Première séance du mardi 14 février 2023
- Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
- 1. Questions au Gouvernement
- Réforme des institutions
- Réforme des retraites
- Réforme des retraites
- Partage de la valeur ajoutée
- Politique industrielle
- Déficit commercial
- Réforme des retraites
- Réforme des retraites
- Carte scolaire
- Renouvellement des fréquences TNT des chaînes C8 et CNews
- Réforme des retraites
- Accompagnement des familles touchées par un cancer pédiatrique
- Réforme des retraites
- Situation en Iran
- Réforme des retraites
- Réforme des retraites
- Réforme des retraites
- Titre de transport unique
- Agression de l’agriculteur Paul François
- Chiffres du chômage
- Fermetures de classes
- Agression de l’agriculteur Paul François
- Fermetures de classes
- Soutien aux pêcheurs
- Séismes en Turquie et en Syrie
- Budget de la pédopsychiatrie
- Séismes en Turquie et en Syrie
- Guichet unique
- 2. Projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023
- Rappel au règlement
- Première partie (suite)
- 3. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1. Questions au Gouvernement
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
Réforme des institutions
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Paul Mattei.
M. Jean-Paul Mattei
Madame la Première ministre, depuis plus d’une semaine, nous débattons du projet de réforme des retraites, essentiel pour préserver notre système par répartition. Cependant, nous assistons, démunis, à une forme de dérive de notre vie politique, au point que, dans cette enceinte, qui est tel un miroir grossissant de notre société, nous peinons à discuter du fond. Nous nous arrêtons trop souvent aux agressions de l’autre camp, même si, je dois le souligner, les outrances de certains de nos collègues ne nous engagent pas – nous devons les dénoncer.
M. Pieyre-Alexandre Anglade
C’est vrai !
M. Jean-Paul Mattei
Je veux d’ailleurs, par ces quelques mots, saluer et remercier Olivier Dussopt pour la compétence et la dignité dont il fait preuve au cours de ces débats. (Mmes et MM. les députés des groupes Dem, RE, HOR et LR, dont certains se lèvent, applaudissent longuement.)
Vous le savez, les députés du groupe Démocrate sont, comme beaucoup dans cet hémicycle, particulièrement sensibles au respect de la démocratie. Or, souvent, la forme détermine le fond. Pour nous, l’une des origines du mal est le mode de scrutin majoritaire : il oblige à combattre un adversaire lors de l’élection, et cette attitude est difficilement réparable au cours du mandat. Ainsi, aucune véritable alliance de long terme n’est possible, sinon des arrangements électoraux qui ne sont jamais bâtis sur des accords de fond.
Au-delà de la stratégie choisie par certains pour bloquer les débats en déposant des milliers d’amendements et en adoptant une attitude qui nous empêche de débattre et d’éclairer les Français sur les enjeux du texte que nous examinons cette semaine, il nous semble urgent de lancer la réforme de nos institutions pour remettre le citoyen au centre du jeu démocratique et nous permettre très certainement de renouer avec un débat apaisé dans lequel chacune et chacun a les moyens de s’exprimer.
Madame la Première ministre, pouvez-vous nous dire ce qu’il en est des travaux transpartisans portant sur nos institutions ? Pourriez-vous nous en préciser le calendrier (Exclamations sur les bancs du groupe RN)…
M. Nicolas Dupont-Aignan
Il faut soumettre la réforme au référendum !
M. Jean-Paul Mattei
…et nous indiquer la méthode, intégrant les parlementaires, qui sera retenue pour ces travaux, lesquels nous semblent de plus en plus urgents et nécessaires…
Mme la présidente
Merci.
M. Jean-Paul Mattei
…pour sauvegarder notre démocratie. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et sur plusieurs bancs du groupe RE.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la Première ministre.
Mme Élisabeth Borne, Première ministre
En juillet dernier, dans ma déclaration de politique générale, j’ai affirmé la volonté du Gouvernement de répondre à la crise démocratique que traverse notre pays et, plus largement, notre continent.
Mme Clémence Guetté
Cela ne vous empêche pas de proposer une réforme que rejettent 93 % des actifs !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre
Les raisons de cette crise sont multiples ; elles sont notamment institutionnelles. La représentativité est essentielle à la vitalité de notre démocratie. Je sais que ce sujet vous tient à cœur et qu’il importe particulièrement à votre groupe. Mais réfléchir à nos modes de scrutin, c’est s’interroger plus globalement sur le fonctionnement de nos institutions.
Le Président de la République a lancé des consultations sur la revitalisation de notre démocratie et la réforme de nos institutions. Comme il s’y était engagé, tous les groupes parlementaires seront associés à cette réflexion. C’est ensemble que nous devons construire l’avenir de nos institutions.
Monsieur le président Mattei, votre question s’inscrit, vous l’avez dit, dans un contexte particulier. En élisant une Assemblée sans majorité absolue, les Français ont envoyé un message clair : ils ont demandé des compromis, des débats fondés sur les arguments et les idées. Alors que votre assemblée discute en ce moment même de notre projet sur les retraites, un texte important pour l’avenir de notre pays, que voient nos compatriotes ? Un débat empêché : empêché par la multiplication d’amendements qui rendent impossible l’examen de la totalité du texte (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Mme Clémence Guetté s’exclame),…
M. Sylvain Maillard
Eh oui !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre
…empêché par la multiplication des injures, des invectives,…
M. Philippe Vigier
Absolument !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre
…et même, hier, par les accusations les plus graves (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR), empêché par des attaques personnelles odieuses sans aucun lien avec le fond du texte. Je veux, à mon tour, redire tout mon soutien à Olivier Dussopt. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR ainsi que sur quelques bancs du groupe LR.)
Alors, pensons aux Français qui nous ont élus : ce débat est-il à la hauteur ? Pensons à ceux qui ne sont pas allés voter : ce débat est-il de nature à leur faire retrouver le chemin des urnes ? La démocratie, c’est la diversité des opinions et le respect de chacun.
Mme Clémence Guetté
Vous passez en force contre le peuple !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre
La démocratie, c’est le refus de l’outrance et l’attachement à la vérité.
