Troisième séance du mardi 07 février 2023
- Présidence de M. Sébastien Chenu
- 1. Projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de M. Sébastien Chenu
vice-président
M. le président
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
1. Projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023
M. le président
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 (nos 760, 814, 771, 819).
Première partie (suite)
M. le président
Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 540 à l’article 1er.
Article 1er (suite)
M. le président
Nous abordons une série d’amendements identiques visant à supprimer l’article 1er.
La parole est à M. Arthur Delaporte, pour soutenir le premier d’entre eux, l’amendement no 540.
M. Arthur Delaporte
Le groupe Socialistes et apparentés a déjà eu l’occasion, cet après-midi, d’expliquer pourquoi il était hostile à l’article 1er. Celui-ci fait office de paravent pour la réforme des retraites du Gouvernement en prévoyant un âge de départ à la retraite de 64 ans pour tous les nouveaux entrants des régimes spéciaux visés. Or nous nous opposons collectivement, et en bloc, au report de l’âge légal de départ à la retraite.
Aux futurs chauffeurs de la RATP et aux futurs agents chargés de réparer les lignes à haute tension, vous promettez la retraite à 64 ans. Nous considérons quant à nous que ces métiers sont spécifiques et que les avantages dont certains bénéficient – pas tous, je tiens à le préciser, car il faut tordre le cou à l’idée reçue selon laquelle les régimes spéciaux sont des régimes de privilégiés – sont liés à des contraintes inhérentes à leur fonction. Non, un chauffeur de bus ne peut pas poursuivre son activité jusqu’à 64 ans car il a le dos brisé bien avant cet âge.
Nous sommes nombreux à nous opposer à l’article 1er car nous refusons cette « clause du grand-père » que vous promettez aux bébés. Vous voulez que les grands-pères restent chauffeurs de bus, mais ce n’est pas ce que nous souhaitons ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et LFI-NUPES.)
M. Hadrien Clouet
Ils n’aiment pas les grands-pères ! (Sourires.)
Rappels au règlement
M. le président
La parole est à M. Thomas Ménagé, pour un rappel au règlement.
M. Thomas Ménagé
Il se fonde sur le cinquième alinéa de l’article 100.
Alors que nous entamons l’examen d’une série d’amendements identiques – vingt-sept amendements émanant du groupe Socialistes et apparentés, qui souhaite certainement faire oublier que le Parti socialiste avait soutenu la réforme Touraine, et onze amendements du groupe La France insoumise –, nous demandons qu’un seul orateur soit désigné par groupe, en vertu du cinquième alinéa de l’article 100. Les députés du Rassemblement national souhaitent débattre du fond de la réforme et examiner l’article 7 relatif au report de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES et SOC.)
M. Pierre Dharréville
Mais allez-y !
M. Thomas Ménagé
Nous souhaitons parler du fond de la réforme. Aussi demandons-nous que le règlement soit respecté.
M. Éric Coquerel
Vous faites le jeu de la Macronie !
M. Hadrien Clouet
www.renaissance.fr !
M. le président
Calmez-vous, chers collègues !
J’ai entendu votre rappel au règlement, monsieur Ménagé, mais nous examinerons les amendements les uns après les autres, chacun d’entre eux ayant un seul signataire.
La parole est à M. Arthur Delaporte, pour un nouveau rappel au règlement.
M. Arthur Delaporte
Je veux répondre à nos collègues du Rassemblement national que…
M. le président
Monsieur Delaporte, si vous faites un rappel au règlement, vous devez me préciser l’article sur lequel il se fonde. Par ailleurs, vous ne pouvez pas demander un rappel au règlement pour répondre à un autre député.
M. Arthur Delaporte
Monsieur le président, ce rappel au règlement se fonde sur l’article 70 relatif aux mises en cause personnelles. Les députés socialistes ne cherchent pas à faire de l’obstruction ; avec leurs amendements, ils défendent les travailleurs – objectif qui, manifestement, ne parle pas à tout le monde. J’ajoute, et vous le verrez ce soir, que nous nous réservons la possibilité d’accélérer le rythme du débat en retirant certains de nos amendements. Je tenais à vous l’annoncer. Nous n’avons pas la volonté de bloquer inutilement le débat ! (« Ah ! » et rires sur les bancs du groupe RE.)
M. Thomas Ménagé
Qu’est-ce que ce serait si vous le bloquiez !
M. le président
Message reçu !
Article 1er (suite)
M. le président
La parole est à M. Joël Aviragnet, pour soutenir l’amendement no 653.
M. Joël Aviragnet
Pourquoi voulons-nous supprimer l’article 1er ? Depuis plusieurs jours, voire depuis plusieurs mois, le Gouvernement nous répète que sa réforme des retraites est juste et nécessaire, vitale même. Il prétend incarner le camp de la responsabilité et du courage quand les parlementaires opposés au projet de loi représenteraient celui de la démagogie et de la faillite – tout comme d’ailleurs trois Français sur quatre ! Mais la réalité tord le cou à la communication gouvernementale. Le président du Conseil d’orientation des retraites (COR) a lui-même reconnu que les dépenses consacrées aux retraites ne dérapaient pas. La vérité, que vous refusez de reconnaître quand elle vous dérange, c’est que vous vous servez des retraites pour rembourser le « quoi qu’il en coûte ».
Votre réforme est injuste et inéquitable ; elle aggravera la situation des femmes, des Français qui ont eu une carrière hachée et une carrière longue, et de ceux qui exercent les métiers les plus difficiles. Vous mentez à longueur de journée pour faire passer la pilule, mais celle-ci est indigeste. Personne ne peut accepter de travailler deux ans de plus alors que vous refusez de taxer les superprofits des grosses entreprises. Personne ne peut accepter de perdre deux ans d’une retraite bien méritée quand les dividendes des entreprises du CAC40 explosent sans subir aucune surtaxation. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)
Cette réforme est aussi brutale qu’impopulaire. Les Français n’en veulent pas. Pour une fois, écoutez-les et retirez-la ! (M. Maxime Laisney applaudit.)
M. le président
La parole est à M. Elie Califer, pour soutenir l’amendement no 654.
M. Elie Califer
Les régimes spéciaux sont nés pour compenser la pénibilité intrinsèque de certains métiers. Le Gouvernement récuse ce principe dans l’article 1er, qui conduira mécaniquement à intégrer les nouveaux travailleurs dans le droit commun, c’est-à-dire dans le régime général, sans compensation. Ainsi, demain, un travailleur qui comptabilisera suffisamment de points sur son compte pénibilité C2P, le compte professionnel de la prévention, pourra partir deux ans avant le nouvel âge légal de départ à la retraite, à 62 ans, c’est-à-dire plus tard que dans la plupart des régimes spéciaux visés par l’article. Le C2P souffre en outre de nombreux défauts, en raison notamment de la suppression de quatre critères de pénibilité décidée par le Gouvernement en 2017.
M. Arthur Delaporte
C’est vrai !
M. Elie Califer
Nous croyons que la fermeture des régimes spéciaux va profondément dégrader l’attractivité des métiers concernés. À l’heure de la bifurcation écologique et de la transition énergétique, nous avons pourtant grand besoin de certains d’entre eux. (M. Arthur Delaporte applaudit.) Avant de réformer le droit à la retraite, il eût mieux valu réformer le droit au travail. En tout état de cause, on ne peut supprimer ces régimes sans une expertise objective et exhaustive permettant de faire le point de la situation et de réintégrer les quatre critères de pénibilité supprimés en 2017.
Telles sont, monsieur le président, les raisons pour lesquelles nous demandons la suppression de l’article 1er. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. le président
Chers collègues, je vous demande de bien vouloir faire cesser ce bruit de fond très désagréable pour tout le monde, en particulier pour les orateurs.
M. Jocelyn Dessigny
C’est la NUPES qui fait du bruit !
M. le président
La parole est à M. Mickaël Bouloux, pour soutenir l’amendement no 657.
M. Mickaël Bouloux
De nos débats sur la réforme des retraites restera ce constat : il s’agit d’une réforme injuste et brutale, dont l’article 1er n’est qu’une illustration parmi d’autres. La suppression des régimes spéciaux de retraite est un serpent de mer qui se nourrit des rancœurs et des ressentiments. Le Gouvernement joue un jeu dangereux en opposant les Français entre eux. Divide ut regnes – « divise afin que tu règnes » ou « diviser pour mieux régner » : telle est la devise méthodique, pour ne pas dire mécanique, utilisée par le Président de la République avec le soutien du Gouvernement et de la majorité présidentielle. Alors que la France a besoin d’union et de concorde, vous divisez !
En 2017, le Gouvernement a supprimé quatre des dix critères de pénibilité inscrits dans le code du travail sous prétexte que le seuil d’exposition était inquantifiable. Inquantifiable par qui ? Par le patronat ! On sent bien de quel côté la Macronie tend l’oreille.
Un député du groupe LFI-NUPES
Et voilà !
M. Mickaël Bouloux
Avec l’article 1er, le Gouvernement pousse encore plus loin la brutalité de 2017. Demain, les nouveaux travailleurs des régimes spéciaux seront intégrés mécaniquement dans le droit commun, c’est-à-dire dans le régime général, qui compense la pénibilité de manière très insuffisante. Les chauffeurs de métro, les mineurs qui ne voient que rarement la lumière du jour, les chauffeurs de bus parisiens qui se lèvent tôt parce qu’ils habitent en banlieue : tous ces travailleurs, qui subissent la dureté du travail, ne pourront mécaniquement plus bénéficier du régime spécial qui les protégeait jusque-là en leur permettant de partir à la retraite au moment où leur corps n’était pas complètement usé.
