Troisième séance du jeudi 14 mars 2024
- Présidence de Mme Hélène Laporte
- 1. Renforcer l’ancrage territorial des parlementaires
- Discussion générale (suite)
- Discussion des articles
- Article unique
- Rappels au règlement
- Suspension et reprise de la séance
- Article unique (suite)
- M. Alexis Corbière
- M. Jean-Louis Thiériot
- M. Erwan Balanant
- Mme Christine Pires Beaune
- M. Charles Fournier
- Amendements nos 1, 8, 17 et 77
- Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
- Amendements nos 98, 36, 35, 59, 60, 61, 62, 116, 73, 96, 37 rectifié, 118, 82 et 19, 56, 53
- Suspension et reprise de la séance
- Amendements nos 43, 46, 45, 75, 76, 79 et 94
- Suspension et reprise de la séance
- Rappel au règlement
- Article unique (suite)
- Amendement no 41
- Rappel au règlement
- Article unique (suite)
- Amendement no 92
- Rappels au règlement
- Article unique (suite)
- Rappels au règlement
- Suspension et reprise de la séance
- Article unique (suite)
- Amendement no 72
- Rappel au règlement
- Article unique (suite)
- Sous-amendement nos 165, 164, 163, 162, 161
- Rappel au règlement
- Suspension et reprise de la séance
- Article unique (suite)
- Suspension et reprise de la séance
- Après l’article unique
- Amendement no 21
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Hélène Laporte
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
1. Renforcer l’ancrage territorial des parlementaires
Suite de la discussion d’une proposition de loi organique
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi organique visant à renforcer l’ancrage territorial des parlementaires (nos 2076 rectifié, 2299).
En l’absence de Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, je suspends la séance.
(La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.)
Discussion générale (suite)
Mme la présidente
Cet après-midi, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
La parole est à M. Carlos Martens Bilongo.
M. Carlos Martens Bilongo
La proposition de loi prétend renforcer l’ancrage territorial des parlementaires et nous pouvons effectivement débattre d’un tel sujet. Certes, nous sommes élus dans une circonscription, mais nous représentons la nation tout entière, de Villiers-le-Bel à Garges-lès-Gonesse ou Sarcelles en passant par la Guadeloupe, Bourg-en-Bresse ou Menton.
Mme Caroline Fiat
Ou Nancy !
M. Carlos Martens Bilongo
Dès les premières lignes de l’exposé des motifs, vous affirmez : « La fracture entre les élus nationaux et les citoyens s’aggrave année après année. La fonction de député cristallise une forme de méfiance qui, au fil du temps, s’est transformée en défiance. » Le rapport évoque l’abstention en ces termes : « En créant une séparation étanche entre les mandats de parlementaires et les fonctions exécutives locales, le Parlement s’est privé d’un levier puissant pour résorber la fracture profonde qui semble se creuser avec le corps électoral, au regard de l’abstention croissante. » À trois mois des élections européennes, nous savons qu’elles se caractériseront encore par une triste participation, comme les élections départementales et régionales.
Le groupe Horizons est dans la majorité. Le président de votre parti, M. Édouard Philippe, fut Premier ministre durant la précédente législature. Or je constate qu’aucune politique incitative n’a alors été instaurée pour encourager les Français à aller voter, alors que plus de 12 millions de nos compatriotes sont mal inscrits ou ne sont pas inscrits sur les listes électorales. Dès lors que vous êtes comptables des chiffres de l’abstention, il ne faut pas chercher d’autres responsables.
Non, ce n’est pas la faute du cumul des mandats. Le dernier sondage Elabe pour BFM TV indique que 67 % des Français sont opposés à la modification de la règle du cumul des mandats. En outre, je suis convaincu d’une chose : un député-maire est imbattable sur un scrutin uninominal à deux tours, car celui-ci favorise les barons locaux. M. Karl Olive n’ira pas me contredire.
M. Karl Olive
Attention aux attaques personnelles ! (Sourires.)
M. Carlos Martens Bilongo
Ainsi, il aurait été très difficile pour moi de battre le candidat sortant de ma circonscription, en juin 2022, s’il avait été encore maire de Sarcelles.
