Séance du lundi 18 décembre 2023
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
1. Motion de censure
Discussion et vote
Mme la présidente
J’informe l’Assemblée que j’ai pris acte du dépôt, le 16 décembre 2023 à vingt heures vingt-neuf, d’une motion de censure déposée, en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, par Mme Mathilde Panot et soixante-dix-sept de ses collègues, la Première ministre ayant engagé la responsabilité du Gouvernement sur l’adoption en nouvelle lecture de la seconde partie et de l’ensemble du projet de loi de finances pour 2024. En conséquence, l’ordre du jour appelle la discussion et le vote sur cette motion de censure.
La parole est à M. François Piquemal.
M. François Piquemal
Vingt-deux, voilà Mme Borne, voilà le 49.3 ! Vingt-deux 49.3 passés en moins de deux ! Vingt-deux, voilà Mme Borne ! Elle embarque les débats mais ne malmène pas qu’eux : voilà la démocratie plaquée et l’austérité planquée. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)
Eh oui, madame Borne, votre bilan se résumera peut-être à ce chiffre : vingt-deux. Si vous vous ennuyez après le prochain remaniement, vous pourrez toujours organiser un match de foot avec vos 49.3 ; peu de premiers ministres de la Ve République ont eu cette possibilité. Toutefois, il faut vous reconnaître une chose : à défaut de démocratiser nos institutions, vous aurez démocratisé le 49.3. Désormais, tout le monde connaît cet article de la Constitution, en France et au-delà. (M. Maxime Laisney applaudit).
M. Pascal Lavergne
Il y en a qui ont démocratisé la motion de rejet !
M. François Piquemal
Vingt-deux 49.3 : vous êtes multirécidiviste, mais sans jamais avouer, car, à vous entendre, ni ces 49.3 ni vos déboires parlementaires ne sont de votre fait. Dernier exemple en date, la motion de rejet préalable adoptée sur le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration : c’est la faute de la NUPES et des Insoumis.
Mme Fanta Berete
C’est évident !
M. François Piquemal
Selon vous et vos relais politico-médiatiques, ces derniers, en faisant adopter une motion de rejet contre un texte xénophobe et raciste, risquent de le rendre plus dur qu’il n’était. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Un esprit simple comme le mien se pose la question suivante : le problème ne viendrait-il pas du texte lui-même – de ce qu’il contient, des principes et des idées qui le sous-tendent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
M. Pascal Lavergne
Ne deviez-vous pas présenter une motion de censure relative au budget ?
M. François Piquemal
Eh bien non : selon vous, le problème vient de ces damnés opposants politiques qui votent conformément à leurs valeurs. Si vous ne voulez pas que nous votions contre l’un de vos textes xénophobes, arrêtez de l’être ! C’est simple, basique.
À force de courir après l’extrême droite, vous voilà prise dans ses griffes, madame la Première ministre.
Mme Farida Amrani
Exactement !
M. François Piquemal
Que penser de votre ministre, Mme Bergé, qui vante désormais la préférence nationale ? (« Quelle honte ! sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) En y songeant, me sont revenues ces paroles d’une chanson de Sheila – elles sont de circonstance :
« Comme les Rois mages en Galilée
« Suivaient des yeux Aurore Bergé
« Vous la suivrez, où elle ira vous irez
« Fidèles comme une ombre jusqu’à l’extrême droite ». (Applaudissements et sourires sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
M. Pascal Lavergne
Vous, vous avez M. Mélenchon !
M. François Piquemal
Vous voilà ainsi réduite à vendre votre âme en promettant de vous attaquer à l’aide médicale de l’État (AME), comme en rêve l’extrême droite. Ce matin, c’était Mme Braun-Pivet – vous, madame la présidente – qui était prête à revenir sur le droit du sol. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Votre crise de régime ne vous autorise pas toutes les compromissions : il faut vous ressaisir ! Jusqu’où ira votre dérive idéologique ? Votre déliquescence politique vous fait perdre tout sens des repères moraux qui ont fondé notre République. Épouser les idées de l’extrême droite ne vous sauvera pas : cela fera simplement de vous un marchepied du RN. L’histoire retiendra ceci : Darmanin s’est chauffé, Ciotti l’a planté, Le Pen s’est empiffrée, Élisabeth s’est bornée, Bruno a demandé, Macron s’est isolé, et nous, nous avons résisté. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Mickaël Bouloux applaudit également.)
Mme Élisabeth Borne, Première ministre
Ah bah, bravo…
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’industrie
Quelle classe…
M. François Piquemal
J’en appelle aux députés de la Macronie que je sais encore attachés aux valeurs républicaines – il y en a : regardez lucidement ce qui est en train de se tramer dans notre pays alors qu’un arc extrême droitisé s’étend désormais de Bolloré à Aurore Bergé. Ne sombrez pas avec eux dans l’indignité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)
Revenons à notre 49.3, le vingt-deuxième, dont je rappelle qu’il porte cette fois sur la partie du projet de loi de finances (PLF) relative aux dépenses – il y en a eu tellement qu’on ne sait plus toujours où l’on en est. Celui-là, c’est le 49.3 de Noël, grâce auquel vous avez préparé plein de cadeaux à mettre sous le sapin de nos concitoyens.
M. Pascal Lavergne
Hors sujet !
Mme Farida Amrani
Non, non, il est en plein dans le sujet !
M. François Piquemal
Je suis sûr que vous avez décidé de les gâter, d’autant que les Français vous ont écrit une liste de leurs préoccupations : la santé, le pouvoir d’achat, l’inflation.
Mme Sophia Chikirou
Ils s’en fichent !
M. François Piquemal
Vos cadeaux, c’est certain, vont correspondre à leurs attentes. Si nous commencions à les ouvrir ? Regardez le rouge, là-bas, par exemple : qu’est-ce qu’on a là ? Tiens, une doudoune ! Sûrement pour compenser la fin du bouclier tarifaire, instauré pour faire face à la flambée des coûts de l’énergie et qui se trouve réduit de 21,7 milliards à 7,7 milliards d’euros. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Rappelons que l’annonce du retrait du bouclier tarifaire a provoqué une hausse de 31 % des prix de l’électricité en moins de dix-huit mois.
Passons au cadeau bleu – peut-être sera-t-il plus beau. C’est le gros paquet caché entre deux boîtes de chocolats victimes de la shrinkflation. Tiens, il s’agit d’un livre intitulé Ne pas être malade pour les nuls, pour permettre aux Français de s’adapter à la baisse du remboursement des soins dentaires et à l’augmentation du prix de certains médicaments. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)
Pas terrible ? Essayons le cadeau vert, il ne faut pas désespérer ! On voit sur l’emballage qu’il est signé « tonton Le Maire ». S’agit-il d’un bon d’achat ? Non, c’est un bon de report – celui de l’interdiction de la location des passoires thermiques ! Espérons que les 12 millions de personnes en situation de précarité énergétique sauront se contenter de la doudoune et du col roulé.
M. Erwan Balanant
C’est l’Assemblée nationale, ici, pas le cirque ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
M. François Piquemal
Attendez, il reste des cadeaux – vous êtes trop généreuse. Celui-là, vu la finesse de l’emballage, je suis sûr que c’est celui du cousin Attal. Serait-ce une revalorisation salariale pour les profs ? Non, seulement la suppression de 2 500 postes. C’est dommage, car il manque au moins un enseignant dans la moitié des collèges et des lycées.
Allez, un dernier cadeau, celui de tonton Béchu, notre préféré : un paquet de masques FFP2 pour protéger les Français des 42 000 tonnes de déchets hautement toxiques stockés sur le site de Stocamine dans le Haut-Rhin. Les générations futures s’en débrouilleront. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Mme Véronique Louwagie
C’est irrespectueux !
M. François Piquemal
Voilà quelques-uns des cadeaux empoisonnés prévus dans ce texte. Ils ont l’odeur de l’essence. Bien sûr, on pourrait essayer de les revendre sur Le Bon Coin – mais qui en voudrait ?
Mme Farida Amrani
Vu le prix de l’essence, c’est pourtant un beau cadeau !
M. François Piquemal
Tout ça, c’est pour le Noël du plus grand nombre : les salariés, les personnes sans emploi, les petits patrons. Toutefois, il y a un autre Noël et un autre sapin, plus scintillant, avec des cadeaux plus gros. C’est celui de vos amis : 205 milliards euros d’aides publiques aux grandes entreprises, dont 80 % de niches fiscales et d’exonérations ;…
M. Jean-François Coulomme
Rien n’est trop beau pour eux !
M. François Piquemal
…la suppression graduelle des 50 % restants de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), au détriment des collectivités locales ; la réduction des coûts de l’électricité pour le secteur aérien ; l’exonération d’impôts pour les fédérations internationales de sport, afin de réaliser le rêve de M. Macron consistant à faire venir en France le siège de la Fifa, actuellement situé en Suisse.
Mme Farida Amrani
Les amis avant tout !
M. François Piquemal
Pour ce Noël, il y aura donc deux salles, deux ambiances. Entre les deux, comme tous les ans, il y a les cadeaux qu’on aurait aimé avoir mais qui n’arrivent pas, alors qu’ils nous permettraient de bâtir une société plus juste et combative face au dérèglement climatique : le rétablissement de l’exit tax ; un grand plan de 1,5 milliard d’euros pour développer le ferroviaire ; la titularisation des contractuels dans le service public ; 12 milliards d’euros pour la rénovation thermique des logements (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES) ; la lutte contre les surprofits responsables de l’inflation ;…
M. Antoine Léaument
Très bien !
M. François Piquemal
…le versement aux collectivités d’une dotation globale de fonctionnement (DGF) alignée sur ladite inflation ; l’indexation des salaires sur cette dernière.
Au lieu de cela, vous préférez laisser le pays dans la dépression et l’austérité : les dépenses du budget général de l’État baissent de 4,2 milliards d’euros – une austérité historique. Vous voulez désespérer le pays et transformer en fatalité la situation des Français – un sur six – qui ne mangent pas à leur faim, des 40 % d’entre eux qui n’ont pas pu partir en vacances au cours de l’année écoulée, des 300 000 personnes qui meurent à la rue.
