Deuxième séance du mercredi 29 mai 2024
- Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
- 1. Accompagnement des malades et de la fin de vie
- Discussion des articles (suite)
- Article 1er bis (suite)
- Amendements nos 1694, 2086, 3289, 1476, 248 et 2488, 1446, 2087, 1255, 1615
- M. Didier Martin, rapporteur de la commission spéciale
- Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités
- Amendements nos 2485, 2737, 668, 1254, 3126, 1921, 2399, 1160, 2487, 2775, 3127, 2776, 2118, 2911, 2526, 1209, 1177, 2527, 2538, 1478, 1176, 2486, 2075, 1256 et 2528
- Suspension et reprise de la séance
- Amendement no 1807
- Après l’article 1er bis
- Rappel au règlement
- Après l’article 1er bis (suite)
- Article 1er bis (suite)
- Discussion des articles (suite)
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
1. Accompagnement des malades et de la fin de vie
Suite de la discussion d’un projet de loi
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie (nos 2462, 2634).
Discussion des articles (suite)
Mme la présidente
Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 1694 à l’article 1er bis.
Article 1er bis (suite)
Mme la présidente
Je suis saisie de dix amendements, nos 1694, 2086, 3289, 1476, 248, 2488, 1446, 2087, 1255 et 1615, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 1694.
M. Patrick Hetzel
Il vise à substituer à la stratégie décennale un plan triennal.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, présidente de la commission spéciale
Soyez sérieux !
M. Patrick Hetzel
Rendez-vous compte : le Gouvernement nous dit que tout cela se fera sur une période de dix ans, ce qui engagera, de fait, trois présidents de la République successifs, l’actuel et les deux suivants. Tout cela n’est pas très sérieux. Nous l’avons dit et répété : il faut mettre le paquet, à brève échéance.
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités
C’est n’importe quoi !
Mme la présidente
La parole est à M. Jérôme Guedj, pour soutenir l’amendement no 2086.
M. Jérôme Guedj
Au moment de la reprise de notre discussion, je ne crois pas inutile de faire le point, notamment pour vous, madame la présidente, qui n’avez peut-être pas pu suivre nos débats passionnants. (Mme la présidente rit.)
Mme la présidente
Petite mise à jour !
M. Jérôme Guedj
C’est un peu comme le résumé des épisodes précédents dans les séries – on aime bien les séries, surtout politiques.
Nous avons maintenu à l’article 1er bis le principe du droit opposable, voté en commission spéciale. Nous nous livrons à présent à une discussion commune relative à ce qu’il convient exactement de faire de la stratégie décennale introduite lors des travaux de la commission. Bien qu’en discussion commune, les amendements ne sont pas tout à fait de même nature.
Celui que je présente pose le principe d’une loi de programmation pluriannuelle des soins palliatifs. Il rend opérationnel tout ce dont nous avons parlé lors de l’examen de l’article 1er en apportant les garanties auxquelles nous tenons tant. Surtout, et ce n’est pas que nous ne lui fassions pas confiance, mais c’est le gouvernement qui a la main dans une stratégie décennale, puisqu’elle est déclinée dans les projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) successifs.
Je suis bien conscient que cet amendement tend à substituer la loi de programmation à la stratégie décennale, alors même que je défendrai un amendement qui vise simplement à ajouter la loi de programmation à l’article 1er ter. Étant assez favorable à ce que la stratégie décennale figure dans la loi, je suis prêt à le retirer à la condition qu’un consensus se dégage pour tout à la fois conserver la stratégie décennale et introduire la loi de programmation.
Qu’on ne me dise pas que cette disposition est inconstitutionnelle. Nous avons voté une loi de programmation militaire, une loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, une loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice : nous pouvons bien voter une loi de programmation des soins palliatifs !
J’en profite, madame la ministre, pour vous poser une question à laquelle je n’ai toujours pas reçu de réponse. Quel est l’avis du Conseil d’État sur le principe d’une loi de programmation relative au grand âge et à l’autonomie ? Vous avez indiqué lors de votre audition du 24 janvier par la commission des affaires sociales du Sénat que vous attendiez son avis sous un mois. Pour ma part, je pense qu’il est possible de prévoir une loi de programmation sur ce sujet.
Mme la présidente
La parole est à Mme Geneviève Darrieussecq, pour soutenir l’amendement no 3289.
Mme Geneviève Darrieussecq
Bien qu’en discussion commune, il diffère du précédent. Il s’agit d’un amendement de cohérence : dans la mesure où nous avons décidé de conserver à l’article 1er l’expression « soins palliatifs et d’accompagnement », je propose de modifier les alinéas 3, 4, 6 et 7 de l’article 1er bis.
Mme la présidente
La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement no 1476. Est-il du même genre, monsieur le Fur ?
M. Marc Le Fur
Oui, si ce n’est qu’il va à l’opposé de ce que vient de dire notre excellente collègue ! (Sourires.) Nous, nous n’aimons pas le mot « accompagnement », nous lui préférons l’expression « soins palliatifs ». Nous avons bien compris que l’accompagnement était le cheval de Troie du titre II : il annonce un dispositif général intégrant soins palliatifs et fin de vie, ainsi que les moyens liés à l’euthanasie, au suicide assisté – toutes choses dont nous ne voulons pas.
Substituer les mots « soins palliatifs » aux mots « soins d’accompagnement » présente un autre intérêt, madame la ministre : les soins palliatifs peuvent faire l’objet de comparaisons. Nous savons qu’ils s’effondrent dans un certain nombre d’États, dont la Belgique, qui ont choisi la mort administrée.
M. René Pilato
Ce n’est pas vrai !
M. Marc Le Fur
Nous savons qu’à l’inverse, ils progressent en France, mais insuffisamment – il est clair que leur évolution n’est pas celle que l’on pouvait attendre de ce gouvernement.
Il faut donc conserver la mention « soins palliatifs », qui permet la comparaison dans le temps et dans l’espace.
Faut-il préférer une période décennale ou triennale ? Je suis toujours méfiant lorsqu’on fixe un horizon très lointain, cela dédouane ceux qui sont au pouvoir. Plutôt que de les entendre dire : « On verra dans dix ans ! », nous préférons pouvoir observer ce qui se passe chaque année. Un plan triennal peut constituer une solution intermédiaire.
Mme Catherine Vautrin, ministre
C’est un amendement, ça ?
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 248.
M. Thibault Bazin
Je vous présente bien volontiers cet amendement d’Annie Genevard, qui tend à substituer à la terminologie « soins d’accompagnement » celle de « soins palliatifs » et d’adjoindre à celle-ci la notion de « soins de support pratiqués en oncologie ». Dans la littérature scientifique, ils désignent l’ensemble des soins et des soutiens susceptibles d’être offerts à une personne atteinte d’un cancer, en vue d’améliorer sa qualité de vie.
L’expression « soins d’accompagnement » apparaît trop vague et constitue une source de confusion, en particulier avec les maisons d’accompagnement où le suicide assisté et l’euthanasie pourraient se pratiquer, ainsi que vous l’avez indiqué en commission, madame la ministre. La substitution proposée permet de clarifier le périmètre des soins prodigués et d’en exclure l’aide à mourir – le suicide assisté et l’euthanasie –, dont la logique est totalement différente.
Oui, il faut que le plan prévu soit plus court, afin que nous puissions veiller à son déploiement, et je soutiendrai pleinement l’amendement de Patrick Hetzel. Oui, il faut une loi de programmation qui engage, et je soutiendrai l’amendement de Jérôme Guedj. Oui, il faut des définitions claires et intelligibles, et je soutiendrai l’amendement de Marc Le Fur.
Mais il faut surtout que la loi soit intelligible. Il est permis de se demander si le texte issu de la commission ne sera pas partiellement censuré par le Conseil constitutionnel.
Mme la présidente
Les amendements nos 2488 de Mme Mathilde Paris, 1446 de M. Paul-André Colombani, 2087 de M. Jérôme Guedj, 1255 de Mme Emmanuelle Ménard et 1615 de Mme Annie Genevard sont défendus.
La parole est à M. Didier Martin, rapporteur de la commission spéciale pour les articles 1er à 4 ter, pour donner l’avis de la commission.
M. Didier Martin, rapporteur de la commission spéciale
Mon avis est défavorable sur l’ensemble de ces amendements. Nous avons besoin de nous projeter sur le temps long. Quant aux apports des amendements ne traitant pas de la stratégie décennale, ils ne semblent pas indispensables.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités, pour donner l’avis du Gouvernement.
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités
Je suis défavorable à l’ensemble de ces amendements. Nous évoquerons tout à l’heure la loi de programmation. Ce sera pour moi l’occasion de vous répondre, monsieur Guedj.
Mme la présidente
La parole est à M. Arthur Delaporte.
M. Arthur Delaporte
Il est important de voter un de nos amendements car, selon la Cour des comptes, dans son rapport de 2023 sur l’organisation des soins palliatifs et la fin de vie, « les besoins estimés de soins palliatifs ne seraient couverts qu’à hauteur de 50 % de leur estimation maximale, alors même que le droit d’accès aux soins palliatifs, reconnu par la loi Claeys-Leonetti, suppose une couverture de la totalité des besoins ».
Faire une loi de programmation pluriannuelle, c’est prendre des engagements devant le Parlement et – on peut l’espérer – les tenir, en faisant en sorte que les besoins en question soient mieux couverts. Au-delà de l’établissement d’une stratégie gouvernementale, il me semble important, au vu du sujet dont nous débattons et de la mobilisation de nos collègues, que la représentation nationale soit pleinement associée à la définition de ces objectifs et de ces moyens.
Mme la présidente
La parole est à M. Sébastien Peytavie.
M. Sébastien Peytavie
Le groupe Écologiste ne votera pas ces amendements, car nous sommes favorables et à une stratégie décennale et à une loi de programmation. Nous défendrons un amendement en ce sens, le no 2115, après l’article 1er bis.
Mme la présidente
La parole est à Mme Geneviève Darrieussecq.
Mme Geneviève Darrieussecq
Les textes de loi finissent par être totalement illisibles. J’ai proposé un amendement de cohérence, pour la bonne tenue du texte, qui vise simplement à substituer l’expression « soins palliatifs et d’accompagnement » à l’expression « soins d’accompagnement », conformément à la rédaction de l’article 1er. Mais si l’on ne veut pas être cohérent, ce n’est pas grave !
J’entends parler d’une programmation sur trois ans. Je veux bien qu’on prenne des postures en veux-tu en voilà, mais est-il bien raisonnable de programmer sur trois ans un développement des soins palliatifs qui requiert de former des médecins, des infirmiers et des aides-soignants ? Il ne s’agit pas seulement de financer des lits ou des murs, il faut aussi prévoir les ressources humaines ! Cela ne sert à rien de prendre des mesures aussi ambitieuses et d’y consacrer 1 milliard d’euros sur trois ans. Ensuite, nos concitoyens viendront nous reprocher de ne pas avoir réussi, alors même que nous savions que c’était impossible !
Essayons de faire des lois qui permettent d’affirmer qu’on fait ce qu’on a dit. Ne visons pas l’irréalisable ! (M. Frédéric Petit applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.
Mme Emmanuelle Ménard
Monsieur le rapporteur, madame la ministre, souvenez-vous de notre discussion à l’article 1er et du débat sémantique qui nous a opposés sur l’usage des expressions « soins palliatifs » et « soins d’accompagnement ».
Je voudrais vous alerter, chers collègues, sur la disparition de la référence aux soins palliatifs à l’alinéa 4 de cet article 1er bis. Peut-être ne l’avez-vous pas remarqué, mais dans cet alinéa qui prévoit pourtant la stratégie décennale, on ne parle plus que des soins d’accompagnement !
M. Thibault Bazin
Eh oui ! C’est dramatique !
Mme Emmanuelle Ménard
Tout cela est préoccupant et vient confirmer les inquiétudes que nous avions exprimées à l’article 1er.
Mme la présidente
La parole est à M. Gilles Le Gendre.
M. Gilles Le Gendre
Je salue l’intervention de Jérôme Guedj. Nous sommes nombreux ici à souhaiter que, compte tenu de l’importance de l’enjeu qu’ils représentent, une loi de programmation soit consacrée aux soins d’accompagnement et aux soins palliatifs.
Je ne veux pas anticiper l’examen de l’article 1er ter, dont j’ai été indirectement l’auteur, mais je crains que nous ne parvenions pas à traiter de ce sujet capital si nous tentons de le faire à coups d’ajouts d’articles additionnels en commission et d’amendements.
Il me semble que cela nécessite une écriture beaucoup plus mesurée, ciblée et forte. Je défendrai bien sûr l’article 1er ter, mais il n’est pas tout à fait satisfaisant de ce point de vue.
Par ailleurs, une loi ne peut pas imposer une loi. C’est anticonstitutionnel.
M. Arthur Delaporte
Mais on l’a déjà fait !
M. Gilles Le Gendre
Prévoir dans un article de loi sur les soins palliatifs une future loi de programmation ne tient pas la route. Certes, on l’a déjà fait mais l’article se fera retoquer, d’une manière ou d’une autre.
Si on veut se lancer dans une démarche de cette nature, il faut sans doute mieux entreprendre un travail avec le Gouvernement et les groupes parlementaires, sur des bases plus rigoureuses.
Mme la présidente
La parole est à Mme Annie Genevard.
Mme Annie Genevard
J’ai déposé un amendement pour revenir à l’esprit de la formulation initiale et ajouter à l’alinéa 4 la notion de soins de support. Mais Mme Ménard a raison, il m’a échappé que les soins palliatifs avaient purement et simplement disparu de l’alinéa… Soit c’est un lapsus calami, voire un acte manqué, soit cela veut dire que l’effacement des soins palliatifs est à l’œuvre ! Comment expliquez-vous cette disparition ? Cela me paraît pour le moins intrigant… et révélateur d’une intention cachée.
M. Patrick Hetzel
On ne peut pas l’imaginer !
Mme la présidente
La parole est à M. Hadrien Clouet.
M. Hadrien Clouet
Tout d’abord, un point de droit qui me paraît important : il y a évidemment des lois qui créent des lois, on l’a fait de très nombreuses fois. Prenez, monsieur Le Gendre, la loi « climat et résilience » : elle prévoit que le gouvernement déposera un projet de loi de programmation énergie-climat. Ce n’est pas parce que votre gouvernement ne respecte pas ses obligations que celles-ci n’existent pas ! (M. Matthias Tavel et Mme Nathalie Oziol applaudissent.)
J’en viens au débat de fond : notre groupe LFI-NUPES ne votera pas ces amendements, mais nous partageons la préoccupation ainsi exprimée par nos collègues et nous voterons des amendements ultérieurs qui contiennent des propositions mieux-disantes. Nous devons prévoir à la fois une stratégie décennale et une loi de programmation pluriannuelle, plutôt que de voter la substitution de l’une à l’autre.
Voter ces amendements à l’article 1er ter permettra de disposer d’un schéma de financement sur les cinq à sept prochaines années pour que les acteurs concernés puissent anticiper et préparer les investissements publics et privés à dans ce domaine. Cela permettra aussi au Parlement de contrôler très régulièrement les budgets alloués et de superviser ces investissements. Nous sommes d’accord, le texte de l’article 1er bis est insuffisant mais il nous importe d’ajouter à l’article 1er ter une autre forme de contrôle parlementaire.
(L’amendement no 1694 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Monsieur Guedj, maintenez-vous votre amendement ?
M. Jérôme Guedj
Je retire mon amendement en faveur du mieux-disant, donc au bénéfice de la loi de programmation.
Mme la présidente
Mon cher collègue, après m’avoir fait le résumé de la séance précédente, vous me faites maintenant celui de votre dernière intervention. (Sourires.)
(L’amendement no 2086 est retiré.)
(L’amendement no 3289 est adopté ; en conséquence, les amendements nos 1476, 248, 2488, 1446, 2087, 1255 et 1615 tombent, ainsi que les amendements nos 2908, 2910, 1810, 1809, 2119, 2913, 2859, 2403 et 2860.)
Mme la présidente
L’amendement no 2485 de Mme Mathilde Paris est défendu.
(L’amendement no 2485, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Nathalie Bassire, pour soutenir l’amendement no 2737.
Mme Nathalie Bassire
Les associations de bénévoles qui accompagnent les personnes en fin de vie regrettent que celles-ci soient parfois adressées trop tardivement aux unités de soins palliatifs (USP). Les patients restent ainsi inutilement dans la souffrance en milieu hospitalier ordinaire alors que le diagnostic est établi et que la dimension fatale à court ou moyen terme de la pathologie ne fait aucun doute, et ne passent au plus que quelques jours en soins palliatifs avant leur décès. Pour ces associations, qui sont au contact direct avec la souffrance, il est indispensable de repenser l’orientation vers les unités de soins d’accompagnement et de soins palliatifs de façon que les personnes concernées bénéficient le plus rapidement possible de l’accompagnement adapté.
(L’amendement no 2737, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de trois amendements, nos 668, 1254 et 3126, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Pierrick Berteloot, pour soutenir l’amendement no 668.
M. Pierrick Berteloot
L’approche administrative et financière des agences régionales de santé (ARS) a pris le pas sur les questions médicales en faisant peser sur les soignants le poids permanent de la dictature des indicateurs chiffrés, au détriment du temps passé à soigner les patients. Il est urgent de desserrer l’étau bureaucratique et de lever le carcan administratif mis en place par les ARS. Conformément au programme présidentiel de Marine Le Pen, cet amendement vise à supprimer les ARS du projet de loi et à confier aux préfets de région le soin de garantir l’effectivité du droit aux soins palliatifs.
Mme la présidente
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 1254.
Mme Emmanuelle Ménard
Quant à moi, je ne veux pas supprimer les ARS parce que je pense que quand elles sont bien dirigées, elles font vraiment un très bon travail. Mais je voudrais rappeler par mon amendement que c’est bien l’État qui garantit le droit aux soins palliatifs et qu’il ne faudrait pas qu’il se défausse de ses responsabilités sur les ARS. C’est bien à lui qu’incombe la mission de garantir l’accès aux soins palliatifs et de faire respecter ce droit.
Mme la présidente
La parole est à M. Christophe Bentz, pour soutenir l’amendement no 3126.
M. Christophe Bentz
Dans la droite ligne de ce que mon collègue Berteloot a évoqué à l’instant concernant les ARS, je confirme par cet amendement que nous, madame Ménard, nous sommes favorables à la suppression des agences régionales de santé. Nous n’avons aucune confiance dans ces instances qui ne sont ni le bon échelon ni le bon modèle d’organisation pour garantir l’effectivité du droit de bénéficier de soins palliatifs. L’organisme qui en aurait la responsabilité devrait être placé soit sous la tutelle des préfets de région, soit sous la tutelle des préfets de département ou éventuellement sous celle des délégations départementales des ARS.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Martin, rapporteur
S’agissant de l’amendement no 668, il serait tout de même dommage de balayer d’un revers de main le travail intense des ARS, accompli par un personnel compétent et qui veille à l’équilibre de l’offre de soins, y compris entre les territoires. De plus, les préfets de région ne sont pas dotés de moyens leur permettant d’assumer la mission qui incombe aujourd’hui aux ARS. Je pense qu’il faut au contraire se servir de ces agences pour conduire les politiques publiques de la nation telles que nous les décidons en matière sanitaire. L’avis est également défavorable sur les deux amendements suivants.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
On a beaucoup évoqué les agences régionales de santé. Étant encore élue local, je sais combien le lien entre ARS et territoires est important et j’exprime bien évidemment tout mon respect pour l’ensemble des équipes des délégations départementales et régionales des ARS. Cela étant, et je le dis régulièrement aux ARS, il est important que ce lien se concrétise sur le terrain et que les élus locaux puissent être en contact avec ces agences comme ils le sont avec le préfet de région et avec le préfet de département. C’est la garantie qu’un travail sur tous les sujets sanitaires ou sociaux qui relèvent de leurs compétences puissent être mené au niveau du territoire. L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Juvin.
M. Philippe Juvin
J’avoue que je suis d’accord avec Mme la ministre…
Mme Catherine Vautrin, ministre
Pour une fois !
M. Philippe Juvin
…parce que si l’alternative aux ARS, aussi contestables soient-elles, consiste à transférer leurs missions aux services de l’État, tout de même très appauvris au plan territorial depuis des années, cela marcherait encore moins bien. À tout prendre, je préfère donc que ce soit les agences régionales de santé qui s’en chargent.
Mme la présidente
La parole est à M. Christophe Bentz.
M. Christophe Bentz
Je réagis, madame la ministre, parce que vous évoquez l’importance du lien des ARS avec le terrain… J’ai parlé avec des dizaines de soignants et d’élus locaux ainsi qu’avec des associations d’usagers de la santé, et tous me disent la même chose dans tous les territoires, qu’ils soient urbains ou ruraux : ils dénoncent la déconnexion totale des ARS avec la réalité médicale ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe RN.) Il faut les écouter !
M. Didier Martin, rapporteur
C’est une fable !
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre
On ne va pas commencer un débat sur les ARS, monsieur Bentz, mais je crois savoir que nous sommes sur le même territoire, c’est-à-dire la région Grand-Est. Certes, il peut y avoir des situations différentes selon les territoires, mais je ne jetterais pas pour autant en pâture la totalité des ARS ! Je pense que nous devons le respect aux femmes et aux hommes qui les composent et éviter d’en faire une cible sur un coup de tête, ce qui n’empêche pas de dire que quand les choses doivent évoluer, il faut prendre les mesures nécessaires. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Mme la présidente de la commission spéciale, Mme Maud Gatel et Mme Geneviève Darrieussecq applaudissent également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.
Mme Emmanuelle Ménard
Madame la ministre, une fois n’est pas coutume, mais j’approuve totalement ce que vous venez de dire.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Ah, vous voyez !
Mme Emmanuelle Ménard
Car c’est en effet une question de personnes. J’ai connu dans ma circonsciption des directeurs d’ARS qui n’étaient pas très à l’écoute du terrain. Mais aujourd’hui, je vous garantis que le directeur régional et le directeur de délégation départementale sont toujours à l’écoute des professionnels de santé, qu’ils répondent toujours présents, et rapidement, lorsque je les sollicite pour organiser des réunions avec des infirmiers ou avec des médecins, que ceux-ci travaillent en hôpital, en clinique ou en cabinet, généralistes ou non. Je peux vous certifier que quand on a un directeur d’ARS qui est à l’écoute, cela fait toute la différence. Je veux bien qu’on tape sur les ARS… mais pas sur toutes ! (M. Philippe Sorez applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier
Je fais partie de ces élus, madame la ministre, qui recevaient souvent, il y a quelques années, des messages assez durs à propos des ARS. Mais je voudrais, à l’instar de ma collègue Ménard, témoigner de ce qui se passe dans mon département : cela fonctionne très bien avec le directeur de délégation départementale. Nous faisons le point tous les quinze jours. Je n’ai pas oublié la mobilisation générale du personnel pendant la pandémie de covid, ni surtout combien il a été facilitant à tous moments pour l’accès aux soins, alors que l’Eure-et-Loir est un désert médical. Je tenais à témoigner : quand cela ne va pas, je le dis, et quand cela va plutôt bien, je préfère le dire aussi, monsieur Juvin.
(Les amendements nos 668, 1254 et 3126, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Christine Loir, pour soutenir l’amendement no 1921.
Mme Christine Loir
Je souhaite rappeler que le sujet premier de ce texte de loi concerne les soins palliatifs. Si le Gouvernement et les gouvernements précédents avaient tenu leur engagement et que l’accès aux soins palliatifs était garanti en France, nous ne nous poserions probablement pas la question. L’accès aux soins palliatifs est la grande priorité et doit être une condition sine qua non avant d’évoquer l’euthanasie ou le suicide assisté. Chaque chose en son temps !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Martin, rapporteur
Avis défavorable. Il est bien mentionné que les patients recevront une information sur les soins palliatifs.
(L’amendement no 1921, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Isabelle Valentin, pour soutenir l’amendement no 2399.
Mme Isabelle Valentin
Cet amendement de Mme D’Intorni demande que les ARS veillent effectivement à ce que les services de soins palliatifs soient accessibles à tous et sur l’ensemble du territoire. Je pense que c’est un sujet sur lequel nous sommes tous d’accord. Je me permets de revenir sur les débats de la fin de l’après-midi. Je suis très étonnée que nous n’ayons pas pu trouver d’accord sur l’article 1er, qui concerne les soins palliatifs, parce que vous avez ajouté des alinéas et des détails qui nous ont empêchés de vous faire confiance. Il est vraiment dommage que les choses se passent ainsi sur un tel texte.
(L’amendement no 2399, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Monsieur Dharréville, votre amendement no 2908 est tombé en raison de l’adoption de l’amendement no 3289. Comme le vôtre, il concernait l’alinéa 4, dont on ne peut modifier à nouveau la rédaction.
M. Pierre Dharréville
On aurait dû mettre le mien avant !
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements, nos 1160 et 2487, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 1160.
M. Thibault Bazin
Je défends bien volontiers cet amendement de Vincent Descoeur, un élu du Cantal, département qui attend le déploiement de soins palliatifs. Il propose que la stratégie que vous étalez sur dix ans soit mise en place en six ans, car il y a urgence. Se projeter sur dix ans revient à dire à un certain nombre de personnes qui auront besoin de soins palliatifs qu’elles n’y auront pas accès, comme c’est le cas pour la moitié d’entre elles aujourd’hui.
Avec le vieillissement de la population et l’apparition de pathologies, les besoins vont croître. Comment y répondre s’il faut attendre dix ans ? Si on veut garantir un accès à tous et partout, il faut fixer une période plus courte.
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Dogor-Such, pour soutenir l’amendement no 2487.
Mme Sandrine Dogor-Such
Prévoir un déploiement sur cinq ans est suffisant. La densité de médecins généralistes a diminué de 8 % et obtenir un rendez-vous est compliqué. Dans les cinq prochaines années, un quart des médecins devraient quitter leur poste, avec une proportion plus forte encore parmi ceux qui assurent les soins palliatifs.
La ministre a assuré que les nouveaux financements iraient en priorité aux soins palliatifs et seraient fléchés vers les vingt et un départements qui en sont dépourvus. Si la priorité concerne bien les soins palliatifs, cinq ans suffisent pour élargir l’offre.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Martin, rapporteur
Défavorable sur ces deux amendements. Il faut travailler sur le temps long. Nous avons eu des plans triennaux ; il faut maintenant, dans une montée progressive, prévoir la bonne durée, qui est de dix ans.
(Les amendements nos 1160 et 2487, repoussés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
L’amendement no 2775 de M. le rapporteur est rédactionnel.
(L’amendement no 2775, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Christophe Bentz, pour soutenir l’amendement no 3127.
M. Christophe Bentz
Il ne vous a pas échappé que notre méfiance envers le gouvernement d’Emmanuel Macron est totale. Le rapport Chauvin et la stratégie décennale sur les soins palliatifs ne sont que des tremplins vers la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté. Cet amendement témoigne de notre défiance.
(L’amendement no 3127, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
L’amendement suivant, le no 2910, est également tombé. Je suis désolée, monsieur Dharréville, n’allez pas croire que je vous en veux ! (Sourires.)
L’amendement no 2776 de M. le rapporteur est rédactionnel.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Favorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre Dharréville
Je profite de cet amendement rédactionnel pour parler de ceux que je n’ai pas pu défendre.
M. Patrick Hetzel
Bien joué !
M. Pierre Dharréville
Ils visent à ce que les objectifs de développement des soins palliatifs soient déterminés, pour les investissements et les budgets, de manière distincte de ceux des soins palliatifs.
Ils font suite à une critique formulée à plusieurs reprises par la Cour des comptes, qui a regretté ne pouvoir identifier clairement les crédits qui leur étaient alloués. Je suis désolé que leur chute, à laquelle vous ne pouvez rien, madame la présidente, m’ait empêché de faire avancer cette idée. J’espère que des amendements ultérieurs permettront d’instaurer cette mesure.
(L’amendement no 2776 est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Sébastien Peytavie, pour soutenir l’amendement no 2118.
M. Sébastien Peytavie
Cet amendement de bon sens, inspiré du rapport Chauvin, vise à ce que la stratégie décennale de déploiement des soins palliatifs intègre des indicateurs précis. Ils sont en effet nécessaires au suivi de la stratégie, permettent d’échelonner le travail dans le temps et de produire des données similaires, en dépit de la disparité des territoires. Des indicateurs bien pensés sont en outre indispensables à l’information éclairée du Parlement.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Martin, rapporteur
Il est défavorable. J’ai eu l’occasion de dire que l’évaluation de cette stratégie serait indispensable. Elle sera assurée, d’une part, par les parlementaires lors de l’examen des PLFSS et, d’autre part, par l’instance de gouvernance prévue par la mesure 30 de la stratégie nationale.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
La stratégie décennale intègre une gouvernance chargée d’en suivre l’évolution, année après année, sur la base des indicateurs. La demande est donc déjà satisfaite.
(L’amendement no 2118 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l’amendement no 2911.
M. Pierre Dharréville
Je n’osais pas y croire !
M. Patrick Hetzel
Nous non plus !
M. Pierre Dharréville
Cet amendement va permettre à l’Assemblée de se prononcer à propos de l’idée que j’ai commencé à défendre. Nous proposons que la stratégie décennale définisse « les moyens afférents pour garantir l’égal accès de tous aux soins d’accompagnement, dont les soins palliatifs, traités de manière distincte ». Il s’agit de faire en sorte que la transparence soit au rendez-vous.
Cette disposition répond à une critique formulée en juillet 2023 par la Cour des comptes, qui soulignait le manque de lisibilité des moyens consacrés à la mise en œuvre des objectifs formulés par les différents plans de développement des soins palliatifs. Pour le plan 2015-2019, elle notait que « les crédits étaient éparpillés et présentés de façon peu transparente et non homogène ». Le plan 2021-2024 ne lui est pas apparu « plus explicite ». La stratégie décennale ne doit pas amplifier ce manque de lisibilité, surtout à l’heure où le Gouvernement promet une évolution des soins palliatifs et opère une distinction que nous trouvons douteuse entre ces derniers et les soins d’accompagnement.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Martin, rapporteur
Il est défavorable car la demande est satisfaite. Il est écrit que les moyens supplémentaires seront de 1,1 milliard d’euros.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à M. Patrick Hetzel.
M. Patrick Hetzel
M. Dharréville a parfaitement raison et je ne comprends pas pourquoi le rapporteur et le Gouvernement s’opposent à cet amendement.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Ça ne veut rien dire !
M. Patrick Hetzel
Je vous cite le rapport de la Cour des comptes : « Le manque de lisibilité financière est patent au sein même de l’administration de la santé. » Il y a là un problème que la Cour des comptes mentionne à plusieurs reprises. Les indications demandées seraient utiles au Gouvernement et au Parlement, qui sera amené à évaluer ce qui sera mis en place. Aller dans ce sens est notre rôle.
Mme la présidente
La parole est à Mme Astrid Panosyan-Bouvet.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet
Je soutiens totalement l’amendement, qui n’est pas satisfait. M. le rapporteur et Mme la ministre se réfèrent à la prévision de crédits de paiement prévue par la stratégie décennale pour les soins d’accompagnement. Il est indispensable de pouvoir distinguer, dans ce budget, la part des soins palliatifs.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Mais ce n’est pas ce que dit l’amendement !
(L’amendement no 2911 est adopté ; en conséquence, l’amendement n° 2117 tombe.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Virginie Duby-Muller, pour soutenir l’amendement no 2526.
Mme Virginie Duby-Muller
Nous considérons que ce texte, tel qu’il est rédigé, n’offre aucune garantie de développement effectif de l’offre de soins palliatifs. Les débats en commission spéciale ont permis l’adoption de plusieurs amendements concourant à cet objectif. Toutefois, par le biais du présent amendement, Les Républicains veulent s’assurer que la stratégie décennale définit des moyens suffisants pour garantir l’accès aux soins d’accompagnement, dont les soins palliatifs.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Martin, rapporteur
L’amendement est satisfait, notamment par la loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé de 2002. Avis défavorable.
(L’amendement no 2526, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
L’amendement no 1209 de M. Paul-André Colombani est défendu.
(L’amendement no 1209, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
J’indique que les amendements suivants, en discussion commune, sont tombés du fait de l’adoption de l’amendement no 3289.
Mme la présidente
La parole est à Mme Isabelle Valentin, pour soutenir l’amendement no 1177.
Mme Isabelle Valentin
Cet amendement de notre collègue Justine Gruet vise à demander un rapport annuel afin de vérifier l’effectivité de la stratégie des soins d’accompagnement. Le but est de pouvoir rapidement rectifier les éventuels dysfonctionnements.
(L’amendement no 1177, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je vous indique, monsieur le rapporteur, que votre amendement est tombé du fait de l’adoption de l’amendement no 3289. Il y a des victimes sur tous les bancs. (Sourires.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Nathalie Serre, pour soutenir l’amendement no 2527.
Mme Nathalie Serre
Grâce aux lois Leonetti de 2005 et Claeys-Leonetti de 2016, les soins palliatifs sont devenus une priorité de santé publique. La loi garantit de pouvoir y accéder sur l’ensemble du territoire.
Or, en dépit des progrès réalisés ces dernières années, l’offre en matière de soins palliatifs demeure très inégale sur le territoire. Dans son avis no 139 de 2022, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) affirmait que toute « évolution [législative] ne pourrait être discutée qu’à la condition sine qua non qu’un certain nombre de prérequis soient d’ores et déjà effectifs, [dont] la connaissance, l’application et l’évaluation des nombreux dispositifs législatifs existants ». Si les débats en commission spéciale ont permis d’adopter des amendements concourant à cet objectif, le présent amendement vise à assurer que la stratégie décennale en matière de soins d’accompagnement, parmi lesquels figurent les soins palliatifs, définisse des moyens suffisants pour y garantir l’accès.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Martin, rapporteur
Des moyens suffisants sont déjà prévus. La hausse de 66 % des moyens alloués aux soins d’accompagnement, qui incluent les soins palliatifs, sur la période 2024-2034 doit répondre à une hausse de 16 % des besoins. La dépense publique de soins palliatifs s’élève à 1,6 milliard d’euros en 2023 et atteindra 2,7 milliards d’euros en 2034. Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Nous avons déjà souligné les moyens déployés lors du débat de cet après-midi. Avis défavorable.
(L’amendement no 2527 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de trois amendements, nos 2538, 1478 et 1176, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Philippe Juvin, pour soutenir l’amendement no 2538.
M. Philippe Juvin
Il est prévu que le patient puisse lui-même saisir le tribunal administratif s’il n’a pas accès aux soins palliatifs. Mais dans certains cas – certes rares –, il ne peut faire valoir ce droit. Nous proposons dès lors qu’un parent, un allié, un conjoint, un concubin, un partenaire lié par un pacs ou un ayant droit puisse le faire à sa place.
Mme la présidente
La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement no 1478.
M. Marc Le Fur
Il obéit à la même logique, en proposant qu’une personne de confiance puisse ester en justice. En droit administratif, il est assez courant qu’une association se substitue à un particulier pour défendre ses droits. Dans ce cas d’espèce, il paraît évident qu’en cas de défaillance du patient, mais pas seulement, la personne de confiance, qu’il aura préalablement désignée et qui dispose de certaines prérogatives, puisse déposer un recours devant le tribunal administratif.
Mme la présidente
L’amendement no 1176 de Mme Justine Gruet est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Martin, rapporteur
Je réitère les doutes que nous avons quant à l’utilité de prévoir ces recours contentieux, induits par le droit opposable. Cela participerait de la judiciarisation de la médecine, qui plus est dans un moment où il convient plutôt de faire preuve d’humanité, de soin, d’écoute à l’égard des patients et de les diriger vers des services, sans qu’ils soient toujours spécialisés. Comme l’a rappelé Mme Danielle Brulebois, il existe heureusement en France des services qui assurent cette prise en charge. Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Vos amendements prévoient que des parents ou alliés puissent agir en justice à la place du patient. Je comprends votre logique, mais rien ne s’oppose à ce qu’ils l’aident dans cette démarche, d’autant qu’il s’agit d’une procédure écrite devant le juge administratif. Je rappelle, par ailleurs, qu’il existe des personnes dont la profession est de représenter les personnes en justice : les avocats. Avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Juvin.
M. Philippe Juvin
On peut imaginer des situations, certes rares, où le patient n’est pas en état de faire la démarche. Dans ce cas, il faut qu’il puisse être représenté.
(Les amendements nos 2538, 1478 et 1176, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux demandes de scrutin public, sur l’amendement no 1807 par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale et sur l’article 1er bis par le groupe Rassemblement national.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Caroline Colombier, pour soutenir l’amendement no 2486.
Mme Caroline Colombier
Il vise à ramener à cinq ans la durée de la stratégie décennale des soins d’accompagnement.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Martin, rapporteur
Ce n’est pas très raisonnable. Avis défavorable.
(L’amendement no 2486, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements, nos 2075 et 1256, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Pierrick Berteloot, pour soutenir l’amendement no 2075.
M. Pierrick Berteloot
Ce projet de loi vise à faciliter l’accès aux soins palliatifs pour les Français qui en ont besoin. Quand les personnes qui en bénéficient sont dans un état de santé plus que précaire et très affaiblies, les soins palliatifs peuvent apparaître comme une main tendue, non seulement pour les soulager, mais aussi pour épauler leur famille et leurs proches.
Lorsqu’une personne se retrouve dans une situation requérant une prise en charge palliative, c’est qu’elle souffre déjà bien trop. L’État a pour devoir de tout faire pour assurer une prise en charge rapide. Or, dans le texte actuel, l’article 1er bis dispose que le délai maximum de cette prise en charge sera déterminé par décret. Ce délai dépassé, un recours pourra être formé devant la juridiction administrative.
Laisser ce délai à la merci d’un décret, c’est prendre le risque qu’il soit trop long et pénible à vivre pour le patient et qu’il puisse être rallongé en cas d’engorgement des hôpitaux. Cela complique aussi la recherche juridique pour le patient en cas de recours.
Je propose de verrouiller le délai maximum de prise en charge d’un patient en soins palliatifs à un mois, jours non ouvrés compris. Cela obligera l’État à assurer des capacités d’accueil des centres de soins palliatifs et permettra d’éviter qu’un délai plus long soit fixé par décret.
Je vous invite à voter pour cet amendement en faveur du bien-être de nos concitoyens en grande souffrance. Ne prenons pas le risque de leur barrer le chemin des centres de soins palliatifs !
Mme la présidente
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 1256.
Mme Emmanuelle Ménard
Je vous propose de modifier la formulation de l’article L. 1110-9-1 du code de santé publique introduit à l’alinéa 6. Le délai ne doit pas être « déterminé par décret » mais « compatible avec [l’]état de santé » du patient. L’amendement vise à s’approcher le plus possible de la situation personnelle et individuelle du patient en fin de vie qui sollicite une prise en charge palliative ; or un délai déterminé par décret peut-être très éloigné de la réalité de ce que vit le patient. Cette rédaction me semble préférable.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Martin, rapporteur
Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Je suis consciente du déficit en matière d’accès aux soins palliatifs dans certaines zones. C’est bien pour cela que nous voulons garantir un accès plus juste aux soins d’accompagnement à toute personne, dès les stades précoces d’une maladie grave et jusqu’en fin de vie. Ce n’est pas en ajoutant des contraintes juridiques à ce droit que l’on améliorera la situation. Avis défavorable.
(Les amendements nos 2075 et 1256, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
La parole est à M. Yannick Neuder, pour soutenir l’amendement no 2528.
M. Yannick Neuder
L’accès aux soins palliatifs est essentiel, nous tous le reconnaissons, mais il n’est pas encore effectif dans l’ensemble du territoire. Nous entendons votre engagement pour remédier à cette situation. Cependant, le délai durant lequel les patients peuvent obtenir une place est parfois incompatible avec leur pronostic à court, voire à moyen terme. Cela pourrait les amener à formuler une demande de suicide assisté, qu’ils n’auraient peut-être pas envisagée s’ils avaient été pris en charge à temps.
Soyons très vigilants quant à l’accessibilité des soins palliatifs, et surtout aux délais. Si cette assemblée doit effectuer un saut législatif et créer cette aide active à mourir, ce doit être pour prendre en considération certains cas non couverts par la loi, non en raison d’un défaut d’application des lois existantes. Il me semble que l’Assemblée n’effectuera pas ce saut si les moyens pour prendre en charge les patients se révèlent insuffisants. Cette question pèsera beaucoup sur le vote, à l’issue de l’examen du projet de loi, des députés qui doutent encore de leur position.
Rendons déjà les soins accessibles à tous, partout et dans des délais compatibles avec leurs pronostics. Nous aurons alors fait un grand pas.
M. Fabien Di Filippo
C’est du bon sens !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Martin, rapporteur
Bonsoir, monsieur Neuder, je suis ravi de vous accueillir ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.) Avis défavorable.
M. Thierry Benoit
Ce n’était ni élégant ni intelligent !
M. Fabien Di Filippo
Des commissions se réunissent en ce moment, vous le savez très bien !
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Je partage complètement votre préoccupation, monsieur Neuder. Nous en débattons depuis lundi, et nous sommes tous conscients de la nécessité d’accorder davantage de moyens au développement des soins palliatifs, afin que toute personne qui demanderait à bénéficier de l’aide à mourir puisse au préalable être prise en charge en soins palliatifs – telle est bien, je le répète, la volonté du Gouvernement. Cela figure d’ailleurs dans le texte.
Je reconnais que cette prise en charge est encore imparfaite dans certains territoires, où il faut jongler entre les lits identifiés en soins palliatifs, les USP et les soins prodigués dans le cadre d’une hospitalisation à domicile. Pour construire une véritable politique d’accès aux soins palliatifs, l’offre devra être davantage développée dans l’ensemble des territoires. Néanmoins, votre amendement ne me semble pas de nature à changer réellement les choses ; avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à Mme Caroline Fiat.
Mme Caroline Fiat
En effet, je ne suis pas certaine que la rédaction proposée permette de faire bouger les lignes.
Si j’ai demandé la parole, madame la présidente, c’est pour vous remercier, ainsi que Mme la ministre, d’avoir réservé des places en tribune aux membres de la Convention citoyenne sur la fin de vie. Certains sont présents ce soir : j’en suis heureuse et je tiens à les remercier pour leur travail, car sans eux, nous ne serions peut-être pas en train de débattre de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur plusieurs bancs des groupes RE, SOC et Écolo-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Dogor-Such.
Mme Sandrine Dogor-Such
Je suis très étonnée par votre réponse à M. Neuder, monsieur le rapporteur ! Je souscris par ailleurs à ses propos.
Je reviens un instant sur mon amendement précédent. Si la stratégie des soins d’accompagnement est décennale, la hausse de 1,1 milliard d’euros de son budget ne représentera qu’une augmentation de 6 %, soit 1,50 euro par patient et par an, ce qui permet juste de rattraper l’inflation. Un plan de financement quinquennal serait donc préférable.
Dans son dernier rapport consacré aux soins palliatifs, la Cour des comptes soulignait clairement que l’accès universel aux soins palliatifs était encore loin d’être effectif et que les besoins n’étaient pas encore couverts. Le budget supplémentaire alloué à la stratégie ne sera donc pas suffisant pour développer les soins palliatifs à hauteur des besoins. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Juvin.
M. Philippe Juvin
On peut ne pas être d’accord, monsieur le rapporteur, et c’est d’ailleurs le propre de la démocratie que d’échanger des arguments.
M. Philippe Gosselin
À condition que ce soient de vrais arguments !
M. Philippe Juvin
Exactement ! Votre attitude à l’égard de M. Neuder est tout à fait discourtoise, déplacée et inélégante. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes LR, RN, LFI-NUPES, Dem, SOC et LIOT. – Mmes Emmanuelle Ménard et Astrid Panosyan-Bouvet applaudissent également.)
C’est une chose d’appeler à des débats responsables et dignes, pour reprendre un mot que tout le monde a à la bouche ; encore faut-il s’y tenir ! Je vous demande de bien vouloir présenter vos excuses à M. Neuder. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur de nombreux bancs du groupe RN.)
(L’amendement no 2528 n’est pas adopté.)
M. Marc Le Fur
On attend les excuses, madame la présidente !
Mme la présidente
La parole est à Mme Natalia Pouzyreff.
Mme Natalia Pouzyreff
Je demande une suspension de séance avant que nous ne passions au vote de l’article.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-deux heures trente, est reprise à vingt-deux heures quarante-cinq.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
Je vous indique que les amendements nos 1006 et 2860 sont tombés, du fait de l’adoption de l’amendement no 3289.
La parole est à M. Hadrien Clouet, pour soutenir l’amendement no 1807.
M. Hadrien Clouet
Il vise à mettre en cohérence différents échelons du système de santé publique. La France s’est dotée d’une stratégie nationale de santé (SNS), déclinée en projets régionaux de santé. Or l’article 1er bis et, plus largement, le projet de loi, tendent à enrichir cette stratégie d’un volet dédié aux soins d’accompagnement et aux soins palliatifs.
Par cet amendement, nous cherchons à garantir que les ajouts à la SNS se retrouvent dans les projets régionaux. Un projet régional comprend obligatoirement certains items, entre autres relatifs aux inégalités sociales, à l’autonomie, au handicap, à la coordination des parcours de santé ou aux maladies chroniques. Les soins palliatifs constituant un élément fondamental de la santé publique, ils doivent être traités de la même manière que les items que je viens de citer. Ainsi, la stratégie nationale ne sera plus aussi aveugle qu’actuellement aux inégalités territoriales : intégrer les soins palliatifs aux projets régionaux de santé contribuera à densifier le maillage territorial des unités de soins palliatifs et des structures de soins d’accompagnement.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Martin, rapporteur
Comme vous, j’estime important de définir les modalités optimales de déploiement des soins d’accompagnement et de la stratégie décennale qui s’y rapporte au niveau des territoires. Je suis toutefois défavorable à l’introduction d’un nouvel alinéa dans l’article 1er bis, d’autant que la mesure 20 de la stratégie décennale prévoit un renforcement de l’animation et l’organisation territoriale de ces soins. Mon avis sera donc défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Comme nous l’avons déjà fait savoir dans le cadre des débats de la commission, nous avons demandé à chaque ARS de désigner un référent en matière de soins d’accompagnement. Nous leur avons également demandé d’évaluer chaque mois le déploiement de la stratégie nationale et de procéder à cette évaluation en observant particulièrement les ouvertures de lits – un indicateur pertinent des moyens déployés. Enfin, ces différents éléments doivent se retrouver dans les plans régionaux de santé. Considérant que votre amendement est satisfait, j’y suis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Matthias Tavel.
M. Matthias Tavel
Puisque nous souhaitons l’adoption et l’application de la stratégie nationale, il est compréhensible que nous soutenions sa déclinaison dans tout le territoire.
Ces dernières heures, notre discussion a été guidée par le souci de la cohérence et de l’équilibre, et nous souhaitons qu’il en soit encore ainsi dans les minutes qui viennent. Ainsi, le droit opposable aux soins palliatifs a été inscrit dans le projet de loi, certains amendements ont été réintégrés et les députés souhaitant une loi de programmation ont retiré leurs amendements pour préserver la stratégie décennale.
L’équilibre, le respect et la confiance qui ont présidé jusqu’à présent à l’examen du texte doivent maintenant être confirmés par le vote qui vient. Nous devons rester confiants en notre capacité à poursuivre ce débat et à obtenir en définitive un texte équilibré, juste et de liberté.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1807.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 185
Nombre de suffrages exprimés 183
Majorité absolue 92
Pour l’adoption 63
Contre 120
(L’amendement no 1807 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’article 1er bis, tel qu’il a été amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 186
Nombre de suffrages exprimés 181
Majorité absolue 91
Pour l’adoption 111
Contre 70
(L’article 1er bis, amendé, est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes RN, LFI-NUPES, LR, Dem, HOR, SOC, GDR-NUPES, LIOT, Écolo-NUPES. – Mme Astrid Panosyan-Bouvet et M. Rémi Rebeyrotte applaudissent également.)
M. Emeric Salmon et M. Jocelyn Dessigny
Rebeyrotte vote comme le RN !
Après l’article 1er bis
Mme la présidente
Je suis saisie de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 1er bis.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir les amendements nos 537 et 538, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
Mme Emmanuelle Ménard
Tous deux visent à réécrire l’article L. 1110-5 du code de la santé publique. Afin que la délivrance de soins palliatifs aux personnes en fin de vie soit effectivement prioritaire, l’amendement no 537 tend à reformuler ainsi la seconde phrase de son second alinéa : « Les équipes de soins mettent en œuvre tous les moyens pour que les soins palliatifs soient garantis. »
L’amendement no 538 vise à introduire dans le même article l’alinéa suivant : « Toute personne malade bénéficie des soins palliatifs à domicile ou dans les structures d’accueil en institution. Les pouvoirs publics et les professionnels de santé mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour satisfaire ce droit. » Il s’agit encore une fois de rappeler que les soins palliatifs doivent être une priorité.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Martin, rapporteur
Il est défavorable. La stratégie du Gouvernement apporte déjà toutes les garanties que vous sollicitez.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Défavorable également.
(Les amendements nos 537 et 538, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Sur l’amendement n° 30, je suis saisie par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour le soutenir.
M. Thibault Bazin
Il tend à créer un article additionnel, aux termes duquel le principe d’une loi de programmation pour les soins palliatifs serait inscrit dans la loi. Le Gouvernement a pris l’engagement oral de mettre sur pied un plan décennal pour les soins palliatifs, mais l’avis du Conseil d’État révèle que « Le projet de loi ne comporte pas de dispositions de nature programmatique, notamment budgétaires, permettant de fixer des objectifs clairs à l’action de l’État, déterminés en termes quantitatifs et qualitatifs. »
Autrement dit, le projet ne donne aucune garantie de développement de l’offre de soins palliatifs dans notre pays : les moyens budgétaires qui traduiraient cet engagement ne sont pas précisés. En vertu du principe d’annualité, seule une loi de programmation permet à l’État de prendre des engagements budgétaires sur plusieurs années. Des lois de cette nature ont été votées en matière de défense et de justice, mais également au sujet d’orientations concernant le ministère de l’intérieur. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
M. Marc Le Fur
Tout à fait !
M. Thibault Bazin
Une telle loi doit être votée en matière de soins palliatifs, c’est ce que nous devons à ceux qui attendent le développement des soins palliatifs dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR et RN.)
Mon amendement tend à intégrer au sein du code de la santé publique la notion de « politique de soins palliatifs de la République », qui serait fondée sur la volonté de garantir à chacun, selon ses besoins et sur tout le territoire, l’accès aux soins palliatifs. Pour la mettre en œuvre, l’amendement vise dans le même temps à instaurer une loi de programmation pour les soins palliatifs, ayant pour objet d’en développer l’offre, placée au rang de priorité nationale, dans une logique pluriannuelle de programmation des objectifs et des moyens. Cette dernière sera adoptée par le Parlement pour une durée de cinq ans. (Mêmes mouvements.)
Mme Laure Lavalette
Bravo, bien dit !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Martin, rapporteur
Les grandes orientations dont nous avons besoin figurent dans la stratégie nationale des soins d’accompagnement, désormais publique, et nous aurons à contrôler son application pendant la discussion des projets de loi de financement de la sécurité sociale. Je considère donc que votre amendement est satisfait et émets un avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
À ce stade, il me paraît utile de parler des lois de programmation. Monsieur Guedj, je vous devais une réponse, même si votre question ne portait pas sur le présent projet de loi, mais sur le principe d’une loi de programmation pluriannuelle relative au grand âge. Auditionnée le 24 janvier 2024 par la commission des affaires sociales du Sénat, j’ai indiqué avoir saisi le Conseil d’État – vous l’avez rappelé dans votre courrier d’hier.
Avant même ma nomination au Gouvernement, des travaux avaient été engagés, avec la rédaction d’un projet de saisine le 5 janvier 2024. À mon arrivée, mon cabinet a repris le dossier et une nouvelle version, préparée avec les directions centrales de mon ministère, a été transmise le 19 janvier au secrétariat général du Gouvernement. La dernière version de ma saisine date du 30 janvier 2024 et a été dûment adressée, conformément aux règles en vigueur, au SGG.
Dans ce projet de saisine, je soulève trois questions, lesquelles portent sur le périmètre du projet de loi de programmation, sur son contenu et sur son articulation avec les lois financières. Je vous ai encore indiqué le 13 mai dernier que j’attendais toujours une réponse du SGG, mais, l’ayant interrogé cette semaine, j’ai été informée de l’absence de saisine du Conseil d’État.
M. Jérôme Guedj
Ah !
Mme Catherine Vautrin, ministre
Selon l’article 34 de la Constitution, « les lois de programmation déterminent les objectifs de l’action de l’État », par dérogation au principe selon lequel la loi doit énoncer des règles et par suite être dotée d’une portée normative. Les lois de programmation permettent de soumettre au vote du Parlement des dispositions qui ne sont pas normatives, telles que des objectifs, des orientations ou des prévisions, formulées en termes quantitatifs ou qualitatifs.
A priori, les lois de programmation ne concernent que les crédits de l’État et pas ceux de l’assurance maladie. C’est le cœur du problème, car lorsque nous parlons du PLFSS, nous parlons des crédits de l’assurance maladie. S’agissant de l’action sanitaire et sociale de la nation, le législateur a donc prévu que les autorisations parlementaires et leur contrôle – j’insiste sur ce dernier terme – donnent lieu à un débat dans le cadre du PLFSS, depuis la réforme constitutionnelle de 1996.
Les lois de programmation peuvent librement fixer leurs échéances et prévoir la remise au Parlement de rapports de suivi établis par le Gouvernement. L’assemblée générale du Conseil d’État a par ailleurs admis qu’une loi de programmation pouvait se limiter à énoncer des objectifs et ne comporter aucune programmation des moyens correspondants – ni horizon temporel ni échéancier de réalisation. Vous voyez donc, mesdames et messieurs, à quel point le cadre fixant la nature des lois de programmation est large.
Si un projet de loi comporte à la fois des dispositions revêtant un caractère normatif et d’autres relevant d’une loi de programmation, les principes de clarté, d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi imposent que les dispositions programmatiques soient distinguées dans des subdivisions. Les dispositions non normatives peuvent figurer dans un rapport annexé, faisant l’objet dans la loi d’un article d’approbation.
D’après l’article 70 de la Constitution, les lois de programmation à caractère économique, social ou environnemental doivent être soumises, pour avis, au Conseil économique, social et environnemental (Cese), sauf dans le cadre d’une navette parlementaire.
Ce rappel fait, je voulais proposer à votre Assemblée de s’inspirer de la stratégie nationale de santé, prévue par l’article L. 1411-1 du code de la santé publique et organisée au plan réglementaire par les articles L. 1411-1 et R. 1411-2 du même code.
M. Thibault Bazin
On voit que cette stratégie ne marche pas !
Mme Catherine Vautrin, ministre
Si le principe de la stratégie décennale de soins d’accompagnement est codifié, votre assemblée pourra l’enrichir et la contrôler. Pour ces raisons, je suis défavorable à cet amendement.
M. Thibault Bazin
Cette solution ne vous engage pas dans la durée, madame la ministre !
Mme la présidente
La parole est à Mme Annie Vidal.
Mme Annie Vidal
Je voulais évoquer le lien entre lois de programmation et budget de la sécurité sociale, mais Mme la ministre vient de le faire avec brio et je n’ai pas grand-chose à ajouter à ce sujet.
Une loi de programmation pourrait rigidifier le budget de la sécurité sociale. Examinant en ce moment même, dans le cadre de nos travaux en commission, les rapports de la Cour des comptes sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, nous savons toutes et tous à quel point ce budget et sa trajectoire sont complexes. Je ne suis pas favorable à cet amendement.
Mme la présidente
La parole est à M. Patrick Hetzel.
M. Patrick Hetzel
S’agissant du plan de développement des soins, l’avis du Conseil d’État est assez clair. Il souligne « la nécessité que ce plan déploie des moyens à la hauteur des besoins et bénéficie d’une mise en œuvre effective ». C’est la raison pour laquelle l’amendement de notre collègue Thibault Bazin, qui vise à prévoir une loi de programmation pour les soins palliatifs, a beaucoup de sens.
Les objectifs de la loi de programmation se traduisent dans le budget voté chaque année, en vertu du principe d’annualité. Du reste, la loi de programmation fixe une trajectoire et la rend crédible. Si vous voulez donner à la représentation nationale des garanties sur le financement du développement des soins palliatifs, vous n’avez d’autre choix que d’émettre un avis favorable sur cet amendement.
M. Marc Le Fur
Bien sûr !
Mme la présidente
La parole est à M. Christophe Bentz.
M. Christophe Bentz
D’abord, nous nous réjouissons de l’adoption de l’article 1er bis, qui ouvre aux Français le droit de bénéficier de soins palliatifs. Je remarque avec tristesse qu’une partie de la majorité présidentielle macroniste s’y est opposée et a souhaité le supprimer. (Exclamations sur les bancs du groupe RE.)
Nous soutiendrons l’amendement de bon sens de notre collègue Thibault Bazin, qui vise à fixer un cap en matière de soins palliatifs. En tendant à prévoir une loi de programmation qui rendrait leur accès effectif, il renforce la grande ambition qu’est le développement des soins palliatifs et répond en cela à ce que nous demandent les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jérôme Guedj.
M. Jérôme Guedj
Vous ne serez pas étonné de ma réaction, madame la ministre. Je dois vous faire part de ma sidération après ce que vous venez de dire devant la représentation nationale.
M. Boris Vallaud
Absolument, c’est sidérant !
M. Jérôme Guedj
Le 24 janvier, vous avez indiqué devant la commission des affaires sociales du Sénat que vous aviez saisi le Conseil d’État. Vous avez même précisé que « la forme exacte [de la loi de