter les amendements qui s’en éloignent, même un tout petit peu, et d’interdire le débat sur certaines questions.
    Augmenter le Smic à 1 600 euros : irrecevable ! Indexer les salaires sur l’inflation : irrecevable ! Encadrer les écarts de salaires de 1 à 20 au sein d’une entreprise : irrecevable ! Obliger les branches à augmenter les bas salaires pour éviter l’écrasement par le Smic : irrecevable !

    Mme Mathilde Panot

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    Une honte !

    M. Matthias Tavel

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    Revaloriser le salaire minimum des apprentis : irrecevable ! Conditionner les versements de dividendes à des hausses de salaires : irrecevable ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme Raquel Garrido

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    Vivement la VIe République !

    M. Matthias Tavel

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    Il en va de même quant à notre volonté de faire avancer l’égalité salariale entre femmes et hommes. Vous avez systématiquement empêché tout progrès, en refusant de renforcer la rémunération des heures complémentaires des salariés à temps partiel, de créer une commission de contrôle salarié pour vérifier l’égalité salariale dans les entreprises, d’imposer une prime dans les entreprises qui ne peuvent pas justifier qu’elles respectent l’égalité.
    Telles sont les propositions que nous défendons face au refus obstiné du Gouvernement, de la minorité présidentielle, du Rassemblement national et du patronat d’augmenter les salaires et de partager les richesses ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme Anne Stambach-Terrenoir

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    Exactement !

    M. Matthias Tavel

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    Au moment du débat sur les retraites, vous avez empêché brutalement l’Assemblée de voter. Vous avez défendu ainsi le droit de veto du monarque présidentiel contre les représentants du peuple.

    M. Laurent Jacobelli

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    Vous les y avez bien aidés !

    M. Matthias Tavel

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    Voici, à l’occasion de l’examen de ce texte, une nouvelle invention de votre part. À court d’arguments, vous inventez une autre irrecevabilité, politique celle-là – patronale, devrais-je dire. Vous prétextez la nécessité de respecter l’accord pour refuser qu’on le modifie sans l’accord de tous les signataires, c’est-à-dire, selon vous, celui du patronat. Vous inventez donc à présent le droit de veto du Medef sur le Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Après l’irrecevabilité de l’article 40 sur les retraites, vous inventez l’irrecevabilité CAC40 pour les salaires ! (Même mouvement.)

    M. Antoine Léaument

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    Joli !

    M. Matthias Tavel

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    Après le 49.3, vous inventez en quelque sorte le CAC49.3 !

    Mme Nadia Hai

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    À quel moment vous dites-vous que vous êtes pathétique ?

    M. Matthias Tavel

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    Nous refusons cette nouvelle restriction du pouvoir de notre assemblée. Rappelons d’abord que toutes les organisations syndicales n’ont pas signé cet accord national interprofessionnel. Rappelons aussi que, le 15 juin dernier, toutes les organisations syndicales ont appelé, à l’unanimité, partout, les salariés à revendiquer, à négocier et à se mobiliser pour gagner des augmentations de salaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Preuve que, si ce sujet n’est pas dans l’accord du 10 février ni dans le projet de loi, ce n’est pas de la responsabilité des syndicats. C’est de votre responsabilité, monsieur le ministre, vous qui n’avez pas exigé, dans votre lettre de cadrage, qu’il fasse partie de la discussion. C’est de la responsabilité du patronat, qui a refusé qu’il en soit question. Pour notre part, nous avons toute légitimité pour défendre ce que réclame l’ensemble de l’intersyndicale unanime : des hausses de salaires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Plus généralement, vous faites mine d’oublier que cet accord n’est pas la démocratie sociale. La démocratie suppose l’égalité ; or il n’y a pas d’égalité entre salariés et patronat.

    M. Antoine Léaument

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    Très bien !

    M. Matthias Tavel

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    Cet accord est seulement l’expression d’un rapport de force dans lequel le patronat tient le stylo.
    Vous faites mine d’oublier enfin qu’il est du rôle du Parlement de se prononcer sans se voir cantonné aux miettes concédées par le Medef. Il est même anticonstitutionnel d’empêcher le Parlement de se saisir pleinement de ces enjeux. (M. Louis Boyard applaudit.) En effet, l’article 34 de la Constitution prévoit que « la loi détermine les principes fondamentaux […] du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale ». C’est donc bien la loi qui décide, en la matière. Notre assemblée a donc le droit, et le devoir, d’examiner, d’amender, de compléter et, le cas échéant, de rejeter les stipulations de l’accord conclu. Les intérêts particuliers ayant conduit à la signature d’un compromis ne forment pas automatiquement l’intérêt général du pays. Telle est la conception républicaine de l’ordre public social à laquelle nous sommes si profondément attachés, comme nous le sommes à la République sociale elle-même.
    En l’espèce, l’intérêt général du pays, c’est la hausse des salaires et la préservation des recettes de la sécurité sociale. Et ces deux éléments sont menacés par le projet de loi.
    Ce dernier repose sur une illusion dangereuse pour les salariés. Entendons-nous bien : qu’une entreprise distribue une partie de ses bénéfices à ses salariés, c’est bien la moindre des choses. Reste que c’est déjà possible : toute entreprise, même la plus petite, a la possibilité de verser une prime exceptionnelle. En revanche, les niches sociales et fiscales au profit des primes, de l’intéressement et de la participation, sont des pousse-au-crime antisalaires et antisécu. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) C’est l’exemple de la prime Macron : elle a privé chaque salarié qui l’a touchée de 240 euros de hausse de salaire. Elle ne sert d’ailleurs qu’à ça car, pour le reste, c’est un échec : quelque 70 % des salariés ne l’ont pas touchée et ceux qui l’ont touchée ont perçu bien peu, en tout cas bien moins que les 6 000 euros du plafond relevé à grand renfort de démagogie, l’été dernier, par la minorité présidentielle.
    Et vous voulez persister dans cette voie… Autrement dit, vous voulez inviter les salariés à se serrer la ceinture pour espérer percevoir une petite partie du bénéfice que leur travail gratuit aura constitué – mais après, bien sûr, que les actionnaires se seront servis du plus gros morceau. (M. Mathieu Lefèvre s’exclame.)

    Mme Marianne Maximi

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    C’est la vérité !

    M. Matthias Tavel

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    Ce n’est pas avec des primes qu’on convainc un propriétaire de louer un appartement ni un banquier de prêter de l’argent pour l’achat d’un logement ou même une voiture ; ce n’est pas avec des primes qu’on ouvre des droits à l’assurance chômage ou à la retraite – mais avec des hausses de salaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Cette logique de désocialisation – comme vous l’appelez – des rémunérations est une arnaque partagée entre macronistes et lepénistes. Le mot lui-même traduit l’horreur de la chose. M. Macron comme l’extrême droite auront beau jeu ensuite de venir pleurer une prétendue décivilisation.

    Mme Caroline Colombier

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    C’est pourtant vous qui avez voté pour lui !

    M. Matthias Tavel

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    Mais la « désocialisation », c’est-à-dire l’affaiblissement de la sécurité sociale (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES), et la défiscalisation, c’est-à-dire l’appauvrissement de l’État et de ses services publics, sont au cœur de l’effondrement néolibéral de nos sociétés, de l’abandon de chacun au « tous contre tous », ce que nous nommons pour notre part la « dissociété ».
    Vous versez des larmes de crocodile sur le prétendu déficit des retraites, mais vous présentez un projet de loi qui va encore affaiblir la sécurité sociale par des exonérations de cotisations.

    Mme Raquel Garrido

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    Exactement !

    M. Matthias Tavel

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    Selon la Cour des comptes, ces dernières représentent chaque année plus de 2 milliards d’euros de manque à gagner pour la sécu. Et avec ce texte, comme avec les amendements de certains députés macronistes, vous voulez renforcer les plans d’épargne retraite par capitalisation.
    Il faut également souligner que ces dispositifs de primes profitent davantage aux salaires les plus hauts qu’aux plus mal payés, davantage aux cadres qu’aux ouvriers et employés, davantage aux hommes qu’aux femmes. En les encourageant aveuglément, vous encouragez – peut-être à votre corps défendant pour certains – l’inégalité, et même l’injustice, des rémunérations. Vous avez d’ailleurs refusé, en commission, tous les garde-fous que nous avons proposés.
    Le présent projet de loi ne menace pas que les salaires : il menace aussi les dispositifs existants de partage du profit. La prime Macron, décidée unilatéralement par l’employeur, risque de cannibaliser l’intéressement qui nécessite au moins un accord collectif. Le plan de valorisation de l’entreprise risque de vampiriser l’actionnariat salarié en niant, au passage, le droit de vote des salariés. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Ce texte va menacer les maigres pouvoirs des salariés alors qu’il faudrait faire tout l’inverse – jusqu’à leur confier la direction des entreprises.
    Enfin, vous prétendez lutter contre une forme de salariat à deux vitesses entre grands groupes et PME. Mais si telle était vraiment votre intention, vous lutteriez contre la sécession des ultrariches, contre les superprofits, contre les superdividendes,…

    Mme Nadia Hai

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    Vous, vous luttez contre les Français !

    M. Matthias Tavel

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    …contre les superpatrimoines. Vous ne faites rien de tout cela.

    Mme Nadia Hai

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    Ben voyons !

    M. Matthias Tavel

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    Si vous vouliez vraiment aider les PME, vous créeriez la caisse de solidarité interentreprises que nous proposons, vous plafonneriez leurs frais bancaires (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES), vous renforceriez les devoirs des donneurs d’ordre à l’égard des sous-traitants, vous auriez voté avec nous pour rétablir l’accès de ces mêmes PME au tarif réglementé de l’électricité, au lieu de vous y opposer.

    Mme Clémence Guetté

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    Vous n’aimez pas les PME !

    M. Matthias Tavel

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    Et, ici, vous auriez accepté les amendements de la NUPES visant à lutter contre l’évasion fiscale des grands groupes. (Mme Raquel Garrido s’exclame.)
    Alors, voilà : par ce texte, vous affirmez une fois de plus votre préférence actionnariale. Par notre motion de rejet, nous affirmons, nous, notre préférence salariale, notre priorité sociale. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Par cette motion de rejet, nous refusons votre autoritarisme et le droit de veto du Medef sur les hausses des salaires. Nous refusons un nouvel affaiblissement de la sécurité sociale, qui vous permettra de venir ensuite exiger de nouveaux reculs en matière de droit à la retraite ou à l’assurance chômage, ou justifier de nouveaux déremboursements sur les soins dentaires, comme ceux que vous mettez déjà en œuvre, et peut-être demain sur les médicaments.

    Mme Raquel Garrido

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    Exactement !

    M. Matthias Tavel

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    Par cette motion de rejet, nous clamons haut et fort que nous avons au contraire besoin d’une vraie loi pour la hausse des salaires et le partage des richesses. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Augmentez les salaires, pas les actionnaires ! Voilà ce que vous disent les Français. Nous refusons donc la confiscation du débat, la confiscation des richesses et, tout bonnement, la confiscation du juste salaire des travailleurs qui, seuls, dans notre pays, créent la valeur. (Les députés du groupe LFI-NUPES se lèvent et applaudissent. – M. Jérôme Guedj et Mme Sandrine Rousseau applaudissent également.)

    Mme la présidente

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    Sur la motion de rejet préalable, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    Dans les explications de vote, la parole est à M. François Gernigon.

    M. François Gernigon (HOR)

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    Le texte qui appelle notre présence aujourd’hui n’est ni plus ni moins qu’une démonstration que la démocratie sociale fonctionne en France,…

    Mme Clémence Guetté

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    Ben voyons !

