Troisième séance du jeudi 06 juin 2024
- Présidence de M. Sébastien Chenu
- 1. Accompagnement des malades et de la fin de vie
- Discussion des articles (suite)
- Article 6 (suite)
- Amendement no 1397
- M. Olivier Falorni, rapporteur général de la commission spéciale
- Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités
- Amendements nos 2206, 2511 et 2638
- Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure de la commission spéciale
- Amendements nos 1460, 2207, 65, 564, 718, 1194, 1335, 1517, 1930, 2304, 2548, 2697, 2942 et 3186
- Mme Agnès Firmin Le Bodo, présidente de la commission spéciale
- Amendements nos 1984, 14, 842, 1683, 2585, 3188, 3189, 578, 1664, 67, 1014, 1518, 2698, 1281, 1246, 1321, 2132, 2653, 2940, 3390, 2210, 2211, 905, 70, 2042, 2175, 155, 2944, 2421, 576, 352 et 1312
- Article 6 (suite)
- Discussion des articles (suite)
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de M. Sébastien Chenu
vice-président
M. le président
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures quarante-cinq.)
1. Accompagnement des malades et de la fin de vie
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie (nos 2462, 2634).
Discussion des articles (suite)
M. le président
Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 1397 à l’article 6.
Article 6 (suite)
M. le président
L’amendement no 1397 de Mme Marie-France Lorho est défendu.
M. le président
La parole est à M. Olivier Falorni, rapporteur général de la commission spéciale, pour donner l’avis de la commission.
M. Olivier Falorni, rapporteur général de la commission spéciale
Avis défavorable
M. le président
La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités, pour donner l’avis du Gouvernement.
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités
Même avis.
(L’amendement no 1397, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
Sur les amendements identiques nos 2206, 2511 et 2638, je suis saisi par les groupes La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale, Socialistes et apparentés et Écologiste-NUPES d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 2206, 2511 et 2638.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour soutenir l’amendement no 2206.
Mme Marie-Noëlle Battistel
Il vise à préciser que l’affection grave et incurable ouvrant l’accès à l’aide à mourir peut avoir diverses causes, tant pathologiques qu’accidentelles. La rédaction actuelle, qui ne précise pas la nature de l’affection visée, laisse entendre que toutes les causes sont comprises ; nous aimerions que vous nous confirmiez que tel est le cas, car la réponse reste floue malgré nos divers échanges sur le sujet. Je précise que l’amendement reprend une proposition de l’Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD).
M. le président
La parole est à Mme Danielle Simonnet, pour soutenir l’amendement no 2511.
Mme Danielle Simonnet
Je me félicite que nous n’ayons pas restauré le critère selon lequel le pronostic vital d’une personne doit être engagé à court ou moyen terme pour qu’elle ait accès à l’aide à mourir. La rédaction actuelle indique que la personne doit souffrir d’une affection grave et incurable et que son pronostic vital doit être engagé. Nous souhaiterions faire suivre les mots « affection grave et incurable » par les mots « quelle qu’en soit la cause ».
M. le rapporteur général a précisé que, selon lui, la définition d’affection admettait des causes pathologiques et des causes accidentelles. Si ces amendements identiques sont adoptés, cela sera précisé dans le texte. Madame la ministre, dans l’hypothèse malheureuse où ils ne le seraient pas, pouvez-vous nous préciser ce que vous entendez par affection ? Cette notion intègre-t-elle selon vous les causes accidentelles comme les causes pathologiques ? Je rappelle qu’un accident peut entraîner des conséquences réellement catastrophiques pour la victime. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)
M. René Pilato
Très bonne question !
M. le président
La parole est à Mme Julie Laernoes, pour soutenir l’amendement no 2638.
Mme Julie Laernoes
Madame la ministre, nous avons tenu à deux reprises, en commission spéciale puis en séance publique, des débats apaisés quant à la notion de pronostic vital engagé à moyen terme. À deux reprises, les députés ont choisi de formuler autrement les conditions d’accès à l’aide à mourir. Vous avez saisi la Haute Autorité de santé (HAS) pour qu’elle définisse la notion de moyen terme. Ma question est simple : respecterez-vous l’avis exprimé à deux reprises par la représentation nationale et annulerez-vous votre demande auprès de la HAS, qui n’a plus lieu d’être ?
Quant à l’amendement, mes collègues l’ont très bien défendu. Il convient de préciser que la cause de l’affection n’importe pas, de manière à couvrir non seulement les cas pathologiques, mais aussi les cas où le pronostic vital d’une personne est engagé à la suite d’un grave accident.
M. le président
La parole est à Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure de la commission spéciale pour les articles 4 quater à 6, pour donner l’avis de la commission.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure de la commission spéciale
La rédaction actuelle, en ne précisant pas la cause de l’affection, permet de répondre à la majorité des situations auxquelles le cadre législatif en vigueur n’apporte pas de solution. Demande de retrait ou avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Ces amendements identiques visent à préciser que l’affection grave et incurable peut avoir diverses causes, pathologiques comme accidentelles. Comme vous l’indiquez, la rédaction actuelle ne précise pas la cause de l’affection. Dans l’immense majorité des cas envisagés, les personnes qui seront éligibles à l’aide à mourir souffriront d’une affection d’origine pathologique ne résultant pas d’un accident – cancer, sclérose latérale amyotrophique (SLA), pathologie chronique d’un organe vital telle que la fibrose pulmonaire idiopathique –, mais il ne saurait être exclu qu’un patient souffrant d’une pathologie résultant d’un accident puisse, dans certains cas précis, être éligible à l’aide à mourir.
Il en sera ainsi, par exemple, lorsqu’un patient, à la suite d’un accident, est atteint d’une pathologie fortement invalidante, avec suppléance d’une fonction vitale. Je pense aux patients dont le cas nécessite l’alimentation et l’hydratation artificielles par sonde nasogastrique – un tube passant par la narine et allant jusqu’à l’estomac – ou l’usage d’une sonde de gastrostomie, et qui décideraient d’interrompre la suppléance. Dans un tel cas, l’arrêt de la suppléance entraînera l’engagement du pronostic vital à court terme et rendra la personne éligible à l’aide à mourir.
La rédaction actuelle, qui ne précise pas la cause de l’affection, nous paraît adaptée, car nous souhaitons ouvrir la possibilité de répondre à diverses préoccupations, parmi lesquelles celle que vous mentionnez. Je vous propose donc de retirer vos amendements, à défaut de quoi mon avis sera défavorable.
Madame Laernoes, je ne retirerai pas ma demande auprès de la HAS. À la suite d’une proposition de M. le rapporteur général, l’Assemblée nationale a choisi d’ajouter l’engagement du pronostic vital aux critères d’accès ; je m’en étais d’ailleurs remise à la sagesse de votre assemblée sur ce point. Cela dit, je pense que la représentation nationale, les médecins et les Français n’ont rien à perdre à recevoir une explication de la Haute Autorité de santé. Chacun a pu constater combien il est difficile de choisir une formulation adaptée ; il me semble donc opportun de demander à des spécialistes d’éclairer nos débats. Je rappelle qu’après avoir été examiné en première lecture par l’Assemblée nationale, le projet de loi fera l’objet d’une première lecture au Sénat, puis d’une deuxième lecture dans les deux chambres. Si les parlementaires sont de mieux en mieux informés, cela sera bénéfique pour tout le monde.
