XVIe législature
Session ordinaire de 2023-2024

Deuxième séance du jeudi 29 février 2024

Sommaire détaillé
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Deuxième séance du jeudi 29 février 2024

Présidence de Mme Naïma Moutchou
vice-présidente

Mme la présidente

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quinze heures.)

    1. Réunion du Parlement en Congrès

    Mme la présidente

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    Le Président de la République a informé la présidente de l’Assemblée nationale qu’il avait décidé de réunir le Parlement en Congrès le lundi 4 mars 2024, afin de lui soumettre le projet de loi constitutionnelle relatif à la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse. Le bureau du Congrès, qui s’est réuni aujourd’hui, a arrêté les conditions d’organisation de cette séance, dont les députés ont été informés par une lettre que leur a adressée la présidente.

    2. Responsabilité de l’État et indemnisation des victimes du chlordécone

    Suite de la discussion d’une proposition de loi

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi visant à reconnaître la responsabilité de l’État et à indemniser les victimes du chlordécone (nos 2061, 2206).

    Discussion générale (suite)

    Mme la présidente

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    Ce matin, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
    La parole est à M. Olivier Serva.

    M. Olivier Serva

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    Tout d’abord, j’aimerais remercier mon collègue Elie Califer, rapporteur du texte, pour ce travail ô combien important pour nos populations. Je remercie également les associations guadeloupéennes et martiniquaises, qui œuvrent depuis tant d’années afin que soit reconnue la responsabilité de l’État et que les victimes soient indemnisées.
    J’entends çà et là que l’État ne serait pas entièrement responsable, qu’il n’aurait qu’une « part de responsabilité ». Le spectacle que vous donnez est celui de grotesques calculs politiciens faits sur le compte de vies humaines. Honte à vous ! Tenter de réduire la responsabilité de l’État face à un tel scandale sanitaire est un crachat gluant à l’endroit de tous les ouvriers agricoles guadeloupéens et martiniquais qui ont été atteints d’un cancer – et beaucoup sont décédés des suites d’une maladie professionnelle. C’est également un doigt d’honneur au reste de la population, empoisonné par sa consommation alimentaire et en eau ; ceux-là aussi développent des cancers.
    Et bien qu’il faille la saluer, nous ne pouvons nous contenter de la déclaration faite par le président Emmanuel Macron en 2018, car comme on dit chez nous : Pawol an bouch pa chaj – la parole ne pèse pas lourd. Plus de 90 % d’entre nous, Guadeloupéens et Martiniquais, sont empoisonnés, et aucun antidote n’existe. Nous détenons le record mondial en matière de cancer de la prostate : chez nous, son taux d’incidence est plus de sept fois supérieur à celui observé dans l’Hexagone et partout ailleurs dans le monde.
    Parallèlement, un écocide grave a été commis. C’est tout l’environnement qui est touché et c’est aussi toute l’activité économique qui en subit les conséquences : des terres sont devenues inexploitables et les activités de pêche ont été très réduites.
    Ce cadre macabre étant posé, nous espérons que ceux qui tentent, face à notre triste constat, de minimiser la responsabilité de l’État, seront capables de faire preuve de respect et de décence envers nous, populations de la Guadeloupe et de la Martinique. J’en appelle donc, chers collègues de la majorité et madame la ministre déléguée chargée des outre-mer, à la retenue et à la mesure. Nous parlons là de familles meurtries par la perte ou par la maladie d’un proche. Ici, la politique politicienne n’a pas sa place ; descendez du train de l’indécence à bord duquel vous avez choisi d’embarquer. La Guadeloupe, la Martinique, la France entière vous regardent.
    Il ne s’agit plus de déterminer la dangerosité de ces pesticides, ni même de constater l’ampleur du désastre écologique et sanitaire pour nos territoires et nos populations. Il faut, comme le propose le texte d’Elie Califer et de ses cosignataires, reconnaître la responsabilité de l’État, qui a autorisé les pesticides. Rappelons que dès 1979, le chlordécone avait été déclaré par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) « cancérigène possible » ; pourtant, il a été sciemment épandu sur nos terres de 1972 à 1993. En 1990, le produit a certes été interdit en France, mais le puissant lobby de la banane est parvenu à obtenir du ministère de l’agriculture, donc de l’État, une dérogation permettant de poursuivre son épandage sur nos sols jusqu’en 1993. Cette autorisation a été signée par l’État, qui est donc responsable à part entière !

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq

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    Oui, c’était François Mitterrand !

    M. Olivier Serva

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    Reconnaître cette responsabilité, c’est participer à restaurer le lien de confiance tant distendu en outre-mer – vous l’avez constaté. C’est aussi aller plus loin sur le chemin de la réparation annoncé par le Président de la République, en traduisant en actes cette reconnaissance. Par conséquent, le groupe LIOT soutiendra sans réserve cette proposition de loi socialiste, qui appelle à reconnaître la responsabilité de l’État dans le scandale lié au chlordécone, à poursuivre un objectif de dépollution des eaux et des sols, et à indemniser les victi
    Dans la lignée des recommandations du dernier rapport de l’Opecst, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, notre groupe appelle à aller plus loin en instaurant un dépistage systématique du cancer de la prostate dès 45 ans, en accentuant fortement l’effort de recherche sur les effets exacts de cette contamination, en améliorant la communication à l’endroit des populations et en accélérant la formation des professionnels de santé de Guadeloupe et de Martinique.
    Enfin, l’État doit doter nos territoires d’un institut dédié aux soins oncologiques – puisque nous sommes sept fois plus touchés par le cancer, engagez des moyens efficaces pour y faire face – et introduire une indemnisation supérieure à celle prévue par le fonds d’indemnisation des victimes de pesticides, dans la mesure où ce dernier ne prend en compte que les maladies professionnelles. (MM. Marcellin Nadeau et Jiovanny William applaudissent.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Charlotte Parmentier-Lecocq.

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq

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    Nous examinons aujourd’hui la proposition de loi de notre collègue Elie Califer visant à inscrire dans la loi la reconnaissance de la responsabilité de l’État vis-à-vis des victimes du chlordécone.
    Je veux tout d’abord remercier M. le rapporteur d’avoir mis ce sujet à l’ordre du jour, car c’est un sujet majeur. L’usage du chlordécone a fait des ravages dans les Antilles. Il a entraîné une pollution durable des sols, des eaux et, par répercussion, a provoqué – et provoquera encore – de graves pathologies dont souffre la population antillaise.
    De 1972 à 1993, l’État a laissé faire. Il a donc incontestablement une part de responsabilité dans cette situation ; il ne doit y avoir aucune ambiguïté là-dessus. Trente années plus tard, il était nécessaire de réparer ces préjudices, et c’est ce que nous avons collectivement commencé à faire depuis quelques années.
    Une étape importante a été franchie en 2018, lorsque le Président de la République a reconnu officiellement la part de responsabilité de l’État. Il aura donc fallu attendre près de trente ans après l’arrêt de l’usage du chlordécone pour que l’État reconnaisse enfin sa part de responsabilité.
    Monsieur le rapporteur, vous tenez à ce que cette reconnaissance soit gravée dans le marbre de la loi, afin d’en garantir la pérennité. Après nos débats en commission, le groupe Renaissance a décidé de vous suivre sur cette voie, sans toutefois occulter le fait que d’autres responsabilités ont été à l’œuvre. Cela a d’ailleurs été plusieurs fois souligné par les orateurs qui sont intervenus lors de la discussion générale, et c’est l’objet de l’amendement que je défendrai.
    Il est vrai que cet acte symbolique, que nous pouvons soutenir collectivement, est important, mais il n’apporte pas de réponses nouvelles aux populations antillaises qui ont été touchées. Il est donc essentiel d’évoquer aussi le plan Chlordécone IV, qui a d’ailleurs fait l’objet d’une évolution budgétaire considérable – son budget est passé de 90 à 130 millions d’euros.
    Je vous propose donc d’inscrire également dans la loi les engagements concrets que l’État doit continuer à prendre et qui font d’ailleurs l’objet de financements croissants et conséquents. Les enjeux sont nombreux : il faut renforcer la recherche et améliorer les connaissances scientifiques, afin de mesurer les incidences de l’usage du chlordécone et de remédier à ses effets défavorables sur l’environnement, la santé humaine et l’activité économique ; mener des actions visant à supprimer le risque d’exposition au chlordécone, notamment pour protéger la santé des populations en garantissant leur sécurité sanitaire et alimentaire ; et à terme, supprimer les risques liés à la pollution au chlordécone des terres et des milieux aquatiques.
    Je vous propose également la création d’une instance indépendante chargée d’évaluer régulièrement l’atteinte de ces objectifs. Le groupe Renaissance approuve également votre volonté d’inscrire dans la loi l’objectif de poursuivre l’indemnisation des victimes, qui doit concentrer toute notre attention.
    D’importantes avancées ont été menées depuis 2020, en particulier la reconnaissance de maladies professionnelles liées à l’exposition au chlordécone. Une telle possibilité est un progrès majeur pour les travailleurs exposés ainsi que pour leurs enfants. Cependant, monsieur le rapporteur, vous avez soulevé la difficulté d’instruire les dossiers d’indemnisation, et c’est d’ailleurs pour y remédier que l’État a décidé de financer une association venant en appui aux victimes, afin de les accompagner concrètement dans la constitution de leur dossier.
    En outre, nous devons poursuivre les études permettant d’identifier le lien entre l’exposition au chlordécone et le fait de contracter certaines pathologies, donc ses conséquences pour la santé des personnes, afin d’ouvrir la voie à une indemnisation liée à ces situations spécifiques. À ce titre, la création d’un fonds dédié aux victimes du chlordécone serait une avancée, à la fois pour faciliter l’accès à l’indemnisation et pour en élargir la portée, au-delà des seules victimes de maladies professionnelles.
    Monsieur le rapporteur, vous pouvez compter sur mon appui plein et entier en vue d’atteindre cet objectif : avançons ensemble pour continuer d’apporter des réponses concrètes aux populations antillaises de la Guadeloupe et de la Martinique ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Katiana Levavasseur.

