Deuxième séance du vendredi 31 mai 2024
- Présidence de M. Sébastien Chenu
- 1. Accompagnement des malades et de la fin de vie
- Discussion des articles (suite)
- Article 2 (suite)
- Mme Sandrine Rousseau
- M. Christophe Bentz
- M. Stéphane Delautrette
- Mme Elsa Faucillon
- M. Hadrien Clouet
- M. Thibault Bazin
- Mme Anne Bergantz
- Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités
- Mme Monique Iborra
- Amendements nos 127, 639, 1266, 1482, 1785, 2829 et 3128
- M. Didier Martin, rapporteur de la commission spéciale
- Amendements nos 1483, 2628, 34, 1229, 2351, 2089, 1616, 3130, 3131, 1011, 2517 et 1818
- Sous-amendement no 3465
- Amendements nos 3003, 1877, 1901, 409, 1154, 2287, 2364, 1485, 2629, 3132, 2632, 35, 3133, 884, 432, 240, 1486, 1370, 2579, 3134, 3135, 1819, 552, 1820, 1689, 2573, 2575, 2583, 2920, 1997, 1996 et 17
- Suspension et reprise de la séance
- Après l’article 2
- Article 2 bis
- Après l’article 2 bis
- Amendements nos 575 et 3328
- M. Olivier Falorni, rapporteur général de la commission spéciale
- Article 3
- Mme Cécile Rilhac
- Mme Sandrine Dogor-Such
- M. René Pilato
- M. Sébastien Peytavie
- Amendements nos 128, 1885 et 1826
- Sous-amendement no 3469
- Amendements nos 2433, 267, 1829, 129, 958, 941, 1828 et 642
- Suspension et reprise de la séance
- Après l’article 3
- Amendement no 3391
- Article 4
- Amendements nos 243, 2779 et 3143, 3138
- Article 2 (suite)
- Discussion des articles (suite)
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de M. Sébastien Chenu
vice-président
M. le président
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1. Accompagnement des malades et de la fin de vie
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie (nos 2462, 2634).
Discussion des articles (suite)
M. le président
Ce matin, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi et commencé d’entendre les orateurs inscrits sur l’article 2.
Article 2 (suite)
M. le président
La parole est à Mme Sandrine Rousseau.
Mme Sandrine Rousseau
Les maisons d’accompagnement sont qualifiées de « maisons de la mort » par nos collègues de la droite de l’hémicycle. C’est évidemment faux puisque ces maisons ont une visée humaniste et permettront d’accueillir des personnes isolées, ainsi que leurs proches, qui pourront ainsi les entourer dans leurs derniers moments. Ces maisons sont aussi destinées aux personnes en fin de vie qui n’ont pas un logement adapté à leur situation, personnes dont on parle peu malgré leur grand nombre. Les maisons d’accompagnement sont tout sauf des « maisons de la mort » !
Comme l’a dit ce matin mon collègue Sébastien Peytavie, le groupe Écologiste refuse absolument que ces maisons soient à but lucratif. Il est incroyable d’avoir à souligner combien ce serait un scandale, mais c’est manifestement nécessaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES et LFI-NUPES. – M. Gilles Le Gendre applaudit également.) Mesdames et messieurs du Rassemblement national, je m’étonne d’ailleurs que vous n’ayez pas soulevé ce point. Vous faites de grands discours sur les « maisons de la mort », mais vous n’évoquez jamais le fait que les maisons d’accompagnement pourraient faire l’objet d’une démarche commerciale. C’est scandaleux de votre part !
Mme Danielle Simonnet
Bravo !
M. le président
La parole est à M. Christophe Bentz.
M. Christophe Bentz
Je commencerai par réagir aux propos de Mme Darrieussecq avant la levée de séance : elle a évoqué « la posture » du Rassemblement national ; nous n’avons de posture, nous avons une position, ce qui est tout à fait différent. En l’occurrence, nous défendons, de manière inconditionnelle, les soins palliatifs, les soins du corps et de la vie.
En ce qui concerne l’article 2 – ça y est, nous y sommes ! –, il voit le titre II s’inviter dans le titre Ier. Mme la ministre Vautrin en a fait l’aveu en commission spéciale (Exclamations sur les bancs du groupe Écolo-NUPES) : cet article est le cheval de Troie de l’aide à mourir, de l’euthanasie et du suicide assisté, qui seront pratiqués dans les maisons d’accompagnement aux côtés des soins palliatifs. Il y a bien plus qu’une porosité entre eux – c’est ce que nous disons depuis le début de l’examen du projet de loi.
Vous ne pouvez plus le nier, madame la ministre ! Frédéric Valletoux, votre ministre délégué chargé de la santé et de la prévention, a affirmé tout à l’heure, en votre absence, « l’étanchéité » entre les deux titres, notamment sur le plan des financements. Puisque l’article 2 ouvre la possibilité d’un accès au droit à mourir dans les maisons d’accompagnement, il y a bien une porosité entre les deux. Il faut le dire aux Français et l’écrire dans le projet de loi. Vous avez confirmé que vous étiez favorable à un « continuum de soins », pour reprendre vos mots. Nous ne sommes pas dupes, nous savons ce que vous faites et vous savez aussi que nous savons. La seule chose que nous demandons est que vous disiez la vérité aux Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES et SOC.)
M. le président
La parole est à M. Stéphane Delautrette.
M. Stéphane Delautrette
L’apport de l’article 2, qui tend à créer les maisons d’accompagnement, est essentiel. Ces structures complètent l’offre de prise en charge des personnes malades et de leur entourage. Je m’étonne que nos collègues de droite et d’extrême droite ne se satisfassent pas de cette mesure, eux qui n’ont cessé de nous dire qu’il fallait mieux prendre en charge les malades et mieux les accompagner.
S’il était besoin de vous convaincre, permettez-moi de prendre un exemple concret, tiré des expérimentations en cours. Anne-Laure et Christelle, deux professionnelles de santé spécialisées dans l’accompagnement des malades en fin de vie, travaillent depuis deux ans en collaboration avec la Mutualité française limousine à un projet de maison de répit en Haute-Vienne. Cette structure intermédiaire aurait vocation à accueillir des personnes malades dont le retour à domicile n’est pas possible et dont l’état de santé ne justifie pas une hospitalisation. Elle permettrait aussi un accueil temporaire et un accompagnement des aidants, d’où l’appellation « maison de répit ». Le chef de service de l’unité de soins palliatifs (USP) du centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Limoges y voit un projet utile, qui répond à un réel besoin.
Pour ceux qui en doutent encore, il n’y a pas concurrence mais bien complémentarité entre les unités spécialisées, les maisons d’accompagnement et l’accompagnement à domicile. Le lieu dépend tout simplement de la situation de santé du patient.
Vous l’aurez compris, le groupe Socialistes et apparentés s’opposera fermement aux amendements de suppression que nous examinerons dans quelques instants, car ils nous priveraient d’un débat sur la création des maisons d’accompagnement.
M. le président
La parole est à Mme Elsa Faucillon.
Mme Elsa Faucillon
La création des maisons d’accompagnement constitue, à mes yeux, une réponse réelle aux besoins des malades isolés ou dont les logements ne sont pas adaptés, de leurs proches et des équipes pluridisciplinaires. Ces structures offrent en outre une solution alternative à l’hospitalisation, parfois difficilement vécue et source de rejet dans le parcours de soins. Quand la fin de vie à domicile n’est pas possible ou pas souhaitée, une maison d’accompagnement est un espace adapté pour certains malades.
Puisqu’elles correspondent à un véritable besoin, il est cependant souhaitable de sécuriser le déploiement de ces structures. C’est le sens de notre amendement no 2919 visant à les inscrire dans une stratégie décennale.
Enfin, le groupe Gauche démocrate et républicaine considère, comme d’autres, que les maisons d’accompagnement doivent à tout prix être préservées des logiques de profit. Je ne pense pas qu’il soit nécessaire d’expliquer pourquoi elles doivent en être protégées plus que n’importe quelles autres structures – vous connaissez notre position sur les questions de santé publique. Chers collègues, je vous appelle à vous battre fermement pour cela ! Dois-je rappeler que, trois ans après la dernière loi de bioéthique, le Président de la République vient d’annoncer son intention d’ouvrir l’autoconservation des ovocytes aux centres privés à but lucratif ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES. – M. Sébastien Peytavie applaudit également.)
M. le président
La parole est à M. Hadrien Clouet.
M. Hadrien Clouet
Le groupe La France insoumise souhaite également l’adoption de l’article 2. Nous nous opposerons donc aux amendements de suppression. La création d’une nouvelle catégorie d’établissements destinés à prendre en charge les personnes en fin de vie était souhaitée par la Convention citoyenne sur la fin de vie. Cette mesure n’est pas sortie des cerveaux des parlementaires, mais émane de l’observation des expériences menées dans les pays voisins, en Italie notamment, par les membres de la Convention. Il s’agit de consacrer de petites structures à l’accueil de personnes dont l’état ne justifie pas une hospitalisation, mais qui ont besoin d’être prises en charge. Aujourd’hui, elles ne savent pas vers quelle structure se tourner, alors qu’elles ont besoin de soins d’accompagnement, c’est-à-dire de soins visant à assurer leur confort et leur bien-être. Ces lieux permettraient aussi à ces personnes de vivre des moments de bonheur au cours de leur prise en charge.