Monsieur le président Mattei, je partage votre inquiétude quant à la tenue des débats et à l’image qu’elle donne de la démocratie. Mais je veux croire qu’il n’est pas encore trop tard.
Pas encore trop tard pour que les amendements de blocage soient retirés…
Mme Clémence Guetté
Renoncez !
M. Sylvain Maillard
Retirez vos amendements !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre
…et que puisse se dérouler un véritable débat de fond. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.)
Pas encore trop tard pour un débat franc mais jamais insultant.
Pas encore trop tard pour renoncer aux outrances et être à la hauteur de la mission que nous ont confiée les Français. Il est encore temps de montrer que nous sommes capables de nous opposer, parfois vivement, mais toujours dans le respect des uns et des autres.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie
Exactement !
Mme Élisabeth Borne, Première ministre
Si nous y parvenons, il n’y aura qu’une seule gagnante : la démocratie. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)
Réforme des retraites
Mme la présidente
La parole est à M. Thomas Ménagé.
M. Thomas Ménagé
Madame la Première ministre, la semaine dernière, M. le ministre délégué Gabriel Attal a indiqué que nous étions face à un dilemme : la réforme des retraites ou la faillite.
Votre gouvernement entretient un discours défaitiste, un discours de perdant et, surtout, un discours empreint de contrevérités pour faire peur aux Français.
M. Erwan Balanant
C’est l’hôpital qui se fout de la charité !
M. Thomas Ménagé
La fausse promesse d’une retraite minimale à 1 200 euros pour tous est un exemple criant de vos nombreux mensonges. Depuis 2017, Emmanuel Macron privilégie les ultrariches, qui ont gagné dix à vingt fois plus que les bas revenus du fait de sa politique d’injustice sociale. En bref, Emmanuel Macron a créé 600 milliards de dettes en cinq ans et demande aujourd’hui aux classes populaires et aux classes moyennes de payer les pots cassés de son incapacité à gérer le pays, en imposant cette réforme des retraites inutile et injuste. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
L’argent, pourtant, il y en a ! Il y en a dans les poches des spéculateurs dont vous refusez de taxer les superprofits ; je pense à Total, qui a réalisé un bénéfice net record de 20 milliards d’euros en 2022.
Il y en a aussi à Bercy, puisqu’entre 2021 et 2022, poussées par une inflation record, les recettes fiscales et sociales ont augmenté de 86 milliards. Eh oui, lorsque les Français paient plus cher leur carburant ou leur caddie de courses – dans les supermarchés d’Amilly, dans ma circonscription, par exemple –, l’État s’enrichit grâce à la TVA. Or vous faites le choix de ne redistribuer que des miettes, par le biais de chèques et de ristournes temporaires et inefficaces.
Avec Marine Le Pen, nous avons des solutions structurelles pour rendre aux Français leur argent, notamment en baissant la TVA sur l’énergie et sur les carburants ou en sortant du marché européen de l’électricité. Nous devons également remettre de l’ordre dans nos finances publiques en taxant les superprofits et en supprimant le minimum vieillesse pour les étrangers n’ayant jamais cotisé en France.
Tout cela demande de la volonté politique, mais vous préférez céder à la facilité en demandant aux Français de travailler deux ans de plus !
Madame la Première ministre, quand comptez-vous rendre aux Français leur argent ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. Stéphane Rambaud
Très bien !
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique
Votre défense du pouvoir d’achat des classes moyennes serait plus crédible si vous aviez voté pour l’indemnité carburant travailleur qui leur est versée. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)
M. Laurent Jacobelli
Cela ne marche pas !
M. Bruno Le Maire, ministre
Vous seriez plus crédibles si vous aviez voté pour le plafonnement des prix du gaz.
Vous seriez plus crédibles si vous aviez voté pour le bouclier qui protège tous les ménages les plus modestes contre l’augmentation des prix de l’électricité.
Vous seriez plus crédibles si vous aviez lu le rapport de la Cour des comptes qui établit, noir sur blanc, que la baisse de la TVA n’est pas efficace, qu’elle ruine l’État et qu’elle ne bénéficie ni aux classes moyennes ni aux classes populaires. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. Sébastien Chenu
Avec son bilan ? Il est nul !
M. Jocelyn Dessigny
Vous seriez plus crédible si vous aviez baissé la TVA !
M. Bruno Le Maire, ministre
Vous commentez, monsieur Ménagé ; nous, nous agissons.
M. Jean-Philippe Tanguy
Il faut supprimer la TVA pour les restaurateurs !
M. Bruno Le Maire, ministre
Avec le Président de la République, la Première ministre et l’ensemble du Gouvernement, et avec la majorité, nous obtenons des résultats dont nous sommes fiers : nous avons le taux d’emploi le plus élevé depuis cinquante ans dans notre pays. Le travail, c’est du pouvoir d’achat, de la rémunération et de l’activité pour tous ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)
Nous avons le taux de chômage le plus bas depuis quinze ans dans notre pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR. – « Tout va bien, alors ! » sur plusieurs bancs du groupe RN.) C’est la véritable avancée sociale ! Nous avons une croissance solide et, que vous le vouliez ou non, monsieur Ménagé, notre taux d’inflation est parmi les plus faibles de la zone euro, grâce à l’action de cette majorité et au bouclier énergétique pour lequel vous n’avez pas voté.
Votez nos propositions, soutenez notre action, et vous aurez les résultats que nous avons obtenus au service de nos compatriotes ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)
Réforme des retraites
Mme la présidente
La parole est à M. Benjamin Lucas.
M. Benjamin Lucas
Madame la Première ministre, vous avez perdu la bataille des retraites.
Vous l’avez perdue le 19 juin dernier, quand les Françaises et les Français ont refusé de donner à Emmanuel Macron les pleins pouvoirs dans cette assemblée pour qu’il applique son programme présidentiel.
Vous l’avez perdue dans la rue, devant un mouvement social uni et puissant.
Vous l’avez perdue dans l’opinion publique, comme en attestent quotidiennement les sondages qui nous parviennent. C’est le résultat de votre pédagogie : plus vous expliquez la réforme, plus les Français la comprennent et plus les Français la comprennent, plus ils la rejettent et la combattent, avec nous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES et sur plusieurs bancs des groupes SOC et LFI-NUPES. – M. Sébastien Jumel applaudit également.)