    M. François Gernigon

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    …ni plus ni moins que la transposition dans la loi d’un accord sur le partage de la valeur dans les entreprises en faveur des salariés, accord signé entre les organisations sociales et patronales qui nous demandent d’en respecter les termes.
    Chers collègues, la démocratie parlementaire doit être un soutien de la démocratie sociale qui,…

    Mme Clémence Guetté

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    Nous n’avons ni l’un ni l’autre !

    Mme la présidente

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    Seul l’orateur a la parole !

    M. François Gernigon

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    …à la demande du Gouvernement, s’est exprimée pour améliorer les mécanismes existants et assurer la juste considération du travail des salariés à travers leur participation aux bénéfices de leur entreprise.
    Les députés du groupe Horizons et apparentés voteront contre cette motion de rejet et espèrent que nous pourrons collectivement débattre de ce sujet crucial. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et Dem ainsi que sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Eva Sas.

    Mme Eva Sas (Écolo-NUPES)

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    Affirmons-le d’emblée : ce texte n’est en rien une réponse au problème du pouvoir d’achat des Français ou de leur pouvoir de vivre. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Les salaires augmentent moins vite que l’inflation depuis le troisième trimestre 2021 et les Français ont perdu en moyenne 720 euros de pouvoir d’achat en 2022, la facture étant encore plus salée pour les ménages ruraux et les ménages modestes.
    Voilà le vrai problème des Français et ce qu’ils attendent, ce n’est pas une petite prime en 2024 mais une augmentation de salaire dès à présent car, rappelons-le, puisque vous semblez l’avoir oublié, le premier outil de partage de la valeur, c’est bien l’augmentation des salaires.

    M. Matthias Tavel

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    Voilà !

    Mme Eva Sas

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    Et pourtant, rien ne figure à ce sujet dans le texte. Bien au contraire, vous développez toutes les solutions alternatives possibles pour freiner les hausses de salaires. Vous aviez déjà proposé le déplafonnement des heures supplémentaires exonérées, la monétisation des RTT, la prime Macron et maintenant ce texte sur le partage de la valeur. Le groupe Écologiste-NUPES a pourtant mis sur la table une proposition de loi comportant de nombreuses dispositions qui auraient pu relancer la dynamique salariale : augmenter le Smic et le point d’indice, conditionner les aides aux entreprises à la revalorisation des grilles salariales, réserver les exonérations dont bénéficient les bas salaires à une augmentation des salariés au Smic au bout de deux ans afin de refaire du Smic ce qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être – un salaire d’embauche –, mais rien n’y a fait. Vous préférez la prime, alors même que vous connaissez son effet de substitution aux augmentations de salaires, en moyenne à hauteur de 30 %, selon l’Insee.
    Aussi, je comprends la démarche de nos collègues du groupe LFI-NUPES face à votre cynisme et ce n’est que par respect pour la démocratie sociale qui, pour les écologistes, est l’un des piliers de la démocratie, que nous nous abstiendrons sur cette motion de rejet.

    M. Laurent Jacobelli

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    Ah, la NUPES se fissure…

    Mme Eva Sas

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    Par respect pour l’accord conclu entre les organisations syndicales et patronales, parce que le dialogue social est pour nous un bien précieux – un bien précieux que vous avez malheureusement trop souvent bafoué. Par respect, enfin, pour les organisations syndicales et leur combat pour la défense des droits des salariés – salariés auxquels je tiens à rendre hommage. (Mmes Christine Arrighi et Sandrine Rousseau applaudissent.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Michel Castellani.

    M. Michel Castellani (LIOT)

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    Bien sûr, le présent projet de loi ne réglera pas les inégalités de partage de la valeur ajoutée, pas plus qu’il ne propose de perspectives positives en matière de salaires, cela a été dit. Faut-il pour autant le balayer d’un revers de main ? Nous ne le croyons pas. Il comporte en effet des avancées qui trouveront une forme de concrétisation dans le quotidien des salariés, en matière de rémunération comme en matière de participation active à la vie de l’entreprise. Nous y tenons beaucoup et, bien que ces avancées soient timides, nous ne pouvons pas les rejeter en bloc.
    Et cela d’autant plus que ce texte est la transposition d’un accord national interprofessionnel. Quel signal enverrions-nous si nous refusions d’examiner un accord né du dialogue social alors même que celui-ci avait été largement contourné par le Gouvernement, je le rappelle, ces derniers mois ? Nous avons été les premiers à appeler au respect du dialogue social dans le cadre de la réforme des retraites et les premiers à exhorter le Gouvernement à laisser les partenaires sociaux discuter des modalités de financement du système, des moyens d’améliorer notre politique en matière d’emploi des seniors ou de pénibilité. Nous voulions en effet que les partenaires sociaux présentent leurs propositions sur tout ce qui relève du travail.
    Alors qu’ils parviennent à un accord majoritaire sur la question du partage de la valeur dans l’entreprise, cela nous oblige. Cela ne signifie pas que nous devons transposer à la lettre les dispositions de cet accord, que nous ne devons pas chercher à enrichir le texte de mesures supplémentaires. Nous avons notre rôle de législateur à jouer et nous essaierons de le faire du mieux possible. Au passage, le groupe LIOT regrette que le projet de loi soit si restreint. Vous aurez compris que, pour toutes ces raisons, nous ne soutiendrons pas la motion de rejet.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Marc Ferracci.

    M. Marc Ferracci (RE)

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    Chers collègues du groupe LFI-NUPES, avec cette motion de rejet, vous montrez une fois de plus qui sont vos véritables ennemis. Vous êtes les ennemis du pouvoir d’achat des Français (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES)

    M. Antoine Léaument

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    Et vous, vous êtes les ennemis de la démocratie !

    Mme Mathilde Panot

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    Sous votre gouvernement, nous avons 12 millions de pauvres !

    M. Matthias Tavel

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    C’est l’hôpital qui se fout de la charité !

    M. Marc Ferracci

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    …en refusant à des millions d’entre eux l’amélioration du revenu que permettrait l’adoption de ce projet de loi. Vous êtes les ennemis de l’emploi en préconisant de manière parfaitement inconséquente des augmentations générales de salaires dont on sait bien que beaucoup d’entreprises seraient incapables de les assumer, en particulier les plus petites et les plus jeunes d’entre elles qui cesseront immédiatement d’embaucher. Vous êtes également les ennemis du dialogue social en refusant la transposition fidèle d’un accord national interprofessionnel dont on sait que la signature n’était pas du tout acquise au départ.

    M. Antoine Léaument

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    Ça, c’est vrai !

    M. Marc Ferracci

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    Je serais d’ailleurs curieux, à cet égard, de savoir ce que pensent ceux et celles qui, au sein de la NUPES, se réclament encore de la social-démocratie dont le dialogue social est un des piliers ; mais je vous laisse en discuter entre vous.
    Enfin, vous êtes les ennemis du débat, tout simplement,…

    Mme Mathilde Panot

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    Et tous les 49.3 ?

    M. Marc Ferracci

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    …un débat qui pourrait éclairer les Français sur un sujet de préoccupation majeur pour eux. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Matthias Tavel

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    Vous êtes grotesque !

    M. Marc Ferracci

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    C’est le principe même d’une motion de rejet que d’esquiver le débat. Eh bien, nous en prenons acte. Dire que tout cela nous surprend serait mentir. Voilà pourquoi le groupe Renaissance votera contre la motion de rejet. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe RE.)

    M. Arnaud Le Gall

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    Quand on sait que c’est vous qui aviez déposé l’amendement demandant un rapport favorable à la retraite par points…

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Frédéric Cabrolier.

    M. Frédéric Cabrolier (RN)

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    Le présent projet de loi transpose quinze des trente-six articles de l’accord national interprofessionnel voté en février dernier, ce qui permet de développer un peu plus les dispositifs en vigueur au profit des salariés. Alors, certes, le Conseil d’État indique que le critère des moins de cinquante salariés pour l’inscription dans le temps et dans le champ de l’épargne salariale de la prime de partage de la valeur marque une rupture d’égalité des salariés devant l’impôt. Certes, plusieurs mesures posent problème, comme le nouveau plan de valorisation de l’entreprise, qui consiste à intéresser financièrement les salariés à la croissance de la valeur de leur entreprise et qui concurrencera peut-être l’actionnariat salarié. Certes, le développement des outils de partage de la valeur ne doit pas se faire au détriment de l’augmentation des salaires, qui reste le meilleur partage de la valeur.

    M. Louis Boyard

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    Eh bien, votez la motion de rejet alors !

    M. Frédéric Cabrolier

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    Certes, ce projet de loi ne comporte aucune disposition contre la pratique de la fraude fiscale évaluée à environ 40 milliards d’euros, soit vingt fois plus qu’au début des années 2000, ce qui grève, bien sûr, la participation des salariés.
    Toutefois, ce projet de loi va permettre d’étendre la participation dans les entreprises de moins de cinquante salariés, de faire profiter les salariés des bénéfices exceptionnels de leur entreprise et de développer l’actionnariat salarié dans le capital des entreprises françaises. Surtout, c’est une transposition dans la loi de l’accord national interprofessionnel signé en février de cette année par toutes les organisations syndicales et patronales – à l’exception, il est vrai, de la CGT –, au terme de plusieurs semaines de discussions. Dès lors, ne pas en discuter serait une trahison vis-à-vis de ces syndicats et des différents organismes dont nous avons pu auditionner des représentants, qui se sont tous déclarés en faveur d’une évolution des dispositifs de partage de la valeur.
    Aussi, dans la mesure où nous ne sommes pas liés à la CGT comme peuvent l’être les membres de l’intergroupe NUPES, voterons-nous contre la motion de rejet, dans l’intérêt des salariés et des Français. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)

    Mme Clémence Guetté

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    Tartuffes !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Rachel Keke.

    Mme Rachel Keke (LFI-NUPES)

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    Le projet de loi que vous nous demandez de voter aujourd’hui est complètement hypocrite. C’est un cadeau de plus aux patrons et aux superprofiteurs. C’est une insulte aux travailleuses et aux travailleurs du pays car il ne propose que des primes et des mesures qui affaiblissent notre système social et le mettent en danger. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Rien sur le Smic ni sur la taxation des superprofits ! Rien sur l’égalité salariale entre les femmes et les hommes !
    Le pouvoir d’achat recule sous le coup de l’inflation et le pays compte 1,2 million de travailleuses et de travailleurs pauvres. Vous refusez pourtant d’agir alors que vous auriez pu améliorer cet accord en proposant, au minimum, l’augmentation du Smic. Vous préférez condamner le peuple et les générations futures à deux années de travail supplémentaires avec votre réforme des retraites brutale, injuste et impopulaire plutôt que d’exiger de vos amis super-riches de mettre la main à la poche. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.  Mme Sandrine Rousseau applaudit également.)
    Vous obligez ainsi les salariés – à Monoprix, Total, Geodis, Ibis et ailleurs – à se mettre en grève pour obtenir des augmentations de salaires car c’est bien grâce à la grève que les salaires sont augmentés. Je tiens ici à rendre hommage aux soixante-douze travailleuses de Vertbaudet. Elles ont arraché la victoire après avoir tenu deux mois sans salaire. (Plusieurs députés du groupe LFI-NUPES se lèvent et applaudissent. – Les autres députés du groupe LFI-NUPES ainsi que Mme Sandrine Rousseau applaudissent également.)
    Adoptez notre motion de rejet et rejetez ce texte vide ! Le peuple de France, dont nous sommes les représentants, veut travailler dignement pour gagner sa vie dignement. Ce texte ne le lui permettra pas. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Stéphane Viry.