Les maisons d’accompagnement prodigueraient un large éventail de soins et permettraient aux personnes en fin de vie de retrouver leurs proches. En outre, elles éviteraient d’envoyer à l’hôpital des personnes dont l’état ne justifie pas une hospitalisation, ce qui permet, du même coup, de desserrer la pression hospitalière – , même si, en la matière, le nerf de la guerre est avant tout l’augmentation des crédits consacrés aux hôpitaux publics. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Sébastien Peytavie applaudit également.)
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
L’article 2 propose de créer de nouvelles structures, dont les missions, telles qu’elles sont décrites, paraissent intéressantes, je vous l’accorde. Elles accueilleraient des personnes en fin de vie dont l’état ne permet pas qu’elles restent chez elles, mais qui n’ont pas besoin d’être à l’hôpital. Actuellement, certaines structures remplissent déjà ce rôle avec professionnalisme et dévouement, bien que leurs professionnels se heurtent au manque de moyens et de soutien. Je pense aux soins de suite et de réadaptation (SSR), qui accompagnent les personnes ne pouvant rester seules à leur domicile et dont la fin de vie soulève des questions difficiles. Que vont devenir les services qui existent déjà ? Comment leur activité s’articulera-t-elle avec celle des maisons d’accompagnement puisque celles-ci auront également besoin de professionnels des soins palliatifs ? Or ceux-ci sont en nombre insuffisant aujourd’hui. Alors que nous manquons de moyens humains et financiers, les responsables politiques que nous sommes ne peuvent que s’interroger : quels arbitrages ferons-nous dans les allocations budgétaires ? Nous risquons de déshabiller Pierre pour habiller Paul.
Vous assignez des missions aux maisons d’accompagnement, mais nous devons vérifier que des moyens suffisants leur seront attribués pour les accomplir. Vous avez évalué le coût d’une place dans une de ces structures à plus de 200 euros par jour, ce qui est bien en deçà de la dotation correspondante pour un établissement hospitalier. Ce montant sera-t-il suffisant pour financer les équipes pluridisciplinaires attendues dans les maisons d’accompagnement ? Nous en doutons.
M. le président
La parole est à Mme Anne Bergantz.
Mme Anne Bergantz
La nécessité de renforcer les soins palliatifs et de multiplier les approches fait consensus, même chez ceux qui n’ont pas voté pour l’article 1er.
Les exposés sommaires de certains amendements de suppression de l’article 2 insistent sur le fait qu’il faudrait développer d’autres types de solution avant de recourir aux maisons d’accompagnement. Il est ainsi question des USP : rappelons toutefois qu’elles ne répondent qu’à 10 % des besoins en soins palliatifs, ceux correspondant aux cas les plus complexes. Les Ehpad sont également évoqués, or les personnes concernées n’ont pas forcément atteint 60 ans. Quant aux équipes mobiles, autre possibilité citée, elles n’interviennent que si les malades restent à domicile, ce qui n’est pas toujours possible s’il n’y a pas d’aidants ou si les appartements sont trop petits.
Refuser les maisons d’accompagnement revient très clairement à soumettre les personnes concernées à une alternative : rester à l’hôpital, alors même que ce cadre de soins n’est plus adapté pour elles et que leur séjour se fait au détriment d’autres patients ayant besoin de soins aigus ; être renvoyées à domicile alors que les conditions ne s’y prêtent pas.
Je ne vois donc pas comment on peut s’opposer aux maisons d’accompagnement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs des groupes RE, LFI-NUPES et SOC.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités
J’aimerais faire un point sur l’article 2 avant d’aborder la discussion des amendements. Monsieur Bazin, vous avez fait allusion aux SSR, mais il me semble que vous vous méprenez. De manière générale, depuis le début de nos débats, vous n’avez cessé d’insister sur les soins palliatifs pour finalement voter contre l’article 1er visant à les renforcer.
Vous avez convoqué à de multiples reprises la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (Sfap). Voilà qui tombe bien : c’est précisément la Sfap qui a été à la source de la réflexion sur les maisons d’accompagnement. J’ai entre les mains les résultats d’un questionnaire qu’elle a organisé sur « les maisons d’accompagnement et de vie » – ce n’est pas une invention de ma part mais simplement la preuve que la créativité peut être partagée. Je ne doute pas que vous ayez pris connaissance de cette étude publiée en janvier 2023, monsieur le député, mais je vais citer quelques chiffres.
Elle a porté sur 113 professionnels des soins palliatifs et 300 patients. La première question adressée aux médecins était la suivante : « Identifiez-vous parmi vos patients des besoins de transfert ? Si oui, quelles sont leurs principales caractéristiques ? » D’un âge moyen de 69 ans – le plus vieux ayant 98 ans et le plus jeune, 16 ans –, ces patients étaient atteints pour 77 % d’entre eux de cancer, pour 11 % de pathologies neurodégénératives hors démence, pour 7 % d’insuffisances d’organe et pour 5 % d’autres pathologies. Je vous ferai grâce de la lecture de la totalité du document mais ce qui me paraît particulièrement intéressant, c’est que 40 % relevaient de la troisième catégorie de l’échelle de l’Organisation mondiale de la santé, OMS 3 – capables de seulement quelques soins et alités près de 75 % de leur temps – contre 5 % seulement de l’OMS 1. La majorité avait donc un niveau d’autonomie très réduit entraînant de longues périodes d’alitement. La Sfap souligne également qu’une grande proportion d’entre eux avait besoin de soins infirmiers quotidiens, deux à trois fois par jour, consistant principalement à surveiller la prise des traitements et à effectuer la toilette.
Je continue en m’appuyant sur le témoignage du Dr Laurent Montaz, responsable du service de soins palliatifs du centre hospitalier universitaire (CHU) de Poitiers. Dans une lettre datée du 15 février dernier, il nous écrivait au sujet de l’expérimentation d’une maison d’accompagnement – là encore, je n’invente pas – avec la participation des proches. « Beaucoup de jeunes patients de 30 à 70 ans atteints de maladies graves et incurables dont les conjoints travaillent – ce qui permet d’avoir la tête hors du drame qui se joue –, avec des enfants scolarisés, restent hospitalisés non pas pour poursuivre une prise en charge médicale mais du fait d’une autonomie ne leur permettant plus de rester seuls plusieurs heures par jour à leur domicile. Trop jeunes pour un Ehpad, ils restent dans le service hospitalier et, bien involontairement, ne peuvent céder leur place, faute de structures d’aval moins onéreuses. Bien souvent, redonner à l’entourage la possibilité de soutenir l’être aimé est essentiel. Les proches retrouvent dans cette proposition une place concrète dans cet accompagnement. »
Comme vous le voyez, il existe des professionnels passionnés qui, comme nous, cherchent à répondre à ces besoins. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et SOC. – M. Sébastien Peytavie applaudit également.)
M. le président
La parole est à Monique Iborra.
Mme Monique Iborra
J’aimerais souligner les contradictions au sein du groupe Les Républicains. En commission, Mme Genevard soulignait que les services de soins palliatifs refuseraient l’aide à mourir mais que nous pourrions les mettre en œuvre dans les maisons d’accompagnement. Je vous renvoie aux comptes rendus de l’examen des articles en commission. Mettez-vous d’accord !
M. le président
Je suis saisi de plusieurs amendements de suppression de l’article, nos 127, 639, 1266, 1482, 1785 et 3128. Ces amendements identiques font l’objet d’une demande de scrutin public de la part des groupes Les Républicains, Rassemblement national et Écologiste-NUPES.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 127.
M. Patrick Hetzel
Madame Iborra, en réalité, Mme Genevard interrogeait Mme la ministre pour savoir si l’aide à mourir était susceptible d’être pratiquée dans les maisons d’accompagnement. Elle n’a jamais dit autre chose.
Mme Monique Iborra
Pas du tout !
M. Patrick Hetzel
Cet article 2 se contente d’indiquer que les maisons d’accompagnement « ont pour objet d’accueillir et d’accompagner des personnes en fin de vie et leurs proches ». Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, combien de maisons seront déployées et quel sera leur périmètre ? Avec un budget total de 100 millions d’euros et un budget d’environ 1 million d’euros pour chaque maison, vous prévoyez d’en implanter une par département. Une quinzaine de personnes y seraient accueillies. Pensez-vous vraiment que ce financement soit à la hauteur des enjeux ?
Le trop grand flou qui entoure la mise en place de ces structures nous conduit à demander la suppression de cet article qui suscite plus d’interrogations qu’il n’apporte de réponses. Vous renvoyez à des décrets alors que la représentation nationale a besoin de précisions.
M. le président
Je précise qu’une fois les amendements de suppression présentés et les avis donnés, je donnerai la parole à un orateur de chaque groupe.
La parole est maintenant à M. Philippe Juvin, pour soutenir l’amendement no 639.
M. Philippe Juvin
La création des maisons d’accompagnement est assurément l’un des éléments importants du projet de loi. Diversifier les structures et augmenter leur nombre est une évolution utile, attendue par les patients et leurs familles, je partage sur ce point l’avis de la ministre.
Le problème est que la définition que donne l’article 2 de ces maisons d’accompagnement est très vague, puisqu’il est seulement indiqué qu’elles « accueillent et accompagnement ». Le mot « soins » n’est même pas présent. Nous connaissons tous les besoins et chacun peut projeter dans ces termes sa propre définition.