    Mme Katiana Levavasseur

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    L’Assemblée nationale se saisit enfin de ce douloureux sujet, un sujet difficile, lié à une tragédie silencieuse qui se déroule et perdure depuis des décennies dans les territoires pourtant idylliques de la Guadeloupe et de la Martinique, une tragédie écologique, humaine et sanitaire causée par le chlordécone, insecticide insidieux utilisé pendant des années dans les plantations de bananes, malgré les avertissements précoces alertant sur sa nocivité, une tragédie sur laquelle, je tiens à le rappeler, Marine Le Pen a été l’une des premières responsables politiques à appeler l’attention au niveau national. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes SOC, GDR-NUPES et Écolo-NUPES.)

    M. Frédéric Maillot

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    Plus c’est gros, plus ça passe ! Bientôt, on dira que c’est Marine Le Pen qui a aboli l’esclavage !

    Mme Katiana Levavasseur

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    Dès le début de sa production, ce pesticide a semé la désolation sur son passage. Connu sous le nom de Kepone lors de sa conception en Virginie dans les années 1960, il a rapidement suscité de vives inquiétudes du fait de ses effets secondaires.
    En effet, après plusieurs années d’exposition à cette substance toxique, les travailleurs américains chargés de sa production ont commencé à manifester des symptômes alarmants, notamment des troubles neurologiques et des problèmes respiratoires. En conséquence, l’usine responsable de sa fabrication fut fermée, dès 1976. L’accès à la rivière James, qui coulait à côté de l’usine, a été interdit pendant treize ans.
    Pourtant, la France a ignoré ces mises en garde et a continué à autoriser l’utilisation de ce pesticide dans les Antilles jusqu’en 1993. L’économie prévalait alors sur la vie, le profit sur le bon sens. Les gains à court terme ont été privilégiés au détriment de la santé de plusieurs générations de Français.
    Le coût de cette politique est colossal pour nos compatriotes d’outre-mer. Sur des milliers d’hectares, les sols sont contaminés ; les rivières, les mers et les poissons sont empoisonnés. Les cultures, les élevages : toute une économie a été anéantie. Des familles entières qui vivaient de leur activité se sont retrouvées sans rien, quasiment du jour au lendemain.
    Les effets du pesticide sur la santé des habitants ont également été dévastateurs, ce dont témoigne l’augmentation des taux de cancer de la prostate, trois fois supérieurs chez les personnes exposées au chlordécone. Mais au-delà des conséquences sanitaires, écologiques et économiques, son utilisation a surtout eu des répercussions sociales terribles. Elle a privé des générations entières de la possibilité de jouir paisiblement de leurs terres. C’est toute une culture locale qui a été frappée. Et elle le sera encore pendant des décennies, voire des siècles. Les autorités françaises ne peuvent plus ignorer l’évidence : l’affaire du chlordécone est un scandale.

    M. Frédéric Maillot

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    Marine Le Pen, c’est Chuck Norris !

    Mme la présidente

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    S’il vous plaît !

    Mme Katiana Levavasseur

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    Alors que l’on aurait pu espérer un changement, dès lors que le Président de la République avait reconnu une part de responsabilité de l’État dans ce désastre, en 2019, il rétropédale, minimisant la gravité des conséquences du pesticide, allant jusqu’à nier son caractère potentiellement cancérigène – le fameux « en même temps » macronien.

    Mme Sandrine Rousseau

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    Mais heureusement, Marine Le Pen était là ! (Sourires.)

    Mme Katiana Levavasseur

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    Qu’il s’agisse des problèmes de l’immigration à Mayotte, du coût élevé de la vie à La Réunion ou de la difficulté de l’accès à l’eau potable en Guadeloupe, le Gouvernement se contente d’assurer le service minimum, qui est loin de répondre à l’urgence des préoccupations de nos compatriotes ultramarins. Cette attitude mêlée d’insuffisance et d’indifférence envers les populations antillaises doit cesser.
    La population de Guadeloupe et de Martinique attend que la responsabilité de l’État soit reconnue dans le scandale du chlordécone et qu’une politique de réparation pour les nombreuses victimes soit engagée. Et je ne parle pas seulement des professionnels de la pêche ou de l’élevage, dont les cancers de la prostate ont été reconnus comme une maladie professionnelle, mais de toutes les personnes touchées directement ou indirectement par l’utilisation du chlordécone. Des centaines de milliers de personnes seraient concernées.
    Ce n’est pas avec le faible budget alloué au plan Chlordécone IV, fixé à 92 millions d’euros pour une période de six ans, que nous répondrons à cette crise. Ce budget, même s’il est supérieur aux trois précédents, est clairement insuffisant. Ce n’est pas en millions mais en milliards que l’on devrait parler !
    Des investissements massifs, bien supérieurs à ceux envisagés dans ce plan, seront nécessaires afin de prendre de véritables mesures de prévention, de suivi, de recherche, d’information et d’indemnisation pour les populations affectées. Ce scandale sanitaire ne peut plus être traité à la légère. L’État doit assumer ses responsabilités dans cette tragédie.
    C’est pourquoi le Rassemblement national votera pour cette proposition de loi qui doit tendre, non pas seulement à répondre à une tragédie passée, mais à préparer l’avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Philippe Nilor.

    M. Jean-Philippe Nilor

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    Alors que la contamination au chlordécone continue ses ravages aux Antilles, l’État a aujourd’hui, à travers ce texte, l’opportunité historique de réarmer, un tant soit peu, son image et sa dignité. Par dérogation, nos pays ont été purement et simplement empoisonnés. Le chlordécone, pesticide ultratoxique interdit en France hexagonale en 1990 et aux États-Unis dès 1976, a pourtant été autorisé jusqu’en 1993 dans nos territoires, au mépris du principe de précaution et malgré sa nocivité connue et reconnue par les autorités publiques et scientifiques !
    Nos terres, mers et cours d’eau sont durablement contaminés. Les concentrations en chlordécone y sont cinquante fois supérieures aux normes européennes. Nos cultures, productions animales et autres activités de pêche sont lourdement touchées. Plus de 90 % des Guadeloupéens et des Martiniquais ont été contaminés et l’on déplore une forte augmentation des cancers, notamment de la prostate, des malformations génitales et des problèmes de fertilité à l’heure où vous osez nous assigner des objectifs de réarmement démographique.
    Ce scandale d’État tient autant à l’empoisonnement perpétré en parfaite connaissance de cause, qu’au refus obstiné de le reconnaître officiellement et de réparer ses préjudices. Il demeure l’un des symptômes les plus prégnants du continuum colonial avec lequel la France refuse de rompre.

    M. Jean-Hugues Ratenon

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    Bravo !

    M. Jean-Philippe Nilor

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    L’heure de la réparation a sonné et la reconnaissance symbolique par l’État de sa responsabilité à l’origine de ce scandale relève du niveau plancher de la décence.
    C’est d’ailleurs pourquoi le vote de ce texte n’est qu’un premier pas, d’autres sont à venir. Il faudra légiférer pour reconnaître comme maladie professionnelle les cancers du sein et de l’utérus dont sont atteintes les ouvrières agricoles et assouplir les conditions de reconnaissance comme maladie professionnelle du cancer de la prostate dont souffrent nombre d’ouvriers agricoles. Il faudra prévoir, par une loi de programmation et une loi de finances, de dépolluer nos territoires, détoxiquer nos populations, réparer les préjudices corporels, environnementaux, moraux et économiques.
    Il faudra créer un régime d’indemnisation dérogatoire au droit commun pour réparer lesdits préjudices, sur le modèle de ce qui a été fait pour les victimes de l’amiante. Il faudra créer une autorité administrative indépendante – c’est d’ailleurs l’objet d’une proposition de loi de mon excellent collègue Marcellin Nadeau.
    Après tant de déceptions et de désillusions, d’incompréhension et de colère, comme celle qui a suivi l’inacceptable non-lieu prononcé le 2 janvier 2023, après les insuffisances des plans Chlordécone qui se sont succédé, présentés pourtant avec suffisance mais jamais à la hauteur de nos attentes légitimes, après tant de criantes discriminations dans le traitement des victimes du chlordécone et celles de l’amiante, il est temps que l’État, si prompt à concéder des dérogations sous la pression des lobbys, reconnaisse enfin sa responsabilité, ce qui ouvrirait droit à indemnisation.
    Le colonialisme tend à exiger que les peuples colonisés se taisent et se satisfassent des miettes qui leur sont versées. Cette époque est révolue ! Nous ne nous tairons plus, forts de notre unité qui transcende les clivages politiques et territoriaux, et de l’extraordinaire mobilisation de nos peuples. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES.)
    La France ne peut plus sacrifier notre dignité et notre humanité sur l’autel des intérêts pécuniaires d’une minorité.
    Je finirai en adressant un mot à nos compatriotes de Martinique et de Guadeloupe :
    Allons ! Enfants des colonies !
    Allons ! Enfants maltraités par la patrie !
    À l’issue de ce vote, nous saurons,
    Si un jour de gloire peut arriver ! (Mmes et MM. les députés des groupes LFI-NUPES, GDR-NUPES et Écolo-NUPES, ainsi que M. Christian Baptiste, se lèvent et applaudissent.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Juvin.

    M. Philippe Juvin

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    La quasi-totalité des Guadeloupéens et des Martiniquais ont été contaminés par le chlordécone. Toxique et bioaccumulable, cette substance n’est plus utilisée depuis 1993 mais, du fait de sa rémanence, elle reste présente dans les sols et peut se retrouver dans certaines denrées végétales et animales, ainsi que dans des captages d’eau. Les risques ont été rappelés : cancers de la prostate, accouchements prématurés et sans doute bien d’autre pathologies.
    Cette injustice ressentie par les Antillais…

    M. Davy Rimane

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    Ce n’est pas qu’un ressenti ; c’est factuel.