Les élections ouvrant la quinzième législature, la première après la fin du cumul des mandats, ont enregistré un taux record de 75 % de renouvellement et une féminisation du Parlement à hauteur de 38,7 %, contre 26,9 % en 2012. Lors des dernières élections législatives, qui ont ouvert la seizième législature, la composition de l’Assemblée nationale a continué d’évoluer. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Je suis heureux de faire partie de ces Français à qui personne n’aurait prédit qu’ils seraient un jour élus députés. Vous voulez inciter nos concitoyens à voter, mais vous ne faites rien pour les inciter à exercer eux-mêmes un mandat. (Mêmes mouvements.)
Certains parlementaires, sur vos bancs, se plaignent que la fonction de député n’attire pas de cadres ou de hauts fonctionnaires parce que les indemnités parlementaires sont trop faibles, mais vous êtes déconnectés. La moitié des membres du Gouvernement sont millionnaires, un tiers d’entre eux peuvent être classés parmi les 1 % des Français les plus fortunés. (Mêmes mouvements.)
M. Lionel Royer-Perreaut
Ça n’a pas de rapport !
M. Carlos Martens Bilongo
Les employés et les ouvriers représentent la moitié de la population active, mais ils sont sous-représentés dans la maison du peuple. Cherchez l’erreur !
M. Alexis Corbière
Ça, c’est vrai !
M. Carlos Martens Bilongo
Il n’y a que 8 ouvriers et 26 employés sur 577 députés.
Le rétablissement du cumul des mandats est contre-productif. Nous sommes continuellement amenés à choisir entre siéger en séance ou en commission, entre nous investir dans une mission d’information ou dans une commission d’enquête, dans un groupe d’études ou dans un groupe d’amitié, entre consacrer du temps au travail parlementaire ou nous rendre dans nos circonscriptions. Vous voulez vous investir localement, comme vous l’affirmez dans l’exposé des motifs : adhérez donc à des associations dans vos circonscriptions.
M. Henri Alfandari, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
Mais vous dites que les députés n’ont pas le temps !
M. Carlos Martens Bilongo
Les habitants vous accueilleront les bras ouverts. Actuellement, 10 millions de Français ont recours à l’aide alimentaire. Le Secours populaire, la Croix-Rouge ou Linkee ont besoin de bras. Les députés peuvent devenir bénévoles dans ces associations au niveau local. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)
La fin du cumul des mandats n’a pas renforcé le Parlement, au contraire. Nous avons besoin de moyens humains. Nos équipes sont généralement constituées de trois personnes. Nous faisons pâle figure en comparaison des parlementaires des autres pays, qui ne comprennent pas que nous puissions travailler ainsi. Il faut augmenter l’enveloppe consacrée à nos collaborateurs. Comment voulez-vous développer un ancrage territorial quand certaines circonscriptions sont aussi grandes qu’un département ?
Nous avons besoin de moyens politiques, d’un Parlement qui exerce véritablement son pouvoir, non d’un Parlement automate, qui ne sert qu’à approuver le bon plaisir du monarque à coups de 49.3.
M. Alexis Corbière
C’est vrai aussi !
M. Carlos Martens Bilongo
Ni le projet de loi de finances ni le projet de loi de financement de la sécurité sociale n’ont été votés. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Aucun ajustement à la marge ne permettra de sortir de la monarchie présidentielle. Il faut refonder nos institutions, de la cave au grenier. Nous souhaitons une VIe République démocratique, écologique, sociale et antiraciste, qui soit décidée par le peuple et pour le peuple. Nous voulons la convocation d’une assemblée constituante qui élaborerait une nouvelle Constitution, soumise à l’approbation du peuple par référendum, et qui reconnaîtrait le vote blanc.
Vous prétendez renforcer l’ancrage territorial sans prendre le sujet à la racine. Nous voterons contre la proposition de loi organique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
M. Manuel Bompard
Bravo !
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre-Henri Dumont.
M. Pierre-Henri Dumont
« [N]ous sommes tous ici conscients de la fragilité du lien démocratique. Nous savons combien – pour de nombreuses raisons […] que chacun a en tête – beaucoup de nos concitoyens versent dans […] la défiance quant à la capacité des responsables politiques […] à entendre leurs inquiétudes et à répondre à leurs attentes. » Dès les premiers mots de son intervention devant les députés, en juillet 2013, Manuel Valls exposait les raisons pour lesquelles il fallait, selon lui, interdire aux parlementaires tout cumul des mandats : préserver le lien avec les citoyens et redonner confiance dans la démocratie.
