XVIe législature
Session ordinaire de 2023-2024

Deuxième séance du vendredi 24 mai 2024

Sommaire détaillé
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Deuxième séance du vendredi 24 mai 2024

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet

Mme la présidente

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quinze heures.)

    1. Souveraineté alimentaire et renouvellement des générations en agriculture

    Suite de la discussion d’un projet de loi

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture (nos 2436, 2600).

    Discussion des articles (suite)

    Mme la présidente

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    Ce matin, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant aux amendements no 26 et identiques à l’article 13.

    Article 13 (suite)

    Mme la présidente

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    Sur les amendements n° 26 et identiques, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale et par le groupe Écologiste-NUPES de demandes de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    Nous avons achevé ce matin la liste des orateurs inscrits sur l’article.
    La parole est à M. Pascal Lavergne, rapporteur de la commission des affaires économiques pour les articles 5 à 7 bis et 13 à 20.

    M. Pascal Lavergne, rapporteur de la commission des affaires économiques

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    Nous abordons le titre IV, qui traite des enjeux de la simplification agricole. Il n’est jamais facile de simplifier, mais c’est ce qui est attendu de nous. La rationalisation normative proposée par les derniers articles du projet de loi se fera au bénéfice des agriculteurs. Elle relève du bon sens.
    Avec ces articles, nous reconnaissons que les agriculteurs sont de bonne volonté, défendent l’environnement et méritent d’être mieux protégés et représentés. Telles sont les bases primordiales de la simplification, qui ont vocation à modifier le paradigme coercitif trop souvent appliqué aux activités agricoles. Les métiers de l’agriculture sont par nature complexes à exercer tant ils mobilisent de compétences transversales et réunissent de talents en une seule profession. Inspirons-nous des agriculteurs et faisons nous aussi preuve de talent pour leur simplifier la vie ! C’est ce qu’ils attendent de nous. Suivons la boussole du pragmatisme et simplifions l’exercice des activités agricoles, par respect pour ceux qui produisent ce qui est indispensable à notre vie : notre alimentation. (M. Jean-Paul Mattei applaudit.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

    M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire

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    Au moment où nous entamons l’examen du titre IV, en particulier de l’article 13, je veux rappeler l’intention du Gouvernement, en écho aux débats que nous avons eus en commission et en complément des propos de Pascal Lavergne.
    L’objectif est triple. Conformément à l’engagement du Premier ministre, le premier n’est pas de revenir sur les atteintes à l’environnement et leur qualification, mais sur le quantum de peine. L’article 13 ne remet pas en cause la Charte de l’environnement, ni le droit de l’environnement, mais vise à distinguer les faits intentionnels des faits non intentionnels. Dans de nombreux cas, en effet, c’est de bonne foi, et non de manière intentionnelle, que les agriculteurs commettent des actes inacceptables du point de vue du code de l’environnement.
    Prenons l’exemple d’une forêt communale sous surveillance de l’Office national des forêts (ONF) – nous ne sommes pas dans le domaine agricole, mais cela revient au même. En mai 2020, l’évacuation de bois scolytés a été imposée pour des questions sanitaires, ce qui a nécessité la coupe de chablis par une entreprise de travaux forestiers – nous le savons, la propagation des scolytes est un sujet délicat et complexe. Après la plainte d’un riverain, cette opération a donné lieu à une verbalisation des agents de l’ONF en raison de la présence potentielle de nids. Nous souhaitons mettre fin à de telles injonctions contradictoires.
    En matière de répression des atteintes à la conservation d’espèces animales non domestiques, d’espèces végétales non cultivées, d’habitats naturels et de sites d’intérêt géologique, la sanction est actuellement la même, que l’atteinte soit intentionnelle ou non. C’est la réalité à laquelle sont confrontés les agriculteurs ! L’objectif du projet de loi, je le répète, est de distinguer les cas et de prévoir, pour les atteintes non intentionnelles, des mesures administratives spécifiques – nous y reviendrons tout à l’heure. Lorsque les atteintes sont intentionnelles, le droit commun s’applique, c’est-à-dire la procédure pénale, qui prévoit la possibilité d’une transaction si le procureur l’autorise et en l’absence de parties civiles.
    Plus généralement, le titre IV vise à simplifier les réglementations, en particulier les obligations légales de débroussaillement (OLD) et la réglementation sur les haies, qui se contredisent. Nous souhaitons donc que, désormais, lorsqu’une autorité établit une règle et que cette règle est entérinée, une autre autorité ne puisse pas prescrire une règle contraire.
    Le troisième objectif du titre IV est l’accélération des processus. Qu’il s’agisse de créer ou de rénover des bâtiments d’élevage, il n’est nullement question de déroger aux règles environnementales, mais de réduire suffisamment les délais pour garantir la viabilité des projets. En raison de recours abusifs – je n’ai pas peur du mot –, certains d’entre eux mettent trois, cinq, sept ou même neuf ans avant d’être achevés. Ce n’est évidemment pas acceptable si nous voulons favoriser l’installation des jeunes agriculteurs.
    Nous avons beaucoup parlé de diversification, mais le développement des élevages ne peut aller sans construction de nouveaux bâtiments. Si on dit à un jeune de 25 ans qu’il lui faudra attendre cinq ou dix ans pour mener à bien son projet, on le décourage dans son entreprise. L’objectif du projet de loi est de réduire le délai au terme duquel il obtient une réponse, qu’elle soit positive ou négative.
    Pour résumer, le titre IV tend à améliorer l’exercice des activités agricoles en revoyant le quantum de peine, à simplifier les procédures et les réglementations et à accélérer les processus. Les agriculteurs ont le sentiment qu’on leur dit blanc d’un côté, noir de l’autre et qu’ils vont se retrouver au tribunal pour des motifs injustifiés, alors qu’ils appliquent les règles en toute bonne foi.

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 26, 68, 1090, 2887, 3287, 3288, 3289, 3290, 3796 et 3996, tendant à supprimer l’article 13.
    La parole est à Mme Chantal Jourdan, pour soutenir l’amendement no 26.

    Mme Chantal Jourdan

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    L’article 13 prévoit d’agir par ordonnance, ce qui est un problème.

    M. Marc Fesneau, ministre

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    Ce n’est pas le cas !

    Mme Chantal Jourdan

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    C’est pourtant ce que dit le texte.

    M. Pascal Lavergne, rapporteur

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    Relisez-le !

    Mme Chantal Jourdan

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    C’est écrit au début du premier alinéa. Le Gouvernement prévoit de revoir le régime de répression des atteintes à l’environnement.

    Mme Marie Pochon

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    Elle a raison !

    Mme Chantal Jourdan

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    Avec cet article, le droit de l’environnement se trouverait affaibli,…

    M. Marc Fesneau, ministre

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    Non !

    Mme Chantal Jourdan

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    …ce qui est un non-sens étant donné l’urgence d’agir pour le climat, la protection de l’environnement et la restauration de la biodiversité. Avec ce projet de loi, le Gouvernement pourra transformer les sanctions pénales en sanctions administratives, de moindre portée. Le groupe Socialistes et apparentés considère que cette souplesse nouvelle est une remise en cause des normes environnementales, pourtant indispensables pour diffuser les bonnes pratiques agricoles.
    Enfin, l’absence d’incrimination pénale privera la police environnementale de ses pouvoirs d’investigation. Le rôle de l’Office français de la biodiversité (OFB) sera réduit à néant, ce qui représente un risque pour l’environnement. Nous pensons, au contraire, qu’il faut renforcer les missions de l’OFB, notamment en matière de prévention et d’information, auprès des agriculteurs et des forestiers, et accroître ses moyens – nous en faisons la demande depuis plusieurs années.