    M. Philippe Juvin

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    …est en partie responsable du sentiment de déconnexion et d’abandon qu’ils éprouvent. C’est aussi toute l’économie de la Martinique et de la Guadeloupe qui est frappée. Les conséquences de la pollution ne sont pas seulement sanitaires, elles sont aussi économiques. Les populations locales paient leur tribut au chlordécone, à commencer par les plus pauvres, car ceux qui n’ont pas les moyens d’acheter des produits importés, plus chers, se rabattent sur la production locale, qui est contaminée.
    Disons-le clairement : si cette contamination avait frappé la métropole, on aurait réagi depuis longtemps. Nous n’acceptons plus cette politique du deux poids deux mesures entre la métropole et l’outre-mer, alors que nous ne formons qu’un seul pays : la France.
    La prise de conscience de ce problème a conduit l’État à édicter des mesures sanitaires et agronomiques. C’est François Fillon qui a initié en 2008 le premier plan Chlordécone. D’autres ont suivi. Celui en vigueur, le plan Chlordécone IV, ne prévoit pas de financements suffisants et il est, de surcroît, sous-financé. Bien sûr, on nous annonce des sommes extraordinaires mais en pratique, lorsque l’on compare ce qui peut l’être, l’on s’aperçoit que moins de 11 millions sont débloqués chaque année pour le plan IV contre 12 millions pour le premier, en 2010, près de quinze ans plus tôt.
    Les actions engagées doivent être améliorées et l’ampleur des contaminations impose de définir une stratégie de long terme. Il faut financer correctement le plan Chlordécone IV car, pour l’heure, le compte n’y est pas. Les paroles c’est bien mais les actes, c’est mieux.
    Je salue l’initiative de mes collègues socialistes qui, par cette proposition de loi, tentent d’apporter une solution à ces populations.
    Le groupe Les Républicains soutient avec force l’objectif du texte : donner corps à la reconnaissance, il y a quelques années, par le Président de la République, de la responsabilité de l’État. Toutefois, l’engagement de cette responsabilité ne doit pas servir de prétexte à une chasse à l’homme comme pourraient le laisser craindre certains amendements.
    C’est vrai, l’État a commis une faute, qui doit être réparée, mais l’État n’est pas le seul acteur en cause dans cette affaire.

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    C’est vrai.

    M. Philippe Juvin

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    Le scandale du chlordécone résulte d’un choix collectif fait par l’État, les élus locaux, les acteurs économiques car tous ont, à une époque, pesé de leur poids pour laisser faire.

    M. Jiovanny William

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    Qui a donné l’autorisation ? L’État !

    M. Philippe Juvin

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    Nous serons très attentifs à ce que les droits des populations soient respectés lorsque nous chercherons à identifier les responsabilités mais nous le serons tout autant à ce que l’application de l’article 1er respecte les équilibres en présence. Plus que de symboles, les populations antillaises ont besoin de réparation. Depuis des années, elles demandent à être reconnues et indemnisées pour le préjudice sanitaire et environnemental qu’elles ont subi. Nous, députés du groupe Les Républicains, veillerons à ce que les fautes dont elles souffrent encore aujourd’hui soient réparées. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Maud Petit.

    Mme Maud Petit

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    Nous examinons aujourd’hui un sujet particulièrement sensible, tant il suscite d’émotion, d’incompréhension et de colère chez nos compatriotes antillais. Je veux parler du chlordécone, pesticide épandu pendant plus de vingt ans – dont trois au-delà de son interdiction officielle pour dangerosité avérée – sur les bananeraies de deux départements français d’outre-mer : la Martinique et la Guadeloupe.
    En raison de sa rémanence, la molécule a continué de contaminer sols, eaux, faune, flore – et il se dit que cette contamination durera 700 ans – et malheureusement aussi la population, en particulier par le biais de la chaîne alimentaire.
    Face aux conséquences sur la santé, l’environnement, l’agriculture et l’économie locale de cette pollution durable et généralisée – qui concernerait 25 % des terres arables –, associations et élus se battent depuis des années pour obtenir la reconnaissance de l’existence d’un scandale sanitaire, ainsi qu’une réparation et la prise en charge des victimes.
    Votre proposition de loi, monsieur le rapporteur Califer, constitue une nouvelle expression de ce combat, dont les demandes sont légitimes.
    Il nous faut à présent répondre à trois questions. En premier lieu, qui reconnaître comme fautif dans ce désastre, quand les responsabilités sont à la fois scientifiques,…

    Mme Sandrine Rousseau

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    Scientifiques ?

    Mme Maud Petit

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    …économiques et politiques ? En deuxième lieu, des moyens d’accompagnement et de prise en charge adéquats sont-ils mis en œuvre en faveur des victimes et du monde agricole ? Enfin, comment mettre fin aux conséquences sanitaires et écologiques de cette pollution ?
    Il existe, de toute évidence, une responsabilité partagée entre les acteurs économiques, scientifiques et les gouvernements de l’époque, qui, en toute connaissance de cause, ont autorisé l’épandage de produits à base de chlordécone à titre dérogatoire jusqu’en 1993, soit trois ans au-delà de leur interdiction officielle. Ces trois années supplémentaires ont-elles aggravé la situation ? Probablement non, car les vingt années d’utilisation précédentes avaient déjà semé le mal. Cependant, en 1990, lorsque les dérogations ont été accordées, la dangerosité de la poudre blanche était connue. Ceux qui ont fabriqué, ceux qui ont autorisé et ceux qui ont utilisé le chlordécone sont ainsi conjointement responsables.

    Mme Caroline Parmentier

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    Eh oui !

    Mme Maud Petit

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    Le dire ne revient pas à exonérer l’État de sa responsabilité.

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq

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    Exactement !

    Mme Maud Petit

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    En 2018, le président Emmanuel Macron reconnaît solennellement que l’État doit « prendre sa part de responsabilité dans cette pollution » invitant à « avancer dans le chemin de la réparation et des projets ».
    Depuis cette déclaration, l’État met les bouchées doubles pour réparer la défaillance de ses services, accompagner les victimes, notamment les agriculteurs, et faire face à la pollution. Le plan Chlordécone est reconduit depuis plusieurs années. Il vise, entre autres, à réduire l’exposition des populations au chlordécone, à tendre vers le zéro chlordécone dans l’alimentation, à prendre en charge les impacts liés à la pollution dans les domaines de la santé, de l’agriculture et de la pêche. Au nombre des actions mises en œuvre, il convient en outre d’évoquer l’étude Kannari, la gratuité des tests sanguins de dépistage, la reconnaissance du cancer de la prostate consécutif à une exposition au chlordécone comme maladie professionnelle, l’inclusion de l’exposition au chlordécone parmi les causes de prise en charge par le Fonds d’indemnisation des victimes de pesticides (FIVP), la compensation des dommages économiques par l’État et le soutien financier à la recherche.
    Enfin, comment éviter que les conséquences sanitaires et écologiques ne perdurent, si ce n’est en dépolluant les sols ? Le projet Pyrosar propose une approche scientifique innovante de dépollution des sols par la transformation des sargasses – algues brunes toxiques – en charbon actif capable de fixer les molécules de chlordécone. Je salue Sarra Gaspard, professeur de chimie à l’origine de cette découverte. Grâce à elle, nous serions en passe de résoudre deux problèmes environnementaux majeurs de nos départements en transformant une contrainte en opportunité. Ce projet doit maintenant être accompagné pour que nous entrevoyions la fin de cette catastrophe sanitaire.
    Ainsi, mes chers collègues, les réponses concrètes aux dommages évoqués dans la proposition de loi de notre collègue rapporteur Elie Califer sont déjà nombreuses. Mais nous sommes ici en présence de demandes d’une autre nature : une demande adressée à l’État par une partie de sa population, en souffrance depuis trop longtemps, en faveur d’une plus grande transparence à son égard, une demande d’inscription de l’événement dans la mémoire collective, premier pas vers la guérison. Il s’agit aussi d’une démarche visant à réparer la confiance en l’État et à opérer une prise de conscience pour éviter la survenance de drames identiques dans le futur.
    Le groupe Démocrate comprend cette volonté d’inscrire ce processus dans le marbre législatif. Les Démocrates et indépendants voteront en faveur de cette proposition de loi, sous réserve de son amélioration rédactionnelle en cours de séance. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, RE, HOR et GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La discussion générale est close.
    La parole est à Mme Charlotte Parmentier-Lecocq.

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq

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    Je demande une suspension de séance.

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à quinze heures trente-cinq, est reprise à seize heures dix.)

    Mme la présidente

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    La séance est reprise.

    Discussion des articles

    Mme la présidente

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    J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

    Article 1er

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Christian Baptiste, premier orateur inscrit sur l’article 1er.

    M. Christian Baptiste

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    Le chlordécone, ce poison qui a imprégné notre terre, nos rivières et la vie de nos concitoyens, est à l’origine d’un cri de désespoir que notre nation ne peut ignorer. Certains peuvent se cacher derrière les non-lieux pour échapper à leurs responsabilités ou invoquer les prescriptions pour éviter de plonger dans les profondeurs de la tragédie humaine.
    En soutenant cette proposition de loi, nous faisons face à notre propre responsabilité collective envers nos concitoyens. Les victimes du chlordécone exigent que nous prenions position et que nous agissions maintenant. C’est un appel à l’action immédiate, à la justice réelle et à la restitution de la dignité volée à nos concitoyens.
    Alors oui, vous me direz qu’il est indéniable que des actions ont été entreprises depuis la tragédie du chlordécone dans le cadre du prétendu plan Chlordécone. Celui-ci est cependant loin d’être à la hauteur des enjeux colossaux auxquels nous devons faire face. Certes, des mesures ont été prises mais elles ne prévoient pas les réparations nécessaires, tant sur le plan de la santé que sur ceux de la justice ou de l’environnement.
    En soutenant cette proposition de loi, nous disons non seulement que les actions passées ont été insuffisantes mais aussi que nous sommes prêts à rectifier le tir et à déployer des mesures qui répondent véritablement aux besoins des victimes. Faisons preuve de courage politique et adoptons des solutions ambitieuses. C’est pourquoi je voterai le texte.
    J’aimerais enfin m’adresser à Mme Parmentier-Lecoq.

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    C’est terminé, ça suffit !

    M. Christian Baptiste

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    Chère Charlotte, comment les Guadeloupéens comprendraient-ils que vous qui êtes née sur les terres guadeloupéennes ne vous engagiez pas en faveur de l’adoption de cette loi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

    Mme Maud Petit

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    On n’a fait que ça !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sandrine Rousseau.