Mme Ségolène Amiot
Il a raison !
M. Mickaël Bouloux
Face à l’inhumanité de cette mesure, qui confine à l’indécence, il n’existe qu’une seule solution : le retrait de l’article et du texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LFI-NUPES.)
M. le président
La parole est à M. Philippe Brun, pour soutenir l’amendement no 658.
M. Philippe Brun
L’article 1er cumule les incohérences.
D’abord, il prétend faire des économies alors qu’il va en réalité coûter très cher à nos finances publiques, le financement de l’extinction des régimes spéciaux n’étant pas prévu par le projet de loi.
Ensuite, le Gouvernement qui se faisait fort de défendre le dialogue social au sein de l’entreprise, laquelle résoudrait mieux les problèmes que la loi elle-même, remet en cause un système qui résultait précisément du dialogue social. Les régimes spéciaux sont des conquêtes sociales des travailleurs, qui ont su faire reconnaître la pénibilité de leur travail et obtenu de justes compensations. En les supprimant, nous nous exposons à la même pénurie de personnel et aux mêmes difficultés de recrutement que les services publics aujourd’hui. Je pense aux conducteurs de la RATP, aux cheminots, aux agents des industries électriques et gazières, des centrales nucléaires et des barrages hydroélectriques. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et LFI-NUPES.) Leurs métiers sont particulièrement pénibles et peu attractifs aujourd’hui. Supprimer les régimes spéciaux, c’est tout simplement supprimer le service public ! (Mêmes mouvements.)
M. le président
La parole est à M. Stéphane Delautrette, pour soutenir l’amendement no 660.
M. Stéphane Delautrette
Vous dites que c’est au nom de l’équité que vous voulez réformer les régimes spéciaux, monsieur le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion, mais vous ne les réformez pas tous. Vous dites que les régimes spéciaux sont déficitaires. Or force est de constater que plusieurs d’entre eux sont excédentaires. En les intégrant au droit commun, vous actez le départ de leurs salariés à 64 ans, ce à quoi nous nous opposons, et vous ignorez la pénibilité des métiers concernés. Je rappelle que c’est votre majorité qui a supprimé les principaux critères de pénibilité. Vous auriez pu les reprendre dans le projet de loi, mais vous ne l’avez pas fait. Une seule voie s’offre à vous : le retrait de l’article 1er. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. le président
La parole est à M. Inaki Echaniz, pour soutenir l’amendement no 661.
M. Inaki Echaniz
Ce que vient de dire Stéphane Delautrette est très juste : notre vision des régimes spéciaux est totalement opposée à celle du Gouvernement et de la majorité. De notre côté, nous souhaitons tirer les régimes de retraite vers le haut alors que vous cherchez à les niveler par le bas. La question est bien celle de l’équité, mais celle-ci doit être assurée grâce à davantage de droits et à une meilleure qualité de travail pour les métiers difficiles, y compris ceux qui bénéficient de régimes spéciaux. Si le Gouvernement ne retire pas l’article 1er, alors j’appelle l’Assemblée à s’y opposer. Améliorons notre système de retraite plutôt que de toujours retirer aux travailleurs du public comme du privé leurs acquis sociaux, ou plutôt leurs « conquis sociaux ». (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. Fabien Di Filippo
Le substantif est « conquête » et non « conquis » !
M. le président
La parole est à M. Guillaume Garot, pour soutenir l’amendement no 663.
M. Guillaume Garot
En réalité, la suppression des régimes spéciaux est pour la majorité un prétexte, une tête de gondole qui lui permet de justifier une réforme fondamentalement injuste – les Français l’ont bien compris.
M. Fabien Di Filippo
C’est peut-être la chose la moins injuste dans cette réforme !
M. Guillaume Garot
Mais elle ne masque pas ce que vous avez fait ni la façon dont vous l’avez fait. Y a-t-il eu consultation ? À peine. Y a-t-il eu concertation ? Pas le moins du monde. Y a-t-il compensation ? Pas davantage. Pour toutes ces raisons, il est logique que nous demandions la suppression de cet article. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)
M. le président
La parole est à Mme Fatiha Keloua Hachi, pour soutenir l’amendement no 668.
Mme Fatiha Keloua Hachi
Je veux simplement rappeler que les régimes spéciaux représentent un progrès social, obtenu à la suite d’une lourde bataille syndicale. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et LFI-NUPES.) Les supprimer, c’est tout simplement régresser : cela ne correspond pas aux valeurs de progrès social que nous défendons au sein du Parti socialiste.
Par ailleurs – vous le savez, chers collègues –, les métiers de la RATP souffrent d’un grand manque d’attractivité. Il suffit de prendre les transports en commun pour se rendre compte de l’impact du manque de personnel sur les réseaux franciliens. En 2022, 1 500 postes de chauffeurs de bus étaient à pourvoir et seulement 700 ont été pourvus. Si vous vous attaquez au régime spécial de la RATP, ces métiers seront encore moins attractifs et les difficultés du réseau grandiront, à l’évidence.
M. le président
La parole est à M. Gérard Leseul, pour soutenir l’amendement no 669.
M. Gérard Leseul
Chers collègues de la majorité, votre article 1er, qui prévoit la suppression des régimes spéciaux, doit être combattu au même titre que l’ensemble de votre mauvais projet de réforme. À l’absence de sincérité de vos justifications s’ajoute le caractère incompréhensible des mesures envisagées. Dès son annonce puis lors de son adoption en commission, votre texte a aussitôt suscité les réactions des Françaises et des Français, qui défilent dans la rue et s’interrogent sur la logique présidant à l’extinction de certains régimes spéciaux quand d’autres vont subsister.
Plusieurs régimes spéciaux – ceux du Sénat, des avocats, de l’Opéra de Paris ou encore de la Comédie-Française – seraient conservés. Mais pourquoi conserver celui des sociétaires de la Comédie-Française ou de l’Opéra, que je respecte par ailleurs totalement et que je défends, et pas d’autres ? Être un agent EDF grimpant sur des pylônes, est-ce moins pénible physiquement qu’être comédien ou musicien ? Cette absence de cohérence provoque une incompréhension totale chez nos concitoyens. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et LFI-NUPES.)
Alors oui, dans ces conditions, nous suggérons de ne supprimer aucun régime spécial, comme nous proposons de ne pas voter ce projet de réforme, car le régime actuel garantit une retraite plus digne que celle que vous envisagez pour nos concitoyens. Par ailleurs, les Françaises et les Français ont bien conscience que votre réforme épargne les riches et les élites (M. Manuel Bompard applaudit), qui bénéficient la plupart du temps de complémentaires, voire de surcomplémentaires et même, parfois, de retraites chapeaux que l’on pourrait qualifier de « sur-surcomplémentaires ».
Cette réforme est injuste et nous vous le répétons fermement : retirez ce projet ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. le président
La parole est à Mme Anna Pic, pour soutenir l’amendement no 672.
Mme Anna Pic
Depuis plus de cinq ans, les gouvernements successifs ont fait du démantèlement des droits sociaux un véritable mantra. Texte après texte, vous ne cessez de renier les droits collectifs obtenus par des décennies de mobilisation des salariés. Avant-hier la réforme de la SNCF, hier celle de l’assurance chômage, aujourd’hui les régimes spéciaux des retraites : vous faites comme si les avantages conquis de haute lutte et la solidarité nationale relevaient de l’inconvenance, alors qu’ils sont le fruit de l’histoire française.
Quelles seront vos prochaines cibles ? Quelle sera la suite ? La privatisation intégrale de l’assurance maladie ? La suppression d’une semaine de congés payés ? Je préfère m’arrêter ici, pour ne pas vous donner trop d’idées.
M. Bruno Millienne
Pourquoi ? Il n’y a pas de risques !
Mme Anna Pic
Pour justifier votre réforme, vous tentez d’instaurer, depuis plusieurs semaines, une opposition entre les braves et courageux travailleurs d’un côté, les fainéants profiteurs de l’autre ; en l’espèce, vous opposez les privilégiés des régimes spéciaux aux lésés du régime général. Au-delà de l’injustice des mesures en question, les éléments de langage que vous utilisez pour les justifier, sans vous interroger sur les dégâts qu’ils causent en matière de cohésion sociale, ne font que monter les Français les uns contre les autres.
In fine, ce n’est pas seulement aux régimes spéciaux que vous vous attaquez : c’est la singularité sociale de la France que vous méprisez. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC, LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) Pour toutes ces raisons, nous vous invitons à supprimer cet article 1er.
M. le président
La parole est à Mme Claudia Rouaux, pour soutenir l’amendement no 676.
Mme Claudia Rouaux
Tout d’abord, monsieur le président, il nous semble que le son des micros situés dans l’hémicycle est trop faible.
M. le président
Je le crois aussi.
Mme Claudia Rouaux
Je tiens à le signaler ; il serait bon de résoudre ce problème, surtout au moment où j’ai la parole ! (Sourires et applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et LFI-NUPES.)
M. Jocelyn Dessigny
Pas trop fort, les micros ; on vous entend assez comme ça !
M. le président
Allez-y, madame Rouaux ! Je suis certain qu’on va vous écouter dans le plus grand silence.