À celles et ceux qui nous écoutent et qui ont du mal à trouver du positif dans la brume qui s’étend sur notre pays, je dis que, partout, il y a des étincelles sous la glace, des personnes qui incarnent l’espérance face à la France des anxiolytiques du Gouvernement. Nous voulons ici rendre hommage aux bénévoles du Secours populaire, des Restos du cœur, du Secours catholique, de la Fondation Abbé Pierre, d’Utopia 56, de l’association Droit au logement, de Médecins du monde, et de toutes les associations de défense des droits humains, qui relèvent chaque jour le défi de l’humanité dans notre pays. (Les députés du groupe LFI-NUPES applaudissent, certains debout).
Notre pays, c’est celui de toutes celles et ceux qui, partout où ils sont, font vivre la solidarité. C’est cette France que nous voulons défendre : un pays exemplaire en matière de respect des droits humains et de protection de ses citoyens, qui n’a pas peur de l’autre, qui ne se rétrécit pas.
M. Pascal Lavergne
Vous n’avez pas le monopole des associations caritatives !
M. François Piquemal
Madame la Première ministre, membres du Gouvernement, députés de la Macronie, « l’arche est faible et sous l’absence qu’elle absorbe, elle cédera ». Il restera alors un choix à faire : celui de la France peureuse ou celui de la France courageuse (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) ; celui de la France rance ou celui de la France de l’espoir ; celui de la France consanguine ou celui de la France créolisée. (Mêmes mouvements.)
En parlant de France créolisée, je salue Camille Depuiset, Laura Glauser, Hatadou Sako, Coralie Lassource, Chloé Valentini, Orlane Kanor, Grâce Zaadi, Léna Grandveau, Tamara Horacek, Méline Nocandy, Estelle Nze Minko, Pauletta Foppa, Alicia Toublanc, Oriane Ondono, Laura Flippes, Déborah Lassource, Lucie Granier et Sarah Bouktit, qui nous ont offert ce dimanche le troisième titre mondial de la France en handball. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Arthur Delaporte applaudit également.)
Cette équipe est à l’image de notre pays : créolisée, et faisant de ses différences non pas des obstacles, mais un lien puissant pour rayonner à travers le monde. C’est ce rayonnement qui grandit notre nation et qui nous rappelle que, même dans l’hiver qui est le vôtre, le printemps finit toujours par revenir ! (Les députés du groupe LFI-NUPES se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Véronique Louwagie.
Mme Sophia Chikirou
Alors, madame Louwagie, cette CMP, conclusive ou non ?
Mme la présidente
Madame Chikirou, s’il vous plaît !
Mme Véronique Louwagie
La scène est en train de se répéter de manière absurde et assez grotesque, comme si nous étions coincés dans une boucle vouée à se répéter inlassablement. Une fois de plus, nous nous retrouvons dans cet hémicycle pour voter une énième motion de censure, qui n’a pas plus de chance d’aboutir que les précédentes. D’ailleurs, Mme Panot, quel est le sens du dépôt d’une nouvelle motion, quarante-huit heures après la précédente, qui n’a recueilli que soixante-quinze voix ? (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
M. Jean-François Coulomme
Nous le ferons à chaque fois !
Mme Véronique Louwagie
Mesdames et messieurs les Insoumis, vous êtes en train de vous ridiculiser et de vous discréditer. (« C’est vous ! » sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) À cause de vous, le principe même de la motion de censure est en train de perdre tout son sens.
Mme Farida Amrani
C’est à cause de Borne !
Mme Véronique Louwagie
Madame la Première ministre, une fois de plus – et ce pour la vingt-deuxième fois –, vous avez déclenché l’article 49, alinéa 3, de la Constitution.
M. Jean-François Coulomme
C’est tout ce qu’elle sait faire !
Mme Véronique Louwagie
C’est en effet le signe d’une absence de majorité. Je tiens à dénoncer la méthode, et non le principe de ce recours au 49.3 : une fois de plus, aucun amendement, aucun article, aucune disposition concernant la partie relative aux recettes de ce projet de loi de finances pour 2024 n’auront été discutés, ni en première lecture, ni en nouvelle lecture, ni demain en lecture définitive.
M. Jean-Paul Lecoq
La situation que vous décrivez vaut bien une motion de censure !
Mme Véronique Louwagie
C’est une triste première s’agissant d’une loi de finances.
Pour ce qui est de la partie dédiée aux dépenses, alors que seules sept des vingt-trois missions budgétaires avaient pu être examinées en première lecture, aucune ne l’aura été en nouvelle lecture. Quant au travail rigoureux, exigeant et constructif du Sénat, dont le sens des responsabilités ne saurait être remis en cause, vous l’avez détricoté en à peine quelques heures. S’agissant d’un sujet aussi important que celui de nos finances publiques, permettez-moi de trouver cela fort regrettable. Vous nous reprochiez d’avoir empêché le débat sur le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, mais pour votre part, vous nous avez privés de tout débat en séance sur l’ensemble du budget pour 2024,…
M. Jean-Paul Lecoq
Cela mérite la censure !
Mme Véronique Louwagie
…ce qui n’est pas sans inquiéter pour la suite du quinquennat.
Pour conclure sur la méthode, je m’indigne à nouveau face au cynisme et à l’opacité avec lesquels l’amendement dit Fifa a été réintroduit dans le texte, lecture après lecture – et toujours en catimini – par les députés de la majorité. Jamais débattue en séance,…
M. Jean-Paul Lecoq
Cela mérite la censure !
Mme Véronique Louwagie
…cette disposition n’est qu’un gigantesque cadeau fiscal à une trentaine de fédérations sportives internationales reconnues par le Comité international olympique, qui sont pourtant loin d’être dans une situation difficile. (Mme Christine Arrighi applaudit.) En juin 2017, vous vantiez le renouveau démocratique et posiez l’exigence de la transparence ; depuis, vous vous êtes sacrément reniés.
Madame la Première ministre, samedi soir, lors de l’examen de la motion de censure déposée par La France insoumise sur la première partie du projet de loi de finances, consacrée aux recettes, vous avez dit qu’il était usuel que les oppositions ne votent pas le budget. Je tiens à vous rappeler que si les Républicains ne votent pas celui que vous proposez, c’est parce qu’ils sont en désaccord avec ses orientations. Nous ne pouvons adhérer à un projet de loi de finances qui ne prévoit aucun effort structurel et alimente une dérive dépensière, nous entraînant chaque jour un peu plus vers le mur de la dette.
M. Antoine Léaument
Alors votez la motion de censure !
Mme Véronique Louwagie
Parlons de ce budget pour 2024, que nous aurions aimé combattre à coups d’arguments.
Notre taux de prélèvements obligatoires, qui s’élève à 44,1 % du PIB, est sidérant. En 2022, il atteignait même un niveau historique de 48 % du PIB, soit 6,1 points de plus que le taux moyen dans la zone euro, nous plaçant en tête des pays européens et des membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Rendez-vous compte : le taux de prélèvements culminait en France à 47,5 % du PIB tandis qu’il ne s’élevait qu’à 41,5 % en Allemagne, et à 41,8 % dans le reste de la zone euro !
Alors que les dépenses publiques atteignent déjà le taux exorbitant de 55,9 % du PIB – soit 8 points de plus que la moyenne de la zone euro –, les dépenses primaires nettes progresseront de 2,6 % en 2024, au-delà du plafond de 2,3 % fixé par l’Union européenne.
Par ailleurs, seuls trois pays européens afficheront un déficit plus important que le nôtre, qui s’élèvera à 4,4 % du PIB en 2024 – Malte, la Slovaquie et la Belgique. Rappelons que six États membres de l’Union européenne, parmi lesquels le Danemark, l’Irlande, le Portugal et la Grèce, affichaient en 2022 un excédent public – rien de comparable à la France, donc. Tous les pays de l’Union européenne auront un déficit public inférieur à 3 % du PIB d’ici à 2025 – tous, sauf le nôtre, qui sera le dernier à repasser sous la barre des 3 %.
Déjà abyssale, la dette, qui dépasse 3 000 milliards d’euros, continuera donc à augmenter. En empruntant plus de 285 milliards d’euros en 2024 – un montant encore jamais atteint –, la France sera le troisième pays le plus endetté d’Europe derrière l’Italie et la Grèce. Bien loin du désendettement que nous espérions, le Gouvernement table sur une simple stabilisation de la dette à 109,7 % du PIB en 2024. En dix ans de pilotage des finances publiques par Emmanuel Macron, d’abord comme ministre chargé de l’économie puis comme Président de la République, la dette de la France a augmenté de 1 000 milliards d’euros – 1 000 milliards ! Tous les pays de l’Union européenne ont profité des taux négatifs entre 2014 et 2019 pour se désendetter – tous, sauf la France. De fait, alors qu’il n’est que de 84 % en moyenne en Europe, notre taux d’endettement atteint 112 % du PIB, soit 28 points de plus.
Maintes fois promis par l’exécutif, le rétablissement de nos comptes publics est une nouvelle fois repoussé à plus tard, signe que ce gouvernement est, plus que jamais, celui de l’irresponsabilité budgétaire.
M. Jean-Paul Lecoq
Cela mérite la censure !
Mme Véronique Louwagie
Non seulement l’effort budgétaire en 2024 sera quasi nul, mais 8 273 postes supplémentaires de fonctionnaires seront créés dans la fonction publique d’État et chez ses opérateurs. Alors que les Français n’ont jamais été aussi noyés sous des charges administratives incompréhensibles, il faudrait pourtant débureaucratiser massivement notre administration – tout l’inverse de ce que vous faites.
Enfin, je regrette que le Gouvernement ait balayé avec mépris le contre-budget présenté en octobre par les Républicains : alors qu’il y avait là l’occasion de chercher un consensus dans l’intérêt de nos comptes publics, vous avez refusé notre main tendue et n’avez, monsieur le ministre délégué chargé des comptes publics, jamais évoqué une seule de nos propositions. Il nous paraissait fondamental de replacer le budget dans une politique d’ensemble reflétant une vision à court, moyen et long termes pour notre pays. L’axe majeur de ce contre-budget – élaboré dans l’intérêt des Français et non des fédérations sportives internationales – consistait ainsi à diminuer les prélèvements obligatoires pour permettre une réduction pérenne à la fois des dépenses publiques et de la dette.