M. le président
La parole est à Mme Danielle Simonnet.
Mme Danielle Simonnet
Je ferai deux remarques. Premièrement, je remercie Mme la ministre d’avoir précisé ce que recouvre pour elle la notion d’affection et d’avoir reconnu que, dans bien des cas, les affections d’origine accidentelle méritent d’être prises en considération. Il me semble que la représentation nationale ferait bien de confirmer cette interprétation en l’inscrivant dans la loi, et qu’il convient donc non de retirer les amendements, mais de les adopter.
Deuxièmement, Mme Laernoes vous a demandé d’annuler la commande que vous avez faite à la HAS de définir le moyen terme, puisque ce terme ne fait plus partie du texte. Notre assemblée en a décidé ainsi. Vous vous obstinez à solliciter la réponse de la Haute Autorité de santé, mais vous savez comme moi que la HAS devra construire une position en la matière. Il n’y a pas de définition scientifique fiable du moyen terme ; si c’était le cas, nous en aurions connaissance. Pourquoi lui demander de se livrer à une telle étude, alors que la représentation nationale a refusé cette formulation ? (M. Emmanuel Fernandes applaudit.)
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 2206, 2511 et 2638.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 77
Nombre de suffrages exprimés 76
Majorité absolue 39
Pour l’adoption 21
Contre 55
(Les amendements identiques nos 2206, 2511 et 2638 ne sont pas adoptés.)
M. le président
Sur les amendements no 65 et identiques, je suis saisi par le groupe Écologiste-NUPES d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je suis saisi de deux amendements, nos 1460 et 2207, pouvant être soumis à une discussion commune.
L’amendement no 1460 de Mme Cécile Rilhac est défendu.
La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour soutenir l’amendement no 2207.
Mme Christine Pires Beaune
Je voudrais être sûre de bien vous avoir comprise, madame la ministre ; vous proposez que les personnes accidentées qui ont besoin d’une sonde pour suppléer à un organe interrompent la suppléance pour que leur pronostic vital soit engagé, ce qui les autorisera enfin à demander l’aide à mourir ? Est-ce bien cela ?
L’amendement vise à supprimer les mots « en phase avancée ou terminale ». Je rappelle que l’affection grave et incurable est constatée par le médecin et non par le patient ; souffrir d’une telle affection devrait suffire pour avoir accès à l’aide à mourir. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et LFI-NUPES.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure
Vous souhaitez que l’aide à mourir soit accessible à toute personne souffrant d’une affection grave et incurable, sans notion de temporalité. Cela élargirait considérablement le champ des personnes éligibles à l’aide à mourir puisque, dès l’annonce d’une maladie grave et incurable, la personne pourrait y accéder dès lors que les autres conditions sont remplies. Avis défavorable.
(Les amendements identiques nos 1460 et 2207, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)
M. le président
Je suis saisi de douze amendements identiques, nos 65, 564, 718, 1194, 1335, 1517, 1930, 2304, 2548, 2697, 2942 et 3186.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 65.
M. Thibault Bazin
L’alinéa 7 reste flou malgré l’adoption de l’amendement no 1723 de Mme Bannier, puisqu’il contient toujours la notion très vague de phase avancée et que l’engagement du pronostic vital n’est précisé par aucun horizon temporel. Il pourrait donc recouvrir un grand nombre de situations où la personne est loin de la fin de vie. Sans parler de l’omission fortement préjudiciable de la notion de court terme, il convient au moins de supprimer les mots « phase avancée » et de s’en tenir à la phase terminale de l’affection, qui correspond davantage à la fin de vie. C’est ce que vise cet amendement, qui permet de mieux encadrer le dispositif et de répondre à une indétermination que Mme la ministre a bien décrite.
On nous appelle à légiférer sur des termes mal définis. Vu l’importance du sujet, je trouve cela très inquiétant.
M. le président
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 564.
M. Patrick Hetzel
La rédaction de l’article n’est pas satisfaisante car elle contient des imprécisions majeures. D’ailleurs, le vote d’amendements en discussion commune par lequel nous avons conclu la séance de l’après-midi montre bien que les concepts employés dans le texte restent très flous.
En l’occurrence, la notion d’affection « en phase avancée ou terminale » est trop large. Pour notre part, nous souhaitons restreindre le champ du dispositif. Madame la ministre, vous avez affirmé que le Gouvernement défendait un texte équilibré, mais nous voyons bien qu’il n’en est rien et que le projet de loi, au fur et à mesure de son examen, s’écarte de plus en plus de tous les équilibres auxquels vous faites référence.
M. Marc Le Fur
Tout à fait !
M. Patrick Hetzel
Nos craintes se confirment. Le Gouvernement n’a pas suffisamment d’arguments pour défendre l’équilibre souhaité, y compris auprès de sa propre majorité. Il ne nous reste qu’à espérer que le Sénat fera preuve de plus de sagesse.
M. le président
La parole est à M. Julien Odoul, pour soutenir l’amendement no 718.
M. Julien Odoul
La notion de phase avancée pose problème car elle est indéfinissable. Ses limites tiennent au flou qui l’entoure. Les soignants, notamment ceux qui exercent en unité de soins palliatifs (USP), témoignent que la phase avancée d’une maladie peut s’éterniser et qu’il est impossible de la délimiter précisément. Or nous ne pouvons pas légiférer sur du flou.
Le terme de phase terminale est précis : on constate que le patient est en fin de vie. La notion de phase avancée, elle, laisse le champ ouvert. C’est problématique car cela augure de dérives qu’il importe d’éviter.
M. le président
La parole est à Mme Justine Gruet, pour soutenir l’amendement no 1194.
Mme Justine Gruet
Il s’agit de supprimer la référence à la phase avancée, cette notion ne renvoyant pas à un cadre précis. Si nous insistons sur la précision des termes employés, c’est pour sécuriser ceux qui devront s’y référer.
Le terme introduit également un biais dans la mise en place de soins appropriés. Une demande d’aide à mourir très précoce risque d’altérer la confiance qui doit caractériser la relation entre le thérapeute et le patient, obérant les choix thérapeutiques qui seront proposés à ce dernier. Si l’on s’en tient à la phase terminale, les choix curatifs ou palliatifs que le médecin proposera au patient seront plus adéquats.
M. le président
La parole est à Mme Sandrine Dogor-Such, pour soutenir l’amendement no 1335.
Mme Sandrine Dogor-Such
Tel qu’il est rédigé, l’article 6 permet à de très nombreuses pathologies chroniques de motiver des demandes d’aide à mourir, qui seraient largement anticipées. Cet amendement tend à y remédier.
M. le président
La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement no 1517.
M. Marc Le Fur
Je tiens à rappeler, pour que chacun, y compris à l’extérieur de cette enceinte, en soit conscient, que, lors du débat qui a précédé le dîner, vous avez été minoritaire dans votre majorité, madame la ministre. Une ministre minoritaire dans une majorité relative, ça finit par faire léger ! (Sourires et applaudissements sur les bancs des groupes LR et RN.) La seule solution, madame la ministre, c’est de les inviter à petit-déjeuner, à déjeuner et à dîner, comme cela a été fait récemment ! (Protestations sur les bancs des groupes RE et Dem.)
M. Joël Giraud
C’est absolument indécent !
M. Laurent Croizier
Ce n’est pas au niveau !
