Première séance du vendredi 31 mai 2024
- Présidence de M. Sébastien Chenu
- 1. Accompagnement des malades et de la fin de vie
- Discussion des articles (suite)
- Article 1er ter
- M. Gilles Le Gendre
- M. Thomas Ménagé
- M. Thibault Bazin
- M. Jérôme Guedj
- M. Pierre Dharréville
- M. Hadrien Clouet
- Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités
- Amendement no 673
- M. Didier Martin, rapporteur de la commission spéciale
- Amendements nos 1257, 2916, 249, 1479, 3291, 2893, 2979 et 1162
- M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention
- Amendements nos 2917, 2861 et 1447
- Sous-amendement no 3460
- Amendements nos 2294, 1695, 2864, 1008, 1794, 1696 et 2918
- Suspension et reprise de la séance
- Article 1er quater
- Après l’article 1er quater
- Article 1er quinquies
- M. Pierrick Berteloot
- M. Thibault Bazin
- Amendements nos 1814 et 1815
- Sous-amendement no 3452
- Article 1er sexies
- Après l’article 1er sexies
- Article 2
- Article 1er ter
- Discussion des articles (suite)
- 2. Dépôt de motions de censure
- 3. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de M. Sébastien Chenu
vice-président
M. le président
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures.)
1. Accompagnement des malades et de la fin de vie
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie (nos 2462, 2634).
Discussion des articles (suite)
M. le président
Mercredi 29 mai, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’article 1er ter.
Article 1er ter
M. le président
La parole est à M. Gilles Le Gendre.
M. Gilles Le Gendre
L’article 1er ter résulte d’un amendement adopté par la commission spéciale à mon initiative et cherche à résoudre une difficulté sur laquelle nous butons. En effet, deux véhicules différents traitent des soins d’accompagnement : le titre Ier, tout d’abord, porte une stratégie volontariste dans ce domaine, mais ne dit rien des moyens qui y seront affectés ;…
Mme Christine Pires Beaune
Exactement !
M. Gilles Le Gendre
…la stratégie décennale des soins d’accompagnement, ensuite, précise ces moyens, mais ne présente aucun caractère contraignant quant à leur mise en œuvre.
Mme Christine Pires Beaune
Très juste !
M. Gilles Le Gendre
L’article jette donc un pont entre ces deux objets en intégrant, dans le projet de loi, la trajectoire budgétaire sur dix ans de la stratégie décennale.
Nous avons été nombreux, mercredi soir, à considérer que l’enjeu des soins d’accompagnement justifierait une loi de programmation en bonne et due forme.
M. Jérôme Guedj
Très bien !
M. Gilles Le Gendre
L’article 1er ter n’en tient évidemment pas lieu, mais il permet, sans attendre cette future loi éventuelle, de donner aux engagements du Gouvernement une solennité bienvenue.
Je veux rassurer ceux qui proposent de supprimer cet article parce qu’ils estiment que les projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) sont seuls fondés à arrêter les crédits budgétaires affectés aux soins d’accompagnement.
M. Olivier Falorni, rapporteur général de la commission spéciale
Eh oui !
M. Gilles Le Gendre
Ce sera naturellement le cas, mais dans la limite de l’annualité budgétaire, qui, contrairement aux lois de programmation, proscrit tout engagement dans la durée. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle mon amendement, contrairement à beaucoup d’autres, avait échappé à la rigueur de l’article 40 de la Constitution, comme l’a souligné, pendant les travaux de la commission spéciale, sa présidente Agnès Firmin Le Bodo. Je fais le pari que, cet automne, l’article 1er ter servira de boussole, certes symbolique, mais utile, quand il s’agira de traduire en actes les orientations dont nous débattons depuis quatre jours. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et SOC.)
M. le président
La parole est à M. Thomas Ménagé.
M. Thomas Ménagé
Gilles Le Gendre vient de le souligner : l’article 1er ter est bienvenu car il met fin à une incohérence. En consacrant deux textes aux soins d’accompagnement, le Gouvernement cherchait à éviter que nous en débattions, ceux qui, comme moi, sont favorables à une évolution de la loi, mais craignent que l’aide à mourir se substitue aux soins palliatifs, et ceux qui y sont opposés, s’inquiétant que l’instauration d’une aide active à mourir se fasse sans véritable développement des soins palliatifs.
Comme vous, monsieur Le Gendre, nous demandons une loi de programmation. Nous la demandons d’autant plus que nous sommes dans l’opposition et que nous n’avons pas confiance dans le Gouvernement. Nous souhaiterions aussi débattre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, mais, nous le savons tous, ce texte fera l’objet d’un 49.3, ce qui nous privera de tout moyen d’action.
Sur le sujet des soins palliatifs, nous avons cependant avancé, madame la ministre du travail, de la santé et des solidarités. Vous m’avez apporté des réponses pour la région Centre-Val de Loire, ce dont je vous ai remercié, et vous avez annoncé l’ouverture d’unités de soins palliatifs (USP) dans le Cher en 2024 et dans l’Indre et l’Eure-et-Loir en 2025. Nous restons toutefois au milieu du gué. Nous avons besoin de précisions supplémentaires.
Le plan 2015-2018 pour le développement des soins palliatifs et l’accompagnement de fin de vie prévoyait un ratio d’un lit pour 100 000 habitants. Vous nous avez donné des chiffres et des dates pour les différents départements, mais j’aimerais savoir combien de lits seront disponibles dans chaque USP. Pouvez-vous nous préciser votre objectif s’agissant du nombre de lits pour 100 000 habitants ? Nous espérons que cette fois il sera tenu, ce qui n’a pas été le cas de celui fixé par le plan 2015-2018, notamment dans la région Centre-Val de Loire. Il est temps de faire de l’accès aux soins palliatifs un droit effectif dans notre pays.
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
L’article 1er ter, issu d’un amendement de Gilles Le Gendre adopté en commission spéciale, constitue en effet un symbole important. L’avis du Conseil d’État sur le projet de loi est clair : le texte ne contient pas d’éléments programmatiques et financiers permettant de traduire l’engagement du Gouvernement. Ce qui doit tous nous réunir – je crois que c’est d’ailleurs le cas –, c’est la volonté politique d’instaurer des soins palliatifs partout et pour tous. La définition d’une stratégie est bien sûr nécessaire pour cela, mais sa mise en œuvre effective l’est encore davantage. Or la responsabilité du Parlement est précisément de prévoir les moyens et les budgets des politiques publiques. Un cadre budgétaire est donc nécessaire, en particulier pour la formation.
Madame la ministre, mercredi, vous avez souligné l’obstacle auquel nous nous heurtons du fait de l’incompatibilité entre les lois de financement de la sécurité sociale et les lois de programmation. Pourquoi ne pas faire en sorte de lever cet obstacle en faisant évoluer le cadre organique des lois de financement de la sécurité sociale pour nous permettre d’être à la hauteur des enjeux et de graver dans le marbre les engagements du Gouvernement ? Si nous sommes capables de le faire pour les soins palliatifs, nous le serons aussi, demain, pour le grand âge et la petite enfance.
M. Patrick Hetzel
Bien sûr !
M. Thibault Bazin
De nombreux sujets appellent un cadre programmatique et pluriannuel, qui engage le Gouvernement, donne de la lisibilité aux politiques et crée un effet d’entraînement dans le pays. Nous en avons besoin ! Attelons-nous à cette tâche, faute de quoi nous risquons de ne pas être au rendez-vous.
M. Patrick Hetzel
Excellent !
M. le président
La parole est à M. Jérôme Guedj.
M. Jérôme Guedj
Avec Gilles Le Gendre, dont j’ai soutenu l’amendement, nous partageons la volonté de légiférer sur l’aide à mourir – nous aborderons bientôt le titre II. Quand nous insistons sur la nécessité de rendre opérationnelle la stratégie décennale du Gouvernement visant à instaurer des soins palliatifs partout et pour tous, une stratégie que nous soutenons tous, nous le faisons en recherchant un équilibre entre l’aide à mourir et les soins palliatifs – équilibre que vous appelez aussi de vos vœux, madame la ministre. Il n’y a donc pas d’ambiguïté dans notre soutien à l’article 1er ter : ce n’est aucunement une manœuvre dilatoire visant à donner la priorité aux soins palliatifs au détriment de l’aide à mourir.
