Deuxième séance du jeudi 23 mai 2024
- Présidence de Mme Élodie Jacquier-Laforge
- 1. Souveraineté alimentaire et renouvellement des générations en agriculture
- Rappel au règlement
- Discussion des articles
- Article 8 (suite)
- Amendement no 155
- M. Pascal Lecamp, rapporteur de la commission des affaires économiques
- M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire
- Amendements nos 2522, 4208, 2427, 4125, 4168, 1952, 1577 rectifié, 1951, 3120, 3125 et 39
- M. Éric Girardin, rapporteur général de la commission des affaires économiques
- Amendement no 2542
- Sous-amendement no 5454
- Amendements nos 3985, 2800, 2525, 4209, 3236, 2239, 3717, 4210, 4091 et 3139
- Rappels au règlement
- Article 8 (suite)
- Suspension et reprise de la séance
- Après l’article 8
- Rappel au règlement
- Après l’article 8 (suite)
- Rappels au règlement
- Suspension et reprise de la séance
- Après l’article 8 (suite)
- Article 9
- M. David Taupiac
- Mme Lisa Belluco
- M. Emmanuel Blairy
- M. Francis Dubois
- M. Dominique Potier
- M. Éric Girardin, rapporteur général de la commission des affaires économiques
- M. Marc Fesneau, ministre
- Amendements nos 119, 2251, 3736, 4492, 141, 131, 701, 1874 et 2260
- Mme la présidente
- Sous-amendements nos 5478, 5511, 5541, 5577, 5450, 5476, 5498, 5466, 5531, 5495, 5578, 5544, 5545, 5524, 5515, 5585, 5487, 5477, 5488, 5514, 5530, 5512, 5586, 5490, 5491, 5493, 5510, 5546, 5540, 5486, 5516, 5485, 5517, 5561, 5589, 5588, 5521, 5442, 5468, 5465, 5484, 5518, 5475, 5489, 5563, 5542, 5504, 5463, 5508, 5558, 5496, 5497, 5499 et 5520
- Rappel au règlement
- Article 9 (suite)
- Rappel au règlement
- Article 9 (suite)
- Article 8 (suite)
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Élodie Jacquier-Laforge
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1. Souveraineté alimentaire et renouvellement des générations en agriculture
Suite de la discussion d’un projet de loi
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture (nos 2436, 2600).
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Philippe Tanguy
Il se fonde sur l’article 53, relatif aux communications qui peuvent intéresser l’Assemblée nationale.
Permettez-moi de prononcer quelques mots en hommage à Marie-France Garaud, dont nous venons d’apprendre la disparition. Figure éminente de la Ve République, bien connue des Français, elle a participé activement au débat politique de notre pays et, bien que les urnes ne lui aient jamais permis de siéger au sein de notre assemblée, beaucoup fait pour la reconnaissance du rôle des femmes dans la nation et la défense de la souveraineté française. Que l’on ait partagé ou non ses convictions et ses analyses, on ne peut que saluer en elle une femme puissante, dont la force d’âme suscitait l’admiration et la profondeur des convictions rappelait la noblesse de la politique.
Mme la présidente
Nous nous associons bien évidemment à cet hommage et nous présentons nos condoléances à sa famille et à ses proches.
Discussion des articles
Mme la présidente
Ce matin, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 155 à l’article 8.
Article 8 (suite)
Mme la présidente
La parole est à M. Inaki Echaniz, pour soutenir l’amendement no 155.
M. Inaki Echaniz
Cet amendement de précision est cohérent avec l’engagement du Président de la République, en septembre 2022, de mobiliser des fonds publics pour soutenir le portage du foncier agricole. L’article 8 indique que l’État se donne comme objectif « d’accroître progressivement » cette mobilisation. Nous proposons de supprimer le mot « progressivement » pour que les fonds publics soient immédiatement réunis au profit du foncier agricole. Ce sujet fait écho au débat que nous avons eu ce matin avant la levée de séance.
Mme la présidente
La parole est à M. Pascal Lecamp, rapporteur de la commission des affaires économiques pour le titre III, afin de donner l’avis de la commission.
M. Pascal Lecamp, rapporteur de la commission des affaires économiques
Il est amusant de vous entendre parler de cohérence quand votre amendement conduirait à en priver totalement le texte ! Vous nous renvoyez au débat de ce matin, mais ce que vous proposez n’est pas tenable. Pour favoriser l’installation de nouveaux exploitants agricoles, le portage du foncier agricole doit certes s’appuyer sur des fonds publics, mais surtout sur des fonds privés. Les premiers interviennent essentiellement comme effet de levier. Il faudra que vous m’expliquiez comment vous faites fonctionner le système, monsieur Echaniz !
Ce qui a du sens, en revanche, c’est la création du fonds Entrepreneurs du vivant, doté de 400 millions d’euros, dont 100 millions pour les reprises foncières, et abondé selon le principe du 1 euro pour 1 euro par la Caisse des dépôts. Ce fonds favorise le financement des banques – le Crédit agricole ou le Crédit mutuel, par exemple – et celui des investisseurs privés.
En réalité, vous proposez une nationalisation de notre agriculture, ce à quoi je me refuse absolument. Avis défavorable.
M. Inaki Echaniz
Ce n’est pas du tout ce que dit l’amendement !
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, pour donner l’avis du Gouvernement.
M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire
Pour commencer, je voudrais revenir sur les amendements no 1621 et identiques adoptés avant la levée de séance, que vous avez soutenus. L’alinéa 5, ajouté par la commission, est ainsi rédigé : « Afin de favoriser l’installation de nouveaux exploitants agricoles et l’adaptation des exploitations agricoles au changement climatique, l’État se donne comme objectif, aux côtés des collectivités territoriales volontaires ainsi que d’investisseurs privés, d’accroître progressivement la mobilisation de fonds publics au soutien du portage du foncier agricole […] » – il s’agit du fonds Entrepreneurs du vivant.
Avec le soutien du Rassemblement national, vous avez choisi de supprimer les mots « ainsi que d’investisseurs privés ». Résultat : nous ne pourrons plus intervenir auprès de la Foncière agricole d’Occitanie, puisqu’elle possède des actionnaires, notamment des coopératives et des banques ; nous ne pourrons plus intervenir auprès de l’association Terre de liens, qui s’appuie sur des investisseurs privés ; nous ne pourrons plus soutenir le fonds de portage Élan lancé par les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer).
Vous illustrez le réflexe pavlovien dont j’ai parlé à plusieurs reprises : dès que vous voyez le mot « privé », vous rayez ! La conséquence de ces amendements identiques est de rendre totalement inopérant le fonds Entrepreneurs du vivant et, du même coup, l’amendement no 155, mais je ne doute pas que le Sénat remettra un peu d’ordre dans tout cela. Avec ces amendements, les investisseurs privés ne pourraient plus intervenir. Or ils participent à la quasi-totalité des fonds de portage, y compris pour les établissements publics.
Vous avez supprimé la possibilité, pour la présidente de la région Occitanie, Carole Delga, pour les Safer et leurs structures, pour l’association Terre de liens, de bénéficier de l’intervention d’investisseurs privés. Voilà la conséquence des amendements que vous avez adoptés !
J’ajoute que le terme « progressivement » s’impose puisque, par définition, les fonds publics sont alloués en fonction de l’apparition des besoins.
Les amendements adoptés tout à l’heure rendent le système inopérant et M. le rapporteur a raison de souligner votre incohérence. Vous nous faites de grandes leçons sur la nécessité de soutenir les investisseurs qui collectent des fonds publics et des fonds privés – pardon, j’ai dit un gros mot ! –, mais vous soutenez des amendements qui rendent cela impossible. L’association Terres de liens sera sans doute ravie de le savoir ! Avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Dominique Potier.