Il s’agirait d’accueillir les familles, soit, mais ce n’est pas précisé. Il serait question aussi d’y dispenser des soins palliatifs. Comment cela serait-il possible ? Selon l’étude d’impact, le nombre d’équivalents temps plein (ETP) estimé pour les médecins est de 0,2, ce qui correspond à la présence d’un médecin pendant seulement deux demi-journées par semaine.
En ne prévoyant qu’une maison par département, vous vous heurterez à une autre impossibilité : comment répondre aux besoins des familles avec seulement dix à douze lits, surtout dans un département comme le mien qui compte 1,5 million d’habitants ? (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Je ne comprends donc toujours pas ce qu’on va faire dans ces structures et je me demande si elles ne seront pas seulement contraintes d’administrer l’aide à mourir. Si nous sommes favorables au principe de telles maisons d’accompagnement, nous nous refusons à approuver les conditions que vous avez retenues pour les créer : elles sont beaucoup trop vagues.
M. le président
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 1266.
Mme Emmanuelle Ménard
Augmenter le nombre de structures susceptibles de soutenir ou accueillir les patients en fin de vie est d’une grande importance. Cependant les débats en commission spéciale nous ont permis de comprendre que des euthanasies et des suicides assistés pourraient être pratiqués au sein des maisons d’accompagnement. C’est vous-même, madame la ministre, qui l’avez affirmé…
Mme Catherine Vautrin, ministre
Oui !
M. Sébastien Peytavie
Tout à fait !
Mme Emmanuelle Ménard
…en répondant à une question de notre collègue Annie Genevard. Pourtant, vous n’avez cessé de répéter, en même temps, si j’ose dire et apparemment à tort, que le titre Ier auquel se rattache l’article 2 n’avait rien à voir avec le titre II consacré à l’aide à mourir, donc au suicide assisté et à l’euthanasie.
Les soins d’accompagnement sont déjà entourés d’ambiguïtés : vous n’avez jamais voulu nous éclairer sur la question de savoir s’ils comprenaient ou non l’aide à mourir. Qu’en est-il des maisons d’accompagnement ? Si elles contribuent à renforcer les soins palliatifs, c’est une bonne idée nous ne pourrons qu’y être favorables. En revanche, si elles servent à prodiguer une aide à mourir, il est certain que celle-ci prendra le pas très rapidement sur les soins palliatifs – cela a été démontré sur tous les bancs. Ce mélange des genres est précisément ce que nous refusons. Pour ces raisons, je demande la suppression de l’article 2.
M. le président
La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement no 1482.
M. Marc Le Fur
Que les choses soient bien claires pour celles et ceux qui nous écoutent. Dans cet article 2, il n’est pas question de soins palliatifs, du moins pour l’instant, car je vais défendre un amendement pour les faire figurer dans sa rédaction. Il n’est prévu qu’un « accompagnement », mot très ambigu dont on a compris qu’il avait pour but d’intégrer l’aide à mourir, comme vous l’appelez, ou pour dire les choses selon nos termes, l’euthanasie et le suicide assisté. Nous ne voulons donc pas de cet article 2 et en demandons la suppression.
M. Damien Adam
Vous ne voulez de rien !
M. le président
La parole est à M. Philippe Ballard, pour soutenir l’amendement no 1785.
M. Philippe Ballard
Nous ne comprenons strictement rien à ces maisons d’accompagnement. Est-il prévu de les doter d’un personnel médical – médecins, infirmiers, aides-soignantes – pour assurer des soins palliatifs ? Si c’est le cas, je vous donne déjà un conseil : évitez de les implanter dans les vingt et un départements dépourvus d’équipes de soins palliatifs.
M. Marc Le Fur
Tout à fait !
M. Philippe Ballard
Même si vous avancez à pas feutrés, nous avons bien compris que ces structures pratiqueront l’euthanasie et le suicide assisté. Et si les soignants refusent d’accomplir ces actes, il faudra d’autres soignants. Où irez-vous les chercher ?
Mme Natalia Pouzyreff
Il y a toujours des équipes mobiles !
M. Philippe Ballard
Nous avons très bien compris que vous menez une véritable croisade pour l’euthanasie et le suicide assisté. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)
M. le président
L’amendement no 2829 de M. Jordan Guitton est défendu.
La parole est à M. Christophe Bentz, pour soutenir l’amendement no 3128.
M. Christophe Bentz
Nos amendements de suppression ont suscité des critiques qui me paraissent un peu de mauvaise foi. (Rires et exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES ainsi que sur quelques bancs du groupe RE.)
Sachez qu’ils ne traduisent pas forcément une opposition de principe. Nous leur accordons une portée symbolique : mus par des craintes, nous voulons alerter sur les risques et les dangers des dispositions de ce projet de loi.
L’idée des maisons d’accompagnement est bonne, celles-ci pouvant même s’avérer nécessaires. Je serais ravi que mon département de Haute-Marne, qui n’a pas d’unité de soins palliatifs, soit doté d’une maison d’accompagnement. (Rires et exclamations sur divers bancs.) Les trois équipes mobiles de soins palliatifs dans le département n’ont pas de médecins en leur sein. La France souffre – nous l’avons dit et répété – d’une vraie carence en moyens humains et financiers. Lors de l’examen du dernier projet de loi de finances de la sécurité sociale (PLFSS), le groupe RN a proposé d’augmenter les moyens des soins palliatifs, notamment par les amendements déposés par ma collègue Loir, qui ont été soit rejetés par le Gouvernement, soit supprimés par les applications successives du 49.3.
Nous ne refusons pas les maisons d’accompagnement,…
M. Rémy Rebeyrotte
C’est pour cela que vous voulez supprimer l’article !
M. Christophe Bentz
…nous vous alertons simplement sur le fait que les soins d’accompagnement et palliatifs d’une part, l’aide à mourir, l’euthanasie et le suicide assisté d’autre part ne peuvent pas y cohabiter.
M. le président
La parole est à M. Didier Martin, rapporteur de la commission spéciale pour les articles 1er à 4 ter, afin de donner l’avis de la commission.
M. Didier Martin, rapporteur de la commission spéciale
Avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements de suppression. La création des maisons d’accompagnement tend à combler un vide existant entre l’hospitalisation et le domicile, pour des personnes gravement malades et en fin de vie qui ne souhaitent pas – ou, souvent, ne peuvent pas – être maintenues à leur domicile, et qui ne relèvent pas des unités de soins palliatifs parce que leur état est stabilisé. Ces maisons d’accompagnement seront dotées d’une équipe multidisciplinaire et accueilleront des bénévoles. Les patients pourront aussi être accompagnés par des aidants qui bénéficieront ainsi de périodes de répit. Ce dispositif permettra assurément d’alléger l’occupation des lits des unités de soins palliatifs. L’appel à manifestation d’intérêt qui sera lancé permettra de préfigurer le modèle avant d’en étendre l’application.
Je remercie beaucoup M. Bentz qui se dit ravi à l’idée d’accueillir une maison d’accompagnement en Haute-Marne ; il ne peut donc s’opposer à l’article qui vise à les créer.
M. Christophe Bentz
Sans euthanasie !
M. Didier Martin, rapporteur
Je remercie M. Juvin qui approuve le principe des maisons d’accompagnement, ainsi que Mme Ménard qui affirme que c’est une bonne idée en soi.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Quant à moi, je remercie M. le rapporteur pour son optimisme. (Sourires.)
Mesdames et messieurs les députés, vous nous citez parfois l’étude d’impact mais j’ai l’impression que votre lecture en a été partielle : sa page 43 apporte en effet une définition précise des maisons d’accompagnement et sa page 47 fournit dans le détail la composition des équipes de soignants. Ainsi, chaque maison comptera 2 infirmiers diplômés d’État (IDE), 5,4 aides-soignants, 2,7 accompagnants éducatifs et sociaux ou auxiliaires de vie, un assistant social à mi-temps et un psychologue à plein temps.
M. Philippe Juvin
Et combien de médecins ?
M. Marc Le Fur
Verra-t-on le médecin deux fois par semaine ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
À ces chiffres, il faut ajouter un directeur, un agent administratif et des agents de logistique, le total des effectifs s’élevant à 15,4 ETP pour des maisons destinées à accueillir 12 à 15 personnes – soit un ratio d’environ un professionnel pour un patient, ce qui est loin d’être négligeable. Des maisons d’accompagnement sont en cours d’expérimentation, notamment la Maison de Gardanne…
M. Patrick Hetzel
Non, c’est un établissement de soins palliatifs !
Mme Catherine Vautrin, ministre
…et la Maison Astrolabe, qui préfigurent la vocation des maisons d’accompagnement. Je vous ai écouté avec beaucoup d’intérêt mais j’avoue mon étonnement et ma difficulté à vous comprendre. Vous affirmez ne pas être opposés aux maisons d’accompagnement tout en proposant de voter des amendements qui empêcheraient d’autoriser leur ouverture. Enfin, en Haute-Marne, vingt lits de soins palliatifs sont actuellement répartis entre Chaumont, Langres et Saint-Dizier, sans compter un projet de création de douze lits à Chaumont. Les Haut-Marnais comprennent donc l’intérêt des maisons d’accompagnement et s’étonneraient que l’on supprime l’article visant à les créer.
Mme Natalia Pouzyreff
Et voilà ! C’est logique !