    Mme Sandrine Rousseau

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    Cet article vise à reconnaître la responsabilité de l’État dans la mesure où il n’a pas respecté les avis scientifiques ni suivi les interdictions prononcées par d’autres pays, notamment les États-Unis. C’est bien l’État en tant qu’institution – autrement dit le Gouvernement – qui a autorisé la mise en vente de ces pesticides. C’est donc lui qui doit être considéré comme totalement responsable de leur usage.
    Il n’est pas question, par quelque tour de passe-passe ou manœuvre de contournement, d’écrire dans ce texte que les planteurs seraient les premiers responsables. Bien sûr, les propriétaires de plantations de bananes ont utilisé ce qui était autorisé par l’État (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES et sur plusieurs bancs du groupe LIOT), mais si vous autorisez la vitesse à 130 kilomètres à l’heure sur l’autoroute, vous ne pouvez pas vous plaindre que des conducteurs roulent à 130 kilomètres à l’heure sur l’autoroute.
    Il s’agit d’un texte historique car, pour la première fois, l’État sera reconnu responsable d’avoir autorisé des produits dangereux. Je vous garantis que cela pourra faire jurisprudence. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES et sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Nicolas Sansu.

    M. Nicolas Sansu

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    Le scandale du chlordécone, avec son lot de victimes des contaminations des terres, des cours d’eau et de la mer, représente la quintessence de deux maux qui se sont combinés dans les Antilles françaises. Le premier est l’irresponsabilité écologique, avec l’épandage d’un pesticide dangereux et reconnu comme tel par des scientifiques américains dès 1976.

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    On en a déjà parlé dans la discussion générale !

    M. Nicolas Sansu

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    Ce ne sont donc pas trois ans de dérogation mais dix-sept ans de déni et de dégâts insupportables qui ont été imposés à nos compatriotes. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.)
    Ensuite, comme cela a déjà été dit, si ce scandale avait eu lieu dans l’Hexagone, voilà bien longtemps que l’État aurait pris cette question à bras-le-corps – les relents coloniaux, voire colonisateurs sont encore bien présents. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES. – M. Olivier Faure applaudit également.)
    C’est pourquoi j’en appelle à ce que Malcolm Ferdinand nomme à juste titre une action « pour une écologie décoloniale ». Il faudra passer par une autorité indépendante pour assurer la réparation, la protection et la confiance. Nous ne sommes, je le crois, qu’au début de ce processus. Aussi aurai-je la responsabilité, au nom de la commission des finances, et dans le cadre du Printemps de l’évaluation, de mener des travaux à propos de l’efficacité des politiques publiques concernant le chlordécone et les sargasses, comme le prévoit le programme 162 de la mission Cohésion des territoires, et ce rapport sera rendu en mai prochain.
    Si notre groupe GDR-NUPES apprécie les premiers pas de ce jour, il est clair qu’ils ne suffiront pas pour achever la longue marche permettant de retrouver confiance et d’assurer l’égalité entre tous nos concitoyens avec le respect et la dignité que l’État leur doit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Max Mathiasin.

    M. Max Mathiasin

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    Je ne suis pas de ceux qui viennent quémander devant vous ici, et je ne crois pas que ce soit le cas de nos concitoyens ultramarins ni de leurs représentants dans cette assemblée, épris d’esprit républicain et de liberté.
    Commes tous les Guadeloupéens et les Martiniquais, je suis issu d’un pays où l’esclavage avait été aboli en 1794 par la Révolution, avant d’être rétabli en 1802, comme pour d’autres aussi.

    M. Jean-Victor Castor

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    Eh oui !

    M. Max Mathiasin

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    Et si nous en sommes arrivés à une abolition définitive, c’est grâce au combat que ces peuples et tous ceux qui sont épris de liberté ont mené dans leurs territoires respectifs.
    Cette proposition de loi est un cri pour la dignité définitive et complète, un cri du cœur ! Nos populations nous regardent, nos populations attendent, rivées à leur poste de télévision et de radio. J’aurais aimé que la ministre du travail, de la santé et des solidarités soit présente, mais il y a bien eu de toute façon un ministre en charge qui, à l’époque, a signé les autorisations ! Ce ne sont pas les planteurs de bananes, petits ou grands, qui ont d’eux-mêmes décidé d’épandre le chlordécone alors que l’interdiction était déjà appliquée en France hexagonale.
    Traitons-nous tous avec dignité, avec respect et dans un esprit d’égalité. C’est la raison pour laquelle je vous demande ici, mes chers collègues, madame la ministre déléguée, que nous reconnaissions tous la responsabilité de l’État et que nous arrêtions de biaiser avec l’esprit de liberté, avec la République, avec la politique !
    J’attends la discussion des amendements et la rédaction de la proposition de loi à l’issue de cette première lecture, et j’espère que nous allons avoir le courage d’aller jusqu’à cette reconnaissance de responsabilité. (M. Olivier Serva applaudit.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Philippe Nilor.

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    Il s’est déjà exprimé dans la DG !

    M. Jean-Philippe Nilor

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    Ce qui est en train de se passer aujourd’hui dans cet hémicycle est proprement inqualifiable. Au départ, l’orientation du Gouvernement, c’était de mentionner une part de responsabilité de l’État, mais pas sa responsabilité entière. Cette stratégie a échoué. Maintenant, on nous impose des négociations, chipotant sur les mots, car l’on considère que le collègue Califer n’a pas suffisamment bien écrit le texte… pour imposer une nouvelle rédaction. Mais c’est une opération purement de communication que vous êtes en train de mener, madame la ministre déléguée, sur le dos de la souffrance des gens ! (« Eh oui ! » sur divers bancs du groupe LFI-NUPES.) Respectez la souffrance des gens ! (Mêmes mouvements.)
    Au demeurant, si ce gouvernement était si concerné, il n’aurait pas attendu qu’un collègue de Guadeloupe dépose une proposition de loi sur le sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur plusieurs bancs du groupe GDR-NUPES.) Il fallait qu’il anticipe les choses, assume ses responsabilités et nous propose un projet de loi cohérent, lequel aurait été peut-être beaucoup plus loin encore. Vous ne l’avez pas fait et il est trop tard pour vouloir le faire à la dernière minute. Respectez-nous ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des outre-mer.

    Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée chargée des outre-mer

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    Il faut être extrêmement clair : le Gouvernement n’a pas attendu pour reconnaître la part de responsabilité de l’État dans l’exposition au chlordécone.

    M. Jiovanny William

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    On vous a forcés !

    Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée

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    Le Président de la République a été le premier à reconnaître, dès 2018, cette part de responsabilité et à dénoncer l’exposition au chlordécone comme un scandale environnemental. Je crois que sa déclaration a été d’une extrême clarté et que cela mérite d’être rappelé ici. Je tiens à répondre à chacun des orateurs qui se sont exprimés dans le cadre de la discussion générale et de la discussion sur l’article.
    Monsieur Hajjar, vous avez raison de souligner l’importance du rapport parlementaire rendu en 2019 par Serge Letchimy et Justine Benin, lequel contenait quarante-neuf recommandations pour tirer les enseignements de l’exposition au chlordécone afin d’informer, de protéger et de réparer. La quasi-totalité de ces recommandations est intégrée au plan Chlordécone IV, les mesures que celui-ci prévoit étant même nettement plus ambitieuses : le budget augmente ; la chlordéconémie est gratuite ; un fonds d’indemnisation des victimes a été créé et s’adresse à ceux qui ont subi à ce titre une maladie professionnelle mais aussi à leurs enfants exposés dans le cadre prénatal ; des aides aux éleveurs sont prévues ; la prise en charge des surcoûts du traitement de l’eau est assurée, des associations comme Phyto-Victimes, qu’a évoquée Charlotte Parmentier-Lecocq, aident les victimes à obtenir réparation ;…

    Mme Delphine Batho

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    Pas grâce au Gouvernement.

    Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée

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    …enfin, l’amplification des travaux de recherche, y compris sur la dépollution des sols et sur la recherche en matière de santé des personnes, est assurée grâce un budget en nette hausse. Évidemment, cette dynamique mérite d’être poursuivie, des améliorations sont possibles et le Gouvernement est bien sûr à l’écoute pour que nous travaillions tous ensemble.
    Monsieur Christophe, vous avez raison de rappeler que beaucoup de fausses informations circulent et que les mécanismes de prévention et de réparation ne sont pas encore suffisamment connus. Il faut rappeler qu’un changement d’habitudes alimentaires avec l’aide d’un nutritionniste peut permettre aux personnes exposées de revenir à un taux normal de chlordécone,…

    M. Philippe Juvin

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    Un taux normal de chlordécone ? C’est quoi ça ?

    Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée

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    …c’est-à-dire inférieur au seuil de danger, et que des soins sont possibles. Les mécanismes de prévention et de réparation ne sont pas suffisamment connus, disais-je, et c’est pourquoi nous faisons en sorte, avec l’association Phyto-Victimes, qu’ils le soient davantage, y compris auprès des professionnels de santé. Cette politique doit évidemment être poursuivie, sachant que l’objectif est 0 % d’exposition au chlordécone pour l’ensemble des Antillais, c’est-à-dire zéro chlordécone dans l’alimentation
    Madame Rousseau, sans en minorer l’impact, je rappelle que les scientifiques indiquent que le chlordécone s’élimine naturellement de l’organisme si l’on supprime les expositions alimentaires, sans tourner le dos à l’ensemble de la production locale.

    Mme Sandrine Rousseau

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    Il y en a encore dans les sols !

    Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée

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    Il y a évidemment des solutions pour tendre vers le zéro chlordécone dans l’alimentation, ce qui est, je le répète, notre priorité. L’ensemble des Antillais qui en font la démarche et aussi l’ensemble des collectivités locales qui nous aident à aller vers ces publics vulnérables permettront d’y parvenir. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme Sandrine Rousseau

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    Ce que vous êtes en train de faire n’est pas correct !

    Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée

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    Si la colère est compréhensible, elle ne doit pas être un obstacle à la prévention. (Mêmes mouvements.) Par ailleurs, en ce qui concerne la pollution des sols, je rappelle que tous ne sont pas contaminés : la pollution concerne 20 % des sols agricoles en Guadeloupe et un tiers des terres en Martinique. Je ne dis pas cela pour en minimiser l’impact…

    Mme Marie Pochon

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    Oh non !…

    M. Jean-Victor Castor

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    C’est scandaleux !

    Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée

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    …mais les chiffres parlent d’eux-mêmes. Il est important que l’ensemble des Antillais puissent avoir conscience de la réalité de l’impact, et une cartographie publique le détaillant parcelle par parcelle est disponible en ligne. Il me semble important, là aussi, de partager ces informations. Enfin, je rappelle que toutes les cultures ne sont pas sensibles au chlordécone : je citerai, par exemple, les agrumes, les goyaves, les piments, les gombos, l’ananas, le chou et d’autres cultures encore.

    Mme Ségolène Amiot

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    Alors tout va bien !

    Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée

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    Monsieur Juvin, comme vous l’avez dit, il n’y a qu’un seul pays : la France. Je vous rejoins parfaitement sur ce point. Et c’est pourquoi il ne peut pas y avoir de santé à deux vitesses, de prévention à deux vitesses ni de réparation à deux vitesses. Oui, il n’y a qu’un seul pays : la France. Mais il me semble que vous avez commis une erreur en ce qui concerne le budget du plan Chlordécone IV puisqu’il s’élevait initialement à 92 millions d’euros et atteint 130 millions d’euros aujourd’hui.
    Monsieur Serva, vous m’avez, comme d’autres de vos collègues, incitée à reconnaître la responsabilité de l’État en raison des autorisations qu’il a délivrées. On aura l’occasion au cours du débat de reparler de ce point, mais je répète d’emblée que l’État reconnaît toute sa part de responsabilité. En revanche, comme l’ont dit Maud Petit et d’autres orateurs, si l’État est entièrement responsable pour ce qui relève de ses compétences, il faut clairement reconnaître que le mode de fabrication et d’utilisation du produit entraînait la responsabilité d’autres acteurs.

    Mme Danielle Simonnet

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    Le Gouvernement savait !

    Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée

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    Je pense qu’il est donc important pour les Antillais qui demandent réparation qu’ils puissent s’adresser certes à l’État pour ce qui relève de ses responsabilités, mais aussi à des acteurs qui ont été cités sur tous les bancs, pour que le préjudice subi soit justement indemnisé. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    M. Davy Rimane

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    C’est l’État qui a donné son feu vert !

    Mme la présidente

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    Nous en venons à l’examen des amendements. Les amendements nos 31 de Mme Maud Petit et 32 de Mme Charlotte Parmentier-Lecoq, pouvant être soumis à une discussion commune, sont retirés.

    (Les amendements nos 31 et 32 sont retirés.)

    Mme la présidente

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    L’amendement no 33 de Mme Charlotte Parmentier-Lecocq est retiré.

    (L’amendement no 33 est retiré.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sandrine Dogor-Such, pour soutenir l’amendement no 14.

    Mme Sandrine Dogor-Such

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    Ceci est un amendement d’appel visant à faire reconnaître que l’utilisation du chlordécone, au-delà des conséquences sanitaires, écologiques ou économiques, a également engendré de graves répercussions sociales sur la population locale. Des familles qui vivaient de leur activité se sont retrouvées sans rien quasiment du jour au lendemain, des savoir-faire hérités de traditions séculaires et qui se transmettaient de génération en génération ont été perdus, des liens ont été brisés. Aujourd’hui encore, de nombreuses familles vivent dans l’inquiétude et ne peuvent jouir sereinement de leur terre par peur de la contamination. C’est toute une culture, toute une structure sociale, qui a été impactée. Même si, en droit français, le concept de préjudice social n’est pas explicitement reconnu, il existe des situations où les tribunaux peuvent tenir compte de l’impact social d’un préjudice dans l’évaluation des dommages et intérêts. Par le biais de cet amendement, nous appelons donc les autorités à reconnaître que l’utilisation de ce pesticide a un impact social conséquent dans plusieurs de nos départements d’outre-mer.

    Mme la présidente

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    Sur l’amendement no 14, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Elie Califer, rapporteur de la commission des affaires sociales

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    Nous comprenons l’idée qui sous-tend l’amendement ; cependant, cette dimension est déjà prise en compte dans la rédaction actuelle. Les territoires sont victimes, mais les hommes et les femmes qui les habitent également. L’amendement étant satisfait, j’émets un avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée

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    Défavorable, pour les mêmes raisons que le rapporteur.

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 14.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        142
            Nombre de suffrages exprimés                141
            Majorité absolue                        71
                    Pour l’adoption                13
                    Contre                128

    (L’amendement no 14 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Sur l’amendement no 18, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à Mme Mereana Reid Arbelot, pour soutenir l’amendement no 28.

    Mme Mereana Reid Arbelot

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    Il vise à étendre le bénéfice de l’indemnisation aux victimes indirectes de l’exposition au chlordécone.
    De nombreux systèmes d’indemnisation visant à réparer des dommages sanitaires, tels les régimes visant les victimes de l’amiante et celles des erreurs médicales, prévoient l’indemnisation des victimes indirectes et des ayants droit. En effet, le droit civil français reconnaît les divers préjudices que peuvent subir les victimes indirectes : frais d’obsèques en cas de décès de la victime, perte de revenu, préjudice moral d’accompagnement, préjudice moral d’affection et autres préjudices extrapatrimoniaux. Or le système d’indemnisation des victimes des essais nucléaires, prévu dans la loi du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français, dite loi Morin, et celui des victimes du chlordécone, qui les fait bénéficier du fonds d’indemnisation des victimes des pesticides, ne prévoient rien au sujet des victimes indirectes. C’est une anomalie.
    Les milliers de manifestants réunis à Fort-de-France le 10 décembre 2022, à la suite de la décision du parquet de demander un non-lieu dans l’enquête sur l’usage du chlordécone aux Antilles – non-lieu finalement prononcé le 2 janvier 2023 –, demandaient justice pour les victimes tant directes qu’indirectes de l’exposition au chlordécone. Les victimes indirectes et les ayants droit étaient d’ailleurs inclus dans les mesures envisagées dans les propositions de loi déposées respectivement par Elie Califer et Marcellin Nadeau, et enregistrées à la présidence de l’Assemblée le 20 juillet 2023. Ces deux textes visant à l’indemnisation des victimes du chlordécone en Martinique et en Guadeloupe ont obtenu le soutien de nombreux autres députés ultramarins. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES et sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Elie Califer, rapporteur

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    Le préjudice moral est bien réel. Vous faites allusion à ce qui a été fait pour les victimes de l’amiante ; j’appelle à suivre le même schéma pour le chlordécone. Avis favorable et merci pour cette proposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée

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    Le Gouvernement est défavorable à l’amendement.

    M. Davy Rimane

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    Non mais franchement…

    Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée

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    Nous considérons en effet que les préjudices moraux évoqués relèvent de l’appréciation du juge et qu’il convient, avant de les définir, de préciser le périmètre et les modalités de financement et de mise en œuvre de l’indemnisation.

    M. Sylvain Maillard

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    Elle a raison !

    (L’amendement no 28 est adopté.)
    (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Katiana Levavasseur, pour soutenir l’amendement no 18.

    Mme Katiana Levavasseur

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    On l’a dit, la population ultramarine est méfiante envers les autorités métropolitaines. Après des années de dissimulation et de minimisation, c’est compréhensible. Aussi, par le présent amendement, souhaitons-nous garantir que l’État associera les autorités et organismes locaux impliqués dans la gestion du problème aux futurs projets ayant trait au chlordécone. Ces structures y ont toute leur place et il est essentiel de l’inscrire noir sur blanc dans la loi. En plus de rassurer la population locale, le fait de travailler en partenariat avec l’État permettra, avec le temps, de rétablir la confiance entre toutes les parties.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Elie Califer, rapporteur

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    Lorsque la proposition avait été examinée en commission, j’avais souhaité rester sur l’essentiel, sans entrer dans le détail. Je vous redemande d’accepter ce principe : concentrons-nous sur le cœur du sujet, et on verra les détails plus tard. Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée

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    L’amendement est en réalité satisfait. Je vous propose de le retirer ; à défaut, mon avis sera défavorable.
    Les travaux de recherche sur le chlordécone mobilisent d’ores et déjà une large communauté d’acteurs scientifiques qui travaillent, au niveau tant local que national, sur la dépollution des sols, la santé féminine ou les transferts de la molécule dans l’environnement. à titre d’exemple, la région de Guadeloupe et la collectivité territoriale de Martinique cofinancent l’appel à projets Chlordécone de l’Agence nationale de la recherche (ANR), lancé en 2022 et doté d’un budget inédit de 5,5 millions d’euros, dont 1 million à la charge des collectivités et 4,5 millions à celle de l’État.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Pierre Cazeneuve.

    M. Pierre Cazeneuve

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    Pour abonder dans le sens du Gouvernement et du rapporteur, depuis le premier plan Chlordécone, un travail conjoint est mené entre les autorités de l’État et les collectivités territoriales ultramarines. L’amendement est donc satisfait. L’adopter reviendrait à dire que cette collaboration n’existe pas, ce qui serait injuste. Il faut donc, bien sûr, le repousser. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    M. Sylvain Maillard

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    Très bien !

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 18.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        147
            Nombre de suffrages exprimés                146
            Majorité absolue                        74
                    Pour l’adoption                15
                    Contre                131

    (L’amendement no 18 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, pour soutenir l’amendement no 35 qui fait l’objet d’un sous-amendement, no 40.

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq

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    Je me permets d’abord de revenir sur l’amendement no 32 qui tendait à réécrire l’article et que j’ai retiré au début de la discussion. En effet, je voudrais expliquer pourquoi le groupe Renaissance n’est pas d’accord avec la rédaction actuelle de l’article 1er. En l’état, celui-ci exclut la responsabilité d’autres acteurs que l’État – celle des producteurs, des industriels et des élus locaux de l’époque. C’est un peu facile et je déplore que nous ne soyons pas parvenus à un accord sur ce point. Cependant, comme Maud Petit qui a aussi retiré son amendement, je souhaite éviter toute ambiguïté quant à la volonté de la majorité de reconnaître la part de responsabilité qui revient à l’État.
    Je regrette également que la portée de l’article soit essentiellement symbolique. Les mesures prévues sont insuffisantes et il faut aller plus loin dans l’action. L’amendement no 35 vise à ajouter, après l’alinéa 2, l’alinéa suivant : « Elle s’engage pour ce faire à conduire les actions visant à supprimer le risque d’exposition à la chlordécone en priorité pour protéger la santé des populations, en particulier en matière de sécurité sanitaire et de l’alimentation. » En effet, ces éléments manquent à l’article 1er.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir le sous-amendement no 40 et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement no 35.