    M. Stéphane Viry (LR)

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    Il était temps que l’Assemblée nationale se saisisse de la question du partage de la valeur dans l’entreprise. En effet, le rapport de la mission d’information présenté en avril dernier montre les carences du droit en vigueur et la nécessité de l’aménager.
    Un projet de loi sur cette question peut servir de prétexte pour évoquer l’emploi, le pouvoir d’achat, la rémunération ou même la place du travail dans notre société. C’est bien ce que cherche à faire la NUPES pour déporter notre attention du vrai sujet qui est celui du respect du dialogue social et du chemin tracé par le travail des organisations syndicales et des organisations patronales pour le bénéfice des travailleurs.

    M. Mathieu Lefèvre et Mme Prisca Thevenot

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    Exactement !

    M. Stéphane Viry

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    Ne pas valider cet accord national interprofessionnel serait faire insulte aux partenaires sociaux. (M. Mathieu Lefèvre applaudit.) Cela reviendrait en effet à leur dire que leur travail est à jeter et que la démocratie parlementaire, qui serait la seule détentrice de la vérité, pourrait écraser la démocratie sociale. Avec mes collègues du groupe Les Républicains, nous ne partageons pas cette vision. Nous considérons au contraire que, par respect pour les partenaires sociaux, il faut voter ce projet de loi qui vise à transcrire un accord qu’ils ont élaboré. Nous voterons donc contre la motion de rejet. Voter en sa faveur revient à opposer une fin de non-recevoir au dialogue social, aux patrons et aux salariés. Ce serait insupportable pour moi ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.)

    M. Aurélien Saintoul

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    Le dialogue social a bon dos !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Bruno Millienne.

    M. Bruno Millienne (Dem)

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    Comme de coutume, plusieurs d’entre nous écriront un livre à la fin de la législature pour raconter leur expérience de député.

    Mme Alma Dufour

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    Personne ne lira le vôtre !

    M. Bruno Millienne (Dem)

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    Après le célèbre et excellent Manuel de survie à l’Assemblée nationale de Jean-Jacques Urvoas, nos collègues de La France insoumise pourraient sans mal publier un épais manuel de l’opposition stérile. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Louis Boyard

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    On y parlera beaucoup de vous !

    M. Bruno Millienne

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    Ils pourront y dédier un chapitre entier au tour de force qu’ils ont réalisé aujourd’hui : celui de fouler aux pieds le dialogue social en proposant de soustraire à l’examen de l’Assemblée nationale un texte majeur pour le pouvoir d’achat des salariés, en particulier ceux des petites et moyennes entreprises.
    Le groupe Démocrate est impatient de commencer l’examen de ce projet de loi, fruit d’un quasi-consensus entre les partenaires sociaux. Il nous donne en effet l’occasion unique de mieux associer les salariés à la valeur qu’ils contribuent à créer. Mais comme il ne correspond pas exactement à sa vision punitive,…

    M. Louis Boyard

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    Ce sont vos amis qu’on va punir !

    M. Bruno Millienne

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    …le groupe LFI-NUPES a déposé une motion de rejet préalable. Collègues mélenchonistes, obsédés que vous êtes par le grand soir, vous refusez de débattre du moindre pas en avant, du moindre compromis entre patrons et salariés.
    Vous prétendez défendre les travailleurs les plus modestes, mais est-ce les aider que de refuser d’examiner ce projet de loi ? Non ! Vous dites soutenir la négociation syndicale, mais où est la logique lorsque vous vous dérobez au moment de la transcrire dans la loi ? Nulle part ! Quelles avancées concrètes proposez-vous ? Aucune !
    Le partage de la valeur dans l’entreprise représente plus de 18 milliards versés chaque année, soit environ 2 500 euros par salarié dans les structures de plus de dix personnes. Si nous votons ce texte, demain, les salariés de plus de 50 000 entreprises supplémentaires bénéficieront d’un dispositif de partage de la valeur, l’actionnariat salarié sera lui aussi élargi et une épargne salariale plus importante contribuera à la transition écologique.

    Mme Danielle Simonnet

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    Les syndicats demandent la hausse des salaires !

    M. Bruno Millienne

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    Pour toutes ces raisons, et parce que nous ne sommes pas de la CGT,…

    M. Matthias Tavel

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    Ils ne voudraient pas de vous à la CGT !

    M. Bruno Millienne

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    …le groupe Démocrate rejettera la motion de rejet : il tient à débattre avant de voter ce texte sur le partage de la valeur. Faisons-le, chers collègues ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs des groupes RE et HOR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jérôme Guedj.

    M. Jérôme Guedj (SOC)

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    Il y a une contradiction à, d’un côté, vanter les vertus du dialogue social et, de l’autre, comme vient de le faire à l’instant Bruno Millienne, à stigmatiser un des partenaires sociaux pour avoir refusé de signer l’accord (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur plusieurs bancs du groupe Écolo-NUPES.) C’est en effet le propre du dialogue social de ne pas toujours aboutir.
    Je vous invite donc à tempérer vos excès d’enthousiasme sur ce texte, comme ceux dont a fait preuve Marc Ferracci, en en faisant l’alpha et l’oméga du partage de la valeur. Le projet de loi souffre en effet d’insuffisances manifestes, qui ne procèdent pas uniquement de la qualité du dialogue social. Je rappelle que celui-ci était cadré, en application de l’article L. 1 du code du travail, par le document d’orientation de M. le ministre, qui, à aucun moment, n’a mentionné la question des salaires. C’est bien la preuve que le Gouvernement souhaite évacuer l’augmentation des salaires du dialogue sur le partage de la valeur. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur plusieurs bancs du groupe Écolo-NUPES.) Nous sommes frustrés par ce cadenassage du travail des partenaires sociaux, qui n’est pas sans rappeler celui du travail des parlementaires.
    Cela dit, par respect pour la démocratie sociale et pour le dialogue social, nous souhaitons que le débat ait lieu. Il sera l’occasion pour nous de vous interroger sur votre posture de gardiens zélés du dialogue social, sur ce qui est pour vous acceptable et ce qui ne l’est pas. Votre conception de la démocratie sociale se confrontera à celle que nous appelons de nos vœux, mais aussi à notre conception de la démocratie parlementaire, qui ne peut se soumettre à la démocratie sociale. Nous nous abstiendrons donc sur cette motion de rejet. (Mme Sandrine Rousseau applaudit.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix la motion de rejet préalable

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        110
            Nombre de suffrages exprimés                106
            Majorité absolue                        54
                    Pour l’adoption                32
                    Contre                74

    (La motion de rejet préalable n’est pas adoptée.)

    Discussion générale

    Mme la présidente

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    La parole est à M. François Gernigon.

    M. François Gernigon

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    Depuis 2017, notre majorité a défendu plusieurs réformes ambitieuses avec pour objectif fondamental d’atteindre le plein emploi. Depuis quarante ans, le taux de chômage n’a jamais été aussi bas. Nous pouvons en être fiers, mais l’emploi ne se résume pas à des chiffres : il s’agit aussi de permettre à chacun de travailler dans de meilleures conditions et d’être mieux reconnu.
    Dans cette perspective, le partage de la valeur en entreprise est un outil de premier ordre. L’accord national interprofessionnel acquiert donc une importance cruciale car il est un moyen de concrétiser des engagements et de poursuivre notre mission collective pour rendre le marché du travail plus équitable et plus inclusif. Sa signature le 10 février 2023 par les trois principales organisations patronales et par quatre des cinq organisations syndicales représentatives est le résultat d’un effort conjoint. La mobilisation des acteurs sociaux dans l’élaboration de cet accord est un exemple de collaboration et démontre que la démocratie sociale reste une force motrice pour l’amélioration des droits des travailleurs et du fonctionnement des entreprises dans notre pays.
    L’ANI répond à un double objectif : améliorer la répartition de la valeur créée et mieux récompenser les salariés en cas de performances exceptionnelles des entreprises. Il le fait en incluant davantage les salariés dans le partage des bénéfices de l’entreprise.
    Cet accord s’inscrit dans le prolongement des initiatives du Gouvernement et de notre majorité pour booster l’intéressement et la participation, spécialement dans les petites entreprises, initiatives dont la loi Pacte de 2019 est un exemple important. Il est également la suite logique de la loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, qui a créé la prime de partage de la valeur. Il renforce en effet cette prime dont ont déjà bénéficié plus de 5 millions de salariés l’année dernière et dont les limites ont été augmentées à 3 000 euros par an par bénéficiaire sans conditions et jusqu’à 6 000 euros pour les entreprises ayant adopté un accord d’intéressement ou de participation volontaire.
    L’article 3 du projet de loi marque une étape importante dans le parcours vers une meilleure équité puisqu’il permet aux entreprises de onze à cinquante salariés de mettre en place un dispositif de partage de la valeur, tout en leur offrant une certaine latitude quant à sa nature : participation, intéressement, prime de partage de la valeur, contribution à un plan d’épargne entreprise ou à un plan d’épargne retraite.
    L’article 5 prévoit l’obligation, dans les entreprises de plus de cinquante salariés, d’ouvrir des négociations afin de verser un supplément aux salariés en cas de résultats réalisés en France et présentant un caractère exceptionnel – que les organisations patronales et syndicales n’ont pas souhaité définir et qu’il nous appartiendra donc de préciser au cours de ce débat. J’ai ainsi déposé, avec mes collègues du groupe Horizons et apparentés, un amendement afin de préciser les critères qui devront être pris en compte pour la définition de l’augmentation exceptionnelle du bénéfice.
    Pour conclure, je tiens à saluer l’engagement du Gouvernement, son soutien indéfectible à cet accord et sa détermination à transposer fidèlement et rapidement ses termes dans la loi. Cette démarche témoigne de l’importance accordée à la démocratie sociale et au travail accompli en collaboration avec les partenaires sociaux. Il va sans dire que le groupe Horizons et apparentés apportera son soutien sans réserve à ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Eva Sas.