Mme Claudia Rouaux
Merci, monsieur le président. Je signalerai simplement que les régimes spéciaux étaient nés pour compenser les contraintes ou la pénibilité de certains métiers. Le premier régime qui a été supprimé, c’est celui de la SNCF et en particulier celui des conducteurs de trains, métier que je connais très bien. Être conducteur de train, c’était travailler pendant les vacances scolaires ; c’était avoir une courte période de congés l’été ; c’était travailler de nuit, à n’importe quelle heure ; c’était travailler trois week-ends sur quatre en fin de carrière. Mais en contrepartie, on pouvait partir à 50 ans.
Les réformes sont passées par là et aujourd’hui, les conducteurs de trains partent à 57 ou 58 ans.
M. Fabien Di Filippo
Mais comment a évolué l’espérance de vie ?
Mme Claudia Rouaux
Et ce qui se produit, alors même que nous devons développer les services publics, c’est qu’il n’y a plus de conducteurs de trains ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
M. Inaki Echaniz
C’est juste !
Mme Claudia Rouaux
Il y a une carence terrible au niveau des TER – transports express régionaux – mais aussi des grandes lignes. Or si vous touchez à ces régimes spéciaux, celui de la RATP et bien d’autres, ce qui s’est passé à la SNCF arrivera demain dans les autres services publics, qui connaîtront les mêmes pénuries. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et LFI-NUPES.)
M. le président
Il serait bon, si nous voulons mieux nous entendre, que l’hémicycle fasse un peu moins de bruit.
M. Jocelyn Dessigny
Il faut le dire à la NUPES !
M. le président
La parole est à Mme Isabelle Santiago, pour soutenir l’amendement no 677.
Mme Isabelle Santiago
Comme mes collègues, je vous demande de supprimer l’article 1er. Je vais prendre l’exemple de la RATP, dont les agents sont concernés par la mesure. Je suis élue d’un département, le Val-de-Marne, et d’une région, l’Île-de-France, où les difficultés pour recruter des chauffeurs de bus sont notoires. La suppression de cet article vous est demandée pour conserver leur régime spécial car il est nécessaire de recruter, comme le démontrent les difficultés que de nombreux Franciliens vivent au quotidien dans les transports en commun. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et LFI-NUPES.)
M. le président
La parole est à M. Hervé Saulignac, pour soutenir l’amendement no 678.
M. Hervé Saulignac
Le Gouvernement veut à tout prix intégrer dans son texte des marqueurs censés prouver qu’il recherche la justice et l’équité, notamment en supprimant certains prétendus privilèges. L’article 1er est ainsi pour lui le moyen de faire croire que son projet de loi n’est que justice, alors qu’il est en réalité tout l’inverse.
Il est ici question de 500 000 cotisants sur un total de 28 millions, et on essaie de faire croire que l’ensemble de ces régimes serait très coûteux pour les finances de l’État, ce qui est assez caricatural quand on sait que certaines réserves, notamment la caisse de la Banque de France ou celle des clercs de notaires, la CRPCEN – caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaire –, sont particulièrement bien fournies.
En réalité, il n’y a pas vraiment de logique dans le choix gouvernemental de supprimer certains régimes spéciaux et pas d’autres : lorsque vous supprimez le régime des gaziers mais non celui des sociétaires de la Comédie-Française – je n’ai rien contre ces derniers, évidemment –, vous comprendrez que nos concitoyens n’y voient absolument aucune logique.
Dès lors que cette façon de procéder – par des suppressions à la carte – n’est comprise par personne, elle n’est qu’injustice ; c’est la raison pour laquelle nous vous demandons de bien vouloir retirer l’article 1er. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
M. le président
La parole est à Mme Mélanie Thomin, pour soutenir l’amendement no 679.
Mme Mélanie Thomin
Quand on veut supprimer un acquis de progrès social pour des travailleuses et des travailleurs, on parle de « privilèges » ; quand on évoque les régimes spéciaux, on les qualifie d’« anomalies » à corriger par une bonne réforme. (MM. Philippe Brun et Inaki Echaniz applaudissent.)
Pourtant, le dispositif dont il est ici question est un système de solidarité professionnelle qui concerne des métiers dont l’exercice mérite une attention particulière : ils ont fait l’objet de conventions collectives légitimement négociées et signées pour compenser les nuisances qui leur sont inhérentes.
Forcément, l’expression d’une telle solidarité professionnelle ne colle pas avec votre vision du travailleur solitaire et ubérisé. Plutôt qu’une anomalie, ces régimes spéciaux sont un idéal et un horizon ; ils renvoient à une certaine conception de la retraite et à un espoir salarial que le régime général, géré par les coûts et non par les besoins, ne permet plus.
M. Fabien Di Filippo
Je crois que vous l’avez déjà dit vingt-trois fois !
Mme Mélanie Thomin
Bien sûr, des améliorations sont possibles et nous sommes prêts à en discuter. Mais vous choisissez la suppression et donc le nivellement des régimes par le bas, sans apporter de réponse concernant les carrières et la pénibilité, une fois effectué l’alignement sur le régime général.
Au surplus, vos choix illustrent l’arbitraire de votre réforme : pourquoi sélectionner quelques régimes et pas tous, si ces droits des salariés vous semblent des privilèges insupportables ? On comprend aisément, en examinant cet article, qu’il ne s’agit pas de moderniser la retraite mais bien de dégager des économies, de faire du rendement. Derrière cette suppression abrupte, il y a des réalités : j’ai reçu des courriers de Monique et de Véronique, toutes deux salariées dans un office notarial, respectivement à Loperhet et à Plougastel-Daoulas, dans le Finistère. (Exclamations sur les bancs du groupe RE. – M. Matthias Tavel applaudit.)
M. le président
Allons, allons ! On laisse terminer l’oratrice.
Mme Mélanie Thomin
Leurs pensions vont baisser de 25 % et pourtant, elles devront travailler plus longtemps, comme de nombreuses femmes bénéficiaires de la caisse de retraite des salariés du notariat. Comme moi, elles ne comprennent pas cette injustice alors que leur caisse est excédentaire. Que dois-je leur répondre, si ce n’est qu’un arbitrage budgétaire a rompu le pacte social sur lequel leur retraite reposait ? Vous ne nous diviserez pas ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
M. le président
La parole est à Mme Anne Stambach-Terrenoir, pour soutenir l’amendement no 1037.
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Détruire les régimes dits spéciaux, voilà une vieille marotte des libéraux et de la Macronie ! Après avoir supprimé quatre critères de pénibilité, vous essayez une fois encore de faire passer des conditions de travail difficiles pour des avantages indus. Au nom de l’équité que vous avez chevillée au corps, vous voulez les faire travailler plus longtemps, ces privilégiés d’EDF qui grimpent à des pylônes électriques dans la fournaise de l’été comme dans le gel de l’hiver, et qui passent des heures à genoux devant les coffres électriques, à toute heure du jour et de la nuit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) N’écoutant que votre sens aigu de la justice, vous voulez les faire trimer plus longtemps, ces privilégiés de la RATP qui conduisent des trains toute la semaine, mais aussi les week-ends et jours fériés, qui répètent toujours les mêmes mouvements, jusqu’à développer des troubles musculo-squelettiques ! (Mêmes mouvements.)
La vérité, c’est que ces personnes peuvent partir plus tôt en retraite parce qu’elles ont une espérance de vie inférieure à l’ensemble de la population. N’est-ce pas exactement cela, la justice, la fameuse équité que vous brandissez à tout bout de champ ? Vous devriez avoir honte ! (Mêmes mouvements.) Ce qu’il faut faire, c’est l’inverse de ce que propose cet article. L’ensemble des travailleurs qui ont des emplois difficiles, physiquement ou même psychologiquement, doivent pouvoir se reposer plus tôt et profiter de leur retraite sans être complètement cassés. (Mêmes mouvements.)
Et nous ne sommes pas dupes : vous désignez de faux coupables, de faux privilégiés d’en bas pour épargner les véritables privilégiés, ceux d’en haut (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES), les ultrariches et le CAC40, que vous gavez d’argent public pendant que vous demandez aux gens de se serrer la ceinture et de travailler plus longtemps !
Mme Sophia Chikirou
Exactement !
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Vous tentez de monter les Français les uns contre les autres pour détourner notre regard de l’essentiel : avec ce projet de loi, ce sont tous les Français qui vont prendre deux ans ferme, deux ans de travail en plus, deux ans de bonheur volé ! (Les applaudissements s’intensifient sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Mais les gens l’ont bien compris, et c’est pour cela qu’ils étaient encore aujourd’hui 2 millions dans les rues de toute la France (« Bravo ! » sur les bancs du groupe LFI-NUPES), et qu’ils seront encore plus nombreux samedi 11 février. Non à cet article 1er, non à ce projet de loi, oui à la retraite à 60 ans !
M. le président
La parole est à M. Matthias Tavel, pour soutenir l’amendement no 1071.
M. Matthias Tavel
Par cet article, vous réussissez l’exploit de faire quatre aveux à la fois.
Le premier, c’est qu’alors que les régimes dits spéciaux sont pour nous des régimes pionniers et une promesse d’amélioration – il faudrait les universaliser pour en faire profiter l’ensemble des Français (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES) –, vous faites quant à vous une promesse de régression : tout le monde prendra deux ans de plus à cause de vous,…
M. Jocelyn Dessigny
Et grâce à vous !
M. Matthias Tavel
…sauf si nous vous battons, comme nous allons le faire ! Vous voulez condamner les Français à travailler deux ans ferme de plus, et rien ni personne ne doit échapper à votre brutalité ; mais nous vous battrons !
Le deuxième aveu, c’est que vous n’avez que la division pour essayer de gagner. Vous voulez diviser les Français, attiser des ressentiments, chercher des boucs émissaires, mais les Français vous répondent par l’unité la plus large dans la rue (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES), dans l’action et dans tous les sondages : ils ne sont pas dupes de votre jeu !