Il est d’ailleurs intéressant que j’intervienne après Thibault Bazin, car je pense, comme lui, que des outils juridiques sont nécessaires pour permettre au Parlement d’être le garant de l’équilibre que nous construisons entre l’aide à mourir et les soins palliatifs. Première bonne nouvelle, nous avons introduit dans le projet de loi le principe de la stratégie décennale. Deuxième bonne nouvelle, malgré votre désaccord, nous y avons introduit le principe d’une loi de programmation – je vous vois sourire, madame la ministre !
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités
Mais oui !
M. Jérôme Guedj
Thibault Bazin a raison quand il nous dit que, tôt ou tard, nous devrons réfléchir à des outils juridiques pour améliorer le cadre des lois de financement de la sécurité sociale. Nous aurions pu en débattre, hier, lors de l’examen de la proposition de loi constitutionnelle de Pierre Dharréville visant à constitutionnaliser la sécurité sociale.
M. le président
La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre Dharréville
L’article 1er ter me donne l’occasion de revenir sur la stratégie décennale des soins d’accompagnement. De toute évidence, il est préférable d’inscrire les financements de cette stratégie dans le projet de loi – c’était le sens de l’amendement de Gilles Le Gendre, et nous défendrons tout à l’heure des propositions pour améliorer la rédaction de l’article.
Comme je l’ai indiqué en commission spéciale, j’ai cependant des doutes sur cette stratégie décennale, madame la ministre. Tout d’abord, par définition, l’effort que vous prévoyez portera concrètement ses fruits dans dix ans : je sais bien qu’on ne peut pas recruter les personnels en un claquement de doigts, mais je ne crois pas que cet effort soit suffisant, ni extraordinaire. Entre 2017 et 2021, la dépense publique en matière de soins palliatifs a augmenté de 6,25 % par an. Le Gouvernement propose, pour les dix prochaines années, une augmentation de 6,6 % par an. Les crédits alloués à la stratégie décennale n’ont donc rien d’exceptionnel et ne permettront pas de répondre à la situation critique dans laquelle nous nous trouvons : non seulement, aujourd’hui, une personne sur deux n’a pas accès aux soins palliatifs, mais, demain, en raison du vieillissement de la population, le nombre de celles qui en auront besoin va augmenter. La stratégie proposée n’est pas à la hauteur des besoins et des enjeux. Contrairement à ce qui nous a été dit, elle ne réglera pas tous les problèmes !
M. le président
La parole est à M. Hadrien Clouet.
M. Hadrien Clouet
Le groupe La France insoumise se félicite de l’inscription, noir sur blanc, de la trajectoire budgétaire de la stratégie décennale à l’article 1er ter, grâce à l’adoption de l’amendement de M. Le Gendre en commission spéciale. Premièrement, elle répond à une recommandation du Conseil d’État, qui avait souligné un manque en la matière. Deuxièmement, bien que le volet financier de cette stratégie soit insuffisant, il est préférable de fixer un échéancier précis, ce qui évitera que nous soyons renvoyés à des PLFSS ultérieurs et que le Gouvernement profite de n’être engagé par rien pour ne pas tenir ses promesses, en plaidant le changement de conjoncture ou les contraintes budgétaires. Il faut l’inscrire dans la loi des financements qui nous engagent. On pourra toujours faire mieux, mais nous disposerons ainsi de crédits minimaux.
Enfin, pour un député de La France insoumise, ce sera aussi l’occasion de voter une mesure budgétaire, ce que nous avons rarement la possibilité de faire, 49.3 oblige !
M. le président
La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités
Pour répondre à ces différentes interventions, je commencerai par donner quelques chiffres. Nous comptons en moyenne 12 à 15 lits par unité de soins palliatifs. La France compte actuellement 166 USP, qui seront, comme je l’ai déjà dit, complétées par 20 unités supplémentaires. Les équipes mobiles de soins palliatifs (EMSP) sont au nombre de 412, et deux tiers des 7 500 Ehpad ont signé une convention avec l’une d’elles.
Quant aux lits de soins palliatifs à l’hôpital, en 2023, la France en comptait 11 pour 100 000 habitants. La même année, le nombre d’hospitalisations à domicile (HAD) en soins palliatifs s’élevait à 70 000.
Je comprends votre volonté, mesdames et messieurs les députés, de voir ces éléments inscrits dans la loi. Je veux tout de même m’assurer que nous nous accordons sur un point important : le tableau figurant dans le texte fait état de dépenses cumulatives d’année en année. Ainsi, lorsque nous prévoyons de consacrer aux mesures nouvelles 89 millions d’euros en 2024 et 106 millions en 2025, cela signifie que nous dépenserons 89 millions en 2024 et 195 millions en 2025 – rassurez-vous, je ne ferai pas le même calcul pour les dix années ! Chacun doit avoir cette réalité en tête. On peut toujours considérer que ces montants sont insuffisants, mais ils demeurent importants relativement aux masses budgétaires allouées, et je ne dirai en aucun cas qu’il est inutile de les prévoir.
Cependant, comme vous le savez tous en tant que législateurs, ce tableau, inséré dans la loi, ne constituera pas pour les puristes son élément le plus normatif !
M. Jérôme Guedj
Nous sommes imaginatifs !
Mme Catherine Vautrin, ministre
Hier matin, j’animais la Commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS). Nous avons échangé avec l’ensemble des partenaires. Il ressort de ces échanges que, si le PLFSS est perçu comme un document économique et financier, il sert avant tout à fixer nos objectifs et nos priorités. Il est très important, j’y insiste, d’en débattre, au sein de vos commissions comme avec l’ensemble des professionnels.
Je comprends en tout cas que ce genre d’ajout à la loi ne mette pas très à l’aise ceux qui sont attachés à la pureté législative.
M. Philippe Vigier
Excellent !
M. le président
Nous en venons aux amendements à l’article.
La parole est à Mme Lise Magnier, pour soutenir l’amendement no 673.
Mme Lise Magnier
Il s’agit d’un amendement de suppression du présent article, qui a été introduit lors des travaux de la commission spéciale. Vous avez devancé mes propos, madame la ministre : inscrire dans une loi ordinaire une trajectoire de crédits, alors que nous sommes tous conscients que notre rôle de parlementaires est de nous assurer qu’ils seront votés lors de l’examen du PLFSS,…
Mme Marie-Noëlle Battistel
On ne le vote plus !
Mme Lise Magnier
…me met en effet un peu mal à l’aise, pour le dire gentiment.
Je formulerai également deux remarques de forme. Premièrement, la trajectoire que propose l’article commencerait en 2024, alors que nous savons tous pertinemment que ce texte ne sera pas appliqué si tôt, compte tenu de la navette parlementaire qu’il devra emprunter et du temps que nous voulons tous prendre pour le faire aboutir. Deuxièmement, quand on lit le tableau proposé, on a le sentiment que l’effort budgétaire envisagé serait reporté à 2031. Je trouve cela quelque peu indélicat.
Un élément de fond me pousse encore à défendre cet amendement de suppression. Je vous rappelle que nous avons adopté mercredi soir deux lois de programmation, respectivement proposées par Thibault Bazin et Jérôme Guedj. (« Trois ! » sur quelques bancs du groupe RE.) Trois ? Pardon, j’en ai oublié une !
Prévoir une loi de programmation constituait un exercice intéressant, mais ne nous contraignons pas d’ores et déjà par cet article. Laissons-nous plutôt le temps d’écrire cette future loi de programmation et supprimons donc cet article.
M. le président
La parole est à M. Didier Martin, rapporteur de la commission spéciale pour les articles 1er à 4 ter, pour donner l’avis de la commission.
M. Didier Martin, rapporteur de la commission spéciale
Gilles Le Gendre a présenté en commission spéciale l’amendement créant le présent article comme un amendement d’appel, et il vient de développer, dans son propos introductif, une argumentation suivant laquelle il s’agit d’une boussole, d’un symbole. On commence à prendre l’habitude, ici, de multiplier les propositions de loi de programmation. Et je crois que nous n’en avons pas fini : s’agissant en particulier des politiques publiques de prévention, on aura tout loisir de programmer, programmer et surprogrammer !
M. Jérôme Guedj
Chiche !
M. Didier Martin, rapporteur
On vous suivra, monsieur Guedj, vous et votre programme performant ! (Sourires.)