    M. Elie Califer, rapporteur

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    Madame Parmentier-Lecocq, chère collègue Maud Petit, je vous remercie pour le geste que vous avez fait en retirant les amendements de réécriture de l’article, dont l’idée – et non la formulation – était presque insultante. Vous faites preuve de responsabilité car vous connaissez nos territoires et la souffrance de nos populations ; vous savez donc pertinemment que votre démarche aurait été mal vue.
    Quant à l’amendement no 35, la suppression du risque d’exposition est un objectif à atteindre. Sous réserve de l’adoption de mon sous-amendement no 40, avis favorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention, pour donner l’avis du Gouvernement.

    M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention

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    Nous sommes favorables au sous-amendement rédactionnel et de cohérence du rapporteur. Comme certains orateurs l’ont souligné, la réduction de l’exposition au chlordécone grâce à l’action sur l’alimentation est une priorité du plan lancé par le Président de la République et soutenu par la majorité. Ce plan s’attaque pour la première fois au fléau du chlordécone de manière convaincante, fort des budgets nécessaires et de la coopération de nombreuses parties prenantes.
    Nous sommes également favorables à l’amendement qui permet d’inscrire dans la loi l’engagement pérenne de l’État de protéger la santé des populations, et de faire de l’objectif de sécurité sanitaire un élément majeur du plan Chlordécone.

    (Le sous-amendement no 40 est adopté.)

    (L’amendement no 35, sous-amendé, est adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, pour soutenir l’amendement no 38 qui fait l’objet de plusieurs sous-amendements.

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq

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    Il vise à intégrer à l’article un dispositif qui n’est pas encore prévu : une commission de suivi indépendante qui évaluera le déploiement de la stratégie en matière de chlordécone, afin de mesurer les avancées qu’elle permet ainsi que les progrès réalisés par la recherche, et d’examiner les pistes susceptibles d’améliorer l’accès des victimes à l’indemnisation. Il s’agirait par exemple d’aider ces dernières à monter les dossiers, mais aussi de réfléchir sur l’élargissement du périmètre de l’indemnisation au-delà des maladies professionnelles.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir les sous-amendements nos 41 et 42, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

    M. Elie Califer, rapporteur

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    Nous sentons, madame Parmentier-Lecocq, que vous avez bien travaillé le sujet et nous apprécions votre amendement qui vise à confier à une instance indépendante le soin d’évaluer les actions mises en œuvre en application de ce texte. Il est en effet nécessaire d’évaluer régulièrement l’avancement vers les objectifs. Je soutiens donc l’amendement, auquel je souhaite néanmoins apporter trois modifications – de portée modeste, elles ne dénaturent pas votre proposition.
    Le sous-amendement no 41 modifie l’endroit où serait placé le nouvel alinéa : il semble plus logique que l’instance d’évaluation soit mentionnée à la fin de l’article 1er, une fois que tous les objectifs ont été énoncés.
    Le sous-amendement no 42 reformule une expression qui manquait de précision : vous parliez d’évaluer les « impacts de la stratégie », sans qu’on sache de quelle stratégie il s’agit ; je propose d’évaluer « l’atteinte [des] objectifs ». Cela serait plus logique, sans rien changer sur le fond.
    Enfin, le sous-amendement no 43, que je me permets de défendre également, modifie la périodicité des rapports que rendra cette instance. Vous prévoyez un premier rapport fin 2027, soit dans quatre ans ; ce délai étant trop important, je propose que ce rapport soit rendu fin 2025, afin de faire le point. Par ailleurs, vous prévoyez un rapport tous les sept ans. Les avancées pouvant être mesurées plus souvent, je suggère de le faire tous les trois ans, pour bénéficier d’un retour régulier du terrain et mobiliser l’ensemble des acteurs.
    Sous réserve de l’adoption de ces trois sous-amendements, je donnerai un avis favorable à l’amendement.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Pierre Cazeneuve, pour soutenir le sous-amendement no 44.

    M. Pierre Cazeneuve

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    Il s’agit de préciser que l’instance indépendante se prononce non sur la « stratégie » – terme assez vague – mais bien sur le plan stratégique de lutte contre la pollution par la chlordécone, dont la quatrième version, adoptée en 2021, court jusqu’en 2027.

    M. Sylvain Maillard

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    Il a raison !

    M. Pierre Cazeneuve

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    C’est ce plan qui doit être évalué de manière indépendante car c’est grâce à lui que l’État et les collectivités agissent de concert sur la dépollution ou sur les tests. Il s’agit de ne pas laisser entendre que rien ne serait fait. Je rappelle que le budget du plan Chlordécone IV, initialement de 93 millions d’euros, a été porté à 130 millions en février 2023.
    Il convient de souligner l’importance de ce plan, en y rattachant le travail de la commission indépendante. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    Le sous-amendement no 43 du rapporteur a été défendu.
    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Elie Califer, rapporteur

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    Monsieur Cazeneuve, votre sous-amendement a le même objectif que le mien : clarifier. Vous proposez que la commission mesure les impacts du plan Chlordécone, je propose qu’elle évalue l’atteinte de l’ensemble des objectifs. Je crois que nous pouvons nous accorder autour de cette volonté, que j’ai ressentie sur tous les bancs.
    Ma rédaction me semble toutefois préférable. Vous visez le plan Chlordécone, mais nul ne sait s’il existera toujours demain et si les actions ne prendront pas une autre forme. Je recommande de sertir dans la loi une formulation plus générale et intemporelle. De plus, en ne visant que le plan, vous faites l’impasse sur les procédures d’indemnisation, qui n’entrent pas dans son champ. Je vous suggère de vous rallier à ma rédaction, claire et raisonnable, et de retirer votre sous-amendement.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée

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    Je veux d’abord saluer le dialogue qui s’est ouvert entre Mme Parmentier-Lecocq et le rapporteur Califer, conduisant l’une à retirer certains de ses amendements en commission, l’autre à proposer ici un sous-amendement.

    M. Sylvain Maillard

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    Très bien !

    Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée

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    Le Gouvernement est favorable à l’amendement et à l’ensemble des sous-amendements. Ne le prenez pas mal, monsieur le rapporteur, mais ceux-ci ne nous semblent pas contradictoires.

    M. Erwan Balanant

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    C’est la culture du compromis !

    Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée

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    L’évaluation par une instance indépendante nous paraît essentielle. Elle permettra d’améliorer, si besoin, les mesures engagées. Nous souhaitons aussi que le bilan annuel du plan Chlordécone, qui sera publié en avril, soit présenté en avant-première aux parlementaires. Nous pourrons proposer à cette occasion des pistes de travail pour cette instance indépendante. Enfin, nous sommes favorables à ce que celle-ci remette son premier rapport d’ici à la fin de 2025, puis l’actualise tous les trois ans.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Paul Christophe.

    M. Paul Christophe

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    Il ne s’agit pas d’insulter qui que ce soit et je veux rassurer le rapporteur : ce qui nous rassemble, ce ne sont pas seulement deux ports, mais l’ambition de voir réparer cette injustice flagrante. Seulement, notre décision ne doit pas écraser les responsabilités autres, que des actions en justice visent aujourd’hui. La rédaction que nous adopterons doit certes reconnaître la responsabilité de l’État, mais sans lui imputer toutes les responsabilités ni exonérer les autres acteurs.
    Il est intéressant de retenir la proposition de Pierre Cazeneuve pour que l’évaluation porte à la fois sur la stratégie et l’atteinte des objectifs. Les rédactions ne semblant pas contradictoires, mais complémentaires, il serait de bon ton de voter le sous-amendement no 44.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Charlotte Parmentier-Lecocq.

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq

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    Je suis d’accord avec le rapporteur, le premier rapport de la commission de suivi devra être remis plus tôt, en 2025, et réactualisé tous les trois ans car l’un des buts est de rendre visibles les progrès de la stratégie sur le chlordécone. Je soutiens donc le sous-amendement no 43.
    Je voterai aussi en faveur du sous-amendement de Pierre Cazeneuve car il faut être vigilant et précis : la commission doit évaluer les travaux et les résultats de la stratégie sur le chlordécone et ne pas s’attacher exclusivement aux objectifs, quelque peu reculés, de la proposition de loi.

    (Le sous-amendement no 41 est adopté.)

    (Le sous-amendement no 42 est adopté ; en conséquence, le sous-amendement no 44 tombe.)

    (Le sous-amendement no 43 est adopté.)

    (L’amendement no 38, sous-amendé, est adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sandrine Rousseau, pour soutenir l’amendement no 25.

    Mme Sandrine Rousseau

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    Il vise à demander l’étude des effets des « cocktails » de produits phytosanitaires et à intégrer leurs victimes dans la réparation. En effet, la Guadeloupe et la Martinique, très exposées au chlordécone, l’ont aussi été au glyphosate, par exemple. Les conséquences sur la santé de la combinaison des deux produits, notamment au moment de leur dégradation, ne sont pas analysées.
    En tenant compte des remarques faites en commission, nous proposons une rédaction qui permette d’imaginer une réparation globale des effets conjugués des produits chimiques introduits dans le sol, où ils perdurent pendant des années.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Elie Califer, rapporteur

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    Cette question nous intéresse particulièrement. L’exposition aux produits a été générale, dans tout l’environnement. Toutefois, votre amendement pourrait brouiller le message que nous voulons faire passer et, pour rester sur l’essentiel de notre texte, nous y opposons un avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Frédéric Valletoux, ministre délégué

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    Madame Rousseau, si vous aviez regardé de près le plan Chlordécone du Gouvernement, vous auriez vu que l’effort de recherche répond à votre demande. Je rappelle que le volet Recherche du plan mobilise des sommes importantes, qui passeront de 26 millions d’euros en 2023 à 52 millions en 2030, soit un doublement. Les études, dont l’objet est d’améliorer la compréhension de phénomènes scientifiques, portent sur la dépollution des sols, la santé des femmes, les liens entre la chlordécone et certains cancers, dont celui de la prostate ; elles s’appuient notamment sur une cohorte de plus de 10 000 travailleurs en bananeraie.
    Sur les interactions entre produits, je veux citer l’étude Kannari 2, lancée par Santé publique France, dix ans après un premier volet. Visant à mesurer l’imprégnation des populations, elle a élargi la liste des molécules recherchées dans le sang à d’autres pesticides et métaux lourds. De son côté, le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) a publié des travaux sur le lien entre chlordécone et glyphosate dans l’environnement. Enfin, l’Observatoire de la pollution agricole aux Antilles (Opale), financé par le plan Chlordécone, analyse les transferts de tous les pesticides sur deux bassins versants terre-mer pilotes.
    Cet amendement est satisfait. Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Joëlle Mélin.