Il n’y a pas si longtemps, vous nous reprochiez de ne pas suffisamment documenter les économies que nous proposions : force est de constater que lorsque nous le faisons, vous êtes aux abonnés absents. Le Gouvernement n’a plus aucune notion de la gestion des finances publiques. Espérons que vous changerez fondamentalement d’attitude avec le prochain PLF : la construction du budget pour 2025 débutera dès janvier, et j’espère que vous serez enfin au rendez-vous.
En octobre dernier, la Commission européenne a mis en garde la France – tout comme la Belgique, la Croatie et la Finlande – sur la croissance de ses dépenses publiques, qu’elle jugeait excessive et contraire aux recommandations budgétaires de l’Union européenne. Ne nous voilons pas la face : si nous sommes aujourd’hui le mauvais élève de l’Europe, ce n’est que le résultat de la politique conduite depuis 2017 par les gouvernements successifs. Pour sortir de la situation catastrophique dans laquelle nous sommes embourbés, il est grand temps d’engager un processus de diminution des prélèvements obligatoires et une réduction des dépenses publiques et du déficit : ce n’est plus une option, c’est un impératif !
Nous ne pouvons qu’espérer que le projet de loi de finances pour 2025 corrigera toutes les erreurs du budget pour 2024, et qu’il sera réellement, comme le promettait le Président de la République, le budget de « la fin de l’abondance » – car cette année, il n’en est rien.
Malgré tout, vous vous en doutez, nous ne voterons pas cette motion de censure déposée par les Insoumis, qui promeut des évolutions à l’opposé de ce que nous désirons : avec sa frénésie taxatrice,…
M. Antoine Léaument
Rien que ça !
Mme Véronique Louwagie
…La France insoumise, qui va jusqu’à contester la réalité de la dette, nous enfoncerait chaque jour un peu plus dans la logique démagogique de la dépense et du déficit, nous conduisant tout droit dans l’abîme.
Pour toutes ces raisons, et même si les Républicains combattent et dénoncent les prises de position exprimées par le Gouvernement dans le PLF pour 2024, il n’est pas question de voter cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Turquois.
M. Nicolas Turquois
Les jours se suivent et se ressemblent tristement : suivant une coutume désormais bien installée, nos collègues du groupe LFI-NUPES ont à nouveau déposé une motion de censure,…
Mme Mathilde Panot
Tout à fait ! En réponse au 49.3 !
M. Nicolas Turquois
…machinalement, automatiquement,…
M. Pierre Dharréville
Le 49.3 est tout aussi machinal, non ?
M. Nicolas Turquois
…après le recours à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution par la Première ministre, samedi en fin de soirée, sur la deuxième partie du PLF pour 2024, consacrée aux dépenses, et sur l’ensemble du texte. C’est devenu pour vous un réflexe pavlovien.
Mme Karen Erodi
Comme le 49.3 de la Première ministre !
M. Nicolas Turquois
Il n’y a aucune réflexion, aucun travail de fond : il y a motion de censure – quand celle-ci n’est pas précédée d’une motion de rejet !
L’actualité du moment nous permet de mesurer tous les dangers de cette absence de réflexion. En préférant laisser les autres décider plutôt que de chercher des compromis qui pourraient être utiles pour nos concitoyens,…
Mme Ségolène Amiot
On n’a même pas eu le temps de débattre !
M. Nicolas Turquois
…vous êtes réduits au rôle de commentateurs – ou plutôt de contempteurs – de la vie publique.
Mme Ségolène Amiot
À qui la faute ?
M. Nicolas Turquois
Selon vous, rien ne va jamais, nulle part, mais à aucun moment vous ne cherchez à construire des solutions pour le pays.
M. Antoine Léaument
C’est faux, on en a plein !
M. Nicolas Turquois
Comme la NUPES semble ne plus exister, je vais m’adresser aux autres membres de cet ex-intergroupe. Chers collègues, cette stratégie de blocage permanent a-t-elle permis une seule avancée ?
Mme Christine Arrighi
Et le 49.3 ?
M. Nicolas Turquois
À mes yeux, elle a surtout permis l’affaiblissement sans précédent du rôle de l’Assemblée nationale…
Mme Christine Arrighi
Comme le 49.3 !
M. Antoine Léaument
C’est vous qui êtes au pouvoir !
M. Nicolas Turquois
…et le renforcement parallèle de l’extrême droite, que vos outrances et votre opposition systématique rendent, semaine après semaine, de plus en plus fréquentable – deux éléments que je ne qualifierais pas d’avancées.
M. Mickaël Bouloux
C’est de votre faute !
M. Erwan Balanant
Ah non !
M. Nicolas Turquois
Je vous invite à y réfléchir profondément : on peut s’opposer, c’est votre droit le plus légitime, mais sans abîmer la démocratie parlementaire. (« Et comment, avec le 49.3 ? » sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)
M. Nicolas Sansu
Qui est au pouvoir ?
M. Nicolas Turquois
Quoi qu’il en soit, soyez assurés, chers collègues de La France insoumise, que ces motions de censure à répétition n’entameront en rien notre volonté de travailler chaque jour à améliorer le quotidien des Français.
Ces motions de censure à répétition ne nous empêcheront pas d’accélérer la transition écologique dans les territoires.
Mme Ségolène Amiot
On ne peut pas faire pire, c’est sûr ! Aller moins vite, ce serait reculer !
M. Nicolas Turquois
Au-delà de l’augmentation de 10 milliards d’euros des enveloppes consacrées à la planification écologique, le dispositif Seconde vie permettra aux bailleurs sociaux qui engagent des rénovations ambitieuses de leurs passoires thermiques de prolonger le bénéfice des exonérations de taxe foncière – une réforme que le groupe Démocrate appelait de ses vœux. En outre, la stratégie nationale pour la biodiversité sera dotée de près de 400 millions d’euros supplémentaires afin de restaurer la biodiversité dans nos territoires.
M. Jean-Paul Lecoq
On n’a pas pu en discuter !
M. Nicolas Turquois
Ces motions de censure à répétition ne nous empêcheront pas plus de renforcer le soutien aux collectivités territoriales,…
M. Jean-Paul Lecoq
Vu leur réaction, elles n’ont pas dû comprendre ! (Sourires.)
M. Nicolas Turquois
…qui s’est étoffé au cours de l’examen du texte : la DGF augmentera finalement de 320 millions d’euros en 2024, la garantie de la dotation particulière relative aux conditions d’exercice des mandats locaux sera prolongée pour couvrir deux mandats municipaux et, à l’initiative de Marina Ferrari, les moyens du fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit fonds Barnier, seront renforcés.
Ces motions de censure à répétition ne nous empêcheront pas non plus de poursuivre nos efforts financiers au profit du réarmement régalien : conformément à la trajectoire fixée dans la loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice pour les années 2023 à 2027, 500 millions d’euros supplémentaires porteront à 10 milliards d’euros les crédits de la mission Justice afin de renforcer l’efficacité de notre système judiciaire. À cet égard, Perrine Goulet a proposé d’augmenter de 2 millions d’euros les crédits consacrés à l’aide juridictionnelle, afin de tenir compte de la possibilité, récemment ouverte, pour les présidents de conseils départementaux, de demander qu’un enfant soit accompagné par un avocat. En outre, conformément à la loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030, nous augmentons fortement le budget de nos armées : la hausse des crédits de la mission Défense, portés à 3,3 milliards d’euros en 2024 – c’est un premier palier –, nous permettra de nous adapter aux nombreuses nouvelles menaces, qui modifient profondément notre environnement géopolitique.
M. Jean-Paul Lecoq
Sur ce sujet, pas de souci !
M. Nicolas Turquois
Tous ces éléments sont la preuve que, loin des mensonges et des outrances, ce budget n’est en aucun cas, comme le texte de la motion de censure l’affirme, un budget d’austérité. Au contraire : alors que la charge de la dette augmente dangereusement, il permet d’apporter des réponses efficaces et ciblées aux besoins de nos concitoyens, sans compromettre la bonne gestion de nos finances publiques. Soyez donc assurée, madame la Première ministre, que vous trouverez toujours à vos côtés un groupe Démocrate au travail, qui continuera, dans les prochains mois, à formuler des propositions innovantes, notamment dans le domaine du logement, car la situation actuelle nécessite d’agir vite, sans tomber dans la précipitation.
Quant à vous, chers collègues de la NUPES, je vous réitère mon appel : la stratégie d’opposition et de blocage permanent sape dangereusement les fondements de notre modèle démocratique, qui est bien plus fragile qu’il n’y paraît.
Mme Ségolène Amiot
Trop de 49.3 fragilisent la démocratie, vous avez raison !
M. Nicolas Turquois
Soyons collectivement vigilants. Vous l’aurez compris, le groupe Démocrate ne votera pas cette énième motion de censure et appelle, au contraire, à un sursaut républicain.
Mme la présidente
La parole est à M. Mickaël Bouloux.
M. Mickaël Bouloux
La motion de censure dont nous débattons ce soir est la vingt-sixième de la législature. Elle fait suite au vingt-deuxième 49.3. Cette procédure figure certes dans la Constitution, mais le fait d’y recourir était jusqu’ici resté exceptionnel, alors qu’il tend désormais à devenir une habitude. Nous connaissons votre rengaine : c’est la faute des oppositions ! Reste qu’entre 1958, date du début de la Ve République, et 2022, l’engagement de la responsabilité du Gouvernement au titre de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution avait donné lieu à cinquante-quatre motions de censure, tandis qu’en un peu plus d’un an et demi vingt-six motions, je le répète, ont été déposées, après que le Gouvernement a engagé sa responsabilité à vingt-deux reprises. Si ces motions relèvent bien du Parlement, elles n’en constituent pas moins la seule réponse possible à un Gouvernement qui, depuis le début de ce quinquennat, use et abuse du 49.3 pour faire adopter des textes autour desquels il ne parvient pas à fédérer une majorité, ou craint de ne pas y parvenir, si bien qu’il fait pression sur son camp, sur ses alliés. Ce serait pourtant à vous de trouver des solutions !