Car les Françaises et les Français aspirent, comme nous, à travailler mieux et, oui, à travailler moins pour travailler tous. Nous célébrions du reste, hier, l’anniversaire des 35 heures, mesure soutenue jadis par Olivier Dussopt, l’actuel ministre du travail. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Écolo-NUPES.)
Madame la Première ministre, ma question est simple. Il n’est pas trop tard pour apaiser le pays et éviter le blocage.
M. Sébastien Chenu
Parole d’expert !
M. Benjamin Lucas
Quand allez-vous renoncer à voler aux Françaises et aux Français deux années de vie, deux années de vie en bonne santé ?
M. Maxime Minot
Arrêtez avec ça !
M. Benjamin Lucas
Quand allez-vous retirer votre réforme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion
Vous me posez une question, je vous en adresse une à mon tour.
Notre système de retraite sera déficitaire de 12,5 milliards d’euros en 2027, de 15 milliards en 2030, de 20 milliards en 2035 et de 25 milliards en 2040. Selon le rapport du Conseil d’orientation des retraites, si nous ne faisons rien, le niveau de vie des retraités va baisser au regard de celui de la population active. Promettez-vous aux retraités actuels la pauvreté et aux retraités futurs l’absence de retraite ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)
Mme la présidente
La parole est à M. Benjamin Lucas.
M. Benjamin Lucas
En vous écoutant, je mesure que ce qui nous oppose, ce n’est pas seulement une divergence comptable, une opposition sociale : c’est un véritable combat moral. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES et SOC.) Car nous considérons qu’il est profondément immoral de voler aux Françaises et aux Français deux années de vie, et deux années de vie en bonne santé, de précariser les femmes et celles et ceux qui ont des métiers pénibles, pendant que, à coups d’offrande fiscale, vous permettez à une infime minorité de privilégiés d’accumuler les richesses et d’accaparer les ressources. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, SOC et GDR-NUPES. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RE.)
Voilà le débat qui nous oppose : il y va de l’égalité et de la justice. Vous êtes droit dans vos bottes, comme d’autres le furent jadis. Mais, croyez-moi, à la fin, vous retirerez cette réforme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et GDR-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Dussopt, ministre
Monsieur le député, vous avez une conception du combat moral qui parfois me stupéfait.
Mme Blandine Brocard et Mme Florence Lasserre
Très juste !
M. Olivier Dussopt, ministre
Voilà dix jours que vous défendez des amendements visant ici à maintenir le régime spécial de la Banque de France,…
M. Éric Bothorel
Eh oui !
M. Olivier Dussopt, ministre
…là à supprimer un alinéa technique, modifier un adverbe (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE) ou donner à l’index seniors le nom de « feuille de salade »… Autant d’amendements qui n’ont strictement rien à voir avec le sujet,…
M. Philippe Vigier
Eh oui !
M. Sébastien Jumel
Le droit d’amendement est un droit constitutionnel !
M. Olivier Dussopt, ministre
…rien à voir avec l’intérêt des Français, rien à voir avec la sauvegarde du système des retraites.
Savez-vous ce qui nous sépare, monsieur le député ?
M. Benjamin Lucas
Franchement…
M. Inaki Echaniz
Les convictions ?
Un député du groupe LFI-NUPES
Le sens de la justice ?
M. Olivier Dussopt, ministre
Ce n’est pas la morale mais la responsabilité – la responsabilité consistant à vouloir préserver le système par répartition (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem),…
M. Ugo Bernalicis
Arrêtez d’ânonner ainsi les mêmes mots !
M. Olivier Dussopt, ministre
…à maintenir la solidarité intergénérationnelle, à garantir le pouvoir d’achat des Français, en particulier celui des retraités, enfin à prendre des décisions quand il le faut pour qu’elles ne soient pas plus difficiles à assumer si elles étaient prises demain. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)
Partage de la valeur ajoutée
Mme la présidente
La parole est à M. Michel Castellani.
M. Michel Castellani
Madame la Première ministre, si l’on en croit les trois ambassadeurs de l’épargne salariale nommés par le Gouvernement, 9 milliards d’euros ont été distribués en 2020 aux salariés au titre de l’intéressement, 8 milliards au titre de la participation et 3 milliards au titre d’autres dispositifs, soit 21 milliards d’euros au total, alors que les actionnaires ont pour leur part perçu 66 milliards. En 2022, ce sont 56,5 milliards qui ont été versés aux actionnaires, auxquels s’ajoutent 23,7 autres milliards versés sous forme de rachat d’actions.
Il faut se réjouir de voir les entreprises prospérer et dégager de substantiels bénéfices. Il n’en demeure pas moins que ces données nous interpellent. Elles posent une fois de plus la question de la répartition de la valeur ajoutée de l’entreprise, plus largement de la richesse nationale, de l’équilibre entre économie réelle et économie financière, et aussi, de façon indirecte, de la frontière entre esprit d’entreprise et spéculation.
Ces 80 milliards, distribués au moment où nous débattons de l’avenir du système de retraites, soulèvent de façon aiguë la question, bien des fois posée et jamais résolue sur le fond, du dividende salarié et de la participation des travailleurs aux bénéfices des entreprises.
Ma question est donc simple : quelles mesures comptez-vous prendre pour que les travailleurs soient mieux rémunérés, en bénéficiant d’une part plus consistante des bénéfices distribués ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique
Je vous rejoins en tous points, monsieur le député Castellani. En France, le partage de la valeur entre le capital et le travail est stable depuis vingt ans,…
Un député du groupe RN
Donc tout va bien !
M. Bruno Le Maire, ministre
…ce qui est un cas unique parmi les pays développés où la rémunération du capital a crû plus vite que celle du travail, créant un sentiment d’injustice…
Mme Raquel Garrido
Ce n’est pas un sentiment, c’est une réalité !
M. Bruno Le Maire, ministre
…et des inégalités. Or nous voulons non seulement que cette répartition reste équitable mais nous voulons également l’améliorer au profit du salarié, au profit de ceux qui travaillent. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)
Mme Sophia Chikirou
Vous faites tout le contraire et ça fait des années que ça dure !