Plus de dix ans après le vote de la loi interdisant le cumul, force est de constater que jamais le lien entre les citoyens et leurs représentants nationaux n’a été aussi ténu, distendu, fragilisé. Crise des 80 kilomètres à l’heure, crise des gilets jaunes, crise des banlieues, crise agricole, crise du logement : depuis que les élus locaux ont été exclus du Parlement, jamais notre pays n’a traversé autant de tempêtes provoquées par l’absence de capteurs de terrain et de contre-pouvoirs aux décisions du pouvoir central. (Exclamations sur quelques bancs des groupes SOC et Écolo-NUPES.)
Combien notre pays aurait-il pu économiser de ces milliards d’euros déversés en urgence sur les braises des contestations que le nouveau monde, celui de l’aseptisation, de l’entre-soi, du « pas de vague », au mieux n’avait pas voulu voir venir, au pire avait directement provoquées ?
M. Charles Fournier
C’est incroyable !
M. Pierre-Henri Dumont
Mes chers collègues, ce qui alimente la défiance de nos concitoyens à l’encontre des politiques, ce n’est pas le cumul des mandats, c’est le spectacle navrant des bancs de cet hémicycle, où la recherche de l’intérêt général passe après celui du buzz pour agrandir sa communauté de followers sur TikTok. Ce qui alimente la défiance de nos concitoyens à l’encontre des politiques, c’est le remplacement sur nos bancs de capitaines d’industrie ou de Compagnons de la Libération par des dealers ou des amateurs. (« Oh ! » sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.)
M. Alexis Corbière
De qui parle-t-il ?
M. Pierre-Henri Dumont
Ce qui alimente la défiance de nos concitoyens à l’encontre des politiques, c’est la litanie de 49.3, de motions de censure, les remaniements interminables, le manque d’ordre du jour clair, l’absence de grandes réformes, de cap, d’horizon, la priorité donnée à l’accessoire du sociétal plutôt qu’au primordial : la vie quotidienne et la grandeur de notre pays. Pendant que la France brûle, le roi danse, les courtisans applaudissent, la galerie s’amuse.
Depuis dix ans et l’instauration du non-cumul des mandats, la défiance envers la politique, ce poison de nos démocraties modernes, contre lequel nos prédécesseurs voulaient lutter, n’a fait que se répandre davantage : les partis populistes ont rassemblé plus de 50 % des voix lors de la dernière élection présidentielle alors que le taux de participation aux élections législatives est passé de 57 % en 2012 à 47 % en 2022. Quel succès éclatant ! L’interdiction du cumul des mandats a donc été une fausse réponse à un vrai problème, qui reste irrésolu.
Quand j’échange avec mes concitoyens, ils me demandent : « À quoi bon ? » Ce n’est plus de la défiance, c’est de la désillusion, nouvelle forme d’apathie démocratique. Cette désillusion, les maires la ressentent cruellement, eux qui ont dû appréhender une dizaine de modifications successives des lois sur la compétence eau, tout simplement parce que plus aucun député de la majorité ne gérait un syndicat des eaux rural : les parlementaires n’étaient pas en mesure de comprendre que les limites politiques des intercommunalités correspondent rarement aux limites géographiques des bassins versants et des champs captants.
M. Henri Alfandari, rapporteur
C’est vrai !
M. Pierre-Henri Dumont
Les citoyens ressentent aussi cette désillusion, eux à qui on avait promis des députés débarrassés de leurs mandats locaux, présents toute la semaine à Paris, et qui constatent que notre hémicycle est vide dès la séance des questions au Gouvernement du mercredi.
M. Charles Fournier
Parce que vous le quittez !
M. Pierre-Henri Dumont
Les parlementaires l’éprouvent également, eux qui sont privés de leurs moyens d’être un contre-pouvoir face au Gouvernement. Les parlementaires de la majorité ne sont que des pions rendus dépendants de la sacro-sainte investiture, menacés du parachutage d’un obscur conseiller ministériel s’ils ne votent pas comme il faut, sans le poids politique d’une grande ville, d’un département ou d’une région pour avoir le luxe de contrebalancer les idées folles d’un haut fonctionnaire qui n’a plus vu un Français au-delà du périphérique depuis son stage en préfecture à l’École nationale d’administration (ENA) ?