M. le président
Cela ne correspond pas vraiment au texte de votre amendement, monsieur Le Fur !
Les amendements nos 1930 de Mme Christine Loir et 2304 de Mme Marine Hamelet sont défendus.
La parole est à M. Philippe Juvin, pour soutenir l’amendement no 2548.
M. Philippe Juvin
Nous sommes sur un bateau qui prend l’eau de partout (Sourires sur les bancs du groupe LR) et nous essayons d’écoper pour limiter les dégâts.
Mme Anne Brugnera
Vous parlez de la situation des LR ?
M. Philippe Juvin
Nous aurions préféré que le bateau ne quittât pas le port, mais puisque vous avez pris cette décision… L’amendement vise à retirer la référence à la phase avancée pour ne laisser que celle à la phase terminale.
M. le président
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l’amendement no 2697.
M. Dominique Potier
La référence à la phase avancée de l’affection représente un recul par rapport au terme de phase terminale. On nous a proposé ce texte comme devant instaurer une loi d’exception, l’euthanasie devant répondre à des situations exceptionnelles. En commission et il y a quelques heures encore, on n’a cessé d’en ouvrir le champ ; mais plus on l’ouvrira, plus on affaiblira la dynamique consistant à apporter à chacun un accompagnement fraternel jusqu’au bout de la vie – celui des soins palliatifs, celui de l’endormissement permis par la loi Claeys-Leonetti. Nous sommes en train de changer de perspective, de changer de loi, de changer de paradigme. Ce pauvre amendement ne sert qu’à vous alerter sur cette dérive profonde. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Julien Odoul applaudit également.)
M. le président
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l’amendement no 2942.
M. Pierre Dharréville
Nous avons parlé durant plusieurs jours d’un projet de loi qui, en réalité, n’existe pas. Aujourd’hui, nous nous trouvons devant un texte sans rivages, qui va contribuer à un basculement éthique, bousculer notre rapport au soin et, sans doute, par certains aspects, notre vie sociale.
Pour moi, le message envoyé est terrible. En étant malade, on peut vivre, on peut avoir du bonheur, et parfois on peut guérir. La loi que nous sommes en train d’écrire va déboucher sur des réductions significatives de la durée de vie pour un nombre peut-être important de nos concitoyens. Il faut une loi plus protectrice et plus fraternelle.
Je propose de supprimer le terme de phase avancée – aussi mal défini d’ailleurs que celui de moyen terme.
M. le président
La parole est à M. Christophe Bentz, pour soutenir l’amendement no 3186.
M. Christophe Bentz
En l’état, l’alinéa 7 est flou, très flou, trop flou.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Et donc il y a un loup ?
M. Christophe Bentz
Après le vote de cet après-midi, il faut le restreindre encore et encore, quitte à rendre totalement inopérant le dispositif de l’aide à mourir – c’est en tout cas mon intention. Les termes de phase terminale et de court terme sont plus ou moins adéquats ; mais ceux de moyen terme – que nous avons supprimé tout à l’heure – et de phase avancée sont beaucoup trop imprécis et vagues. C’est pourquoi je propose de supprimer le mot « avancée ». (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN. – M. Marc Le Fur applaudit également.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure
Supprimer le mot « avancée » pour ne garder que le terme de phase terminale revient à restreindre considérablement le champ des possibilités.
M. Christophe Bentz
C’est l’objectif !
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure
Je l’ai bien compris. Cela exclurait de l’accès à l’aide à mourir des personnes en situation de souffrance insupportable et sans issue médicale.
Mme Natalia Pouzyreff
Eh oui !
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure
Le court terme correspond à la loi Claeys-Leonetti et non au texte que nous examinons.
M. Julien Odoul
Ce n’est pas la même chose !
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
À la sortie de la commission spéciale, il y a trois semaines, les députés LR n’avaient pas de mots assez forts pour regretter que l’idée de pronostic vital engagé ait été retirée.
M. Thibault Bazin
Le pronostic vital à court terme !
Mme Catherine Vautrin, ministre
À les entendre, les digues étaient tombées, le dispositif était ouvert à tous les vents, c’était catastrophique et ils ne pouvaient plus travailler sur le texte. Entre les débats en commission spéciale et le passage du texte en séance, nous avons travaillé et essayé d’écouter celles et ceux que vous convoquez depuis quinze jours : les médecins. Cependant, ce soir, vous semblez avoir perdu tout intérêt pour cet aspect : vous avez préféré utiliser une autre stratégie, celle de ne pas voter l’amendement qui permettait de revenir sur ce retrait que vous aviez tant regretté… (Protestations sur les bancs du groupe LR.)
Mme Natalia Pouzyreff
Eh oui !
M. Patrick Hetzel
N’accusez pas les autres de vos propres turpitudes !
Mme Catherine Vautrin, ministre
Puis-je terminer ?
M. le président
Seule la ministre a la parole ; vous vous exprimerez après !
Mme Catherine Vautrin, ministre
J’ai connu une époque où vous étiez plus corrects, vous laissiez les autres s’exprimer ! (Mêmes mouvements.) Il importe d’être logique : nous travaillons et tentons d’apporter des réponses, mais vous ne les acceptez pas. Cet après-midi, l’Assemblée a décidé de réintroduire dans le texte la référence au pronostic vital engagé – un élément important. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.)
Lorsque nous avons commencé l’examen du texte en séance, le 27 mai, chacun a insisté sur l’importance de ce débat et sur le respect, l’écoute et l’engagement qui devaient être les nôtres. J’imagine la réaction des patients qui nous écoutent et qui entendent M. Le Fur évoquer un petit-déjeuner, la minorité, la majorité… (Protestations sur les bancs du groupe LR.) Les Français s’en foutent, permettez-moi de vous le dire ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et SOC, ainsi que sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Ce qu’ils attendent de nous, monsieur Le Fur, c’est un peu de sérieux. Vous faites de l’obstruction sans rien proposer de constructif ; c’est votre choix, mais sachez qu’à un moment, les Français verront ceux qui ont travaillé sur le fond et ceux qui ont passé leur temps à jouer l’obstruction et l’outrance. Si c’est ce que vous voulez qu’on retienne de vous, c’est votre choix, tant pis pour vous ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. – M. René Pilato applaudit également.)
Mme Natalia Pouzyreff
Ce n’est vraiment pas au niveau !
M. le président
La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric Petit
Merci, madame la présidente ! Cette petite algarade…
M. le président
Non, monsieur Petit : madame la ministre ou monsieur le président, mais pas madame la présidente – ou alors ça n’ira pas entre nous ! (Sourires.)
M. Laurent Jacobelli
C’est le mauvais genre !
M. Frédéric Petit
Je vous prie de m’excuser, monsieur le président ! Pouvez-vous remettre mon compteur à zéro ?
M. le président
Non ! (Sourires.)
M. Frédéric Petit
Chers collègues, je voulais vous alerter sur la forme de notre réflexion. Nous examinons un article que le Conseil d’État n’a pas souhaité scinder et qui expose cinq conditions cumulatives pour bénéficier de l’aide à mourir. Nous sommes en train de parler de la troisième d’entre elles, que nous venons de renforcer – quoi qu’en disent les députés LR qui, de façon surprenante, n’ont pas voté pour la réintroduction de la référence au pronostic vital engagé –, mais elle est suivie par la quatrième. Cet après-midi, le rapporteur général a bien résumé la longue réflexion sur ce point : il ne faut pas parler du temps, mais de la trajectoire. Être en phase avancée ou terminale d’une affection, mais aussi présenter une souffrance intolérable sans solution, cela décrit une trajectoire. Il ne s’agit pas de préciser s’il reste deux ou trois mois à vivre, si le pronostic vital est engagé à court ou moyen terme : les conditions d’accès sont claires car elles sont cumulatives.