M. le président
La parole est à Mme Cécile Rilhac.
Mme Cécile Rilhac
Par moments, on a du mal à comprendre les propos tenus sur les bancs des groupes LR et RN. Vous dites tout et son contraire. (Mme Sandrine Rousseau applaudit.) Vous voulez à la fois ouvrir les maisons d’accompagnement et supprimer l’article qui les crée. Je vous rappelle que la commission spéciale, à la suite d’un amendement que j’ai déposé, a renommé « Maisons d’accompagnement et de soins palliatifs » l’intitulé du chapitre X créé par l’article 2 du projet de loi dans le titre IV du livre III du code de l’action sociale et des familles – pour le savoir, monsieur Le Fur, il faut avoir participé à la commission spéciale et lu le texte qu’elle a proposé !
M. Marc Le Fur
J’espère que vous voterez mon amendement qui clarifie ce point !
Mme Cécile Rilhac
Il faut donc le redire : ces maisons vont, au même titre que le domicile, assurer la continuité des soins palliatifs. Elles permettront aussi de libérer des lits dans les unités de soins palliatifs hospitalières, de suivre et d’accompagner les patients plus longtemps dans leurs soins et d’offrir aux aidants une période de repos ou de répit. Vous ne mentionnez jamais ce dernier point.
Vous parlez toujours du faible nombre de médecins. Lorsque j’ai visité l’unité de soins palliatifs de mon département, les médecins ont appelé mon attention sur la nécessité de suivre tout particulièrement les patients qui risquent d’être déstabilisés très tôt – je ne connaissais pas ce terme. C’est pourquoi, madame la ministre, je vous relaie cet appel : les infirmières et infirmiers des futures maisons d’accompagnement devront assurer une liaison permanente entre elles et les unités de soins palliatifs du département, pour garantir la sécurité des soins et un meilleur suivi des malades.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Bien sûr, c’est ce qui se passe !
Mme Cécile Rilhac
Pour conclure, je voterai bien sûr contre ces amendements.
M. le président
La parole est à M. René Pilato.
M. René Pilato
Je n’ajouterai rien à ce qu’a dit la collègue Rilhac. Je veux seulement réagir à ce mélange entre le titre Ier et le titre II que nos collègues de droite et d’extrême droite s’amusent à entretenir depuis le début des débats. Le nouveau droit de bénéficier d’une aide à mourir, prévu par le titre II, pourra-t-il s’appliquer au domicile du patient, où qu’il se trouve ? Bien évidemment. C’est comme si vous vouliez comparer les actes que l’on peut administrer dans une maison d’accompagnement et dans un hôpital. Les maisons d’accompagnement libèrent des lits, maillent le territoire et permettent aux aidants d’être aux côtés de leurs proches ; elles accueillent le malade quel que soit son âge. Leurs avantages sont donc fondamentaux. On pourra y appliquer soit les dispositions de la loi Claeys-Leonetti soit, éventuellement, d’autres actes.
Mme Nathalie Serre
Comme le suicide assisté !
M. René Pilato
Vous mélangez exprès les genres pour ajouter à la confusion et faire durer le plaisir du débat : au bout d’un moment, chers collègues, c’est fatigant.
M. Philippe Ballard
C’est parce qu’on n’a jamais de réponse, ou alors des réponses différentes à la même question !
M. le président
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel.
Mme Marie-Noëlle Battistel
Je compléterai les propos de notre collègue Rilhac. Nous soutenons évidemment la création des maisons d’accompagnement qui assureront la continuité et la complémentarité des services existants, ô combien insuffisants sur l’ensemble du territoire national : nous l’avons dit et répété, et tous les chiffres le montrent. Pour répondre aux inquiétudes du collègue Juvin à propos des effectifs susceptibles d’y assurer les soins palliatifs, n’oublions pas que les équipes mobiles pourront y intervenir.
Je profite de cette prise de parole, à l’occasion de la discussion de l’article 2, pour revenir sur un propos tenu lors de l’examen des amendements en commission spéciale. Madame la ministre, vous avez alors indiqué, sauf erreur de ma part, que les soins médicaux techniques prodigués dans les maisons d’accompagnement seront limités, dans la mesure où les patients seront stabilisés. Je pense pour ma part qu’elles devront être médicalisées, pour prendre en charge les pathologies lourdes – telles que les scléroses latérales amyotrophiques, SLA – ou les handicaps qui entraînent la dépendance des malades, lesquels ont alors de grandes difficultés à trouver des structures adaptées et dotées de plateaux techniques suffisants et de soignants formés. Je souhaiterais donc que vous confirmiez votre position. Enfin, il n’y a pas de concurrence entre les maisons d’accompagnement et les unités de soins palliatifs puisque les premières relèvent de la catégorie formée par les secondes.
Et oui, l’aide à mourir pourra y être administrée puisque ces maisons constitueront le domicile de la personne malade.
M. le président
La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre Dharréville
J’ai l’impression que nos collègues du groupe Les Républicains abusent un peu (Mmes Astrid Panosyan-Bouvet et Sandrine Rousseau applaudissent) : en faisant une lecture partielle d’une étude d’impact elle-même partielle, il ne reste pas grand-chose à lire au bout du compte. (Sourires.) J’ai affirmé il y a un instant mon soutien à la création des maisons d’accompagnement, et notre groupe s’opposera à ces amendements de suppression. Je ne partage pas votre interrogation, en tout cas pas dans les mêmes termes. La question que vous soulevez est plus large : c’est celle de la manière dont deux logiques différentes – celle des soins palliatifs et celle de l’aide à mourir – vont cohabiter.
Mme Nathalie Serre
Dans les maisons d’accompagnement !
M. Pierre Dharréville
Pas seulement dans ces maisons, mais dans tous les lieux où ces deux logiques seront présentes – à l’hôpital, dans les Ehpad… Cette question, madame la ministre, est très sensible et en appelle beaucoup d’autres. En ce qui me concerne, je ne sais pas y apporter de réponse concrète, mais cela ne m’empêchera pas de soutenir le déploiement des maisons d’accompagnement. (Mme Elsa Faucillon, M. René Pilato et Mme Astrid Panosyan-Bouvet applaudissent.)
M. le président
La parole est à M. Sébastien Peytavie.
M. Sébastien Peytavie
Chers collègues de droite, je vous alerte sur la gravité des amendements de suppression que vous avez déposés. Cette assemblée a voté il y a près de six ans la loi Elan qui a limité le nombre de logements accessibles pour les personnes en perte d’autonomie.
M. Thibault Bazin
Nous nous y étions opposés !
M. Sébastien Peytavie
Il est donc essentiel, pour des personnes qui quittent l’hôpital, de disposer d’un lieu adapté à tout type de handicap et de perte d’autonomie.
J’entends votre préoccupation relative à la possibilité d’administrer l’aide active à mourir dans les maisons d’accompagnement.
M. Marc Le Fur
C’est le problème !
M. Sébastien Peytavie
C’est vrai, mais ce sera aussi le cas à domicile, dans les unités de soins palliatifs, dans les Ehpad et les différents lieux de vie. Je vais jouer la provocation : qu’attendez-vous pour déposer des amendements visant à supprimer les domiciles, les unités de soins palliatifs et ainsi de suite ? Votre logique est absurde. Prenez donc la mesure de l’importance que représentent ces maisons d’accompagnement !
M. le président
La parole est à M. Philippe Juvin.
M. Philippe Juvin
Tout d’abord, cette assemblée n’est pas divisée entre les gentils et les méchants ; entre ceux qui n’ont rien compris et ceux qui ont tout compris : ce serait trop facile. L’étude de la Sfap que vous avez citée, madame la ministre, préconise en effet des structures intermédiaires, mais elle n’envisage pas que la mort provoquée puisse y être organisée.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Ce n’est pas ce que j’ai dit !
M. Philippe Juvin
Non, mais je préfère le préciser pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté.
Vous avez parlé de la Maison de Gardanne : ce n’est pas une maison d’accompagnement, c’est une USP, financée comme telle. Vous entretenez donc la confusion la plus totale, en nous vendant des maisons d’accompagnement dont vous affirmez qu’elles existent déjà. Non, c’est une USP !
Or les maisons que vous cherchez à créer ne sauraient être des USP, puisque le temps de présence d’un médecin s’y limitera à 0,2 ETP, soit deux demi-journées par semaine. Pardon, mais il est illusoire de vouloir dispenser des soins de qualité ou accueillir médicalement des patients en fin de vie dans ces conditions. C’est totalement méconnaître la fin de vie que de vouloir nous faire croire qu’on peut la traiter avec 0,2 ETP de temps médical. Cela signifie donc que dans ces maisons, on fera autre chose, et seulement autre chose.
C’est là notre objection : nous sommes favorables aux maisons d’accompagnement, à condition qu’on y prodigue un accompagnement au patient et de l’aide aux familles, entre autres. Or les conditions techniques de leur création, en particulier la répartition des postes détaillée à la page 47 de l’étude d’impact, montre qu’il est impossible d’y réaliser des soins palliatifs ou d’y accompagner les familles. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LR et RN.)
Mme Nathalie Serre
Bravo !
M. le président
La parole est à Mme Sandrine Dogor-Such.
Mme Sandrine Dogor-Such
Je tiens à clarifier la position du groupe Rassemblement national : nous sommes pour le développement des soins palliatifs et pour l’accès aux soins en général. Cela dit, je souscris aux propos de M. Juvin en ce qui concerne les maisons d’accompagnement.