Quand nous débattrons de la fin de vie, nous serons tous heureux ici de bénéficier de l’expertise de nos collègues médecins.
M. Charles Fournier
Et les ouvriers ?
M. Pierre-Henri Dumont
Quand nous étudions les sujets touchant les collectivités territoriales, pourquoi nous privons-nous de l’expertise de ceux qui les pilotent au quotidien ?
Les parlementaires de l’opposition ne sont pas en reste face à cette désillusion, privés de l’apport technique des collectivités pour contrôler véritablement l’action du Gouvernement et donc incapables d’exercer leurs prérogatives constitutionnelles.
Depuis 2014, le poids de l’administration, des cabinets ministériels et des lobbies s’est largement renforcé au détriment de celui du Parlement, pour une seule raison : les parlementaires n’ont ni les moyens humains ni les moyens financiers pour contrebalancer les moyens de ceux dont ils sont censés contrôler l’action au nom du peuple français.
M. Charles Fournier
Et le cumul va changer ça ?
M. Pierre-Henri Dumont
Un parlementaire français dispose de trois fois moins de moyens humains qu’un parlementaire européen, de dix fois moins de moyens humains qu’un parlementaire américain. Auparavant, ce manque de moyens était compensé par les moyens des exécutifs locaux.
M. Charles Fournier
Bah voilà !
M. Pierre-Henri Dumont
La réalité, c’est que le non-cumul des mandats aurait dû être accompagné d’une forte augmentation des moyens humains à disposition des parlementaires pour être réellement efficace. Un Parlement sans contrepoids démocratique au Gouvernement et à l’administration, c’est une démocratie malade, et le non-cumul des mandats instauré depuis dix ans tend à rendre cette maladie incurable.
Il est temps, mes chers collègues, de remettre notre parlement, notre démocratie, sur la voie de la guérison en redonnant aux députés et aux sénateurs la possibilité d’avoir une expertise locale. Les députés du groupe Les Républicains voteront donc pour cette proposition de loi organique et soutiendront tout amendement qui visera à mettre fin à cette situation dans laquelle les maires sont les seules personnes, avec les criminels déchus de leurs droits civiques, à ne pas pouvoir siéger dans notre hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe RE.)
M. Karl Olive
Excellent !
Mme la présidente
La parole est à M. Erwan Balanant.
M. Erwan Balanant
La question du cumul des mandats et de l’ancrage territorial des parlementaires est un marronnier de l’Assemblée. Les pratiques de cumul de mandats ont d’abord été encadrées par deux lois qui en ont limité le champ : la loi du 30 décembre 1985 tendant à limiter le cumul des mandats électoraux et des fonctions électives et la loi organique du 5 avril 2000 relative aux incompatibilités entre mandats électoraux. Je n’y reviens pas dans le détail, car cela a déjà été évoqué. Selon les termes employés à l’époque, il s’agissait de lutter contre les baronnies locales, dont on déplorait déjà la déconnexion avec les territoires.
M. Pierre-Henri Dumont
Ils étaient réélus !
M. Erwan Balanant
La loi organique du 14 février 2014 interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur et la loi du 14 février 2014 interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de représentant au Parlement européen ont tenté d’enrayer ce phénomène de déconnexion en s’attaquant au cumul des mandats. L’objectif était de diversifier les profils, de les féminiser, de rajeunir la classe politique, et ainsi, de limiter ces baronnies locales en permettant le renouvellement politique.
En 2017, lors des premières élections législatives après cette réforme, 38 % des députés ont dû abandonner leur mandat exécutif local. D’autres ont préféré ne pas se représenter au profit de leur mandat local. Cela s’est traduit, comme la composition de l’Assemblée de 2017 le montre, par une féminisation de la représentation nationale, par un accroissement de la diversité politique et sociale, ainsi que de la diversité des compétences des représentants politiques. Notre hémicycle en est encore la preuve ; remettre en cause cet acquis serait dramatique.