    Mme la présidente

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    L’amendement no 68 de M. Dominique Potier est défendu.
    La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement no 1090.

    M. André Chassaigne

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    Je l’ai défendu avant la levée de séance, madame la présidente.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l’amendement no 2887.

    Mme Delphine Batho

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    L’article 13 et sa réécriture par l’amendement no 4452, deuxième rectification, du Gouvernement sont une tromperie que je veux dénoncer. Les modifications proposées ont une portée générale et sont bien loin de concerner les seuls agricultrices et agriculteurs. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Écolo-NUPES et LFI-NUPES.)
    Je pense aux éoliennes de Bernagues et d’Aumelas, dans l’Hérault, jugées illégales, notamment, pour les premières, parce qu’elles ont tué un aigle royal. Une procédure pénale est en cours alors que le rapace n’a pas été abattu de manière intentionnelle. Le parquet a lancé une enquête préliminaire et une date d’audience sera bientôt fixée. La disposition prévue par le Gouvernement fera tomber la procédure.
    Je pourrais multiplier les exemples de maîtres d’ouvrage et de bétonneurs qui bénéficieront de l’article 13. En vérité, nous assistons à une opération d’instrumentalisation de la demande de simplification des agricultrices et des agriculteurs au service d’intérêts financiers puissants, qui veulent détruire la nature en toute impunité.

    Mme Anne-Laure Blin

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    Oh là là !

    Mme Delphine Batho

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    Les dispositions du droit de l’environnement se justifient par l’extinction massive du vivant. Le droit européen et la Charte de l’environnement prévoient un ensemble de règles pour le protéger – André Chassaigne l’a rappelé tout à l’heure.

    M. Vincent Descoeur

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    J’ai la solution : plus d’éoliennes !

    Mme Delphine Batho

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    Avec l’article 13, le Gouvernement délivre un permis de destruction de la nature (Protestations sur quelques bancs du groupe LR), de la beauté de la France et de ses paysages. (M. le ministre fait un signe de dénégation.) Nous ne sommes pas d’accord pour que l’on assassine le vivant alors que notre destin lui est intimement lié. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Écolo-NUPES et LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Aurélie Trouvé, pour soutenir l’amendement no 3287.

    Mme Aurélie Trouvé

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    Vous proposez de dépénaliser les dommages aux écosystèmes commis dans le cadre de l’activité agricole en avançant des arguments que nous jugeons fallacieux. Je résume : les agriculteurs sont traités comme des délinquants et le vivent très mal ;…

    M. Marc Fesneau, ministre

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    Oui, exactement !

    Mme Anne-Laure Blin

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    C’est ce qu’ils disent !

    Mme Aurélie Trouvé

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    …ils doivent donc bénéficier systématiquement…

    M. Vincent Descoeur

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    Pas systématiquement !

    Mme Aurélie Trouvé

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    …d’une présomption de non-intentionnalité et de bonne foi. Tout citoyen aimerait bénéficier d’un tel traitement. On pourrait ainsi ne pas s’arrêter lors d’un contrôle routier, ne pas répondre à une convocation de la gendarmerie et plaider la non-intentionnalité de commettre un délit. Voyez le précédent que vous allez créer ! La société ne fonctionne pas ainsi. Le droit de l’environnement fait partie intégrante de notre socle de normes.
    Rappelons qu’il existe aujourd’hui un consensus, aussi bien de la magistrature que des professionnels du droit de l’environnement ou du droit européen, en faveur de la création de sanctions pénales en cas de dommage à la faune et à la flore.
    Rappelons également qu’il n’existe pas de crime, dans notre code pénal, sans intention de le commettre : il est donc inutile de le répéter. Quand un agriculteur est poursuivi et sanctionné, c’est parce que le juge a constaté un défaut manifeste de vigilance,…

    M. Marc Fesneau, ministre

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    Non !

    Mme Aurélie Trouvé

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    …une négligence importante et une faute grave – et c’est très bien ainsi.
    Cet article, de plus, va donner un blanc-seing au Gouvernement pour revoir entièrement le droit de l’environnement.
    Enfin, en substituant des sanctions financières à des procédures pénales, vous allez gravement encourager la récidive, car il sera évidemment possible de payer pour persister.
    Je vous disais, au début de l’examen de ce texte, que nous vivons la première grande régression agroenvironnementale de ces trente dernières années. Nous n’avons rien connu de tel, en dépit des insuffisances de leurs politiques, sous les présidences de Mitterrand, Chirac, Sarkozy et Hollande. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Loïc Prud’homme, pour soutenir l’amendement no 3288.

    M. Loïc Prud’homme

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    Je suis surpris de cet article qui, monsieur ministre, contredit la doctrine de votre gouvernement ainsi que les annonces du Premier ministre : « Tu salis, tu nettoies, tu casses, tu répares. » (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Antoine Léaument

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    Bah oui ! Alors ?

    M. Loïc Prud’homme

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    Et maintenant… c’est open bar.
    Les dispositions que vous proposez, relativement à la question de l’intentionnalité, me semblent reposer sur une interprétation contestable de la directive « habitats » de 1992 et, surtout, sont incompatibles avec les lignes directrices de la Commission européenne sur l’application de la directive « oiseaux » de 2009, ce que confirme une abondante jurisprudence européenne.
    Quand l’Irlande, bien avant vous, a tenté d’introduire ce critère de non-intentionnalité, elle s’est fait rattraper, en janvier 2007, par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). L’amendement du Gouvernement ouvre donc, sans aucun doute, la voie à des contentieux, et la France sera condamnée à son tour, pour les mêmes motifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Catherine Couturier, pour soutenir l’amendement no 3289.

    Mme Catherine Couturier

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    Si nous voulons supprimer l’article 13, nous voulons surtout supprimer la réécriture que vous en proposez, qui tend à exonérer de toute charge pénale et financière des entreprises qui, pour réaliser des coupes en milieu forestier, détruiraient des espèces protégées.
    Bien évidemment, monsieur le ministre, ce ne sont pas de coupes sanitaires que nous parlons.

    M. Marc Fesneau, ministre

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    Les responsables ont été verbalisés !

    Mme Catherine Couturier

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    Pire encore : du moment qu’il existe, pour la parcelle forestière, un document de gestion, vous présumez l’absence d’intentionnalité de l’exploitant. Sauf que les documents de gestion, comme Chantal Jourdan l’a rappelé ce matin, n’ont aucun caractère informatif ou prescriptif en matière de protection des espèces protégées.

    Mme Delphine Batho

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    C’est vrai !

    Mme Catherine Couturier

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    Ces documents sont des coquilles vides qui ne permettent pas de savoir si des espèces protégées sont présentes ou non sur la parcelle.
    Prenons le cas d’une activité qui cherche à s’implanter en zone humide, comme dans mon département de la Creuse. Des sonneurs à ventre jaune, une espèce protégée de crapaud, ont été découverts sur le 1,8 hectare de parcelles où devait s’implanter une usine produisant des pellets. Des associations ont pu engager une procédure. Mais avec votre texte, il sera désormais impossible de sanctionner ceux qui réalisent des projets écocides. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Vincent Descoeur

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    Il ne faut pas sanctionner, il faut éviter !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Mathilde Hignet, pour soutenir l’amendement no 3290.