M. Bruno Le Maire, ministre
Nous voulons que le partage de la valeur soit le grand combat de la majorité en 2023 et dans les années qui viennent.
Je tiens à saluer le travail des partenaires sociaux sur le sujet.
Mme Sophia Chikirou
Augmentez les salaires !
M. Bruno Le Maire, ministre
Ils ont en effet obtenu – et, eux, sans crier, sans hurler, sans injurier –…
Mme Sophia Chikirou
C’est sûr, cela vous va bien, les discussions de salon de thé !
M. Bruno Le Maire, ministre
…un accord sur le partage de la valeur, lequel sera retranscrit par voie législative afin que tous les salariés en bénéficient.
Dès la semaine prochaine, nous allons travailler avec la majorité sur la manière d’améliorer l’intéressement, de développer la participation, l’actionnariat salarié, pour que la France reste, parmi les pays développés, celui comptant le plus grand nombre de salariés actionnaires – soit plus de 3 millions. (Mme Sophia Chikirou s’exclame.)
Mme Raquel Garrido
Augmentez les salaires, ça ira plus vite !
M. Bruno Le Maire, ministre
Nous créons du travail, nous créons de l’emploi, nous approchons du plein emploi mais nous ne nous satisfaisons pas de cette réussite. Nous voulons que le travail soit digne, bien rémunéré afin de permettre à chacun de garantir sa vie. Je vous le répète, monsieur Castellani, le partage de la valeur sera le combat de la majorité dans les mois qui viennent. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem. – Mme Sophia Chikirou s’exclame vivement, suscitant des protestations sur les bancs des groupes RE et Dem et sur plusieurs bancs du groupe LR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Michel Castellani.
M. Michel Castellani
Je vous remercie pour votre réponse, monsieur le ministre. Nous savons tous qu’en cette période de difficultés sociales, nous avons le devoir d’améliorer le lien social et de renforcer la valeur travail. Il n’est pas juste que des personnes soient rémunérées en millions d’euros annuels alors que tant d’autres triment pour des salaires excédant péniblement 1 000 euros par mois. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES. – M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit également.) C’est cette question que nous devons traiter sans volonté punitive mais dans un esprit de solidarité. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.)
Politique industrielle
Mme la présidente
La parole est à Mme Constance Le Grip.
Mme Constance Le Grip
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. L’heure semble enfin venue d’une politique industrielle européenne ambitieuse (Exclamations sur quelques bancs des groupes RN et LR) si nous voulons que l’Union européenne reste un acteur industriel majeur, notamment dans le secteur des industries d’avenir et des industries vertes. Nous n’avons plus le choix : nous devons tout mettre en œuvre pour atteindre l’indépendance industrielle et la souveraineté européenne.
M. Julien Odoul
La souveraineté européenne, ça n’existe pas !
Mme Constance Le Grip
Nous avons, nous, Européens, ensemble, plusieurs défis à affronter : les défis énergétiques, environnementaux, climatiques, économiques ; les défis de la concurrence déloyale d’acteurs extra-européens et de la course effrénée à l’innovation technologique souvent subventionnée massivement par ces acteurs extra-européens ; enfin le défi du renforcement du protectionnisme américain, en particulier avec l’entrée en vigueur prochaine de l’Inflation Reduction Act of 2022, dit IRA. (Sourires ironiques sur les bancs du groupe LR.)
M. Fabien Di Filippo
Elle parle anglais depuis qu’elle a rejoint la start-up nation !
Mme Constance Le Grip
Face à ces défis, face à ce plan américain massif visant à soutenir les industries vertes aux États-Unis, la riposte européenne s’organise. Vous avez vous-même lancé, monsieur le ministre, avec votre homologue allemand, une contribution commune proposant des mesures fortes et sans précédent – vous avez aussi tous deux eu l’occasion de les présenter à Washington récemment.
Vendredi dernier, le Conseil européen des chefs d’État et de gouvernement a adopté le pacte industriel vert, préparé par la Commission européenne et pour lequel l’engagement de la France et tout particulièrement l’investissement personnel et constant du président Macron ont été absolument décisifs. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
M. Maxime Minot
Allô !
Mme Constance Le Grip
Monsieur le ministre, pouvez-vous détailler les principales mesures de la riposte industrielle européenne ? Allons-nous assister au sursaut industriel européen ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe RE.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Maxime Minot
Et de la dette !
M. Pierre-Henri Dumont
Et du déficit !
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique
En 2017, le Président de la République, Emmanuel Macron, avait appelé l’Union européenne à un sursaut pour défendre sa souveraineté industrielle. Nous avons gagné une première bataille au cours du premier quinquennat en ouvrant la voie à la création de nouvelles filières industrielles comme celle des batteries électriques. Ainsi a-t-on créé des milliers d’emplois, en particulier dans le Nord de la France, ce qui garantira notre indépendance concernant la fourniture de batteries électriques (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – M. Jean-Charles Larsonneur applaudit également) et nous permettra d’amorcer la reconquête industrielle au cœur de notre projet.
M. Sébastien Chenu
Mais qui croit ça ?
M. Bruno Le Maire, ministre
Nous venons de gagner, vendredi dernier, au Conseil européen, sous l’impulsion d’Emmanuel Macron, une deuxième bataille consistant à lancer un plan européen pour l’industrie verte, à même de rivaliser avec les décisions américaines.
M. Maxime Minot
Historique ! Quel talent !
M. Bruno Le Maire, ministre
Nous pourrons mettre en place les crédits d’impôt destinés à soutenir notre industrie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.) Nous pourrons augmenter les subventions. Nous bénéficierons d’une clause d’alignement qui permettra, lorsque les États-Unis proposent un certain montant pour faire venir une entreprise sur leur territoire, de proposer exactement le même montant pour que la compétition soit équitable entre les territoires américain et européen.
Enfin, nous avons décidé…
M. Laurent Jacobelli
De créer un numéro vert ?
M. Bruno Le Maire, ministre
…une simplification massive des projets d’intérêt collectif européens afin qu’ils produisent plus rapidement des résultats, notamment en ce qui concerne le déploiement de l’hydrogène.
Reste une troisième bataille à livrer en compagnie de la Première ministre et de la ministre de la transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher. C’est celle du marché européen de l’énergie.