M. Dominique Potier
Je ne peux pas parler à la place des auteurs de ces amendements identiques, que je découvre, mais sans doute cherchaient-ils à limiter le rôle des investisseurs privés, notamment des fonds spéculatifs.
M. Marc Fesneau, ministre
Ce n’est pas ce qui écrit !
M. Dominique Potier
Il s’agissait donc d’amendements d’appel…
M. Marc Fesneau, ministre
Non !
M. Dominique Potier
…pour mettre en garde contre les investissements privés non canalisés.
L’amendement no 1952 du groupe Socialistes et apparentés, que nous examinerons plus loin et qui est largement soutenu au sein de notre assemblée, clarifie les choses en précisant que les fonds privés doivent agir dans l’intérêt général. Deux formes de financement sont vertueuses, selon moi : les investissements publics et les fonds de l’économie sociale, soucieuse de l’intérêt général. Ce sont les financements qui ne relèvent pas de l’intérêt général qui étaient, selon moi, visés par les amendements no 1621 et identiques. Je partage les réserves que vous exprimez à leur sujet du point de vue légistique, monsieur le ministre, mais j’approuve le principe qui les sous-tend : il convient de séparer le bon grain de l’ivraie en matière de fonds privés, afin que le paysan reste au centre du système et que la finance ne soit pas prépondérante.
Sur le fond, l’engagement du Président de la République, en septembre 2022, lors des Terres de Jim, n’a pas été tenu. Vous conviendrez que c’est regrettable. Nous devons accélérer pour atteindre nos objectifs. Tel est le sens de cet amendement.
(L’amendement no 155 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
L’amendement no 2522 de M. Patrick Lecamp, rapporteur, est rédactionnel.
(L’amendement no 2522, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente
Sur les amendements nos 4125 et 3125, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Marie Pochon, pour soutenir l’amendement no 4208.
Mme Marie Pochon
Il vise à garantir que les fonds publics servent l’intérêt général et participent au développement de pratiques porteuses d’externalités positives pour les citoyens. Nous proposons donc de flécher les fonds publics vers l’agriculture biologique.
M. Marc Fesneau, ministre
Ça manquait !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Pascal Lecamp, rapporteur
Il est inutile d’écrire le mot « biologique » à toutes les lignes du texte. Avis défavorable.
(L’amendement no 4208, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Marie Pochon, pour soutenir l’amendement no 2427.
Mme Marie Pochon
Ma collègue Lisa Belluco voulait saisir l’occasion que donne cet amendement pour remercier le rapporteur Lecamp de son soutien aux nouveaux exploitants agricoles.
Malheureusement, l’article 8 reste très flou quant aux fonds publics mobilisés en soutien du portage du foncier agricole. Il est écrit qu’il y aura plus d’argent, mais quel montant et à quelle échéance ? Si votre patron vous dit qu’il vous augmente et ajoute 1 euro sur votre feuille de paie, il tient promesse, mais cela ne change pas grand-chose !
Cet amendement tend à donner une véritable portée programmatique à l’alinéa 5 en inscrivant un objectif de 1,4 milliard de financement annuel pour le portage du foncier. Nous sommes prêtes à débattre de ce montant, ainsi que des échéances possibles, mais un chiffrage et un calendrier sont indispensables, sous peine de faire de l’article 8 un simple mirage.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Pascal Lecamp, rapporteur
Vous nous accusez d’être flous et de mauvaise foi, mais je pourrais vous adresser les mêmes critiques ! Le fonds Entrepreneurs du vivant est doté de 400 millions, dont 100 millions pour le portage du foncier – ce sont des chiffres précis. Sur ces 100 millions, la Caisse des dépôts s’est engagée à mettre 1 euro pour 1 euro. C’est le point de départ, mais la mobilisation des fonds publics s’accroîtra progressivement.
Nous savons que le marché du foncier agricole représente entre 1 et 2 milliards par an, sur dix ans. Nous avons besoin de fonds publics et de fonds privés et nous devons être capables de les faire coexister. Les amendements que vous avez adoptés avant le déjeuner ne le permettent pas. J’espère vraiment que le Sénat va corriger les effets de ce vote irrationnel ! Avis défavorable.
M. Inaki Echaniz
Nous n’allons pas passer tout l’après-midi là-dessus, quand même !
M. Pascal Lecamp, rapporteur
Vous n’êtes pas constructifs !
(L’amendement no 2427, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de quatre amendements, nos 4125, 4168, 1952 et 1577 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.
L’amendement no 4125 de Mme Aurélie Trouvé est défendu.
La parole est à M. David Taupiac, pour soutenir l’amendement no 4168.
M. David Taupiac
Il vise à ajouter une disposition à l’alinéa 5 afin de souligner que l’État doit faciliter l’accès au foncier agricole en développant les structures de portage foncier agricole d’intérêt général. Ce type de portage est non spéculatif – nous avons abordé ce point ce matin –, s’oriente vers des systèmes productifs agroécologiques, dont l’agriculture biologique, et fournit un appui durable aux exploitants agricoles dans le respect de leur autonomie. Sa gestion est désintéressée.
Dans cet amendement, nous appelons également à recourir à des leviers fiscaux et aux financements publics. Ce sujet devra être examiné dans le cadre du débat budgétaire cet automne.
Mme la présidente
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l’amendement no 1952.
M. Dominique Potier
Le présent amendement apporte la clarification que j’évoquais tout à l’heure ; ce faisant, il pourrait nous aider à ne pas passer l’après-midi sur le malentendu autour des investissements privés. Les investisseurs privés sont les bienvenus dans le financement du foncier agricole dès lors qu’ils relèvent du modèle proposé par l’agrément d’entreprise solidaire d’utilité sociale (Esus), qui encadre le partage de la valeur et la destination des biens dans ces structures. C’est le cas des groupements fonciers agricoles (GFA) mutuels, de Terre de liens et de toutes sortes de formes coopératives de propriété du foncier. Dans cette configuration, qui peut être contre les fonds privés ? Mon territoire, par exemple, abrite trois GFA.
Adopter l’amendement no 1952, c’est réhabiliter les fonds privés : dès lors qu’ils sont encadrés et qu’ils concourent à l’intérêt général, ils sont les bienvenus dans le financement du foncier agricole. C’est modèle du capitalisme familial, populaire et associatif que nous promouvons dans nos territoires. Personne n’est contre ce type de fonds privés ; les amendements adoptés ce matin visaient les fonds spéculatifs qui viennent perturber la régulation du foncier. L’amendement no 1952, rédigé à l’initiative de Terre de liens, clarifie la place des financements privés et publics, et leur bonne articulation en vue du dessein que nous poursuivons ensemble.
Mme la présidente
La parole est à Mme Marie Pochon, pour soutenir l’amendement no 1577 rectifié.
Mme Marie Pochon
Le présent amendement, qui a été travaillé avec l’association Agter – Améliorer la gouvernance de la terre, de l’eau et des ressources naturelles – et Terre de liens, devrait, comme le précédent, répondre à vos craintes, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur. Ne doutez pas de notre bonne foi !
Il s’agit de faciliter l’accès au foncier grâce au portage foncier agricole d’intérêt général. Le portage foncier est non seulement un levier pour l’installation, mais aussi un appui à la transformation de l’agriculture. Néanmoins, toutes les formes de portage ne sont pas orientées vers ces objectifs. Le but est donc de définir le portage foncier d’intérêt général, cette définition devant permettre aux structures qui y correspondent de bénéficier en priorité des aides publiques, notamment des financements du fonds Entrepreneurs du vivant. Une structure de portage foncier agricole d’intérêt général répond, selon nous, aux critères cumulatifs suivants : un portage non spéculatif ; une orientation vers des systèmes productifs agroécologiques ; un appui durable aux agriculteurs dans le respect de leur autonomie ; une gouvernance désintéressée. Il faut faciliter le portage foncier collectif en l’encadrant juridiquement ; c’est le sens de cette proposition.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur les amendements en discussion commune ?