    Mme Mathilde Hignet

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    Comme mes collègues, je souhaite que cet article soit supprimé. Le périmètre de cette habilitation à légiférer par ordonnance est extrêmement large, ce qui prive le Parlement de débat sur les infractions concernées par le régime de répression des atteintes à l’environnement.
    Nous ne faisons évidemment en rien confiance à votre gouvernement…

    M. Marc Fesneau, ministre

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    Comme c’est étrange !

    Mme Mathilde Hignet

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    …pour légiférer sur cette question – à plus forte raison au vu des mesures qui figurent dans votre amendement de réécriture générale. Ce dernier introduit la possibilité qu’une transaction financière, en cas d’atteinte à l’environnement, vienne éteindre les poursuites pénales.

    M. Marc Fesneau, ministre

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    Pas du tout !

    Mme Mathilde Hignet

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    Par cette mesure, ce ne sont pas les agriculteurs que vous allez aider : ils n’auront pas les moyens de payer d’importantes amendes pour s’éviter une poursuite pénale. La rédaction que vous proposez, en effet, ne concerne pas que les agriculteurs, si bien que ceux que vous allez réellement aider seront uniquement les destructeurs les plus importants et les pollueurs les plus riches…

    M. Vincent Descoeur

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    Ah !

    Mme Mathilde Hignet

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    …qui auront les moyens de payer, sans se soucier des dégâts qu’ils auront causés à l’environnement. Ils pourront continuer à enfreindre la loi.

    M. Vincent Descoeur

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    C’est excessif !

    Mme Mathilde Hignet

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    C’est donc un message d’impunité que vous envoyez, au risque de multiplier les atteintes à l’environnement. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Vincent Descoeur

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    Ce n’est que de la théorie…

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Marie Pochon, pour soutenir l’amendement no 3796.

    Mme Marie Pochon

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    À la suite de mes collègues, je vais enfoncer le clou.
    Voici donc que le Gouvernement, dans sa grande loi supposée assurer le renouvellement des générations en agriculture, nous propose un article tendant à faciliter la destruction d’espèces protégées. C’est indigne et révoltant. J’invite les collègues de la majorité à être attentifs aux débats, afin qu’ils se rendent bien compte de ce qu’ils s’apprêtent à voter : il sera ensuite trop tard pour, une fois encore, prétendre ne pas avoir su.
    L’amendement du Gouvernement à l’article 13 constitue une grave atteinte à la protection des espèces. Malgré l’effondrement de la biodiversité – une diminution de 80 % de la population d’insectes et de 40 % de celle des oiseaux des champs – on continue de supprimer des espèces et des habitats protégés. Or, dans l’immense majorité des dossiers pénaux de destruction d’espèce ou d’habitat protégé, l’élément moral est caractérisé par l’imprudence ou la négligence : il est très difficile de démontrer que l’auteur des faits était au courant de la présence de ces espèces et qu’il avait l’objectif de les détruire.

    M. Vincent Descoeur

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    Oui, c’est rarement un objectif !

    Mme Marie Pochon

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    La caractérisation du manque de prudence se fait à l’aune d’éléments tels que la période de réalisation des travaux ou l’existence d’inventaires de la faune et la flore locales.
    Cet article aboutirait donc à ce que ne soit plus sanctionnée, au pénal, la destruction d’espèces protégées. Le périmètre de ses dispositions, de plus, est très large : la présomption de non-intentionnalité ne concernera pas que les travaux agricoles et forestiers, mais toutes les actions humaines. Elle s’étendra à un industriel causant la mort de milans royaux, à un forestier coupant des arbres abritant des chauves-souris, à un chasseur qui, le prenant pour du gibier, abattra un animal protégé.
    Ces mêmes inquiétudes, les plus grands experts des enjeux forestiers en France les ont exprimées ces derniers jours : juristes, auteurs du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le Giec, organisations de protection de l’environnement telles que Canopée, le Fonds mondial pour la nature (WWF), la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), France nature environnement (FNE). Mais nous connaissons votre aversion pour les études, les rapports, les faits, la science.
    Introduire ces dispositions par voie d’amendement, enfin, est un affront démocratique. Vous auriez au moins pu avoir le courage de vous confronter à l’étude d’impact et à l’avis du Conseil d’État – il aurait été dévastateur. Nous nous opposerons de toutes nos forces aux dispositions de l’article 13. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES et sur plusieurs bancs du groupe SOC.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. David Taupiac, pour soutenir l’amendement no 3996.

    M. David Taupiac

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    Il vise à supprimer l’article 13. Nous y étions déjà opposés en commission, et M. le ministre en avait annoncé une réécriture.
    La situation est délicate, car on ne peut pas vouloir conserver l’article dans sa rédaction actuelle, qui laisse le Gouvernement prendre par ordonnance des mesures tendant à modifier ou supprimer des infractions qui relèvent du code pénal et du code de l’environnement.
    Vous en proposez une réécriture à laquelle, comme pour les autres réécritures, nous n’avons pas été associés – ou de façon très limitée dans le cas de l’article 1er. Or, dans cette nouvelle rédaction, le stage de sensibilisation aux enjeux de l’environnement ne nous semble pas du tout convenir,…

    M. Vincent Descoeur

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    Le stage, c’est un problème.

    M. David Taupiac

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    …pas plus que les définitions que vous y donnez de la non-intentionnalité. Nous maintiendrons donc notre opposition.
    Permettez-moi enfin de rappeler, comme je l’ai fait en commission, que les premiers touchés par les atteintes à l’environnement sont les agriculteurs eux-mêmes.

    Mme Marie Pochon

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    Bien sûr !

    M. David Taupiac

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    La nature est aussi leur outil de travail, et ils savent la respecter. Si nous sommes donc tous d’accord pour revoir la proportionnalité des peines – sujet évoqué en commission –, votre réécriture ne nous satisfait pas. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Pascal Lavergne, rapporteur

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    J’avoue être stupéfait par ces débats.

    M. Loïc Prud’homme

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    Pas autant que nous !

    M. Pascal Lavergne, rapporteur

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    Je sais que Mme la députée Jourdan et M. le député Taupiac sont des parlementaires avisés, bien au fait de la procédure.

    M. Loïc Prud’homme

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    Parce que nous, nous sommes stupides ?

    M. Pascal Lavergne, rapporteur

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    Le texte initialement proposé par le Gouvernement établissait en effet une habilitation à légiférer par ordonnance. Il s’est engagé, en commission, à proposer par voie d’amendement une rédaction du texte où elle ne figurerait plus. C’est donc sur un fondement inexistant – au motif qu’il rendrait possible de légiférer par ordonnance – que vous justifiez vos amendements de suppression de l’article 13 !
    Quant aux écolos…

    Mme Delphine Batho

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    Aux écologistes !

    M. Pascal Lavergne, rapporteur

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    …aux écologistes, madame Batho – vous savez que l’on parle parfois de nous comme des « macronistes », ce qui n’est pas forcément plus agréable à entendre.

    Mme Delphine Batho

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    Je ne le fais jamais.

    M. Pascal Lavergne, rapporteur

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    Quant aux écologistes, donc, d’Europe Écologie-Les Verts, et à La France insoumise, nous les entendons dire, depuis le début de la discussion de ce projet de loi, avoir été présents sur les barrages formés par les agriculteurs…

    Mme Anne-Laure Blin

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    Ils n’y sont pas allés, évidemment !

    M. Pascal Lavergne, rapporteur

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    …la main sur le cœur, ceints de leurs écharpes bleu blanc rouge, le rouge au col, et y avoir entendu le message des agriculteurs. Vous avez sans doute entendu ce message, mais vous ne l’avez pas écouté.