Troisième aveu : en détruisant les régimes spéciaux, vous voulez, ni plus ni moins, continuer à détruire les services publics. Vous avez détruit le service public de l’électricité, mettant le pays dans un tel état que même des artisans et commerçants ne peuvent plus payer leurs factures. Vous bordélisez le service public du rail : la précédente réforme des régimes spéciaux a provoqué une pénurie de candidats au métier de conducteur de train et vous allez créer les mêmes pénuries à la RATP et ailleurs.
M. Fabien Di Filippo
S’il n’y en a pas assez avec le régime spécial, c’est que la pénurie n’est pas liée à ce régime !
M. Matthias Tavel
Enfin, quatrième aveu, vous voulez protéger le régime très spécial des ultrariches et des PDG. (« Eh oui » ! sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Carlos Tavares, le directeur général de Stellantis, qui perçoit 2,4 millions d’euros par an pour se constituer une pension, n’est pas concerné par votre réforme. Le PDG d’Accor, Sébastien Bazin, dispose d’une garantie de pension supplémentaire de 250 000 euros par an, après seulement huit ans dans l’entreprise. Pour Charles Edelstenne, directeur général du groupe Dassault, c’est 1 million d’euros par an.
M. le président
Merci, monsieur le député.
M. Matthias Tavel
La justice, ce ne sont pas les agents du service public… (M. le président coupe le micro de l’orateur, dont le temps de parole est écoulé.)
M. le président
La parole est à M. Jean-François Coulomme, pour soutenir l’amendement no 1268.
M. Jean-François Coulomme
Monsieur le ministre du travail forcé (Murmures sur les bancs des groupes RE et Dem), il y a dans votre projet de loi deux incohérences que nous n’avons pas encore examinées – voyez que nous ne manquons pas d’arguments pour démonter cet infâme texte sur les retraites.
Tout d’abord, on dénombre quatorze demandeurs d’emploi pour un seul emploi accessible dans ce pays. En reportant de deux ans l’âge légal de départ à la retraite pour ceux qui sont déjà en activité, vous allez reporter d’autant l’accès aux emplois que nos seniors occuperont pendant deux années de plus. Les jeunes demandeurs d’emploi devront donc attendre deux années de plus au chômage. Comment allez-vous faire ? Allez-vous les rémunérer ? Ah non : j’avais oublié que vous avez aussi réduit drastiquement les durées et montants d’indemnisation. Par ce biais, vous allez créer encore plus de travailleurs pauvres et de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté.
Deuxième incohérence : en faisant travailler les gens deux ans de plus, vous allez produire – telle est peut-être votre intention – davantage de services et de produits ; mais où est votre marché accessible ? Il n’existe pas puisque vous n’avez pas préalablement augmenté le Smic pour susciter une demande – ce qui ne suffirait d’ailleurs peut-être pas. Si vous voulez que la demande augmente dans les mêmes proportions que les biens et services produits par les seniors restés au travail, il faut augmenter les salaires. Sinon, il n’y aura pas d’acheteurs pour ce supplément de services et de marchandises. Quelle logique formidable permettra d’éviter ce phénomène ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LFI-NUPES.)
M. le président
La parole est à Mme Nathalie Oziol, pour soutenir l’amendement no 1536.
Mme Nathalie Oziol
Plus le Gouvernement explique que cette réforme des retraites est juste, plus les gens comprennent qu’elle est injuste et injustifiée. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)
Après l’article liminaire, l’article 1er de votre projet de loi s’attaque ainsi aux régimes spéciaux en demandant leur suppression. Cette réforme commence donc par un assaut contre une conquête sociale qui a permis de prendre en compte des facteurs de pénibilité ou le fait que les salariés ont une espérance de vie diminuée par le travail. Nous ne sommes pas vraiment surpris puisque vous aviez déjà supprimé quatre critères de pénibilité en 2017.
Dans les manifestations à Paris et dans toutes les villes de France, pour la troisième grande journée de mobilisation, il y avait aussi les salariés de l’énergie et de la RATP, dont vous voulez détruire le statut.
Personne ne vous croit quand vous expliquez que la suppression des régimes spéciaux serait une mesure de justice sociale et d’équité. Tout le monde a compris que les travailleurs seront équitablement forcés à s’abîmer deux ans de plus au travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Les hommes, les femmes, celles qui ont des carrières hachées, ceux qui ont commencé à travailler tôt, ceux qui ont commencé à travailler tard, les bénéficiaires des régimes spéciaux : tous vont prendre un tarif de deux ans supplémentaires.
Vous êtes particulièrement culottés de venir nous dire que cette mesure permettrait de préserver notre système de retraite par répartition, alors que vous vouliez le saccager en 2020 pour mettre en place un système de retraite à points. (Mêmes mouvements.)
L’un des camions syndicaux de la manifestation de cet après-midi transportait d’ailleurs un énorme ballon où l’on pouvait lire « EDF, GDF, 100 % public ». Les gens font directement le lien entre votre projet de destruction du système de retraite et la destruction méthodique du service public que votre courant politique ultralibéral s’est appliqué à mettre en œuvre depuis trente ou quarante ans. (Mêmes mouvements.)
M. le président
La parole est à Mme Rachel Keke, pour soutenir l’amendement no 1986.
Mme Rachel Keke
Il manifeste notre souhait de voir maintenu le régime spécial des industries électriques et gazières. Les régimes spéciaux sont le résultat de plusieurs luttes des travailleuses et travailleurs pour faire reconnaître la pénibilité de leur métier. Ce ne sont pas des privilèges, contrairement à ce que d’aucuns essaient de nous faire croire, mais des « conquis » sociaux.
Nous devons tous protéger une société juste et soucieuse des salariés. Vous mentez aux gens en passant votre temps à dire que cette réforme est nécessaire et qu’elle représente la seule solution pour maintenir notre système de retraite. C’est faux, c’est un mensonge. Votre réforme, c’est du vol : vous voulez voler deux années de vie à toutes les travailleuses et à tous les travailleurs du pays, alors qu’une autre solution existe et qu’il suffit d’aller la chercher.
Voilà pourquoi nous vous battrons ici dans les rangs de l’Assemblée nationale et aux côtés des millions de travailleuses et travailleurs, de jeunes et de retraités de ce pays qui vous feront battre en retraite. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
M. le président
La parole est à M. David Guiraud, pour soutenir l’amendement no 2017.
M. Erwan Balanant
Et si on appliquait le règlement ?
M. le président
C’est ce qu’on fait.
M. David Guiraud
Le 21 février 2022, un retraité de la RATP a reçu un curieux courrier de son ex-entreprise, que je vais vous lire. « Madame, monsieur, vous avez pris votre retraite de machiniste receveur et vous êtes toujours attaché à notre entreprise. Votre permis de transport en commun est toujours en cours de validité ainsi que votre carte de qualification conducteur. La RATP a besoin de vos compétences et nous vous proposons de reprendre du service pour une durée déterminée à votre convenance. »
Bravo, chers collègues, vous êtes formidables : non seulement vous voulez faire bosser les gens plus longtemps, mais vous avez tellement cassé le statut des machinistes receveurs de la RATP que vous voulez faire revenir au boulot ceux qui sont en retraite. Vous rendez-vous compte de l’absurdité du système dans lequel vous nous avez plongés ?
Mme Sophia Chikirou
Mais oui, nous sommes en Absurdie !
M. Frédéric Petit
La réforme n’est pas passée !
M. Erwan Balanant
Monsieur le président, l’Assemblée nationale n’est-elle pas suffisamment informée ?
M. David Guiraud
C’est superbe, n’est-ce pas ? Vous, cela ne vous concerne pas. En 2022, 700 postes sur 1 500 offerts à la RATP sont restés vacants parce que personne ne veut plus faire ces métiers à cause de vous. Peut-être cela ne vous intéresse-t-il pas, contrairement aux usagers du RER C, par exemple, qui ont subi la suppression de dix-neuf trains en septembre. Oui, les usagers sont directement victimes de votre politique de casse sociale qui détruit les conventions collectives conquises de haute lutte par les travailleurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Et n’allez pas nous dire que ces métiers sont faciles. Avez-vous déjà ouvert, ne serait-ce qu’une seule seconde, le planning d’un conducteur de train SNCF, qui ne voit pas sa famille pendant des jours et des jours ? (Exclamations sur les bancs du groupe RE. – Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Avez-vous déjà constaté les conséquences des conditions de travail des conducteurs de la RATP sur leur santé ? Ils travaillent dans le noir, dans une atmosphère chargée en particules fines et ils sont fatigués. (Mêmes mouvements.)
M. le président
Chers collègues, laissez M. Guiraud terminer son intervention, sinon je vais lui donner cinq secondes de plus.
M. David Guiraud
À force de fatiguer les travailleurs, plus personne ne voudra faire rouler vos trains – et ce pays. Voilà où vous nous menez.
M. le président
Chers collègues, laissez chaque orateur s’exprimer pendant les deux minutes précises que je lui donne pour présenter son amendement. C’est beaucoup plus simple comme cela.
Sur les amendements nos 540 et identiques, je suis saisi par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale et par le groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Hendrik Davi, pour soutenir l’amendement no 2134.
M. Hendrik Davi
Chers collègues, à cette heure tardive, j’ai un scoop pour vous : si les régimes spéciaux n’existaient pas, il faudrait les inventer. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
M. Fabien Di Filippo
Sortez donc vos mains de vos poches !