La commission spéciale a adopté l’amendement de M. Le Gendre, d’où l’ajout du présent article au projet. Pour ma part, j’y étais défavorable. Il se trouve que vous avez très honnêtement souligné que l’article 40 de la Constitution n’avait pas été appliqué à cet amendement, ce qui veut bien dire qu’il n’est pas applicable en l’état, sans quoi il aurait été déclaré irrecevable.
Mme la ministre a rappelé des éléments quantitatifs et relatifs à la diffusion d’une culture palliative. À titre personnel, je reste défavorable à cet article et favorable à l’amendement de suppression.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Pour toutes les raisons que j’ai indiquées précédemment, il est favorable.
M. le président
Je m’en tiendrai pour l’instant à un orateur en faveur de l’amendement et à un orateur contre.
La parole est à M. Gilles Le Gendre.
M. Gilles Le Gendre
Je remercie d’abord les collègues qui ont exprimé leur soutien et leur accord avec cet article. Je formulerai un dernier argument. Les acteurs des soins palliatifs sont divisés au sujet de cette loi.
M. Pierre Dharréville
C’est le moins que l’on puisse dire !
M. Gilles Le Gendre
Mais ils sont nombreux à émettre d’importants doutes concernant la stratégie décennale et les ambitions qu’elle tend à réaliser. Je m’empresse de dire que je ne partage pas ces doutes et crois à la sincérité des engagements pris par le Gouvernement.
Nous aurions pu rejeter la création de cet article en commission. Mais le supprimer aujourd’hui, ce serait envoyer au monde des soins palliatifs un signal terrible ! (Mme Sandrine Rousseau applaudit.)
M. Pierre Dharréville
Très juste !
M. Gilles Le Gendre
Ce serait lui dire que nous ne sommes pas capables de nous engager en faveur de la trajectoire définie !
Je vous en conjure donc, mes chers collègues : laissons le débat se poursuivre. Il faut certainement apporter à cet article des aménagements, mais ne le supprimons pas : nous enverrions un message épouvantable au monde des soins palliatifs. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et LR. – M. Joël Giraud applaudit également.)
M. Hadrien Clouet
C’est vrai !
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre
On peut dire tout et son contraire ; je peux donc aussi affirmer que le maintien de cet article montre que l’on ne se fie pas vraiment à tout le travail accompli en vue d’augmenter les budgets.
M. le président
La parole est à Mme Stéphanie Rist.
Mme Stéphanie Rist
Je m’inscris en faux contre l’avis de la plupart d’entre vous, car je suis profondément opposée aux lois de programmation relatives au financement du système social.
M. Patrick Hetzel
Vous n’êtes pas d’accord entre vous au sein du groupe Renaissance : ça se complique !
Mme Stéphanie Rist
Je suis favorable à la pluriannualité, favorable aux stratégies décennales, parce qu’elles engagent un gouvernement et tracent une vision. Mais inscrire des prévisions à l’euro près dans une loi de programmation touchant à la santé est source d’une grande rigidité. Sans souplesse, comment aurions-nous fait face au covid ? Comment ferions-nous pour nous adapter, chaque année, aux situations épidémiques ou à l’évolution de la démographie ?
M. Jérôme Guedj
La politique peut le faire !
Mme Stéphanie Rist
Oui à la pluriannualité, oui aux stratégies décennales, mais non à l’inscription dans ce texte, à l’euro près, des dépenses que nous consacrerons dans dix ans aux soins palliatifs. On peut se faire plaisir, mais ces prévisions ne seront pas respectées.
Comme l’a indiqué Mme la ministre, le PLFSS fait l’objet chaque année d’une concertation avec les partenaires sociaux. De telles lois de programmation, de tels tableaux inscrits dans la loi, lui ôtent son sens. Je suis donc favorable à cet amendement de suppression.
(L’amendement no 673 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 1257.
Mme Emmanuelle Ménard
Il s’agit d’un amendement d’appel, qui répond à une crainte maintes fois énoncée par les professionnels des soins palliatifs. Il vise à obliger le Gouvernement à faire face à ses responsabilités en matière de développement des soins palliatifs. Parler d’une stratégie décennale, alors même que le quinquennat de M. Macron s’achève dans trois ans,…
M. Hadrien Clouet
Voire avant !
Mme Emmanuelle Ménard
…est perçu par certains comme une façon habile de ne pas avoir à assumer les résultats que ladite stratégie ne devrait produire qu’en 2034 – c’est d’ailleurs pour cette raison qu’il était important de voter une loi de programmation.
Je propose par cet amendement de préférer, à une stratégie décennale, une stratégie triennale. Une telle stratégie permettrait de surcroît de se saisir plus rapidement de l’immense travail qui reste à accomplir pour rendre les soins palliatifs accessibles à tous, sur tout le territoire.
Par ailleurs, je ferai remarquer que le budget alloué ne s’élève qu’à 1 milliard d’euros, soit 1,50 euro par Français et par an, sur dix ans.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Non : ce sont des crédits supplémentaires !
Mme Emmanuelle Ménard
Nous pouvons tous nous accorder sur le fait que la santé des personnes en fin de vie mérite un peu plus que le prix d’une baguette de pain parisienne.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Oh !
Mme Emmanuelle Ménard
Dès lors, il serait préférable de prévoir que les crédits de paiement envisagés se répartissent sur trois ans et non sur dix ans.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Martin, rapporteur
Il est défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Il est également défavorable. Clarifions les choses : il s’agit de crédits supplémentaires. Le sujet n’est donc pas la baguette de pain.
M. Didier Martin, rapporteur
C’est plutôt le pain sur planche !
M. le président
La parole est à Mme Geneviève Darrieussecq.
Mme Geneviève Darrieussecq
Nous voterons contre cet amendement car il est totalement inapplicable. Nous en avons parlé avant-hier : trois ans ne suffiraient pas pour publier un appel à projets puis pour répondre aux candidatures.
L’inscription de la stratégie décennale dans cet article a pour but de nous rassurer – et peut-être, avec nous, les acteurs du monde des soins palliatifs – quant à notre volonté de prendre les mesures prévues.
Mais il faut aussi faire preuve d’un peu de confiance ! Certaines stratégies se déploient jusqu’au bout. La stratégie nationale pour l’autisme a été exécutée à l’euro près ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)
En revanche, si les lois de programmation engageant le budget général de la nation ont été intégralement appliquées par cette majorité – c’est le cas par exemple des lois de programmation militaire –, il me semble que, par le passé, de telles lois, bien qu’elles aient été votées, n’ont pas été appliquées.
Ne nous perdons pas en débats inutiles et inscrivons dans la loi cette stratégie décennale pour rassurer les acteurs des soins palliatifs. Je suis défavorable à l’amendement de Mme Ménard.
M. Philippe Vigier
Très bien !
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
Cet amendement de notre collègue Emmanuelle Ménard est intéressant, car une période de trois ans pourrait constituer l’horizon d’application de ce texte, et il est important que nous sachions quand nous donner rendez-vous. Il n’existe d’ailleurs aucune loi de programmation décennale : la plupart sont quinquennales. La question de la temporalité se pose donc.
Vous évoquez, madame Darrieussecq, une stratégie qui a été exécutée, mais certaines ne l’ont pas été, et nous en avons bien des exemples ! En matière de soins palliatifs, ce sont déjà trois plans qui n’ont pas été suivis ! C’est tout le problème des soins palliatifs : dans l’inconscient des décideurs, par opposition aux soins curatifs, ils demeurent optionnels.
Vous cherchez à nous rassurer, madame la ministre, en nous indiquant que les crédits prévus sont des crédits supplémentaires. Vous avez également rappelé que nous disposions de 166 unités de soins palliatifs, comprenant dix à quinze lits. Mais, dans certaines de ces unités, des lits sont gelés, parfois en grand nombre !
Mme Catherine Vautrin, ministre
Oui, faute de personnel !
M. Thibault Bazin
Nous avons fait le choix, contraints parfois par les nécessités propres à l’allocation des moyens, de ne pas consacrer de ressources humaines à ces UPS. Au sein de ces dernières, combien de lits sont-ils gelés ? Avez-vous prévu les crédits nécessaires à l’ouverture de ces lits ? En prévoir pour des unités qui n’existent pas et sans en prévoir pour celles qui existent déjà et qui en manquent suscite de vraies questions.