    Mme Joëlle Mélin

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    Nous sommes tout à fait d’accord avec l’amendement d’appel de Mme Rousseau. Les effets « cocktail » constituent une bombe à retardement. Dès que les imputabilités auront été établies, quand les dommages corporels, en conséquence directe ou indirecte d’une exposition, auront été reconnus, il faudra une prise en charge. À cet égard, il est déplorable que des fonds de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) soient ponctionnés pour d’autres risques alors que cette bombe à retardement explosera bientôt. Les sommes pour indemniser les victimes de ces contaminations devraient d’ores et déjà être disponibles. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)

    (L’amendement no 25 est adopté.)
    (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES et LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de plusieurs demandes de scrutin public : par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale sur les amendements nos 1 et 2 ; par le groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES sur l’amendement no 26.
    Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Jean-Philippe Nilor, pour soutenir l’amendement no 1.

    M. Jean-Philippe Nilor

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    Cet amendement est particulièrement important – je dirais même vital. Nous voulons préciser la rédaction du dispositif afin de garantir l’indemnisation de toutes les victimes du chlordécone.
    Actuellement, l’indemnisation est tardive, elle est complexe et, de surcroît, restreinte. Bien que le cancer de la prostate lié à la surexposition au chlordécone figure depuis 2021 au tableau des maladies professionnelles, les travailleurs agricoles se heurtent à des critères restrictifs. Seuls 150 dossiers ont été reçus à ce jour, pour 12 700 travailleurs en bananeraie. Cela traduit bien un malaise, une difficulté.
    Pour ce qui concerne les femmes, je fais appel à celles qui sont dans l’hémicycle. Les femmes qui travaillaient dans les plantations transportaient le chlordécone à mains nues – oui, vous avez bien entendu : à mains nues ! Mais les cancers du sein ou de l’utérus dont elles souffrent aujourd’hui ne sont toujours pas reconnus comme maladie professionnelle.
    Enfin, l’indemnisation ne concerne que les maladies professionnelles. Elle est donc très limitée et une majorité de la population se trouve ainsi exclue du droit à une réparation pour le préjudice subi.
    Nous proposons de préciser que l’objectif d’indemnisation concerne toutes les victimes, que la contamination ait eu lieu dans le milieu professionnel ou non. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Elie Califer, rapporteur

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    Je pense que votre amendement est satisfait, mais il est toujours bon d’apporter une telle précision. Avis favorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Frédéric Valletoux, ministre délégué

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    Défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Maud Petit.

    Mme Maud Petit

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    C’est un amendement important, sur lequel je me permets d’intervenir brièvement – car nous devons avancer. Le groupe MODEM s’abstiendra.

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 1.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        161
            Nombre de suffrages exprimés                149
            Majorité absolue                        75
                    Pour l’adoption                87
                    Contre                62

    (L’amendement no 1 est adopté ; en conséquence, les amendements nos 26 et 11 tombent.)
    (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Danielle Simonnet, pour soutenir l’amendement no 2.

    Mme Danielle Simonnet

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    Il nous semble important de préciser le champ des personnes concernées par la proposition de loi, afin que toutes les victimes du chlordécone soient reconnues. Par l’amendement précédent, nous avons spécifié que le texte s’appliquerait à toutes les personnes contaminées par le chlordécone, qu’elles l’aient été dans le cadre de leur travail ou non. Par le présent amendement, nous souhaitons indiquer qu’il s’appliquera aux personnes contaminées en Guadeloupe et en Martinique, qu’elles résident toujours dans ces territoires ou qu’elles les aient quittés pour s’installer ailleurs, notamment dans l’Hexagone.
    Nombre de nos compatriotes guadeloupéens et martiniquais exposés auparavant au chlordécone – dont nous connaissons les effets terribles sur la santé – sont susceptibles de résider désormais dans un autre territoire de la République. Même s’ils ne résident plus en Guadeloupe ou en Martinique, justice doit leur être rendue ; indemnisation doit leur être garantie.
    Cet amendement a été préparé avec l’association DiivinesLGBTQIA+ visibilité et représentativité afro-carïbéen.ne.s, dont je salue le travail sur cette question si essentielle pour nombre de nos territoires. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Elie Califer, rapporteur

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    Je tiens aussi à vous féliciter, chère collègue, pour votre travail. Notre proposition de loi vise bel et bien toutes les victimes qui ont été contaminées. La précision que vous souhaitez apporter serait redondante. Je vous demande de retirer l’amendement, sans quoi mon avis sera défavorable. Nous souhaitons conserver au dispositif son caractère synthétique.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée

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    S’agissant de l’exposition au chlordécone, nous devons faire preuve de rigueur scientifique, dans l’analyse comme dans le commentaire. La science nous dit que le chlordécone s’élimine naturellement de l’organisme avec une alimentation adaptée ; le taux de chlordécone dans le sang est alors divisé par deux en moins de six mois. La science dit aussi très clairement que le fait pour une personne d’avoir du chlordécone dans le sang ne signifie pas qu’elle est malade ou qu’elle le sera. Je saisis l’occasion de l’examen de cette proposition de loi, en particulier de cet amendement, pour faire part à la représentation nationale de ces informations importantes. Il faut les rappeler dans l’intérêt des Guadeloupéens et des Martiniquais qui écoutent nos débats.

    Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée

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    Ceux-ci peuvent être légitimement inquiets : s’ils ont été exposés au chlordécone, ils peuvent croire qu’ils sont d’ores et déjà malades et, dès lors, se soustraire – nous avons reçu des témoignages en ce sens – à des examens médicaux sur le fondement desquels ils pourraient au contraire, en changeant leur alimentation, se prémunir contre des risques.

    Mme Sandra Regol

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    C’est de leur faute, alors ?

    Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée

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    À l’instar du rapporteur, je vous demande de retirer votre amendement. À défaut, mon avis sera défavorable.

    Mme la présidente

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    Maintenez-vous l’amendement, madame Simonnet ?

    Mme Danielle Simonnet

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    Oui, madame la présidente.
    Le test sanguin est gratuit en Martinique et en Guadeloupe, mais il ne l’est pas dans les autres territoires de la République. Nous souhaitons que toutes les personnes qui ont été contaminées en Martinique et en Guadeloupe bénéficient de la gratuité des tests, quel que soit le lieu où elles résident dorénavant. Telles sont les implications de l’amendement, et elles sont importantes.
    Nombre de nos concitoyens guadeloupéens et martiniquais ont quitté la Guadeloupe ou la Martinique pour vivre dans un autre territoire de la République. Il faut qu’ils soient tous pris en considération. Fort heureusement, il ne suffit pas d’être contaminé pour être condamné, mais n’oubliez pas que beaucoup de victimes viennent se faire soigner dans l’Hexagone et y mourir ! (M. Jean-Philippe Nilor acquiesce.)
    Envisagez cet amendement avec sérieux : toutes les victimes doivent être concernées par le texte, notamment pour bénéficier de la gratuité des tests. D’ailleurs, la politique de sensibilisation et de prévention devrait être menée dans l’ensemble des territoires de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs des groupes SOC et Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Marcellin Nadeau.

    M. Marcellin Nadeau

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    Nous connaissons la complexité de la situation, mais une chose est assez bizarre dans l’affaire du chlordécone : lorsque quelques éléments scientifiques semblent indiquer que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, on les prend en considération ; lorsque d’autres disent l’inverse, on tend à les ignorer.
    Inscrivons au moins dans notre droit le principe selon lequel les membres de ce que l’on pourrait appeler la diaspora antillaise pourront bénéficier de la gratuité des tests. Cet élément nous paraît fondamental. (Mme Danielle Simonnet applaudit.)
    Dès lors que le lien de causalité est démontré, il faut que toutes les victimes soient indemnisées, quelles qu’elles soient et où qu’elles habitent. C’est pourquoi nous soutiendrons cet amendement avec conviction et détermination. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES et Écolo-NUPES ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Sylvain Maillard.

    M. Sylvain Maillard

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    Madame Simonnet, votre propos, au demeurant intéressant, ne correspond pas à ce qui est écrit dans l’amendement. Celui-ci est redondant avec ce qui figure dans la proposition de loi, d’où l’invitation du rapporteur et de la ministre à le retirer. C’est aussi pour cette raison que nous voterons contre.
    Je comprends votre intention : vous êtes convaincue que l’accès aux tests doit être partout gratuit. Déposez un sous-amendement en ce sens et nous nous prononcerons alors à ce sujet. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Maud Petit.

    Mme Maud Petit

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    Je fais partie de la diaspora antillaise : née à Paris, j’ai vécu plusieurs années en Martinique et je suis désormais élue dans le Val-de-Marne. Or je ne suis pas sûre qu’il soit nécessaire que les membres de la diaspora procèdent à un test sanguin. En effet, au bout de quelque temps, avec une alimentation diversifiée, la plus saine possible, le chlordécone disparaît du sang, ainsi que l’a expliqué Mme la ministre. Selon moi, votre amendement n’est pas approprié. Le groupe MODEM ne votera pas en sa faveur.

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 2.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        159
            Nombre de suffrages exprimés                158
            Majorité absolue                        80
                    Pour l’adoption                66
                    Contre                92

    (L’amendement no 2 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sandrine Rousseau, pour soutenir l’amendement no 23.