M. Hendrik Davi
Quels sont les grands enjeux auxquels nous devons faire face ? Nous devons remédier au changement climatique et réduire les émissions de gaz à effet de serre. Pour ce faire, il faut des transports en commun. Nous devons aussi regagner notre souveraineté énergétique, ne plus dépendre du gaz russe ni du pétrole saoudien et avoir 100 % d’énergies renouvelables. Pour ce faire, il faut des électriciens et des gaziers, et une transformation complète de notre appareil de production. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Le problème, nous ne cessons de vous le dire, est que ces métiers ne sont plus assez attractifs parce que les services publics ont été cassés. Comment les rendre plus attractifs ? L’attractivité des métiers est quelque chose qui doit vous parler parce que vous aimez bien ce mot. En général, votre solution passe par les primes et le principe « travailler plus pour gagner plus ».
Or j’ai un deuxième scoop pour vous : cela ne correspond plus à l’esprit du pays ni à celui du monde actuel. Les gens veulent du temps pour se reposer,…
M. Jocelyn Dessigny
Le droit à la paresse !
M. Hendrik Davi
…s’occuper de leurs enfants, de leurs petits-enfants, de leurs parents, de leurs grands-parents. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Ils veulent du temps libre. Si vous voulez que ces métiers soient revalorisés, la solution passe par les régimes spéciaux et les conquêtes sociales.
Et au lieu de cela, vous divisez le pays. À un moment où nous devrions être unis pour engager la bifurcation écologique, vous choisissez la division. Quant à nous, nous choisissons l’unité et le combat avec les autres pour changer de société. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)
M. le président
La parole est à M. Sébastien Peytavie, pour soutenir l’amendement no 3799.
M. Sébastien Peytavie
Cet article illustre le sinistre plan du Gouvernement pour espérer faire passer sa réforme : diviser les Françaises et les Français en s’attaquant aux régimes spéciaux ou du moins à certains d’entre eux. En effet, qu’en est-il des régimes spéciaux créés sur mesure pour les patrons du CAC 40 ? Vous voulez fermer le régime de la RATP, mais comptez-vous fermer aussi le régime spécial du groupe Dassault qui verse 1 million d’euros par an à ses anciens dirigeants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Ce qui divise réellement les Français, ce sont les 160 milliards d’euros de cadeaux en aides publiques que vous faites chaque année aux entreprises sans aucune contrepartie, car les salaires n’augmentent pas et les conditions de travail s’aggravent. Ce qui divise les Français, c’est ce système de santé à deux vitesses et l’hôpital public que vous avez saigné à vif par des coupes budgétaires sur le dos du personnel soignant.
Vous voulez diviser les Français mais ceux-ci n’ont jamais été autant unis depuis 1995 pour dire non à cette réforme qui fait payer tout le monde sauf les plus riches. Les 2 millions de Françaises et Français dans la rue ne font que réclamer ce qui leur est dû : oui, la retraite est un droit, celui pour chacun et chacune d’avoir un revenu décent à tout âge de la vie. La retraite est, dans notre État social, la promesse du droit au repos pour toutes et tous après une vie passée à la gagner. C’est le droit de profiter de ses petits-enfants et c’est le droit à la paresse – oui, nous le revendiquons.
Le Gouvernement, dans son déshonneur, ose affirmer que cette réforme est une promesse de dignité. Quelle dignité comptez-vous rendre à Hervé, 61 ans, qui a envoyé plus de 500 candidatures depuis six ans sans recevoir aucune réponse ? (M. Antoine Léaument applaudit.) Par le présent amendement, nous disons au Gouvernement que la dignité pendant et après le travail ne se mérite pas. Bénéficier d’un repos digne après une vie de travail est un droit que nous défendrons sans relâche sur les bancs de cette assemblée et, comme aujourd’hui, dans la rue. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES et LFI-NUPES ainsi que sur quelques bancs des groupes SOC et GDR-NUPES.)
M. le président
La parole est à M. Jérôme Legavre, pour soutenir l’amendement no 3998.
M. Jérôme Legavre
Oui, nous demandons le maintien des régimes spéciaux car rien, absolument rien, ne justifie que l’on touche à quoi que ce soit de quelque régime de retraite que ce soit. Affirmant qu’il manquera 12 milliards d’euros dans les caisses de retraite à l’horizon 2027, vous collez deux ans ferme à tout le monde et vous prétendez liquider tous les acquis. Or, en un claquement de doigts, vous trouvez 413 milliards d’euros pour les dépenses militaires.
M. Damien Adam
Qui sont nécessaires !
M. Jérôme Legavre
À coups d’exonérations de cotisations sociales, vous avez volé plus de 60 milliards d’euros à la sécurité sociale au cours de la seule année 2022.
S’attaquer aux régimes spéciaux, c’est la vieille ficelle réactionnaire consistant à chercher à opposer les salariés entre eux. Mais l’attaque est la même contre tous les salariés : il s’agit de raccourcir les retraites pour tous, point barre.
Que sont les régimes spéciaux ? Ce sont des régimes pionniers, comme on vous l’a dit. Avant 1945, il y avait les régimes de mineurs, de cheminots, de fonctionnaires et de salariés de la RATP. En 1946, le régime d’EDF a été créé. Ces régimes réservés aux métiers pénibles ont défini les prestations, le salaire de remplacement, les catégories actives. Ce sont toutes ces personnes que, par votre réforme, vous voulez faire travailler deux ans de plus.
Tous les droits en matière de retraite sont nés des régimes spéciaux. Il a été décidé, en 1946, de les conserver tant que le régime général n’assurait pas les mêmes droits. La situation n’ayant pas évolué, il faut les maintenir.
Vous cherchez à opposer les travailleurs entre eux, mais cela ne fonctionne pas : votre réforme suscite un rejet immense, comme le montrent les manifestations massives organisées par l’ensemble des syndicats unis pour en obtenir le retrait. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES. – Exclamations sur les bancs du groupe RE.) Nul doute que les salariés concernés par les régimes spéciaux sauront, avec leurs syndicats et aux côtés des autres travailleurs, utiliser les moyens à leur disposition pour vous imposer le retrait de cette réforme. Pour notre part, nous les soutenons totalement et nous continuerons de le faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Mmes Elsa Faucillon et Lisa Belluco applaudissent également.)
M. le président
La parole est à Mme Charlotte Leduc, pour soutenir l’amendement no 5953.
Mme Charlotte Leduc
Quel est le véritable objet de l’article 1er, par lequel vous prétendez supprimer certains régimes spéciaux ? Il s’agit d’une manœuvre de diversion, visant à faire oublier le cœur de votre réforme, c’est-à-dire la volonté de faire travailler les gens – notamment les plus précaires, les plus fragiles et les femmes – deux ans de plus et de leur voler leurs deux plus belles années de vie à la retraite. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)
Cette manœuvre de diversion ne fonctionne pas. Les Français rejettent massivement votre projet : 93 % des actifs et 80 % des Français y sont opposés. Les jeunes, eux aussi, sont dans la rue partout en France. Chez moi, à Metz, on comptait encore aujourd’hui 10 000 manifestants. (Mêmes mouvements.) Le rejet est massif. Les Français usent de pédagogie – l’art de la répétition – avec vous, en faisant trois démonstrations de force historiques dans la rue. Et vous refusez toujours d’entendre !
Votre manœuvre consiste à laisser croire que les régimes spéciaux constitueraient des privilèges, alors qu’ils sont le résultat de conquêtes sociales obtenues par la lutte des travailleuses et des travailleurs. Ces régimes sont des régimes pionniers, qui ont servi d’exemple à la création du régime général et qui doivent continuer de montrer la voie à suivre. Vous voulez niveler les droits par le bas pour mieux diviser les Français, mais ces derniers ne sont pas dupes. Si vous voulez aligner les régimes, harmonisez-les par le haut, en accordant à toutes et tous une retraite à 60 ans après quarante annuités de travail. Nous savons comment financer cette réforme, à laquelle nos compatriotes sont favorables à 68 %.
Certains régimes spéciaux, excédentaires, contribuent à l’équilibre d’autres, notamment du régime général, en vertu du principe de solidarité. Leur suppression serait donc un non-sens économique, en plus d’être un recul des droits pour de nombreux travailleurs. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)
Vous choisissez de supprimer certains régimes, mais pas d’autres : celui de la RATP, mais pas celui des avocats ; celui des industries électriques et gazières, mais pas celui des médecins. Pourquoi ? N’est-ce pas là une politique de classe ? (Mêmes mouvements.)
Ces suppressions visent à faire diversion pour faire oublier le principal : le vol de deux ans de retraite à tous les Français à travers le report de l’âge légal de départ à 64 ans. C’est non, massivement non ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Mme Sandrine Rousseau applaudit également. – Exclamations sur les bancs des groupes RE, LR et Dem.)
Mme Danielle Simonnet
Bravo !
M. Maxime Minot
Il faut arrêter le génépi !
M. Erwan Balanant
Je crois que nous sommes suffisamment éclairés, maintenant !
M. le président
La parole est à Mme Marie-Charlotte Garin, pour soutenir l’amendement no 8692.
Mme Marie-Charlotte Garin
Finalement, en voulant supprimer les régimes spéciaux, vous donnez le sentiment d’être quelque peu passés à côté de l’histoire et de l’origine de ces régimes. En proposant d’appliquer la clause dite du grand-père, vous donnez l’impression de louvoyer, comme si vous espériez ainsi modérer la mobilisation contre la réforme des retraites. J’ai une bonne nouvelle à vous annoncer ce soir : la solidarité est toujours vivante en France, puisque la mobilisation contre la réforme était bien visible aujourd’hui dans la rue.