(L’amendement no 1257 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l’amendement no 2916.
M. Pierre Dharréville
Notre collègue Gilles Le Gendre a raison de dire que la stratégie décennale qui est proposée suscite des appréciations diverses – et c’est un euphémisme – parmi les premiers concernés, et qu’il y a véritablement besoin de préciser les choses. C’est ce qu’il essaye de faire et je souscris à cet objectif, mais il faudrait aller au-delà de la feuille de route initiale.
Il s’agit en l’occurrence de préciser le champ d’application de la stratégie décennale, puisque l’effort financier annoncé par le Gouvernement est censé renforcer l’accès aux soins palliatifs alors que l’article, dans sa rédaction actuelle, concerne un périmètre beaucoup plus large, à savoir ce que vous nommez, monsieur Le Gendre, les « soins d’accompagnement ».
Comment dès lors faire la part des choses ? Quelle va être la réelle augmentation des crédits en faveur des soins palliatifs ? Dans la mesure où ces derniers ont besoin d’un plan de rattrapage massif – je ne rappellerai pas tout ce qui a été dit à ce sujet, sinon que l’augmentation des besoins estimés pourrait atteindre 23 % d’ici 2046 –, notre amendement vise à rendre la rédaction de l’article 1er ter conforme aux annonces gouvernementales, en réduisant strictement son champ d’application aux seuls soins palliatifs, pour que cette stratégie soit véritablement destinée à augmenter les crédits qui leur seront alloués.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Martin, rapporteur
Je comprends bien votre proposition astucieuse pour gonfler l’enveloppe puisque vous voulez que ce qui est annoncé soit consacré uniquement aux soins palliatifs, quitte à prévoir encore davantage de crédits pour les autres soins d’accompagnement mentionnés dans la stratégie décennale. Ce sera un avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Défavorable.
M. le président
La parole est à Mme Sandrine Rousseau.
Mme Sandrine Rousseau
Faut-il faire confiance au Gouvernement s’agissant des crédits ? Je rappelle que nous sommes actuellement dans une séquence de réduction des crédits – des crédits qui ont été discutés dans cet hémicycle et adoptés par un 49.3 – qui ne passe pas par le Parlement, ce qui n’est guère rassurant quant au respect des engagements que prend le Gouvernement.
C’est pourquoi cette loi de programmation est importante, et il est nécessaire qu’elle figure dans ce texte pour les raisons que M. Le Gendre a explicitées : il faut en effet rassurer les personnels et les patients concernés par les soins palliatifs. Par ailleurs, le détail du calendrier et de la répartition des crédits est indispensable au Parlement, pour qu’il puisse évaluer le véritable déploiement de ces soins, partout sur le territoire, ainsi que va le commander la loi.
M. le président
La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier
Je comprends bien le sens de l’amendement de notre collègue Dharréville, mais il m’accordera que cet article est le fruit du travail du Parlement.
M. Pierre Dharréville
Le Parlement n’a pas terminé son travail !
M. Philippe Vigier
Le texte initial mentionnait les soins d’accompagnement, et on y a ajouté les soins palliatifs… Et maintenant, il veut supprimer les mots « des soins d’accompagnement ». Pour ma part, je respecte le travail du Parlement.
M. Pierre Dharréville
Moi aussi !
M. Philippe Vigier
Il me semble d’ailleurs qu’hier soir, un texte présenté par votre groupe, mon cher collègue, et qui a été voté, accordait une place importante aux soins d’accompagnement, en supprimant le reste à charge pour les femmes atteintes d’un cancer du sein. Je vous trouve en contradiction…
M. Pierre Dharréville
Ce n’est pas très honnête, monsieur Vigier !
M. Philippe Vigier
…avec ce qui a été décidé à l’initiative de votre groupe, il y a quelques heures, dans ce même hémicycle, d’autant qu’il s’agit ici d’élargir la prise en charge en prévoyant que la loi s’appliquera non seulement aux soins palliatifs mais aussi aux soins d’accompagnement. Et il a bien été affirmé à plusieurs reprises que ces derniers incluaient les soins palliatifs. Arrêtons donc ce débat sémantique. On a tous ensemble pris acte du texte ici proposé, mais la loi se construit au fil du temps, il y aura une navette avec le Sénat, et le texte reviendra ici. Et puis, soyons de bonne foi et reconnaissons l’évolution des soins palliatifs dans notre pays depuis vingt ans et l’effort particulièrement important qui a été accompli.
Vous avez, cela étant, soulevé un point important sur lequel on se retrouve : l’important n’est pas d’afficher une somme ni même une stratégie – bien qu’elle engage –, mais d’être au rendez-vous financier, année après année, en fonction de l’évaluation des besoins. Savons-nous ce qu’ils seront en 2030 ou en 2032 ? Certainement pas. De même, Jérôme Guedj, qui connaît très bien les Ehpad, sait, comme moi, que les moyens mis sur la table aujourd’hui ne seront pas suffisants en 2036.
Il ne s’agit pas ici uniquement de prendre un engagement moral, mais de le tenir au fil du temps, en réactualisant les moyens alloués, en fonction des vrais besoins. Nous aurons alors accompli un travail concret et pas seulement de l’affichage.
Mme Geneviève Darrieussecq
Très bien !
(L’amendement no 2916 n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de trois amendements, nos 249, 1479 et 3291, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 249.
M. Patrick Hetzel
Son objectif n’est pas que sémantique puisque, si l’article 1er ter mentionne « l’accompagnement de la fin de vie », nous souhaitons qu’il n’y ait pas la moindre ambiguïté et que le périmètre des crédits proposés pour mener à bien cette stratégie décennale – que nombre d’entre nous auraient préféré triennale – soit bien précisé. Est-ce que, dans les sommes indiquées, figure également le financement de la mort administrée ? Si c’est le cas, pourrions-nous avoir des précisions sur ce que cela représenterait, puisque les moyens qui lui seraient alloués seraient évidemment à défalquer de ceux alloués aux soins palliatifs ?
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 1479.
M. Thibault Bazin
Cet amendement de notre collègue Marc Le Fur revient sur une question sémantique. Les articles du titre Ier mentionnent les soins d’accompagnement, lesquels engloberaient, selon le Gouvernement et M. le rapporteur, les soins palliatifs. Une question se pose dès lors au sujet du pilotage de nos politiques publiques en la matière : n’y a-t-il pas un risque, en changeant de thermomètre, d’oublier, dans le suivi du déploiement des soins d’accompagnement, l’évaluation des soins palliatifs en tant que tels, sachant que les premiers ne recoupent pas nécessairement les seconds ?
Je trouve à cet égard très intéressant que cet article issu de l’amendement de Gilles Le Gendre renvoie au financement de structures qui dispensent des soins palliatifs. Vous avez annoncé, madame la ministre, la création de maisons d’accompagnement, mais seront-elles financées par des crédits s’ajoutant à ceux alloués à la stratégie décennale ?
M. Philippe Vigier
C’est évident !
M. Thibault Bazin
Mais c’est une vraie question éthique, monsieur Vigier, puisque nous disposons de moyens limités sur le plan humain comme financier et qu’il faut donc faire des choix pour mieux les concentrer. A-t-on l’assurance que le thermomètre va rester le même pour nous permettre de suivre le déploiement des soins palliatifs ?
M. le président
La parole est à Mme Geneviève Darrieussecq, pour soutenir l’amendement no 3291.
Mme Geneviève Darrieussecq
J’essaye non seulement d’être concrète et factuelle mais cohérente, comme il faut l’être dans l’écriture de la loi. Et il s’agit vraiment d’un amendement de cohérence, puisqu’il vise à insérer à l’alinéa 1er les mots « soins palliatifs et d’accompagnement », comme nous le faisons depuis le début de l’examen de ce texte, afin que la loi soit lisible par tous.
M. Philippe Vigier
Excellent amendement !
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Martin, rapporteur
Nous avons passé beaucoup de temps, dans les jours précédents, à essayer de nous mettre d’accord, sans toutefois y parvenir, sur une définition précise des frontières qui traversent ou séparent les différents types de soins abordés dans le titre Ier. Je crois qu’il ne faut pas reprendre cette discussion, et j’émets un avis défavorable sur l’ensemble des amendements en discussion commune.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Permettez-moi de revenir sur deux points.