Cependant, le sujet que vous évoquez mérite d’être débattu. Le sentiment que les parlementaires sont déconnectés des réalités du terrain persiste. La proposition de loi organique dénonce le déficit de proximité entre les élus nationaux et leurs électeurs. Vous l’expliquez, monsieur le rapporteur, par le manque d’ancrage territorial des parlementaires, et vous avez raison d’interroger les liens que nous créons et entretenons avec nos concitoyens. Votre texte vous permet de mettre l’accent sur de réels problèmes. Toutefois, il y apporte une fausse solution.
Comme l’a rappelé notre collègue Élodie Jacquier-Laforge en commission, nous pensons, au groupe Démocrate, que le statut des élus locaux et nationaux doit être repensé et nous regrettons que vous réduisiez le débat à la seule question du cumul. (M. Charles Fournier applaudit.) Nous pouvons tous dire ici que nous rencontrons nos concitoyens dans nos circonscriptions, dans nos permanences, sur le terrain ; nous savons qu’il est possible d’être connecté à un territoire sans jamais avoir été élu local. De plus, je rappelle que 50 % d’entre nous sont des élus locaux.
Mme Anna Pic
Exactement !
M. Charles Fournier
Le cumul existe toujours !
M. Erwan Balanant
Sans être des mandats exécutifs, nos mandats sont bien locaux – nombre d’entre vous sont conseillers municipaux. Or nous constatons souvent, à regret, que nous n’avons pas le temps de travailler correctement à l’Assemblée compte tenu de la densité des textes que nous devons examiner. Et nous déplorons tous de ne pas pouvoir passer assez de temps dans nos circonscriptions respectives. Nous ne cessons de le répéter !
M. Charles Fournier
C’est vrai !
M. Erwan Balanant
À toute cette charge de travail, il faudrait ajouter un mandat exécutif local ? Un tel mandat, chronophage, réclame du temps et de l’implication. Le dévaloriser ainsi, c’est faire offense au mandat exécutif local. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs du groupe SOC. – M. Charles Fournier applaudit également.)
M. Pierre-Henri Dumont
Oh, arrêtez !
M. Erwan Balanant
Loin de se limiter au cumul des mandats électifs, le groupe Démocrate pense qu’il faut imaginer différentes façons de renforcer notre ancrage territorial. D’ailleurs, la question n’est pas tant l’ancrage territorial que l’ancrage citoyen, vis-à-vis de la population de nos territoires.
M. Charles Fournier
Exactement !
M. Erwan Balanant
Au cours des dernières années, plusieurs dispositions ont été adoptées afin de permettre aux parlementaires de participer, par exemple, aux conseils de surveillance des hôpitaux ou aux conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD). Cette participation nous permet d’entretenir le lien avec les services de l’État, les collectivités et les associations, un lien qui mériterait d’être développé encore davantage.
M. Carlos Martens Bilongo
Oui, avec les associations !
M. Erwan Balanant
Aujourd’hui, nombreuses sont les instances qui se réunissent – comme par hasard – au pire moment du calendrier parlementaire. L’autre jour, j’ai reçu une invitation pour une réunion un mardi à seize heures : il n’est pas nécessaire d’être un bon connaisseur de la vie politique française pour savoir que c’est le moment des questions au Gouvernement. (M. Charles Sitzenstuhl s’exclame.) La personne qui lance une telle invitation n’a sans doute pas vraiment envie que vous veniez.
Les questions de l’ancrage territorial et, au-delà, de l’ancrage citoyen ne sont pas seulement institutionnelles : on peut être connecté à un territoire quand on a été président d’une association ou quand on est aide-soignante – l’une des vice-présidentes de l’Assemblée nationale exerce cette profession ! La réflexion mérite donc d’être menée, mais votre texte de loi apporte une mauvaise réponse. Sans remettre en cause la liberté de vote de chacun, il me semble que le groupe Démocrate votera majoritairement contre la proposition de loi organique. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)
M. Henri Alfandari, rapporteur
Si vous arrêtiez de préempter vos majorités…
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Fournier.
M. Charles Fournier
Cette journée aura vu une avancée, le vote de la proposition de loi visant à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile, et un grand retour en arrière : le texte que vous proposez « pour renforcer l’ancrage territorial des parlementaires ». Le titre choisi par le groupe Horizons porte en apparence une intention louable pour les parlementaires que nous sommes. Mais qu’est-ce donc que cet ancrage local dont manqueraient les parlementaires ? Désigne-t-il le lien avec les citoyens ? Il existe de nombreuses façons d’entretenir le lien avec eux. Qu’y a-t-il donc à améliorer ? En quoi la situation changerait-elle si un parlementaire était à la tête d’un exécutif local ?