J’ai aussi le sentiment que vous oubliez de prendre en considération les difficultés de recrutement auxquelles font face certains métiers. Je pense par exemple aux transports. Dans ma circonscription, à Lyon, il est difficile de recruter des chauffeurs de bus, alors même que nous sommes confrontés à l’enjeu crucial du développement des mobilités à l’heure de l’urgence climatique.
Et puisque nous parlons de régimes spéciaux, pourquoi ne pas créer un régime spécial pour les métiers du soin ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES et LFI-NUPES. – Mme Karine Lebon applaudit également.) Ces professions sont féminisées à 80 % et font l’objet d’importantes difficultés de recrutement. Nous pourrions nous engager dans ce sens pour mieux protéger les soignants et pour recruter plus efficacement.
Si alignement des prestations il doit y avoir, ce doit être par le haut et sous le contrôle des salariés. C’est pourquoi nous proposons de supprimer l’article 1er. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES et LFI-NUPES. – Mme Karine Lebon applaudit également.)
M. le président
Chers collègues, si nous avons augmenté le volume des micros, vous avez en retour augmenté celui de vos conversations. (Sourires.) Je vous invite donc à observer le silence. À défaut, nous baisserons de nouveau le son des micros, en espérant que cela nous permette de retrouver une atmosphère plus calme.
La parole est à Mme Sandrine Rousseau, pour soutenir l’amendement no 11118.
Mme Sandrine Rousseau
On n’est pas bien, là, dans l’idéologie pure, absolue, totale ? (Applaudissements et sourires sur les bancs des groupes Écolo-NUPES et LFI-NUPES. – Vives exclamations sur les bancs des groupes RE et Dem.) Paisibles, à la fraîche, décontractés du service public ?
Mme Prisca Thevenot
Arrêtez la paresse, travaillez un peu !
Mme Sandrine Rousseau
Allez, supprimons les régimes spéciaux, mais uniquement pour les nouveaux entrants, ce qui n’aura aucun effet sur l’équilibre du système ! Je rappelle d’ailleurs que les bénéficiaires des régimes spéciaux surcotisent. L’effet sera donc parfaitement nul. Mais vous faites de l’idéologie pure et absolue ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Les exclamations sur les bancs des groupes RE et Dem se poursuivent.) La RATP manque de conducteurs, à tel point que personne ne peut plus prendre de métro et que la régie est au bord de la rupture, mais allons-y, cassons des droits sociaux !
M. Éric Poulliat
Arrêtez de crier, on n’est pas sourds !
M. le président
S’il vous plaît, chers collègues, laissez Mme Rousseau terminer son intervention et défendre son amendement. (Brouhaha.) Mme Rousseau a seule la parole.
Mme Sandrine Rousseau
Les services publics ont été créés pour une raison : partager le progrès entre tous, partout sur le territoire.
M. Pierre Cordier
Monsieur Bayou, réagissez !
M. le président
Monsieur Cordier, s’il vous plaît !
Mme Sandrine Rousseau
Leurs agents avaient une mission spécifique : être disponibles, quoi qu’il arrive, partout en France. Nous en avons besoin, plus encore qu’hier, et c’est aujourd’hui que vous décidez de casser les droits sociaux pour nuire à l’attractivité de ces métiers. Honte à vous, encore une fois ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES et sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES.)
Mme Émilie Bonnivard
Vous devriez la faire sortir : davantage de gens seront pour la réforme après l’avoir écoutée !
M. le président
La parole est à Mme Martine Etienne, pour soutenir l’amendement no 13002.
Mme Martine Etienne
Depuis quelques semaines, on entend partout la minorité présidentielle défendre une réforme qui serait juste et équitable, qui tiendrait compte des situations particulières et protégerait les travailleurs. C’est faux. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Nul besoin de chercher bien loin pour le voir : dès l’article 1er, vous proposez la suppression des principaux régimes spéciaux de retraites – ces mêmes régimes qui sont le fruit de longues années de négociations collectives menées par les travailleurs, et qui reflètent la pénibilité et la particularité de certains emplois.
M. Ugo Bernalicis
Elle a raison !
Mme Martine Etienne
Vous voulez ainsi monter les travailleurs les uns contre les autres en les logeant tous à la même enseigne. Mais les Français ne sont pas dupes : ils ont compris votre réelle intention. Ils savent que si vous voulez supprimer les régimes spéciaux, si vous les avez tant en horreur et qu’ils vous font si peur, c’est que vous ne supportez pas les luttes collectives, le dialogue, les accords de branche ni les débats. Vous ne supportez pas les services publics, que vous souhaitez ardemment ouvrir à la concurrence.
Ce n’est pas nous qui le disons, mais le Gouvernement lui-même. Dans le rapport sur les objectifs et les effets du projet de réforme des retraites, qui fait office d’étude d’impact, il explique que « le financement de régimes spéciaux, essentiellement publics, implique un effort de solidarité nationale […], qui doit être interrogé dans un contexte de rationalisation de la dépense publique et d’ouverture à la concurrence ». Vous l’avouez vous-mêmes : avec votre réforme, vous ne cherchez pas à être justes ni à stabiliser un soi-disant déficit, mais à nourrir votre idéologie libérale et concurrentielle, qui commande de démanteler les services publics en les ouvrant à la concurrence et en faisant des économies sur le dos des plus précaires et sur ceux dont les emplois sont les plus pénibles.
M. Jocelyn Dessigny
C’est la même fiche que les autres, vous auriez pu nous en dispenser !
Mme Martine Etienne
Vous êtes les dogmatiques, les idéologues (Exclamations et sourires sur les bancs des groupes RE et Dem), ceux qui cassent les services publics et les travailleurs. Voilà le sens de votre réforme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur plusieurs bancs du groupe Écolo-NUPES.)
M. le président
La parole est à M. Léo Walter, pour soutenir l’amendement no 14569.
M. Léo Walter
Il a bien entendu pour objet la suppression de l’article 1er, qui ne vise qu’à opposer les Français entre eux – sans succès, cela a déjà été dit, puisque, aujourd’hui encore, ils sont tous unis dans la rue contre votre réforme des retraites. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)
Comment comptez-vous opposer les Français entre eux ? En faisant passer les régimes spéciaux pour ce qu’ils ne sont pas, à savoir des privilèges. Ces régimes sont simplement le résultat de conventions collectives, qui ont été négociées et, bien souvent, arrachées par les syndicats et les travailleurs en lutte. (Mêmes mouvements.) Pourquoi l’ont-ils été ? Tout simplement parce qu’ils sont la reconnaissance d’une pénibilité.
Ce projet de réforme comporte d’ailleurs une invention fabuleuse : pour prouver la pénibilité de son métier, il faudra désormais être déjà cassé par le travail, c’est-à-dire ne plus pouvoir continuer à l’exercer et être devenu invalide ! Vous transformez ainsi la retraite en une période d’invalidité,…
M. Antoine Léaument
Voilà !
M. Léo Walter
…à laquelle on a droit à partir du moment où l’on n’est plus capable de travailler ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
M. Antoine Léaument
C’est limpide !
M. Léo Walter
Pour conclure, cela a déjà été dit à plusieurs reprises, mais si vous voulez absolument supprimer un régime spécial, nous vous en proposons un : celui des retraites chapeaux, qui persistent malgré l’ordonnance du 3 juillet 2019. Je rappelle, accessoirement, que les personnes concernées ne cotisent pas, ne participent pas à la solidarité sociale, et ne devraient donc pas percevoir de retraite. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Mme Clémence Guetté
Bravo !
M. le président
La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan, pour soutenir l’amendement no 15954.
Un député du groupe RE
Ah ! Un nouvel insoumis !
M. Nicolas Dupont-Aignan
Il vise à supprimer l’article 1er, pour une raison très simple : si vous voulez mettre fin aux régimes spéciaux, pourquoi ne pas tous les supprimer ? Pourquoi ce choix incohérent ? Et pourquoi ne pas commencer par vous-mêmes ? Je me réjouis que les députés aient aligné leur régime sur celui de la fonction publique, mais qu’en est-il du Président de la République,…
Mme Aurore Bergé
Il l’a fait !
M. Nicolas Dupont-Aignan
…du Sénat ou des retraites chapeaux dans les grandes entreprises ? Comment justifiez-vous ce deux poids, deux mesures ? Pourquoi cette stratégie du bouc émissaire ?
Si vous voulez vraiment supprimer les régimes spéciaux, alors créez un système permettant de réellement prendre en compte la pénibilité ! J’ai entendu M. Dussopt demander pourquoi les chauffeurs de bus parisiens devraient bénéficier d’un privilège dont les conducteurs marseillais sont exclus. Mais plutôt que de priver les chauffeurs de bus de Paris de leurs avantages, au point qu’il devient impossible d’en recruter, pourquoi ne pas créer un vrai système de prise en compte de la pénibilité, correct et dûment organisé ? (M. François Ruffin applaudit.) En réalité, vous proposez un nivellement des droits par le bas et vous désignez des boucs émissaires pour défendre vos privilèges.
Je remarque enfin que M. le ministre n’a toujours pas répondu à ma question : pourquoi M. Le Maire a-t-il réalisé des emprunts à taux variable, dont les intérêts atteignent 9 %, ce qui a coûté 15 milliards d’euros en 2022 et coûtera la même somme en 2023 ?
M. Jean-François Coulomme
Pour rendre service à ses amis !