Premièrement, l’activité des lits ouverts en unités de soins palliatifs sera évidemment financée, et les mesures de la stratégie décennale relatives à la formation des professionnels de santé ont pour objectif de rendre ces ouvertures réalisables, sachant que nous avons besoin d’avoir plus de personnels aptes à s’engager dans ce secteur.
Deuxièmement, le titre Ier, que nous sommes en train d’examiner, est pour le Gouvernement l’occasion de réaffirmer tout l’intérêt qu’il porte aux soins palliatifs : tous les financements prévus dans les articles qui le composent sont strictement destinés aux soins palliatifs, de même que l’article 1er ter que vous avez introduit, mesdames et messieurs les députés, ne concerne que les soins palliatifs.
Cela étant, je suis défavorable à l’ensemble de ces amendements.
M. le président
La parole est à Mme Astrid Panosyan-Bouvet.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet
Je soutiendrai l’amendement de Mme Darrieussecq…
M. Patrick Hetzel
Très bien !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet
…d’autant plus que l’amendement suivant, présenté comme rédactionnel par notre estimé rapporteur, propose tout de même de supprimer les mots « pour le renforcement des soins palliatifs, de la prise en charge de la douleur et de l’accompagnement de la fin de vie ». Il me semble donc que la référence aux soins palliatifs est ici importante pour mieux définir ce que nous souhaitons en termes de stratégie budgétaire.
M. le président
La parole est à M. René Pilato.
M. René Pilato
Nous sommes défavorables aux amendements défendus par MM. Hetzel et Bazin, dans la mesure où nous avons adopté hier le principe d’un droit opposable aux soins palliatifs. Il est inutile de nous faire du cinéma à ce sujet, tout au long des articles à venir : ce droit est dorénavant garanti. En revanche, nous voterons pour l’amendement Darrieussecq, et j’espère, monsieur le président, que vous ne m’en voudrez pas de cet avis favorable, bien que vous m’ayez donné la parole pour contrer les amendements. Disons que c’est deux contre un…
M. le président
Vous êtes malin, monsieur Pilato, je l’ai bien compris. (Sourires.)
(Les amendements nos 249 et 1479, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
(L’amendement no 3291 est adopté.)
M. le président
La parole est à M. Didier Martin, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 2893.
M. Didier Martin, rapporteur
C’est uniquement une simplification rédactionnelle, qui ne remet aucunement en cause les éléments ainsi supprimés puisque ceux-ci sont clairement inclus dans cet article et qu’ils font d’ailleurs l’objet d’autres mentions dans le projet de loi.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Favorable.
M. le président
La parole est à M. Patrick Hetzel.
M. Patrick Hetzel
Ce n’est pas un amendement rédactionnel, monsieur le rapporteur ! Je suis même assez choqué que vous le prétendiez. Supprimer les termes « renforcement des soins palliatifs », « prise en charge de la douleur » et, pour clore le tout, « accompagnement de la fin de vie », n’a rien d’une modification rédactionnelle ; c’est extrêmement grave !
Mme Catherine Vautrin, ministre
Mais il ne s’agit pas des crédits !
M. Patrick Hetzel
Sur de tels sujets, il faut tout de même, à un moment donné, en revenir à un minimum de raison ! Je trouve surprenant que, d’un côté, on nous dise qu’il s’agit de donner des garanties aux professionnels en soins palliatifs et que, de l’autre, des coups de canif viennent chaque fois démontrer l’inverse. Faites preuve d’un minimum de mesure si vous voulez rassurer les professionnels !
Mme Catherine Vautrin, ministre
Vous êtes caricatural !
M. Patrick Hetzel
Avec ce type d’amendement, à 180 degrés de ce que vous dites par ailleurs, c’est exactement l’inverse, et votre crédibilité, comme celle de la ministre, qui a émis un avis favorable, est sérieusement remise en cause. Il y a là deux poids, deux mesures. C’est inacceptable ! (Mme Emmanuelle Ménard applaudit.)
M. le président
La parole est à Mme Geneviève Darrieussecq.
Mme Geneviève Darrieussecq
Il n’est pas facile, monsieur Hetzel, d’écrire une phrase, quand elle a été découpée en petits morceaux au fur et à mesure des amendements qui s’enchaînent. Mon amendement, qui vient d’être adopté, rédige ainsi le début premier alinéa : « Les crédits de paiement supplémentaires de la stratégie décennale des soins palliatifs et d’accompagnement… » Si nous ne votons pas l’amendement du rapporteur, il se poursuivra ainsi : « …pour le renforcement des soins palliatifs, de la prise en charge de la douleur et de l’accompagnement de la fin de vie… », soit un méli-mélo qui n’a plus de sens.
M. Didier Martin, rapporteur
Exactement !
Mme Geneviève Darrieussecq
Je pense donc que l’amendement du rapporteur est cohérent avec celui que nous venons d’adopter.
M. le président
La parole est à M. Didier Martin, rapporteur.
M. Didier Martin, rapporteur
Je remercie Mme Darrieussecq pour son intervention. M. Hetzel cherche à faire croire que nous gommerions ce que nous avons choisi comme sous-titre pour la stratégie nationale, qu’en fin lecteur des textes, il a certainement étudiée avec beaucoup de précision. C’est faux. Je maintiens que mon amendement est bel et bien de nature rédactionnelle et que tout est écrit ailleurs.
(L’amendement no 2893 est adopté.)
M. le président
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l’amendement no 2979.
M. Pierre Dharréville
L’article 1er ter prévoit pour dix ans les crédits de paiement destinés à financer les soins d’accompagnement. Ce tableau de crédits a l’avantage d’inscrire dans la loi une trajectoire financière mais il a l’inconvénient, ainsi que Mme la ministre l’a souligné tout à l’heure, de la présenter comme figée.
Or le financement des soins d’accompagnement – et particulièrement des soins palliatifs – nécessite un rattrapage colossal. De surcroît, les besoins vont augmenter dans les années à venir en raison du vieillissement de la population et de l’augmentation des maladies chroniques.
Je signale au passage que le débat que nous avons eu, au moment de l’examen de l’article 1er, sur la distinction, ou l’indistinction, entre soins palliatifs et soins d’accompagnement se retrouve concrètement posé dans l’article dont nous discutons. Il s’agit en effet de savoir ce qui va effectivement servir à financer l’augmentation des coûts de soins palliatifs. Je referme cette parenthèse.
Dans le contexte que j’ai décrit, la trajectoire annoncée risque fort de devoir être révisée. L’article 1er bis du projet de loi prévoit d’ailleurs une révision de la stratégie décennale au bout de cinq ans. Cette évaluation devra notamment s’assurer que l’accès aux soins d’accompagnement est équitable sur l’ensemble du territoire et effectif pour tous les malades, ainsi que le prévoit l’article 1er.
C’est donc en cohérence avec les articles 1er et 1er bis que notre amendement propose d’ajouter dans l’article 1er ter que les crédits présentés puissent évoluer pour être conformes aux principes de mise en œuvre des soins d’accompagnement. Cela n’enlève rien à la force indicative de l’article introduit dans le texte par le biais de l’amendement de notre collègue Gilles Le Gendre.
À l’intention de M. Vigier, je souligne que le travail parlementaire continue et que nous sommes donc encore autorisés à proposer des amendements, comme je suis en train de le faire.
M. Philippe Juvin
Très bien !
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Martin, rapporteur
Je salue le travail parlementaire, le vôtre, monsieur le député…
M. Pierre Dharréville
Merci !
M. Didier Martin, rapporteur
…comme celui que nous accomplissons collectivement. Vous expliquez vous-même que vous rajoutez ce qui figure déjà à l’article 1er. Votre amendement est donc satisfait, d’où un avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Défavorable.
M. le président
La parole est à M. Hadrien Clouet.
M. Hadrien Clouet
Je soutiens cet amendement qui vient compléter ce que nous avons voté au début de la discussion de ce texte, en précisant que la trajectoire minimale que nous avons adoptée peut être révisée en fonction des besoins.
Notre collègue Philippe Vigier assure qu’on ne peut pas prévoir ce que seront les besoins en 2032. Il devrait le dire à la Cour des comptes, dont le dernier rapport sur les soins palliatifs, celui de juillet 2023, estime qu’en 2032 les besoins en la matière auront augmenté d’au moins 10 %. Nous avons donc des trajectoires indicatives sur une durée non négligeable. Car une des choses facilement prévisibles d’une année à l’autre est l’âge des gens : on sait que, dans un an, ils auront un an de plus, deux dans deux ans, et ainsi de suite – je pense que vous avez compris la logique.