M. Pascal Lecamp, rapporteur
La disposition votée ce matin nous handicape beaucoup, mais n’y revenons pas.
Sur quoi travaillons-nous depuis une semaine ? Hier, on a inscrit dans le texte l’objectif de compter, au terme de la période de programmation, 500 000 exploitants agricoles – en plus des 400 000 exploitations agricoles, qui y figuraient déjà. On a conforté le modèle familial et affirmé notre volonté d’éviter la concentration. Nous sommes pour le portage foncier – je suis le premier à être allé rencontrer le patron de la Caisse des dépôts pour en parler. Tout cela figure dans le texte. Pour assurer la montée en puissance progressive du portage foncier et assurer le renouvellement des générations en agriculture, l’ajout que vous proposez n’est d’aucune utilité. Nous devons bien former la nouvelle génération d’agriculteurs – c’est l’objet du titre II du texte – et leur donner les moyens d’exercer leur métier – titre III – avec moins de complications – titre IV.
Ce projet de loi correspond à bien des attentes ; j’espère donc qu’il sera adopté largement. Je suis désolé qu’on soit en train d’ébranler les fondations sur lesquelles on pouvait construire un beau programme de renouvellement de générations. (Mme Anne-Laure Blin s’exclame.)
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre
Monsieur Potier, ce n’est pas un malentendu : l’amendement a été voté, il faut l’assumer ! Vous avez décidé d’adopter un amendement qui prive…
M. Dominique Potier
Non, il concerne un alinéa purement déclaratif !
M. Marc Fesneau, ministre
Maintenant vous dites qu’en plus d’être le fruit d’un malentendu, il est inutile ?
Mme Lisa Belluco
Un peu comme la suppression des objectifs de surface agricole en bio !
M. Marc Fesneau, ministre
Il faudrait savoir ce qu’on vote ! Si vous souhaitez revenir sur la décision que vous aviez prise – j’en prendrai acte et on aura gagné du temps –, déposez donc des sous-amendements !
M. Dominique Potier
Volontiers !
M. Marc Fesneau, ministre
Faites-le alors ! Car vous êtes en train de nous parler d’outils que vous avez détruits tout à l’heure.
M. Dominique Potier
Mais non !
M. Marc Fesneau, ministre
En effet, tous les dispositifs que je viens d’évoquer – le fonds de portage Élan, le fonds de portage foncier de l’Occitanie, les fonds gérés par Terre de liens – comprennent des fonds privés. Il faut savoir ce que vous voulez. Pour ma part, j’essaie d’être cohérent, essayez également de l’être : retirez vos amendements, ce sera plus utile ! Avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Dominique Potier.
M. Dominique Potier
Monsieur le ministre, le rapporteur et vous semblez jouir de la situation. Je fais amende honorable : nous étions trois du groupe Socialistes à être présents,…
Un député du groupe RE
Et nous, quarante !
M. Dominique Potier
…et mes collègues ont pensé qu’il fallait vous alerter sur le rôle des fonds privés et clarifier les choses. Les amendements qui ont été votés ce matin l’ont été par maladresse ou malentendu ; s’il faut corriger l’erreur en déposant un sous-amendement, nous sommes prêts à coopérer.
M. Marc Fesneau, ministre et M. Bruno Millienne
Faites-le !
M. Dominique Potier
Arrêtez cependant de dramatiser la situation : les amendements en question n’empêchent rien du tout, car l’article auquel ils se rapportent est purement déclaratif, il n’a aucune portée juridique effective. Il n’empêche en aucun cas Terre de liens ou l’Occitanie de mobiliser des fonds publics et privés. Dès lors, n’y passons pas l’après-midi !
En revanche, l’amendement no 1952, proposé par Terre de liens, offre une véritable clarification : les fonds privés sont les bienvenus dans l’agriculture, dès lors qu’ils relèvent de l’économie sociale et solidaire, ancrée dans le territoire.
M. Marc Fesneau, ministre
Non, c’est n’est pas marqué !
M. Dominique Potier
Ne cherchons pas des clivages là où il n’y en a pas : le vrai clivage est entre ceux qui veulent réguler le foncier et les libéraux. Nous défendons l’inclusion des fonds privés dès lors qu’ils servent l’intérêt général, et l’amendement no 1952 l’énonce clairement.
Mme la présidente
La parole est à M. Grégoire de Fournas.
M. Grégoire de Fournas
Que les choses soient claires : en ce qui nous concerne, nous n’allons pas nous excuser de notre vote de ce matin ! Le Gouvernement ayant créé les groupements fonciers agricoles d’investissement (GFAI), il est normal que nous soyons vigilants. Parmi les investisseurs privés, il n’y a pas que Terre de liens ou la région Occitanie, il y a aussi tous les autres. La mention d’« investisseurs privés » étant trop imprécise, il était justifié de l’écarter.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.
M. Marc Fesneau, ministre
Vous avez eu raison de prendre la parole, monsieur de Fournas. Sachez que l’éviction des « investisseurs privés » exclut également les coopératives.
M. Grégoire de Fournas
Les coopératives n’ont pas à investir dans le foncier !
M. Marc Fesneau, ministre
Il y a des coopératives qui investissent dans la reprise de foncier agricole.
M. Grégoire de Fournas
Ce n’est pas le problème !
M. Marc Fesneau, ministre
Vous refusez donc les fonds privés, et n’acceptez que les fonds publics : vous êtes en train de vous rapprocher des positions de la NUPES ; très bien, j’en prends acte.
M. Grégoire de Fournas
Mais justement…
M. Marc Fesneau, ministre
Monsieur de Fournas, laissez-moi finir une phrase ! On a besoin de fonds publics – nous les apportons grâce au fonds Entrepreneurs du vivant –, mais aussi de fonds privés, même s’il s’agit d’un gros mot pour certains – dont vous, manifestement. Voilà ce que vous avez enterré en adoptant ces fameux amendements. J’en prends acte, et restons-en là pour gagner du temps.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 4125.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 75
Nombre de suffrages exprimés 58
Majorité absolue 30
Pour l’adoption 20
Contre 38
(L’amendement no 4125 n’est pas adopté.)
(Les amendements nos 4168, 1952 et 1577 rectifié, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
La parole est à M. Mickaël Bouloux, pour soutenir l’amendement no 1951.
M. Mickaël Bouloux
Il a pour objectif de simplifier, d’homogénéiser et de démocratiser la procédure d’obtention des autorisations d’exploiter ou de cession dans le secteur agricole, afin de faciliter l’installation de nouvelles agricultrices et de nouveaux agriculteurs et la transmission des exploitations agricoles. Actuellement, deux organismes jouent un rôle crucial au niveau départemental dans la régulation des unités de production agricole : la section « structures » de la commission départementale d’orientation de l’agriculture (CDOA) et le comité technique de la Safer. Nous proposons de créer une « commission foncière départementale » pour centraliser les décisions dans une seule instance, simplifier les procédures, homogénéiser les pratiques et démocratiser le processus en assurant une représentation équilibrée des différents acteurs du secteur agricole. L’amendement est le fruit de discussions avec Terre de liens.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Pascal Lecamp, rapporteur
Au risque de me répéter, je rappelle que nous travaillons sur une loi d’orientation et non sur un texte dédié au foncier. Par ailleurs, je suis surpris de cette proposition, eu égard aux autres amendements que vous présentez sur le renforcement du foncier agricole. Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à M. Grégoire de Fournas.
M. Grégoire de Fournas
Monsieur le ministre, vous vous perdez en tentant de vous rapprocher de la NUPES. Vous dites que nous ne voulons pas que les coopératives soient propriétaires du foncier,…
M. Marc Fesneau, ministre
On parle de portage du foncier !
M. Grégoire de Fournas
…mais c’est pour éviter le kolkhoze que nous sommes contre ! Je rappelle – cela n’a pas l’air d’être clair dans votre esprit – que nous défendons l’accessibilité du foncier pour les agriculteurs, qui ne doivent pas être dépossédés de leurs exploitations. On peut organiser des systèmes de portage, mais il y a des banques pour les financer.