Mme Ségolène Amiot
Il a raison !
M. Mickaël Bouloux
Deux options s’offrent à qui monte à cette tribune à l’occasion de l’examen d’une motion de censure : parler des raisons pour lesquelles on souhaite ou non la censure, ou parler du fond du texte que le Gouvernement veut faire passer de force. En temps normal, j’emprunterais plutôt la première voie, car plaider pour une motion de censure, c’est s’exprimer sur le malaise démocratique du pays ; mais l’ayant déjà fait le 9 novembre, à l’occasion du seizième 49.3, j’opterai cette fois pour la seconde, d’autant que nous avons eu si peu de temps pour discuter de ce projet de loi de finances qu’il ne semble pas inutile de prendre le temps d’en dire un mot.
Je commencerai donc par renvoyer ceux qui nous écoutent à l’intervention de Christine Pires Beaune qui, pendant la discussion générale, le 17 octobre, a parfaitement exprimé notre position. Ma collègue dénonçait en effet un texte austéritaire, favorisant encore et toujours les grandes entreprises, les plus riches.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics et M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’industrie
Oh là là !
M. Mickaël Bouloux
Il concourra ainsi à l’explosion des inégalités et de la pauvreté, qui n’a jamais été aussi répandue : la France, dont l’économie est la sixième du monde, compte plus de 9 millions de pauvres, soit 15 % de sa population ! Les prix atteignent des sommets ; les dividendes se portent bien, les actionnaires ne se font aucun souci. Tout cela découle d’une politique d’ensemble dirigée par le Gouvernement contre celles et ceux qui galèrent. Aussi les éléments de langage confinent-ils à l’indécence lorsque l’exécutif se targue d’un taux de chômage historiquement bas alors que les Français sont orientés vers des métiers inadaptés, mal rémunérés et précaires, et que leurs fins de mois difficiles commencent en fait bien avant le 15 du mois.
Parallèlement, en ne compensant pas les 20 milliards d’euros que perd mécaniquement le budget du fait de l’inflation, l’État prévoit des économies réalisées à l’aveuglette, par exemple 2 500 postes au sein de l’éducation nationale – compte tenu des résultats de la France lors de la dernière enquête du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (Pisa), il y a de quoi frémir. Enfin, alors que la lutte contre le réchauffement climatique devrait constituer la priorité des priorités et que, suivant une estimation demandée par le Président de la République lui-même, la transition écologique nécessiterait chaque année, d’ici à 2030, une dépense publique de l’ordre de 34 milliards, le Gouvernement ne lâche que 10 milliards. En bref, la justice fiscale, c’est non. La justice sociale, pourquoi donc ? Quant à la transition énergétique, elle peut bien attendre. En attendant, précisément, la colère monte et, soit dit en passant, l’extrême droite aussi.
Pour notre démocratie, ce far west institutionnel, où le Gouvernement dégaine le 49.3 pour tirer comme sur des canettes au fin fond d’un désert idéologique, est désastreux et mortifère. Désastreux, car la dérive autocratique de l’exécutif nourrit, jour après jour, la défiance des Français à l’égard d’un gouvernement qui ne respecte rien, surtout pas le vote de la représentation nationale – à supposer que ce vote ait pu avoir lieu –, rayant d’un trait de plume des dispositions adoptées par voie d’amendement, en rajoutant d’autres selon son bon plaisir, s’enfermant dans un exercice solitaire et autoritaire du pouvoir. Mortifère, car cette attitude revient à faire sauter les digues, à abaisser le pont-levis et à dérouler le tapis rouge à l’extrême droite.
Quels arguments opposer à nos concitoyens alors que le Gouvernement reste sourd à leur détresse et à leurs aspirations, refuse d’augmenter le Smic ou de diminuer le taux de la TVA pour les biens essentiels, mais ordonne à des députés de la majorité de déposer en catimini des amendements visant à exonérer de taxes la Fifa ? Lorsqu’il favorise la distribution de dividendes indécents aux gros actionnaires, mais freine des quatre fers lorsqu’il s’agit de rétablir un impôt sur les grandes fortunes ? Que dire lorsque le cabinet d’un ministre, le confondant avec Fabrice Brun, du groupe Les Républicains, offre à mon collègue Philippe Brun une nouvelle brigade de gendarmerie dans sa circonscription en contrepartie de son soutien au projet de loi pour contrôler l’immigration ?
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer
Ça, il ne faut pas le dire dehors !
M. Mickaël Bouloux
Comment les Français pourraient-ils avoir foi en vous, en nous, en leur classe politique, lorsqu’ils voient leurs dirigeants multiplier les manœuvres, les chantages, les œillades ?
M. Philippe Vigier, ministre délégué chargé des outre-mer
Il est vrai qu’on a entendu un ministre délégué déclarer « les yeux dans les yeux » qu’il ne possédait aucun compte en Suisse…
M. Mickaël Bouloux
De démocratie réelle, il n’est même plus question. Cet après-midi encore, une commission mixte paritaire (CMP) se tient en fait à Matignon !
M. Gérald Darmanin, ministre
Nous voilà loin du budget !
M. Mickaël Bouloux
À bout de souffle, le Gouvernement ne résiste que grâce à ses alliances de circonstance, conclues au gré des textes, en fonction de calculs à courte vue. Dès lors, le dégoût de la politique que ressentent les Français peut se comprendre : en ne les respectant pas, en mettant le Parlement à terre, l’exécutif conduit le pays à l’abîme – car nul d’entre nous n’ignore que, lorsque les institutions sont exsangues, l’histoire peut très mal finir. Solennellement, je vous le dis : stop ! Les membres du groupe Socialistes et apparentés appellent à un sursaut démocratique.
M. Jean-Paul Lecoq
Très juste !
M. Mickaël Bouloux
Jouer avec le feu n’a jamais qu’un résultat funeste. Lorsque le pire arrivera, vous ne pourrez pas dire que c’est malgré vous : nous vous aurons prévenus, nous vous prévenons encore une fois, que nous allons dans le mur. Économiquement, socialement, climatiquement, nous allons dans le mur. Avec ce budget, les précédents, et sans nul doute les suivants, nous allons dans le mur. Nous allons dans le mur démocratiquement, avec ces méthodes, cette manière de faire de la politique. C’est triste, c’est regrettable ; du reste, vous aurez tout loisir de le regretter – vous, nous, les Françaises et les Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)
M. Philippe Vigier, ministre délégué
Sous Flanby, c’était brillant ?
Mme la présidente
La parole est à Mme Lise Magnier.
Mme Lise Magnier
Mon propos ne sera pas long, car tout a déjà été dit trois fois.
Mme Ségolène Amiot
Et même vingt-six fois !
Mme Lise Magnier
Les députés censeurs ont exprimé tout le mal qu’ils pensent du Gouvernement, de la majorité présidentielle et accessoirement du texte. Nous avons rappelé d’abord qu’un budget est nécessaire à notre pays, ensuite que le recours au troisième alinéa de l’article 49 de la Constitution ne constitue certes pas la panacée mais se révèle indispensable à l’adoption de ce budget en période de majorité relative, enfin et surtout que le PLF pour 2024 prévoit un bon budget. Il n’est pas parfait, bien sûr, mais il permettra d’atteindre les principaux objectifs qui s’imposent : rétablissement des finances publiques, transition écologique, renforcement du régalien ou encore justice fiscale. Sa seconde partie, qui nous intéresse ce soir, c’est-à-dire celle consacrée aux dépenses, comprend nombre d’avancées. Élément qui n’a rien d’anecdotique, elle tient compte des lois de programmation : pour les ministères de la justice, de l’intérieur, des armées et de la recherche, cela se traduit concrètement par des augmentations budgétaires inédites. Depuis 2017, nous poursuivons ainsi le renforcement des missions régaliennes de l’État, au service de nos concitoyens.
Le texte fait également la part belle à la transition écologique. Outre le nécessaire verdissement de la fiscalité prévu par la première partie, les moyens font l’objet d’augmentations significatives : plus de 7 milliards d’euros, ce qui porte leur total à 40 milliards en 2024. Ces crédits supplémentaires seront consacrés à la rénovation des bâtiments et des logements, à la décarbonation des mobilités, à la préservation de la biodiversité et de la forêt, à l’accompagnement du monde agricole…
Mme Ségolène Amiot
Pour quelqu’un qui ne voulait pas répéter ce qui a déjà été dit trois fois…
Mme Lise Magnier
…ou encore à la transition énergétique. Le fonds Vert sera doté de 2,5 milliards en autorisations d’engagement afin d’accompagner les collectivités locales dans le verdissement de leurs investissements en faveur de la planification écologique. Certains ont beau estimer que les mesures prises ne sont jamais suffisantes, force est de constater que les engagements budgétaires sont massifs.
Mme Ségolène Amiot
Mais insuffisants !
Mme Lise Magnier
Le groupe Horizons et apparentés a pleinement joué son rôle pour améliorer ce texte, permettant par exemple que 5 millions d’euros soient destinés à soutenir les investissements des agriculteurs dans les nouvelles solutions immatérielles, ou encore que l’indemnité carburant travailleur, si elle venait à être appliquée, soit ouverte aux classes moyennes, jusqu’au sixième décile de la population. Ainsi que d’autres groupes parlementaires, nous avons œuvré à augmenter la dotation de la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah) au Mémorial de la Shoah, qui a été accrue de 500 000 euros,…
M. Jérôme Guedj
C’est bien, ça !
Mme Lise Magnier
…ainsi que le fonds exceptionnel d’investissement, qui finance les investissements des collectivités territoriales ultramarines. Enfin, nous remercions sincèrement le Gouvernement d’avoir entendu notre demande que soient renforcés les moyens alloués à l’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD).
M. Jérôme Guedj
Ça, ce n’est pas assez !
Mme Lise Magnier
Vous l’aurez compris, le groupe Horizons et apparentés soutient ce PLF, soutient le Gouvernement et ne votera pas pour la motion de censure.
Mme Ségolène Amiot
Ça alors !
M. Philippe Vigier, ministre délégué
Très bien !