Cet amendement est un point d’appui pour aller plus loin et faire mieux sur le plan budgétaire. Il permettra des aménagements plus favorables.
Selon Mme la ministre, les amendements de ce type montrent que nous manquerions de confiance vis-à-vis du Gouvernement. Évidemment que nous manquons de confiance envers le Gouvernement ! Nous n’avons pas confiance parce que nous savons qu’une fois sur deux vous baissez les budgets par rapport à vos engagements, qu’une fois sur deux, vous oubliez vos engagements et que, toujours une fois sur deux – car le cumul n’est pas exclu –, vous prenez en douce des décrets d’annulation pour revenir sur ce qui a été voté. Pour toutes ces raisons, il faut adopter cet amendement. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES.)
M. le président
La parole est à Mme Cécile Rilhac.
Mme Cécile Rilhac
M. Clouet a été bien bavard pour défendre cet amendement qui, s’il était adopté, rendrait également la loi bavarde. L’article 1er ter se suffit largement à lui-même, tel qu’il a été rédigé par notre collègue Gilles Le Gendre. Geneviève Darrieussecq a bien expliqué qu’à force de rajouts la loi va devenir illisible et inapplicable. Ce n’est pas ce que nous voulons et c’est pourquoi je voterai contre cet amendement.
(L’amendement no 2979 est adopté.)
M. le président
La parole est à M. Philippe Juvin, pour soutenir l’amendement no 1162.
M. Philippe Juvin
Il s’agit d’un amendement d’appel qui me permet de renouveler la question posée tout à l’heure par notre collègue Hetzel à Mme Vautrin. La ministre a garanti que la somme dont nous parlons serait réservée au financement des soins palliatifs. M. Hetzel a demandé si les inévitables frais liés à la mise en œuvre de la mort assistée seraient ou non inclus dans cette enveloppe.
Au Canada, les 6 400 décès attribuables au suicide assisté ont coûté 22 millions de dollars. Nous voudrions, d’une part, savoir si une estimation du coût annuel du suicide assisté a été faite en France et, si oui, en connaître le montant pour les dépenses publiques. D’autre part, cette somme est-elle incluse dans le plan de financement ou s’agira-t-il d’une autre enveloppe ?
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Martin, rapporteur
Avis défavorable sur l’amendement qui visait à ramener à une durée de six ans la stratégie décennale. Nous avons déjà eu cette discussion.
M. Philippe Juvin
Et la réponse à la question ?
M. le président
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention, pour donner l’avis du Gouvernement.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention
Je m’attendais, monsieur le député, à ce que vous présentiez votre amendement mais vous posez une tout autre question à propos de laquelle on me glisse à l’oreille qu’une réponse précise a déjà été apportée. Je ne vais que répéter ce que vous aurait dit la ministre.
M. Thibault Bazin
Allez-y !
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
L’étanchéité des financements est complète. Nous en sommes au titre Ier, où l’on parle de la stratégie décennale pour les soins palliatifs et non d’autre chose. Le reste relève d’un autre sujet. (Agitation sur les bancs du groupe LR.) Sur l’amendement, qui n’a pas été présenté, je donne un avis défavorable.
M. Pierre Dharréville
Soins palliatifs ou accompagnement ? Ça n’a pas l’air clair !
M. le président
La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier
J’ai bien lu l’amendement, qui demande que ce qui était prévu sur dix ans soit ramené à six ans. Monsieur le ministre, avez-vous une évaluation précise des besoins nécessaires ? Sur ce point, j’ai écouté Pierre Dharréville, qui m’a convaincu. Je vis de bonne soupe et non de beau langage, comme écrivait Molière. Ne jetons donc pas des mots en pâture. Face à la stratégie décennale proposée, je préférerais qu’on fasse preuve d’un peu d’humilité car, aujourd’hui, seuls la moitié des Français qui en auraient besoin bénéficient de soins palliatifs. Qu’est-ce qui n’a pas été fait depuis 1999 pour qu’on en soit là ? Cette question me semble nécessiter un peu de réflexion. Entre 2012 et 2017, tout n’a pas été parfait – ce n’est pas Dominique Potier qui dira le contraire.
Maintenant qu’un effort est fourni, comment se projette-t-on ? Les chiffres ont la tête dure mais ils sont là, dans cet hémicycle où, en vingt ans de présence, je n’ai jamais vu qu’on consacre autant de temps aux soins palliatifs. C’est très bien qu’on le fasse enfin.
M. Philippe Juvin
Je ne sais toujours pas combien ça coûte !
M. Philippe Vigier
Plutôt qu’avoir un débat sémantique où tout le monde s’envoie tout à la figure, je préférerais qu’au moment de l’examen du PLFSS, on se demande, année après année, quels sont les besoins et combien on met sur la table. Il est tellement facile de ne pas parler de chiffres précis. Au moins a-t-on des chiffres indicatifs. Ainsi que je l’ai dit à Pierre Dharréville, avec beaucoup d’honnêteté intellectuelle, je sais que, dans trois ou quatre ans, le compte n’y sera pas, comme c’est le cas pour les Ehpad.
Je vous invite à écouter le formidable éditorial diffusé par une grande radio ce matin sur le besoin de places en Ehpad en France d’ici à dix ans. Il pourrait nourrir les réflexions des uns et des autres.
M. Philippe Juvin
Je préférerais que le débat se passe ici plutôt qu’à la radio !
M. Philippe Vigier
Monsieur Juvin, lorsque vos amis étaient au pouvoir, ils n’ont pas mis cela en place. J’en ai été le témoin, alors que vous n’étiez pas là.
M. Philippe Juvin
Vous étiez au pouvoir avec nous !
M. le président
La parole est à M. Christophe Bentz.
M. Christophe Bentz
Je prends la parole au moment où, monsieur Valletoux, vous prenez, pour quelques heures peut-être, la place de Mme Vautrin au banc des ministres. Je le fais délibérément parce que je connais votre préférence, exprimée publiquement, pour la solution qui aurait consisté à avoir deux textes distincts, l’un consacré au plan décennal sur les soins d’accompagnement, l’autre à l’aide à mourir.
La question de notre collègue Juvin est très intéressante. Il nous faut une réponse. Vous devez une réponse à la représentation nationale. Vous ne pouvez pas nous dire qu’il y a une étanchéité – je reprends le mot que vous avez utilisé à l’instant – entre le financement du titre Ier et celui du titre II. Pas vous.
Avec la position singulière qui est la vôtre, dire cela est paradoxal. Vous savez que les deux titres sont interdépendants. Même si vous ne l’avouerez pas, le titre Ier est un faire-valoir du titre II. Nous le répétons depuis le début de nos travaux. Pas pour faire de l’obstruction…
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie
Un peu quand même…
M. Christophe Bentz
…ou pour faire perdre du temps mais parce que c’est la vérité. Au fond de vous-même, vous le savez. Je vous prie une dernière fois de bien vouloir répondre à la question précise et importante de notre collègue Juvin.
(L’amendement no 1162 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l’amendement no 2917.
M. Pierre Dharréville
La hausse des financements à accorder aux soins palliatifs doit répondre, d’une part, au retard à combler, puisque plus d’un patient sur deux n’y a pas accès aujourd’hui, et, d’autre part, aux nouveaux besoins issus du vieillissement de la population et de l’augmentation des maladies chroniques.
Dans son rapport de juillet 2023, la Cour des comptes a estimé que « bien que la dépense publique de soins palliatifs ait augmenté depuis 2017, l’offre demeure largement insuffisante pour couvrir les besoins puisque seulement 48 % d’entre eux sont pourvus ». Selon ses chiffres, la dépense publique a crû de près de 6,25 % par an. La stratégie décennale prévoit une hausse annuelle de 6,6 %. L’effort annoncé par le Gouvernement revient donc en réalité à demeurer quasiment à budget constant sur les dix prochaines années. Dans ce contexte, il nous semble utile de corriger ces crédits en prévoyant au minimum leur doublement. C’est le sens de cet amendement.
M. Thibault Bazin
Excellent !