    Mme Marie Pochon

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    Vous avez voté contre les prix planchers !

    Mme Aurélie Trouvé

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    Ce message, vous l’avez trahi !

    M. Pascal Lavergne, rapporteur

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    Dans cet amendement de réécriture, madame Pochon, il n’est pas question d’impunité zéro pour les agriculteurs en matière d’atteintes à l’environnement.

    Mme Marie Pochon

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    Non : pour tout le monde !

    M. Pascal Lavergne, rapporteur

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    Ce n’est pas la volonté du Gouvernement, de la majorité ou des rapporteurs qui se tiennent devant vous. Les agriculteurs, en revanche, nous ont fait part de leur souhait que nous révisions l’échelle des peines : c’est ce que nous faisons. (M. Loïc Prud’homme s’exclame.) Nous considérons que toute atteinte intentionnelle à l’environnement doit être punie, mais punie à sa juste mesure. Je vous demande donc de retirer ces amendements de suppression, à défaut de quoi je donnerai un avis extrêmement défavorable. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Marc Fesneau, ministre

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    Je sais, monsieur Taupiac, madame Jourdan, que vous êtes de bonne foi : vous n’allez pas faire semblant de ne pas avoir assisté au même débat que moi. Comme votre rapporteur l’a très bien rappelé, je me suis engagé, à l’occasion de l’examen de cet article en commission des affaires économiques, à graver dans le marbre de la loi les matières initialement renvoyées à une ordonnance ultérieure, compte tenu de la gravité du sujet. C’est ce à quoi tend l’amendement de réécriture que je propose aujourd’hui. Permettez-moi d’ajouter qu’il n’a pas été déposé il y a une demi-heure, en vous mettant devant le fait accompli, mais qu’il a été déposé depuis huit jours, dans le respect des délais.

    M. Thierry Benoit

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    Très bien !

    M. Marc Fesneau, ministre

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    Personne n’a donc rien caché à personne, et j’assume totalement la position du Gouvernement.

    M. Dominique Potier

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    Et sur le fond ?

    M. Marc Fesneau, ministre

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    Je vous signale, et à M. Potier en particulier, que les derniers gouvernements à avoir légiféré par ordonnance étaient des gouvernements que vous souteniez : notamment en 2014, sur la question de la transaction pénale. (Mme Delphine Batho s’exclame.)
    Vous n’étiez plus au gouvernement, madame Batho…

    Mme Delphine Batho

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    Non, j’en avais été remerciée !

    M. Marc Fesneau, ministre

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    Ce n’est jamais agréable, je peux le comprendre. Nous vous concédons donc que vous vous appelez « écologiste » et que vous n’étiez plus au gouvernement…

    M. Vincent Descoeur

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    Elle en partage le bilan !

    M. Marc Fesneau, ministre

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    …– mais vos amis y étaient encore. Si vous ne souteniez plus le gouvernement d’alors, madame Batho, c’est pourtant bien vous qui avez créé la transaction pénale, par voie d’ordonnance.
    Vous pouvez donc me raconter toutes les balivernes que vous voulez : mais je ne vais pas prendre de leçon, alors que j’ai transposé une ordonnance dans la loi !
    Je ne peux pas non plus laisser dire que nous reviendrions sur les atteintes à l’environnement : lisez ce que nous avons indiqué dans l’amendement de réécriture.

    Mme Marie Pochon

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    Nous l’avons lu !

    M. Marc Fesneau, ministre

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    Nous y prenons acte de l’existence d’atteintes à l’environnement. J’ai le sentiment que, pour me faire mieux comprendre, je dois à mon tour utiliser un exemple. Voici donc le cas d’un agriculteur – je ne donne pas, pour ma part, les prénoms et les lieux, c’est plus simple et moins artificiel –…

    Mme Catherine Couturier

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    C’est tout l’inverse !

    M. Marc Fesneau, ministre

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    Madame Couturier, laissez-moi parler, pour une fois !

    M. Paul Vannier

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    Calimero !

    M. Marc Fesneau, ministre

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    Voici un agriculteur inconnu des services et qui n’a jamais connu de problème avec l’administration. Du fait d’une incohérence entre la carte de l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) et la carte de la direction départementale des territoires (DDT), il traite avec un produit phytosanitaire le long de ce qu’il croyait être un fossé, et non un cours d’eau.
    Résultat : il est verbalisé, convoqué, menacé de garde à vue. Pourtant, on est bien dans du non-intentionnel ! Vous trouvez ça bien ? Je considère que c’est disproportionné – totalement disproportionné.

    M. Thierry Benoit

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    Oui, totalement !

    M. Marc Fesneau, ministre

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    Vous étiez présents sur les barrages – je ne vous accuse pas de ne pas y avoir été. Si vous avez écouté les agriculteurs, ils vous ont donné de tels exemples, quand, de bonne foi, ne connaissant pas le statut du lieu où ils se trouvent, ils subissent un contrôle et se retrouvent menacés de garde à vue à la brigade de gendarmerie locale avec, à la clé, des peines de prison et des amendes suffisamment élevées pour faire capoter leur exploitation agricole. C’est contre cela que nous voulons lutter !
    Et, madame Batho, notre amendement ne concerne évidemment pas la récidive car, si une première infraction peut être non intentionnelle, on peut commencer à se poser des questions à partir de la deuxième. Par ailleurs, vous évoquez les éoliennes mais, quand quelqu’un installe une éolienne sans se conformer au droit, c’est bien intentionnel !

    Mme Delphine Batho

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    Non.

    M. Marc Fesneau, ministre

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    Ce n’est pas à l’insu de son plein gré, si vous me permettez de paraphraser Richard Virenque ! Il existe des procédures ; si vous ne les respectez pas, c’est illégal. Si c’est illégal, c’est intentionnel et, comme c’est intentionnel, cela relève du régime actuel – pénal.

    Mme Marie Pochon

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    Mais c’est illégal de traiter près d’un cours d’eau !

    M. Marc Fesneau, ministre

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    En l’espèce, nous cherchons à distinguer le non-intentionnel de l’intentionnel. Et c’est de bonne foi et de bon droit ! Cela évitera en outre de dévoyer un principe important : la nécessité de préserver l’environnement.
    Enfin, nous ne supprimons pas les peines : l’obligation de réparation perdure, et des mesures complémentaires sont prévues en tant que de besoin. Il ne s’agit pas de prétendre que, parce que ce n’est pas intentionnel, ce n’est pas grave.
    Je le répète et j’y insiste car je sais que vous allez sans doute en faire vos choux gras : la volonté du Gouvernement, et celle du législateur, sont claires. Quand c’est intentionnel, les procédures ne doivent pas être de même nature que quand ce n’est pas intentionnel.

    M. Vincent Descoeur

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    Entre nettoyer un fossé et installer une éolienne, il y a une différence !

    M. Marc Fesneau, ministre

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    Pensez-vous que, par nature, les agriculteurs sont toujours coupables par intention – je n’affirme pas que vous l’avez dit, madame Batho ? L’agriculteur dont je viens de vous parler est-il coupable par intention ?

    M. Antoine Léaument

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    Non ! Ce n’est pas comme ça que ça fonctionne, le droit !

    M. Marc Fesneau, ministre

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    Monsieur Léaument, vous faites souvent l’éloge de Robespierre et d’une époque où l’on coupait souvent les têtes avant d’avoir jugé… De mon côté, il me semble préférable de juger l’intentionnalité avant de couper les têtes.