M. le président
La parole est à M. Stéphane Delautrette.
M. Stéphane Delautrette
Quand j’entends certains collègues de droite et d’extrême droite, en particulier M. Juvin, dire qu’ils cherchent à « limiter les dégâts », je me demande s’ils sont bien sérieux !
M. Patrick Hetzel, M. Xavier Breton et M. Julien Odoul
Oui, bien sûr !
M. Stéphane Delautrette
Ce sont donc là vos seuls arguments pour défendre votre position ?
Mme Stella Dupont
C’est pauvre ! C’est pathétique !
M. Julien Odoul
Nous ne sommes simplement pas d’accord avec vous !
M. Stéphane Delautrette
Je respecte les points de vue différents, mais dès lors qu’on les soutient par des arguments. Nous parlons de personnes en souffrance insupportable et sans aucune issue médicale. Le débat mérite d’être ramené à son juste niveau pour qu’on puisse enfin parler des situations de personnes qui attendent une loi susceptible de répondre à leurs problèmes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)
M. Julien Odoul
N’importe quoi !
M. le président
La parole est à Mme Natalia Pouzyreff.
Mme Natalia Pouzyreff
Messieurs LR et RN, vos sarcasmes et votre cynisme n’ont vraiment pas de place dans ce débat. On attend mieux ! Visiblement, vous n’avez pas apprécié le vote sur l’article 5 et sur les autres articles ; c’est pourquoi vous vous exprimez d’une façon fort peu respectueuse.
M. Laurent Jacobelli
Un exemple ?
Mme Natalia Pouzyreff
Vous prétendez que vous voulez réserver l’accès à l’aide à mourir aux personnes en phase terminale ; mais cette condition renvoie plutôt à la loi Claeys-Leonetti et à la sédation profonde et continue – que certains d’entre vous n’avaient même pas votée. Un peu de cohérence !
M. le président
La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre Dharréville
J’essaie, depuis le début de la discussion, d’argumenter. Nous parlons de personnes qui souffrent, qui peuvent être soulagées et accompagnées. La formule impliquant une affection « en phase avancée » ne correspond pas au titre de la loi, qui parle de « fin de vie ». La phase avancée d’une maladie ne recoupe pas forcément une fin de vie ; la formulation retenue est donc plus large encore que celle que le Gouvernement proposait à l’origine.
Quant à la réintroduction de la référence au pronostic vital, ne nous payons pas de mots, cette précision n’en est pas une : si l’on veut suivre cette logique, le pronostic vital est engagé dès la naissance, donc cette formule n’éclaire rien. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN et sur plusieurs bancs du groupe LR.)
M. Laurent Jacobelli
Bravo !
M. Julien Odoul
C’est exactement ça !
M. Pierre Dharréville
Malgré l’adoption de l’amendement portant sur le pronostic vital, je reste donc toujours aussi inquiet.
M. Laurent Croizier
Ce n’est pas sérieux !
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure
Vraiment pas !
M. le président
La parole est à M. Philippe Juvin.
M. Philippe Juvin
Sur la forme des débats, madame la ministre, vous m’excuserez de n’être pas de votre avis et de défendre une position différente de la vôtre.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Vous en avez parfaitement le droit !
M. Philippe Juvin
C’est ainsi, c’est le jeu démocratique, que vous le vouliez ou non. L’attitude de certains collègues me paraît particulièrement inconvenante : certains, dans cet hémicycle, traitent l’opposition d’« immonde » ; Mme Pouzyreff a déclaré que nous étions « cyniques » ; pour M. Delautrette, nous ne sommes absolument pas sérieux et nous ne prenons pas les choses avec la gravité nécessaire. C’est bien simple : vous appelez au sérieux et au respect de l’adversaire à condition que son avis soit identique au vôtre ! Mais nous n’avons pas le même avis que vous. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR et RN.)
M. Laurent Croizier
Mais non !
M. Philippe Juvin
Ensuite, nous souhaitions retenir le critère du pronostic vital engagé à court terme. Mentionner le pronostic vital sans horizon de temps, comme dans la rédaction actuelle, c’est absurde et idiot. En effet, comme l’a dit M. Dharréville, le pronostic vital est engagé dès la naissance.
Enfin, lors du débat qui a précédé le rejet de l’amendement no 2494, Mme la ministre elle-même a déclaré que l’expression « phase avancée » ne voulait rien dire. Désormais, l’expression « phase avancée » trouve une signification ; c’est tout à fait extraordinaire. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à M. Julien Odoul.
M. Julien Odoul
Madame la ministre et une partie de la majorité sont gagnées par une forme de fébrilité. (Exclamations sur les bancs du groupe RE.) Vous en venez à tenir des propos excessifs. Madame la ministre, souffrez de perdre des votes. Souffrez de voir des amendements du Gouvernement ne pas être adoptés par l’Assemblée.
Mme Catherine Vautrin, ministre
C’est normal !
M. Julien Odoul
Cela ne justifie pas que vous teniez des propos excessifs. Souffrez que nous n’ayons pas le même avis que vous !
Mme Natalia Pouzyreff
Ayez des arguments à la hauteur !
M. Julien Odoul
De même, chers collègues de la majorité, excusez-nous : certains, pas seulement sur les bancs des groupes LR et RN, mais aussi sur les bancs communistes ou socialistes, s’efforcent effectivement de limiter les dégâts. En effet, nous considérons que les orientations prises sur ce texte sont extrêmement graves et entraîneront des dérives que vous ne calculez pas et que vous ne prenez pas en considération. Nous n’avons effectivement pas les mêmes avis que vous, mais nous faisons valoir nos arguments dans le respect de vos positions. Les débats en témoignent.
Mme Natalia Pouzyreff
Non, vous n’êtes pas toujours respectueux !
M. Julien Odoul
Si, nos interventions ont toujours été respectueuses. Nous aimerions que le respect soit réciproque. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. Jocelyn Dessigny
Bravo ! Il a raison !
M. le président
La parole est à M. Hadrien Clouet.
M. Hadrien Clouet
Pour être un peu original, je parlerai des amendements en discussion.
M. Laurent Croizier
Merci !
M. Hadrien Clouet
Je n’arrive pas à m’expliquer pourquoi les auteurs des amendements souhaitent qu’une personne qui souffre, qui en témoigne et qu’on ne peut pas soigner, soit contrainte d’endurer un parcours de souffrance, le temps d’aller au bout de l’évolution d’une pathologie. En effet, c’est bien de cela que nous parlons dès lors que vous voulez restreindre l’aide à mourir à la phase terminale. Même si les conditions sont éprouvantes, voire insoutenables pour cette personne, si elle souffre horriblement, vous voulez l’obliger à parcourir tout le chemin de l’évolution de la pathologie, y compris si elle ne le souhaite pas et considère que cela ne correspond pas à ce qu’elle juge être sa propre dignité. Cela m’étonne. J’estime que ce serait un recul très important.