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Martin, rapporteur
Cela n’étonnera personne que la proposition du groupe de M. Dharréville soit mieux-disante en termes de dépenses. Je rappelle à tous que, dans cet article 1er ter, nous parlons d’une sorte de tableau d’amortissement, de prévision, dont le titre est « Crédits de paiement et plafonds des taxes allouées aux mesures nouvelles prévues par la stratégie décennale ». Cette stratégie décennale, document officiel qui a été publié et auquel vous pouvez tous vous référer, porte sur les soins d’accompagnement et non sur l’aide à mourir, qui n’est pas un soin. (« Ah ! Ah ! Ça progresse ! », sur les bancs du groupe LR.) Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
Je ferai écho au rapporteur. Vous souhaitez doubler ce qui a été annoncé dans la stratégie décennale. Celle-ci a le mérite d’être très claire dans ses prévisions budgétaires comme dans ses prévisions d’accompagnement de la population.
Je rappelle que les soins palliatifs représentent une dépense de 1,6 milliard d’euros et que la cible à dix ans est de 2,7 milliards. Ces chiffres ont déjà été cités, ils sont issus des travaux du rapport Chauvin, qui explique en outre que la montée en puissance des soins palliatifs accompagnera les évolutions démographiques. Les mesures annoncées ont été évaluées au vu des besoins projetés, à savoir une augmentation de 66 % de la dépense actuelle pour une augmentation de 16 % des besoins sur la même période.
Avis défavorable.
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
Cet article, que nous avons introduit à l’initiative de notre collègue Gilles Le Gendre, pose la question des moyens nécessaires pour atteindre les objectifs fixés. Ces objectifs, je crois que tout le monde ici les partage ; le problème est de savoir si l’on dispose de moyens en regard.
Il faut que nous soyons clairs tant sur les objectifs que sur les moyens. Or on voit bien qu’on a des difficultés pour chiffrer tout cela. Combien ça coûte ? Il a été dit que les soins d’accompagnement pouvaient comprendre des soins palliatifs. Vous avez annoncé des crédits pour les soins palliatifs dans le cadre de la stratégie décennale. Vous avez précisé qu’il y avait une étanchéité avec le financement des maisons d’accompagnement, qui pourraient administrer des produits létaux mais aussi faire des soins palliatifs. Pourrions-nous donc savoir quels crédits seront affectés, hors stratégie décennale, aux soins palliatifs dans les maisons d’accompagnement, de sorte que nous puissions vérifier – c’est le rôle du Parlement – que les moyens correspondent bien aux objectifs ?
Tout à l’heure, notre collègue Philippe Vigier anticipait sur la discussion à venir du PLFSS – probablement répétait-il son futur rôle. (Sourires.) Or, lors de la discussion du précédent PLFSS, j’avais déposé des amendements visant à augmenter les crédits destinés aux soins palliatifs et à modifier, conformément aux préconisations, leur mode de financement ; aucun n’a été repris par le Gouvernement. Permettez-nous donc, au vu d’une certaine continuité dans sa composition, d’émettre quelques doutes concernant la volonté véritable du Gouvernement.
Monsieur Valletoux, vous étiez, avant votre entrée au Gouvernement, très engagé, comme plusieurs d’entre nous, sur la question des soins palliatifs. Pouvez-vous nous préciser ce qu’il en est du coût des maisons d’accompagnement, des crédits qui leur seront affectés, de la part dédiée à l’administration de produits létaux et de l’étanchéité de leur financement par rapport à la stratégie décennale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe RN.)
M. Patrick Hetzel
Très bien !
M. Philippe Juvin
Oui, il faut que nous sachions combien ça coûte !
M. le président
La parole est à Mme Danielle Simonnet.
Mme Danielle Simonnet
Nous soutiendrons cet amendement.
Analysons les chiffres. Entre 2017 et 2021, la dépense publique pour les soins palliatifs a augmenté de 6,5 % par an ; le plan décennal annoncé prévoit une augmentation, certes supérieure, mais de seulement 6,6 % par an. On passera donc de 6,5 % par an à 6,6 % par an… Or près de la moitié des personnes qui ont besoin de soins palliatifs n’y ont aujourd’hui pas accès. Il faudrait donc être plus ambitieux et augmenter dans une proportion bien plus importante les moyens investis dans les soins d’accompagnement et dans les soins palliatifs. L’amendement vise à corriger le tir en prévoyant le doublement au minimum des crédits. Adoptons-le !
Quant au débat sur le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, il serait bon, chers collègues, que vous mettiez un terme à votre surenchère libérale ! Chaque fois, vous proposez des exonérations de cotisations sociales, ce qui revient à appauvrir la sécurité sociale, alors qu’il faudrait au contraire améliorer son financement, au bénéfice de toutes et tous. Cela, c’est du concret ! Nous exigeons pour notre part des moyens.
Nous examinerons ultérieurement un amendement qui tend à prévoir l’adoption d’une loi de programmation pour les soins palliatifs. Il s’agit d’une disposition essentielle. Il convient qu’en matière de soins palliatifs et de soins d’accompagnement, la politique de l’État soit à la hauteur. Consacrons-y toute notre énergie !
M. le président
Chers collègues, j’ai bien noté vos demandes de parole mais je m’en tiendrai à un pour et un contre afin que nous puissions avancer.
Je mets donc l’amendement aux voix.
M. Marc Le Fur
Nous n’avons toujours pas eu de réponses à nos questions, monsieur le président !
(L’amendement no 2917 est adopté.)
M. le président
L’amendement no 2861 de M. Didier Martin, rapporteur, est rédactionnel.
(L’amendement no 2861, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président
La parole est à M. Laurent Panifous, pour soutenir l’amendement no 1447, qui fait l’objet du sous-amendement no 3460.
M. Laurent Panifous
L’article 1er ter inscrit des crédits supplémentaires pour la stratégie décennale. Or deux objectifs importants n’y figurent pas : celui de créer une unité de soins palliatifs au moins dans chaque département et celui de créer une unité de soins palliatifs pédiatriques dans chaque région. Il importe de les ajouter. Tel est l’objet de l’amendement.
M. le président
La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour soutenir le sous-amendement no 3460.
Mme Christine Pires Beaune
Comme il s’agit de ma première prise de parole ce matin, je voudrais, avant de le présenter, dire ceci.
Claire Fourcade déplore que 400 Français meurent chaque jour sans avoir eu accès aux soins palliatifs ; mes collègues du RN et de LR évoquent le chiffre de 500 personnes. J’ai relu hier soir le rapport de la Cour des comptes qui avait été présenté à la commission des affaires sociales en juillet 2023. Il y est écrit que « la méthode d’estimation des besoins [en soins palliatifs] doit […] faire l’objet de précautions méthodologiques. […] Une estimation fondée sur les causes de décès ne répond que partiellement à l’enjeu d’anticipation des prises en charge. » Et, plus loin : « Aux difficultés d’évaluation des besoins de soins palliatifs s’ajoutent les lacunes dans les méthodes d’évaluation de l’offre effectivement disponible, en ville comme à l’hôpital. Depuis 2015, la mesure de l’écart entre les patients susceptibles de recevoir des soins palliatifs et les prises en charge effectives reste lacunaire. » Ce n’est pas moi qui le dis, c’est la Cour des comptes !
Concernant les soins palliatifs à domicile, l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) ne dit pas autre chose ; elle ne se prononce d’ailleurs pas sur le pourcentage de personnes qui en bénéficient réellement.
Il est donc urgent, monsieur le ministre, de mieux évaluer les besoins et les ressources en soins palliatifs. (M. Gilles Le Gendre applaudit.) Nous avons besoin d’indicateurs. Y travaillez-vous ?
Quant au sous-amendement, il vise à ajouter les maisons d’accompagnement dans le périmètre du très bon article adopté à l’initiative de mon collègue Le Gendre.
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement et l’amendement ?
M. Didier Martin, rapporteur
Vous avez parfaitement raison, madame Pires Beaune, de reprendre les termes du rapport de la Cour des comptes.
Nous avons eu l’occasion, en commission spéciale, de revenir sur la question des enfants et des soins palliatifs pédiatriques. Les unités dédiées sont actuellement peu nombreuses, voire absentes ; en tout cas, elles n’ont pas d’existence formelle. Nous en créerons. La question sera également traitée à travers le développement de la recherche et d’une organisation territoriale, à l’échelon du département et de la région. Avis favorable sur l’amendement.