    Mme Sandrine Rousseau

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    Rien ne pouvait justifier, en 1972, que le ministère de l’agriculture autorise la mise sur le marché du chlordécone, alors que sa toxicité était déjà scientifiquement connue depuis 1963. Rien ne pouvait justifier, le 2 avril 1976, soit un peu moins d’un an après l’incident survenu à l’usine de Hopewell aux États-Unis, que la France prolonge l’autorisation provisoire du chlordécone. Rien ne pouvait justifier, en 1980, l’homologation du chlordécone, alors même que, dès 1979, l’OMS avait classé la molécule parmi les cancérigènes possibles. Surtout, rien ne pouvait justifier que les pouvoirs publics français autorisent, comme ils l’ont fait en 1992, puis une nouvelle fois en 1993, l’utilisation du chlordécone sur les sols martiniquais et guadeloupéens, alors qu’ils l’avaient interdite sur le territoire hexagonal.
    Ces décisions ont été prises en connaissance de cause. Le temps est désormais à la reconnaissance de la responsabilité et à la réparation. Pour réparer et restaurer la confiance, il est nécessaire que la responsabilité des décideurs politiques soit publiquement établie. Grâce à ce travail de mémoire, nous devons nous rappeler les erreurs du passé et éviter de les reproduire.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Elie Califer, rapporteur

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    Je comprends parfaitement ce que vous recherchez par cet amendement, mais l’heure n’est plus à la recherche des responsabilités. La commission d’enquête présidée par Serge Letchimy et dont la rapporteure était Justine Benin a déjà précisé où étaient les responsabilités. Ce que nous voulons maintenant, c’est que la responsabilité de l’État soit reconnue, afin que toutes les conséquences soient tirées en matière de dépollution et d’indemnisation. C’est pourquoi nous donnons un avis défavorable, comme nous l’avions fait en commission.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée

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    Mon avis rejoint celui du rapporteur : défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Charlotte Parmentier-Lecocq.

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq

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    Je souhaite revenir sur la question de la responsabilité.

    Mme Caroline Abadie

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    Très bien !

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq

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    Comme nous souhaitions l’indiquer par certains de nos amendements, cette responsabilité n’est pas unique ; elle est globale et partagée. Plusieurs orateurs l’ont dit dans la discussion générale et c’est aussi le sens du présent amendement. C’est pourquoi je ne comprends pas que nous ne soyons pas parvenus à un accord.
    Il y a quelque chose de cocasse. Nous parlons de la responsabilité de l’État. Or qui était l’État à l’époque où le scandale du chlordécone a eu lieu, c’est-à-dire jusqu’en 1993 ? Qui était alors le chef de l’État ? François Mitterrand, qui était socialiste. Or c’est à l’occasion d’une niche socialiste que l’on nous demande d’adopter un texte reconnaissant la responsabilité de l’État. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – « Et alors ? » et autres exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

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    S’il vous plaît…

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq

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    Il faut être clair. C’est incroyable qu’on en arrive là ! On oublie que tout cela s’est passé il y a plus de trente ans. Certains orateurs essaient de nier l’engagement qui a été celui de la majorité, du Gouvernement et du Président de la République. Quel chef de l’État a enfin reconnu la responsabilité de l’État ? (« C’est nous ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Mme Maud Petit applaudit également.) Cela embête beaucoup de gens de le dire, mais c’est Emmanuel Macron. Dans le prolongement de la commission d’enquête, qui a lancé un véritable plan Chlordécone pour que l’on commence enfin à indemniser les victimes ? (« C’est nous ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RE.) C’est là encore Emmanuel Macron. (Exclamations sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES et SOC.)

    Mme la présidente

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    S’il vous plaît…

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq

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    Je voudrais que l’on prenne en considération que c’est avec cette majorité que l’on avance dans la réparation, dans l’indemnisation et dans le déploiement de la stratégie relative au chlordécone (Mêmes mouvements.) L’heure n’est plus à une chasse aux sorcières. Consacrons dans ce texte – tel était l’objet de mes amendements – l’action qui vise à réparer les dommages causés aux populations antillaises. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Mme Maud Petit applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Davy Rimane.

    M. Davy Rimane

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    Je ne comprends pas ce que vous venez de dire. Nous cherchons non à mettre un nom derrière l’entité État, mais à comprendre ce qui s’est passé. La décision a été prise par les autorités compétentes, qui ont agi dans une continuité, année après année. Que cette politique ait été le fait de la gauche, de la droite, du centre, on s’en fiche ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et SOC. – Mme Astrid Panosyan-Bouvet applaudit également.)

    M. Cyrille Isaac-Sibille

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    C’est la gauche ! Pourquoi ne voulez-vous pas le dire ?

    M. Davy Rimane

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    Il faut reconnaître que l’État a fauté ; le reste ne nous intéresse pas du tout.

    M. Cyrille Isaac-Sibille

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    La gauche a fauté ! (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

    M. Davy Rimane

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    Chers collègues, je vous demande de prendre un peu de hauteur. Je le répète : cela ne nous intéresse pas de savoir si c’était la gauche ou la droite. Tout ce que nous voulons, c’est que l’État, à travers les parlementaires que nous sommes, reconnaisse qu’il a fauté. Nous n’entrerons pas dans la politique politicienne.

    Mme Caroline Abadie

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    Les décideurs politiques ont fauté ! C’est ce qui est écrit dans l’amendement.

    (L’amendement no 23 est adopté.)
    (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES et sur quelques bancs du groupe GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Perceval Gaillard, pour soutenir l’amendement no 5.

    M. Perceval Gaillard

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    Avant de le défendre, je tiens à dire que ce qui vient de se passer est indigne. La nation nous regarde, les Antillais nous regardent. Faire de la politique politicienne sur le dos des victimes est indigne de notre débat ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)
    J’en viens à l’amendement. Mme la ministre déléguée et certains de nos collègues ont expliqué que les bilans sanguins ne servent à rien, puisqu’il est impossible de savoir si l’on est malade ou pas. Il est pourtant écrit dans un rapport de l’Opecst de février 2023 qu’il « apparaît important d’encourager activement des populations sensibles et exposées à réaliser ces analyses, afin qu’elles puissent évaluer leur éventuelle imprégnation et être accompagnées par des professionnels de santé et des équipes formées pour réduire celle-ci. » Alors, qui raconte n’importe quoi ? Vous ou l’Opecst ?
    Par cet amendement, nous proposons qu’une campagne de prévention soit organisée pour encourager les citoyens et les citoyennes à réaliser un dosage sanguin de chlordécone. Ces tests sont gratuits en Martinique, en Guadeloupe, mais payants dans le reste de l’Hexagone.
    Lors de la présentation du bilan du plan Chlordécone IV, en novembre 2022, les résultats étaient décevants car le nombre de personnes dépistées étaient insuffisant – il faut dire que vos propos n’encourageront pas les gens à effectuer la démarche ! Les tests sont pourtant essentiels pour évaluer l’exposition aux pesticides et bénéficier d’un accompagnement adapté. Une campagne à l’échelle nationale permettrait de mieux mesurer l’ampleur de la contamination. C’est un amendement essentiel pour nous faire une idée claire et nette du nombre de personnes contaminées. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Elie Califer, rapporteur

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    Cher collègue, je vous comprends. Moi-même, j’ai eu envie de tout mettre dans un seul texte. Je suis bien conscient de l’importance de cette mesure, mais nous sommes dans le cadre d’une niche ; restons-en au texte. Ce dépistage gratuit pourrait être proposé dans le cadre de la prochaine loi de financement de la sécurité sociale ; il semble que ce soit là le projet de la commission des affaires sociales. Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Frédéric Valletoux, ministre délégué

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    Je salue la sagesse du rapporteur. Il ne faut pas partir dans tous les sens, ni exprimer de la défiance vis-à-vis d’un plan Chlordécone par ailleurs loué par nos partenaires, ainsi que le soulignent de nombreux élus des Antilles.
    Mme la ministre déléguée aux outre-mer n’a jamais dit que les tests ne servaient à rien.

    Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée

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    Au contraire !

    M. Frédéric Valletoux, ministre délégué

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    Elle a insisté sur le fait que la campagne, pour être efficace, devait être ciblée sur les territoires concernés. Les moyens qui y sont consacrés augmenteront dans les années à venir. Ils doivent être concentrés sur les populations les plus exposées, c’est-à-dire celles des Antilles, de Martinique et de Guadeloupe. Pour cette raison, je partage l’avis défavorable du rapporteur.
    Nous devons poursuivre la campagne de tests menée par les agences régionales de santé (ARS). Je rappelle que 30 000 analyses ont déjà été effectuées, que les crédits qui les financent ont déjà été multipliés par près de 2,5 et que l’État, comme il s’y était engagé, poursuivra cet effort de dépistage, de traçabilité et de meilleure compréhension de l’impact scientifique du chlordécone – je fais ici référence aux crédits alloués à la recherche.
    Cet amendement implique un éparpillement de la stratégie ; cela se retournerait contre les premiers concernés.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Maud Petit.

    Mme Maud Petit

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    Je persiste et je signe : il n’est pas nécessaire de mener une campagne au niveau national. Ne me pointez pas du doigt en m’accusant de ne pas vouloir réaliser ces tests et de ne pas passer le message ! Pas plus tard que mardi matin, lors des questions orales sans débat, dans un hémicycle quasiment vide, j’ai interpellé le Gouvernement en lui demandant d’améliorer l’efficacité de la campagne de tests en Martinique et en Guadeloupe, en adressant des courriers à nos concitoyens antillais, pour que chacun sache que ces tests existent. Je n’ai pas été satisfaite de la réponse du ministre délégué, Patrice Vergriete, qui est passé à côté de la question.

    M. Hadrien Clouet

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    Vous voyez, nous sommes d’accord !

    Mme Maud Petit

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    C’est pourquoi je remercie M. le ministre de la santé d’avoir précisé les choses. Le groupe MODEM votera contre l’amendement.

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq

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    Très bien !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Philippe Nilor.

    M. Jean-Philippe Nilor

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    Nous voterons pour cet amendement. J’ai écouté attentivement M. Maillard tout à l’heure. Je dois dire que, pour une fois – c’est rare, et même assez exceptionnel pour être fêté –, j’étais parfaitement en phase avec son argumentaire. Par bon sens, il nous a suggéré de déposer un sous-amendement, ce qui était une proposition particulièrement pertinente ; comme quoi, la vérité peut jaillir de tous les bancs de cette assemblée ! Je comprendrais mal qu’il ne fasse pas campagne pour cet amendement-ci, qui propose exactement les dispositions qu’il souhaitait voir figurer dans le sous-amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
    J’ajoute à l’intention de notre collègue Maud Petit que la moitié de la population antillaise vit dans l’Hexagone.

    M. Perceval Gaillard

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    Eh oui !

    M. Jean-Philippe Nilor