M. Marc Fesneau, ministre
Les banques, c’est du privé !
M. Grégoire de Fournas
Ces financements doivent faire l’objet de garanties – par exemple de l’État ou des collectivités territoriales. On peut également améliorer les GFA. Mais confier le foncier à des investisseurs venant d’on ne sait où pour dépouiller les agriculteurs de leurs exploitations est inacceptable, et nous ne vous suivrons pas dans cette voie, quitte à vous voir nous traiter de tous les noms, comme vous savez le faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. Stéphane Travert, président de la commission des affaires économiques
Personne ne vous traite de rien ! Soyons sérieux !
Mme la présidente
La parole est à M. Francis Dubois.
M. Francis Dubois
Monsieur Potier, pour avoir été sur les barrages lors des dernières manifestations des agriculteurs, vous savez que toute la profession, même les Jeunes Agriculteurs (JA), même ceux qui sont trop jeunes pour s’installer mais qui aspirent à le faire, même ceux qui viennent au monde agricole depuis d’autres secteurs, tous demandent une simplification administrative. Est-il utile de créer une commission supplémentaire et une autorisation administrative de plus alors que, dès le départ, les agriculteurs doivent faire face à une montagne de réglementations qui en décourage plus d’un ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.
M. Marc Fesneau, ministre
Monsieur de Fournas, nous sommes ensemble depuis bien des heures, et vous ne m’avez pas entendu lancer des noms d’oiseau. Acceptez donc le débat contradictoire ! Acceptez aussi de vous être, manifestement, trompé. J’ai dit non que les coopératives devaient être propriétaires du foncier, mais qu’il fallait autoriser la participation des fonds privés au portage foncier.
M. Grégoire de Fournas
Il s’agissait d’investisseurs privés !
M. Marc Fesneau, ministre
Oui, les fonds privés viennent des investisseurs privés. Vous essayez de manœuvrer car vous avez fait une erreur,…
M. Grégoire de Fournas
Non !
M. Marc Fesneau, ministre
…mais le portage, qui consiste à acheter le foncier pour le compte d’un jeune qui s’installe, le temps qu’il stabilise sa situation, doit permettre de faire converger des fonds publics et privés. Ne cherchons pas de vaines polémiques !
Quant à l’amendement no 1951, avis défavorable.
(L’amendement no 1951 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Manon Meunier, pour soutenir l’amendement no 3120.
Mme Manon Meunier
Il pose la question du partage des eaux de l’irrigation. Dans le contexte du changement climatique, on aura besoin de partager la ressource ; je vous invite donc à voter l’amendement.
Pour reprendre le débat qui nous occupe, nous assumons parfaitement notre vote de ce matin. Je vous invite à relire les amendements en question. Nous n’avons pas écarté le privé de l’apport des fonds – la disposition adoptée n’empêche en rien le fonds Élan de fonctionner ; nous avons écarté les investisseurs privés du pilotage du portage foncier agricole. Nous ne souhaitons pas donner aux investisseurs privés le pouvoir d’organiser, aux côtés de l’État et des collectivités, ce système qui doit permettre de rediriger le foncier vers les nouveaux agriculteurs qui s’installent.
M. Marc Fesneau, ministre
Ça rame !
Mme Manon Meunier
Nous avons écarté les investisseurs privés du pilotage car nous sommes convaincus que c’est l’État et les collectivités territoriales qui doivent l’assurer.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Pascal Lecamp, rapporteur
Je ne sais, madame Meunier, si je dois répondre à votre intervention ou au sujet de votre amendement. Quant à votre intervention, j’ai été très clair lors de la présentation du texte : il faut massifier le portage, lequel demande du privé et du public – tant que vous ne l’aurez pas compris, nous n’y arriverons pas.
Sur votre amendement, dont vous n’avez pas beaucoup parlé, nous sommes tous d’accord : l’accès à l’eau constitue une question cruciale et un sujet dont tous les agriculteurs ont à se préoccuper, comme on le voit chaque jour, en particulier dans ma région – habitant à 25 kilomètres de Sainte-Soline, vous imaginez bien ce que je peux voir.
Le diagnostic modulaire que prévoit l’article 9, assorti d’un « stress test » climatique, va dans ce sens. Une partie entière du titre IV – mon corapporteur Pascal Lavergne sera au banc quand elle viendra en discussion – est dévolue à la question de l’eau : c’est dans cette partie que vos remarques pourraient être prises en considération. Mais les mentions que vous proposez d’ajouter n’apportent rien. Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre
Avis défavorable.
Mme la présidente
Je suis saisi de plusieurs demandes d’intervention. Je veux bien y accéder, à condition, comme ce matin, que les orateurs limitent leur temps de parole à une minute.
La parole est à M. Pascal Lavergne.
M. Pascal Lavergne
Pour une fois, je suis d’accord avec ce qu’a dit Mme Meunier au début de son propos : il faudra, dans les années à venir, que nous nous partagions l’eau. Pour ce faire, encore faut-il veiller à la stocker au moment où elle tombe, en faisant des réserves. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)
Mme Lisa Belluco
Vous confondez encore réserves et retenues d’eau, c’est triste !
Mme la présidente
S’il vous plaît, chacun aura successivement la parole.
M. Pascal Lavergne
Il en est tombé en abondance cet hiver, et nous sommes heureux d’avoir des réserves collinaires dans le sud-ouest, notamment dans ma circonscription en vallée du Dropt, où nous stockons 15 millions de mètres cubes d’eau qui permettront d’irriguer 12 000 hectares de surface agricole utile (SAU).
Il faut effectivement partager et donc stocker l’eau dont l’agriculture a besoin. Loin de détruire de la biodiversité, réalimenter des rivières contribue à en créer, en renforçant la ripisylve tout le long du cours d’eau réalimenté.
Mme la présidente
La parole est à M. Hervé de Lépinau.
M. Hervé de Lépinau
L’amendement permet de poser la question de l’irrigation. Monsieur le ministre, nous avons échangé à ce sujet lors de notre rencontre en Vaucluse. Le président de la chambre régionale d’agriculture, André Bernard, a évoqué son projet d’irrigation HPR – Haute-Provence rhodanienne.
M. Joël Giraud
Beau projet !
M. Hervé de Lépinau
En effet, le partage de l’eau, c’est avant tout l’investissement dans des infrastructures.
Dans le Vaucluse, département dont je suis député, l’ingénieur Louis Giraud avait conçu et fait réaliser le canal de Carpentras au XIXe siècle, transformant une terre aride en véritable jardin de Provence – grâce non pas à un partage, mais à des investissements permettant d’acheminer l’eau là où il en est besoin. Pensant à mes amis des Pyrénées-Orientales, j’espère qu’un grand projet d’adduction des eaux du Rhône vers ce département permettra d’y restaurer l’agriculture.
Nous connaissons toutefois votre conception, restrictive, du partage de l’eau, consistant à faire en sorte d’en utiliser toujours moins. Tournez-vous à nouveau vers les investissements, c’est cela l’avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Aurélie Trouvé.
Mme Aurélie Trouvé
Je voudrais enfoncer le clou à propos des amendements visant les investisseurs privés : nous les assumons parfaitement ! Tous les groupes parlementaires, hormis ceux de la minorité présidentielle, les ont votés. (Exclamations sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)
M. Bruno Millienne
Ça va !
M. Rémy Rebeyrotte
Extrême minorité LFI !
Mme Aurélie Trouvé
Nous ne sommes pas des abrutis, nous avons des conseils juridiques. Nous savons parfaitement ce que nous avons voté. (M. Dominique Potier fait un signe dénégation.)
M. Francis Dubois
Vous savez surtout où vous voulez aller !