Même avis sur le sous-amendement, qui souligne l’innovation que représentent les maisons d’accompagnement. Il s’agit d’une réponse intermédiaire entre les soins palliatifs qui nécessitent une hospitalisation et ceux qui n’en nécessitent pas – la Cour des comptes l’évoque dans son rapport. Les maisons d’accompagnement offriront une nouvelle solution aux personnes en fin de vie dont l’état ne permet pas de rester à domicile sans pour autant nécessiter une hospitalisation spécialisée.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
Avis favorable au sous-amendement et à l’amendement.
M. le président
La parole est à M. Dominique Potier.
M. Dominique Potier
Ce débat est très important, car il permet de clarifier les choses – ce que nous souhaitons tous ici, je crois. Nous pouvons avoir des conceptions philosophiques différentes, mais nous avons tous intérêt à chercher la clarté : cela permet d’élever le débat public.
Or les prises de parole successives soulèvent des questions intéressantes. Ainsi, à travers l’ajout des maisons d’accompagnement dans l’article, se pose de nouveau la question du périmètre de ce que nous appelons les soins palliatifs et d’accompagnement, puisque ces maisons sont des lieux où l’on pourra délivrer une aide à mourir, une euthanasie, un suicide assisté.
D’autre part, j’abonderai dans le sens de Christine Pires Beaune : les méthodes actuelles d’évaluation sont insuffisamment documentées. Cela doit nous conduire à dire, dans un souci d’honnêteté intellectuelle, que les déclarations de Claire Fourcade et de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (Sfap) qu’elle préside ne peuvent être ni infirmées ni confirmées. Le nombre de personnes concernées est peut-être supérieur ou inférieur, on n’en sait rien – et c’est bien là le problème.
J’appelle dès à présent votre attention sur l’article 13. Il y est inscrit que l’indicateur prendra la forme d’une déclaration enregistrée dans un système d’information. Or il existe des registres dont les données ne sont pas consolidées de façon électronique à l’échelon national et dont les informations ne sont pas probantes. Il sera donc nécessaire de préciser à l’article 13 que lorsque l’on aura recours à l’euthanasie ou au suicide assisté, les informations seront documentées, qualifiées et consolidées à l’échelle nationale, afin que l’on puisse disposer d’une évaluation précise du phénomène. Il en va de même pour les cas de sédation profonde, sur lesquels nous manquons de données.
Si nous voulons pouvoir évaluer demain les politiques publiques, nous avons besoin d’indicateurs, de données et de périmètres bien définis ; à défaut, nous serions dans le mensonge – dont le refus pourrait nous réunir aujourd’hui.
(Le sous-amendement no 3460 est adopté.)
(L’amendement no 1447, sous-amendé, est adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Marine Hamelet, pour soutenir l’amendement no 2294.
Mme Marine Hamelet
Il s’agit par cet amendement d’étendre le périmètre budgétaire de la stratégie décennale aux équipes mobiles de soins palliatifs. Je veux mettre l’accent sur celles-ci, parce qu’elles jouent un rôle très important, en particulier dans les départements dans lesquels il n’existe pas d’unité de soins palliatifs, comme le mien, le Tarn-et-Garonne. Elles seules peuvent se rendre au plus près des personnes qui en ont besoin.
Cela me permet aussi de souligner la fracture qui existe entre les départements ruraux et les départements urbains.
M. Patrick Hetzel
Très juste !
Mme Marine Hamelet
Dans un département comme le mien, seules les équipes mobiles peuvent faire ce travail. À Paris, on compte dix-sept lits de soins palliatifs pour 100 000 habitants ; dans le Tarn-et-Garonne, la proportion est de sept pour 260 000 !
Je vous laisse donc juger de l’importance de cette mission.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Martin, rapporteur
Vous avez raison de souligner l’importance de la prise en charge à domicile, qui sera assurée par divers moyens. La mobilisation en faveur du maintien à domicile correspond à la mesure 14 de la stratégie décennale, qui comprend la revalorisation des actes réalisés à domicile, la multiplication des interventions et l’intervention de psychologues – il s’agit d’une nouveauté.
Néanmoins, l’amendement est satisfait par l’alinéa 12 de l’article, qui cite les équipes mobiles de soins palliatifs. Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
L’amendement est en effet satisfait par l’alinéa 12. Vous avez raison d’insister sur ce point mais il est déjà dans le texte.
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
M. le président
La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier
Certes, l’amendement est satisfait, mais il était important d’évoquer le sujet et je veux apporter mon témoignage, car je viens d’un département où il n’y a que des équipes mobiles. On n’en parle jamais. Au moins, ce que viennent de dire le ministre et le rapporteur pourra être lu et entendu. Merci aux équipes mobiles pour le boulot formidable qu’elles font. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)
(L’amendement no 2294 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 1695.
M. Patrick Hetzel
Il vise à préciser le recours aux équipes mobiles de soins palliatifs, non pas à l’alinéa 8 mais à l’alinéa 9.
D’autre part, monsieur le ministre, pardon d’y revenir, mais nous sommes plusieurs à avoir interrogé Mme Vautrin, dont nous nous réjouissons que vous veniez de prendre la relève. Nous souhaitons disposer du chiffrage du financement de la mort administrée.
Il y a quelques instants, M. Martin disait que celle-ci ne faisait pas partie du dispositif prévu par l’article 1er ter, introduit en commission par un amendement de M. Le Gendre. Confirmez-vous que la mort administrée est bel et bien exclue du dispositif dont nous parlons ? En tout état de cause, quels scénarios financiers envisagez-vous ? La représentation nationale doit disposer de ces éléments pour légiférer de manière correcte.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Martin, rapporteur
J’émettrai un avis défavorable, pour les raisons que j’ai évoquées à propos de l’amendement précédent.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
L’amendement étant satisfait, j’en demande le retrait ; à défaut, avis défavorable.
Je ne comprends pas que vous persistiez à essayer de semer la confusion là où il n’y en a pas. Au sujet du financement de l’aide à mourir, je vous renvoie au titre II et aux articles qui viendront en discussion : les choses sont cloisonnées,…
M. Patrick Hetzel
Elles ne le sont pas !
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
…les choses sont cloisonnées. Parlons des soins d’accompagnement ; je réponds à vos questions les concernant. Si je suis encore là…
M. Thibault Bazin
J’espère que vous ne serez pas mort !
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
…lorsque nous examinerons l’article 18, je me ferai un plaisir de vous répondre. Il reviendra sans doute à ma collègue Catherine Vautrin de le faire, avec sa clarté habituelle. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES et LR.)
Je n’écoute pas les vociférations derrière moi ; je vous regarde, monsieur le député : c’est à vous que je parle.
M. Léo Walter
On ne vociférait pas, on plaisantait !
M. Hadrien Clouet
On vous soutient !
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
Les choses sont très claires. Pourquoi chercher sans cesse à semer la confusion ?
Mme Élise Leboucher
Nous étions d’accord avec vous !
M. le président
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel.
Mme Marie-Noëlle Battistel
Nous voterons contre l’amendement de M. Hetzel : l’explication du rapporteur et du ministre nous satisfait, l’alinéa 12 mentionnant déjà les équipes mobiles de soins palliatifs.
Comme le disait notre collègue, ces équipes sont extrêmement importantes dans les départements dépourvus d’USP. Mais elle le sont aussi dans les autres départements, qui n’ont en moyenne que dix lits de soins palliatifs – nombre très insuffisant pour satisfaire tous les besoins en la matière. Les équipes mobiles font un travail essentiel dans chacun des départements, même ceux qui sont dotés. Il est important de les soutenir. Nous voterons tout de même contre cet amendement, satisfait dans le texte. À force d’y ajouter ce qui s’y trouve déjà, nous finirions par le rendre incompréhensible.
M. le président
La parole est à M. Marc Le Fur.
M. Marc Le Fur
Je suis surpris que M. le ministre ne réponde pas à une question simple, successivement posée par nos collègues Hetzel, Juvin et Bazin – une question, somme toute, « grand public » : à combien évaluez-vous le coût de la mort administrée ? J’entends bien que vous ne disposez pas du nombre de personnes,…
Mme Michèle Peyron
Ça recommence !
Mme Agnès Firmin Le Bodo, présidente de la commission spéciale
Cela s’appelle de l’obstruction !