    M. Antoine Léaument

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    C’est le rôle du juge ! Vous n’aimez pas les juges !

    M. Marc Fesneau, ministre

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    Avis défavorable sur les amendements. (M. Antoine Léaument continue de s’exclamer.)

    Mme la présidente

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    Monsieur Léaument, pour le moment, les débats se déroulent correctement. Ne commencez pas à lancer des invectives ou à chercher à couvrir la voix de l’orateur ! De toute façon, la discussion commune qui suit permettra de poursuivre le débat.

    M. Éric Coquerel

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    Sauf si les amendements de suppression sont adoptés !

    Mme la présidente

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    Sauf s’ils sont votés, évidemment.

    M. Inaki Echaniz

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    Vous orientez le vote, madame la présidente ! (Sourires.)

    M. Paul Vannier

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    Comme d’habitude !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Anne-Laure Blin.

    Mme Anne-Laure Blin

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    On retrouve encore une fois le discours classique de l’extrême gauche.

    M. Inaki Echaniz

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    Oh !

    Mme Anne-Laure Blin

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    Vous avez essayé de les camoufler depuis le début, mais vous restez sur vos concepts, loin du quotidien de l’agriculteur. À part visiter le Salon de l’agriculture, êtes-vous allés à la rencontre de nos agriculteurs ? (Vives protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme Catherine Couturier et Mme Aurélie Trouvé

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    Vous êtes sérieuse ?

    Mme Anne-Laure Blin

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    Leur avez-vous parlé ne serait-ce que deux secondes ? Savez-vous combien il est difficile de vivre la peur au ventre parce qu’on est suspecté tous les jours ?

    Mme Aurélie Trouvé

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    Arrêtez !

    Mme Anne-Laure Blin

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    Les agriculteurs ont peur ; ils ont peur en permanence de ne pas respecter les réglementations que vous leur imposez ! Ils ont peur à cause de tous les petits oiseaux que vous voulez protéger,…

    M. Marc Fesneau, ministre

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    Nous aussi, nous voulons les protéger !

    Mme Anne-Laure Blin

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    …qui ruinent leurs semis et leurs cultures. Ils n’ont plus aucun recours pour défendre leurs exploitations !

    M. Inaki Echaniz

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    Quand il n’y aura plus d’oiseaux, ils ne transporteront plus les petites graines…

    Mme Anne-Laure Blin

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    Savez-vous combien il est difficile d’être chef d’entreprise, d’essayer de faire le maximum pour respecter les règles sans jamais savoir si on les a bien respectées ?
    Aujourd’hui, être agriculteur, c’est être valeureux.

    M. Loïc Prud’homme

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    Vous savez à qui vous parlez ? Vous parlez à des agriculteurs ! (M. Loïc Prud’homme désigne Mme Mathilde Hignet.)

    Mme Anne-Laure Blin

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    Et ils sont valeureux, nos agriculteurs, de vouloir toujours s’investir pour nous nourrir – vous nourrir. En réalité, les nouvelles générations ne veulent plus reprendre l’exploitation de leurs parents parce qu’ils ont la peur au ventre. Alors donnez-leur un peu d’air !

    M. Loïc Prud’homme

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    Mais savez-vous à qui vous parlez ?

    Mme Anne-Laure Blin

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    On ne parle pas d’impunité, comme vous le prétendez, mais de justice et d’équité, de respect pour leur travail, car ils sont les premiers protecteurs de l’environnement. (MM Julien Dive et Vincent Descoeur applaudissent.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Delphine Batho.

    Mme Delphine Batho

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    Ce dont nous discutons mérite un débat parlementaire de qualité.

    Mme Anne-Laure Blin

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    Ah !

    Mme Delphine Batho

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    Le sujet, ce ne sont pas les agricultrices et les agriculteurs.

    M. Vincent Descoeur

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    Ah bon ?

    Mme Anne-Laure Blin

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    Nouveau concept !

    Mme Delphine Batho

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    Ce sont les destructeurs de la nature, les promoteurs des infrastructures au cœur de conflits locaux pour des atteintes aux habitats et aux espèces protégées.

    M. Vincent Descoeur

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    Comme les promoteurs d’éoliennes, que vous soutenez ?

    Mme Delphine Batho

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    En précisant que la destruction de la nature doit être intentionnelle pour être un délit, l’amendement du Gouvernement tend à délivrer un permis de détruire et d’impunité générale !

    Plusieurs députés du groupe LFI-NUPES

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    Elle a raison !

    Mme Delphine Batho

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    Il ne s’agit pas d’un sujet agricole et le ministre, comme le rapporteur, n’ont pas répondu sur ce point. L’Assemblée nationale est donc en droit de demander la présence immédiate de M. Christophe Béchu, ministre chargé de l’écologie ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES et LFI-NUPES.)

    Un député du groupe LFI-NUPES

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    On en appelle à Béchu !

    Mme Aurélie Trouvé

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    C’est dire si l’on est désespéré ! (Sourires.)

    Mme Delphine Batho

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    On n’a jamais vu une remise en cause aussi brutale et aussi violente de toutes les directives européennes sur la protection des espèces et des habitats protégés !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Manon Meunier.

    Mme Manon Meunier

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    Vous nous provoquez, monsieur le ministre, mais je vais essayer de rester calme car c’est très grave, ce que vous tentez de faire dans cet article. Il ne s’agit pas de remettre en question la bonne foi des agriculteurs. En réalité, les dispositions prévues vont bien plus loin que ce que vous prétendez.
    Si vous considérez que certaines peines du droit de l’environnement sont disproportionnées, vous auriez pu prendre le temps de les modifier, même si nous n’y serions pas forcément favorables. Mais, ce n’est pas votre méthode : vous introduisez une nouvelle notion en droit – le fait de considérer, en premier lieu, l’intentionnalité. C’est une première ! Mais ce n’est pas possible en droit, sinon pourquoi ne pas prévoir la même chose dans les autres secteurs ?
    Nul n’est censé ignorer la loi : ne faut-il pas toujours partir de ce principe ? Ensuite, il appartient au juge de tenir compte de l’intentionnalité pour déterminer la peine.

    M. Loïc Prud’homme

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    Point !

    Mme Manon Meunier

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    Sinon, on supprime un des fondements du droit (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Mme Eva Sas applaudit également)

    M. Paul Vannier

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    Elle a raison !

    Mme Manon Meunier

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    …et chacun pourra mettre en avant ses bonnes intentions pour ne plus répondre devant la justice de ses atteintes au droit de l’environnement. C’est de la démagogie, et c’est grave !
    J’espère que le Conseil constitutionnel censurera ce dispositif. Vous faites du droit de l’environnement un droit inférieur aux autres en modifiant la charge de la preuve.

    M. Paul Vannier

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    Tout à fait !

    Mme Manon Meunier

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    Pour que le délit contre l’environnement soit jugé, il faudra en prouver l’intentionnalité. Je rejoins l’analyse de M. Taupiac (M. Paul Vannier applaudit) : les agriculteurs seront les premières victimes. Quand des marcheurs ou des chasseurs porteront atteinte aux exploitations agricoles et à l’environnement, cela retombera sur les agriculteurs ! (Mme la présidente coupe le micro de l’oratrice, dont le temps de parole est écoulé. – Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix les amendements identiques nos 26, 68, 1090, 2887, 3287, 3288, 3289, 3290, 3796 et 3996.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        67
            Nombre de suffrages exprimés                67
            Majorité absolue                        34
                    Pour l’adoption                19
                    Contre                48

    (Les amendements identiques de suppression, nos 26, 68, 1090, 2887, 3287, 3288, 3289, 3290, 3796 et 3996 ne sont pas adoptés.)