Mme la présidente
La parole est à Mme Christine Arrighi.
M. Philippe Vigier, ministre délégué
Ce sera moins sympathique !
Mme Christine Arrighi
Madame la Première ministre – qu’il m’est difficile d’interpeller, puisqu’elle s’est absentée… (« Elle arrive ! » sur les bancs du Gouvernement.)
M. Philippe Vigier, ministre délégué
Une minute, tout de même !
M. Jérôme Guedj
La CMP la requiert, et pourtant elle n’est pas députée !
Mme Ségolène Amiot
C’est quand même un peu la honte…
Mme Christine Arrighi
Le 6 juillet 2022, à cette tribune, la Première ministre, à l’occasion de la déclaration de politique générale du Gouvernement, nous faisait part de son désir de « construire ensemble ». Nous avons immédiatement compris qu’il ne s’agissait que de paroles sans fondement, puisqu’elle avait décidé de ne pas demander de vote de confiance. Les vingt-deux 49.3 qui ont suivi nous l’ont confirmé. À l’automne 2022, deux mois plus tard, elle y recourait à dix reprises afin de faire adopter sans vote les budgets de l’État et de la sécurité sociale. Le 16 mars 2023, après deux mois de bataille parlementaire et d’opposition de la rue, elle l’appliquait à la très controversée réforme des retraites, inscrite à dessein dans un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, nouvelle illustration de son complet mépris de toute perspective de coconstruction. Le 27 septembre et le 13 novembre, faites vos jeux : deux nouveaux 49.3 concernant le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, que nous avions rejeté en première lecture.
S’agissant des textes budgétaires applicables en 2024, elle en a neuf à son actif entre le 18 octobre et le 16 décembre. Madame la Première ministre, votre recours systématique au 49.3 bat en brèche votre communication axée sur une prétendue volonté de dialogue.
Malgré les astuces utilisées pour contraindre l’exercice de notre droit constitutionnel d’amendement, la dernière en date consistant à réduire les délais de dépôt – cette fois de minuit à dix heures, échéance repoussée à quatorze heures pour cause de problèmes techniques –, nous, Écologistes, avons formulé des propositions justifiées par l’urgence des besoins sociaux et écologiques. Or, lors de la première lecture de ce PLF, il nous a fallu, en commission, retirer certains de nos amendements pour tenir les délais – en l’absence des députés du groupe Renaissance, lesquels, en revanche, ne manquent pas d’applaudir en séance publique les 49.3 que vous égrenez de plus en plus vite, tel dom Balaguère expédiant ses trois messes basses dans les Lettres de mon moulin. À aucun moment notre sens des responsabilités n’a trouvé d’écho favorable auprès des chantres de la rigueur à 3 000 milliards d’euros de dette, dénués d’ambition face à l’urgence sociale et environnementale.
Ces propositions, nous prévoyons de les financer en allant chercher les moyens là où ils se trouvent, c’est-à-dire auprès des plus aisés d’entre nous. Alors que même le chef économiste de la Banque centrale européenne (BCE), Philip Lane, et le Prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz affirment la nécessité d’une contribution supplémentaire des plus riches (M. Antoine Léaument applaudit), vous faites la sourde oreille, ou, plus exactement, vous vous entêtez dans le déni.
C’est donc volontairement – je dis bien volontairement – que vous choisissez de mener une politique qui maintient nos concitoyens sans hébergement digne et les enfants dans la rue, nos élèves sans accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) ou sans professeurs, nos hôpitaux sans personnels, nos services publics dans un état dégradé et nos collectivités territoriales sans moyens suffisants pour faire face à l’urgence sociale.
Un budget, ce sont des moyens financiers au service d’un projet politique. Notre opposition à votre projet politique, dont ce budget est la traduction concrète, est définitive. Cette opposition se double d’un désaccord sur la méthode que vous avez choisie. Les 49.3 successifs et les conditions d’examen de ce texte majeur ne sont pas de nature à emporter notre adhésion.
Nous nous retrouvons aujourd’hui pour débattre d’une motion de censure après que la responsabilité du Gouvernement a été engagée sur la seconde partie du projet de loi de finances pour 2024 en application de l’article 49, alinéa 3 de la Constitution.
En tant que députée écologiste, je m’exprime avec un profond sentiment de responsabilité à l’égard de nos concitoyennes et concitoyens et des valeurs qui guident notre action politique. Le recours à l’article 49, alinéa 3, bien que conforme à la Constitution, soulève des interrogations légitimes sur votre conception du débat parlementaire et du rôle de chaque député dans le processus législatif. En notre qualité de représentants du peuple, notre rôle est de débattre, d’amender et de contribuer à la construction de politiques publiques qui répondent aux besoins et aux aspirations de nos concitoyens.
Madame la Première ministre, toujours absente,…
M. Philippe Vigier, ministre délégué
Oh !
Mme Christine Arrighi
…avec une majorité relative, on ne peut plus faire croire au « en même temps ». Avec une majorité relative, pour gouverner sur la base de la coconstruction, il faut faire des compromis. Or, les compromis, vous les faites enfin, mais avec celles et ceux qui défendent un projet indigne. Comme le dit la présidente de l’Assemblée nationale, « pour bâtir un compromis, on accepte des choses qui vous coûtent : c’est la vie ». Vous abîmez notre république et par votre cynisme, vous sacrifiez les destins d’hommes, de femmes et d’enfants qui ont déjà tout perdu. Vous avez choisi de pactiser avec la droite radicalisée pour faire vôtres les thèmes et les termes de l’extrême droite.
M. Marcellin Nadeau
Bien dit !
Mme Christine Arrighi
C’est un pacte qui bafoue le mandat que les Françaises et les Français ont donné à Emmanuel Macron : faire barrage à l’extrême droite. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR-NUPES.)
M. Philippe Vigier, ministre délégué
C’est vrai qu’avec Mitterrand, on a été habitué !
Mme Christine Arrighi
Puisque vous avez décidé de faire sans le Parlement, de court-circuiter le fonctionnement normal des institutions, de renoncer à la démocratie en soumettant votre propre camp et en vous imposant aux oppositions, le groupe Écologiste-NUPES considère que votre gouvernement ne mérite que la censure. Je ne vous remercie pas, madame la Première ministre. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES, SOC et GDR-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.
M. Jean-Paul Lecoq
Avec ce gouvernement, la discussion du projet de loi de finances n’est plus ce moment solennel où l’on débat du budget à venir de notre nation. C’est devenu un champ de ruines où s’exhibe le blocage complet du pouvoir législatif.
Pour la vingt-deuxième fois, vous avez déposé un 49.3 ; pour la vingt-deuxième fois, nous constatons que la Ve République est dépassée et épuisée. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR-NUPES et LFI-NUPES.) Pour la vingt-deuxième fois, nous constatons que vous êtes comme la Ve République. (Sourires.) Vous nous empêchez de débattre du fond dans cet hémicycle. Pourtant, les vrais sujets sont là, dans le projet de loi de finances pour 2024. Qu’y trouve-t-on ? Que le pouvoir d’achat, la première inquiétude des Français, n’est pas le pilier du mandat ! Que l’environnement n’est pas le pilier du mandat ! Que la santé et l’éducation ne sont pas des piliers du mandat ! Que le mal-logement n’est pas le pilier du mandat !
Finalement, ce qu’on constate, c’est que votre priorité est l’immigration : accuser ceux qui fuient la misère et la guerre est tellement plus simple que de pointer les responsables du marasme économique dans lequel nous nous trouvons. Pourtant, vous avez reçu une gifle historique la semaine dernière à ce sujet. Avec le projet de loi visant prétendument à contrôler l’immigration et améliorer l’intégration, vous avez rêvé d’une loi d’extrême droite qui mette en péril les droits fondamentaux des étrangers et qui bafoue leur dignité.
Mme Ségolène Amiot
Eh oui !
M. Jean-Paul Lecoq
Bienvenue dans le pays des droits de l’homme, ce pays où la plus grande menace est l’immigration et non l’appauvrissement de nos services publics ! Si le président des riches a mis le paquet sur l’immigration en jouant sur les divisions des Français à ce sujet, c’est pour mieux faire oublier son objectif politique. Car n’oublions pas que depuis six ans, il rend les riches toujours plus riches,…
Mme Ségolène Amiot
Et même un peu plus encore !
M. Jean-Paul Lecoq
…et les pauvres toujours plus pauvres et plus nombreux ! Mais à force de jouer à cela, il est en train de faire vaciller le pacte social français qui repose sur le consentement à l’impôt, et qui garantit une forte protection des travailleurs et des services publics forts et présents partout sur le territoire.
Favoriser les riches, c’est d’ailleurs l’essence de la politique fiscale menée depuis 2017 avec ce président. La suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et la création de la flat tax étaient annonciatrices du reste : plus de 30 milliards d’euros de baisses d’impôts pour les entreprises, ainsi que la suppression de la taxe d’habitation qui a profité aux plus riches.
Le très bon rapport sur la fiscalité du patrimoine de mes collègues Jean-Paul Mattei et Nicolas Sansu a montré, s’il en était besoin, que notre pays est en train de basculer progressivement dans une société de rente et d’héritage. Les patrimoines se concentrent, se transmettent et décuplent de génération en génération. Cette concentration de richesse dans les mains de quelques-uns remet en cause notre pacte social, celui du consentement à l’impôt qui doit, selon les termes de l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, respecter la capacité contributive de chacun. De cette attaque contre notre pacte social découle donc votre volonté d’affaiblir notre sécurité sociale.
En 2023, vous vous êtes attaqués au droit au chômage et, par là même, aux chômeurs : accuser les personnes privées d’emploi est tellement plus efficace pour mettre en concurrence les plus pauvres ! En 2023, vous vous êtes attaqués au droit à la retraite, en augmentant l’âge de départ : culpabiliser les salariés sur le sort de la sécurité sociale est tellement plus simple que de faire des choix budgétaires courageux qui permettraient que les salariés partent à 60 ans ! En 2023, vous avez refusé de vous attaquer aux déserts médicaux et d’améliorer notre système de soin, avec des riches qui peuvent se soigner et des pauvres qui y renoncent. En 2024, vous poursuivez votre travail en affichant fièrement 16 milliards d’euros d’économie, afin de satisfaire la Commission européenne et les agences de notation que Bruno Le Maire chouchoute tant.