Je reconnais volontiers que l’accompagnement, entre l’hospitalisation et le domicile, est l’approche adéquate pour prendre en charge les personnes sortant d’une hospitalisation. Mme la ministre souligne d’ailleurs que les maisons d’accompagnement s’appuieront sur des bénévoles et sur des aidants. Néanmoins, dès lors que l’aide à mourir pourra y être pratiquée, la présence de personnel soignant sera nécessaire.
D’autre part, je m’interroge au sujet des établissements existant. L’extinction dans l’indifférence totale des structures spécialisées dans l’accompagnement et la fin de vie n’est-elle pas un signal inquiétant ? Ne faudrait-il pas, avant toute chose, revoir de fond en comble l’organisation des soins palliatifs pour arrêter l’hémorragie ? Départs de soignants, fermeture de lits, voire d’unités… Enfin, je rappelle que 25 % des Ehpad ne sont pas liés à une équipe mobile de soins palliatifs (EMSP). Il faudrait soutenir d’abord les structures qui peinent à survivre et s’intéresser aux causes du problème, il faudrait se pencher sur le cas des établissements qui ont besoin de nous. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)
Mme Danielle Simonnet
Il faut soutenir la sécurité sociale, ce que vous ne faites pas !
M. le président
La parole est à Mme Geneviève Darrieussecq.
Mme Geneviève Darrieussecq
Je le répète, on ne peut que se réjouir de la création de nouvelles structures qui permettront d’étendre l’éventail des soins offerts aux patients. Au-delà de la mauvaise foi de certains, qui donnent le sentiment de vouloir bloquer l’examen du texte, je constate que, depuis l’article 1er, nous butons sur le mot d’« accompagnement ». Or les maisons d’accompagnement entrent dans la typologie des soins palliatifs, qui, par définition, visent à donner du confort aux malades en fin de vie.
Les soins palliatifs et l’accompagnement peuvent être précoces ; ils peuvent viser à donner du confort à un malade en fin de vie qui a besoin non de soins techniques lourds – monsieur Juvin, vous savez mieux que moi ce que cela recouvre –, mais d’un suivi infirmier et d’un traitement médicamenteux quotidien. De tels patients n’ont pas besoin d’une équipe médicale telle qu’on en trouve dans un service hospitalier. Mme la ministre l’a très bien expliqué.
Nous pouvons en débattre pendant des heures, mais la suppression de cet article serait une véritable erreur. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem et RE.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Monsieur Dharréville, vous m’interrogez sur la manière concrète dont sera dispensée l’aide à mourir. Cela se passera dans la chambre du patient, comme pour la sédation profonde et continue. Puisque la maison d’accompagnement constituera un domicile, l’accompagnement y sera prodigué comme il le serait à domicile. Cela inclut une présence paramédicale permanente, mais aussi des médecins de ville qui viendront y suivre leurs patients comme ils le feraient dans le cadre d’une hospitalisation à domicile ; le professeur Régis Aubry, qui a mené une expérience similaire à Besançon, l’explique d’ailleurs très bien.
Il faut se rappeler que les maisons d’accompagnement accueilleront des patients, qui, pour diverses raisons déjà évoquées, ne peuvent pas rentrer chez eux. Par conséquent, ils seront logés dans ce nouveau type d’établissement médico-social, créé pour des personnes souffrant d’une pathologie grave, potentiellement en fin de vie.
Quant à l’établissement de Gardanne, monsieur Juvin, il s’agit effectivement d’une USP, car la dénomination de maison d’accompagnement n’existe pas encore. Toutefois, elle accueille des patients pour une longue durée et correspond en cela à ce que nous décrivons.
Très concrètement, l’article 2 vise la création d’un nouveau type d’établissement médico-social ayant vocation à accueillir des personnes dans un état pathologique de fin de vie, qui ne relèvent plus d’un service hospitalier mais ne peuvent pas pour autant rentrer chez elles. C’est la raison pour laquelle je réaffirme l’attachement du Gouvernement à cet article. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)
Mme Natalia Pouzyreff
Très clair !
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 127, 639, 1266, 1482, 1785, 2829 et 3128.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 76
Nombre de suffrages exprimés 76
Majorité absolue 39
Pour l’adoption 21
Contre 55
(Les amendements identiques nos 127, 639, 1266, 1482, 1785, 2829 et 3128 ne sont pas adoptés.)
M. le président
Je suis saisi de six amendements, nos 1483, 2628, 34, 1229, 2351 et 2089, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 1483 et 2628 sont identiques, ainsi que les amendements nos 1229 et 2351.
La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement no 1483.
M. Marc Le Fur
Le problème de l’article 2 réside dans le fait que la définition des maisons d’accompagnement n’inclut ni le mot « soins », ni le mot « palliatifs ». Puisque vous affirmez que des soins palliatifs y seront pratiqués, nous considérons qu’il faut l’expliciter dès à présent.
M. le président
La parole est à M. Jocelyn Dessigny, pour soutenir l’amendement no 2628.
M. Jocelyn Dessigny
Si nous examinons ce texte, c’est parce que votre gouvernement s’est montré incapable d’assurer l’accès aux soins palliatifs dans l’ensemble du territoire. Pourtant, vous prétendez aujourd’hui créer d’un coup de baguette magique quatre-vingts à cent maisons d’accompagnement qui, dites-vous, ne seront pas des USP, mais dans lesquelles seront donnés d’une part des soins palliatifs, d’autre part la mort provoquée. Il est donc permis de douter de votre sincérité et de votre capacité à mettre en place un tel dispositif.
Plutôt que de créer de nouveaux complexes que vous ne maîtrisez pas encore, autant développer le système de soins palliatifs existant. L’amendement vise donc à remplacer le terme « maisons d’accompagnement » par le terme « maisons de soins palliatifs ». Au moins, ce sera clair pour tout le monde. La langue française étant bien faite, nous sommes sûrs de ce que recouvrent les mots de soins palliatifs, or c’est précisément ce que nous voulons promouvoir.
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 34.
M. Thibault Bazin
Madame la ministre, vous avez brièvement mentionné les soins de suite et de réadaptation avant d’embrayer sur les résultats d’une étude de la Sfap – auxquels, certes, je souscris –, sans m’avoir répondu au sujet des SSR, qui ont pour but d’accompagner des personnes en fin de vie ne pouvant pas rentrer à domicile. Ces soins permettent un suivi remarquable, dans le cadre d’un accompagnement global assuré par des équipes pluridisciplinaires. D’ailleurs, ils fonctionnent souvent à pleine capacité et doivent mettre sur liste d’attente des personnes pourtant incapables de rentrer à domicile. Développer ces soins constitue donc un réel enjeu.
Quel que soit le nom qu’on leur donne, il est clair que nous avons besoin de maisons de soins palliatifs ; personnellement, je plaide pour cette dénomination, qui clarifierait leur fonction. Il faut toutefois se demander d’où viendraient les professionnels invités à exercer dans les nouvelles structures. Exercent-ils déjà ailleurs et si oui, où les prendrait-on ? Je rappelle en effet que nous manquons de professionnels et que leur répartition pose de réelles difficultés. Gouverner, c’est choisir ; nous devons donc nous poser cette question.
À ceux qui nous objectent que le rejet de l’article 2 empêcherait la création de maisons de soins palliatifs, je rappelle que l’appel à manifestation d’intérêt (AMI) est déjà lancé et qu’il n’attendra pas la fin du cheminement législatif du texte pour aboutir. Nous n’avons pas besoin de l’article 2 pour qu’il se concrétise !
M. Patrick Hetzel
Eh oui !
Mme Catherine Vautrin, ministre
C’est cela, rattrapez-vous !
M. Thibault Bazin
Vous le savez bien, madame la ministre : nul n’est besoin de voter l’article pour créer des établissements prodiguant des soins aux malades en fin de vie. Ce dont il est besoin, c’est de moyens. Or l’article n’en prévoit pas ! C’est même tout le problème. Vous évitez la question, car elle vous gêne.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie
C’est vous qui êtes gênés !
M. Thibault Bazin
Vous nous accusez d’avoir une lecture partielle, mais vous avez vous-même une écoute partielle. Nous sommes fortement mobilisés pour renforcer les moyens des soins palliatifs, mais il importe de ne pas en dévoyer le sens en prétendant les compléter par ce qui les nie. Là est le problème fondamental.
M. le président
L’amendement no 1229 de M. Charles de Courson est défendu.
La parole est à Mme Marine Hamelet, pour soutenir l’amendement no 2351.
Mme Marine Hamelet
Comme Mme Dogor-Such, je commencerai par rappeler – nous l’avons dit à maintes reprises, mais vous semblez avoir besoin qu’on vous le répète – que nous défendons l’accès de tous aux soins palliatifs, qui restent fermés à un Français sur deux.
Madame la ministre, vous avez indiqué que les patients en maison d’accompagnement recevraient la visite de leur médecin traitant, mais qu’en sera-t-il des malades qui n’ont pas de médecin traitant ? Cela se passera-t-il comme dans les Ehpad, qui refusent des personnes au motif qu’elles n’ont pas de médecin traitant ?
M. le président
La parole est à M. Jérôme Guedj, pour soutenir l’amendement no 2089.