Mme Aurélie Trouvé
Collègue Potier, même si vous n’étiez pas là, nous savons parfaitement ce que nous faisons en la matière. (Exclamations sur les bancs des groupes RE, RN, LR, Dem et HOR.)
M. Marc Fesneau, ministre
Ça rame dur !
Mme Anne-Laure Blin
Et l’amendement ?
Mme Aurélie Trouvé
Si vous relisez les amendements en question, vous verrez qu’il s’agissait simplement d’exclure les investisseurs privés du pilotage des fonds de portage, pour le réserver à l’État et aux collectivités locales, ce qui n’empêche pas d’y associer des fonds privés.
Mme la présidente
La parole est à Mme Anne-Laure Blin.
Mme Anne-Laure Blin
L’amendement no 3120 est fallacieux, car nous connaissons votre conception de ce que vous appelez le partage de l’eau. Je conviens cependant que la politique de gestion de l’eau pour nos agriculteurs est la grande oubliée de ce texte. À ce sujet, je déplore qu’un amendement ait été rendu irrecevable, qui visait à redéfinir les zones humides pour permettre d’en faire des zones de stockage d’eau.
Mme Delphine Batho
Ben voyons ! Quelque 70 % de ces zones ont été détruites en quarante ans.
Mme Anne-Laure Blin
Je sais qu’elles feront râler de l’autre côté de l’hémicycle, mais ce sont là des propositions pragmatiques en matière de gestion de l’eau.
Mme Lisa Belluco
Les zones humides sont des réserves d’eau.
Mme Anne-Laure Blin
Cela fait donc partie des sujets qu’il faut aborder si nous voulons adopter une vision de long terme pour nos agriculteurs et satisfaire les demandes qui émanent du terrain.
Mme Delphine Batho
Qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre !
Mme la présidente
La parole est à M. Bruno Millienne.
M. Bruno Millienne
Quel paradoxe de vous voir déposer un tel amendement, quand on sait vos positions s’agissant des retenues d’eau, qu’elles soient collinaires ou d’une autre nature !
Quant aux fonds de portage, pardon, mais ce que vous proposez au secteur privé, c’est : « Donnez-nous votre pognon, mais surtout ne regardez pas ce que nous en faisons ! » Je ne connais personne susceptible d’investir dans de telles conditions.
(L’amendement no 3120 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
L’amendement no 3125 de M. Loïc Prud’homme est défendu.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Pascal Lecamp, rapporteur
Défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre
Même avis.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 3125.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 86
Nombre de suffrages exprimés 67
Majorité absolue 34
Pour l’adoption 18
Contre 49
(L’amendement no 3125 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l’amendement no 39.
M. Dominique Potier
Je profite de cette intervention pour dire à mon collègue Dubois qu’il a mal lu l’amendement no 1951 : visant à introduire une déclaration unique et, ce faisant, à en supprimer quatre autres, il constituait bien un amendement de simplification. Nous nous sommes mal compris, mais je suis, moi aussi, partisan d’une véritable politique de simplification.
Par le présent amendement, le groupe Socialistes signifie son refus d’une réforme fiscale qui reviendrait à faire un chèque blanc, faute d’en avoir défini le périmètre et fixé les objectifs. Il n’y a aucune raison pour que l’État rase gratis ! Il appartiendra à notre collègue Éric Girardin, rapporteur général de ce texte, d’apporter des précisions le moment venu, mais nous ne voterons pas une réforme fiscale dont nous supputons qu’elle ferait bénéficier une minorité d’agriculteurs de l’essentiel des moyens fiscaux. Une politique fiscale inadaptée a systématiquement encouragé la surmécanisation, plaçant notre pays au premier rang des dépenses de mécanisation. Nous ne sommes pas partisans de la poursuite d’une telle politique. Quoique favorables à une révision fiscale, nous ne voulons pas plus donner de chèque en blanc en cette matière que nous n’avons voulu le faire en commission, touchant le quantum de peine. Nos réserves nous conduisent à proposer la suppression de l’alinéa 6.
Mme la présidente
La parole est à M. Éric Girardin, rapporteur général de la commission des affaires économiques, pour donner l’avis de la commission.
M. Éric Girardin, rapporteur général de la commission des affaires économiques
Vous notez souvent, monsieur Potier, le nombre excessif de démembrements de propriétés. Pourquoi y a-t-il tant de séparations entre nue-propriété et usufruit ? En raison d’une fiscalité trop lourde pour ceux qui veulent céder et transmettre leur exploitation.
Certains ont jugé trop long mon propos d’hier à ce sujet. Il n’en demeure pas moins que le point méritait d’être abordé – la preuve : nous y revenons. La fiscalité sur la transmission est particulièrement lourde : nous avons le deuxième taux marginal d’imposition le plus élevé d’Europe sur les droits de mutation à titre gratuit, le quatrième sur les droits de mutation à titre onéreux, le cinquième sur les plus-values immobilières, à quoi s’ajoute l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), que seuls trois autres pays en Europe ont institué, et qui concerne aussi le foncier agricole. Si nous ne nous attaquons pas à ce sujet, cela risque de faire très mal !
Il nous faut assouplir la fiscalité, notamment en amenant progressivement l’abattement sur le bail rural à long terme au niveau de l’exonération prévue par le pacte Dutreil – en application de la loi du 1er août 2003 pour l’initiative économique. Nous devons en outre harmoniser la fiscalité sur les différents modes d’exploitation agricole. Pour ne prendre que cet exemple, la transmission d’une exploitation familiale est considérée comme une cessation d’activité et relève du régime du patrimoine privé, ce qui entraîne une imposition sur les plus-values. Au contraire, quand l’exploitation a la forme d’une société, des cas d’exonération des plus-values sont prévus, ainsi que des possibilités de report de l’imposition des plus-values. De plus, quand le repreneur est toujours en activité au bout de cinq ans, cette dernière imposition tombe.
Si nous ne procédons pas aux assouplissements et à l’harmonisation permettant de fluidifier la transmission et de faciliter les nouvelles installations, nous n’atteindrons pas l’objectif de renouvellement des générations, fixé à 400 000 exploitations et 500 000 exploitants. Nous avons besoin d’une réforme de la fiscalité en agriculture.
Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre
Monsieur le député Potier, je ne comprends plus grand-chose. Vous êtes trop connaisseur des questions agricoles et de la technique parlementaire pour déposer un tel amendement. Tout le monde reconnaît que nous devons faire évoluer la fiscalité.
M. Hervé de Lépinau
Ce sont des socialistes !
M. Marc Fesneau, ministre
Afin que chacun soit éclairé, je vais lire l’alinéa que vous souhaitez supprimer – je ne voudrais pas que vous adoptiez un amendement sur un malentendu…
M. Inaki Echaniz
Oh, ça va !
M. Marc Fesneau, ministre
« Afin de garantir le renouvellement des générations d’exploitants agricoles et de pérenniser le modèle d’exploitation familiale, l’État se donne comme objectif de mener, en vue de son application dès 2025, une réforme de la fiscalité applicable à la transmission des biens agricoles, notamment du foncier agricole. Il veille notamment à conditionner les régimes spéciaux et d’exonération à des engagements de conservation des biens transmis pour une longue durée. » Ne me dites donc pas qu’il n’y a ni cadre, ni objectif !
Deuxième élément, vous connaissez assez le fonctionnement du Parlement pour savoir qu’une réforme fiscale passera nécessairement devant lui.
Mme Perrine Goulet
Dans le cadre du PLF !
M. Marc Fesneau, ministre
Cela s’appelle le PLF, le projet de loi de finances. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.) Réclamer la suppression de cet alinéa signifie donc simplement que vous ne voulez pas de réforme fiscale. Assumez-le et dites-le !
Un député du groupe LFI-NUPES
Vous, vous ne voulez pas d’un PLFR !
M. Marc Fesneau, ministre
Avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Grégoire de Fournas.