    Rappel au règlement

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Delphine Batho, pour un rappel au règlement.

    Mme Delphine Batho

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    Sur le fondement des alinéas 1 à 3 de l’article 93 du règlement, je sollicite la présidence pour examiner la constitutionnalité de l’amendement no 4452, deuxième rectification, du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Cet amendement est en effet contraire à l’article 88-1 de la Constitution relatif à l’appartenance de la France à l’Union européenne.

    M. Grégoire de Fournas

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    Ah !

    Mme Delphine Batho

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    Il n’a d’ailleurs pas fait l’objet d’un avis du Conseil d’État – lequel l’aurait, c’est certain, déclaré contraire au droit européen et à la Charte de l’environnement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    Selon les termes de l’article 93, le fait d’invoquer l’irrecevabilité d’un amendement n’appartient pas aux députés, mais seulement au président de l’Assemblée nationale ou au Gouvernement.

    Mme Delphine Batho

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    C’est vrai.

    M. Antoine Léaument

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    Il est constitutionnel, alors ?

    Mme la présidente

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    L’amendement est recevable. La recevabilité n’implique pas la constitutionnalité des dispositions, sinon le Conseil constitutionnel n’opérerait jamais aucune censure.

    M. Marc Fesneau, ministre

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    Absolument !

    Mme la présidente

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    Laissons-le remplir pleinement sa fonction. Je le répète, la recevabilité n’implique pas la constitutionnalité, et vous n’êtes pas compétente pour demander que cette irrecevabilité soit prononcée.

    M. Jean-Paul Mattei

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    Très bien !

    Plusieurs députés du groupe LFI-NUPES

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    C’est bien pour cela qu’elle vous demande de le faire !

    Article 13 (suite)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de deux amendements, nos 4452, deuxième rectification, et 4687, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L’amendement no 4452, deuxième rectification, fait l’objet de plusieurs sous-amendements.
    La parole est à M. le ministre, pour le soutenir.

    M. Marc Fesneau, ministre

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    Conformément à notre engagement de ne pas légiférer par ordonnance, nous vous proposons une nouvelle rédaction de l’article 13. Il est en effet important d’en débattre avec ceux qui s’y opposent.
    L’amendement vise donc à inscrire directement dans le projet de loi une modification du régime de répression des atteintes à la conservation des espèces animales non domestiques, des espèces végétales non cultivées, des habitats naturels protégés et des sites d’intérêt géologique défini par l’article L. 415-3 du code de l’environnement.
    J’y insiste, il s’agit d’adapter, et non de supprimer ce régime, en réservant la qualification de délit aux faits commis de manière intentionnelle – et il appartiendra au juge de dire si c’est le cas, de même qu’un contrôle demeure, par les agents de l’OFB, entre autres –, et en prévoyant de ne pas retenir ce caractère intentionnel lorsque l’atteinte est commise dans le cadre de l’exécution d’une obligation légale ou réglementaire.

    Mme Delphine Batho

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    N’importe quoi !

    M. Marc Fesneau, ministre

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    Quand on demande l’abattage d’un arbre dangereux sur la voie publique, il est en effet curieux de verbaliser celui qui réalise l’opération au motif que c’est l’habitat potentiel de telle ou telle espèce protégée. On doit pouvoir répondre à une prescription réglementaire ou légale sans être inquiété.

    M. Dominique Potier

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    Cela concerne le juge !

    M. Marc Fesneau, ministre

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    La menace que font peser les sanctions pénales visées dans cet article est de nature à générer un sentiment de mal-être et d’insécurité juridique, nous l’avons tous entendu.

    M. Antoine Léaument

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    Pourquoi prévoir ces dispositions pour les agriculteurs et pas pour les autres ?

    M. Marc Fesneau, ministre

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    Les agriculteurs ont aussi le sentiment d’un opprobre disproportionné aux faits, souvent non intentionnels, je le répète. Je prends un nouvel exemple : quand un agriculteur entretient une haie au-delà de la période autorisée, cela ne mérite quand même pas de le mettre en garde à vue et de le menacer de cinq ans de prison. Je plaide donc pour une révision de la gradation des peines, dans le droit fil des engagements du Premier ministre et du Président de la République.
    Contrairement à ce que vous insinuez – je vois clair dans vos intentions –, nous ne supprimons pas le constat des dégâts causés à l’environnement. Mais, en cas d’atteinte, la sanction doit être appropriée au niveau et à la nature des dégâts, et prendre en compte l’intentionnalité. Le juge en jugera pour les délits intentionnels.

    M. Antoine Léaument

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    Ah bon ?

    M. Marc Fesneau, ministre

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    En outre, et je sais que cela fera l’objet de débats, nous souhaitons favoriser une bonne appropriation de la réglementation environnementale par les agriculteurs en prévoyant une nouvelle mesure administrative. Il s’agira de la réparation, quand elle est possible – ainsi, si un habitat dégradé peut être restauré –, ou de mesures pédagogiques – d’aucuns proposent aussi des sanctions financières.
    Nous n’organisons pas la révolution, mais souhaitons simplement qu’un agriculteur ne soit plus menacé de garde à vue, d’une amende de 300 000 à 500 000 euros et de trois à cinq ans de prison quand il ne sait pas s’il travaille à côté d’un fossé ou d’un cours d’eau.
    Nous continuons à protéger l’environnement, les espèces et les habitats (M. Loïc Prud’homme proteste) – je n’ai entendu personne vouloir le contraire – tout en organisant une gradation des sanctions conforme au droit, à la Constitution et à la Charte de l’environnement.
    Je vous assure que la Commission européenne et les autres institutions européennes ne s’opposent pas aux dérogations que l’on est parfois contraint d’accorder pour tenir compte d’une situation particulière – ce fut mon cas cette année avec le broyage des haies. Sans nier la nécessité de respecter l’environnement et de protéger les espèces et leur habitat, il faut donc faire preuve d’un peu de pragmatisme. C’est l’objet de mon amendement.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Marie Pochon.

    Mme Marie Pochon

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    Le ministre ne répondant pas sur le fond, et dans l’attente de la venue de M. Béchu, que nous avons réclamée, nous demandons une suspension de séance.

    Mme la présidente

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    Elle est de droit, mais je vous rappelle que le Gouvernement choisit qui le représente sur le banc des ministres.
    Je vais suspendre la séance pour deux minutes.

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à quinze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures quarante-sept.)

    Mme la présidente

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    La séance est reprise.
    La parole est à M. Grégoire de Fournas, pour soutenir le sous-amendement no 5452.

    M. Grégoire de Fournas

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    Lors de leur mobilisation, les agriculteurs vous ont fait plusieurs demandes. Les prix rémunérateurs ? Ils sont absents de ce texte. La lutte contre la concurrence déloyale ? Idem. La surtransposition de la réglementation européenne ? Vous ne faites rien dans ce texte pour y mettre un terme. Dans ce projet de loi qui reste désespérément vide, votre amendement fait apparaître d’on ne sait où un stage de sensibilisation aux enjeux de l’environnement. Ce stage imposé aux agriculteurs, et qui n’est pas exclusif d’autres sanctions – c’est important de le préciser –, se ferait à leurs frais, ce qui est assez scandaleux.

    M. Pascal Lavergne, rapporteur

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    C’est faux !