M. Laurent Marcangeli
Pourquoi pas ?
M. Charles Fournier
En quoi la décision serait-elle mieux préparée, plus éclairée et mieux ancrée dans la réalité locale ? On nous a expliqué tout à l’heure que cela permettrait de mobiliser les moyens locaux au service du mandat national. On en revient à la nationalisation du mandat local et à l’instrumentalisation des mandats les uns par les autres !
En réalité, votre ancrage local ressemble à une conception dépassée de la vie démocratique, voire à une sorte de nostalgie des baronnies locales. Allons-nous revenir au temps où l’enjeu était d’attribuer des postes politiques à un nombre restreint de personnes, le plus longtemps possible, de garder le contrôle sur la vie des collectivités locales et de s’assurer une bouée de sauvetage en cas de naufrage électoral ? Voulez-vous que le mandat du parlementaire serve davantage le destin local et que le destin local nourrisse le destin national de ces êtres exceptionnels qui seraient capables de cumuler les mandats ? (M. Alexis Corbière et Mme Anna Pic s’exclament.)
Au contraire, notre projet écologiste est de diversifier les profils des élus, de permettre à toutes les catégories sociales d’accéder à des responsabilités politiques, et de rajeunir et de féminiser nos institutions.
Si vous considérez que des parlementaires ne sont pas suffisamment ancrés dans leur territoire, c’est d’abord à ces parlementaires de se poser les bonnes questions. La déconnexion, que l’on met à toutes les sauces, n’est pas une fatalité. Nul besoin de cumuler les mandats pour rester en prise avec la vraie vie et le quotidien : à nous d’arpenter le terrain, de participer à la vie locale, d’être disponibles pour les élus locaux et d’aller à la rencontre des habitants pour comprendre leurs problèmes.
Quel est le sens de la mission des représentants du peuple ? Telle est, au fond, la question qui nous est posée. Comment redonner force à cette mission ? L’ancrage local se mesure à la confiance : tout se joue là, en vivant vraiment dans son territoire – ce que certains ne font pas –, près des citoyens. Il y a de nombreuses manières de faire. Pour ma part, j’ai mis en place un parlement de circonscription.
M. Carlos Martens Bilongo
Bravo !
M. Charles Fournier
Je fais régulièrement une tournée citoyenne et un tour de France de l’industrie pour aller à la rencontre de celles et ceux qui veulent changer le secteur.
M. Carlos Martens Bilongo
Excellent !
M. Charles Fournier
Vous le voyez, il existe de nombreuses solutions pour améliorer l’ancrage local.
Votre proposition de loi organique ressemble fort au premier coup de pioche d’un chantier de déconstruction en règle de l’interdiction du cumul des mandats. D’ailleurs, plusieurs amendements montrent que de nombreux députés de la droite, ainsi que des députés de la majorité, souhaiteraient aller encore plus loin, en vidant de sa substance la loi organique de 2014.
M. Pierre-Henri Dumont
Quelle bonne idée !
M. Charles Fournier
Pourtant, depuis son application, l’incompatibilité du mandat parlementaire avec un mandat exécutif local a eu des effets positifs pour notre société.
M. Emmanuel Maquet
Des effets catastrophiques !
M. Charles Fournier
En 2012, 82 % des députés et 77 % des sénateurs étaient dans une situation de cumul de mandats. L’interdiction du cumul a permis un renouvellement important et une répartition des responsabilités politiques entre un plus grand nombre de personnes ; elle a contribué à la féminisation en politique et à la fin des dérives clientélistes.
M. Karim Ben Cheikh
Eh oui !
M. Charles Fournier
Enfin, le non-cumul a, en partie, mis fin à un mensonge et brisé un mythe contre-productif, qui laissait croire que les élus pouvaient tout faire, être partout, à toute heure, tels des surhumains. Il y a les députés qui ne dorment pas, ceux qui ne s’arrêtent jamais et ceux qui n’ont pas le temps. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.) Chers collègues Les Républicains, vu votre taux de présence aujourd’hui, vous n’avez rien à dire !
M. Francis Dubois
Et ils sont où, et ils sont où les écolos ? (L’orateur chantonne.)