M. Grégoire de Fournas
Je voudrais d’abord rappeler à notre collègue Potier que baisser la fiscalité ne consiste pas à faire un chèque. La logique socialiste prend toujours les choses dans le mauvais sens : ce n’est pas faire un chèque que de soulager les Français du fardeau d’une fiscalité devenue impossible, l’une des plus importantes au monde ! (M. Hervé de Lépinau applaudit. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.)
Dénoncez-vous le faible encadrement des exonérations envisagées – auquel cas nous pourrions partager votre préoccupation – ou bien combattez-vous par principe tout allègement fiscal sur les transmissions ?
Contrairement à ce que vous affirmez, ce ne sont pas les allègements qui favorisent la concentration de la propriété. Pour ne prendre qu’un exemple, les coopérateurs de Pauillac – vous aimez bien les coopératives – vendent leur bouteille de vin à 15 euros, alors que leur hectare de vignes vaut entre 2,5 et 3 millions d’euros.
M. Arnaud Le Gall
À ce niveau, ce n’est plus une question de fiscalité !
M. Grégoire de Fournas
Si nous ne sommes pas capables d’alléger, voire de supprimer la fiscalité qui pèse sur elles, leurs terres seront revendues à des grands châteaux situés à proximité : ils en auront les moyens, puisqu’ils vendent la bouteille du même vin à 1 000 euros !
M. Christian Girard
Bien sûr !
M. Grégoire de Fournas
Il est donc plus qu’urgent de supprimer la fiscalité sur les transmissions de terres agricoles, à condition que l’outil soit maintenu au lieu d’être revendu au bout de trois ans – nous serons évidemment d’accord sur un tel principe. Votre amendement, lui, produirait l’effet inverse de ce que vous attendez. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Dominique Potier.
M. Dominique Potier
Nous ne refusons pas de faire une réforme fiscale, mais de signer ce qui, compte tenu de l’imprécision des éléments apportés par M. le rapporteur lors de sa pourtant longue présentation de l’article, s’apparenterait à un chèque en blanc.
Je le dis de bonne foi : deux éléments m’inquiètent particulièrement. En janvier dernier, alors que les paysans de l’Ariège n’en pouvaient plus – leurs revenus les placent parmi les plus pauvres de France –, Bruno Le Maire participait aux festivités de la Saint-Vincent, à Avize, près de Reims. Après avoir discuté avec les viticulteurs champenois, il déclarait qu’il avait entendu leurs malheurs et qu’il fallait alléger la fiscalité liée à la transmission du patrimoine. (« Il a raison ! » sur les bancs du groupe RN.) À l’évidence, c’est de l’IFI qu’il était question : de notre point de vue, c’est terrifiant, car cela va à rebours de la justice sociale que nous appelons de nos vœux.
En outre, notre amendement fait suite à une proposition, rejetée en commission, concernant les dispositifs de défiscalisation qui, par l’intermédiaire des GFA, bénéficient à des fonds spéculatifs. Pour notre part, nous sommes favorables à une fiscalité mesurée, qui permette aux exploitations de taille moyenne de transmettre leurs biens dans la durée, de façon allégée, afin de favoriser le renouvellement des générations. Mais tout argent public doit faire l’objet d’une évaluation et je m’interroge par exemple, monsieur le ministre, sur le bien-fondé de mesures de défiscalisation aveugles qui ne tiennent pas compte du niveau de patrimoine.
La dotation jeunes agriculteurs (DJA) mérite en revanche d’être renforcée : du point de vue budgétaire, il serait sans doute judicieux, plutôt que de créer des dispositifs de défiscalisation qui profitent à des holdings agricoles, d’utiliser l’argent public pour accompagner financièrement l’installation des jeunes agriculteurs sur des exploitations à taille humaine.
Mme la présidente
La parole est à M. Arnaud Le Gall.
M. Arnaud Le Gall
La transmission des terres, et notamment du foncier agricole, n’est pas uniquement un sujet fiscal ! C’est d’abord une question de prix. (Mme Anne-Laure Blin s’exclame.) J’ai entendu le collègue de Fournas dire qu’il faut alléger la fiscalité en évoquant des producteurs dont les terres coûtent plusieurs millions d’euros, mais à de tels montants, le sujet n’est plus la fiscalité ! En réalité, vous adhérez à l’idée selon laquelle il faut laisser les prix s’aligner sur le marché mondial. Vous êtes démasqués ! (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Mme Anne-Laure Blin
Notre pays est celui qui taxe le plus au monde !
M. Arnaud Le Gall
Ce qu’il faut, c’est réglementer le prix du foncier (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES), et c’est la raison pour laquelle les Safer ont été créées ! C’est grâce à elles qu’il y a encore des paysans en France.
M. Grégoire de Fournas
Vous ramez !
M. Arnaud Le Gall
Non, nous ne ramons pas du tout ! Vous racontez n’importe quoi et vous êtes démasqués. Voici la vérité : faire croire qu’il est possible de renouveler les générations d’agriculteurs, notamment en agriculture familiale, en laissant les prix de la terre atteindre de tels niveaux, c’est de la poudre aux yeux ! Ce sont mécaniquement les grands groupes qui achèteront la terre ! Il ne peut pas en être autrement, et vos coopératives n’y pourront rien. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
M. Grégoire de Fournas
Alors bloquez les prix !
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Éric Girardin, rapporteur général
Je veux répondre à Dominique Potier : quand le ministre Le Maire s’est exprimé – et je sais de quoi je parle puisque j’étais présent –, il n’a pas du tout fait allusion à l’IFI ! Il n’a mentionné que deux éléments : premièrement, l’assouplissement de la fiscalité sur le bail rural à long terme, qui consiste tout simplement à rehausser l’abattement ; et deuxièmement, le déplafonnement des seuils de plus-values, en vue d’harmoniser le schéma des plus-values professionnelles, quelle que soit la forme d’activité agricole considérée – individuelle ou sociétaire. Voilà ce qu’il a dit ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe RE.)
M. Dominique Potier
Ce n’est pas ce que j’ai entendu !
(L’amendement no 39 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Anne-Laure Blin, pour soutenir l’amendement no 2542, qui fait l’objet d’un sous-amendement no 5454.
Mme Anne-Laure Blin
Il est évident qu’il faut toucher à la fiscalité : une réforme fiscale est nécessaire. Je précise que cet alinéa 6 est issu du travail mené en commission et d’un amendement du rapporteur, et que la fiscalité est la grande oubliée de ce projet de loi d’orientation agricole. Contrairement à ce que vous dites, elle n’a pas du tout été intégrée et les membres du groupe Les Républicains l’ont d’ailleurs répété à de maintes reprises : aucun dispositif fiscal n’est prévu dans ce texte.
Quant à mon amendement, il est rédactionnel. Le texte mentionne la « transmission des biens agricoles », mais l’alinéa visé n’aborde pas la question de l’installation. Or je crois qu’une réforme de la fiscalité doit aussi s’attaquer à ce sujet. En effet, comme nous l’avons déjà dit, notre pays est celui qui taxe le plus au monde.
Mme la présidente
La parole est à M. Pascal Lecamp, rapporteur, pour soutenir le sous-amendement no 5454.
M. Pascal Lecamp, rapporteur
Je trouve cette précision bienvenue, madame Blin, et je lui donnerai un avis favorable si vous acceptez mon sous-amendement, qui vise à préciser qu’il s’agit de l’installation « d’exploitants ».
Mme Anne-Laure Blin
Merci, monsieur le rapporteur.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre
Cet amendement nous rappelle que les contours de la réforme fiscale ici mentionnée méritent d’être précisés. Je suis donc favorable à la fois à votre amendement, madame Blin, et au sous-amendement.
Mme Anne-Laure Blin
Ça ne vous engage pas beaucoup !
M. Marc Fesneau, ministre
Vous trouvez qu’il est inutile que je donne un avis favorable à vos amendements ? Ça m’apprendra à être aimable !