Pour y arriver, il va falloir continuer à rogner, quitte à dégrader encore un peu plus les services publics. Ce n’est pas anodin, car vous dégradez la troisième pièce de notre pacte social. L’Insee l’a démontré : en France, la moitié de la redistribution se fait en nature, c’est-à-dire grâce à l’accès aux services publics et à l’usage de ces derniers. Les dégrader, réduire leur maillage territorial, c’est appauvrir encore plus ceux dont ils constituent l’unique patrimoine. Lorsque vous refusez d’accroître significativement le budget consacré à l’éducation nationale pour améliorer les conditions d’enseignement ou la rémunération des professeurs, vous augmentez les inégalités sociales entre les jeunes, et vous faites un pont d’or aux écoles privées.
Lorsque vous refusez d’accroître les moyens pour l’hébergement d’urgence, alors que le nombre de places stagne depuis cinq ans, et que vous savez pertinemment que les crédits alloués ne permettent même pas d’atteindre le nombre de places budgétées, vous augmentez la fracture sociale. Vous n’avez même pas voulu conserver un modeste amendement du Sénat qui proposait à peine 6 000 places supplémentaires. Qu’est-ce que 6 000 places, alors que partout, dans les grandes villes, la crise sociale est visible, sous nos yeux ? En France, combien d’enfants vivent dans la rue ? Ils sont soixante-cinq au Havre.
Vous refusez d’améliorer le pouvoir d’achat, alors que l’inflation alimentaire atteint 20 %, et que, comme je l’ai constaté ce week-end, les dons aux associations de solidarité avant Noël sont plus faibles que les années précédentes ! Je ne parle même pas de l’inflation et de l’état des services publics dans nos outre-mer, qui sont complètement laissés pour compte – nos collègues n’ont de cesse de vous le répéter, mais vous n’entendez rien. Et que dire du sort de nos collectivités territoriales, qui sont pourtant, dans beaucoup de territoires, la dernière présence des services publics ?
M. Christophe Bex
Eh oui !
M. Jean-Paul Lecoq
Ces espaces démocratiques vivants, qui créent avec les citoyens des relations quotidiennes et durables, et qui sont en première ligne pour gérer les crises, subissent aujourd’hui une perte d’autonomie fiscale, donc une atteinte à leur libre administration. Les dotations ne suivent pas, et l’exonération des bases de la taxe foncière des établissements industriels va peser lourd sur les budgets des communes. Ajoutons l’application d’une contribution forcée au déficit de l’État : quand les communes financent l’État, c’est le monde à l’envers !
Depuis 2010, les collectivités locales ont perdu 70 milliards d’euros. Jeudi dernier, le conseil communautaire de la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole, qui regroupe cinquante-quatre communes, a adopté un vœu présenté par la maire communiste de la commune d’Harfleur, qui a mis son président, ancien Premier ministre, en minorité pour la première fois.
Ce vœu avait pour objectif de vous saisir, madame la Première ministre, pour que soient réellement pris en considération les besoins des communes et de leurs intercommunalités. Il s’agissait notamment de décider des mesures fiscales qui leur permettent d’assurer pleinement leurs missions, de réviser les conditions budgétaires qui s’appliquent aux finances des collectivités locales et d’intégrer davantage leurs représentants dans les décisions qui les concernent directement. Votre mépris des mairies, des collectivités et des départements démontre votre déconnexion complète avec les besoins des Français.
Passons du local au global : votre échec est visible partout. En Palestine, le Président de la République n’a jamais osé proposer des sanctions à la hauteur des atrocités commises par l’armée israélienne contre les civils de Gaza. Pourtant, rien n’est fait pour faire taire les armes et pour sanctionner les responsables de ces massacres. Dois-je vous rappeler que ce sont les contribuables français qui vont payer le bâtiment de l’Institut français détruit par les missiles israéliens le 3 novembre dernier à Gaza ? Je tiens à rendre hommage à Ahmed Abu Shamla, agent du Quai d’Orsay mort ce week-end dans un bombardement israélien à Rafah. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) Sans nier l’aide financière et humanitaire accordée à la Palestine par la France, on constate tout de même une politique de « deux poids deux mesures » de notre pays concernant les sanctions infligées aux agresseurs russe et israélien et l’aide accordée à ces deux pays. Et que dire de l’indécence française au Sahel, où nous maintenons coûte que coûte le franc CFA et nos casernes contre la volonté des peuples ?
La France, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, ne peut pas traiter avec autant de légèreté cette asymétrie dans l’application du droit international. Il faut pouvoir écouter les peuples du monde. Mais pour les écouter, il faut plus de diplomates, et des diplomates qui ne soient pas accaparés par l’Élysée pour vendre des armes. Avec un budget du Quai d’Orsay qui remonte certes, mais qui reste toujours aussi faible, il est évident que nous ne ferons pas de miracles. En revanche, le budget du nucléaire militaire, quant à lui, va à l’encontre du droit international en remontant en puissance, coûtant aux Français plus de 20 millions d’euros par jour. Moderniser la bombe atomique, est-ce essentiel ?
Madame la Première ministre, agir ainsi mérite la censure. Le groupe GDR votera cette motion. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson
Le groupe LIOT a obtenu certaines avancées dans ce texte. La redevance sur la consommation d’eau potable payée par les particuliers à Mayotte est suspendue durablement. De même, nous avons soutenu, comme tant d’autres, la suppression du malus écologique pour les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS). Il s’agissait de respecter le vote du Parlement. Ensuite, les plafonds d’affectation de la taxe pour les chambres de commerce et d’industrie et les chambres d’agriculture ont été augmentés. Par ailleurs, la rédaction de la réforme des meublés de tourisme correspond à notre demande initiale : c’est une bonne chose. La Corse a en outre été exclue du dispositif visant à libérer le foncier car cela aurait fortement accru la spéculation immobilière sur l’île.
S’agissant de la réforme des zones de revitalisation rurale (ZRR), nous avons obtenu plusieurs avancées, comme l’intégration d’office des communes de moins de 20 000 habitants situées en zone de montagne ou dans un département dont la densité est inférieure à 35 habitants par kilomètre carré. Enfin, nous prenons note de la légère hausse de la DGF de 100 millions d’euros. Cette hausse demeure toutefois à un niveau très inférieur à celui de l’inflation.
S’agissant de la seconde partie du projet de loi de finances et des dépenses urgentes pour le pouvoir d’achat, nous avons obtenu la reconduction de l’extension du cinquième au sixième décile des revenus du bénéfice du chèque carburant. Ce dispositif soutient les travailleurs qui utilisent leur voiture pour se rendre à leur travail tout en préservant au maximum les comptes publics, puisque les ménages les plus aisés n’y ont pas le droit. Cela devrait concerner au total 1,6 million de bénéficiaires supplémentaires, ce qui représente un soutien exceptionnel de 160 millions d’euros.
Par ailleurs, nous avons œuvré pour augmenter les crédits dédiés à l’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée, et obtenu plusieurs dispositions en faveur de la Guadeloupe et de Saint-Pierre-et-Miquelon, ainsi que le bénéfice de la dotation particulière « élu local » pour les communes de moins de 1 000 habitants – avec d’autres collègues.
Cependant, le déni de démocratie perdure. Vous recourez au 49.3 sous prétexte d’éviter une interruption des services publics. C’est pourtant tout à fait inexact. Puis-je vous rappeler, madame la Première ministre, l’article 40 de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) ?
Mme Ségolène Amiot et M. Nicolas Sansu
La Première ministre est partie, de toute façon !
M. Charles de Courson
« Si le Parlement ne s’est pas prononcé dans le délai de soixante-dix jours après le dépôt du projet, les dispositions de ce dernier peuvent être mises en vigueur par ordonnance. » Nous sommes donc loin du shutdown à l’américaine !
Les commissions demeurent le dernier espace dans lequel la représentation nationale peut s’exprimer. Pourtant, vous avez ignoré leur expression souveraine. En matière d’économies, nous avons fait adopter la réforme du crédit d’impôt recherche en commission des finances. Notre proposition, tout à fait raisonnable, consistait à créer une nouvelle tranche, afin de maintenir ce dispositif tout en réduisant les effets de seuil et son coût pour le contribuable. Il est également regrettable que vous n’ayez pas conservé la transformation de la réduction d’impôt pour les résidents en Ehpad en un crédit d’impôt, disposition qui avait pourtant été adoptée en première lecture en commission des finances à l’Assemblée nationale, puis en séance publique au Sénat.
La réalité, c’est que le 49.3 est surtout un moyen de ne pas montrer que votre majorité relative ne représente qu’une minorité à l’Assemblée nationale…
M. Jean-Paul Lecoq
Voilà ! C’est très clair.
M. Charles de Courson
…et une minorité encore plus réduite dans le pays – puisque les intentions de vote de nos concitoyens en votre faveur sont tombées à 20 %. Vous êtes fragilisés sur la question budgétaire et, comme pour la réforme des retraites, vous pointez du doigt les oppositions pour museler la parole dans votre propre camp.
En effet, si vous aviez réellement voulu négocier, vous auriez procédé comme pour la loi de finances rectificative de la fin de l’année 2022 ou la loi de finances de fin de gestion pour 2023. Vous auriez pu faire adopter un texte, grâce à l’abstention d’une partie des oppositions. Toutefois, cette stratégie ne fonctionne que si les trois groupes de la minorité présidentielle votent comme un seul homme. Or ce n’est plus le cas. Permettez-moi de donner un exemple : le groupe Démocrate, en commission des finances, a permis l’adoption de trois dispositions fiscales intéressantes, que le groupe LIOT soutenait également : l’indexation différenciée du barème de l’impôt sur le revenu, la création d’une taxe de 1 % sur les rachats d’actions et la suppression du recentrage du prêt à taux zéro. Tout cela a été balayé d’un revers de la main. En définitive, vous n’avez même pas écouté les positions de certains des membres de la minorité présidentielle.