M. Jérôme Guedj
En cohérence avec les propos de Mme Rilhac et avec la position que nous avons défendue lors de l’examen de l’article 1er, nous suggérons de renommer ces établissements « maisons d’accompagnement et de soins palliatifs ». Contrairement aux défenseurs d’amendements analogues, nous n’avons aucune arrière-pensée et saluons la création de ces maisons. En plus d’être des établissements médico-sociaux, elles seront des lieux de vie où se pratiquera tout ce qui peut se faire à domicile : l’accompagnement, les soins palliatifs et, le cas échéant, l’aide à mourir.
Loin d’être un lieu de séjour stigmatisant, cette nouvelle structure publique constituera un lieu équivalent au domicile. Il faut s’en féliciter et lui donner un nom en accord avec les pratiques qui y auront lieu, à savoir l’accompagnement et les soins palliatifs.
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?
M. Didier Martin, rapporteur
Chacun a pu exposer son point de vue, or ces amendements en discussion commune nous ramènent à des discussions qui ont déjà eu lieu. Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Même avis.
M. le président
La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre Dharréville
Comme vient de le dire M. Guedj, il serait cohérent de mentionner les soins palliatifs, car depuis le début de l’examen du texte, nous nous sommes attachés à les mettre en valeur plutôt que d’en faire disparaître le nom.
Je crois que l’intention d’accompagner les malades préside réellement à la création de ces maisons. En tout cas, je ne peux qu’en constater le besoin, et je veux espérer que vous cherchez à y répondre. (Mme la ministre acquiesce.) Comme vous l’avez souligné, cette mesure correspond à une revendication de longue date de la Sfap, qui connaît bien les besoins en la matière.
Évidemment, si ces structures devaient se transformer en maisons principalement destinées à pratiquer l’aide à mourir, si les dispositions du titre II s’y appliquaient d’une manière offensive et dynamique, cela poserait d’autres problèmes. Vous venez cependant de nous confirmer que ce ne serait pas le cas, madame la ministre.
Après avoir voté contre les amendements de suppression et ainsi réaffirmé mon soutien aux maisons d’accompagnement, je confirme cependant ce qu’a dit Thibault Bazin : pour montrer votre engagement, insuffisant à mon goût, en faveur des soins palliatifs, vous avez essayé de remplir le titre Ier en y inscrivant ce dispositif, mais en réalité, il n’était pas nécessaire de passer par la loi pour instituer les maisons d’accompagnement, l’appel à manifestation d’intérêt étant déjà lancé. Nous nous demandons donc quelle est l’utilité de l’article 2, à part nous faire valider le dispositif a posteriori, ce que je fais volontiers, tout en m’interrogeant.
M. le président
La parole est à M. Christophe Bentz.
M. Christophe Bentz
Monsieur le rapporteur, vous nous dites que le débat a déjà eu lieu et donc, vous ne répondez plus.
M. Didier Martin, rapporteur
C’est faux !
M. Christophe Bentz
Le débat continuera jusqu’au dernier amendement du dernier article de ce projet de loi. C’est ainsi que cela doit être ; nous le devons aux Français.
Madame la ministre, vous soutenez que vous créez de nouvelles structures, de nouveaux établissements de santé, et vous prétendez que ce sera révolutionnaire, en disant : « Vous allez voir ce vous allez voir. »
Mme Catherine Vautrin, ministre
Je n’ai pas dit ça !
M. Christophe Bentz
Si nous vous proposons, par souci de cohérence, les différents amendements qui visent à remettre les soins palliatifs au cœur du dispositif, c’est parce que nous pensons que telle est l’urgence. Pourquoi inventer de nouvelles structures alors que celles qui existent manquent de moyens financiers et humains ? Pourquoi ne pas se concentrer exclusivement sur ces dernières ? Nous sommes donc très réservés à l’égard de ces maisons d’accompagnement.
Vous n’aimez ni l’expression « suicide assisté » ni « euthanasie », disons-le donc avec vos termes : dans une chambre, un patient recevra des soins palliatifs, dans la chambre voisine, on administrera à un autre une substance létale. C’est cela que vous promettez aux Français.
Mme Natalia Pouzyreff
À domicile, la personne malade est dans la chambre d’à côté, c’est pareil !
(Les amendements identiques nos 1483 et 2628 ne sont pas adoptés.)
(L’amendement no 34 n’est pas adopté.)
(Les amendements identiques nos 1229 et 2351 ne sont pas adoptés.)
(L’amendement no 2089 est adopté.)
M. le président
Je suis saisi de cinq amendements, nos 1616, 3130, 3131, 1011 et 2517, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 1616.
M. Thibault Bazin
Cet amendement d’Annie Genevard répond à l’interpellation de Monique Iborra lors de son intervention sur l’article 2. Il vise à préciser que dans les « maisons d’accompagnement et de soins palliatifs », selon la rédaction qui résulte de l’adoption de l’amendement no 2089, le suicide assisté et l’euthanasie ne peuvent être pratiqués. Annie Genevard a défendu cette position en commission, du moins est-ce ainsi que j’ai compris son intervention, car elle juge nécessaire l’étanchéité entre les actes réalisés en vertu des titres Ier et II. Frédéric Valletoux a affirmé ce matin que les financements étaient étanches. Pourtant, si ces maisons d’accompagnement peuvent, d’une part, délivrer les soins palliatifs et, d’autre part, la mort administrée, recevront-elles des crédits supplémentaires ? Leur financement sera-t-il bien lisible ? Il faut distinguer clairement les moyens dédiés aux soins palliatifs et les moyens donnés aux actes envisagés au titre II.
M. le président
La parole est à M. Christophe Bentz, pour soutenir les amendements nos 3130 et 3131, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Christophe Bentz
Madame la ministre, je vous rappelle que lors des auditions et de l’examen du texte en commission, vous nous aviez dit que ce projet de loi dont, certes, la substance a changé largement depuis, créait un nouveau droit, l’aide à mourir, mais que ce nouveau droit excluait le suicide assisté et l’euthanasie. Je vous avais proposé une expression alternative, le « suicide délégué », afin de prendre en considération les débats sur ces questions. Vous soutenez que l’aide à mourir n’est ni le suicide assisté, car elle est encadrée par des conditions strictes, ni l’euthanasie, car il s’agit d’une exception euthanasique. Pourquoi donc ne pas inscrire ce que vous nous dites être la vérité dans la loi ? Après tout, c’est notre rôle de législateur.
M. le président
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public : sur l’amendement n° 1818, par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale, et sur l’amendement n° 3003, par les groupes La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale, Socialistes et apparentés et Écologiste-NUPES.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Philippe Ballard, pour soutenir l’amendement no 1011.
M. Philippe Ballard
Il vise à exclure la pratique de l’euthanasie et du suicide assisté dans les maisons d’accompagnement. Même si nous ne sommes pas d’accord avec eux, nous reconnaissons que certains députés jouent cartes sur table : ils sont prêts à autoriser cette pratique. En revanche, le Gouvernement ne répond pas, ce qui nous oblige à défendre cet amendement. Comme l’a rappelé M. Bentz, nous sommes des législateurs et nous ne sommes pas foncièrement idiots : nous pouvons donc dresser, noir sur blanc, la liste des actes qui seront pratiqués dans les maisons d’accompagnement et de soins palliatifs. Faites un peu de publicité, car cela manque cruellement aux soins palliatifs, que malheureusement trop peu de Français connaissent ; c’est même vrai du corps médical.
M. le président
La parole est à M. Jocelyn Dessigny, pour soutenir l’amendement no 2517.
M. Jocelyn Dessigny
Je précise que si l’amendement no 1011 est voté, je retirerai celui-ci, car il n’aurait plus de sens. Je veux que nous disions clairement la vérité aux Français : dès lors que vous voulez administrer dans ces maisons une dose létale qui provoquera la mort, il faut écrire qu’il s’agit de suicide assisté ou d’euthanasie.
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur les amendements en discussion commune ?
M. Didier Martin, rapporteur
Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Même avis.
Monsieur Ballard, vous prétendez que le Gouvernement ne vous répond pas, alors que j’ai passé toute une semaine à le faire en commission et que je vous réponds régulièrement et même parfois longuement. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR. – Mme Sandrine Rousseau applaudit également.) Il y a quand même des limites à ce qu’on peut dire !
Nous l’avons expliqué de nombreuses fois depuis le début de l’examen de ce texte et je vous le redis bien volontiers – même si certains vont dire que je radote : ces maisons d’accompagnement sont considérées comme des domiciles ; ce sont des lieux dans lesquels les patients qui répondront aux conditions établies au titre II pourront effectivement recourir à l’aide à mourir.
Monsieur Bazin, vous avez posé la question du financement de l’aide à mourir, mais celle-ci relève du titre II et non du titre Ier. L’article 19 précise ce financement, qui est indépendant de celui des maisons d’accompagnement ; les moyens ne seront aucunement prélevés sur ceux des soins palliatifs.
M. le président
La parole est à Mme Danielle Simonnet.
Mme Danielle Simonnet
Depuis le début de l’examen de ce texte, nous avons bien perçu l’obsession de la part de LR et du RN…
M. Pierrick Berteloot
Ce n’est pas vrai !
Mme Danielle Simonnet
…à s’opposer coûte que coûte à l’aide à mourir. Cette obsession est sordide et morbide. (Protestations sur les bancs des groupes RN et LR.)