    M. Grégoire de Fournas

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    Monsieur le ministre, avez-vous compris les revendications des agriculteurs ? Lors de leur mobilisation, ils vous ont parlé de simplification : que simplifie l’alinéa 3 ? Ils vous ont parlé de considération, ce que vous avez vous-même rappelé : en quoi faites-vous preuve de considération quand vous proposez d’imposer aux agriculteurs des stages de rééducation à l’environnement ?
    Cet amendement de réécriture générale a jeté le trouble dans la majorité. M. Sitzenstuhl avait déposé des sous-amendements identiques aux miens mais les a retirés ; M. le rapporteur Lavergne avait cosigné l’amendement no 5569, mais a retiré sa signature avant la séance, ce qui n’est franchement pas très courageux. Chers collègues de la majorité, croyez bien que les agriculteurs observeront attentivement vos votes sur l’amendement de réécriture générale et sur les sous-amendements. L’amendement du Gouvernement est une gifle portée aux agriculteurs, et votre texte n’apporte aucune solution à la crise qu’ils traversent. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de plusieurs demandes de scrutin public : sur l’amendement no 4452, deuxième rectification, par les groupes Renaissance, Rassemblement national et Écologiste-NUPES ; sur les sous-amendements identiques nos 5452 et 5567 par le groupe Rassemblement national ; sur les sous-amendements identiques nos 5458 rectifié, 5480 rectifié et 5568 par le groupe Écologiste-NUPES ; sur les sous-amendements identiques nos 5481 et 5597, 5482 et 5598, et sur le sous-amendement no 5483 rectifié par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale.  
    Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à Mme Anne-Laure Blin, pour soutenir le sous-amendement no 5567.

    M. Grégoire de Fournas

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    Et l’amendement no 5569, qu’est-il devenu ?

    Mme Anne-Laure Blin

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    Ce texte était en préparation depuis deux ans ; il arrive surtout après le grand mouvement de colère de nos agriculteurs. Nous sommes favorables au remplacement des sanctions pénales environnementales par un régime administratif – c’est une mesure très attendue par les agriculteurs. Comme vous vous étiez engagés à retravailler l’article, nous n’avons pas été étonnés de vous voir déposer un amendement de réécriture. Mais quelle ne fut pas notre surprise de vous voir sortir cette idée de stage de derrière les fagots ! Elle n’est pas du tout à la hauteur. Devrons-nous expliquer aux agriculteurs que, certes, on dépénalise, mais qu’ils devront passer sous les fourches caudines de bien-pensants environnementaux, qui leur expliqueront la vie ? Qui l’acceptera ? Comment pourrons-nous défendre ce stage auprès des agriculteurs ?
    Vous proposez en outre que l’administration puisse transiger avec les personnes poursuivies ; le stage n’est donc pas obligatoire, et comme il est presque indécent, je vous invite, monsieur le ministre, à retirer cette disposition.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Marie Pochon, pour soutenir le sous-amendement no 5458 rectifié.

    Mme Marie Pochon

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    Mes chers collègues, lisez la réécriture proposée par le ministre : elle prévoit que désormais seules les atteintes aux espèces, habitats et sites protégés commises de manière intentionnelle seront sanctionnées pénalement. Elle instaure par ailleurs une présomption de non-intentionnalité quand ces infractions sont commises dans le cadre d’une obligation légale ou en application d’un plan de gestion, et ce pour toutes les actions humaines. Ainsi, l’entretien des voies ferrées étant une obligation réglementaire, on pourra désormais lancer des travaux en pleine nidification, menacer la reproduction des oiseaux sans aucune conséquence légale, et provoquer la destruction d’espèces protégées.
    La présomption de non-intentionnalité pour toutes les actions exécutées dans le cadre d’un plan de gestion forestière relève d’une vaste plaisanterie. C’est à peu près aussi sensé que si vous disiez à un juge, pour vous défausser d’avoir tué votre chien, que vous possédez un annuaire ! Comme vous devriez le savoir, les documents de gestion n’ont aucun caractère informatif – et a fortiori prescriptif – en matière d’espèces protégées. Ils se limitent à une description générale des enjeux ; certains documents, comme le règlement type de gestion (RTG) ou le code des bonnes pratiques sylvicoles (CBPS), portent sur la région naturelle dans son ensemble, et non sur une propriété spécifique. Ils n’apportent donc aucune information sur la présence potentielle d’espèces protégées sur une parcelle forestière, ni sur les mesures à adopter pour les protéger le cas échéant. L’OFB a d’ailleurs constaté de nombreuses infractions dans des propriétés disposant de documents de gestion.
    Vous enfreignez une nouvelle fois le droit européen, car le droit interne d’un État membre ne peut pas autoriser les activités de gestion forestière exécutées conformément à de bonnes pratiques à violer les interdictions découlant de la transposition de la directive « habitats ».
    Mes chers collègues, allez lire la réécriture du Gouvernement et consultez des juristes en droit de l’environnement avant de vous associer par votre vote à cette régression inédite du droit de l’environnement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Catherine Couturier, pour soutenir le sous-amendement no 5480 rectifié.

    Mme Catherine Couturier

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    Le Parlement européen a récemment voté en faveur d’une proposition de règlement sur la restauration de la nature. Je vous en rappelle quelques objectifs : améliorer la biodiversité des écosystèmes forestiers, améliorer l’indicateur de présence d’oiseaux communs et obtenir une tendance à la hausse d’au moins six des sept indicateurs mentionnés pour les écosystèmes forestiers, comme le taux de bois mort sur pied.
    Ce que vous proposez va totalement à l’encontre de ces objectifs. Le règlement n’est certes toujours pas validé par tous les États membres, mais au ministère de l’environnement, où j’étais mercredi, – il y a peut-être un désaccord entre ce ministère et le vôtre –, on m’a assuré que le règlement serait bien adopté et qu’un courrier avait même été envoyé à l’ensemble des États membres pour les inviter à le ratifier. Vous vous dirigez donc vers un contentieux devant la Cour de l’Union européenne, et la France a déjà été condamnée dans des cas similaires. Vous commettriez une erreur fondamentale en vous enfermant dans votre volonté de revenir sur la protection de la biodiversité.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Chantal Jourdan, pour soutenir le sous-amendement no 5568.

    Mme Chantal Jourdan

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    Je fais mon mea culpa : l’amendement no 26 portait bien sur la suppression de l’article dans sa rédaction initiale.

    M. Marc Fesneau, ministre

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    Pas de problème !

    Mme Chantal Jourdan

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    Mais la réécriture proposée par le Gouvernement modifie toujours le code de l’environnement, en particulier s’agissant des espèces protégées et des habitats naturels – c’est l’une des raisons pour lesquelles nous la contestons également. La notion d’intentionnalité est toujours prise en considération, ce qui aura des répercussions sur l’appréciation des atteintes portées à l’environnement.
    Le 2o du II du texte proposé par le Gouvernement pour l’article L. 171-7-2 du code de l’environnement entre en contradiction avec les travaux qu’il avait lui-même conduits dans le cadre de la feuille de route sur les travaux forestiers et les espèces protégées, publiée en mai 2023, à la suite d’un processus impliquant de nombreux partenaires. Ceux-ci s’étaient engagés à inscrire dans les documents encadrant la gestion forestière la protection des habitats naturels et des espèces protégées. Dans l’hypothèse où ils respecteront leur engagement, quel avenir pour la réécriture des documents de gestion ? Les partenaires ne risquent-ils pas surtout de se retrancher derrière la présomption de non-intentionnalité pour revenir sur leur engagement ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Loïc Prud’homme, pour soutenir le sous-amendement no 5481.