Mme Anne-Laure Blin
Ça ne mange pas de pain !
M. Marc Fesneau, ministre
D’accord, votre amendement ne mange pas de pain. Je lui donne quand même un avis favorable !
Mme la présidente
La parole est à M. Francis Dubois.
M. Francis Dubois
Nous avons examiné tout à l’heure l’amendement no 3125 qui évoquait un « plan pluriannuel de développement de l’élevage paysan ». Bravo, monsieur le rapporteur, d’avoir pu y apporter une réponse ; pour ma part, depuis ma Corrèze, je ne comprends pas ce qu’est l’élevage paysan.
Je voudrais ensuite réagir aux propos de M. le rapporteur qui, corroborant ceux de ma collègue Anne-Laure Blin, nous explique que pour réussir l’installation d’exploitants et le renouvellement des générations, il faut une fiscalité appropriée. C’est certain, et je suis tout à fait d’accord avec vous. Je trouve donc d’autant plus dommage que le volet fiscal soit absent de ce projet de loi d’orientation agricole.
M. Éric Girardin, rapporteur général
Ce sera dans le PLF !
M. Francis Dubois
Un objectif a été fixé à l’horizon 2035, mais le PLF ne fixe qu’un objectif annuel !
Mme la présidente
En plus de limiter la durée de vos interventions – ce que vous avez fait, cher collègue –, je vous prie de les circonscrire au sujet des amendements, afin que nos débats avancent plus rapidement.
(Le sous-amendement no 5454 est adopté.)
(L’amendement no 2542, sous-amendé, est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Christophe Naegelen, pour soutenir l’amendement no 3985.
M. Christophe Naegelen
L’examen de ce projet de loi aurait dû être l’occasion d’aborder la question de la régulation du foncier agricole et de sa transmission, en y incluant notamment des mesures fiscales. Au cours des débats en commission, le seul amendement traitant de ce sujet ayant été déclaré recevable est celui du rapporteur général ; il fixe un objectif, non contraignant, relatif au déploiement d’une réforme fiscale applicable à la transmission des biens agricoles avant 2025.
Cet amendement, cosigné par l’intégralité des membres du groupe LIOT, vise justement, afin de garantir le renouvellement des générations d’exploitants agricoles et de pérenniser le modèle de l’exploitation familiale, à inciter l’État à mener une réforme fiscale applicable au foncier agricole dès 2025. Dans le cadre de cette réforme, l’État devra veiller à respecter trois critères que nous avons détaillés : « conditionner les régimes spéciaux et d’exonération à des engagements de conservation des biens transmis pour une longue durée » ; « faire évoluer les dispositifs d’exonération des plus-values professionnelles pour favoriser l’installation de jeunes agriculteurs ou […] des personnes non issues du monde agricole » ; enfin, « augmenter l’exonération partielle de taxe sur le foncier non bâti dont bénéficient les terres agricoles ».
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Pascal Lecamp, rapporteur
Vous avez mentionné l’un des deux amendements déposés en commission par le rapporteur général à l’article 8, l’amendement no CE3402 ; l’alinéa qui en résulte, en mentionnant le volet fiscal que vous réclamez, permettra de lancer les discussions sur le sujet en PLF. M. de Courson, qui a déposé l’amendement que vous présentez, siège à la commission des finances ; il sera sans doute très actif dans la défense de ce que vous proposez, et de nombreuses autres propositions ont d’ailleurs été formulées en ce sens. Certes, l’examen du prochain PLF n’aura lieu que dans six mois, mais ce n’est pas parce qu’une mesure fiscale est intégrée dans un budget qu’elle ne s’applique que l’année suivante ! Elle s’applique pour plusieurs années.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre
Défavorable.
Mme la présidente
Monsieur Naegelen, si vous pouviez arrêter de claquer des doigts pour m’interpeller, j’en serais heureuse ! Vous pouvez le faire autrement.
M. Christophe Naegelen
Nous sommes forcés de le faire, madame la présidente, car il nous arrive régulièrement de demander la parole sans que vous vous en aperceviez. Excusez-moi, mais c’est la seule manière qui soit à notre disposition.
Mme la présidente
Vous pouvez m’interpeller oralement, en m’appelant « madame la présidente » ; je n’ai pas encore de problèmes d’audition.
Vous avez la parole.
M. Christophe Naegelen
Je veux juste rappeler qu’il est fort probable que nous ne puissions pas discuter du PLF dans l’hémicycle, comme plusieurs de nos collègues l’ont rappelé. Nous pourrons certes le faire en commission – je l’espère –, mais au vu des difficultés rencontrées par les agriculteurs et de l’urgence de la situation, nous trouvons que ce projet de loi aurait dû être l’occasion d’évoquer la problématique fiscale, afin de se donner un cap pour favoriser au maximum la transmission des exploitations.
(L’amendement no 3985 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Perrine Goulet, pour soutenir l’amendement no 2800.
Mme Perrine Goulet
Pour répondre à M. Potier, je précise qu’il ne s’agit pas de donner un quelconque blanc-seing au Gouvernement : dans le présent article, nous pouvons tout à fait préciser ce que nous attendons de cette réforme fiscale, qui sera mise en œuvre dans le projet de loi de finances pour 2025. Je rappelle au passage que le PLF n’est pas valable que pour un an : les dispositions budgétaires qui sont votées à cette occasion peuvent rester en vigueur plusieurs années. Nous pourrons donc faire le nécessaire à l’automne.
En ce qui concerne mon amendement, j’aimerais que la réflexion sur la fiscalité prenne en compte « la taille des exploitations, leur éventuelle division et la situation » du foncier agricole. La transmission à un jeune agriculteur, en vue d’une nouvelle installation, doit être distinguée de la transmission à un voisin, et nous devons aussi envisager la possibilité de diviser certaines grandes exploitations afin de permettre l’installation de plusieurs jeunes agriculteurs, en évitant qu’ils aient de trop grandes exploitations à reprendre. La réforme de la fiscalité doit prendre en compte toutes ces situations, pour que l’installation de jeunes agriculteurs soit possible sans qu’ils ne s’endettent sur trente ans.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Pascal Lecamp, rapporteur
À ce stade de l’examen du texte, de telles précisions ne me semblent pas utiles. En revanche, lorsque nous discuterons du paramétrage des futurs dispositifs fiscaux, il conviendra de veiller à la prise en compte des différentes formes d’installation, y compris celles que vous mentionnez, en considérant la taille des exploitations. Demande de retrait – nous en reparlerons certainement en commission des finances, où nous siégeons tous les deux.
M. Dominique Potier
Elle est comme moi, elle n’a pas confiance !
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre
Je comprends votre objectif, madame Goulet, mais nous entrerions ainsi un peu trop dans le détail. Ce que vous dites est juste, évidemment : cette réforme fiscale devra tenir compte de la taille des exploitations et de la façon dont elles se structurent, se déstructurent ou se restructurent. La mission que nous avons confiée à l’Inspection générale des finances (IGF) et au Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) est d’ailleurs chargée de prendre en compte ces données, en opérant des distinctions de ce type. Demande de retrait, donc, car il me semble que votre amendement sera satisfait. À ce niveau de détail, il faudrait d’ailleurs mentionner bien d’autres éléments !
Mme la présidente
La parole est à Mme Perrine Goulet.
Mme Perrine Goulet
Notre réflexion doit tout de même s’orienter vers certains points précis : doit-on laisser un jeune agriculteur payer des frais Safer s’il reprend une exploitation ; et, à l’inverse, ne doit-on pas faire payer ceux qui procèdent à un agrandissement ? Nous devons vraiment réfléchir à tous ces sujets, mais je comprends votre position et je serai là pour en débattre lors de l’examen du projet de loi de finances. Je retire mon amendement.
(L’amendement no 2800 est retiré.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements, nos 2525 et 4209, pouvant être soumis à une discussion commune.