Pour en décider ainsi, il me semble qu’il faut estimer qu’il y a un principe d’ordre public, qu’on ne connaît pas, qui serait supérieur aux épreuves de la souffrance qu’endure un individu. Je ne le pense pas. Je ne pense pas que nous ayons de raison d’imposer un chemin de souffrance à qui que ce soit, or c’est ce qu’entraînerait l’adoption de ces amendements. J’espère donc qu’ils seront rejetés. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et SOC.)
M. le président
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.
Mme Emmanuelle Ménard
Madame la ministre, je vous ai écoutée avec beaucoup d’attention, mais je dois vous dire que votre intervention m’a choquée. Depuis près de deux semaines, nous débattons dans l’hémicycle de ce projet de loi sur la fin de vie, sur l’euthanasie et le suicide assisté ; nous ne pouvons pas traiter de tels sujets à la légère. Pourtant, vous parlez d’obstruction et de tactique – parlons-en donc, si vous voulez. Il y a une tactique qui consiste à adopter une position jusqu’au-boutiste en commission spéciale, pour qu’ensuite, dans l’hémicycle, quand on obtient une petite victoire en retrait, on se dise : « Ça y est, on a sauvé le monde ! » Nous ne sommes pas dupes de cette tactique, pas plus que nous le sommes de celle de la majorité, qui tantôt vote avec l’extrême gauche, puis pousse des cris d’orfraie en criant à la catastrophe et en se demandant s’il ne faut pas réintroduire la notion de « moyen terme », tout en s’en défendant, puisque la commission l’a supprimée.
Je vous demande donc un peu de clarté et d’honnêteté et surtout beaucoup de considération envers les patients, envers les personnels soignants, envers les Français pour résumer. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.)
M. le président
La parole est à Mme Geneviève Darrieussecq.
Mme Geneviève Darrieussecq
Je ne pensais pas prendre la parole sur ces amendements, espérant que nous nous accorderions pour décider rapidement de leur sort, après avoir débattu de ces questions pendant environ deux heures cet après-midi. Nous avons examiné tous les adjectifs qualificatifs possibles – tout le dictionnaire y est passé – ; ça fait partie du jeu ; c’est intéressant dans la mesure où cela permet de déployer les opinions des uns et des autres.
Désormais, je distingue bien quels sont ceux qui ne bougeront pas d’un iota, quelle que soit leur position initiale, et ceux qui veulent trouver un chemin de crête avec ceux qui sont encore dans l’incertitude et qui cherchent à faire ce qui est bon pour les patients. Nous devons trouver ce chemin. Nous devons non seulement nous écouter, mais éviter une obstruction pour laquelle nous pourrions parcourir tout le dictionnaire – le lexique de la langue française est très riche –, afin d’avancer progressivement mais avec intelligence en examinant les articles suivants. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem et RE.)
M. le président
La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo, présidente de la commission spéciale.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, présidente de la commission spéciale
Comme l’a fait M. Potier en défendant l’amendement no 2697, je veux faire appel à l’éthique de responsabilité. Ce que je vais dire ne concerne ni M. Potier ni M. Dharréville. Chers collègues du groupe LR, cet après-midi, vous avez voté contre l’amendement no 2494 du Gouvernement. (Protestations sur les bancs du groupe LR.)
M. Xavier Breton
Nous ne sommes pas favorables à cet amendement !
M. Patrick Hetzel
Nous ne sommes pas d’accord !
Mme Agnès Firmin Le Bodo, présidente de la commission spéciale
Vous avez ouvert la boîte de Pandore, alors que vous n’avez de cesse de dire qu’il ne faut pas l’ouvrir. Nous parlons ici de malades, de patients, de soignants. Je rejoins Mme Darrieussecq : nous essayons de nous tenir sur une ligne de crête pour examiner un projet de loi très difficile, sur lequel chacun d’entre nous a un avis. Vous voulez revenir au pronostic vital engagé « à court terme », c’est-à-dire que vous voulez vous en tenir à la loi Claeys-Leonetti, qui existe déjà ; certains d’entre vous l’ont votée ; certains d’entre vous étaient contre et maintenant la défendent corps et âme.
Mme Natalia Pouzyreff
Absolument !
Mme Agnès Firmin Le Bodo, présidente de la commission spéciale
Chacun doit désormais revenir à l’éthique de responsabilité qu’a convoquée Dominique Potier. Nous devons garder une ligne très claire : il est important de se tenir sur la ligne de crête, pour que cette loi soit acceptable pour nos concitoyens, pour les patients et pour les soignants. Voilà l’équilibre que nous défendons depuis le début. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)
M. le président
La parole est à Mme Astrid Panosyan-Bouvet.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet
Je m’inscris dans la continuité des propos de Mme Darrieussecq. Vous connaissez mes réserves sur ce projet de loi. Cependant – je m’adresse aux collègues du groupe LR, comme Philippe Juvin –, je reste dans le doute car je suis consciente des limites de la loi Claeys-Leonetti. Si vous voulez que les dispositions prévues ne s’appliquent que quand le pronostic vital est engagé à court terme, vous voulez vous en tenir à la loi Claeys-Leonetti. Or vous savez qu’il y a des cas auxquels les dispositions de cette loi n’apportent pas de solution. Que faisons-nous pour ces cas-là ? Je dois dire que je me retrouve davantage dans l’opposition raisonnable, mue par l’éthique de conviction mais aussi de responsabilité, qu’expriment Pierre Dharréville et Dominique Potier. En revanche, en demandant de nouveau de s’en tenir au court terme, vous dégradez le débat, car vous voulez vous en tenir à la loi Claeys-Leonetti alors que nous savons viscéralement qu’elle ne répond pas à toutes les situations. Notre devoir est d’essayer de répondre à toutes les situations dans le débat, dans le doute, mais dans la dignité. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.)
M. le président
La parole est à M. Xavier Breton.
M. Xavier Breton
La loi Claeys-Leonetti n’instaure pas une aide active à mourir. (Exclamations sur quelques bancs du groupe RE.) La comparaison s’arrête donc immédiatement. D’un côté, il y a l’aide active à mourir ; de l’autre, la sédation profonde et continue dans des cas précisément délimités, l’objectif n’étant pas de faire mourir, mais de soulager jusqu’à la mort. Lisez les interviews de Jean Leonetti, qui est frontalement opposé au projet de loi que nous examinons, ce qui montre bien que ce texte crée une « rupture anthropologique », selon ses propres mots.
Pourquoi étions-nous un certain nombre à voter contre la loi Claeys-Leonetti à l’époque ? Nous jugions que parmi les trois critères pour autoriser la sédation profonde et continue, l’un entraînerait une dérive euthanasique, à savoir le cas où le patient demandait l’arrêt de son traitement, d’où devait découler une douleur réfractaire et l’engagement du pronostic vital à court terme. Nous étions un certain nombre à considérer que, dès lors que le patient pouvait demander lui-même à arrêter son traitement, il y avait déjà la possibilité d’une dérive euthanasique, qui entraînerait – nous y sommes – un projet de loi qui déboucherait sur le suicide assisté et l’euthanasie.
Il me paraissait nécessaire de préciser les positions de chacun pour montrer qu’il y a bien une cohérence dans nos positions.
Mme Natalia Pouzyreff
Ça, c’est plus respectueux !