    Mme Eva Sas

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    Je l’ai déjà dit : ce texte n’est en rien une réponse aux problèmes de pouvoir d’achat des Français. Le premier outil de partage de la valeur est l’augmentation des salaires et c’est ce qu’attendent les Françaises et les Français. Nous ne sommes pas dupes : cette négociation sur le partage de la valeur est le énième épisode de votre politique constante de développement des options alternatives visant à freiner les augmentations de salaires.
    Néanmoins, nous aurions pu soutenir ce projet de loi, s’il avait étendu l’obligation de la participation aux entreprises de onze à cinquante salariés. Cela aurait constitué une avancée réelle, car, dans notre pays, le salariat est à deux vitesses, avec, d’un côté, les salariés des grands groupes, qui sont les mieux rémunérés et ont accès à l’intéressement, à la participation et à l’épargne salariale, de l’autre les salariés des très petites entreprises TPE – très petites entreprises – et PME qui, outre qu’ils sont bien moins rémunérés, sont privés de ces avantages. Toutefois, le texte ne prévoit pas une telle extension ; de plus, il n’aura en l’état qu’une portée très faible, pour trois raisons.
    Premièrement, vous introduisez cyniquement la prime Macron parmi les outils de partage de la valeur, en la rebaptisant habilement « prime de partage de la valeur ». C’est une nouvelle opération de communication en faveur de cette prime qui, comme je l’ai rappelé, a un effet d’éviction de 30 % en moyenne sur les augmentations de salaire, outre qu’elle cannibalisera l’intéressement, parce que le recours à celle-ci est beaucoup plus simple et moins coûteux. Alors que l’intéressement et la participation sont, eux, des dispositifs vertueux, négociés, qui fédèrent un collectif de travail autour d’objectifs partagés, vous préférez promouvoir la prime, en prétendant qu’elle est plébiscitée. Elle l’est, mais par les employeurs, puisqu’elle n’implique aucune charge, aucune négociation et leur donne un argument pour proposer de moindres augmentations de salaires. Les salariés, eux, veulent une augmentation salariale, mensuelle, pour payer leurs factures, emprunter, se projeter dans l’avenir.
    Deuxièmement, si vous prévoyez l’obligation légale, pour les entreprises de onze à cinquante salariés, d’instaurer un dispositif de partage de la valeur, vous ne fixez aucun montant minimum, si bien que les employeurs pourront se contenter de verser une prime de 1 euro.
    Troisièmement, le versement, prévu par le texte, d’une prime exceptionnelle quand l’entreprise réalise des résultats exceptionnels s’accompagne d’une simple obligation de négociation sur la définition des résultats exceptionnels – rien n’est prévu si la négociation échoue. Autant dire que l’effectivité de ce droit dépend entièrement de la bonne volonté de l’employeur.
    Les écologistes sont de fervents défenseurs de la démocratie sociale, sans laquelle il n’y a pas de démocratie tout court – je rends ici hommage aux organisations syndicales et aux 2,5 millions de syndiqués en France, qui chaque jour ont le courage de défendre les salariés. Mais rien ne nous empêche, nous, parlementaires, d’améliorer le texte. Nos amendements visent à en renforcer la portée, en réservant les exonérations à la participation et l’intéressement ; en fixant un montant minimum pour la prime versée dans les entreprises de onze à cinquante salariés ; en proposant une définition supplétive des résultats exceptionnels, en cas d’échec de la négociation.
    Surtout, nous devons absolument, au travers de ce projet de loi, nous attaquer aux employeurs peu scrupuleux qui privent les salariés de leur droit à la participation, en déplaçant la valeur ajoutée dans des holdings, en France ou à l’étranger. Comment évoquer un juste partage de la valeur si les salariés injustement privés de leur participation ne peuvent même pas poursuivre leur employeur pour obtenir réparation, à cause de l’article L. 3326-1 du code du travail, un verrou juridique qui n’a qu’un seul effet, protéger les employeurs douteux de telles poursuites ? Dans les affaires Xerox, Wolters Kluwer, MacDonalds, qui ont défrayé la chronique, les salariés demandant leur juste droit à participation ont été déboutés sur le fondement de ce fameux article. Dans le cas de Procter & Gamble, 5,5 milliards d’euros de valeur ajoutée ont été transférés en Suisse par le biais de prix de transfert, occasionnant une perte de 371 millions d’euros de participation pour les salariés. Pour General Electric, le transfert de base fiscale est estimé à 850 milliards d’euros pour les années 2015 à 2020, occasionnant une perte de participation de 10,5 millions d’euros pour les salariés. Pour nous, ce sera l’épreuve de vérité de ce texte. Êtes-vous là pour protéger les employeurs malhonnêtes ou pour défendre le juste droit des salariés à la participation ?
    Je rends hommage au travail et à la qualité d’écoute du rapporteur, Louis Margueritte, avec qui le dialogue fut constructif malgré nos désaccords. Je ne peux qu’espérer qu’il soit mieux écouté, à son tour, par le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Pierre Dharréville.

    M. Pierre Dharréville

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    C’est une opération « pousse mousse ». La mousse vise à faire croire que le Gouvernement est favorable au partage ; pas n’importe quel partage, le partage de la valeur, presque le partage des richesses, un dispositif complètement disruptif – rien à voir avec la réforme des retraites. La mousse vise à nous faire croire que les relations sociales dans le pays ont atteint le nirvana, après la signature d’un accord qu’il nous est demandé d’inscrire dans la loi.
    Même si, moi aussi, j’aime beaucoup la fiction, vous aurez du mal à nous embarquer dans un tel délire, car l’histoire que le Président et ses amis continuent d’écrire, jour après jour, est celle où l’abondance est réservée à quelques-uns, celle des inégalités, des bas salaires, des lendemains incertains, des comptes de la sécurité sociale asséchés et des retraites rabotées. Tout a été fait pour organiser à chaque occasion le contournement du salaire, et même sa relégation au second plan.
    Nous contestons la feuille de route que vous avez imposée, dont résulte le présent accord, qui ne fait pas l’unanimité. Quand parlerons-nous du salaire ? Il faut se battre pour vous arracher la retranscription du principe, pourtant inscrit dans l’accord, selon lequel les primes prévues « complètent la rémunération salariale et ne s’y substituent pas ». C’est pourtant déjà le cas à hauteur de 30 % et le phénomène risque de s’amplifier. Nous vivons chaque jour un peu plus sous l’empire du profit. Entre 2011 et 2021, selon les derniers rapports d’Oxfam, la part dédiée à la rémunération du travail dans la valeur ajoutée a chuté de 10 points dans les cent plus grandes entreprises françaises cotées. Celles-ci ont versé à leurs actionnaires en moyenne 71 % des bénéfices réalisés chaque année. La rémunération de leurs PDG a augmenté de 66 % tandis que celle des salariés n’a crû que de 21 % et le Smic, de 14 %.
    Les politiques conduites par le Président, ses gouvernements et ses majorités, ont accompagné, accrédité, accéléré ce mouvement : toujours plus pour les grands possédants, les dominants, au détriment de celles et ceux qui n’ont pour vivre que leur force de travail, alors même que c’est leur travail qui crée les richesses.
    Le partage de la valeur commence par le salaire, il réside même essentiellement dans le salaire. Le salaire installe la rémunération dans la durée, garantit les droits, constitue un fil rouge tout au long de la carrière professionnelle. Ce n’est pas nous que vous devrez convaincre qu’il faut mieux partager les richesses, mais ce n’est pas à nous que vous ferez croire que vous voulez vraiment le faire avec ce texte. Pour notre part, nous proposons depuis bien longtemps, par exemple, une échelle des salaires permettant de limiter les écarts de rémunération.
    Les effets positifs de cet accord seront limités. Quant aux effets négatifs, ils ne font aucun doute. Vous n’en finissez plus de priver la sécurité sociale de ressources, vous êtes allergiques à l’idée même de cotisations sociales – c’est du moins le sentiment que vous nous donnez. Pourtant, les cotisations sociales, ce n’est pas sale ; elles nous permettent de nous assurer mutuellement face aux aléas de l’existence. Vous opérez d’ailleurs un glissement : la suppression des ressources allouées à la sécurité sociale et aux retraites va de pair avec la promotion des plans de capitalisation. Nous le savions déjà, lorsque vous vous livriez à de grandes tirades selon lesquelles vous travailliez à sauver le système par répartition. La religion de la prime fait système avec la capitalisation. La valeur doit être partagée au sein de l’entreprise, bien sûr, mais aussi au sein de toute la société, grâce à l’impôt et à la justice fiscale. Vous essayez de vendre l’illusion de l’actionnariat salarié comme une libération, comme si, en distribuant quelques actions qui ne donnent aucun pouvoir réel, on abolissait le lien de subordination entre l’employeur et le salarié, la contradiction de classe. Il ne s’agit que de faire semblant, de créer la confusion.
    Accordez plutôt des salaires justes et de vrais pouvoirs aux salariés ! Vous leur en avez retiré, y compris au détriment de leur santé et de leur sécurité. J’ai à ce titre une pensée mobilisée pour les salariés d’ArcelorMittal. L’inspection du travail vient de prononcer l’arrêt de l’activité pour les protéger de l’exposition grave à des émissions cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques à Fos-sur-Mer.
    Cet accord, dont on a le sentiment qu’il a été signé faute de mieux, ne fait pas, comme on dit, la rue Michel. Il fait pour partie reposer le partage de la valeur sur les finances de la sécurité sociale et de l’État. Vous avez donné une mauvaise feuille de route aux organisations syndicales et patronales. La puissance publique doit prendre parti autrement dans les rapports sociaux, en faveur de celles et ceux qui les subissent. Nous n’examinons pas ce texte de manière neutre, parce qu’au stade où nous en sommes, il nous engage et que la manière dont il transcrit l’ANI n’est pas neutre non plus. Pour faire beaucoup de mousse, il n’y a pas besoin de beaucoup de savon. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Écolo-NUPES. – M. Adrien Quatennens applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Michel Castellani.

    M. Michel Castellani

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    Cela a déjà été indiqué, si nous ne devions retenir qu’une donnée, ce serait celle tirée du rapport Oxfam : en dix ans, dans les cent plus grandes entreprises françaises cotées, la dépense par salarié a augmenté de 22 % et les versements aux actionnaires de 57 %. C’est la preuve d’un écueil majeur de notre système de répartition des richesses au sein des entreprises, et plus largement au sein de la société : en dépit de la volonté de développer des outils de partage de la valeur ces dernières années, nous touchons du doigt leurs limites. Nous ne pouvons demeurer indifférents, d’une part, à l’accroissement démesuré des rémunérations sous forme de dividendes et d’actions ; d’autre part, aux difficultés croissantes des salariés pour vivre des fruits de leur travail. Cette impasse doit au minimum nous pousser à nous interroger sur notre capacité à lutter réellement contre les injustices sociales.
    Le présent projet de loi ne supprimera pas cet écueil. Néanmoins, notre groupe se satisfait de voir advenir un accord national interprofessionnel. Le dialogue social fonctionne bien lorsque nous laissons les partenaires sociaux négocier, d’autant que le partage de la valeur est essentiel pour accroître le pouvoir d’achat, préoccupation majeure de nos concitoyens, mais aussi pour tenir compte de l’évolution du rapport au travail et de la demande d’engagement au sein des entreprises.
    Toutefois le présent projet de loi ne reprend pas toujours intégralement le contenu de l’accord national interprofessionnel, ce qui remet en cause son équilibre. Nous proposerons donc quelques ajustements. Si le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires soutient le développement du partage de la valeur, nous vous alertons sur deux points.
    Tout d’abord, ces outils ne peuvent pas ni ne doivent se substituer aux salaires. Considérer que les problèmes de rémunération se régleront par ce biais serait erroné. Les primes ne constituent pas une politique salariale satisfaisante. Il conviendrait donc au moins de décorréler les négociations portant sur les salaires de celles relatives au partage de la valeur ; nous défendrons un amendement en ce sens. Il conviendra d’être très vigilants sur les effets d’aubaine : les effets de substitution de la prime Macron aux salaires sont par exemple importants ; ils ont empêché entre 15 et 40 euros d’augmentation salariale.
    Autre problème, ces outils ne profitent pas à tous les salariés ni à toutes les entreprises, et le texte ne rendra pas ces primes automatiques. Enfin, le calcul des primes avantage parfois le haut de l’échelle des salaires plutôt que les plus petites rémunérations. Sur ce point, l’ANI propose toutefois des évolutions intéressantes. À l’inverse, alors que la prise en compte des résultats exceptionnels devrait constituer un point important du texte, elle ne donne lieu qu’à des dispositions timides ; rien ne garantit qu’elle aboutira.
    Nos réserves s’expliquent également par la complexité de ces outils. Une réflexion sur les règles en matière de régime fiscal et social nous paraît nécessaire, pour les rendre plus accessibles, compréhensibles, mais aussi pour mesurer leur impact sur la sécurité sociale. En effet, la Dares – la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques – estime que les dépenses fiscales et sociales liées aux dispositifs de partage de la valeur ont réduit les recettes de la sécurité sociale de 8 milliards d’euros entre 2018 et 2022. C’est loin d’être anodin alors que les recettes manquent cruellement pour pérenniser notre modèle de protection sociale. Par ailleurs, la prorogation de régimes sociaux et fiscaux qui devaient être exceptionnels risque de poser quelques problèmes en matière d’égalité devant les charges publiques. Nous y reviendrons.
    Notre groupe estime qu’une discussion sur le partage de la valeur dans les entreprises doit permettre d’envisager une plus grande conditionnalité des aides. Nous défendrons un amendement ayant pour objectif d’inscrire dans la loi la possibilité d’intégrer des critères RSE – responsabilité sociale des entreprises –, les critères financiers ne devant pas être les seuls à figurer dans les accords. Dans le même esprit, la prise en compte des résultats exceptionnels dans le texte nous paraît encore timide et gagnerait à être plus encadrée, de même que la définition de ces résultats, qui demeure assez élastique.
    Ces remarques faites, notre groupe soutiendra le projet de loi. (M. Karl Olive applaudit.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Michèle Peyron.