M. Patrick Hetzel
On aura tout entendu ! Vous allez nous dire que mourir, c’est vivre ?
Mme Danielle Simonnet
Si 90 % de la population est favorable à l’aide à mourir (Protestations sur les bancs du groupe RN), c’est bien parce que, pour de nombreux citoyens, c’est une ultime liberté. Cela ne signifie pas que tout le monde souhaite en avoir besoin. Au contraire, nous souhaitons tous que les personnes qui en auront besoin soient aussi peu nombreuses que possible, car nous voudrions tous pouvoir partir en dormant, simplement.
Les maisons d’accompagnement sont destinées à la fin de vie. Nous voulons que les malades puissent s’y retrouver avec leurs proches, bénéficier de soins de confort et vivre leurs derniers moments de la manière la plus heureuse possible. Mais peut-être auront-ils besoin d’autre chose : certains auront peut-être besoin d’une sédation profonde et continue jusqu’au décès ; d’autres, dans une situation comparable, n’en voudront surtout pas et préféreront avoir accès à l’aide à mourir.
Nous permettons la sédation profonde et continue jusqu’au décès non seulement à l’hôpital mais aussi au domicile, lequel peut être une maison ou un Ehpad. Pour quelle raison, sinon par une obsession morbide, interdiriez-vous un malade accueilli en maison d’accompagnement – soit dans un autre type de domicile – d’accéder à l’aide à mourir ? Si vous respectez ce droit ultime qui reviendrait à chacune et à chacun de décider de sa mort le moment venu, arrêtez de polluer le débat et de faire peur aux gens en prétendant que, dans les maisons d’accompagnement, les patients seront obligés d’avoir recours à l’aide à mourir ! (Protestations sur les bancs du groupe RN.) L’aide à mourir reposera sur la volonté personnelle. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)
M. le président
La parole est à Mme Sandrine Dogor-Such.
Mme Sandrine Dogor-Such
Madame Simonnet, vous avez déjà tenu des propos similaires en commission. Le projet de loi concerne toute la société et touche à l’intime. Nous avons tous une position différente.
M. Pierrick Berteloot
C’est vrai !
Mme Sandrine Dogor-Such
Nous débattons d’un texte très important. Pour ma part, je respecte la position de chacun. Veuillez donc en faire autant.
M. Christophe Bentz
Très bien !
Mme Sandrine Dogor-Such
Madame la ministre, vous avez expliqué que les patients qui sortent de l’hôpital sans pouvoir rentrer chez eux iront dans les maisons d’accompagnement, et que dans ces maisons, les personnes qui souffrent d’une maladie grave pourront accéder à l’aide à mourir. Mais pour les personnes en fin de vie qui souffrent d’une maladie grave et ne peuvent pas rentrer à domicile, ne peut-on pas déjà effectuer en milieu hospitalier la sédation profonde et continue ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Oui.
(Les amendements nos 1616, 3130, 3131, 1011 et 2517, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président
La parole est à M. René Pilato, pour soutenir l’amendement no 1818.
M. René Pilato
Les dispositions du présent article doivent pouvoir être appliquées à l’ensemble des maisons d’accompagnement, que ces dernières soient dotés d’une personnalité morale propre ou relèvent d’un autre établissement.
J’aurais besoin d’une précision concernant le sous-amendement no 3465 pour déterminer mon vote : a-t-il pour effet de retirer aux maisons d’accompagnement le statut de personne morale ?
M. le président
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir le sous-amendement no 3465 et donner l’avis de la commission sur l’amendement no 1818.
M. Didier Martin, rapporteur
Avis favorable, sous réserve de l’adoption du sous-amendement. Celui-ci est rédactionnel ; il n’entraîne rien de plus que ce qu’on comprend en le lisant.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Avis de sagesse sur l’amendement no 1818 et le sous-amendement no 3465.
M. le président
La parole est à M. Jérôme Guedj.
M. Jérôme Guedj
Cet amendement est cohérent avec une exigence que nous sommes nombreux à défendre et sur laquelle nous reviendrons en examinant le suivant, le no 3003 : l’impossibilité que les maisons d’accompagnement soient des établissements à but lucratif. À l’inverse, et c’est un problème, le rapporteur est favorable à une telle hypothèse, au nom de la liberté d’entreprendre. Il admet donc que les modalités de tarification de ces établissements prévoient la possibilité de dégager une marge commerciale.
Selon moi, la liberté d’entreprendre n’est pas un argument valable.
Mme Natalia Pouzyreff
La liberté d’investir !
M. Didier Martin, rapporteur
Vous ne croyez pas à l’entreprise, de toute façon !
M. Jérôme Guedj
Si c’est une question de sécurité juridique, il conviendra, au cours de la navette, d’élaborer un dispositif très précis. La solution pourrait résider dans un système d’autorisation ou de fixation des tarifs similaire à celui appliqué aux Ehpad habilités à l’aide sociale. Mais vous devez nous dire, madame la ministre, que vous êtes d’accord pour interdire aux opérateurs privés à but lucratif de prendre le contrôle des maisons d’accompagnement. C’est absolument essentiel.
(Le sous-amendement no 3465 est adopté.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 1818.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 69
Nombre de suffrages exprimés 49
Majorité absolue 25
Pour l’adoption 49
Contre 0
(L’amendement no 1818, sous-amendé, est adopté.)
M. le président
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 3003.
M. Didier Martin, rapporteur
Je vais prendre du temps pour m’exprimer au sujet de cet amendement, qui est très attendu.
M. Pierre Dharréville
Il est attendu, mais pas espéré !
M. Didier Martin, rapporteur
Comme M. Guedj en commission spéciale, permettez-moi de vous rappeler que le livre III du code de l’action sociale et des familles nous sert de guide pour la création des maisons d’accompagnement. Or il ne fait jamais de distinction entre les établissements publics et privés ; y inscrire une disposition excluant les établissements privés à but lucratif serait donc une exception – et une première.
M. Sébastien Peytavie et M. Jérôme Guedj
Ce n’est pas vrai !
M. Didier Martin, rapporteur
Le Gouvernement a expliqué sa méthode : appel à manifestation d’intérêt, établissement d’un cahier des charges, création de huit à dix maisons d’accompagnement pour stabiliser ce cahier des charges, avant une extension à la mesure des besoins que nous avons tous – enfin, presque tous – reconnus.
Que pourrais-je dire, sinon que vous n’aimez pas l’entreprise et le système privé ? (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.) Je tiens à rappeler que près de 30 % des Ehpad sont des établissements privés. De plus, au cours de la crise du covid, les établissements privés ont absorbé toute l’activité opératoire des établissements publics chargés de prendre en charge les patients en réanimation.
Mme Natalia Pouzyreff
Eh oui !
M. Arnaud Le Gall
Vous avez fermé des lits dans le public !
M. Bastien Lachaud
Vous avez détruit le système public ! Ces propos sont incroyables !
M. le président
Veuillez laisser M. le rapporteur s’exprimer.
M. Didier Martin, rapporteur
Imaginez la situation d’un résident en Ehpad privé lucratif – cela existe, ne vous en déplaise.
Mme Danielle Simonnet
Hélas !
M. Didier Martin, rapporteur
Atteint d’une maladie grave et incurable, et après des séjours à l’hôpital, il retourne dans son Ehpad quand sa pathologie est stabilisée et – hélas – très avancée. S’il demande alors une aide à mourir – c’est son droit –, vous jugez qu’il serait nécessaire de le transférer dans un autre établissement, public ou privé, mais non lucratif ? (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES, GDR-NUPES et Écolo-NUPES.)
Mme Caroline Fiat
Mais non !
Plusieurs députés des groupes LFI-NUPES et SOC
Ce n’est pas de cela que nous parlons !
M. René Pilato
Mauvais exemple !
M. Jérôme Guedj
Les maisons d’accompagnement : voilà le problème !
M. Didier Martin, rapporteur
Du point de vue médical, ce serait inhumain !
Par ailleurs, vous comprenez bien que les Ehpad privés lucratifs seront concernés par l’expérimentation prévue par le Gouvernement, avant le développement des maisons d’accompagnement dans l’ensemble du territoire.
M. Jérôme Guedj
Vous vous emmêlez les pinceaux !
M. Arnaud Le Gall
Nous parlons des maisons d’accompagnement, pas des Ehpad !
M. Didier Martin, rapporteur
J’essaye de vous faire imaginer des situations insupportables et douloureuses. Je vous renvoie au livre III de l’action sociale et des familles, que vous voudriez charcuter.
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre
La loi autorise les gestionnaires privés à but lucratif à s’occuper aussi bien d’unités de soins palliatifs que d’établissements socio-médicaux de toute nature. Un cahier des charges précisera les prestations incluses dans l’offre des maisons d’accompagnement. Nous établirons aussi une procédure d’appel à projets afin de réguler les créations. La tarification, qui sera fixée par les agences régionales de santé, donnera à ces dernières une vision continue sur les budgets des gestionnaires. Enfin, les établissements seront contrôlés par les ARS, mais aussi par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), afin de vérifier la teneur et l’équilibre des contrats de séjour. Pour ces raisons, je suis favorable à cet amendement du rapporteur.
M. le président
Sur cet amendement, je donnerai la parole à un orateur par groupe – j’ai même accepté deux orateurs issus d’un groupe dans lequel différentes positions étaient représentées.