M. le président
La parole est à M. le rapporteur général
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Je désire apporter une précision, après les propos que j’ai entendus ce soir. La représentation nationale doit être respectée. Tous ceux qui n’ont pas voté l’amendement no 2494 du Gouvernement et qui ont voté pour l’amendement no 1723 de Mme Géraldine Bannier n’ont pas ouvert la boîte de Pandore, madame la présidente de la commission.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, présidente de la commission spéciale
Je parlais des députés du groupe LR !
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Nous n’avons pas ouvert la boîte de Pandore ! Je veux que cela soit dit dans cet hémicycle et qu’on respecte le vote de la représentation nationale. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, LR, Dem, SOC et HOR, ainsi que sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)
M. le président
La parole est à M. Jérôme Guedj.
M. Jérôme Guedj
Je n’avais pas prévu de revenir sur ce point, mais, monsieur le rapporteur général, j’ai voté contre l’amendement no 2494 du Gouvernement. En effet, j’estime que la rédaction « engageant son pronostic vital à court ou moyen terme » n’est pas adéquate. J’ai voté l’amendement no 1723 de Mme Géraldine Bannier, comme je me suis prononcé en faveur de l’amendement no 2574 de Mme Stéphanie Rist, car j’estime que la seule mention d’une affection « en phase avancée ou terminale » n’est pas adéquate non plus. J’ai parlé tout à l’heure d’une forme d’impasse ; je dirais que nous sommes dans un moment nodal. C’est un petit échec collectif – je ne jette la pierre à personne. Cela signifie que, avec les modifications apportées en commission spéciale ou les débats dans l’hémicycle, nous n’avons pas pris la mesure de ce que nous étions en train de faire. De même, il est dommage que la Haute Autorité de santé ait été saisie tardivement, madame la ministre ; j’aurais tellement aimé que nous soyons éclairés avant.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Moi aussi !
M. Jérôme Guedj
Oui, mais cela fait un an qu’on travaille sur ce texte. Là, nous légiférons un peu à l’aveugle. Je le redis donc, vive la navette parlementaire qui nous permettra de revenir sur ces critères ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC, ainsi que sur quelques bancs des groupes RE et LR.)
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 65, 564, 718, 1194, 1335, 1517, 1930, 2304, 2548, 2697, 2942 et 3186.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 108
Nombre de suffrages exprimés 103
Majorité absolue 52
Pour l’adoption 33
Contre 70
(Les amendements identiques nos 65, 564, 718, 1194, 1335, 1517, 1930, 2304, 2548, 2697, 2942 et 3186 ne sont pas adoptés.)
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 1984.
M. Thibault Bazin
J’espère qu’il me portera chance car ce numéro est celui d’une date qui m’est chère. (Sourires.) J’essaie de me concentrer sur le fond, car il s’agit de questions importantes. Je vous propose de retenir la notion de « phase terminale » qui est mieux définie et donc plus claire et plus intelligible – Mme la ministre ayant elle-même reconnu que la seule mention de la « phase avancée » n’était pas précise. Je rejoins Jérôme Guedj : il faudra que la navette précise ces formulations. Pour que le débat soit utile, nous devons adopter des formulations précises, car la loi doit être intelligible.
Un des précédents orateurs a mentionné la question du cumul des critères. Pour ma part, je m’inquiète de la conjugaison du critère que nous examinons, à savoir être atteint d’une affection « en phase avancée ou terminale » sans que le pronostic vital soit nécessairement engagé à court terme, avec le critère énoncé à l’alinéa 8, d’après lequel le patient doit présenter une souffrance « insupportable lorsque la personne ne reçoit pas de traitement ». Imaginez une personne qui souffre et qui ne reçoit pas de traitement ; peut-être n’a-t-elle pas accès aux soins palliatifs, ou n’y a-t-elle pas encore accès parce qu’ils ne sont pas encore déployés. Elle serait alors éligible alors que son pronostic vital n’est pas engagé à court terme. Cela pose vraiment question par rapport aux principes qui nous ont réunis autour du titre Ier.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure
L’amendement vise à modifier la rédaction actuelle qui dispose que, pour accéder à l’aide à mourir, l’affection peut être en phase avancée, sans être dans la phase terminale qui correspond aux derniers jours de la vie du malade. Votre amendement n’est sans doute pas à jour, puisque nous avons ajouté le critère du pronostic vital engagé. J’y suis défavorable car il introduit de la confusion.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
L’amendement vise à parler de « phase avancée et terminale », à la place de « phase avancée ou terminale ». Je suis défavorable à cette proposition de rédaction qui apporterait de la confusion.
Je souhaite revenir sur les commentaires que j’ai entendus. Monsieur Guedj, vous avez raison, ces discussions montrent bien que les définitions posent encore question. En arrivant, j’aurais pu me demander pourquoi la Haute Autorité de santé n’avait pas encore été saisie. L’usage, bon ou mauvais, veut qu’elle soit saisie après le début de l’examen du projet de loi. Cet après-midi, il a ainsi été rappelé que la Haute Autorité de santé avait donné son avis dix-huit mois après le vote de la loi Claeys-Leonetti.
Nous essayerons de faire mieux – ou moins mal. Il s’agit d’être le plus précis possible, car il y va du respect dû aux patients et aux médecins, lesquels se serviront des conditions de l’article 6 pour construire leur pratique.
L’organisation des travaux prévoit quatre lectures, parce que nous en avons besoin pour cheminer, sans forcément revenir sur chacun des amendements adoptés en commission ou en première lecture. Ainsi, des dispositions votées en commission n’ont pas fait l’objet de nouvelles discussions en séance. Les conditions du débat démocratique prévoient que, lorsque le Gouvernement propose un projet de loi au Parlement, il s’attend à ce que son texte soit amendé – sinon, je ne vois pourquoi le Gouvernement se présenterait devant le Parlement. Nous devons aux patients d’être concentrés sur le sujet. Je ne pense qu’à eux en ce moment. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)
Mme Stéphanie Rist
Bravo !
M. le président
La parole est à M. Patrick Hetzel.
M. Patrick Hetzel
L’amendement de Thibault Bazin mérite d’être examiné, car il a beaucoup de sens. Je souhaite maintenant revenir sur vos propos, en citant une formule juridique : nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. Analysez donc le rejet de l’amendement gouvernemental, dont vous avez voulu faire porter la responsabilité à ceux d’entre nous qui ne l’avons pas voté. Vous savez bien que cela ne correspond pas à la réalité. Chacun doit donc prendre ses responsabilités.
Nous vous avions clairement dit que nous souhaitions limiter l’aide à mourir au court terme. Comme il n’y a pas eu d’ouverture de la part du Gouvernement sur ce point, il fallait s’attendre à ce que nous votions contre l’amendement.
Selon vous, l’amendement n’a pas été adopté par la faute des Républicains…
Mme Catherine Vautrin, ministre
Je n’ai pas dit ça !
M. Patrick Hetzel
Regardez donc comment le vote s’est déroulé, et vous verrez que ce n’est pas ainsi que ça s’est passé. (Mme Justine Gruet applaudit.)
M. le président
La parole est à M. Hadrien Clouet.
M. Hadrien Clouet
Même si tout le monde a envie de raconter sa vie, je vais parler de l’amendement. (Sourires.) M. Bazin a raison, le numéro de l’amendement – 1984 – est bien choisi, car son contenu est très orwellien.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Eh oui ! (Sourires.)