    Mme Michèle Peyron

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    Depuis 2017, nous menons des réformes pour favoriser le partage de la valeur. Ainsi, depuis le vote de la loi Pacte en 2019, des accords d’intéressement et de participation existent dans les PME. Plus récemment, en août 2022, avec la loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, le recours à l’intéressement a été facilité au sein des PME et nous avons créé une nouvelle prime de partage de la valeur, qui a remplacé la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, dite prime Macron.
    Mais nous souhaitons aller plus loin. C’est pourquoi, en septembre dernier, le Gouvernement a invité les partenaires sociaux à engager une négociation nationale interprofessionnelle afin de renforcer le partage de la valeur au sein des entreprises et de mieux associer les salariés aux performances de ces dernières.
    Les partenaires sociaux se sont approprié le sujet et ont entamé les négociations. C’est sur cette base qu’un accord national interprofessionnel a été conclu le 10 février 2023, signé par les organisations patronales – Medef, CPME et U2P – ainsi que la CFDT, la CGC, la CFTC et Force ouvrière.
    Le Gouvernement s’est engagé à le transposer fidèlement, grâce à des mesures ambitieuses. La première est l’instauration obligatoire, pour les entreprises de onze à quarante-neuf salariés, d’un dispositif de partage de la valeur – accord de participation, accord d’intéressement, versement d’une prime de partage de la valeur ou abondement d’un plan d’épargne salariale. La seconde prévoit l’instauration d’une obligation de négociation afin de prendre en compte les résultats exceptionnels pour les entreprises d’au moins cinquante salariés.
    Les débats en commission des affaires sociales ont été relativement constructifs. La majorité a notamment fait adopter un amendement sur la mixité des métiers, afin d’instaurer un bilan des actions des branches en faveur de la promotion et de l’amélioration de cette mixité, conformément à l’article 4 de l’ANI.
    Nous avons également adopté un amendement du rapporteur visant à accélérer la généralisation des dispositifs de partage de la valeur dans les entreprises de onze à cinquante salariés, en avançant à 2024 la mise en œuvre du dispositif prévu à l’article 3 du projet de loi.
    Pour faire suite à nos débats en commission et aux échanges qui avaient lieu simultanément entre les partenaires sociaux, nous proposerons un amendement d’équilibre réaffirmant le principe de non-substitution : les sommes versées au titre de dispositifs de partage de la valeur ne peuvent se substituer aux salaires. Nous proposerons également un amendement sur les bénéfices exceptionnels afin de répondre aux manques pointés par le Conseil d’État.
    Un de nos amendements visera à transposer l’article 15 de l’ANI afin que les accords d’intéressement intègrent des critères relevant de la responsabilité sociale et environnementale de l’entreprise. Enfin, en accord avec les organisations syndicales signataires, nous proposons d’appliquer les obligations prévues à l’article 3 du projet de loi aux entreprises de l’économie sociale et solidaire.
    Pour conclure, je souhaite exprimer un regret : celui qu’une fois de plus, un certain groupe de l’opposition se serve de cette tribune pour faire son show médiatique et mentir aux Français. Qui sommes-nous pour nous opposer à un accord signé par tant de partenaires sociaux ? Qui sommes-nous pour remettre en cause de nouveaux dispositifs qui augmenteront le pouvoir d’achat de près de 1,5 million de Français ?

    M. Matthias Tavel

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    Nous sommes le législateur !

    Mme Michèle Peyron

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    Certes, nous ne serons jamais d’accord sur la question des salaires, mais comment pouvez-vous refuser les mesures issues d’un tel accord, alors que le projet de loi n’empêche à aucun moment les entreprises d’augmenter les salaires – il y a eu des hausses dans certains secteurs ?

    Une députée du groupe LFI-NUPES

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    Non, elles ne le font pas !

    Mme Michèle Peyron

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    Nous ne pouvons plus vous laisser dire que les patrons sont avides, qu’ils ne partagent pas ou rechignent à partager certains bénéfices. C’est faux !

    M. Matthias Tavel

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    Vous n’avez pas écouté !

    Mme la présidente

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    Seule l’oratrice a la parole.

    Mme Michèle Peyron

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    Les masques tombent : vous ne respectez pas le dialogue et la démocratie sociale. Le groupe Renaissance, fidèle à son engagement de respect de la démocratie sociale (Exclamations et rires sur les bancs du groupe LFI-NUPES), soutiendra ce projet de loi. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Mme Anne Bergantz applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Frédéric Cabrolier.

    M. Frédéric Cabrolier

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    Le partage de la valeur entre salariés et actionnaires dans les entreprises constitue un enjeu majeur des années à venir, tant pour le pouvoir d’achat que pour réconcilier les Français avec le monde de l’entreprise. Un fossé s’est creusé ces dernières années entre salariés et actionnaires : dans la répartition de la valeur ajoutée entre travail et capital, celui-ci est, depuis trente ans, avantagé au détriment de celui-là.
    En 2020, la France se classe en deuxième position en Europe derrière la Slovénie pour le développement des dispositifs de partage de la valeur. La loi Pacte de 2019, la loi du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique, dite ASAP, et celle portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, l’an dernier, ont beaucoup contribué au déploiement des différents dispositifs, en simplifiant les procédures administratives pour les chefs d’entreprise et en sécurisant les entreprises une fois l’accord mis en place.
    Ce projet de loi transpose quinze des trente-cinq articles de l’ANI voté en février 2023 et c’est un pas de plus vers le développement des dispositifs au profit des salariés. Le déploiement de la participation et de l’intéressement dans les entreprises de moins de cinquante salariés devrait se traduire par plus de productivité dans ces dernières.
    La possibilité de négocier un accord de participation d’ici juin 2024, avec une liberté totale sur la fixation de la formule du calcul de la participation – qui pourra être moins-disante que la formule légale –, ou la généralisation des dispositifs de partage de la valeur aux entreprises de onze à cinquante salariés qui réalisent des bénéfices récurrents doivent contribuer à l’extension de la participation dans les entreprises de moins de cinquante salariés. En faisant bénéficier les salariés des bénéfices exceptionnels de leur entreprise, il s’agit d’œuvrer en faveur de la justice sociale, même s’il est regrettable que le législateur n’ait pas défini ce qu’est une augmentation exceptionnelle des bénéfices.
    L’inscription dans le temps et dans le champ de l’épargne salariale de la prime de partage de la valeur, prolongée jusqu’au 31 décembre 2026, vise quant à elle à répondre à la problématique du pouvoir d’achat. Toutefois, le Conseil d’État estime que le critère lié à la taille de l’entreprise – moins de cinquante salariés –, qui permet de bénéficier d’une exonération de l’impôt sur le revenu en cas de placement dans de l’épargne salariale, porte atteinte au principe d’égalité devant l’impôt.
    L’augmentation des plafonds de capital pour les attributions d’actions gratuites devrait contribuer à atteindre l’objectif affiché de 10 % d’actionnariat salarié français dans le capital des entreprises françaises à l’horizon de 2030. Il s’agit d’un enjeu de souveraineté économique, de confiance et d’implication à long terme des salariés dans leur entreprise, mais aussi du renforcement de la responsabilité sociale des entreprises.
    Toutefois, ce projet de loi comporte des incohérences. Ainsi, les entreprises de l’économie sociale et solidaire sont soumises aux dispositions relatives à la participation, alors qu’elles n’ont pas de but lucratif et ne dégagent donc pas de bénéfices – nous l’avons évoqué en commission.

    Mme Céline Calvez et Mme Fanta Berete

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    Mais elles dégagent des excédents !

    M. Frédéric Cabrolier

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    Certaines remarques ont également été formulées lors des auditions. Ainsi, le nouveau plan de valorisation de l’entreprise, qui consiste à intéresser financièrement les salariés à la croissance de la valeur de leur entreprise, risque de concurrencer et de fragiliser l’actionnariat salarié dans certaines entreprises cotées, plus compliqué à mettre en œuvre.
    Lors des auditions, on nous a aussi indiqué qu’il est nécessaire que les dispositifs de partage de la valeur soient plus lisibles et on a plaidé pour une certaine stabilité, tant sur le plan législatif que social et fiscal. Il est également important que le développement de ces outils de partage de valeur ne se fasse pas au détriment de l’augmentation des salaires, qui reste le meilleur d’entre eux. Dans le cadre des négociations obligatoires prévues par le code du travail, il faudra imposer que celles sur les salaires soient bien séparées de celles sur les dispositifs d’épargne salariale. C’est une demande des organisations syndicales.
    Selon le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), la participation et l’intéressement représentent 6 % de la masse salariale dans les entreprises où ils ont été mis en place ; l’impact négatif sur les augmentations de salaires correspond à 2 % de la masse salariale.
    Contrairement à ce que répète à l’envi la NUPES, le RN permettra aux entreprises qui le souhaitent d’augmenter de 10 % les salaires inférieurs à trois fois le Smic, en exonérant ces hausses de charges patronales. (M. Louis Boyard et Mme Aurélie Trouvé s’exclament.)
    Enfin, le partage de la valeur est faussé par la fraude fiscale, évaluée à environ 40 milliards d’euros. Nous regrettons que le projet de loi ne comporte aucune disposition visant à lutter contre les transferts de profits, qui grèvent la participation des salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Aurélie Trouvé.

    Mme Aurélie Trouvé

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    Lorsque nous avons su que le Gouvernement déposait un projet de loi visant le partage de la valeur au sein de l’entreprise, je me suis dit qu’enfin, nous allions discuter des salaires et proposer – pourquoi pas – des solutions à tous les gens qui souffrent de l’inflation dans ce pays. Ce serait la moindre des choses quand on sait que les salaires subissent une chute historique de plus de 2 %, alors que l’inflation est au plus haut et que, dans le même temps, les profits augmentent de façon inouïe. Pleine d’espoir, j’ai pensé que, peut-être, le caractère exceptionnel de cette situation pourrait amener le plus néolibéral de tous les présidents de la Ve République à s’interroger.
    J’ai donc parcouru le projet de loi avec grand intérêt, cherchant où il était question de salaires et de profits. Et là, surprise, de l’article 1er à l’article 15, pas une seule disposition n’organise la hausse des salaires. Pas une seule ! On nous propose donc un texte consacré au partage de la valeur dans l’entreprise qui ne traite, en fait, jamais du partage de la valeur.

    M. Thomas Portes

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    Eh oui !