La parole est à Mme Élise Leboucher.
Mme Élise Leboucher
Monsieur le rapporteur, s’il ne nous surprend pas, votre amendement nous sidère : vous revenez sur une victoire que nous avons remportée en commission grâce à un amendement du groupe La France insoumise. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Nous débattons d’un texte d’équilibre, susceptible de permettre à chacun de choisir librement le dispositif qui lui correspond le plus pour la fin de sa vie. Vous avez pu voir que nous votions certaines dispositions du texte et que nous avions déposé peu d’amendements, au contraire des groupes Les Républicains et Rassemblement national qui font preuve d’une opposition farouche. Nos amendements sont constructifs et ne cherchent pas à détricoter le texte. Toutefois, nous sommes absolument opposés à cet amendement, qui risque de créer des inégalités d’accès aux maisons d’accompagnement, allant ainsi à l’encontre de la philosophie du texte.
Permettez-moi, monsieur le rapporteur, d’inverser les rôles : je vous propose de retirer votre amendement. Nous refusons les fonds d’investissement, nous ne voulons pas d’Orpea pour la fin de vie. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Mme Astrid Panosyan-Bouvet, Mme Cécile Rilhac et M. Jérôme Guedj applaudissent également.)
M. le président
La parole est à Mme Sandrine Rousseau.
Mme Sandrine Rousseau
Selon vous, monsieur le rapporteur, exclure des établissements privés à but lucratif serait une première en matière d’action sociale et médico-sociale. Ne pourrait-on pas l’accepter ? Après tout, il s’agit de la fin de vie, de soins palliatifs et d’accompagnement. Lors de précédents débats, je me souviens vous avoir entendu expliquer qu’il était impossible de contrôler les grands groupes comme Orpea qui investissaient dans les Ehpad et les crèches, parce que c’était attentatoire à la liberté d’entreprendre. Qu’allons-nous faire ? Nous priver du contrôle nécessaire de ces institutions ? À aucun moment, sous aucune condition, la mort ne doit se trouver dans le domaine du marché.
Pardon de le dire, mais votre amendement est indigne : il n’est pas possible de l’accepter. Pourquoi vouloir faire du profit sur la fin de vie ? C’est de cela qu’il s’agit ! C’est cela que feraient les établissements privés lucratifs : des profits sur la fin de vie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Cela n’est pas éthique ! C’est une ligne rouge ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES et LFI-NUPES. – Mme Astrid Panosyan-Bouvet applaudit également.)
M. le président
La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre Dharréville
S’il était adopté, cet amendement me ferait regretter mon vote sur les amendements de suppression et mon adhésion au dispositif, même si je pense que ces maisons d’accompagnement sont nécessaires.
Je suis par principe opposé à l’amendement, pour les raisons fort bien exposées par mes collègues : il n’y a pas de profits à faire sur la fin de vie. Cela paraît logique ; c’est une exigence éthique fondamentale. En dépit de la diversité des sensibilités exprimées sur ces bancs, on doit pouvoir se retrouver sur cette question – c’est ce qui s’est passé en commission. Je ne comprends pas que certains d’entre vous saisissent la moindre occasion pour ouvrir grand les portes au marché. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES. – Mme Astrid Panosyan-Bouvet applaudit également.)
Que va-t-il se passer ? Alors que ces maisons n’existent pas encore, au moment où l’on affiche la mince ambition de développer un service public susceptible de répondre aux besoins, on ouvre grand les portes au privé. On voit bien comment les choses se passeraient dans les établissements concernés.
M. Didier Martin,, rapporteur
Mais oui !
M. Pierre Dharréville
Tout cela n’est donc pas sérieux. La puissance publique doit assumer ses responsabilités et, par cette loi, se donner les moyens d’apporter une réponse publique à ces besoins. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES et Écolo-NUPES. – Mme Astrid Panosyan-Bouvet, Mme Cécile Rilhac et Mme Annie Vidal applaudissent également.)
M. le président
La parole est à Mme Astrid Panosyan-Bouvet.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet
Il est essentiel d’éviter que ces maisons d’accompagnement aient un but lucratif. On ne me fera pas, à moi, le procès d’être opposée à la liberté d’entreprendre et à l’entreprise, mais il s’agit ici d’une question d’éthique et de décence commune. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, GDR-NUPES et Écolo-NUPES. – Mme Cécile Rilhac applaudit également.)
M. Hadrien Clouet
Exactement ! La décence ordinaire chère à Orwell !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet
Nous souhaitons que les maisons d’accompagnement relèvent du secteur public ou du secteur privé à but non lucratif – ce dernier offrant une certaine souplesse et une certaine agilité.
Les chiffres montrent que ces dix dernières années, c’est le secteur privé à but lucratif qui a créé le plus de places en Ehpad. Le risque est d’entraîner un véritable effet d’éviction dans un secteur encore naissant. Pour des raisons de décence commune, ces maisons d’accompagnement doivent donc rester dans le secteur non lucratif. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, GDR-NUPES et Écolo-NUPES.)
M. le président
La parole est à Mme Stéphanie Rist.
Mme Stéphanie Rist
Vous souhaitez que les établissements médico-sociaux ne puissent pas être gérés par des gestionnaires privés. (« À but lucratif ! » sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES.) Des gestionnaires privés à but lucratif, pardon ! Mais l’organisation de notre système de santé repose aussi sur ces établissements. Vous invoquez l’éthique, mais cet argument ne me convainc pas : qu’en serait-il, alors, des établissements d’accueil des jeunes enfants ou des personnes âgées ? On pourrait se poser la même question !
Mme Caroline Fiat
Mais oui !
Mme Stéphanie Rist
Dans chacune de vos circonscriptions, des personnes âgées ou malades sont prises en charge dans des établissements privés à but lucratif, et les équipes soignantes qui y travaillent s’en occupent très bien.
M. Didier Martin, rapporteur
Tout à fait !
Mme Stéphanie Rist
Allez leur dire, droit dans les yeux, que leur travail n’est pas éthique !
M. Arnaud Le Gall
Si on se trouve dans cette situation, c’est parce que l’hôpital public a été massacré !
Mme Stéphanie Rist
Le débat que vous soulevez est important, mais il ne doit pas avoir lieu dans le cadre de ce texte : nous pourrons réfléchir à une évolution du financement de ces établissements lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Alors, seulement, l’argument éthique que vous invoquez sera recevable – même si, personnellement, je n’y souscris pas. Je serai donc favorable à l’amendement du rapporteur.
M. le président
La parole est à M. Laurent Panifous.
M. Laurent Panifous
Vous avez dit, monsieur le rapporteur, qu’il faudrait ne pas aimer l’entreprise pour s’opposer à cet amendement. Avez-vous déjà dirigé une entreprise ? Pour ma part, jusqu’à ce que je sois élu député, je n’ai fait que ça – notamment des Ehpad privés. Et je confirme qu’il faut parfois poser des limites : on peut accepter que les Ehpad soient des établissements à but lucratif, mais, pour des raisons éthiques, cela ne semble pas approprié pour les maisons d’accompagnement. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, GDR-NUPES et Écolo-NUPES. – Mme Astrid Panosyan-Bouvet applaudit également.) J’avais d’ailleurs déposé un amendement en ce sens en commission.
Pour appuyer votre démonstration, monsieur le rapporteur, vous citez les Ehpad privés : mais c’est de maisons d’accompagnement à la fin de vie que nous parlons ! Il ne s’agit pas simplement de déplacer des résidents d’un Ehpad à un autre : il s’agit de ne pas faire entrer des personnes en fin de vie dans des structures privées à but lucratif. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES.)
M. Pierre Dharréville
Exactement !
M. Laurent Panifous
Je voterai donc évidemment contre cet amendement.
M. le président
La parole est à M. Jocelyn Dessigny.
M. Jocelyn Dessigny
Cet amendement est un aveu d’impuissance : vous êtes incapables de déployer dans l’ensemble du territoire un réseau public de maisons d’accompagnement. Nous ne parlons pas ici de n’importe quel établissement, d’un Ehpad ou une crèche, mais d’un établissement médico-social où sera administrée la dose létale !
M. Marc Le Fur
Eh oui !
M. Jocelyn Dessigny
Vous voulez rendre lucrative l’administration de la dose létale !
M. Didier Martin, rapporteur
Je n’ai jamais dit ça !
M. Jocelyn Dessigny
Comme l’a dit notre chère collègue Sandrine Rousseau, c’est une ligne rouge : on ne peut pas se faire de l’argent sur la mort des gens. Nous voterons donc bien entendu contre cet amendement.
Mme Natalia Pouzyreff
La NUPES va voter avec le RN !
M. le président
La parole est à M. Patrick Hetzel.
M. Patrick Hetzel
Comme lors du débat précédent – et vous l’aviez d’ailleurs constaté à nos amendements –, nous sommes en rupture avec votre position, madame la ministre, toute cohérente qu’elle soit : vous considérez les maisons d’accompagnement comme un domicile et, partant, leur appliquez les mêmes règles – la dose létale est donc susceptible d’y être administrée. Nous y sommes fondamentalement hostiles, à plus forte raison si celles-ci peuvent être gérées par le secteur privé à but lucratif. Une telle idée est même choquante ! Certains domaines ne peuvent en aucun cas relever d’une vision libérale. Nous voterons donc contre l’amendement du rapporteur.
M. Sébastien Peytavie