M. Hadrien Clouet
Vous souhaitez remplacer « ou » par « et », afin de limiter l’autorisation de l’aide à mourir aux patients en « phase avancée et terminale » de leur maladie. Or une phase est une séquence temporelle. Si cette séquence est en même temps avancée et terminale, c’est-à-dire avant et après, alors il s’agit d’un amendement de Schrödinger. En effet, dans un calendrier, ces deux phases ne peuvent pas se superposer. Nous espérons que cet amendement ne sera pas adopté, car il entraînerait une réduction inopportune du champ d’éligibilité des populations, et donc de leurs droits. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Mme Sandra Regol applaudit également.)
M. le président
La parole est à M. Julien Odoul.
M. Julien Odoul
Madame la ministre, il est choquant de vous voir mettre sur le même plan, de façon très malhonnête, la loi Claeys-Leonetti et le projet de loi. (Exclamations sur quelques bancs du groupe RE.)
Les deux textes n’ont rien à voir : la sédation profonde et continue est considérée comme un soin, dans la loi Claeys-Leonetti.
Mme Stéphanie Rist
Ce n’est pas vrai !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet
C’est un soin de court terme !
M. Julien Odoul
Vous ne pouvez donc pas comparer nos débats actuels, qui traitent de l’administration de la mort, avec ceux de 2016, qui se concentraient sur les soins destinés à soulager et à traiter la douleur. Arrêtez de citer cette loi, de la minimiser et de la réécrire en permanence. En 2016, son équilibre, qui avait été difficile à trouver, avait satisfait une majorité de soignants. Le trouble que l’actuel projet de loi crée dans la communauté médicale montre bien qu’il ne s’agit pas d’un soin, et que les actes médicaux ne sont ni de même nature ni de même degré. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille.
M. Cyrille Isaac-Sibille
J’ai voté pour l’amendement du Gouvernement, car le terme « phase avancée » me posait problème. Ces débats sont intéressants : les positions s’éclairent peu à peu. Ainsi, je remercie la ministre de faire en sorte que nous obtenions une définition du moyen terme – c’est important. Je remercie également le rapporteur général, qui nous a exposé sa vision des choses, qui n’est pas partagée par tous : vous êtes favorable à ce qu’on ouvre l’accès à l’aide à mourir dès les soins palliatifs, c’est-à-dire dès le début du diagnostic, alors que je suis partisan d’une conception exceptionnelle et compassionnelle de l’aide à mourir.
Mme Michèle Peyron
On fait du surplace !
M. le président
La parole est à Mme Caroline Fiat.
Mme Caroline Fiat
Monsieur Odoul, la sédation profonde et continue prévue par la loi Claeys-Leonetti n’est pas un soin : on anesthésie le patient, on arrête les traitements, l’hydratation et la nutrition. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et quelques bancs du groupe RE.)
M. Julien Odoul
Ce n’est pas donner la mort !
Mme Caroline Fiat
Ne nous dites donc pas qu’on traite les patients, puisque la loi Claeys-Leonetti prévoit qu’on arrête les traitements, tout en maintenant les soins de confort ! Ne nous donnez donc pas de leçons, si vous ne savez pas de quoi vous parlez !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet
Vous n’y connaissez rien !
Mme Caroline Fiat
Les Français ne vont rien comprendre à cette loi, parce que vous racontez n’importe quoi ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES, RE et Dem.)
M. Bruno Millienne
Bravo, Caro !
M. le président
La parole est à M. Gilles Le Gendre.
M. Gilles Le Gendre
J’aurais pu faire un rappel au règlement, car les députés des groupes Les Républicains et Rassemblement national ont installé un régime de discussion générale permanente. Les amendements ne sont que des prétextes pour relancer des débats que nous avons déjà eus cent fois, mille fois. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE, sur plusieurs bancs des groupes Dem et HOR, et sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES et SOC.) Cette posture n’a d’autre but que de faire durer indéfiniment la discussion, sans vrais débats de fond, alors que de nombreuses décisions restent à prendre, dans un sens comme dans l’autre.
M. Sébastien Peytavie
C’est la définition de l’obstruction !
M. Gilles Le Gendre
Le nombre d’amendements restant à examiner dans l’hémicycle équivaut à la totalité de ceux que nous avons discutés en commission spéciale.
M. Jérôme Guedj
Cela fait 2 000 amendements !
M. Gilles Le Gendre
Or nous ne disposons que de peu de jours. Que souhaitez-vous donc ? Que le débat s’enlise ou qu’il aboutisse au vote des amendements, dont certains des vôtres ?
M. Julien Odoul
Certains sujets méritent un débat long !
M. Gilles Le Gendre
La société attend que nous avancions. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)
(L’amendement no 1984 n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 14 et 842.
La parole est à Mme Frédérique Meunier, pour soutenir l’amendement no 14.
Mme Frédérique Meunier
Partons du point de vue du malade. La plupart du temps, on pense au patient en phase pathologique et on oublie le patient qui souffre des séquelles d’un accident. Certes, cet amendement s’éloigne de l’objet du texte, mais il s’intéresse aux directives anticipées dont nous avons débattu. Si nous avons bien compris qu’il n’était pas possible d’inclure l’aide à mourir dans ces directives, cet amendement appelle votre attention sur les situations de handicap telles que la tétraplégie, comme dans le cas de Vincent Humbert. On ne peut pas dire à ces patients que leurs directives anticipées ne seront pas respectées et qu’ils resteront un légume jusqu’à la fin de leur vie. (Mme Danielle Simonnet applaudit.)
M. le président
La parole est à Mme Cécile Rilhac, pour soutenir l’amendement no 842.
Mme Cécile Rilhac
Il vise à prendre en compte les situations les plus complexes, causées par une maladie ou un accident, qui peuvent entraîner des souffrances physiques et psychologiques, réfractaires ou insupportables. Je pense aux grands accidentés, qui vivent avec des handicaps très lourds et irrécupérables, tout en gardant leurs capacités cognitives : on n’a pas de réponse pour eux. Ces situations de grande dépendance peuvent également être causées par un accident pathologique grave – par exemple un accident vasculaire cérébral (AVC) qui provoque un syndrome d’enfermement (locked-in syndrome) provoquant l’impossibilité complète d’effectuer tout mouvement en dehors du battement de cils. Enfin, il y a aussi les maladies neurodégénératives à progression lente, au rythme très incertain, comme la sclérose latérale amyotrophique (SLA), la sclérose en plaques (SEP) ou la maladie de Parkinson. Parfois, la souffrance terrible des patients ne peut pas être apaisée, en raison d’une qualité de vie déjà très dégradée, alors même la mort ne se profile pas à l’horizon.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure
Nous avons déjà eu cette discussion en débattant des sous-amendements proposés à l’amendement du Gouvernement. J’ai précisé que ces dispositions étaient satisfaites, dans la mesure où les conditions d’accès n’excluent aucune affection si les cinq conditions cumulatives sont remplies. Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Je donne le même avis, pour les mêmes raisons.
M. le président
La parole est à Mme Danielle Simonnet.
Mme Danielle Simonnet
Nous sommes favorables à ces amendements qui insistent sur cette demande de précision. L’expression « quelle qu’en soit la cause » permettrait de prendre en compte les affections graves et incurables, qui peuvent avoir une cause pathologique ou accidentelle.