Enfin, malgré le recours au 49.3, ce projet de loi de finances ne permet pas de redresser les finances publiques. En premier lieu, les hypothèses macroéconomiques retenues par le Gouvernement sont trop optimistes, comme nous l’avions souligné lors du débat initial – les faits l’ont confirmé par la suite. La publication récente par l’Insee des principaux indicateurs conjoncturels montre que le scénario est d’ores et déjà entaché d’erreurs. Au troisième trimestre 2023, la croissance économique est estimée à – 0,1 %, soit une croissance en volume pour l’année 2023 de 0,8 %. Ainsi, votre scénario qui prévoyait une croissance de 1 % demeure irréaliste et supérieur à toutes les prévisions des économistes.
Ensuite, le taux de chômage, qui s’établit à 7,4 %, commence à remonter par rapport au trimestre précédent et la Banque de France elle-même estime qu’il atteindra 7,7 % à la fin de l’année 2024.
Enfin, vous prévoyez que l’inflation pourrait s’établir à 2,6 % en 2024 : bien que la décélération soit incontestable, votre prévision est hasardeuse. Au troisième trimestre 2023, l’inflation était encore à 3,5 % en glissement annuel. Dans le même temps, la BCE indiquait qu’elle maintiendrait ses taux directeurs au moins jusqu’à la fin du premier semestre 2024. De plus, de grandes incertitudes pèsent sur le prix du pétrole, comme l’atteste la volatilité du cours du baril de Brent depuis le début de l’été 2023.
Les finances publiques restent très détériorées. En 2024, le déficit effectif de l’État sera de 146,9 milliards d’euros, ce qui nécessitera un programme d’émission de la dette d’État de 285 milliards d’euros – nous rivalisons avec les Italiens pour savoir qui émettra le plus ! Nous paierons 51 milliards d’euros d’intérêts, soit un montant qui représente deux fois le budget dédié à la mission Sécurités. Le ratio d’endettement reste stable entre 2023 et 2024, pour atteindre 109,7 %, alors qu’il diminue chez l’ensemble de nos partenaires européens. Comme l’a rappelé notre collègue Véronique Louwagie, nous serons parmi les trois ou quatre mauvais élèves, voire, d’ici à deux ans, le plus mauvais élève de la classe européenne. Par ailleurs, cette réduction ne résulte pas du tout d’un effort structurel de votre part, mais bien d’une conjoncture qui s’est révélée moins difficile que prévu.
Dans le même temps, vous n’avez pas tenu vos engagements de 2017 relatifs à la baisse de deux points du taux des prélèvements obligatoires : ce ratio demeure supérieur à 44 % du PIB, contre 44,6 % à la fin de l’année 2016. Vous prétendez avoir réduit les prélèvements obligatoires de 50 milliards d’euros depuis votre arrivée au pouvoir, alors qu’ils représentent toujours plus de 44 % du PIB, je le répète – vous n’avez donc en rien réduit la pression fiscale dans le pays ! Tout au plus avez-vous empêché qu’elle n’augmente !
Permettez-moi d’ajouter un mot, enfin, sur les autres secteurs d’administration publique. Non seulement la réforme des retraites ne rapportera rien en 2024, mais elle entraînera un coût de 200 millions. Pourtant, vous continuez d’espérer qu’à l’avenir, elle dégagera 1 milliard d’économies par an, tandis que vous ponctionnerez 2,6 milliards d’euros à l’Unedic, organisme endetté pour plus de 50 milliards, ce qui, entre parenthèses, ne change rien au déficit global des finances publiques.
De même, vous entendez contraindre, d’une manière ou d’une autre, la croissance des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales, en violation du principe de libre administration, et en oubliant que la règle d’or des finances locales qui, elle, s’applique aux collectivités territoriales, protège les finances publiques.
Hors éléments exceptionnels, vous avez perdu le contrôle de la dépense publique. En effet, vous dépenserez 1 624 milliards d’euros en 2024, soit 100 milliards de plus que fin 2022 ! Selon le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), les dépenses augmenteront en 2024 de 4,8 % en valeur, une fois neutralisées les mesures exceptionnelles de soutien, c’est-à-dire plus rapidement que la croissance du PIB qui est évaluée à 4 %. La part des recettes dans le PIB stagne, tandis que la dépense publique continue de croître : votre politique porte donc en elle le germe du déficit.
Vous avez refusé des propositions d’économies et de nouvelles recettes, pourtant essentielles à l’équilibre des comptes publics. Pour mémoire, nous avons proposé des mesures fortes sur la fiscalité du patrimoine mobilier et des bénéfices exceptionnels. Je pense notamment à l’augmentation de deux points du prélèvement forfaitaire unique, à l’instauration d’une contribution exceptionnelle sur les superprofits, à la hausse de 3 à 5 % du taux de la taxe sur les entreprises du numérique, dite taxe Gafa, et à l’extension de la taxe sur les transactions financières. Nous avions également proposé le maintien des recettes de CVAE au niveau de l’an dernier, ce qui aurait permis d’économiser 1 milliard d’euros en 2024, ainsi qu’une réforme du crédit d’impôt recherche, ce qui aurait empêché une augmentation de 465 millions supplémentaires de ces crédits en 2024. Ces propositions participaient non seulement à l’amélioration des comptes publics, mais également à davantage de justice fiscale dans notre pays.
En conclusion, malgré quelques avancées, le déni de démocratie que constitue le recours permanent au 49.3 et l’absence de redressement significatif des finances publiques justifient l’appréciation globalement négative du groupe LIOT sur le projet de loi de finances pour l’année 2024. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. – Mme Ségolène Amiot applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Nadia Hai.
Mme Nadia Hai
Nous sommes ici pour débattre d’une motion de censure déposée par la NUPES sitôt que la procédure d’adoption de la seconde partie du projet de loi de finances par le 49.3 a été déclenchée par le Gouvernement…
Mme Élise Leboucher
Sitôt le recours au 49.3 !
Mme Nadia Hai
Cette énième motion de censure vide de son sens l’exercice même du droit de l’opposition, car en l’utilisant de façon systématique et mécanique, en réflexe quasi pavlovien, vous jetez le discrédit sur ce procédé important de nos institutions.
M. Jean-Paul Lecoq
Le 49.3 est obsolète et antidémocratique ! Il ne devrait pas exister !
Mme Nadia Hai
La motion de censure n’a de sens que s’il existe une majorité alternative. Or ce n’est pas le cas. Plus encore, le Gouvernement ayant déjà engagé sa responsabilité sur la première partie du texte, il allait de soi qu’il en serait de même pour la seconde partie. Puisque les recettes sont adoptées, il est cohérent que les dépenses le soient également.
Cette motion de censure ne revêt donc ni sens politique ni logique : elle est devenue une coquetterie de l’opposition, qui cherche à exister à tout prix plus qu’à défendre l’intérêt du pays.
Vous répétez que le 49.3 a été utilisé à de nombreuses reprises : mais à qui la faute ? (« À vous ! » sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES.)
M. Jean-Paul Lecoq
Au peuple, qui ne vous a pas accordé la majorité !
Mme Nadia Hai
C’est la faute de ceux qui refusent le débat et qui annoncent d’emblée que les textes budgétaires présentés par le Gouvernement ne seront pas votés : voilà la véritable cause ! Le Gouvernement et la majorité refusent catégoriquement de priver le pays d’un budget de fonctionnement : la nation en a besoin et notre responsabilité est de le lui donner.
Nous refusons que les salaires des fonctionnaires soient suspendus aux atermoiements politiques d’une opposition qui n’arrive même pas à distinguer l’intérêt du pays de la posture politicienne !
M. Nicolas Sansu
Il faut gagner les élections, dans ce cas !
Mme Nadia Hai
Nous refusons que les missions budgétaires de la santé, de la sécurité, de l’éducation ou encore de la culture soient suspendues à cette logique de blocage.
Mme Ségolène Amiot
Mais du coup, on n’en discute même pas !
Mme Nadia Hai
L’incohérence des motions de censure est désormais révélée aux Français, qui ont bien compris que vous ne les inscriviez à l’ordre du jour que par obsession d’occuper les micros. Vous cherchez par tous les moyens du temps de parole et des tribunes, au détriment de l’efficacité du travail parlementaire et de l’intérêt des Français. Cela commence à se voir grossièrement, chers collègues !
Mme Ségolène Amiot
Par exemple, vous avez cinquante minutes de temps de parole alors que nous en avons eu dix !
Mme Nadia Hai
Et, s’il vous plaît, ne nous faites plus le coup du débat : ne venez plus nous dire que le 49.3 vous prive d’un débat ! Il y a une semaine, nous vous avons offert un débat sur un plateau d’argent !
M. Paul Vannier
Un débat sur la préférence nationale !
Mme Nadia Hai
Un débat sur le projet de loi relatif à l’immigration. Mais vous l’avez refusé !
M. Sébastien Peytavie
C’est le RN !
Mme Nadia Hai
Alors, ne nous donnez pas de leçons sur le sujet. Vous n’êtes plus crédibles !
Le budget pour 2024 est celui de la responsabilité.
M. Jean-Paul Lecoq
Vous allez recevoir le prix de l’humour !
Mme Nadia Hai
Responsabilité vis-à-vis des finances publiques et responsabilité vis-à-vis des Français. Il assure un équilibre entre, d’une part, le nécessaire désendettement de notre pays et, d’autre part, la nécessité de protéger les Français. Nous avons pu dégager une économie de 16 milliards d’euros, ce qui permet d’investir dans les services publics tout en réduisant le déficit à 4,4 % du PIB en 2024.
M. Paul Vannier
Vous supprimez des postes partout ! On en compte 2 000 de moins dans l’éducation nationale !
Mme Nadia Hai
C’est une première étape pour atteindre notre objectif de 2,7 % en 2027. Tous les budgets principaux de l’État sont en augmentation par rapport à l’année dernière – c’est l’objet de la seconde partie du projet de loi de finances qui a été adopté.
Le budget qui nous est proposé constitue un budget de protection, un budget de solidarité et un budget d’avenir.