Toutes ces décisions, prises sous l’autorité du Président de la République, qui nous ont permis, depuis six ans, d’ouvrir plus d’usines que nous n’en avons fermé, de recréer des emplois industriels dans un pays qui en a perdu par centaines de milliers, doivent s’appuyer sur une énergie disponible, peu chère, nucléaire ou renouvelable. Cela suppose de découpler le prix du gaz de celui de l’électricité d’origine nucléaire (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe RN) et de payer notre énergie nucléaire au prix de l’électricité nucléaire. C’est notre prochain combat, nous le gagnerons comme les deux précédents. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)
Déficit commercial
Mme la présidente
La parole est à M. Michel Herbillon.
M. Michel Herbillon
Monsieur le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en matière de politique économique, le Gouvernement n’est jamais avare d’éloges sur ses résultats – vous nous en donnez une illustration depuis le début de la séance.
M. Sylvain Maillard
C’est que ces résultats sont bons !
M. Michel Herbillon
Pourtant, nous franchissons un niveau historique d’endettement et nous sommes déjà les vice-champions du monde des prélèvements obligatoires et des dépenses publiques.
Et voilà qu’un nouveau record vient de tomber : celui du déficit commercial qui a doublé en 2022 – 164 milliards d’euros, du jamais vu, la pire performance des pays de l’Union européenne !
M. Thomas Ménagé
Une réussite, ça aussi !
M. Jocelyn Dessigny
Eh oui ! Le Mozart de la finance a encore frappé !
M. Michel Herbillon
Dans le même temps, l’Allemagne affiche un excédent de 76 milliards d’euros tandis que l’Italie est en train de renouer avec une balance commerciale positive. Bien sûr, une grande part de cette dégradation s’explique par la hausse des prix de l’énergie, du pétrole, du gaz, que nous importons, mais aussi de l’électricité. Car oui, alors que la France exportait, jadis, son électricité, elle a été contrainte d’en importer à grands frais tant vous avez affaibli notre parc nucléaire et notre souveraineté énergétique.
M. Grégoire de Fournas
Quel bilan !
M. Michel Herbillon
Mais tout cela, c’est l’arbre qui cache la forêt. La réalité, c’est qu’en vingt ans, la part de la France dans les exportations mondiales a diminué de moitié, de 5 à 2,5 %. La réalité, c’est l’effondrement de notre industrie manufacturière, tombée pour la première fois sous les 10 % du PIB. Le bilan est simple : en dépit d’efforts très insuffisants sur les impôts de production, votre politique de réindustrialisation ne produit pas de résultats et nos entreprises ne sont pas encore assez compétitives.
M. Patrick Hetzel
Très juste !
M. Michel Herbillon
Monsieur le ministre, votre majorité est au pouvoir depuis six ans et Emmanuel Macron, auparavant secrétaire général adjoint de la Présidence de la République puis ministre de l’économie et de l’industrie, l’est depuis onze ans.
M. Sébastien Chenu
Il a raison !
M. Grégoire de Fournas
Il était ministre depuis 2016 !
M. Maxime Minot
Je n’étais même pas né ! (Sourires sur les bancs du groupe LR.)
M. Michel Herbillon
Vous ne pouvez donc pas vous exonérer de votre responsabilité en reportant toujours la faute sur les autres. Alors, allez-vous enfin défendre notre souveraineté industrielle pour que la France soit compétitive et pour que nos entreprises regagnent des parts de marché à l’étranger ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Jocelyn Dessigny applaudit également.)
M. Patrick Hetzel
Bravo !
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l’attractivité et des Français de l’étranger. (Exclamations sur les bancs des groupes LR et RN.)
Un député du groupe RN
Qui est ce monsieur ?
M. Jocelyn Dessigny
Ce n’est pas très courageux, c’est M. Le Maire qui était interrogé !
M. Olivier Becht, ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l’attractivité et des Français de l’étranger
Nous serons d’accord sur un point : la balance des biens a atteint le déficit record de 164 milliards d’euros. Ce n’est pas le déficit commercial. Ce dernier prend en effet en compte la balance des services et la balance des revenus. Or la balance des services est caractérisée par un excédent record de plus de 50 milliards d’euros.
M. Michel Herbillon
Tout va bien, alors !
M. Olivier Becht, ministre délégué
Et la balance des revenus a elle aussi un excédent record de plus de 31 milliards d’euros. En ce qui concerne la balance des biens, elle s’est en effet dégradée,…
M. Grégoire de Fournas
À cause de vous !
M. Olivier Becht, ministre délégué
…vous l’avez dit vous-même : notre parc nucléaire était en effet en partie à l’arrêt parce qu’il fallait rattraper les deux années pendant lesquelles, du fait de la pandémie, la maintenance n’a pas pu être réalisée ; en outre, sur les marchés, le prix de l’énergie a doublé. Cette part conjoncturelle du déficit s’effacera d’elle-même. (Sourires sur quelques bancs du groupe RN.)
M. Sébastien Chenu
Mais personne ne croit à ce que vous racontez !
M. Olivier Becht, ministre délégué
Il y a en revanche, et vous avez raison, une part structurelle du déficit due à la désindustrialisation du pays pendant vingt-cinq ans.
M. Michel Herbillon
Mais vous êtes au pouvoir désormais !
M. Olivier Becht, ministre délégué
Or ce phénomène s’est inversé puisque nous sommes dans une phase de réindustrialisation avec plus d’usines qui ouvrent que d’usines qui ferment.
M. Aurélien Pradié
Ne nous montrez pas du doigt !
M. Olivier Becht, ministre délégué
Nous avons des projets concrets : les semi-conducteurs produits à Crolles, le paracétamol en Isère, le lithium dans l’Allier et dans le Bas-Rhin…
M. Aurélien Pradié
Baissez donc votre doigt !
M. Olivier Becht, ministre délégué
Nous sommes devenus le premier pays d’accueil des investissements en Europe. (Exclamations sur les bancs des groupes RN et LR.)
M. Julien Odoul
Le premier pays d’accueil tout court !
M. Olivier Becht, ministre délégué
On compte 1 222 projets qui créent des emplois dans l’ensemble des territoires.