L’amendement no 2525 de M. Pascal Lecamp, rapporteur, est rédactionnel.
La parole est à Mme Marie Pochon, pour soutenir l’amendement no 4209.
Mme Marie Pochon
La course à l’agrandissement et à la compétitivité des exploitations qui a eu lieu ces dernières décennies a entraîné une augmentation du capital immobilisé sur les fermes. Ce capital, une fois revendu à un nouvel exploitant, constitue une grande partie de la retraite des agriculteurs qui quittent leur exploitation. C’est particulièrement vrai pour l’élevage : d’après l’I4CE, l’Institut de l’économie pour le climat, le capital immobilisé sur les exploitations d’élevage a ainsi plus que doublé en quinze ans. Au sein de celui-ci, les bâtiments prennent de plus en plus de poids dans le prix des transmissions. C’est pourquoi notre amendement vise à préciser que la réforme de la fiscalité ne doit pas se limiter au foncier mais doit également – et explicitement – inclure l’immobilier agricole, son coût constituant un véritable frein à l’installation.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Pascal Lecamp, rapporteur
Je suis évidemment favorable à mon amendement. Quant à celui de Mme Pochon, l’appel à une réforme de la fiscalité vise les biens agricoles au sens large, et le foncier en particulier ; il me semble donc satisfait.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre
Favorable à l’amendement du rapporteur, défavorable à celui de Mme Pochon.
(L’amendement no 2525 est adopté ; en conséquence, l’amendement n° 4209 tombe.)
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Dragon, pour soutenir l’amendement no 3236.
M. Nicolas Dragon
Sous l’égide de Bruxelles et avec l’appui du gouvernement d’Emmanuel Macron, l’agriculture française achève sa transition d’une agriculture familiale et paysanne vers un système d’exploitation industrielle.
Les règles fiscales de transmission de l’héritage agricole y contribuent fortement. La majorité présidentielle propose par conséquent de réformer la fiscalité applicable à la transmission des biens agricoles. Absent du projet de loi initial, cet objectif a été introduit en commission par un amendement du rapporteur général Éric Girardin, membre de la majorité. L’exposé des motifs mérite que l’on s’y attarde. Il y est en effet indiqué que « la France est le seul pays dans lequel l’impôt sur la fortune immobilière s’applique uniquement sur le foncier, désavantageant les terres agricoles par rapport à d’autres placements financiers tels que les valeurs mobilières ».
Pardon, mais qui se trouve être à l’origine d’une telle réforme de l’impôt sur la fortune ? Vous. Qui dénonce depuis le début le caractère injuste de cette réforme qui taxe l’enracinement terrien mais épargne la spéculation financière ? Nous. Qu’avez-vous fait jusqu’à présent ? Rien.
Poursuivons la lecture : « Ainsi, le Conseil des impôts démontrait que la pression fiscale annuelle moyenne sur les terres agricoles était beaucoup plus élevée en France que dans les trois autres pays pris en comparaison, en l’occurrence l’Allemagne, le Royaume-Uni et les États-Unis. » Il était temps de s’en rendre compte. Déjà, en 2019, la colère des agriculteurs ébranlait la France – il ne fallait pas attendre 2023.
Nous militons pour une réforme fiscale des règles de transmission des exploitations agricoles mais il convient de l’assortir de conditions pour qu’elle ne bénéficie pas uniquement à la transmission des grosses exploitations mais également aux plus petites. C’est le sens de l’amendement qui vise à subordonner la réforme à l’objectif de développer l’emploi, d’améliorer la qualité de vie des agriculteurs et de préserver le caractère familial de l’agriculture.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Pascal Lecamp, rapporteur
L’objectif du maintien du modèle d’exploitation familiale a été ajouté à l’article en commission et il ne me semble pas utile de le répéter. Avis défavorable.
M. Bruno Millienne
Très bien.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre
Même avis car l’amendement est satisfait.
Prenez garde, monsieur le député, à ne pas adopter la même rhétorique que la NUPES. Qu’entendez-vous par « agriculture industrielle » ? Il faut arrêter ces amalgames. L’agriculture française est une agriculture familiale. Je suis certain que de nombreux agriculteurs sont offensés de vous entendre dénigrer ainsi leur métier car, ne nous y trompons pas, ces mots, dans votre discours, revêtent un caractère péjoratif. L’agriculture est variée et les exploitations sont de tailles et de natures différentes. Tous les modèles agricoles méritent notre respect.
Mme la présidente
La parole est à M. Hervé de Lépinau.
M. Hervé de Lépinau
Je crois en la pédagogie et je suis heureux que notre collègue Girardin, qui a étudié son sujet, nous ait proposé cet amendement en commission. C’est toujours bon qu’un Champenois participe à une réforme fiscale. Les terres en Champagne ont atteint la valeur qu’on leur connaît à cause de la spéculation, nous le savons, mais je vais vous raconter une petite anecdote qui plaira sans doute à l’extrême gauche.
J’ai habité en Champagne et mon père travaillait dans l’industrie lourde. Chaque année, les unions patronales se réunissaient avec les maisons de Champagne et c’était la surenchère pour revaloriser les salaires. Les syndicats des maisons champenoises insistaient fortement pour des augmentations toujours plus importantes en raison de l’excellent rendement des exploitations. L’industrie lourde a fini par quitter la Champagne car elle ne pouvait plus suivre.
Revenons à la fiscalité : il faudra la réformer, bien sûr, mais dès lors que le dispositif sera allégé pour les Champenois, il le sera erga omnes et les Ardéchois en profiteront automatiquement. En tout cas, il est impératif de baisser la fiscalité sur le foncier agricole pour maintenir le caractère familial des exploitations.
Quant à la dimension industrielle des exploitations, nous savons tous que, plus les charges sont lourdes, plus il est difficile d’atteindre le fameux point mort. Ce n’est qu’en augmentant la taille des exploitations que les agriculteurs y parviennent. C’est la réalité, monsieur le ministre ! Il suffit de voir le nombre d’hectares qu’un homme peut cultiver aujourd’hui par rapport à ce qu’il faisait il y a cinquante ans pour mesurer l’ampleur de cette révolution que l’on pourrait qualifier, en effet, d’industrielle ! Si l’on veut freiner ce processus pour atteindre l’objectif agricole que nous nous sommes fixé, il faudra s’appuyer sur la fiscalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
(L’amendement no 3236 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l’amendement no 2239.
M. Dominique Potier
Dès lors qu’il n’a pas été possible de faire reculer le rapporteur général, autant préciser son intention. Notre collègue LFI a parlé d’or : la fiscalité n’a pas à compenser les conséquences de l’absence de régulation du marché foncier. Il faut donc commencer par réguler et ce n’est que dans un second temps que la fiscalité pourra permettre de récompenser ceux qui jouent le jeu de la régulation.
L’amendement tend, par conséquent, à ce que les éventuels allègements fiscaux profitent aux exploitants qui cèdent leur ferme à de jeunes agriculteurs à condition que le schéma directeur régional des exploitations agricoles soit respecté. Nous disposerons ainsi d’un outil fiscal au service d’une politique d’installation.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Pascal Lecamp, rapporteur
Je ne doute pas que le législateur votera une réforme équitable. L’objectif que nous cherchions à atteindre en rédigeant l’alinéa 6 a été annoncé en commission : protéger les facteurs de production que notre agriculture mobilise. Nous devons poursuivre le processus d’harmonisation de la fiscalité applicable à la transmission du foncier mis à disposition dans le cadre d’un bail rural à long terme avec le pacte Dutreil, comme l’ont précisé le rapporteur général et le président Mattei. C’est, là aussi, une mesure d’équité pour les agriculteurs.
En revanche, je ne comprends pourquoi nous devrions soumettre le législateur financier au schéma directeur régional des exploitations agricoles. Avis défavorable.
(L’amendement no 2239, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente