Deuxième séance du vendredi 17 mai 2024
- Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
- 1. Souveraineté alimentaire et renouvellement des générations en agriculture
- Discussion des articles (suite)
- Article 2 (suite)
- Amendement no 1380
- Mme Nicole Le Peih, rapporteure de la commission des affaires économiques
- M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire
- Amendements nos 4309, 780, 1362, 4611 rectifié, 319, 1457, 1924, 1355, 1357, 1358, 1360, 1351, 1352, 1353, 1354, 3709, 752, 2350, 15, 194, 1317, 1982, 1007, 1528, 4357, 4504 et 3892
- Sous-amendement no 5439
- Amendements nos 1364, 2352, 3710, 4328, 2351 et 4358
- Sous-amendement no 5429
- Amendements nos 4365 et 754
- Suspension et reprise de la séance
- Rappel au règlement
- Article 2 (suite)
- Rappel au règlement
- Article 2 (suite)
- Amendements nos 3884, 1392, 2692, 4201, 1942 et 2515
- M. Éric Girardin, rapporteur général de la commission des affaires économiques
- Amendement no 1117
- Mme Géraldine Bannier, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation
- Amendements nos 1985, 2569, 3560, 103, 1926, 836, 2343 et 1368
- Sous-amendement no 5441
- Amendements nos 3910, 539, 3490, 1335, 3889, 838, 4344, 633, 1819, 1925 et 4140
- Sous-amendement no 5433
- Amendements nos 1149, 4634, 1150, 843, 2121, 3548, 840, 4614, 2537 et 4370
- Article 2 (suite)
- Discussion des articles (suite)
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1. Souveraineté alimentaire et renouvellement des générations en agriculture
Suite de la discussion d’un projet de loi
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture (nos 2436, 2600).
Discussion des articles (suite)
Mme la présidente
Ce matin, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 1380 à l’article 2.
Article 2 (suite)
Mme la présidente
La parole est à M. Loïc Prud’homme, pour soutenir l’amendement no 1380.
M. Loïc Prud’homme
Lorsque nous nous sommes quittés avant le déjeuner, nous discutions du nombre de personnes à former aux métiers de l’agriculture pour garantir le renouvellement des générations. L’amendement no 1379 du groupe LFI-NUPES fixait un objectif de 30 000 nouveaux étudiants par an. Cet amendement de repli no 1380 restreint ce chiffre à 20 000 personnes par an.
Monsieur le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, tout à l’heure, vous avez répondu à notre amendement en énonçant un autre objectif : le Gouvernement prévoit de former 30 % d’étudiants de plus. Je réitère ma question : avec quels moyens ? Dans la mesure où 13 000 étudiants sont actuellement formés chaque année, votre objectif reviendrait à en former 16 900 par an. Envisagez-vous de le faire à moyens constants, malgré la situation difficile de l’enseignement agricole public, ou lui allouerez-vous de nouveaux moyens, lesquels mériteraient d’être inscrits dans le projet de loi ? J’espère que votre réponse sera aussi claire que ma question.
Mme la présidente
La parole est à Mme Nicole Le Peih rapporteure de la commission des affaires économiques pour les articles 1er à 4, pour donner l’avis de la commission.
Mme Nicole Le Peih, rapporteure de la commission des affaires économiques
J’ai déjà exposé ma position au sujet de l’amendement no 1379. Je vous invite donc à retirer celui-ci.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, pour donner l’avis du Gouvernement.
M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire
Avis défavorable. Depuis le premier quinquennat du Président de la République, le Gouvernement a toujours alloué les moyens nécessaires à l’enseignement agricole.
Mme la présidente
La parole est à M. Loïc Prud’homme.
M. Loïc Prud’homme
Ce n’est pas mon avis et ce n’est pas non plus celui des syndicats de personnels de l’enseignement agricole public. De nombreux postes d’enseignant n’ont pas été renouvelés depuis sept ans. Les moyens alloués ne sont pas suffisants puisqu’ils ont été réduits.
(L’amendement no 1380 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement no 4309.
M. Éric Alauzet
L’article 2 vise à accroître significativement le nombre de personnes formées aux métiers de l’agriculture et de l’agroalimentaire. Cet amendement, déposé à l’initiative de mon collègue Laurent Croizier, du MODEM, et rédigé avec le groupement des agriculteurs bio du Doubs et du Territoire de Belfort, met l’accent sur l’enseignement de l’agriculture biologique.
Ce secteur a connu une forte augmentation ces dernières années, notamment grâce à l’action de la majorité et du Gouvernement, et représente 16 % de l’emploi agricole. Selon les régions, 30 % à 50 % des candidats souhaitent s’installer en bio – on voit le potentiel de l’agriculture biologique et le besoin de formation. Pourtant, les formations à l’agriculture biologique ne représentent que 5 % des parcours « production, transformation et commercialisation des produits fermiers » de l’enseignement agricole public. L’enjeu est donc important. Il est urgent de renforcer la formation initiale et continue de l’agriculture biologique.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Le Peih, rapporteure
Votre amendement tend à modifier la rédaction de l’alinéa 7 en vue de renforcer l’enseignement de l’agriculture biologique. Cette précision est inutile puisque l’article L. 800-1 du code rural et de la pêche maritime précise que les établissements d’enseignement agricole assurent des formations en matière « de développement durable, de promotion de l’agroécologie, dont l’agriculture biologique, et de cohésion des territoires, aux niveaux national, européen et international ».
Par ailleurs, les établissements d’enseignement agricole sont fortement encouragés à développer cet enseignement spécifique par le biais du réseau national Formabio, qui organise chaque année des rencontres et des événements partout en France.
Je rappelle qu’après un premier essai peu concluant de généralisation de la prise en compte de l’agriculture biologique dans l’enseignement agricole en 1997, lors du premier plan de développement de la marque AB, le plan Barnier « Agriculture biologique : horizon 2012 » a permis, en 2007, de relancer son intégration dans l’enseignement agricole.
Aujourd’hui, nous disposons de nombreuses formations et spécialisations en agriculture biologique. Je pense notamment au brevet professionnel responsable d’entreprise agricole (BPREA), au certificat d’aptitude professionnelle agricole (Capa) orientation agriculture biologique et à la licence professionnelle « Agriculture biologique : conseil et développement » (ABCD).
Votre amendement est largement satisfait. Je vous invite à le retirer.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre
Ce sujet est important et fait l’objet de plusieurs amendements. Je veux donc en dire quelques mots. Je rappelle, tout d’abord, que les formations de l’enseignement agricole intègrent la question de l’agroécologie, qui traite elle-même du bio.
Ensuite, il existe une offre spécifique pour l’agriculture biologique, avec quatre-vingt-deux certificats d’aptitude professionnelle (CAP) et douze certificats de spécialisation.
Enfin, 34 % des surfaces des établissements d’enseignement agricole sont dédiées au bio, ce qui va largement au-delà de l’objectif européen, ainsi que 75 % des ateliers technologiques de transformation.
Les formations à l’agriculture biologique ne représentent certes que 5 % des enseignements, mais ce taux n’est pas significatif puisque les établissements dispensent aussi des cours d’histoire, de mathématiques et d’autres disciplines – que vous ne souhaitez sans doute pas voir supprimés. Le bio est intégré dans les programmes de tous les établissements. Il n’est d’ailleurs pas du ressort de la loi d’intervenir dans les contenus enseignés. Enfin, comme cela a été souligné ce matin, l’enseignement agricole ne porte pas uniquement sur des sujets agricoles. S’il était adopté, cet amendement serait donc difficile à appliquer : comment, par exemple, intégrer l’agriculture biologique dans une formation sur le service à la personne ?
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Éric Alauzet.
M. Éric Alauzet
J’ai bien entendu vos explications et je vous en remercie, monsieur le ministre. Vous comprendrez que je ne puisse pas retirer cet amendement, dont je ne suis pas l’auteur. Vous aurez certainement l’occasion d’en reparler directement avec Laurent Croizier.
(L’amendement no 4309 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Sur l’amendement no 4611 rectifié, je suis saisie par le groupe Renaissance d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Vincent Descoeur, pour soutenir l’amendement no 780.
M. Vincent Descoeur
L’alinéa 7 mentionne les personnes formées aux métiers de l’agriculture et de l’agroalimentaire. Avec le souci de précision que nous lui connaissons, notre collègue Fabrice Brun propose d’insérer les mots « de l’élevage, de l’aquaculture et de la viticulture » après le mot « agriculture ».
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Le Peih, rapporteure
Vous proposez de préciser que les politiques publiques d’orientation et de formation doivent accroître le nombre de personnes formées aux métiers de l’agriculture, mais également à ceux de l’élevage, de l’aquaculture et de la viticulture. Ces trois activités sont incluses dans la première. Votre amendement est satisfait et je vous invite à le retirer.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
(L’amendement no 780 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Manon Meunier, pour soutenir l’amendement no 1362.
Mme Manon Meunier
Monsieur le ministre, vous avez affirmé à mon collègue Loïc Prud’homme que l’enseignement agricole bénéficiait de moyens suffisants. Nous saluons le fait que le projet de loi prévoie l’augmentation des élèves formés pour assurer le nouvellement des générations, mais nous refusons que cette augmentation se fasse à moyens constants. Or nous n’avons pour le moment aucune assurance que le Gouvernement renforcera le nombre d’enseignants des établissements agricoles.
Nous le voyons à l’éducation nationale, en particulier dans l’enseignement primaire : dans certains départements, le nombre de professeurs diminue alors que le nombre d’élèves par classe augmente. Où qu’elle se manifeste, nous déplorons cette évolution. C’est pourquoi nous demandons que le projet de loi prévoie également l’augmentation du nombre de professeurs de l’enseignement agricole, ce qui suppose de les former et d’allouer aux établissements des moyens suffisants.
Les prochaines générations d’agriculteurs devront mener la transition agroécologique. Nous avons besoin, pour l’enseignement agricole, de moyens à la hauteur des enjeux. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
(L’amendement no 1362, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Geneviève Darrieussecq, pour soutenir l’amendement no 4611 rectifié.
Mme Geneviève Darrieussecq
Je me félicite du programme de sensibilisation aux métiers de l’agriculture et du vivant à destination des jeunes, notamment des écoliers. Il est nécessaire d’en faire bénéficier tous les apprenants, y compris ceux en situation de handicap, dans le cadre de leurs différents parcours de scolarisation – unités localisées pour l’inclusion scolaire (Ulis), institut médico-éducatif (IME) ou institut thérapeutique, éducatif et pédagogique (Itep).
Je rappelle que les jeunes en situation de handicap, notamment de handicap invisible, s’épanouissent dans les métiers agricoles, au contact de la nature.
M. Jean-Yves Bony
C’est vrai !
Mme Geneviève Darrieussecq
Ils sont d’ailleurs très bien accueillis dans les établissements d’enseignement agricole. Nous devons favoriser leur accès à ces formations afin de répondre aux besoins en ressources humaines du secteur et de remplir notre mission à l’égard des jeunes en situation de handicap, qui doivent être formés et accompagnés vers l’emploi comme tous les autres jeunes.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Le Peih, rapporteure
Je suis d’autant plus sensible à vos propos, madame la députée, qu’il se trouve dans ma circonscription un établissement, l’Être cheval, qui permet à des personnes en difficulté de canaliser leur énergie débordante. L’agriculture est une activité qui pourrait, elle aussi, aider les personnes en situation de handicap. Avis favorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre
Je remercie Mme Darrieussecq pour cet amendement qui met en valeur le rôle important que jouent les établissements d’enseignement agricole dans l’inclusion des personnes en situation de handicap. Ces établissements accueillent d’ailleurs beaucoup de jeunes dans cette situation – plus largement, le secteur de l’agriculture est très ouvert aux personnes en situation de handicap, jeunes ou moins jeunes. Je salue la part prise par l’enseignement agricole pour permettre à chacun de trouver sa place dans le monde agricole.
Par ailleurs, je l’ai déjà dit ce matin et je tiens à le répéter : nous continuerons à apporter à ce sujet une attention toute particulière. Depuis quelques années, nous avons accordé des moyens supplémentaires pour renforcer le recrutement des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) afin de rattraper notre retard.
C’est avec plaisir que je rends un avis favorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Julien Dive.
M. Julien Dive
Nous soutiendrons cet amendement de bon sens qui permettra sans doute d’accélérer la sensibilisation des jeunes en situation de handicap aux métiers agricoles. Seuls 3,6 % des personnes en situation de handicap ont trouvé leur vocation professionnelle dans le monde agricole contre un peu plus de 6 % dans les autres métiers.
M. Vincent Descoeur
Bien sûr.
Mme la présidente
La parole est à M. Inaki Echaniz.
M. Inaki Echaniz
Nous soutiendrons, nous aussi, ce très bon amendement car l’inclusion et la sensibilisation doivent être au cœur des politiques d’éducation menées par le ministère de l’éducation nationale, bien sûr, mais aussi par d’autres, en particulier celui de l’agriculture. Nous nous réjouissons que la position du Gouvernement ait évolué depuis l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale au cours duquel nous avions déposé un amendement allant dans le même sens. C’est un très bon signe.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 4611 rectifié.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 51
Nombre de suffrages exprimés 51
Majorité absolue 26
Pour l’adoption 51
Contre 0
(L’amendement no 4611 rectifié est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs de tous les groupes.)
Mme la présidente
Sur les amendements nos 1355, 1360, 1351 et 1354, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 319 et 1457.
La parole est à M. Jean-Yves Bony, pour soutenir l’amendement no 319.
M. Jean-Yves Bony
L’amendement de M. Jean-Luc Bourgeaux tend à préciser que les professionnels des métiers concernés sont associés à la réalisation du programme national d’orientation et de découverte des métiers de l’agriculture, de l’agroalimentaire et du vivant, créé par l’État et les régions.
Mme la présidente
La parole est à M. Vincent Descoeur, pour soutenir l’amendement no 1457.
M. Vincent Descoeur
L’amendement de Mme Isabelle Périgault vise le même objectif, associer les professionnels concernés, mais il me semble que nous avons déjà examiné un amendement similaire en fin de matinée.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Le Peih, rapporteure
Nous avons débattu de l’amendement no 895 ce matin, qui avait le même objet. J’émets par conséquent un avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre
Je vous l’ai dit ce matin : nous avons adopté en commission un amendement qui allait dans le même sens. Je vous invite à les retirer ; sinon, avis défavorable.
(Les amendements nos 319 et 1457 sont retirés.)
Mme la présidente
L’amendement no 1924 de Mme Mélanie Thomin est défendu.
(L’amendement no 1924, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de quatre amendements, nos 1355, 1357, 1358 et 1360, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Loïc Prud’homme, pour soutenir l’amendement no 1355.
M. Loïc Prud’homme
L’amendement tend à ce que l’État pourvoie aux emplois de l’ensemble des personnels nécessaires – je reprends votre terme – au fonctionnement d’un système d’enseignement agricole qui, en 2030, devra former 30 % d’apprenants en plus qu’en 2022. On serait en droit d’attendre que, pour réaliser ce vœu pieux, des classes soient ouvertes en nombre suffisant et non pas seulement, comme il est indiqué dans l’étude d’impact, que les nouveaux élèves soient accueillis dans des classes à faibles effectifs. Vous espérez absorber le surplus d’élèves en renforçant les effectifs de ces classes mais vous ne ferez que dégrader les conditions d’enseignement et alourdir la charge des enseignants. Les classes à petits effectifs dans l’enseignement technique ont leur raison d’être : elles permettent de développer une pédagogie en phase avec la singularité de ces formations professionnalisantes.
Mme la présidente
La parole est à Mme Mathilde Hignet, pour soutenir l’amendement no 1357.
Mme Mathilde Hignet
Cet amendement de repli tend à ouvrir au moins 280 classes pour atteindre l’objectif prévu par l’article d’augmenter le nombre d’apprenants. Si, par malheur, un avis défavorable devait être rendu, nous aimerions savoir par quels moyens le Gouvernement compte atteindre son but dans l’enseignement agricole public.
Mme la présidente
La parole est à Mme Aurélie Trouvé, pour soutenir l’amendement no 1358.
Mme Aurélie Trouvé
Vous vous êtes fixé comme objectif de former en plus 30 % d’ingénieurs agronomes ou 30 % d’apprenants dans l’enseignement technique agricole. C’est très bien mais comment allez-vous faire ? Il faut bien les former, ces élèves. Or, pour enseigner depuis vingt ans dans le supérieur, à Agrosup Dijon puis AgroParis Tech, je sais bien que ce n’est pas aussi simple que cela, ne serait-ce que pour trouver de la place dans les amphithéâtres ! Comment voulez-vous passer de 300 à 500 élèves, à moins de pousser les murs ? Il n’y a pas davantage de places dans les salles de classe, déjà surchargées. Et comment gérer la charge d’enseignement ? Pour un enseignant-chercheur, elle est de cent quatre-vingt-douze heures équivalents TD mais nous sommes nombreux à atteindre deux cents à trois cents heures équivalents TD, ou plutôt deux cent cinquante à trois cents heures, pour la plupart de mes collègues d’AgroParis Tech. Comment faire ? Faut-il passer à quatre cents heures ? Devons-nous renoncer à nos travaux de recherche ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Mme Marie Pochon applaudit également.)
D’autre part, les élèves qui intègrent les écoles d’ingénieurs sont souvent passés par des classes préparatoires aux grandes écoles, des IUT – institut universitaire de technologie –, des BTS – brevet de technicien supérieur : quels moyens supplémentaires allez-vous débloquer pour améliorer les conditions d’enseignement des professeurs, déjà surchargés ? Là aussi, il faudra pousser les murs si on veut plus d’élèves. Sans parler de l’enseignement technique agricole où vous voulez augmenter le nombre d’élèves ! Il n’y a pas de solution miracle. Sauf à former les élèves sur YouTube, je ne vois pas comment vous ferez pour trouver des enseignants et des locaux ! (Mêmes mouvements.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Clémence Guetté, pour soutenir l’amendement no 1360.
Mme Clémence Guetté
Je fais écho aux suppliques de mes camarades. Monsieur le ministre, concrètement, comment allez-vous faire ? Nous vous savons spécialiste des incantations politiques…
M. Julien Dive
Et vous, des outrances !
Mme Clémence Guetté
Vous avez aussi de bonnes idées, c’est vrai, comme celle de former davantage d’élèves, mais elles ne sont pas toujours suivies d’effet. C’est pour cette raison que nous vous proposons, par cet amendement qui opère un quatrième repli, d’ouvrir au moins 263 nouvelles classes dans l’enseignement public agricole.
À la lecture de l’étude d’impact de votre projet de loi, nous avons compris qu’en 2028, vous devriez atteindre péniblement 200 postes en équivalent temps plein (ETP) supplémentaires, ce qui sera très insuffisant.
Ce sont toujours les mêmes promesses, en Macronie : vous assurez que les élèves travailleront mieux en petits groupes. C’est ce que vous dites pour défendre l’infâme réforme du « choc des savoirs » – proche d’un tri social – que vous engagez dans l’éducation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Et vous reprenez le même discours pour l’enseignement public agricole. Mme Trouvé a trouvé les mots justes pour le dénoncer. Les solutions miracles, c’est très bien, mais il faudrait les assortir de mesures concrètes.
Nous avons besoin d’objectifs précis et chiffrés, ainsi que de moyens. C’est le sens de cette série d’amendements dont j’espère que le dernier recevra au moins un avis de sagesse. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Julien Bayou applaudit également.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Le Peih, rapporteure
Vous proposez que soient ouvertes au moins 300 nouvelles places dans l’enseignement public. L’objectif est intéressant et nous pourrions le partager mais l’article 2 traite de dispositions programmatiques générales. De fait, votre amendement ne me semble pas opérationnel en raison de sa trop grande précision, ces chiffres étant fondés, comme vous l’avez indiqué en commission, sur des données remontées par le Syndicat national de l’enseignement technique agricole public.
Mme Aurélie Trouvé
Qui est majoritaire !
Mme Nicole Le Peih, rapporteure
Ce qui compte avant tout, c’est de renforcer l’attractivité de ces métiers et l’appétence des jeunes pour travailler dans ces filières. Fixer de tels objectifs chiffrés ne me semble donc pas très opportun.
Enfin, vous ne parlez que de l’enseignement public alors que le texte est plus large puisque 53 % des élèves de l’enseignement agricole sont formés dans des établissements privés. Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre
Vous dites qu’il faut être précis – 300, 280, 270, 263, c’est en effet ce qui s’appelle être précis, bien que la méthode puisse sembler curieuse. Surtout, ce texte étant un projet de loi d’orientation, il n’a pas vocation à fixer le nombre de classes. On n’a d’ailleurs jamais vu un projet de loi fixer un nombre de classes dans l’enseignement général ou agricole.
D’autre part, les classes dans l’enseignement agricole comptent en moyenne vingt élèves. Nous avons donc respecté les engagements que nous avions pris, comme nous l’avions fait pour les écoles vétérinaires en augmentant de plus de 75 % le nombre de vétérinaires formés. Avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Julien Bayou.
M. Julien Bayou
Mes collègues du groupe La France insoumise vous ont présenté des arguments de bon sens, qui venaient à point nommé après l’adoption de l’amendement de Mme Darrieussecq. Puisque nous allons favoriser l’inclusion des personnes en situation de handicap, nous aurons besoin de plus de professeurs dans l’enseignement agricole. Élu d’un territoire qui souffre d’un manque d’effectifs dans l’enseignement classique – ce qui est malheureusement le cas de tout le pays –, je ne suis pas enclin à la confiance et je trouverai bon d’inscrire dans la loi le renforcement des moyens en enseignement agricole.
Mme la présidente
La parole est à M. Hendrik Davi.
M. Hendrik Davi
En effet, nous ne vous faisons pas confiance et nous avons de bonnes raisons pour cela. Ce matin, j’ai rappelé que vous aviez proposé d’augmenter le nombre de médecins formés mais que vous n’aviez pas du tout pensé à augmenter celui des maîtres de conférences des universités-praticiens hospitaliers (MCU-PH). Cet après-midi, je me contenterai de vous dire que le ministère de l’enseignement supérieur, fidèle à la politique macroniste, a proposé, sans y dédier les moyens nécessaires, de remplacer le diplôme universitaire de technologie (DUT) par un bachelor universitaire de technologie (BUT) qui s’obtiendrait en trois ans, et non plus en deux.
Nous avons rencontré les directeurs qui nous ont confirmé que cette réforme était vouée à l’échec. Comme d’habitude, vous faites des propositions, mais les moyens ne suivent pas, ce qui aura des conséquences. Tout d’abord, les classes seront surchargées et les professeurs au bord du burn-out. Le métier d’enseignant sera encore moins attractif et l’enseignement agricole se retrouvera au bord du gouffre, comme cela s’est produit pour l’hôpital. Il se passera le contraire de ce que vous vouliez et vous ne parviendrez pas à former autant d’agriculteurs que vous le vouliez.
Mais ce que vous proposez a un autre effet – je vois bien où vous voulez en venir, car la rapporteure m’a mis la puce à l’oreille ! Vous voulez en fait que l’enseignement public ne soit pas en mesure de former les agriculteurs pour favoriser l’enseignement privé ! Vous faites la même chose dans tous les secteurs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
M. Jean-François Coulomme
Assumez, assumez !
M. Hendrik Davi
C’est pour cela que nous ne vous faisons pas confiance et que nous demandons des chiffres clairs. Il n’est pas vrai que des chiffres de ce genre n’apparaissent pas dans la loi : par exemple, dans la loi du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur, figurent des plafonds en matière d’emploi. Il est donc possible d’en fixer dans la loi sur l’enseignement supérieur, puisque cela a déjà été fait, y compris par votre Gouvernement.
Vous pouvez donc le faire et nous dire combien de classes et d’emplois, notamment de professeurs, vous entendez créer. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à M. Dominique Potier.
M. Dominique Potier
Le groupe Socialistes n’est pas expert de ces questions et fait confiance aux professeurs pour établir le nombre de classes qu’il est nécessaire de créer. La nécessité de former une nouvelle génération d’agronomes est en tout cas certaine et évidente. Tout le monde de l’agronomie le dit, de l’Inrae, l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement, à l’Acta l’Association de coordination technique agricole, en passant par les chambres d’agriculture : il y a un déficit, une pénurie d’ingénieurs agronomes dus à l’insuffisance des recrutements, dans le secteur public et dans le secteur parapublic – celui des chambres d’agriculture.
Or nous aurons besoin, pour engager la transition écologique, d’une nouvelle génération. À cet égard, le rapport fait au nom de la commission d’enquête sur les causes de l’incapacité de la France à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l’exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire faisait état de la nécessité de recruter 1 000 ingénieurs qui, dans le secteur public, à l’occasion de deux rendez-vous annuels, servent de contrepoids au conseil commercial, qu’il faut par ailleurs responsabiliser.
Le coût total de ces recrutements s’élèverait à 70 millions d’euros, monsieur le ministre, autant que celui des technosolutions. Il s’agirait vraiment d’une arme très forte pour mener à bien la transition. Je suggère que cette somme soit prélevée sur les crédits relativement importants que vous avez mobilisés à ce sujet.
J’en profite pour solder, sinon notre controverse politique avec M. de Fournas – qui ne s’achèvera jamais –, du moins celle qui nous oppose à lui concernant notre doctrine en matière d’indicateurs relatifs à la phytopharmacie. Je ne fais pas de rappel au règlement, mais je vous rappelle simplement que, aux pages 52 et 54 du rapport de la commission d’enquête sur les pesticides, vous trouverez cette doctrine, non pas isolée, mais totalement développée. Vous constaterez que nous demandons que le Nodu, ou « nombre de doses unités », continue d’être calculé, et que le HRI, l’indicateur de risque harmonisé soit adopté – sans préciser qu’il s’agit du HRI 1.
M. Grégoire de Fournas
C’est le même !
M. Dominique Potier
Par ailleurs, nous appelons de nos vœux la création d’un nouvel indicateur européen, qui tienne mieux compte que le HRI de la toxicité des produits concernés. Je donnerai un seul chiffre pour faire pièce aux éléments de propagande que l’on entend ici : entre 2009 et aujourd’hui, en incluant la présente législature, le niveau du Nodu est passé de 82 millions d’hectares au lancement du plan Écophyto à 83 millions. Il n’a donc pas diminué. Aucun indicateur ne peut servir d’ardoise magique : nous sommes face à une multiplication des indicateurs, qui doit nous aider à progresser. Nous pouvons désormais nous référer au document que j’ai cité et en finir avec cette mauvaise controverse.
Mme la présidente
La parole est à M. Grégoire de Fournas.
M. Grégoire de Fournas
Monsieur Potier, vous venez de confirmer la véracité de mes propos de ce matin. Vous avez bien marqué dans ce rapport la demande que vous faisiez au Gouvernement de reprendre le HRI. Ne poursuivons pas cette mauvaise controverse, mais reconnaissez ce que vous avez marqué noir sur blanc dans votre rapport ! (M. Dominique Potier fait un signe de dénégation.)
Vous parlez de propagande. Pour ma part, à chaque fois que vous rappellerez votre position au sujet du Nodu, je rappellerai qu’il s’agit d’un indicateur militant et objectivement faux. Comment se fait-il qu’alors que les substances cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction de catégorie 1, dites CMR 1, diminuent de 96 % depuis 2016 et que les CMR 1 et 2 diminuent de moitié depuis quatre ans, le Nodu augmente ? Cela prouve bien que cet indicateur est faux et militant, et que vous considérez que, d’une manière générale, tous les produits phytosanitaires, même s’ils n’ont pas d’impact sur la santé, doivent disparaître. Notre vision est totalement différente de la vôtre !
Mme Delphine Batho
C’est quoi, un pesticide sans impact sur la santé ?
Mme la présidente
Cela m’étonne aussi.
Je mets aux voix l’amendement no 1355.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 63
Nombre de suffrages exprimés 49
Majorité absolue 25
Pour l’adoption 18
Contre 31
(L’amendement no 1355 n’est pas adopté.)
(Les amendements nos 1357 et 1358, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1360.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 63
Nombre de suffrages exprimés 50
Majorité absolue 26
Pour l’adoption 18
Contre 32
(L’amendement no 1360 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de quatre amendements, nos 1351, 1352, 1353 et 1354, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Loïc Prud’homme, pour soutenir l’amendement no 1351.
M. Loïc Prud’homme
Monsieur le ministre, votre mauvaise foi légendaire a encore frappé.
M. Marc Fesneau, ministre
Mégalégendaire !
M. Bruno Millienne
Pour ce qui est de la mauvaise foi, c’est vous qui êtes un champion !
M. Loïc Prud’homme
Sur la précédente série d’amendements, vous nous reprochiez la trop grande précision des objectifs chiffrés que nous proposions de fixer. Il en ira de même pour celle-ci, concernant les ETP. Je vous rappelle notre discussion en commission : j’ai évoqué des chiffres – 277 ETP de rattrapage, 684 à créer – et vous m’avez répondu qu’ils étaient trop précis. Dont acte ! Vous n’aimez pas les précisions : nous avons donc rédigé des amendements qui en comportent moins, par esprit de conciliation avec votre flou habituel.
Et maintenant, vous nous le reprochez ! Soyons cohérents : si vous vouliez de la précision, il fallait donner un avis favorable à l’amendement prévoyant l’ouverture de 263 nouvelles classes dans l’enseignement public agricole ; dans le cas contraire, il fallait privilégier celui qui prévoyait l’ouverture de 300 classes – cela nous convenait aussi !
Il en est de même du nombre de postes : le présent amendement prévoit d’en ouvrir 300. Acceptez-le si vous voulez un faible niveau de précision. Si, en revanche, vous voulez être très précis, donnez un avis favorable à celui que défendra mon collègue Paul Vannier, qui tend à en ouvrir 277. Mais ne faites pas preuve de mauvaise foi en nous reprochant soit d’être trop précis, soit de ne pas l’être assez.
En tout cas, ces amendements mettent toujours sur la table la question des moyens. Quels moyens consacrerez-vous à l’ouverture de postes pour répondre aux besoins futurs ? Si ces moyens demeurent constants, cela ne fonctionnera pas, comme nous vous l’avons déjà dit. C’est ce que nous vous reprochons : cette loi, ce sont des vœux pieux, des incantations, une pensée magique, mais elle ne prévoit aucun moyen. Mon collègue Hendrik Davi vous l’a rappelé : il est parfaitement possible de fixer par la loi un volume d’emplois, notamment dans l’enseignement public, et de prévoir le budget afférent. C’est ce que ferait le Gouvernement s’il se montrait responsable. (Mme Manon Meunier applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Aurélie Trouvé, pour soutenir l’amendement no 1352.
Mme Aurélie Trouvé
Il vise à nous assurer tous ensemble que les moyens de l’enseignement public agricole augmentent. J’ai une question très simple, monsieur le ministre : prévoyez-vous, oui ou non, d’augmenter les moyens humains et matériels consacrés à l’enseignement public agricole, puisque la loi prévoit d’augmenter de 30 % le nombre d’élèves et d’étudiants formés en vue d’en faire des ingénieurs agronomes ou des diplômés de l’enseignement technique agricole ?
La question est simple, et nous aimerions que la réponse le soit aussi. En effet, si cette augmentation se fait à moyens constants, deux options sont ouvertes. Première option : l’enseignement public l’absorbe. Cela entraînera une diminution de la qualité de l’enseignement agricole, comme du taux d’encadrement qui fait sa spécificité. Ce taux est plus élevé, il est vrai, que celui de l’enseignement pris dans son ensemble, mais il s’agit justement d’une des richesses de l’enseignement agricole, à laquelle vous décidez donc de vous attaquer.
Deuxième option : vous prévoyez que ces élèves supplémentaires seront formés dans le secteur privé. Je rappellerai un point élémentaire : à l’Institut polytechnique UniLaSalle de Beauvais, par exemple, l’inscription coûte près de 10 000 euros par an.
J’ai un diplôme d’ingénieur agronome.
Un député du groupe RN
Bravo !
Mme Aurélie Trouvé
À l’époque où je l’ai obtenu, mes parents n’auraient jamais eu les moyens de payer cette somme pour que je sois diplômée de l’UniLaSalle de Beauvais. Heureusement que j’ai pu compter sur l’enseignement supérieur agronomique public !
Mme la présidente
L’amendement no 1353 de M. Loïc Prud’homme est défendu.
La parole est à M. Paul Vannier, pour soutenir l’amendement no 1354.
M. Paul Vannier
Depuis quelques années, le nombre d’élèves et d’étudiants dans l’enseignement agricole a fortement progressé. Or, monsieur le ministre, vous avez, ces dernières années, diminué le nombre de postes dans les lycées publics agricoles. Vous avez en l’occurrence supprimé 277 postes. Ce chiffre, je ne le sors pas de mon chapeau : il a été établi par le Snetap-FSU, le premier syndicat d’enseignants des lycées publics agricoles.
C’est dans ce contexte que vous affichez un objectif que nous partageons : l’augmentation de 30 % dans les années à venir du nombre d’élèves et d’étudiants engagés dans les filières de formation agricole. Mais, dans la mesure où vous ne créez pas de postes supplémentaires pour faire face à cette augmentation – le présent amendement vise justement à rétablir ces 277 ETP supprimés –, vous menez une politique qui contredit les buts affichés. En effet, s’il y a moins d’enseignants pour davantage d’élèves, les conditions d’apprentissage des lycéens des lycées publics agricoles se dégraderont, de même que les conditions de travail des enseignants, dans un contexte global marqué par une crise des recrutements d’enseignants qualifiés et par la difficulté de rendre ce métier attractif.
Comme l’ont dit mes collègues, vous allez créer un effet d’aubaine qui profitera aux filières de formation privées – nombreuses dans le domaine agricole –, qui prospéreront sur les difficultés de l’enseignement public que vous vous apprêtez à aggraver. Nous vous demandons de corriger le tir, de vous montrer à la hauteur des objectifs que vous vous fixez, et de recruter des enseignants dans les lycées publics agricoles en nombre suffisant pour subvenir aux besoins éducatifs que vous reconnaissez – ce en quoi nous vous soutenons.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Le Peih, rapporteure
Même argumentation : avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre
Même argumentation : même avis. Les effectifs dont il est question ont augmenté, entre 2017 et 2022, d’une centaine de postes. Par ailleurs, on ne peut pas, d’une part, prétendre que le taux d’encadrement diminue, et, d’autre part, constater que le nombre d’élèves a augmenté tout en se félicitant, comme l’a fait Mme Trouvé, que les classes soient toujours constituées de vingt élèves. Cela prouve bien que, lorsque le nombre d’élèves a augmenté, nous avons ajusté les moyens de l’enseignement agricole aux besoins créés par cette augmentation, conformément à l’engagement du Président de la République.
On peut raconter tout ce qu’on veut, mais la réalité, même si elle est parfois dure à entendre, s’impose à nous comme à vous : nous avons toujours ajusté les moyens de l’enseignement agricole aux besoins exprimés.
Mme Marie Pochon
Dans ce cas, pourquoi ne pas l’écrire dans la loi ?
Mme la présidente
La parole est à M. Francis Dubois.
M. Francis Dubois
Chers collègues du groupe LFI-NUPES, il me semblait que nous étions venus en séance afin de construire une loi d’orientation et de souveraineté alimentaire pour notre nation – et non pour négocier le nombre de postes et de classes à créer dans l’enseignement agricole.
M. Hendrik Davi
Nous le pensions aussi !
Mme la présidente
La parole est à M. Paul Vannier.
M. Paul Vannier
Monsieur le ministre, je vous prends au mot : si vous ajustez les moyens consacrés à l’enseignement public agricole à ses besoins, et que vous voulez augmenter de 30 % le nombre de ses élèves, il faut vous engager devant la représentation nationale à augmenter de 30 % le nombre de postes affectés aux lycées publics agricoles ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Julien Bayou applaudit également.) Je le dis en toute logique, reprenant votre propre argument ! Monsieur le ministre, nous attendons de vous cet engagement ! (Mêmes mouvements.)
Mme la présidente
La parole est à M. Julien Bayou.
M. Julien Bayou
Cette loi d’orientation prépare l’avenir de l’agriculture. Une crise très grave a eu lieu. Des engagements ont été pris. Il s’agit pour nous de les graver dans le marbre afin qu’ils puissent être tenus. Pour permettre une transmission des exploitations et une initiation aux différents métiers de l’agriculture, il faut des enseignants dans l’enseignement agricole.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1351.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 70
Nombre de suffrages exprimés 57
Majorité absolue 29
Pour l’adoption 21
Contre 36
(L’amendement no 1351 n’est pas adopté.)
(Les amendements nos 1352 et 1353, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1354.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 70
Nombre de suffrages exprimés 57
Majorité absolue 29
Pour l’adoption 21
Contre 36
(L’amendement no 1354 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Hélène Laporte, pour soutenir l’amendement no 3709.
Mme Hélène Laporte
Il vise à interroger les orientations de ce projet de loi, qui tend à augmenter significativement le niveau de diplôme moyen des nouveaux actifs des secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire. La formation des futurs agriculteurs constitue bien entendu un sujet essentiel, et il n’est nullement question de la remettre en cause.
L’étude d’impact souligne d’ailleurs que l’augmentation du niveau de formation initiale pour l’ensemble de la population française se vérifie également dans le secteur agricole même si « le niveau de formation des actifs agricoles (salariés et chefs d’exploitation) demeure en retard par rapport à l’ensemble de la population active de 20 à 64 ans ».
Toutefois, une interrogation subsiste. Les agriculteurs de demain devront-ils être titulaires d’un diplôme de niveau bac + 5 pour envisager de reprendre une exploitation agricole ? C’est une vraie question. Faut-il fonder l’agriculture de demain exclusivement sur des diplômes sans prendre en considération les formations ? La VAE, la validation des acquis de l’expérience, constitue par exemple une piste, c’est d’ailleurs pourquoi nous avons choisi pour notre amendement une formulation ouverte, en parlant de « formation » plutôt que de « diplôme moyen » uniquement.
Les exploitants agricoles sont avant tout des chefs d’entreprise mais nous savons bien que la formation de terrain dans tous les métiers de l’agriculture est au moins aussi importante que les diplômes obtenus.
Si la gestion d’une exploitation agricole demande aujourd’hui une technicité dans de multiples domaines, l’ambition de ce projet de loi pourrait laisser penser que les agriculteurs de demain devront être des technocrates avant d’être des agriculteurs. C’est la raison pour laquelle il est préférable, d’un point de vue sémantique, de privilégier le terme, plus large, de « formation » plutôt que « diplôme moyen ».
J’espère réellement que cet amendement obtiendra un avis favorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Le Peih, rapporteure
Vous souhaitez, par cet amendement, faire référence non au « diplôme moyen » mais à la formation dont peuvent bénéficier les nouveaux actifs dans l’agriculture. Or l’objectif de l’article 2 est bien que les agriculteurs obtiennent des diplômes afin qu’ils puissent ensuite les faire valoir si besoin. L’avis est donc défavorable.
Par ailleurs, quelqu’un a évoqué tout à l’heure l’importance du savoir spécifique des agriculteurs. Je suis bien d’accord, mais si tous les agriculteurs ne sont peut-être pas passés par le plateau de Saclay et n’ont pas obtenu des diplômes de niveau bac + 5 ou d’ingénieur agronome, la personne qui a repris mon exploitation a beau être titulaire d’un bac + 5, elle a dû repasser un BPREA pour connaître les spécificités dont vous avez parlé, les techniques et les technologies qu’on doit maîtriser aujourd’hui.
Or 30 % du rapport qu’elle devait alors remettre portait sur les relations humaines. Aujourd’hui, qui dit souveraineté dit aussi pérennité dans l’entreprise et par conséquent adaptabilité. Voilà pourquoi, selon moi, demain, le maître-mot de l’agriculture sera l’humain, ce qui suppose des compétences particulières.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre
Tout d’abord, la meilleure façon de relever le niveau de formation est de commencer par s’intéresser au niveau de diplôme, je ne vois pas quel autre indicateur serait pertinent.
Deuxièmement, vous avez raison de dire qu’on n’a pas besoin d’être titulaire d’un bac + 5 pour être agriculteur – d’ailleurs, ce n’est pas ce qui est écrit dans le texte. L’idée est de relever le niveau de formation des agriculteurs, comme nous le faisons depuis plus de soixante ans, ce qui contribue d’ailleurs à la richesse et à la compétitivité du secteur agricole français – je l’ai dit lors de mon intervention au début de l’examen de l’article.
Par ailleurs, vous avez évoqué la VAE. Dans un nouvel alinéa, adopté par la commission des affaires économiques, il est précisé qu’il faut « renforcer la promotion et l’accès à la validation des acquis de l’expérience dans les secteurs agricoles et agroalimentaires ». Cela montre bien…
Mme Hélène Laporte
…que mon amendement est bon !
M. Marc Fesneau, ministre
…qu’à côté de la question des diplômes se pose bien celle de la validation des acquis de l’expérience. Votre amendement me semble satisfait, je vous demande donc de le retirer et émettrai, à défaut, un avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Julien Dive.
M. Julien Dive
Je ne sais pas si cet amendement constitue la réponse idoine pour corriger l’alinéa mais, en l’état, celui-ci est mal rédigé. Notre objectif est de donner aux agriculteurs les outils pour faire face aux défis auxquels ils sont confrontés : la transition vers l’agroécologie, les enjeux liés au réchauffement climatique, l’adaptation des nouvelles cultures mais aussi, lorsque c’est nécessaire, la capacité de mieux gérer, du point de vue économique, leur exploitation. En revanche, nous ne devons pas les inciter à collectionner les diplômes comme d’autres des médailles.
Mme Anne-Laure Blin
Exactement !
M. Julien Dive
L’objectif de cet article est bien de leur permettre de monter en compétence, d’acquérir des savoirs et de relever tous les défis que j’ai mentionnés.
L’amendement tel qu’il est rédigé n’est peut-être pas le meilleur qu’on puisse imaginer mais il met en lumière le fait que l’article n’est pas non plus rédigé de façon optimale.
Mme la présidente
La parole est à Mme Hélène Laporte.
Mme Hélène Laporte
Je me permets de rebondir sur vos propos mais en échange, j’espère que vous accepterez mon amendement – même si je sais que cela vous ferait mal au cœur parce que nous sommes des députés RN.
Un député du groupe LFI-NUPES
D’extrême droite !
Mme Hélène Laporte
Néanmoins, lorsque nous demandons de remplacer « diplôme moyen » par « formation », cela va dans le sens de vos propos. Puisque la VAE s’apparente, comme d’autres diplômes, à une formation et ne peut pas être qualifiée de « diplôme moyen » – vous le savez très bien –, il faut changer ces mots. Il serait donc bon que vous reveniez sur votre décision en émettant un avis favorable sur cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
(L’amendement no 3709 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements, nos 752 et 2350, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Hendrik Davi, pour soutenir l’amendement no 752.
M. Hendrik Davi
Il vise à donner la priorité aux formations spécialisées dans la bifurcation écologique. Puisque je sais, monsieur le ministre, que vous n’aimez pas cette expression,…
M. Marc Fesneau, ministre
C’est vrai !
M. Hendrik Davi
…je vais essayer de préciser ce qu’elle recouvre selon nous. Face à la crise écologique, nous estimons que nous devons adapter nos pratiques agricoles, notamment pour atténuer les effets du changement climatique. Premièrement, elles doivent donc émettre moins de CO2, ce qui suppose notamment d’utiliser moins d’intrants, y compris ceux qui sont peu dangereux pour la santé car eux aussi émettent du CO2. Je le signale donc aux députés du Rassemblement national : une baisse globale de tous les intrants est nécessaire à cause du changement climatique.
Deuxièmement, nos pratiques agricoles doivent être moins dispendieuses en eau.
Troisièmement, nous devons réduire l’usage des pesticides. Visiblement, le concept One Health est arrivé jusqu’aux oreilles du ministre – tant mieux – mais pas jusqu’à celles des députés du Rassemblement national. Je vais donc vous livrer quelques explications. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Plusieurs pesticides dangereux peuvent causer de graves maladies professionnelles, par exemple des cancers – qui touchent en premier lieu les agriculteurs. Ensuite, les enfants qui se trouvent dans ces zones agricoles peuvent être atteints de cancers pédiatriques. Enfin, tous ces pesticides sont responsables de ce qu’on appelle le printemps silencieux, c’est-à-dire qu’ils ont conduit à une baisse significative du nombre d’insectes et d’oiseaux.
Ces faits sont connus depuis 1970 ou presque, il est donc temps d’agir. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)
Depuis tout à l’heure, vous dites que vous avez réduit l’usage des pesticides et qu’il existe un débat entre les pesticides dont l’usage est en baisse et les autres. Je rappelle cependant qu’en 2018, le plan Écophyto prévoyait une baisse de 50 % de l’usage des pesticides.
Mme Anne-Laure Blin
Pour les produits phytopharmaceutiques !
M. Hendrik Davi
En 2009, on utilisait 55 tonnes de pesticides – chiffre qui n’inclut pas ceux auxquels on a recours dans le cadre de l’agriculture biologique. En 2018, on en utilisait 63 tonnes. Si vous faites le calcul – c’est du niveau CM2 –, l’augmentation entre ces deux années s’élève à 14 %, alors que nous nous étions engagés à une baisse de 50 % en dix ans. Voilà pourquoi nous ne faisons pas confiance au Gouvernement, notamment à sa capacité à appliquer un plan Écophyto II prévoyant une baisse de l’usage des pesticides de 50 % d’ici à 2025 – d’ailleurs, vous êtes revenu sur cet engagement. Et voilà pourquoi il est très important de traiter ces questions en priorité dans le cadre des formations dispensées aux jeunes agriculteurs. Car c’est ainsi que nous trouverons des solutions et que nous adapterons les pratiques agricoles afin d’aboutir réellement à une réduction de 50 % de l’usage des pesticides d’ici à 2025. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur plusieurs bancs du groupe Écolo-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à M. Inaki Echaniz, pour soutenir l’amendement no 2350.
M. Inaki Echaniz
Dans la droite ligne des propos de mon collègue Davi, cet amendement vise à remplacer les mots « en accroissant notamment », un peu mous du genou, car ils laissent la voie ouverte à l’hésitation et au surplace, par « en développant particulièrement », formulation plus pêchue – je n’ai pas dit Béchu ! (Sourires) – et qui donne plus d’élan à l’engagement que doit prendre l’enseignement agricole en matière de développement de l’enseignement relatif à la transition écologique.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Le Peih, rapporteure
Monsieur Davi, je répondrai en m’appuyant strictement sur le contenu de votre amendement. Il prévoit de demander aux futurs agriculteurs d’acquérir des connaissances en priorité sur certains sujets comme l’agriculture biologique ou la gestion de l’entreprise.
Je ne sais pas vraiment si certaines connaissances sont prioritaires par rapport à d’autres – car c’est bien ce qui est écrit dans votre amendement –, sachant en outre que tout cela dépend des formations et des spécialisations suivies.
Le fait d’introduire, en quelque sorte, une hiérarchie entre les matières ou les domaines ne me semble pas délicat et pourrait être dévalorisant, tant pour les enseignants des matières qui ne seraient pas concernées que pour les étudiants qui suivent celles-ci. Avis défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à M. Grégoire de Fournas.
M. Grégoire de Fournas
Le propos que vous venez de développer, monsieur le député de La France insoumise, est encore pire que le discours fallacieux tenu par M. Potier.
Mme Marie Pochon
Madame la présidente, il ne cesse de s’adresser à d’autres députés pendant ses interventions !
M. Grégoire de Fournas
Vous venez de citer un calcul exprimé non en Nodu mais en QSA, quantité de substance active. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) Je tiens à donner quelques explications car le débat est important. Pour lutter contre l’oïdium de la vigne, si vous avez recours à une substance CMR – cancérogène, mutagène et toxique pour la reproduction –, vous devez en appliquer 200 grammes par hectare. Si vous la remplacez par un produit biologique à base de soufre, il vous faut en utiliser 10 kilos par hectare. Vous comprenez bien qu’une telle pratique vertueuse accroît significativement le tonnage des produits phytopharmaceutiques employés.
Mme Marie Pochon
Sur quels faits scientifiques vous appuyez-vous ?
M. Grégoire de Fournas
Puisque vous êtes bardés de diplômes agricoles, mesdames et messieurs les députés assis sur les bancs d’en face, vous connaissez pertinemment ces faits. (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) Par conséquent, vous mentez sciemment en proposant aux gens le projet fondé sur la peur qui vous caractérise – comme vous le faites d’ailleurs sur le nucléaire.
Mme la présidente
La parole est à M. Pascal Lavergne.
M. Pascal Lavergne
J’aimerais réagir aux propos de M. Davi. J’ai mal à mon métier, monsieur le député, quand je vous entends parler ainsi des agriculteurs.
Vous avez passé une demi-heure à défendre des amendements visant à obtenir du ministre des moyens supplémentaires pour la formation des agriculteurs. Et voilà que vous voulez priver ces derniers des outils qui leur permettent d’exercer leur métier. Vous voulez les priver de molécules sans apporter de solution. Cela commence à suffire ! Tout le monde a besoin de moyens pour produire, y compris les agriculteurs.
Au cours de mes trente-cinq ans d’activité dans le secteur de l’agriculture, je n’ai eu de cesse de voir ces professionnels faire des progrès, s’améliorer pour mieux respecter l’environnement. Respectez au moins, vous aussi, le chemin qu’ils ont parcouru pendant toutes ces années. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LR et Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. Inaki Echaniz.
M. Inaki Echaniz
Il me semble que nous nous éloignons du cœur de l’amendement. J’aimerais préciser que mon amendement a été adopté en commission des affaires culturelles et de l’éducation, ce qui prouve bien, madame la rapporteure, qu’il est utile.
Par ailleurs, il a fait l’objet d’une concertation avec les enseignants qui étaient demandeurs d’une telle mesure. C’est bien le corps enseignant qui est à l’origine de cet amendement. Par conséquent, on ne peut pas dire, comme vous l’avez fait, qu’une telle mesure constituerait un manque de respect et disqualifierait certains enseignants. Votre réponse n’est pas adaptée.
Mme la présidente
La parole est à M. Julien Bayou.
M. Julien Bayou
M. Davi a été mis en cause mais, puisqu’il vient de demander la parole, je le laisserai se défendre lui-même.
Cependant, je ne peux pas ne pas réagir à ce que j’ai entendu. M. Davi n’a pas mis en cause les agriculteurs.
M. Romain Daubié
Si ! C’est une insulte !
M. Julien Bayou
Nous souhaitons, toutes et tous, la réduction du nombre d’intrants, de produits phytosanitaires et de pesticides. Les plans Écophyto se sont soldés par un fiasco. L’engagement, pris en 2017 par le Président de la République, de sortir du glyphosate en trois ans n’a pas été suivi d’effet. Voilà pourquoi nous sommes tellement en retard et pourquoi l’effondrement de la biodiversité menace.
Hendrik Davi a mentionné la disparition des insectes ; 30 % des oiseaux communs ont disparu. Or c’est bien l’agriculture intensive qui est la première responsable de cette situation.
M. Romain Daubié
Ça veut dire quoi, « intensive » ?
M. Julien Bayou
Nous devons réduire la part des pesticides et le nombre d’intrants utilisés. C’est pourquoi il est nécessaire de développer l’enseignement de l’agroécologie. Tel est le sens de ces amendements.
M. Romain Daubié
Caricature !
Mme la présidente
La parole est à M. Hendrik Davi.
M. Hendrik Davi
L’amendement vise à mettre l’accent sur ces formations car cela nous semble nécessaire – et cela devrait faire consensus. Cela ne signifie pas, bien entendu, que les autres formations ne sont pas importantes – nous en avons déjà discuté en commission des affaires culturelles et de l’éducation.
J’aimerais apporter une précision s’agissant des chiffres que je vous ai donnés – même si je sais bien qu’il n’est pas évident de suivre attentivement tout ce qui est dit dans l’hémicycle. Il s’agit des chiffres de tonnage hors biocontrôle et hors agriculture biologique – je les ai revérifiés entre la séance de ce matin et celle-ci.
M. Grégoire de Fournas
Ça ne change rien !
M. Hendrik Davi
Évidemment le tonnage est beaucoup plus élevé si l’on compte les produits utilisés en agriculture biologique et les produits de biocontrôle, pour la raison que vous avez citée.
J’aimerais à présent répondre aux collègues qui pensent que mes propos seraient dirigés contre les agriculteurs. Les premiers à attaquer, par exemple, Monsanto aux États-Unis pour sa responsabilité dans les maladies professionnelles sont les agriculteurs eux-mêmes.
M. Jean-Philippe Tanguy
Avec des avocats véreux !
M. Hendrik Davi
Ce n’est pas moi qui suis atteint d’un lymphome, mais bien les agriculteurs. Ce ne sont pas mes enfants, nos enfants, qui sont atteints d’un cancer mais leurs enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Cette question est très importante. Nous pourrions donc trouver un consensus en disant par exemple que nous avons besoin d’une agriculture qui protège à la fois les agriculteurs et les écosystèmes.
Que je sache, le plan Écophyto ne constituait pas une insulte envers les agriculteurs. À l’époque, le Gouvernement avait déclaré qu’il était nécessaire de réduire de 50 % en dix ans l’utilisation des produits phytosanitaires. Or cela n’a pas été appliqué, ce plan a donc été un échec. Nous devons continuer à travailler ensemble dans cette direction. L’agriculture biologique prouve qu’il est possible de produire de façon responsable.
En outre, certaines pathologies nécessitent l’emploi de produits. Il n’y a pas de débat là-dessus. C’est la raison pour laquelle on fait du biocontrôle. De nombreux chercheurs travaillent sur ces sujets. Nous trouverons des solutions mais, pour ce faire, il faut bifurquer car pour l’instant nous n’allons pas assez vite et c’est pourquoi nous parlons de « bifurcation écologique ». (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à M. Loïc Prud’homme.
M. Loïc Prud’homme
Pascal Lavergne, lui, est méprisant pour ses 50 000 collègues qui pratiquent l’agriculture biologique (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES) et qui savent se passer de produits chimiques.
Quant à M. Grégoire de Fournas, il nous débite des sornettes depuis des heures. Il qualifie le Nodu d’indicateur militant.
M. Grégoire de Fournas
Oui !
M. Loïc Prud’homme
Elle est bien bonne ! Il doit y avoir aussi un indicateur de Fournas.
M. Jean-Philippe Tanguy
Si seulement, il y en avait un…
M. Loïc Prud’homme
Il s’appelle « au doigt mouillé » !
Le Nodu est validé par des scientifiques de l’Inrae.
M. Grégoire de Fournas
C’est encore plus grave !
M. Loïc Prud’homme
Il prend en compte des doses de substances actives à l’hectare. La dose unité permet de comparer ce qui est comparable plutôt que de faire la chose au doigt mouillé ou, pire, d’aller vers un HRI 1 avec des coefficients multiplicateurs tirés de votre chapeau – une fois huit, une fois seize – sans relation avec la toxicité des produits. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à M. Dominique Potier.
M. Dominique Potier
Nous sommes un certain nombre à avoir un peu d’expérience sur ces sujets. En 2014, – j’étais alors aux côtés de Stéphane Le Foll – nous avons voté une loi qui a fixé un cap : celui de l’agroécologie. Personne n’a dit qu’il s’agissait de moins produire ; l’objectif était de produire autrement, en protégeant les écosystèmes.
J’ai rendu deux rapports sur la question des phytosanitaires, en 2014 et en 2024. Mes interlocuteurs dans le monde agricole, dans celui des ONG et dans le monde scientifique me disent tous que ce sont des rapports cliniques, froids, dépassionnés. L’objectif est de déterminer comment nourrir 10 milliards d’êtres humains à l’horizon de 2050. La France doit contribuer à ce récit de sécurité alimentaire collective.
Dans cette perspective, je me suis appuyé sur les études de l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), de l’Inrae, d’Agrimonde. Parmi ces acteurs scientifiques sérieux, personne n’oppose produire et produire autrement.
Je considère comme également régressifs ceux qui font l’apologie du « on continue comme avant » en niant l’effondrement de la biodiversité, la réalité du dérèglement climatique et les risques sur la fécondité des sols et ceux pour lesquels l’écologie consiste à arrêter de produire. Nous n’en sommes plus là !
M. Grégoire de Fournas
Justement !
M. Dominique Potier
Hissons-nous au bon niveau de débat en respectant la science. Elle nous rappelle que seul un bouquet d’indicateurs nous permet d’approcher d’une vérité toujours imparfaite.
Mme la présidente
La parole est à Mme Annie Genevard.
Mme Annie Genevard
Nous reprenons toujours le même débat comme si rien ne s’était passé depuis que Stéphane le Foll a posé les règles de l’agroécologie ! Je m’en souviens très bien. À l’époque, nous nous étions émus de ce que la balance risquait de pencher plutôt d’un côté que de l’autre. Force est de constater que certains ne sont pas sortis de cet a priori désolant selon lequel les agriculteurs seraient des pollueurs.
Je comprends la colère de notre collègue Lavergne. En premier lieu, ceux qui fréquentent les exploitants agricoles savent que, pour des raisons économiques, ils diminuent les intrants.
Mme Nicole Le Peih, rapporteure
Bien sûr !
Mme Annie Genevard
Deuxièmement, ils sont vraiment convaincus du bien-fondé de la réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires.
M. Didier Le Gac
Moi aussi !
Mme Nicole Le Peih, rapporteure
Exactement !
Mme Annie Genevard
Enfin – et, sur ce point, il existe une différence fondamentale entre vous et nous –, nous n’oublions jamais la dimension économique des exploitations.
Interdire l’usage du diméthoate sur les cerises revient à ruiner la production française et à nous faire consommer ensuite des cerises au diméthoate produites à l’étranger ! Empêcher de traiter les pucerons du pommier, c’est ruiner la filière pommes-poires pour nous faire manger des fruits importés de Pologne où ils sont traités aux produits interdits en France. (MM. Didier Le Gac et Julien Dive applaudissent.)
M. Grégoire de Fournas
Voilà ! Quel bilan !
M. Francis Dubois
C’est la réalité !
M. Bruno Millienne
C’est vrai !
Mme Annie Genevard
Nous ne voulons pas continuer comme cela ! Jeter ainsi le discrédit sur une profession magnifique dont la mission est de nourrir la population est inadmissible.
(Les amendements nos 752 et 2350, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je suis saisie de huit amendements nos 15, 194, 1317, 1982, 1007, 1528, 4357 et 4504 pouvant être soumis à une discussion commune. Les amendements nos 15, 194, 1317, 1982 sont identiques, tout comme les amendements nos 1007, 1528, 4357, 4504.
La parole est à M. Julien Dive, pour soutenir l’amendement no 15.
M. Julien Dive
Outre qu’il faut donner des outils aux futures agricultrices et agriculteurs qui s’installeraient demain, il convient de rappeler la dimension économique d’une exploitation agricole.
Être agriculteur, c’est embrasser plusieurs types de métiers : responsable des ressources humaines quand il faut embaucher, comptable lorsqu’il faut s’assurer de vendre au bon moment, agronome. Être agriculteur, c’est aussi savoir anticiper face aux défis du changement climatique. C’est enfin être chef d’une entreprise, plus délicate que d’autres.
Il convient donc d’étoffer le champ des compétences lors de la formation des agricultrices et des agriculteurs.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Yves Bony, pour soutenir l’amendement no 194.
M. Jean-Yves Bony
Comme l’a dit notre collègue Julien Dive, il nous paraît essentiel que l’économie, la gestion, les marchés, les techniques de production soient mentionnés comme des préalables à la réussite des projets d’installation. Tel est l’objet de cet amendement.
Mme la présidente
L’amendement no 1317 de Mme Julie Delpech est défendu.
La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement no 1982.
Mme Annie Genevard
Lorsque j’ai pris connaissance du texte du projet de loi, je me suis émue de voir que les termes d’agroécologie et de développement durable étaient partout alors que ne figuraient nulle part ceux de gestion de l’entreprise agricole, d’agronomie, de techniques d’élevage.
Progressivement, lors de la discussion en commission, nous avons introduit la nécessité de prendre en compte la totalité des acceptions du travail des agriculteurs.
Tel est précisément l’objet de cet amendement qui vise à voir reconnaître dans l’enseignement agricole les notions d’économie et de gestion de l’entreprise.
C’est très important. Lorsqu’un jeune accède au statut d’associé dans un Gaec, il faut qu’il connaisse la gestion sociale de ce type de groupement. La gestion de l’entreprise, les bases de l’économie, l’agronomie – qui interroge les techniques d’agriculture et d’élevage – doivent enrichir l’enseignement délivré aux jeunes qui veulent embrasser le beau métier d’agriculteur.
Mme la présidente
Nous en venons à la seconde série d’amendements identiques.
La parole est à M. Vincent Descoeur, pour soutenir l’amendement no 1007.
M. Vincent Descoeur
Il tend à compléter l’alinéa 8 en intégrant l’entreprise agricole et, pour ce faire, en insérant, après le mot « matière » la mention : « d’économie et de gestion de l’entreprise agricole, d’agronomie, de technique d’élevage, et ».
Mme la présidente
La parole est à M. Francis Dubois, pour soutenir l’amendement no 1528.
M. Francis Dubois
Cet amendement aborde la promotion et la formation aux métiers de l’agriculture.
À de multiples reprises, que ce soit pour aborder la souveraineté ou la promotion et la formation aux métiers de l’agriculture ou pour traiter de transmission et installation, le texte fait référence à la prise en compte des transitions agroécologiques et climatiques. Mais l’entreprise agricole ne peut pas être envisagée uniquement au regard de ces deux dimensions. L’économie, la gestion, les marchés, les techniques de production doivent être considérées comme essentielles et, de ce fait, être mentionnées comme des préalables à la réussite des projets.
Au passage, je rappelle les définitions de l’agronomie et de l’agroécologie. L’agronomie est l’étude scientifique des problèmes physiques, chimiques, biologiques que pose la pratique de l’agriculture. L’agroécologie est plus restrictive : c’est l’ensemble des méthodes de production agricoles respectueuses de l’environnement. Il est plus important de parler d’agronomie car celle-ci inclut l’agroécologie alors que l’inverse n’est pas vrai.
Mme la présidente
L’amendement no 4357 de M. Benoît Bordat est défendu.
L’amendement no 4504 de M. Vincent Bru est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Le Peih, rapporteure
Ces divers amendements visent à enrichir la liste – et quelle liste ! – des connaissances que doivent posséder les nouveaux actifs des secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire.
Vous souhaitez ajouter des connaissances en matière d’économie, de gestion de l’entreprise agricole, d’agronomie et de techniques d’élevage. Aujourd’hui, les chefs d’entreprises agricoles assurent des risques physiques, financiers, sociaux et environnementaux.
Ces amendements sont en grande partie satisfaits par l’adoption en commission de l’amendement no 3419 des rapporteurs qui prend déjà en compte les connaissances en matière agroécologiques, en matière de gestion de l’entreprise et de zootechnie, correspondant aux différentes techniques d’élevage.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre
Je voudrais faire écho à ce qu’a dit Mme Genevard sur les compétences nécessaires. Je relis l’amendement no 3419 voté en commission, après le débat sur l’agriculture biologique et l’agriculture de conservation des sols : « et en renforçant un socle de connaissances et de compétences dans les domaines des techniques agronomiques et zootechniques, de la gestion d’entreprise et des ressources humaines et du numérique, ainsi que les compétences psychosociales ».
Pardon de dire que tout y est. Si on l’ajoutait dans d’autres alinéas, nous finirions par être redondants. Lors des débats en commission, auxquels un grand nombre d’entre vous ont participé, vous avez pris en compte ces éléments, à raison. Les amendements en discussion étant intégralement satisfaits, je vous demanderais de les retirer.
M. Jean-Yves Bony
Il a raison !
Mme Annie Genevard
C’est vrai !
Mme la présidente
La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho
Vous menez un combat d’arrière-garde, poussés par une logique pavlovienne !
M. Julien Dive
Toujours le même mépris !
Mme Delphine Batho
J’en étais restée à un article du Monde dont le titre était : « Chez les Républicains, la recherche d’une "écologie de droite" ». En réalité, elle n’existe pas ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES et LFI-NUPES.)
M. Vincent Descoeur
L’agriculture de gauche, ce n’est pas mieux !
Mme Delphine Batho
Vous avez vu dans le texte la mention « en matière d’agriculture biologique » et vous avez voulu mettre devant le mot « économie »…
M. Julien Dive
Le mot « économie » vous gêne ?
Mme Delphine Batho
…et d’autres qui y figurent déjà.
C’est totalement pavlovien et quasi-obscurantiste…
M. Vincent Descoeur
Heureusement que vous amenez la lumière !
Mme Delphine Batho
…car les données économiques démontrent un effondrement de 50 % à 70 % des rendements sur le tournesol et sur le colza lorsqu’il n’y a plus de pollinisateurs.
Il faudrait ouvrir les yeux sur les connaissances modernes de notre époque. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.)
M. Julien Dive
Encore une belle leçon de mépris !
Mme Marie Pochon
C’est vous qui parlez de mépris ?
Mme la présidente
La parole est à Mme Annie Genevard.
Mme Annie Genevard
Voilà exactement l’écologie caricaturale qu’il n’est plus possible d’accepter. Vous utilisez des termes d’une condescendance…
M. Didier Le Gac
Eh oui !
M. Grégoire de Fournas
Donneuse de leçons !