M. Charles Fournier
À l’inverse, en refusant le cumul des mandats, nous laissons la place à un autre élu qui sera plus disponible pour exercer ses responsabilités. Cumuler, c’est faire tout très moyennement : participer très moyennement au processus législatif, gérer très moyennement les affaires locales. Un député qui cumule les mandats n’est pleinement investi ni dans son mandat parlementaire, ni dans son mandat exécutif local.
Pour autant, le groupe Écologiste n’est pas réfractaire à une évolution du cumul des mandats.
M. Emmanuel Maquet
Ah oui ?
M. Charles Fournier
Nous souhaitons aller plus loin sur le non-cumul des mandats dans le temps. Pour toutes ces raisons, et sans surprise, notre groupe s’opposera à la proposition de loi organique. Nous proposerons, par amendement, la suppression de son article unique. Encore une fois, évitons de faire croire que le seul moyen de rester connecté consisterait, en plus de siéger dans l’hémicycle, à être vice-président d’un conseil régional, d’un conseil départemental, d’une communauté de communes ou d’agglomération. Alors que la défiance des citoyens et des citoyennes envers les institutions et leurs représentants politiques est élevée, posez-vous sérieusement la question de la nature du message que ce texte enverrait – un message très négatif. Nous voterons résolument contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES et SOC.)
M. Emmanuel Maquet
Nous ne sommes pas surpris !
Mme la présidente
La discussion générale est close.
La parole est à M. Henri Alfandari, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
M. Henri Alfandari, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
Alors que de nombreuses idées ont été exprimées, je vous remercie, madame la ministre, d’avoir souligné l’essentiel dans votre intervention cet après-midi. Le plus important, c’est de débattre. Or les amendements de suppression reviennent à fuir ce débat absolument essentiel.
M. Charles Fournier
Nous ne le fuyons pas !
M. Henri Alfandari, rapporteur
Pensez, si vous le voulez, que le cumul n’est pas une bonne chose ; mais argumentez votre position.
M. Charles Fournier
C’est ce que je vais faire !
M. Henri Alfandari, rapporteur
Ce qui guide notre action, c’est l’action publique : comment construire les meilleures politiques publiques et faire en sorte qu’elles soient applicables et appliquées ?
M. Francis Dubois
Voilà !
M. Henri Alfandari, rapporteur
Au-delà de la question du cumul des mandats, une chose est certaine : il n’y a qu’un seul contribuable. Comment le servir au mieux ?
Pour vous, ce texte n’apporte pas la bonne réponse au problème. Si on regarde les taux de participation aux élections, quelles qu’elles soient, on s’aperçoit que les Français s’intéressent à celles qui véhiculent de réels enjeux de pouvoir : ils votent aux élections présidentielles et aux élections municipales. Continuez à retirer des pouvoirs aux maires et vous verrez le taux de participation aux élections municipales !
M. Charles Fournier
Nous ne leur enlevons rien !
M. Henri Alfandari, rapporteur
Vous appartenez à une tradition politique qui n’a eu de cesse de diluer le pouvoir. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
M. Karim Ben Cheikh
Ça s’appelle la démocratie !
M. Henri Alfandari, rapporteur
Vous évoquez le rôle de la représentation nationale et vous appelez les députés à s’investir dans les associations de leurs circonscriptions. Ce n’est pas leur rôle !
Plusieurs députés du groupe LFI-NUPES
Mais si !
M. Henri Alfandari, rapporteur
Non ! Notre rôle est d’écouter les problèmes particuliers et de faire émerger l’intérêt général. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) Derrière ce que je dis, il y a une certaine conception du pouvoir. Le groupe Horizons et une large part de ceux qui souhaitent le retour du cumul des mandats considèrent que ceux qui sont chargés d’administrer doivent pouvoir de le faire. Le pouvoir n’est pas suspect de tous les crimes : c’est l’exercice du bon gouvernement et la garantie de notre République.
Lors des visites de l’Assemblée nationale, il est étonnant que personne n’explique la signification de la tapisserie accrochée dans l’hémicycle au-dessus du perchoir.
M. Erwan Balanant
Elle représente L’École d’Athènes !
M. Henri Alfandari, rapporteur
À l’origine, l’éthique et la philosophie présidaient les lois.