M. Sylvain Maillard
N’importe quoi !
M. Nicolas Dupont-Aignan
Voilà un sacré régime spécial pour les banquiers et les marchés financiers ! C’est injustifiable. En empruntant à taux fixe, vous auriez évité 15 milliards d’euros de dette supplémentaire – une paille, puisque c’est le montant que vous prétendez économiser sur le dos des pauvres retraités qui souffrent et ont des difficultés !
M. Sylvain Maillard
Ce sont vos copains russes qui empruntent à 9 % !
M. Nicolas Dupont-Aignan
Cessez cette stratégie consistant à faire des plus pauvres vos boucs émissaires. Vous ne voulez pas traiter les problèmes du pays. Économisez d’abord les milliards gaspillés et nous verrons ensuite ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l’amendement no 18048.
Mme Elsa Faucillon
Puisque nous sommes invités à traiter des régimes spéciaux, parlons de retraités très spéciaux, qui décident de leur propre régime, à quelques-uns et à leur seul profit, dans une folle captation des richesses. Je fais référence, par exemple, à celui qui vient de quitter la présidence du conseil d’administration de Dassault Systèmes en touchant 1 million d’euros par an, ou encore au directeur général de Publicis, qui bénéficie d’un régime de retraite supplémentaire conçu spécialement pour lui, et qui lui permettra de cumuler 75 000 euros de rentes chaque année jusqu’à sa retraite.
Qui sont les profiteurs ? Qui sont les privilégiés ? Qui organise le déficit dans le pays ? Ce sont eux ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES et LFI-NUPES. – Mme Sandra Regol applaudit également.) Ce ne sont pas les agents de la RATP, qui travaillent en horaires décalés ou mixtes pour transporter chaque jour des centaines de milliers de travailleurs et à qui Valérie Pécresse a promis l’ouverture à la concurrence, aggravant ainsi les difficultés de recrutement de conducteurs et mettant en danger la réponse au défi climatique.
Ce ne sont pas non plus les électriciens et les gaziers qui, lorsqu’une tempête s’abat sur le pays, sont d’astreinte et viennent partout rétablir l’électricité à nos concitoyens ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES et LFI-NUPES.) Ce ne sont pas non plus ceux d’entre eux qui, au sein de l’association Robins des bois, viennent rétablir le courant à ceux à qui on l’a coupé pour cause d’impayés – car des enfants, en France, doivent dormir en doudoune chez eux parce que leurs parents n’ont pas les moyens de payer l’électricité ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)
Nous serons toujours à leurs côtés, car, contrairement à vous, nous sommes épris d’égalité autant que de liberté, et pas seulement pour ceux qui sont bien nés. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)
M. le président
Nous en venons au dernier amendement de cette série, no 19108, qui est présenté par M. Adrien Quatennens. (Huées prolongées sur les bancs des groupes RE et Dem. – Quelques députés du groupe LFI-NUPES se lèvent et applaudissent l’orateur.)
Mme Prisca Thevenot
Vous n’avez pas honte ?
Mme Aurore Bergé
Honte à vous ! Vous êtes en train de l’applaudir !
M. Adrien Quatennens
Merci, monsieur le président…
Un député du groupe RE
Démission !
M. le président
Je vous en prie, chers collègues !
Mme Perrine Goulet
C’est honteux de l’applaudir !
M. Pierre Cazeneuve
Je demande un rappel au règlement !
Rappels au règlement
M. le président
La parole est à M. Pierre Cazeneuve, pour un rappel au règlement.
M. Pierre Cazeneuve
Il se fonde sur l’article 70, alinéa 1. Ce qui se passe ce soir ne peut être passé sous silence. (Exclamations.)
M. Nicolas Sansu
Et Abad ?
M. Pierre Cazeneuve
Pendant deux jours, nous avons eu droit à des rappels au règlement. Des députés sont sortis de l’hémicycle parce qu’ils n’avaient pas gagné au tirage au sort. Or, quand un de leurs collègues, condamné pour avoir frappé son épouse, prend la parole sur un amendement, vous restez stoïques. Pire : vous l’applaudissez.
Plusieurs députés des groupes Écolo-NUPES et GDR-NUPES
Et Abad ?
M. Pierre Cazeneuve
Où est-on ? C’est scandaleux ! C’est une honte ! (Plusieurs députés des groupes RE et Dem se lèvent et applaudissent. – Plusieurs députés du groupe Dem applaudissent également. – Plusieurs députés du groupe RE et du groupe LFI-NUPES s’invectivent mutuellement.)
M. Sylvain Maillard
Je demande la parole pour un rappel au règlement !
M. le président
J’ai une deuxième demande de rappel au règlement. (Brouhaha.)
M. Sébastien Delogu
Vous allez tous y passer ?
M. le président
Monsieur Delogu, je vous demande de vous asseoir. J’aimerais que chacun retrouve son calme. Nous allons entendre les rappels au règlement de M. Maillard puis de Mme Amiot. Monsieur Maillard, sur quel article se fonde votre rappel au règlement ?
M. Sylvain Maillard
Il se fonde sur l’article 100. (Tumulte.)
Plusieurs députés du groupe RE
Il nous a menacés !
M. Sylvain Maillard
Je demande une suspension de séance.
M. le président
Ce n’est pas la peine de crier. Nous allons procéder dans l’ordre. J’attends le silence !
M. Laurent Marcangeli
Je demande une suspension de séance.
M. le président
Elle est de droit, monsieur le président Marcangeli.
Suspension et reprise de la séance
M. le président
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-deux heures trente, est reprise à vingt-deux heures quarante.)
M. le président
La séance est reprise.
Rappels au règlement (suite)
M. le président
J’ai noté que des propos d’un de nos collègues avaient suscité une scène tumultueuse. Par conséquent, je prononce, à l’encontre de notre collègue M. Delogu, en application de l’article 71, alinéa 2, du règlement, un rappel à l’ordre sans inscription au procès-verbal, de façon à obtenir un retour au calme.
M. Sébastien Delogu
Moi ? Mais pourquoi ?
M. le président
Nous reconnaissons ainsi que ces propos ont bien été tenus et qu’ils seront inscrits au compte rendu. J’espère que cela vient clore cette série de rappels au règlement et que nous pouvons reprendre nos débats.
M. Benjamin Saint-Huile
Je demande la parole pour un rappel au règlement !
M. le président
La parole est à M. Benjamin Saint-Huile pour un rappel au règlement. Sur la base de quel article ?
M. Benjamin Saint-Huile
L’article 70, alinéa 1.
Je m’exprimerai avec une certaine gravité. Aucune explication ne pourra justifier les violences faites aux femmes, nous ne les accepterons jamais et mon propos n’est aucunement en solidarité avec les actes commis. Cependant, dans cet hémicycle, aucun député – et aucune députée – ne peut se considérer légitime pour entraver la démocratie.
Cet après-midi, vous avez applaudi votre Première ministre qui a expliqué que nous n’étions pas des procureurs dans un tribunal. Respectez la règle ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT, RN et LR ainsi que sur de nombreux bancs des groupes LFI-NUPES et SOC.) Si vous considérez que c’est inacceptable au nom de vos valeurs et de vos principes… (M. le président coupe le micro de l’orateur.)
M. le président
Vous vous éloignez du cadre du rappel au règlement, monsieur le député. Vous n’avez plus la parole.
Dans un souci de calme, je donne la parole à Mme Ménard pour un autre rappel au règlement avant que nous reprenions nos débats – ou du moins que nous essayions de le faire.
Mme Emmanuelle Ménard
Il se fonde également sur l’article 70, alinéa 1.
Nul, au sein de cette assemblée, ne pourra me suspecter de sympathie particulière à l’égard de M. Quatennens. Néanmoins, il me semble important de rappeler qu’on ne peut, d’un côté, à longueur de journée, se gargariser, donner des leçons en matière de démocratie, de séparation des pouvoirs et de respect des règles relatives à la justice et à la liberté d’expression – ces règles sont importantes dans l’hémicycle et nous devons tous les respecter – et, d’un autre côté, ne pas respecter les principes de base de notre justice.
Mme Émilie Bonnivard
Eh oui, c’est la loi !
Mme Emmanuelle Ménard
M. Quatennens a été condamné, je n’y reviendrai pas.
M. le président
Madame Ménard, vous vous éloignez du cadre du rappel au règlement.
Mme Emmanuelle Ménard
Je tiens simplement à rappeler qu’aucune peine d’inéligibilité n’a été prononcée à l’encontre de M. Quatennens. Une décision de justice s’applique ; nous devons tous, ici, la respecter. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs du groupe RN. – Mme Claudia Rouaux applaudit également.)
Article 1er (suite)
M. le président
Je redonne à présent la parole à M. Adrien Quatennens pour soutenir son amendement no 19108.
M. Adrien Quatennens
Qui a dit : « Faut-il reculer l’âge légal qui est aujourd’hui à 62 ans ? Je ne crois pas […]. […] Tant qu’on n’a pas réglé le problème du chômage de masse dans notre pays, franchement, ça serait assez hypocrite de décaler l’âge légal. Quand aujourd’hui on est peu qualifié, quand on vit dans une région en difficulté industrielle, quand on est soi-même en difficulté, qu’on a une carrière fracturée, bon courage déjà pour arriver à 62 ans. C’est ça la réalité de notre pays. On va vous dire : Il faut maintenant aller à 64 ans. Vous ne savez déjà plus comment faire après 55 ans, les gens vous disent : Les emplois, c’est plus bon pour vous. C’est ça la réalité […]. »
Ces mots sont ceux d’Emmanuel Macron en 2019. Il a changé d’avis depuis, mais c’est toujours celui de 93 % des actifs du pays. Déjà, en 2019, les régimes spéciaux étaient érigés en boucs émissaires. Emmanuel Macron n’aime pas, bien sûr, le mot « pénibilité » – il en a d’ailleurs supprimé quatre des critères dès 2017. Or les régimes spéciaux répondent directement à la question de la pénibilité dans les métiers concernés.