    Mme Aurélie Trouvé

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    Vous auriez dû intituler votre projet de loi « tout sauf les salaires » : primes, intéressement, participation mais, jamais au grand jamais, les salaires ! Que se passe-t-il ? Le Smic suit l’inflation, c’est bien normal – c’est la loi –, mais vous refusez de faire quoi que ce soit de plus. En conséquence, les salaires tout juste supérieurs au Smic se tassent. Et tant pis pour Sylvie, salariée de Monoprix, trente-huit ans d’ancienneté, qui gagne 50 euros de plus que le Smic.
    Tout sauf les salaires, mais quelques primes que les patrons peuvent distribuer selon leur bonne volonté : Sylvie, toujours elle, en perçoit quelques-unes, minuscules et rognées en cas de congé maladie. Ces primes permettent aux grands patrons d’exiger que les salariés viennent travailler même lorsqu’ils sont malades à en crever ! Voilà ce que vous voulez encourager, et ce dont rêvent tous les patrons, notamment celui de Monoprix, dont le salaire a doublé l’année dernière pour atteindre plus de 1 million d’euros.

    M. Gabriel Amard

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    Quel scandale !

    Mme Ségolène Amiot

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    Et ce n’était pas des primes !

    Mme Aurélie Trouvé

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    Tout sauf les salaires, et sauf les droits à la retraite et au chômage ! Quelle est la conséquence claire et nette de votre projet de loi – sans doute la seule ? Il vide les caisses de la sécurité sociale à coups d’exonérations de cotisations.

    M. Louis Boyard

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    Eh oui !

    Mme Aurélie Trouvé

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    Si le mot « salaire » n’apparaît presque jamais dans le projet de loi, « exonérations » est, quant à lui, présent quasiment à tous les paragraphes. Vous faites comme s’il s’agissait d’un cadeau pour les salariés, mais les cotisations sociales sont aussi du salaire, un salaire socialisé, que vous leur enlevez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Les cotisations sociales représentent également des ressources des caisses de sécurité sociale. En les supprimant petit à petit, vous organisez vous-mêmes le déficit qui vous servira plus tard à justifier la prochaine casse des retraites ou de l’assurance chômage !

    M. Gabriel Amard

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    Exactement ! D’ailleurs, les bancs des macronistes sont vides !

    Mme Ségolène Amiot

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    Eh oui !

    Mme Aurélie Trouvé

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    Tout sauf les salaires, voire, si possible, moins de salaire. L’Insee l’a parfaitement démontré : les primes se substituent souvent aux hausses de salaire. Plus exactement, 30 % des primes Macron se sont substituées à ces hausses, et rien dans le projet de loi ne permet de contrer ce phénomène.
    Selon vous, il faut laisser faire la concurrence entre les travailleurs – c’est le marché qui va décider. Vous plaidez pour la plus pure idéologie néolibérale ! Ce libre marché vous arrange bien : l’inflation record permet d’énormes profits, reversés aux actionnaires et non aux salariés, que vous avez considérablement affaiblis, année après année, notamment grâce aux ordonnances prises sur le fondement de la loi du 15 septembre 2017 d’habilitation à prendre les mesures pour le renforcement du dialogue social, dites ordonnances Macron. Vive le laisser-faire pour les actionnaires – tout sauf les salaires ! Dormez tranquilles, actionnaires, car cette belle dynamique qui vous enrichit va se poursuivre. En dix ans, dans les entreprises du CAC40, ce fameux partage de la valeur s’est considérablement détérioré au détriment du travail.
    Pour faire passer la pilule, vous nous sortez le coup de la démocratie sociale ! C’est vraiment la meilleure ! Vous osez tout – c’est à cela qu’on vous reconnaît. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Un gouvernement qui a fait passer en force une grande réforme des retraites, contre l’avis de tous les syndicats de salariés, qui a refusé tout compromis, qui a restreint le droit de grève, vient maintenant nous parler de démocratie sociale. Comme s’il n’avait pas lui-même strictement fixé le cadre de l’accord national interprofessionnel ; comme si tous les syndicats de salariés avaient signé cet accord ; comme si tous les syndicats qui l’ont signé estimaient que l’accord était suffisant.
    Eh bien, non ! Tous les syndicats de salariés estiment que la priorité, ce sont les augmentations de salaire et que ce projet de loi est très insuffisant. Ils plaident aussi pour l’inscription de la non-substitution des primes aux salaires dans la loi – ce que vous vous êtes bien gardés de faire alors que cela figure dans l’accord.
    C’est ce que défend le groupe LFI-NUPES, en accord avec les salariés en grève pour leurs salaires chez Ikea, chez Disneyland Paris, aux Thermes de Vichy, chez Lemercier Anjou à Angers et dans tant d’autres entreprises. Nous sommes ici pour eux, pour ceux qui produisent la valeur et qui en voient de moins en moins la couleur. Voilà ce que nous défendrons dans cet hémicycle, ne vous en déplaise ! (Les députés du groupe LFI-NUPES se lèvent et applaudissent.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Stéphane Viry.

    M. Stéphane Viry

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    Le dernier accord national interprofessionnel entre les syndicats et les organisations patronales, conclu en février 2023, visait à mieux associer les salariés aux performances économiques des entreprises. Le texte que nous examinons tend à le transposer dans la loi ; son adoption rendrait l’accord opposable à toutes les entreprises.
    La droite républicaine a toujours privilégié le dialogue social ; à ceux qui en douteraient, je rappelle l’article L. 1 du code du travail : « Tout projet de réforme envisagé par le Gouvernement qui porte sur les relations individuelles et collectives du travail, l’emploi et la formation professionnelle et qui relève du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle fait l’objet d’une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d’employeurs ». C’est donc bien la droite qui a pour habitude de consulter les organisations syndicales, même lorsqu’elles sont opposées à un texte.
    Avec ce projet de loi, le Gouvernement se drape à bon compte dans le dialogue social, dont il ferait le fondement de sa méthode. Tel n’est pourtant pas le principe qui guide le Président de la République depuis 2017 – personne n’osera l’affirmer.
    Revenons au texte. Sur le fond, les députés du groupe Les Républicains estiment qu’il est utile, car il replace les termes du débat relatif aux rapports entre le capital et le travail. Il faut non les opposer, mais les faire converger pour aboutir à des solutions pérennes, favorables à tous. Le projet de loi y contribue et écarte ainsi la lutte des classes, que certains cherchent à réactiver.

    M. Gabriel Amard

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    Avec 11 millions de pauvres, pas besoin de la réactiver !

    M. Stéphane Viry

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    Il contribue même à asseoir l’économie de marché – c’est indispensable – et à associer les salariés à la performance économique des entreprises – il est tout aussi nécessaire de trouver des solutions au problème du pouvoir d’achat des salariés.
    Je l’ai souligné lors de l’examen du texte en commission des affaires sociales, la participation et l’intéressement des salariés sont des idées gaullistes. Je souhaite les rappeler et les défendre. La première consiste à redistribuer aux salariés une partie des bénéfices de l’entreprise ; le second les associe financièrement aux résultats ou aux performances.
    L’accord de février prévoit que les entreprises de plus de onze salariés pourront accorder des primes d’intéressement et de participation. Actuellement, plus de 10 millions de personnes bénéficient de ces deux primes, mais seules les sociétés de plus de cinquante salariés sont éligibles au dispositif. Le texte vise donc à abaisser le seuil à onze salariés, avec une condition de rentabilité. En commission, j’ai exprimé une réserve sur ce seuil, qui exclut les entreprises de moins de onze salariés. Je la maintiens : je ne suis pas d’accord pour exclure du partage des bénéfices les salariés de ces petites entreprises, situées partout dans les territoires.
    L’ANI prévoit également de réformer le dispositif de la prime de partage de la valeur. Toujours exonérée d’impôt, dans la limite de 3 000 euros par an, elle pourra désormais être versée deux fois chaque année.
    Selon les partenaires sociaux, ces différents dispositifs permettront d’augmenter les revenus de 700 000 à 1 million de salariés. En 2022, environ 30 % des entreprises françaises ont eu recours à un mécanisme de partage de la valeur ; 86 % ont versé une prime de partage de la valeur, quand seulement 19 % ont appliqué un dispositif d’intéressement ou de participation aux bénéfices. Pour les chefs de petites entreprises, la prime de partage de la valeur est sans conteste le meilleur outil, le plus pertinent, pour associer les salariés aux performances de l’entreprise.
    Conformément à l’accord national interprofessionnel, le texte prévoit également de créer une obligation de négocier une prise en compte des résultats exceptionnels, dans les entreprises de plus de cinquante salariés ; de mettre en place un plan de partage de la valorisation de l’entreprise ; de mobiliser les dispositifs d’épargne salariale ; de développer l’actionnariat salarial. Sur ces derniers points, j’émets encore des réserves. D’abord, l’actionnariat salarié est le parent pauvre du texte ; nous aurions pu améliorer les dispositifs en vigueur. Ensuite, l’affectation de l’épargne salariale est un peu maigre ; là encore, nous aurions pu aller plus loin et afficher une ambition majeure : les entreprises, qui font déjà beaucoup en ce sens, sont volontaires pour poursuivre leurs efforts.
    Les députés du groupe Les Républicains ne peuvent être que favorables au présent projet de loi visant à transposer un ANI, même si, dans certains domaines, un pas supplémentaire était possible. Selon toute vraisemblance, et sous réserve d’éventuelles modifications adoptées en séance, ils voteront ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. Dino Cinieri

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    Bravo !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Anne Bergantz.

    Mme Anne Bergantz

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    Le partage de la valeur est un facteur essentiel d’attractivité et de valorisation des entreprises, de justice et de cohésion sociales. Le 10 février dernier, après avoir mené des négociations de plusieurs mois, difficiles mais constructives, tous les partenaires sociaux, à une exception près, ont trouvé un accord, dans le but de distribuer plus justement les richesses produites par les entreprises.
    Le Gouvernement a souhaité aller plus loin, et donner à cette avancée significative une assise législative. Le présent projet de loi vise donc à transposer l’accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise, avec quatre objectifs : renforcer le dialogue social sur les classifications ; faciliter la généralisation des dispositifs de partage de la valeur ; simplifier leur déploiement ; développer l’actionnariat salarié. Ces éléments sont essentiels à la justice sociale, que vous savez chère au groupe Démocrate ; ces dernières années, plusieurs lois visant à simplifier et à renforcer les dispositifs de partage de la valeur dans les entreprises sont venues les renforcer.
    Le texte tend à transposer fidèlement et de manière cohérente les mesures prévues dans l’ANI. Il est donc surprenant de constater que les oppositions persistent à l’en éloigner, et difficile de comprendre leur motivation sous-jacente. Chers collègues, si nous procédions de la sorte, quelle valeur aurait demain un accord national interprofessionnel ? Que pèserait la parole d’une organisation syndicale ou patronale, si le Parlement peut détricoter ce que leurs représentants ont négocié avec leurs pairs ? Enfin, quelle serait notre légitimité pour dévoyer le sens d’un accord signé entre professionnels, après d’âpres négociations ? (M. Matthias Tavel s’exclame.) Dans le cadre d’une transposition, ce n’est pas notre rôle.
    À l’évidence, l’adoption de certains amendements fausserait l’équilibre trouvé par les partenaires sociaux et altérerait l’intégrité du texte et son esprit. Je souligne que tous les amendements déposés par les membres du groupe Démocrate ont fait l’objet d’une négociation avec les partenaires sociaux.
    L’accord, approuvé par tout l’arc républicain, est l’aboutissement d’un véritable compromis entre les besoins des salariés et les défis auxquels les employeurs sont constamment confrontés. Si la CGT ne l’a pas signé, elle n’a jamais remis en cause son bien-fondé en appelant à voter contre ce projet de loi. (Murmures sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) À l’inverse, l’attitude de certaines oppositions reflète une posture idéologique qui semble primer une analyse objective et approfondie des mesures contenues dans l’ANI. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) En commission, certaines interventions révélaient soit de la malhonnêteté, soit une méconnaissance de ce qu’est vraiment une entreprise.