En premier lieu, c’est un budget de protection des Français. L’année 2024 sera celle d’une mobilisation générale en faveur de la sécurisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris. Sans oublier que les policiers et les gendarmes restent engagés sur tous les fronts, qu’il s’agisse du grand banditisme, du trafic de stupéfiants ou encore de la sécurité du quotidien mais également de la menace terroriste et de la lutte contre l’islamisme radical.
M. Jean-Paul Lecoq
Voulez-vous que nous parlions du prix des billets pour les Jeux ? Qui pourra se permettre d’assister aux épreuves ?
Mme Nadia Hai
Permettez-moi de rendre un hommage appuyé et solennel à toutes ces femmes et ces hommes qui œuvrent au quotidien pour assurer la sécurité de tous les Français. C’est l’honneur de notre assemblée de faire tout son possible pour leur accorder les crédits nécessaires à leurs missions.
M. Jean-Paul Lecoq
Et le doublement du prix du ticket de métro, voulez-vous que nous en parlions ?
Mme Nadia Hai
À ce titre, il me paraît important que la mobilisation en leur faveur se poursuive, avec une attention particulière accordée aux conditions d’indemnisation de leurs missions exceptionnelles durant les Jeux olympiques.
Et parce qu’une politique de sécurité n’est efficace que si elle s’accompagne d’une justice puissante, les crédits de la mission Justice connaissent une hausse et atteignent un niveau historique de 10,9 milliards d’euros. Vous pouvez sourire, monsieur Dessigny, mais c’est la vérité.
M. Manuel Bompard
Vous lui avez offert sur un plateau d’argent !
Mme Nadia Hai
Les crédits de la mission Justice ont atteint un niveau historique !
Il s’agit ensuite d’un budget de solidarité envers nos concitoyens. Ainsi, la mission Handicap et dépendance disposera de 400 millions d’euros fléchés vers le dispositif MaPrimeAdapt’.
M. Jean-Paul Lecoq
Faites preuve d’un peu d’humilité !
Mme Nadia Hai
C’est également un budget de solidarité envers la jeunesse étudiante : 819 millions d’euros seront consacrés aux bourses attribuées sur critères sociaux. C’est aussi un budget de solidarité en faveur des sans-abri : 203 000 places seront proposées en 2024 au sein du parc d’hébergement d’urgence.
M. Jean-Paul Lecoq
C’est indécent ! Toutes les villes manquent de capacité d’accueil !
Mme Nadia Hai
Permettez-moi d’évoquer encore l’augmentation significative des fonds dédiés aux solidarités alimentaires.
Ce sont autant de dépenses majeures destinées au quotidien des Français, qui impriment la solidarité de la nation et qui tentent de répondre à leurs préoccupations de santé publique et de solidarité…
M. Paul Vannier
Qu’est ce ça fait de voter Le Pen ?
Mme Nadia Hai
…et de faire face aux urgences conjoncturelles, à l’image de la création d’un fonds d’urgence pour aider les familles les plus précaires.
Qu’avez-vous à dire contre ces mesures ? Pourquoi voulez-vous les censurer ? Plutôt que de vous perdre en palabres dans l’hémicycle, je vous invite à aller sur le terrain pour vous assurer de la bonne mise en œuvre de ces mesures. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES.)
M. Jean-Paul Lecoq
Nous, on y est !
Mme Nadia Hai
N’est-ce pas là l’une des principales missions des parlementaires ?
Enfin, c’est un budget d’avenir. Le travail sur l’avenir du pays ne doit pas être l’otage des postures politiciennes. Notre responsabilité est immense : les Français se souviendront de cette inertie délétère que les oppositions veulent imposer à la France en confondant prérogatives parlementaires et obstruction de principe.
M. Paul Vannier
Alors que la commission mixte paritaire que l’on sait se déroule à côté, c’est cocasse !
Mme Nadia Hai
Comment appeler cela autrement quand ces mêmes oppositions refusent d’adopter les budgets de l’éducation, laquelle connaît une augmentation historique de ses crédits, soit 4,4 milliards d’euros supplémentaires pour 2024 ? La priorité est donnée à la jeunesse, c’est-à-dire à l’éducation et à l’école, qui représentent le premier budget de l’État.
M. Paul Vannier
Combien de postes en moins à l’éducation nationale ?
Mme Nadia Hai
L’éducation de nos enfants est l’un des plus beaux investissements pour le rayonnement de la France. Comment refuser d’adopter ces budgets essentiels ? Le projet de loi de finances pour 2024 comprend la revalorisation historique des rémunérations des enseignants dès la rentrée scolaire, notamment grâce à la mise en place du pacte enseignant pour un coût de 2,8 milliards d’euros ; une augmentation de 100 euros nets mensuels pour tous les enseignants grâce au doublement de la prime valorisant le suivi des élèves ; une rémunération minimale…
M. Paul Vannier
Est-ce que vous avez entendu parler de l’inflation, madame ?
M. Jean-Paul Lecoq
Et les salaires ?
Mme Nadia Hai
J’y arrive, monsieur Lecoq, ne soyez pas pressé : une rémunération minimale de 2 100 euros en début de carrière pour un professeur des écoles.
M. Paul Vannier
C’est faux !
Mme Nadia Hai
Enfin – j’espère que vous y serez sensible –, il est prévu une rémunération minimale de 2 466 euros pour les enseignants nouveaux titulaires en REP+ – réseau d’éducation prioritaire renforcé.
M. Jean-Paul Lecoq
Vous avez oublié de dire « brut » !
Mme Nadia Hai
L’avenir, c’est également notre responsabilité écologique. À ce titre, des crédits très importants sont consacrés à la rénovation énergétique : plus de 1,6 milliard d’euros pour la rénovation des bâtiments et des logements privés et plus de 300 millions d’euros pour la rénovation énergétique des bâtiments de l’État.
M. Paul Vannier
Il faut conclure : la Première ministre doit aller voir M. Ciotti !
Mme Nadia Hai
Il en va de même pour la protection de l’environnement – plus de 400 millions d’euros pour la protection des forêts et la transition de l’agriculture, plus de 300 millions pour la protection de la biodiversité, 500 millions pour le plan Eau –, ou encore pour le verdissement de l’économie – 1,7 milliard d’euros pour la compétitivité verte, par exemple. Il en va de même pour la culture. Je pense à la création artistique, au pass culture et à l’audiovisuel public.
M. Jean-Paul Lecoq
Tout ce qu’on a raté !
Mme Nadia Hai
Il faut également mentionner ici le soutien sans faille que cette majorité apporte aux collectivités. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES.) Au total, on compte plus de 54 milliards d’euros de concours financiers de l’État aux collectivités territoriales.
Dans la même lignée, la transformation publique se trouve renforcée, notamment grâce aux crédits d’investissement immobilier supplémentaires destinés à accélérer la rénovation immobilière des casernes de gendarmerie.
M. Jocelyn Dessigny
Vous n’allez pas oser, quand même !
M. Yannick Monnet
Allez voir les pompiers !
Mme Nadia Hai
Allez donc voir les gendarmes et dites-leur que vous ne souhaitez pas la rénovation de leurs casernes, où sont logées leurs familles.
M. Paul Vannier
Vous faites ça chez Fabrice Brun ou chez Philippe Brun ?
Mme Nadia Hai
Allez dire cela aux gendarmes, ayez le courage de les affronter et de leur dire que vous refusez d’adopter ce budget.
M. Jocelyn Dessigny
Oh non !
M. Jean-Paul Lecoq
Allez dire aux gendarmes que vous ne nous avez pas permis de débattre du budget !
M. Jocelyn Dessigny
Madame la présidente, on a dépassé les dix minutes !
Mme la présidente
L’oratrice dispose de cinquante minutes. S’il vous plaît, on écoute Mme Hai.
Mme Nadia Hai
Si vous pouviez juste supporter encore quelques minutes, c’est presque terminé. Je sais que c’est difficile d’entendre la vérité et la réalité des choses, mais je vais continuer (Applaudissements sur les bancs du groupe RE).
De fait, quand on regarde le budget, on n’a aucune raison de s’y opposer. On peut se dire qu’on peut toujours faire mieux, c’est vrai. On peut faire plus vite, c’est certain aussi. Mais la réalité, c’est que le compte y est, compte tenu de l’état de nos finances publiques.
M. Jean-Paul Lecoq
Et les impôts sur les riches ! Vous avez oublié les riches.
Mme Nadia Hai
Vous l’aurez compris, chers collègues, ce texte budgétaire, auquel les Français sont très attentifs, n’omet aucun secteur. Il n’oublie personne sur le chemin,…
M. Jean-Paul Lecoq
Si, les riches !
Mme Nadia Hai
…il est cohérent et ambitieux, sans affecter la fiscalité de nos concitoyens ni leur pouvoir d’achat. Cette motion de censure n’a donc aucun sens, aucun intérêt, tant aucun budget alternatif viable et sérieux pour le pays n’existe ni n’est proposé : aucun, mes chers collègues, si ce n’est le delirium des uns qui impliquerait des dépenses publiques excessives – au risque d’asphyxier littéralement notre trajectoire budgétaire –, ou le delirium des autres – qui imposerait une fiscalité tout aussi insoutenable pour nos concitoyens.
Mme Christine Arrighi
De qui parlez-vous ?
M. Jean-Paul Lecoq
Et les recettes ?
Mme Nadia Hai
Plus encore, qu’attendez-vous du vote d’une motion de censure, la vingtième d’une longue série ! Si vous entendez sanctionner le Gouvernement, quel est donc le gouvernement alternatif que vous souhaitez nous proposer ?
Plusieurs députés du groupe LFI
Le nôtre !
Mme Nadia Hai
Pensez-vous qu’il soit sérieusement possible de confier le pays à l’une de ces deux figures narcissiques que nous avons de part et d’autre de l’hémicycle, et qui tous les matins regardent leur miroir et lui demandent : « miroir, mon beau miroir, dis-moi qui est le Premier ministre » ?
M. Jocelyn Dessigny
Vous parlez de M. Macron et de M. Darmanin, peut-être ?
Mme Nadia Hai
Pensez-vous qu’il soit sérieusement possible de confier le pays à celui qui voudrait mettre la haine de l’autre au top des tendances…