Ensuite, même si plus de 144 000 entreprises exportent, les petites et moyennes entreprises le font insuffisamment. Or ce sont ces PME qu’il faut inciter à exporter, à aller à la conquête de nouveaux marchés. C’est ce à quoi s’emploie le Gouvernement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)
M. Michel Herbillon
Vous ne semblez pas mesurer que le déficit commercial est de 164 milliards d’euros !
Réforme des retraites
Mme la présidente
La parole est à M. Emmanuel Fernandes.
M. Emmanuel Fernandes
Madame la Première ministre, dans un tweet, hier, en fin d’après-midi, vous souhaitiez que nous soyons « à la hauteur des Français qui nous ont élus et du débat démocratique qu’ils attendent ».
M. Jocelyn Dessigny
C’était surtout destiné à votre groupe !
M. Emmanuel Fernandes
Eh bien, voici une occasion de prouver que vous l’êtes : madame Borne, pouvez-vous affirmer ici que votre projet de réforme des retraites propose une pension minimale à 1 200 euros pour tous et, si tel n’est pas le cas, nous dire combien de personnes seraient concernées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur plusieurs bancs des groupes SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.) Il s’agit d’un budget rectificatif de la sécurité sociale, vous devez savoir combien de retraités toucheraient les 1 200 euros. Publiez vos chiffres cachés ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)
Le 11 janvier dernier, votre porte-parole Olivier Véran, déclarait : « Deux millions de retraités actuels […] verront leur retraite majorée à 1 200 euros brut. » Confirmez-vous ce chiffre ? Le 6 février, votre ministre de l’économie, Bruno Le Maire, annonçait « la retraite minimum à 1 200 euros », y compris pour ceux qui sont déjà à la retraite. Mme Schiappa, MM. Attal et Riester et j’en passe, tous membres de votre gouvernement, tous ont colporté le même mensonge, ainsi que nombre de députés macronistes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur plusieurs bancs du groupe GDR-NUPES.)
Oui, vous mentez ; vous dissimulez ! La vérité, c’est celle qu’a clairement exposée l’économiste Michaël Zemmour : il n’y aura pas de pension minimale garantie à 1 200 euros, même pour les carrières complètes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.) La réalité, c’est celle décrite par les économistes de l’Institut des politiques publiques (IPP) : « moins de 10 % des nouveaux retraités sont potentiellement concernés par l’augmentation maximale de 100 euros », somme qui permettrait d’approcher les 1 200 euros. Quant aux retraités actuels, toujours selon l’IPP, les trois quarts ne seraient pas concernés par la revalorisation.
Cessez donc les mensonges pour faire avaler un projet injuste : publiez vos chiffres cachés et dites-nous combien de personnes toucheront les 1 200 euros. Soyez, comme vous le demandez, à la hauteur du débat démocratique que le pays attend ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe SOC. – Plusieurs députés du groupe LFI-NUPES se lèvent et applaudissent.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion
Revenons quelques mois en arrière, lors de la campagne pour l’élection présidentielle.
M. Jocelyn Dessigny
Vous vous souvenez ? Quand vous avez voté pour Emmanuel Macron !
M. Olivier Dussopt, ministre
Aussi bien lors du premier tour, auquel vous avez participé, que du second, qui vous avait moins concernés,…
M. Ugo Bernalicis
Répondez à la question !
Plusieurs députés du groupe LFI-NUPES
Combien recevront 1 200 euros ?
M. Olivier Dussopt, ministre
…le Président de la République avait dit… (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
J’ai tout mon temps, vous savez. D’autres questions me seront posées, je pourrai y revenir – et j’ai également la nuit entière pour vous répondre. D’ailleurs, madame Guetté, cela fait huit jours que je vous entends crier, j’ai donc l’habitude. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
M. Ugo Bernalicis
Répondez à la question !
M. Olivier Dussopt, ministre
Je disais donc que le Président de la République avait pris un engagement, que nous tenons. Il avait dit que tout assuré ayant accompli une carrière complète au niveau du Smic bénéficierait d’une pension garantie à 85 % du montant de ce salaire. Un tel principe avait été posé en 2003, mais personne ne l’a jamais concrétisé. C’est ce que nous faisons, en incluant une indexation du montant de la pension minimale sur le Smic, afin de tenir cet engagement dans la durée.
Combien de personnes seront-elles concernées ?
Mme Caroline Fiat
Voilà !
M. Olivier Dussopt, ministre
La réforme concernera 200 000 des 800 000 nouveaux retraités que compte notre pays chaque année. (Exclamations prolongées sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
M. Jérôme Guedj
C’est faux !
M. Olivier Dussopt, ministre
Un retraité sur quatre bénéficiera d’une meilleure pension grâce à notre réforme.
M. Sylvain Maillard
Mais oui !
M. Olivier Dussopt, ministre
En votant contre la réforme, vous interdisez donc à un retraité sur quatre, c’est-à-dire aux plus modestes d’entre eux, de voir leur pension revalorisée.
Plusieurs députés du groupe LFI-NUPES
Répondez à la question ! Combien toucheront 1 200 euros ?
M. Olivier Dussopt, ministre
Quant aux 17 millions de retraités actuels, 1,8 million d’entre eux bénéficieront d’une revalorisation, mais vous votez contre. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES et SOC.) Vous refusez que des retraités dont la pension s’élève à 850, 900 ou 950 euros obtiennent une revalorisation allant de 50 ou 60 euros à 100 euros. Peut-être considérez-vous que 60 euros, ce n’est pas grand-chose mais, au contraire, c’est essentiel.
Mme Raquel Garrido
Combien ?
M. Olivier Dussopt, ministre
Ceux qui s’occupent des retraités les plus modestes, ils font partie de cette majorité ! C’est cette majorité qui va revaloriser les petites retraites (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES), comme elle revalorise la pension des retraités actuels – nous l’avons fait avec le minimum vieillesse il y a quelques mois. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem, dont plusieurs se lèvent. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
M. Ugo Bernalicis
Ce n’est pas comme cela que vous vous en sortirez !
M. Manuel Bompard
Répondez à la question !
Mme la présidente
La parole est à M. Emmanuel Fernandes.