Même si j’ai toujours été défavorable à leur organisation à Paris, les Jeux paralympiques, qui se tiendront prochainement, seront un moment de fierté pour toutes ces femmes et tous ces hommes qui, avec courage, réinventent chaque jour leur vie avec le handicap. Ne laissons pas entendre que fatalement, après un accident qui vous a laissé handicapé, la vie ne vaudrait plus d’être vécue : bien au contraire, tous les soins engagés et l’accompagnement psychologique doivent permettent de vivre malgré des séquelles parfois très lourdes. Reste que parfois, lorsque tout a été tenté sans succès, il faut respecter la liberté du patient.
M. le président
La parole est à M. Sébastien Peytavie.
M. Sébastien Peytavie
Ces amendements sont trompeurs, car en réalité, ils ne permettent pas d’élargir le droit à l’aide à mourir : pour en bénéficier, il est nécessaire de souffrir de douleurs réfractaires, et ce n’est pas nécessairement le cas après un accident, même si on en reste handicapé : les tétraplégiques, par exemple, ne seront pas concernés.
Je répète à l’intention des nombreuses personnes en situation de handicap qui écoutent nos débats et sont très inquiètes à l’idée que le droit à mourir leur soit étendu,…
Mme Natalia Pouzyreff
Tout à fait !
M. Sébastien Peytavie
…que l’aide à mourir ne pourra être demandée que par les personnes remplissant cinq conditions cumulatives, notamment souffrir de douleurs réfractaires, ce qui n’est pas leur cas.
Mme Natalia Pouzyreff
Exactement !
M. Sébastien Peytavie
Non seulement ces amendements ne permettent pas d’élargir le droit à l’aide à mourir, mais en plus, ils envoient un très mauvais signal à toutes les personnes en situation de handicap, qui composent comme elles peuvent au quotidien, dans une société qui est encore loin d’être adaptée. Je voterai donc contre ces amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES, sur plusieurs bancs des groupes RE et LR, ainsi que sur quelques bancs des groupes RN et Dem.)
M. le président
La parole est à M. Lionel Royer-Perreaut.
M. Lionel Royer-Perreaut
J’avoue ne pas très bien comprendre le sens de l’amendement. Dans l’esprit du texte – celui qui a été présenté initialement comme celui que nous sommes en train d’écrire –, ce n’est pas la cause de l’affection qui ouvre la possibilité de recourir au droit à mourir, mais ses conséquences : c’est bien le fait d’être atteint d’une affection grave et incurable – expression que nous avons encore modifiée tout à l’heure – qui conduit à décider de cheminer vers la mort, et non la pathologie en elle-même. Adopter ces amendements reviendrait à inverser la logique du texte et, à mes yeux, ce n’est pas possible.
M. le président
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille.
M. Cyrille Isaac-Sibille
Je suis un peu perplexe. Comme M. Peytavie et beaucoup d’autres collègues, je suis contre ces amendements. Vous avez déclaré qu’ils étaient satisfaits, madame la rapporteure, mais sans nous avoir confirmé quel était le périmètre de l’aide à mourir, maintenant que nous avions décidé de garder l’expression « phase avancée ou terminale ».
Mme Justine Gruet
Il n’y a rien de précis !
M. Cyrille Isaac-Sibille
Je vous pose donc à nouveau la question, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur général : comment est délimitée la phase avancée d’une affection ?
M. le président
La parole est à M. Marc Le Fur.
M. Marc Le Fur
Les débats sur l’aide à mourir – le suicide assisté – ont été l’occasion d’aborder la question des tétraplégiques – et je remercie notre collègue Peytavie pour son intervention.
Il y a dans ma circonscription une association, Handi’Chiens, qui forme des chiens d’assistance pour accompagner des personnes lourdement handicapées, notamment des tétraplégiques. J’ai eu l’occasion d’assister à des stages…
Mme Agnès Firmin Le Bodo, présidente de la commission spéciale
Nous aussi !
M. Marc Le Fur
…où sont formés les chiens autant que les personnes handicapées, afin de devenir un véritable duo.
Mme Stella Dupont
Et donc ?
M. Marc Le Fur
C’était une formidable leçon d’optimisme : ces personnes ont un goût de la vie et une aspiration à vivre exceptionnels. (Protestations sur divers bancs.)
Mme Stella Dupont
Et donc ?
M. Marc Le Fur
Alors évitons d’associer les tétraplégiques à ce débat, ce n’est vraiment pas le lieu. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à M. Stéphane Delautrette.
M. Stéphane Delautrette
Monsieur Le Fur, de telles actions sont évidemment formidables.
M. Marc Le Fur
Mais oui ! Je vous invite à venir voir !
M. Stéphane Delautrette
Il faut les saluer et encourager leur développement dans l’ensemble du territoire. Mais il est évident que l’objectif des auteurs de ces amendements n’était pas de proposer la mort à toutes les personnes en situation de handicap (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs du groupe RE), et tout aussi évident qu’ils encouragent et soutiennent tous les types d’accompagnement qui peuvent leur être proposés. Ils voulaient seulement apporter une réponse à ceux pour qui la vie est devenue insupportable à la suite d’un accident et expriment le souhait d’accéder à l’aide à mourir – ça existe, entendez-le !
Ne laissez surtout pas entendre que nous chercherions à imposer ce choix :…
Mme Fabienne Colboc
Ils cherchent à faire peur !
M. Stéphane Delautrette
…il faut absolument rassurer les personnes en situation de handicap sur le fait qu’aucun d’entre nous n’envisage de leur proposer la mort. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LFI-NUPES. – Mmes Stella Dupont et Julie Laernoes applaudissent également.)
M. le président
La parole est à Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure.
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure
Monsieur Isaac-Sibille, le recours à l’aide à mourir est conditionné par cinq conditions cumulatives, que nous sommes en train de définir ensemble : je ne peux pas mieux dire ! Vous êtes médecin, je ne le suis pas. Il faut notamment être atteint d’une affection grave et incurable en phase avancée ou terminale – ce n’est pas le cas, faut-il le rappeler, des personnes handicapées, qui sont donc évidemment exclues de ce dispositif – et souffrir de douleurs insupportables que les traitements n’apaisent plus. Je ne peux pas mieux dire : c’est vous le médecin ! Moi, je ne suis que le législateur,…
Mme Stéphanie Rist
Nous le sommes tous ici !
Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure
…et je ne sais pas quelles maladies permettent d’entrer dans le périmètre défini par ces critères. Nous nous bornons à fixer des critères qui permettront d’accéder à l’aide à mourir, ou pas. Je ne peux pas mieux vous dire. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)
(Les amendements identiques nos 14 et 842 ne sont pas adoptés.)
M. le président
La parole est à M. Jorys Bovet, pour soutenir l’amendement no 1683.
M. Jorys Bovet
Afin de lever toute ambiguïté sur les raisons qui poussent les médecins à accepter ou refuser d’engager la procédure d’aide à mourir, il vise à encadrer au mieux les termes « affection grave et incurable », car chaque médecin apprécie la gravité d’une affection en fonction de son vécu, de son expérience et de sa sensibilité.
Vous prenez souvent pour argument la loi dite Claeys-Leonetti mais, pour l’instant, elle n’est toujours pas appliquée sur tout le territoire.
Mme Michèle Peyron
On en a déjà parlé !