    M. Loïc Prud’homme

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    Ma collègue Meunier a rappelé que nul n’est censé ignorer la loi. Je ne vais pas revenir sur ce point, mais le Conseil constitutionnel ne manquera pas d’examiner cet amendement.
    En revanche, j’ai une question sur la confusion entre fossés et cours d’eau. Si, comme vous nous le répétez depuis presque une semaine, les agriculteurs sont les experts de leur territoire,…

    M. Vincent Descoeur

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    Exact : enfin une parole juste !

    M. Loïc Prud’homme

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    …ils devraient être capables de faire la différence !

    M. Marc Fesneau, ministre

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    Vous savez la faire, vous ?

    M. Loïc Prud’homme

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    Par ailleurs, l’arrêté du 4 mai 2017 a eu pour conséquence de déclasser beaucoup de cours d’eau en fossés. Moi qui suis élu depuis juin 2017, je n’ai pas souvenir que vous soyez revenu sur ce déclassement. Dans certains départements, plus de 30 % des cours d’eau sont pourtant concernés. Il faudrait donc arrêter de nous prendre pour des imbéciles en s’appuyant sur des exemples qui ne renvoient pas à une réalité. Cela souligne par ailleurs votre inactivité sur la question du statut des cours d’eau, pourtant essentielle à la défense de l’environnement. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme Perrine Goulet

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    Oui, enfin, un fossé, c’est un fossé, et un cours d’eau, c’est un cours d’eau !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir le sous-amendement no 5597.

    Mme Delphine Batho

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    Les mots « agriculture » et « agriculteurs » apparaissent-ils dans l’amendement no 4452, deuxième rectification, du Gouvernement ? La réponse est non. Ces dispositions ont-elles une portée générale, et concernent-elles toute forme d’atteinte aux espèces et aux habitats protégés ? La réponse est oui.
    J’ai eu l’impression que le ministre découvrait la portée de son propre amendement. Depuis tout à l’heure, il ne répond pas à nos questions et ne confirme ni n’infirme nos propos. Ajouter la mention « commis de manière intentionnelle » au deuxième alinéa de l’article L. 415-3 du code de l’environnement fait disparaître toute possibilité de poursuivre et de sanctionner de nombreuses atteintes graves à l’environnement en France.
    Ensuite, cette disposition est contraire à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, comme le montrent des décisions rendues à propos de la Pologne et de l’Irlande. L’amendement du Gouvernement est donc anti-européen ! Une telle position, de votre part, on se pince !

    M. Grégoire de Fournas

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    Vous êtes pour le Frexit, monsieur le ministre !

    Mme Delphine Batho

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    Il pourrait être défendu par l’un de ces États membres qui voudraient une Europe à la carte, dans laquelle on peut faire le tri dans le droit européen, en mettant de côté le droit de l’environnement, par exemple. Nous, nous défendons l’environnement, la nature et l’Europe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de deux sous-amendements identiques, nos 5482 et 5598.
    La parole est à Mme Aurélie Trouvé, pour soutenir le sous-amendement no 5482.

    Mme Aurélie Trouvé

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    Premièrement, permettez-moi de répondre à la fois à M. le ministre et à Mme Anne-Laure Blin : oui, nous avons discuté avec des centaines d’agriculteurs ; oui, plusieurs d’entre nous ont visité et étudié des milliers d’exploitations agricoles.
    Vous travestissez le message des agriculteurs : si ces derniers ont la peur au ventre, comme vous le dites, ce n’est pas à cause des contrôles environnementaux, mais tout simplement parce qu’ils ne savent pas s’ils percevront un revenu l’année prochaine ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Mme Eva Sas applaudit également.)
    Ils se sont mobilisés avant tout pour obtenir des revenus dignes et rémunérateurs, mais le Gouvernement n’a rien à leur proposer en la matière. Voilà la raison de ce titre IV ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Deuxièmement, outre des entreprises non agricoles, seule une très petite minorité d’agriculteurs commettant des délits graves est concernée. En 2022, l’OFB a engagé 136 procédures ; les condamnations sont bien évidemment en nombre très inférieur et concernent toujours des délits graves.

    Mme Annie Genevard

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    Ça dépend à quel endroit !

    Mme Aurélie Trouvé

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    Troisièmement, un rapport de la magistrature s’inquiète au contraire de la diminution du nombre de mises en examen, de la judiciarisation et de la pénalisation en matière de droit de l’environnement, compte tenu des immenses enjeux environnementaux.

    M. Grégoire de Fournas

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    Vous citez le Syndicat de la magistrature !

    Mme Aurélie Trouvé

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    Ce sous-amendement vise à supprimer la disposition qui proscrit toute poursuite pénale lorsque l’acte concerné est effectué à la demande de l’administration, puisque ce principe de droit pénal existe déjà. En revanche, vous en avez profité pour ajouter une autre disposition : toute personne disposant d’un document de gestion forestière peut s’en prévaloir. Un gestionnaire forestier détenteur d’un tel document – qui n’a rien à voir avec une autorisation – peut donc détruire un massif d’arbres abritant 1 000 rouges-gorges sans craindre d’être poursuivi. C’est l’élément le plus grave de cet ensemble d’alinéas dont nous demandons la suppression. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Mme Marie Pochon applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir le sous-amendement no 5598.

    Mme Delphine Batho

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    Ce sous-amendement de repli vise à supprimer les alinéas relatifs à la notion de dérogation générale fondée sur les documents de gestion forestière.
    Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne du 2 mars 2023 contre la Pologne, un État membre ne peut pas prévoir dans son droit interne que les activités de gestion forestière exécutées « conformément aux exigences de bonne pratique » – c’est-à-dire du document de gestion – ne violent pas les interdictions découlant de la transposition de la directive « habitats ».
    Prendre en compte le caractère intentionnel en matière de destruction des espèces protégées revient donc à abroger des dispositions fondamentales du droit européen. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.)

    M. Marc Fesneau, ministre

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    Ce n’est pas ce qu’on a dit !

    Mme Delphine Batho

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    Si, c’est ce qui est écrit !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Manon Meunier, pour soutenir le sous-amendement no 5483 rectifié.

    Mme Manon Meunier

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    Vous dites vous-mêmes, à l’instar de M. Charles Sitzenstuhl tout à l’heure, qu’il ne faut pas dissocier agriculture et environnement. Puisque nous sommes d’accord sur ce point, il nous faut considérer le droit de l’environnement tel qu’il existe.
    L’enjeu n’est pas celui de l’échelle des peines, mais celui de la présomption de non-intentionnalité. Si votre amendement est adopté, on ne pourra plus soumettre un acte à la justice sans avoir au préalable fourni la preuve qu’il a été réalisé de façon intentionnelle. Un tel raisonnement ne peut pas être tenu en droit ! Appliqué à d’autres domaines, et poussé jusqu’à son terme, il rendrait possible, par exemple, de porter atteinte aux biens des agriculteurs – sur ce point, nous devons bien garder à l’esprit les propos de M. Taupiac – sans être poursuivi car on sera présumé de pas l’avoir fait exprès !
    C’est au juge, à la justice de déterminer si l’acte a été ou non commis de manière intentionnelle et de décider, en conséquence, de l’ampleur de la peine. Certaines peines maximales prévues par la loi peuvent sembler très lourdes, mais elles ne sont en réalité jamais appliquées, précisément parce que le juge prend en considération l’intentionnalité et les circonstances. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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