M. Emmanuel Fernandes
Monsieur Dussopt, vous ne répondez pas : combien de retraités toucheront 1 200 euros par mois ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Réforme des retraites
Mme la présidente
La parole est à M. Jérôme Guedj.
M. Jérôme Guedj
Ma question s’adresse à Franck Riester, membre du Gouvernement qui nous dit la vérité sur la réforme des retraites. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES. – Mme Marine Le Pen rit.)
« Les privilégiés n’osant plus dire tout haut cela est juste, disent simplement cela est inévitable », mais « l’ordre social actuel est condamné par la conscience de tous ». Cette phrase est de Jean Jaurès qui, pardon de vous contredire, madame la présidente, était un socialiste authentique, un républicain affirmé, un député respecté :…
M. Sébastien Jumel
Eh oui ! Retournez à l’école : il n’était pas d’extrême gauche !
M. Jérôme Guedj
…il a soutenu Dreyfus, la laïcité et la première loi sur les retraites ouvrières. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES. – Exclamations sur quelques bancs des groupes RE et RN.)
M. Sébastien Chenu
Il ne doit pas être fier de vous, Jaurès !
M. Jérôme Guedj
C’est cette conscience collective qui s’exprime par le rejet massif de votre réforme des retraites.
M. Thomas Ménagé
Et la réforme Touraine ?
M. Jérôme Guedj
Car, voyez-vous, les Français ne vous croient pas. Non, votre réforme n’est pas inévitable. C’est au nom d’un choix politique et je dirais même idéologique que, pour la première fois lors d’une réforme des retraites, les entreprises ne sont pas mises à contribution, étant donné que vous faites reposer l’effort sur les seuls salariés.
Nous avons toute une palette de solutions pour taxer les superprofits, les dividendes, le patrimoine, les retraites chapeaux, les actions gratuites, ou pour supprimer les niches sociales jugées inefficaces. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – Mme Sandrine Rousseau applaudit également.)
M. Sébastien Chenu
Nous vous avons vus à l’œuvre !
M. Jérôme Guedj
Vous nous répondrez, comme l’a fait Gabriel Attal, que nous taxons, taxons, taxons. Mais ce sera pour mieux faire oublier votre obsession, qui vous conduit à exonérer, exonérer, exonérer. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, Écolo-NUPES et sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES. – Exclamations sur quelques bancs des groupes RE et RN.) Voici donc le message que nous vous adressons : partagez, partagez, partagez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.) Entendez le gouverneur de la Banque de France qui, au nom de la solidarité, exhorte à ce que cesse la course à la baisse d’impôt.
Voulez-vous une solution ? Selon vos propres hypothèses, en 2030, il y aura un excédent de l’assurance chômage de 20 milliards d’euros et un déficit de l’assurance retraite de 15 milliards. Ne pourrions-nous pas compenser les deux et ainsi éviter cet impôt de deux ans sur la vie pour l’ensemble de nos concitoyens ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
Votre deuxième postulat est de faire travailler plus pour produire plus. Mais que faites-vous de tous ces retraités qui participent à la vie sociale du pays ? Vous allez retirer deux années aux retraités pour la garde des enfants, pour… (Mme la présidente coupe le micro de l’orateur. – Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES. – Exclamations sur quelques bancs du groupe RE.)
Mme la présidente
Votre temps est écoulé, monsieur Guedj.
La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion
Le débat sur les retraites dure depuis maintenant plusieurs jours et c’est l’occasion pour moi de répondre à des questions récurrentes. Dans quelques heures – ou peut-être quelques minutes –, nous achèverons, monsieur Guedj, l’examen de l’article 2 du projet de loi, après dix jours de discussion, et nous aborderons des amendements que vous présentez comme autant de solutions alternatives au financement des retraites. Mais à les étudier de près, que proposez-vous ?
Mme Clémence Guetté
Vous ne répondez pas !
M. Olivier Dussopt, ministre
Notre déficit est structurel et s’élèvera à 12,5 milliards d’euros par an dès 2027, c’est-à-dire demain. Ce déficit sera de 13,5 milliards d’euros par an en 2030, de 20 milliards en 2035 et de 25 milliards en 2040. Si nous ne faisons rien – je l’ai dit et le répète –, nous accuserons 150 milliards d’euros de déficit accumulé sur dix ans. (Exclamations sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)
M. Olivier Faure
Répondez à la question !
M. Boris Vallaud
Arrêtez avec vos mensonges !
M. Olivier Dussopt, ministre
En ce qui vous concerne, vous nous enjoignez à taxer les superprofits et à utiliser la recette exceptionnelle d’une année – je dis bien d’une seule année – comme solution au déficit structurel d’une décennie. Cela ne tient pas la route ! Ce n’est pas sérieux ! (Exclamations sur les bancs du groupe SOC.)
M. Inaki Echaniz
C’est vous qui n’êtes pas sérieux !
M. Olivier Dussopt, ministre
Enfin, vous nous reprochez de vouloir financer le système de retraite par le travail. Vous conviendrez que nous sommes allés à bonne école.
M. Jérôme Guedj
C’est la fidélité à vos valeurs !
M. Olivier Dussopt, ministre
Qui a voté l’augmentation de la durée de cotisation de quarante-deux à quarante-trois ans ? C’est vous, c’est moi, en 2013, au début du quinquennat de François Hollande.
M. Thomas Ménagé
Oui, ce sont les socialistes !
M. Jérôme Guedj
Je ne l’ai pas votée.
M. Olivier Dussopt, ministre
Voilà aussi la réalité de la réforme que nous menons. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.)
Vous dites ne pas l’avoir votée, monsieur Guedj : c’est vrai, vous étiez déjà dans le camp de la fronde. Or la fronde, c’est justement ce que va éviter notre majorité, car ceux qui l’ont connue savent qu’il n’y a rien de pire pour fracturer une majorité et condamner ceux qui la composent à l’impuissance politique.
M. Sébastien Chenu
On vous laisse dans votre cabine téléphonique !
M. Olivier Dussopt, ministre
Quant à la phrase de Jaurès que vous avez citée, elle est belle, mais elle est aussi une formidable mise en abyme sur votre nouvelle inféodation. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Exclamations sur quelques bancs du groupe SOC.)