Un député du groupe RE
Ben voyons !
M. Adrien Quatennens
La philosophie de la sécurité sociale, c’était même d’étendre à tous les travailleurs les dispositifs dont bénéficient les personnes sous régime spécial. Dès lors, mettre fin aux régimes spéciaux sous prétexte d’équité et de justice n’est qu’une diversion pour faire oublier l’essentiel, à savoir que cette réforme des retraites va faire 100 % de perdants. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
M. le président
La parole est à Mme Stéphanie Rist, rapporteure générale de la commission des affaires sociales, pour donner l’avis de la commission sur cette série d’amendements identiques.
Mme Stéphanie Rist, rapporteure générale de la commission des affaires sociales
Certains des collègues qui ont soutenu ces trente-deux amendements de suppression de l’article 1er ont dit qu’il était injuste. Mais c’est pourtant bien une question de justice et d’équité que de le proposer. Sinon, dites-moi pourquoi deux métiers identiques ne devraient pas être soumis même régime ? On cite régulièrement l’exemple du chauffeur de bus qui est traité différemment selon qu’il exerce à Paris ou à Orléans.
Vous arguez aussi que nous voulons diviser les Français. Mais cet article est au contraire le moyen de les rassembler au sein du régime général (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe LFI-NUPES), sachant que beaucoup de nos concitoyens sont polypensionnés. Eh oui, c’est actuellement le cas de 58 % des gens relevant d’un régime spécial. Ce sera donc un moyen de simplifier les retraites à venir que de fermer les régimes spéciaux aux nouveaux entrants. Vous considérez aussi que cette dernière mesure ne prend pas en compte la pénibilité, mais c’est faux et j’espère que nous pourrons aller jusqu’à l’article 9, ce qui nous permettra de débattre sur les améliorations proposées en la matière car elles représentent un véritable choc de prévention : renforcement du compte professionnel de prévention, création d’un fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle, développement des congés de reconversion et les consultations médicales de suivi qui permettront, par exemple, à nos concitoyens dont le dos est brisé, de pouvoir partir avant l’âge légal.
La fin à terme des régimes spéciaux est donc bien une mesure de justice, d’équité et de simplicité. L’avis est donc défavorable.
M. le président
La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion, pour donner l’avis du Gouvernement.
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion
L’avis du Gouvernement est le même que celui de Mme la rapporteure générale. On a beaucoup entendu, de la part des différents défenseurs de ces amendements, des déclarations générales à propos du passage de 62 à 64 ans, mais nous parlons ici de régimes spéciaux pour lesquels l’âge de départ légal demeurera inférieur. On a aussi beaucoup entendu de déclarations sur la pénibilité ou encore sur la manière dont sont appréhendées les catégories actives dans la fonction publique, deux sujets là aussi éloignés de celui des régimes spéciaux et donc de cet article.
Je rappelle ce que nous voulons faire : à partir du 1er septembre 2023, tous les nouveaux embauchés seraient affiliés au régime général de l’assurance vieillesse, les entreprises négociant entre-temps des grilles de rémunération et des conditions de protection sociale permettant à chacun de rejoindre ce régime dans les meilleures conditions. Nous voulons aussi instituer des périodes de convergence pour que l’âge de départ des titulaires d’un régime spécial augmente progressivement de deux ans, et nous faisons à cet égard confiance au dialogue social. Mais il y a des régimes auxquels nous ne voulons pas toucher, comme celui des marins. Ce métier se caractérise par un taux d’accident du travail de 60 pour 1 000, et ce seul chiffre, assez dramatique, démontre la difficulté particulière de son exercice. La professsion mérite donc une protection particulière dans le cadre de l’Enim – l’Établissement national des invalides de la marine.
En outre, j’ai entendu comparer l’Opéra de Paris, la Comédie française et les régimes des IEG – industries électriques et gazières –, de la RATP ou des clercs de notaire. Mais il faut comparer ce qui est comparable : l’Opéra de Paris comporte 1 800 salariés et la Comédie française en compte 340, alors qu’ils sont 43 000 à la RATP.
Enfin, s’agissant de l’équilibre financier, je confirme que le compte n’y est pas : le régime de la RATP nécessite 700 millions de subventions…
M. Gabriel Attal, ministre délégué
Eh oui !
M. Olivier Dussopt, ministre
…et celui des IEG nécessite une taxe affectée à hauteur d’1,7 milliard d’euros par an, payés par les consommateurs. Tout cela nécessite un retour à l’équité et une mise à égalité. Nous allons le faire en respectant le contrat social, c’est-à-dire en veillant à ce que tous ceux qui ont été recrutés dans le cadre d’un régime spécial puissent continuer à en bénéficier, comme nous l’avons fait pour la SNCF. C’est ainsi que nous proposons d’aller vers l’équité et vers la fin de différences qui apparaissent aujourd’hui comme des injustices. Le Gouvernement est évidemment défavorable à ces amendements. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)
M. le président
Je vais donner la parole à un orateur par groupe.
M. Erwan Balanant
Ils ont été cinquante à parler !
M. le président
La parole est à M. Didier Martin.
M. Didier Martin
La totalité de l’enveloppe des subventions de l’État aux régimes spéciaux s’élève à 8,5 milliards d’euros environ. Il faut, certes, penser à ces femmes et à ces hommes qui ont travaillé ou qui travaillent aujourd’hui ou bien le feront demain au service de l’intérêt général par le biais d’entreprises particulières. Néanmoins, qui dit « régime spécial » dit « départ anticipé ». À cet égard, le ministre vient de le rappeler, il y aura des négociations de convergence pour progressivement décaler l’âge de départ. Il ne s’agit pas d’aligner tout le monde à 64 ans, les Français qui nous écoutent doivent le savoir. Il faut bien constater aussi que régime spécial signifie le versement de pensions plus élevées, soit en moyenne – je reconnais que ce mode de calcul écrase les disparités – 2 500 euros brut par mois quand la moyenne pour l’ensemble des salariés est de 1 510 euros par mois. Quant à la durée de versement des pensions, il convient de rappeler que, pour les hommes, c’est environ vingt-sept années de versements à la RATP comme à la SNCF, et près de trente-deux années pour les femmes. Et puis il y a la question de la pénibilité que nous devons reconnaître davantage – notre groupe, Renaissance, y travaille. Mais il faut rappeler qu’il n’y a pas de surmortalité chez les retraités des régimes spéciaux.
Par conséquent, mettre fin à terme aux régimes spéciaux, c’est non pas, comme on l’a entendu, mettre fin à des privilèges, abroger une anomalie, mais seulement établir l’égalité des Français devant la retraite. Je note d’ailleurs que la majorité de nos compatriotes est favorable à la suppression des régimes spéciaux. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)
M. le président
La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre Dharréville
Tout d’abord, je voudrais rappeler que le groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES continue de demander le retrait de ce projet de loi et que la demande de suppression de l’article 1er (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes GDR-NUPES et LFI-NUPES) s’inscrit bien évidemment dans la logique qui est la nôtre. Et je crois que vous devriez entendre raison parce que c’est la seule issue raisonnable.
Il y a beaucoup de phantasmes et de démagogie autour de ces régimes dits spéciaux. Et ce n’est pas nouveau. Raison de plus pour rappeler quelques faits : ils représentent 1,4 % de la population active et 4 % des retraités, et prévoient des surcotisations payées par ceux qui en sont les assurés pour contribuer évidemment à leur financement.
M. Erwan Balanant
Le compte n’y est pas tout à fait !
M. Pierre Dharréville
J’ajoute que ces régimes ne sont absolument pas responsables des difficultés du régime général. Parmi ceux que vous supprimez, il y en a même deux qui contribuent au financement du régime général et donc à la solidarité. Tout cela mérite d’être rappelé et d’être mis sur la table pour avoir une vision objective des choses. Nous considérons que les régimes spéciaux sont des régimes pionniers parce qu’ils ont permis la prise en compte ajustée des métiers et de leur pénibilité par la diversité de chacun des régimes concernés.
Vous, vous proposez seulement une dégradation brutale des droits des nouveaux entrants. Nous nous opposons évidemment à une telle disposition. Je note au passage, monsieur le ministre, que vous vous asseyez sur les propos que vous avez tenus sur le caractère fondamental des négociations de branche et du dialogue social dans son ensemble, puisque les régimes spéciaux sont le résultat de ce type de démarche, et que vous voulez faire entrer les Français dans une spirale de régression sociale en tirant toujours davantage les droits vers le bas. C’est bien pourquoi ces régimes vous posent un problème : ils maintiennent, eux, la perspective d’un haut niveau de droits quand, pour vous, il faut aller toujours plus bas. Vous devriez au contraire vous en inspirer pour tirer les droits vers le haut. Vous avez évoqué le chauffeur de bus d’Orléans, mais votre réforme n’arrangera en rien sa situation. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES.)
M. le président
La parole est à M. Marc Le Fur.
M. Marc Le Fur
Chers collègues de gauche, je vois ai écoutés avec la plus grande attention pendant une heure et demie…
M. Olivier Faure
Très bien ! Il faut continuer !
M. Marc Le Fur