    Une députée du groupe LFI-NUPES

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    Quelle arrogance !

    Mme Anne Bergantz

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    Une entreprise repose sur une idée, un projet et des espérances. Le but premier de l’immense majorité des chefs d’entreprise n’est pas d’exploiter leurs salariés, mais de faire marcher leur entreprise et de concrétiser leur idée. (M. Matthias Tavel s’exclame.)

    M. Louis Boyard

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    Allez le dire aux salariés de Total !

    Mme Anne Bergantz

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    Sans les employeurs, il n’y aurait pas d’entreprises, donc pas de salariés ; sans les salariés ni leur investissement, nulle entreprise ne saurait fonctionner. Souligner leur interdépendance peut paraître candide, mais c’est bien plus réaliste que la vision manichéenne que certains plaquent sur le monde du travail. La transposition de l’accord prend en considération cet équilibre nécessaire et met en relief les vertus du dialogue social. Au regard de son importance fondamentale, le groupe Démocrate votera évidemment ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jérôme Guedj.

    M. Jérôme Guedj

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    Après la séquence de la réforme des retraites, désastreuse pour le fonctionnement démocratique et pour le débat parlementaire, la méthode que vous avez choisie pour aborder la question cruciale du partage de la valeur ne peut que nous interpeller. Après avoir fait la sourde oreille pendant six mois, dont quatorze jours de mobilisation interprofessionnelle soutenue unanimement par les syndicats de salariés, le Gouvernement veut se racheter à peu de frais une vertu en se présentant comme le parangon du dialogue social.
    Certains de mes collègues l’ont souligné, vous avez décidé de réduire strictement la question du partage de la valeur au champ de l’accord national interprofessionnel, dont vous avez vous-mêmes limité le périmètre d’intervention, dans le document d’orientation, en commettant la faute originelle d’évacuer le sujet central, au cœur des préoccupations de nos concitoyens : les salaires. Quand les Français vous parlent de partage de la valeur, ils parlent d’augmenter les salaires, de revaloriser le Smic ; vous leur répondez avec la prime Macron, l’actionnariat salarié, la participation et l’intéressement.
    Vous donnez ainsi le sentiment d’utiliser la démocratie sociale pour limiter la démocratie parlementaire, donc de ne rien comprendre à l’une ni à l’autre. Vous nous demandez d’être les gardiens de la parole du Gouvernement, donnée aux partenaires sociaux ; de transposer tout l’ANI, rien que l’ANI.
    D’abord, les négociations se sont poursuivies après le dépôt du projet de loi, même après l’examen en commission, avec la commission de suivi de la transposition de l’ANI par les partenaires sociaux. Celle-ci s’apparente à un nouveau filtre dans le fonctionnement parlementaire, puisque vous avez annoncé que vous n’émettriez d’avis favorable qu’aux amendements ayant reçu son onction.
    L’ANI n’est pas un bloc, il est le résultat d’une négociation : rien ne s’oppose à ce que la représentation nationale ait un débat riche et fécond à son sujet. Nous devons nous montrer particulièrement vigilants aux effets possibles de chaque article. Le rôle des parlementaires est d’analyser, article par article, alinéa par alinéa, si chaque disposition constitue une avancée ou une régression. Nous sommes le législateur de tous les salariés et l’intérêt général est notre boussole. Nous sommes tenus par l’exigence républicaine de respecter la démocratie sociale, sans nous y soumettre.
    Les manques et les paradoxes de votre démarche sont frappants. Avant tout, vous manquez de hauteur de vue. Dans tous les pays du monde, la part de la valeur ajoutée distribuée aux salariés, sous forme de traitements, de salaires ou de cotisations sociales, a diminué au cours des quatre dernières décennies. Il s’agit d’une tendance mondiale qui n’épargne pas la France : en 1981, les salariés percevaient 73 % de la valeur ajoutée, contre 65 % aujourd’hui. Plusieurs causes l’expliquent : les politiques de modération salariale, comme la désindexation des salaires de l’inflation – vous vous y complaisez ; la croissance des profits non déclarés ; la financiarisation de l’économie et la place des acteurs institutionnels dans le financement des entreprises ; la gouvernance des entreprises, qui donne davantage de pouvoir aux actionnaires, à quoi vous ne vous attaquez nullement. Tout cela nuit cruellement.
    Notre position est claire : tout l’ANI, mais pas seulement l’ANI. Nous sommes favorables à la transposition législative de textes issus de la démocratie sociale, et certaines de nos propositions s’inscrivent dans ce devoir de vigilance que je mentionnais précédemment. Néanmoins, nous assumons d’aller plus loin et de proposer une palette de solutions pour mieux partager la valeur au sein de l’entreprise. Tel était le sens de plusieurs amendements que nous avons déposés, visant à revaloriser les salaires, notamment les plus petits ; à augmenter le Smic ; à convoquer une conférence nationale sur les salaires ; à instaurer un ratio relatif à l’écart salarial maximal dans une entreprise ; à revenir sur l’allègement de la fiscalité sur les actions gratuites ; à conditionner les exonérations sociales au respect d’indicateurs de partage de la valeur ; à prévoir des mesures spécifiques pour les sociétés anonymes à participation ouvrière (Sapo). Malheureusement, beaucoup d’entre eux ont été déclarés irrecevables, en raison du texte de transposition que vous avez choisi.
    Vous voulez un débat sans anicroche pour faire adopter l’ANI, mais vous risquez d’annihiler le débat parlementaire. Vous aurez tout de même un débat animé, mais sans animosité. (M. Pierre Dharréville applaudit.)

    M. Jean-Paul Mattei

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    Très bien !

    Mme la présidente

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    La discussion générale est close.

    Discussion des articles

    Mme la présidente

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    J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.

    Avant l’article 1er

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Adrien Quatennens, pour soutenir l’amendement no 228.

    M. Adrien Quatennens

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    Nous abordons l’examen de ce texte, dont le titre évoque le partage de la valeur au sein de l’entreprise. Permettez-moi de rappeler où nous en étions précédemment : en août 2022, devant le Medef, Bruno Le Maire disait : « Je ne sais pas ce que c’est qu’un superprofit ». Nous avons donc l’intention de le lui expliquer, puisque les grands groupes nationaux sont les champions du monde des dividendes. Les entreprises du CAC40 ont versé 55,2 milliards aux actionnaires au printemps 2018, 63,4 milliards en 2019 et 80 milliards en 2022. Sur un échantillon de vingt-six groupes du CAC40, les versements de dividendes ont augmenté en vingt ans de 265 %, soit une multiplication par trois et demi.
    Les entreprises françaises sont les plus généreuses envers leurs actionnaires, dont les rémunérations ponctionnent les richesses engendrées par les entreprises et leurs travailleurs grâce à leurs clients, grâce aux pouvoirs publics qui sans cesse inventent de nouvelles aides aux entreprises, et grâce à la collectivité dans son ensemble.
    Dans ce texte qui prétend partager la valeur, une nouvelle fois vous évitez méthodiquement la question centrale de la hausse des salaires – pire, vous empêchez qu’elle soit abordée –, alors que 1,2 million de Français sont des travailleurs pauvres et qu’un Français sur trois ne dispose plus que de 100 euros sur son compte bancaire dès le 10 du mois. L’urgence absolue pour valoriser le travail, c’est évidemment la question des salaires. C’est pourquoi le présent amendement vise à modifier le titre de ce texte, afin d’élargir notre discussion à la question centrale que vous évitez, celle des salaires. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Jérôme Guedj applaudit également.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Louis Margueritte, rapporteur

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    Je suis défavorable à cet amendement, non pas qu’il ne faille pas avoir ce débat – je partage votre souhait et de nombreux amendements concernent cette question, notamment ceux portant article additionnel après les articles 1er, 2 et 3 –, mais le titre est symbolique et représentatif de la nature des discussions qui se sont tenues entre les organisations patronales et syndicales, sans le Gouvernement ni le Parlement. Il faut conserver l’équilibre du texte, mais nous aurons l’occasion de débattre des salaires et de ce qu’on appelle les compléments de salaires.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Olivier Dussopt, ministre

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    Il est également défavorable. Depuis le début des travaux sur le texte, nous avons toujours veillé à respecter cet accord. Lorsque celui-ci a été lancé, en septembre 2022, avant même que les discussions ne s’ouvrent, l’une des conditions posées par nombre de partenaires sociaux était l’engagement du Gouvernement à respecter le futur accord. Nous avons pris cet engagement, auquel nous sommes attachés.
    Cela ne présume pas d’une quelconque recevabilité ou irrecevabilité des amendements des parlementaires, mais cela explique que l’avis du Gouvernement sera favorable lorsque les amendements auront obtenu le soutien des sept partenaires sociaux signataires. Aucun parlementaire n’est empêché, mais cette explication sous-tendra la totalité des avis donnés par le Gouvernement sur les amendements déposés.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Matthias Tavel.

    M. Matthias Tavel

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    Dès ce premier amendement, nous entrons dans le vif du débat. Vous dites : « nous transposerons l’ANI, rien que l’ANI », mais comme l’a rappelé notre collègue Aurélie Trouvé, l’ANI répond à une demande du Gouvernement. Si la question des salaires ne figure ni dans le projet de loi ni dans l’ANI – ni même dans les négociations –, c’est parce que votre gouvernement et vous-même, monsieur Dussopt, l’avez explicitement refusé.
    L’amendement no 228, en inscrivant la hausse des salaires comme l’un des objectifs de ce texte, vise à réparer non pas une erreur – nous espérons que vous avez fait des progrès et que vous ne faites pas d’erreurs –, mais une volonté délibérée du Gouvernement d’interdire la discussion sur les salaires, alors que celle-ci fait partie intégrante de la discussion sur le partage de la valeur.
    Par ailleurs, il est insupportable d’entendre que l’accord du Medef est nécessaire pour que les amendements soient approuvés par cette assemblée ! Nous refusons ce droit de veto patronal, en particulier lors de l’examen de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    (L’amendement no 228 n’est pas adopté.)

    Article 1er

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Victor Catteau.

    M. Victor Catteau

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    À travers cet article, vous souhaitez accélérer la révision des classifications des branches professionnelles d’ici à la fin de l’année. Les classifications professionnelles sont essentielles, dans la mesure où elles servent de référentiel à la fixation de seuils salariaux minimaux pour les salariés, selon leur métier. Dans le but de soutenir le pouvoir d’achat des Français, il apparaît essentiel de réviser régulièrement ces classifications, en particulier dans le contexte actuel d’inflation. Les mesures prévues à l’article 1er semblent aller en ce sens, mais elles ne vont pas assez loin.
    C’est pourquoi nous proposerons d’abaisser la durée maximale pour examiner la nécessité de réviser les classifications de cinq à deux ans pour les secteurs sous tension et de cinq à trois ans pour les autres secteurs, ce qui permettrait de prendre plus rapidement en considération les évolutions économiques de notre pays.
    Par ailleurs, vous l’avez dit en commission, monsieur le rapporteur : 65 % des branches disposent de grilles de classification révisées il y a plus de cinq ans, avec une moyenne de douze ans pour celles ayant procédé à cet examen en 2021. Cela démontre l’urgence, pour le législateur, d’instaurer des mesures rapides et efficaces pour changer cette situation au plus vite. C’est pourquoi nous proposerons aussi des mesures destinées à sanctionner, à partir du 1er janvier 2024, les organisations patronales n’ayant pas procédé à cet examen depuis plus de cinq ans, en supprimant le financement qu’elles perçoivent de l’association de gestion du fonds paritaire national.
    Enfin, nous rappelons que seule l’augmentation des salaires pourra véritablement restaurer le pouvoir d’achat des Français. C’est pourquoi nous demandons la tenue d’une conférence nationale sur les salaires, réunissant l’ensemble des partenaires sociaux, dans les six prochains mois. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Aurélie Trouvé.