M. Sébastien Chenu
Il ne doit pas être fier, Jaurès !
Carte scolaire
Mme la présidente
La parole est à Mme Laurence Heydel Grillere.
Mme Laurence Heydel Grillere
Monsieur le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, au moment où la nouvelle carte scolaire est publiée, la question du comptage des effectifs demeure, une fois de plus, un sujet d’inquiétude majeure s’agissant du maintien des postes ou des classes en zone rurale.
Dans ma circonscription, en Ardèche, des postes vont être supprimés dans les communes de Désaignes et de Saint-Jeure-d’Ay, car l’académie a jugé que leurs très petites sections ne devaient pas entrer en compte dans le recensement des effectifs globaux, au motif que ces communes ne se situent pas en zone de montagne – alors qu’elles se trouvent en zone rurale, et même de revitalisation rurale.
M. Sébastien Jumel
Elle a raison ! Écoutez le terrain !
Mme Laurence Heydel Grillere
Pourtant, lors d’une intervention au Sénat en février 2022, votre prédécesseur a tranché en faveur de l’intégration des très petites sections dans le comptage des effectifs.
La situation actuelle déstabilise grandement nos communes rurales.
M. Jean-Paul Lecoq et M. Jean-Pierre Vigier
C’est vrai !
Mme Laurence Heydel Grillere
Combien de fois encore faudra-t-il reprendre la question des critères de comptage des effectifs ? Combien d’enseignants, de parents d’élèves, de maires de communes rurales faudra-t-il encore rassurer chaque année ?
M. Jean-Paul Lecoq
Excellent !
M. Patrick Hetzel
Très juste !
M. Sébastien Chenu
Vous êtes une députée de l’opposition ?
Mme Laurence Heydel Grillere
La fermeture de classes pénalise les familles et les enfants des territoires ruraux : ce n’est pas acceptable. (M. Jean-Yves Bony applaudit.) C’est dans ces territoires que l’éducation nationale doit mobiliser et encourager les partenariats avec tous les acteurs locaux. L’avenir de notre jeunesse est primordial : donnons aux enfants des territoires ruraux les mêmes chances qu’aux autres.
M. Sébastien Jumel
Elle a raison !
Mme Laurence Heydel Grillere
L’égalité des chances, partout, et pour tous, c’est le combat de notre majorité.
M. Julien Odoul
Ouvrez des classes dans la ruralité !
Mme Laurence Heydel Grillere
Quelles actions allez-vous donc entreprendre pour garantir le maintien des classes, pérenniser nos écoles et réaffirmer les directives du ministère sur la prise en compte des très petites sections ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe LR.)
M. Jean-Paul Lecoq
Voilà une bonne suppléante !
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Pap Ndiaye, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse
Votre question s’inscrit évidemment dans un contexte général de baisse des effectifs scolaires. C’est une réalité à l’échelle nationale, mais également en ce qui concerne votre département de l’Ardèche, qui comptera 239 élèves en moins dans le premier degré lors de la rentrée 2023.
S’agissant de la prise en compte des élèves de moins de 3 ans dans l’élaboration de la carte scolaire, la politique du ministère n’a pas changé.
Un député du groupe LR
Il faut peut-être changer de ministre !
M. Pap Ndiaye, ministre
En effet, les enfants de moins de 3 ans peuvent être accueillis à l’école maternelle, au sein des très petites sections : c’est particulièrement le cas dans les zones d’éducation prioritaire (ZEP) et dans les territoires ruraux. Toutefois, nous ne prenons en compte les enfants de moins de 3 ans que s’ils sont scolarisés. Nous ne prenons pas en compte l’ensemble des enfants de moins de 3 ans pour élaborer la carte scolaire. Nous ne nous appuyons donc pas sur un recensement général, mais sur le comptage des très petites sections des écoles maternelles.
Quant à la carte scolaire en elle-même, elle est en train d’être élaborée, avec les élus locaux et les directions académiques.
M. Jérôme Nury
Ils subissent, les élus locaux !
M. Pap Ndiaye, ministre
Des classes seront ouvertes et fermées suivant les réalités locales, et nous procéderons d’ici au mois de juin aux ajustements nécessaires. Car il y a aura bien des ajustements, en fonction, je le répète, des réalités locales et des échanges que nous avons avec les élus locaux, notamment des zones rurales – et j’en profite pour les en remercier. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)
M. Jérôme Nury
Arrêtez avec les élus locaux, ils sont informés en dernier !
M. Sébastien Jumel
Vous les respectez peu, les élus locaux !
Renouvellement des fréquences TNT des chaînes C8 et CNews
Mme la présidente
La parole est à M. Xavier Breton.
M. Xavier Breton
Madame la ministre de la culture, de très nombreuses personnes ont été choquées par les menaces que vous avez formulées à l’encontre des chaînes C8 et CNews.
Mme Anne-Laure Blin
Inadmissible ! Scandaleux !
M. Xavier Breton
En menaçant ces chaînes…
M. Matthias Tavel
Dirigées par des délinquants !
M. Xavier Breton
…de ne pas renouveler leurs fréquences TNT – télévision numérique terrestre –, vous avez bien sûr heurté…
M. Patrick Hetzel
Le respect de la loi !
M. Xavier Breton
…les téléspectateurs qui y trouvent une autre manière de s’informer, mais aussi tous ceux qui sont attachés au pluralisme de l’information. Vous avez scandalisé tous ceux qui défendent cette grande liberté constitutionnelle qu’est la liberté d’expression.
Dans une démocratie, sur un sujet aussi sensible que l’information, un gouvernement se doit d’observer une stricte réserve. En aucun cas, il ne doit prendre parti. Or c’est pourtant ce que vous avez fait, menaçant ainsi la liberté d’expression et remettant en cause l’indépendance de l’Arcom, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique.
M. Patrick Hetzel
Eh oui !
M. Éric Bothorel
Ce n’est pas vrai !
M. Xavier Breton
Normalement, l’Arcom est une autorité publique indépendante mais, par vos propos, vous l’avez discréditée en instillant le doute sur son indépendance et son impartialité.
Allez-vous observer dès lors une stricte neutralité, afin de respecter la liberté d’expression et le pluralisme de l’information ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de la culture.
M. Éric Ciotti