    Mme Aurélie Trouvé

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    Dans ce premier article, vous ne faites que rappeler les dispositions légales en vigueur, c’est-à-dire la possibilité de discuter – je dis bien discuter – de l’opportunité de réviser les classifications. Rien de neuf sous le soleil pour les salariés ! En revanche, cet article permet de mettre au jour vos mensonges. Vous dites que vous transposerez l’ANI, rien que l’ANI, mais alors pourquoi n’avez-vous pas intégré au texte la question des métiers repères ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Jérôme Guedj applaudit également.) Vous refusez absolument de les mentionner dans le projet de loi. Vous ne transposez pas l’ANI, rien que l’ANI ; vous mentez à ce sujet !
    Le sujet des métiers repères peut paraître très technique. Ce midi, j’ai justement rencontré des représentants de salariés des boîtes de sécurité privée, qui m’ont bien expliqué ce que change l’absence de métiers repères. Leurs patrons – ceux de Fiducial ou de S3M – refusent de signer un accord sur les métiers repères, mais l’acceptent pour les classifications. Pourquoi ? Prenons l’exemple de deux métiers totalement différents : un agent de sûreté et un agent de sécurité incendie et de sécurité des personnes. Ces deux métiers se retrouvent dans une même classe et en l’absence d’accord sur les métiers repères, le patron peut tout à fait interchanger les salariés : une semaine, ils sont agents de sûreté et la suivante, agents de sécurité incendie.
    Ce que vous promouvez en refusant d’intégrer les métiers repères au projet de loi, c’est une main-d’œuvre corvéable à merci, des salariés interchangeables, exactement comme le souhaite le Medef. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Sylvain Maillard

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    Mais non !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Dino Cinieri.

    M. Dino Cinieri

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    L’article 1er prévoit une obligation d’engager, au niveau des branches, une négociation en vue d’examiner la nécessité de réviser les classifications avant le 31 décembre 2023 pour les branches n’ayant pas procédé à cet examen depuis plus de cinq ans. Nous y sommes bien évidemment favorables, car il est nécessaire de procéder régulièrement au réexamen des classifications, qui constituent un levier important dans la valorisation des parcours des salariés et la reconnaissance des qualifications.
    D’une manière plus générale, comme l’a très justement rappelé notre collègue Stéphane Viry, Les Républicains ont toujours privilégié le dialogue social, notamment s’agissant d’EDF ou de la SNCF. Nous sommes également à l’origine de l’article L. 1 du code du travail, qui prévoit que « [t]out projet de réforme envisagé par le Gouvernement qui porte sur les relations individuelles et collectives du travail, l’emploi et la formation professionnelle et qui relève du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle fait l’objet d’une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d’employeurs ».
    C’est pourquoi nous souhaitons une transposition à l’identique de l’ANI, signé par trois organisations patronales et quatre organisations syndicales le 10 février 2023. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. Maxime Minot

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    Très bien !

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de deux amendements, nos 1 et 90, pouvant être soumis à une discussion commune.
    La parole est à M. Jérôme Guedj, pour soutenir l’amendement no 1.

    M. Jérôme Guedj

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    J’ai été un peu étonné qu’à l’issue de cette discussion générale de qualité, M. le ministre n’ait pas souhaité répondre à quelques-unes des questions qui lui ont été posées. Peut-être est-ce parce que chacune de ses prises de paroles doit d’abord être validée par les sept organisations signataires de l’accord ? (Sourires sur les bancs des commissions.) Plus sérieusement, cela posera un problème si vous ne répondez pas quand on vous interpelle, monsieur le ministre.
    Le présent amendement est fidèle aux propos que j’ai tenus il y a quelques instants à la tribune. Puisque vous annoncez transposer tout l’ANI, transposez-le vraiment en entier ! Ma collègue Aurélie Trouvé vient de le pointer dans son intervention : il y a un trou dans la raquette dans la transposition de l’article relatif à l’obligation de négociation sur la révision des classifications. Vous oubliez les métiers repères, qui sont pourtant expressément mentionnés dans l’accord, à l’article 4 ; les organisations signataires considèrent « qu’il convient d’apprécier les niveaux de rémunération au regard non seulement des classifications, mais aussi des métiers repères ».
    La redéfinition des métiers repères est donc un enjeu en matière de rémunération, mais aussi de déroulement de carrière, de qualité de vie au travail ainsi que de conditions de travail et d’exercice. C’est également important pour éviter ce qui s’apparente à une forme de flexibilisation, grâce à des données un peu fourre-tout permettant de modifier la nature de l’exercice professionnel. Si vous êtes fidèles à l’ensemble de l’ANI, vous devez voter pour cet amendement, qui vise à s’assurer de sa bonne traduction législative.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Marie-Charlotte Garin, pour soutenir l’amendement no 90.

    Mme Marie-Charlotte Garin

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    Dans la même logique que celui que vient de présenter M. Jérôme Guedj, l’amendement a pour objet de rappeler le constat, établi par les partenaires sociaux, de la nécessaire redynamisation du dialogue social, notamment s’agissant de l’égalité entre les femmes et les hommes, et de l’évolution des rémunérations. Il vient réparer ce qui pourrait être un oubli rédactionnel : en plus des classifications professionnelles, il s’agit de prendre aussi en considération les métiers repères, qui permettent plus de subtilité, en particulier en matière de discrimination salariale basée sur le sexe.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Louis Margueritte, rapporteur

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    Du point de vue de la méthode, nous ne parlons pas qu’au Medef, mais aux sept organisations représentatives signataires, et ce, depuis le début des travaux il y a six mois, ainsi que ces tout derniers jours. Certains sujets n’ont pas plu à l’une ou à l’autre d’entre elles, mais finalement, l’accord est équilibré.
    Sur le fond, deux articles de l’ANI concernent les emplois repères : l’article 3, où il est question de la nécessaire révision de certaines grilles de classification et qui est retranscrit dans l’article 1er du projet de loi ; l’article 4, qui mentionne les métiers repères, mais surtout sous l’angle de l’égalité professionnelle entre hommes et femmes.
    Vos amendements me semblent satisfaits par l’amendement à l’article 1er bis que nous avons adopté en commission des affaires sociales. J’y suis donc défavorable, d’autant qu’ils ajouteraient un élément supplémentaire à la transposition. Mais cela ne signifie pas qu’il est inutile d’examiner les métiers repères à l’occasion de l’étude et de la nécessaire révision des classifications.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Olivier Dussopt, ministre

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    Comme l’a dit M. le rapporteur, la classification ne répond à aucune définition juridique précise puisque chaque branche, pour l’opérer, choisit librement sa méthode. Le code du travail la rattache à deux éléments de référence : le diplôme et le droit à la qualification. Par ailleurs, l’analyse des pratiques conventionnelles, dont relèvent les métiers repères, amène à considérer cette dernière notion comme résultant du classement par niveau de qualification ; son déploiement au sein des grilles conventionnelles est d’ailleurs libre et progressif. L’adoption de votre proposition conduirait, en définissant des métiers repères, à limiter cette liberté laissée aux branches sans entraîner pour autant d’avancée juridique puisque, je le répète, le concept tient plutôt de la pratique que du droit ; en outre, il n’est pas applicable à toutes les grilles. Nous en resterons donc à ce qui appartient au domaine du droit : l’obligation, souhaitée par les partenaires sociaux, de négociations visant à réviser les classifications. Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Eva Sas.

    Mme Eva Sas

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    Au-delà de ces explications techniques, je voudrais revenir au fond des amendements. Il importe de favoriser l’émergence des femmes dans les métiers les mieux rémunérés, qui sont aussi les métiers exercés essentiellement par des hommes : d’où l’importance de passer non par les classifications, qui ne révèlent pas cette discrimination salariale, mais par les métiers repères, qui la rendent parfaitement visible.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Matthias Tavel.

    M. Matthias Tavel

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    Nous irons dans le même sens que nos collègues des groupes Socialistes et apparentés et Écologiste-NUPES. S’agissant de la méthode, la référence aux métiers repères se trouve dans le texte de l’ANI : vous ne pouvez donc nous objecter que vous souhaitez vous en tenir à ce dernier. Faites du moins un effort pour rendre votre argumentation cohérente ! C’est justement en raison de la présence des métiers repères au sein de l’ANI que nous soutenons ces amendements. Il ne s’agit pas d’une question de forme : les classifications ne permettent pas d’identifier de manière aussi claire, aussi précise, les inégalités de rémunération entre hommes et femmes qui peuvent exister au sein d’une même branche. Les métiers repères servent à objectiver le résultat des classifications, à mettre en évidence les biais par lesquels s’insinue la discrimination salariale. Par conséquent, les amendements vont à la fois dans le sens de l’ANI, dont ils reprennent les termes, et dans celui de l’égalité salariale. Il serait incompréhensible que le Gouvernement et sa minorité parlementaire continuent de s’opposer à des dispositions dont l’adoption devrait constituer une évidence !

    (Les amendements nos 1 et 90, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Marianne Maximi, pour soutenir l’amendement no 279.

    Mme Marianne Maximi

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    Il s’agit d’un amendement rédactionnel, que je vais replacer dans son contexte afin de vous convaincre. Le préambule, toujours en vigueur, de la Constitution de 1946 dispose : « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme. » La loi du 22 décembre 1972 relative à l’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes a confirmé que ce principe fondamental de notre droit s’appliquait également dans le domaine du travail. Or, cinquante ans plus tard, le partage de la valeur continue de s’opérer aux dépens des femmes : dans le secteur privé, elles gagnent en moyenne 28,5 % de moins que les hommes – 9 % de moins à compétences égales et poste équivalent. Ces inégalités se retrouvent d’une extrémité à l’autre de l’échelle des revenus. Les femmes sont surreprésentées dans les métiers précaires – 78 % des salariés à temps partiel, par exemple. Leur salaire médian est inférieur de 13 % à celui des hommes. Même le 1 % de femmes les mieux payées gagne toujours 34 % de moins !
    J’ignore si cet exposé était nécessaire – j’inclinerais à croire que oui, compte tenu des votes précédents : toujours est-il que l’amendement vise à insister sur le fait qu’assurer l’égalité professionnelle entre hommes et femmes constitue une obligation pour les entreprises et que celles-ci doivent en faire une priorité lors de la révision des classifications. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Louis Margueritte, rapporteur

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    Peut-être cette cause est-elle l’un des rares points d’accord entre nous. J’entends qu’il reste des emplois, qu’il subsiste des endroits où, même à poste égal, à expérience égale, le salaire n’est pas le même : nous essayons de faire au mieux, ce qui n’est jamais simple. En revanche, je serai défavorable à l’amendement pour une raison rédactionnelle : un certain nombre de dispositions du code du travail, y compris concernant l’obligation de négocier en la matière, utilisent le mot « objectif », que vous souhaitez supprimer.

    Mme la présidente

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