M. Alexis Corbière
Eh bien, justement !
M. Henri Alfandari, rapporteur
Chacun doit rentrer dans son rôle. Si nos concitoyens ne s’intéressent pas à la politique, c’est peut-être parce que nous ne sommes pas très intéressants ! (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.)
M. Manuel Bompard
Parlez pour vous !
M. Henri Alfandari, rapporteur
Je m’inclus dans cette remarque. Vous ne pouvez pas évacuer un débat au motif que, selon vous, l’élu local ne doit pas exercer des compétences exécutives. Vous êtes nombreux à souligner votre frustration face à l’exécutif, mais un mandat parlementaire n’est pas un mandat exécutif.
Vous avez tous l’onction du suffrage universel, vous êtes tous légitimes à exercer votre fonction de parlementaire, vous êtes tous présents sur le terrain, dans vos permanences, et vous allez tous à la rencontre des citoyens. En tant qu’ancien maire, je peux vous dire que ce que j’entends dans ma permanence parlementaire est bien différent de ce que j’entendais dans mon bureau de maire. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Les sujets et les problèmes évoqués ne sont pas les mêmes.
M. Manuel Bompard
Soyez maire ! On ne vous oblige pas à être là !
M. Henri Alfandari, rapporteur
Les deux ne s’opposent pas ! Ce n’est pas une obligation qui vous est faite, mais une liberté qui vous est donnée. Comme cela a été dit plusieurs fois, il ne s’agit pas d’imposer à tous l’obligation de cette expérience. Toutefois, nous devons travailler ensemble, au sein de la majorité, et nous devons échanger avec les oppositions. Nous devons nous enrichir mutuellement de nos expériences. (M. Jérémie Patrier-Leitus applaudit.)
M. Manuel Bompard
Quel rapport ?
M. Henri Alfandari, rapporteur
Ceux qui exercent des fonctions exécutives locales ont beaucoup à apporter au travail du législateur et peuvent améliorer la rédaction des lois. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs des groupes LR et Dem.)
M. Ludovic Mendes
Donc, nous ne sommes pas des députés !
M. Henri Alfandari, rapporteur
Cela fonctionne aussi dans l’autre sens : des conseils municipaux ou des assemblées délibérantes seraient heureux que vous leur apportiez votre expérience de l’Assemblée nationale.
M. Erwan Balanant
Nous le faisons déjà !
M. Henri Alfandari, rapporteur
Vous choisissez de les en priver, mais elle aurait pu les intéresser. Je n’irai pas plus loin dans les justifications, il est temps de passer au débat. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et LR, ainsi que sur quelques bancs du groupe Dem. – M. Jocelyn Dessigny applaudit également.)
Discussion des articles
Mme la présidente
J’appelle maintenant l’article unique de la proposition de loi organique dans le texte dont l’Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n’a pas adopté de texte.
Article unique
Mme la présidente
Sur les amendements no 1 et identiques, je suis saisie par les groupes Rassemblement national, Socialistes et apparentés et Horizons et apparentés de demandes de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Nous en venons aux inscrits sur l’article. Je rappelle qu’il ne peut y avoir qu’un orateur par groupe, pour deux minutes maximum.
La parole est à M. Laurent Marcangeli.
M. Laurent Marcangeli
Des députés réunis ce soir, je pense être l’un des rares à avoir été présent, en 2013, lorsque la loi organique interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur a été adoptée. J’ai été maire, président d’agglomération, conseiller général et conseiller régional, et, bien que membre du premier groupe d’opposition à l’époque – il y en avait quatre –, j’ai voté en faveur de cette loi, dont l’objectif était de restaurer la confiance dans la classe politique. Les Français ont-ils plus confiance dans la classe politique aujourd’hui qu’en 2013 ? (« Eh non ! » sur plusieurs bancs du groupe HOR et sur quelques bancs du groupe Dem.)
Mme Estelle Folest
Hélas !
M. Laurent Marcangeli
Cette loi a-t-elle permis de restaurer cette confiance ? C’est la question que je pose.
M. Manuel Bompard
La faute à qui ? (Exclamations sur quelques bancs des groupes Dem et LR.)
M. Carlos Martens Bilongo
La faute d’Édouard Philippe !
M. Laurent Marcangeli
Aujourd’hui, nous demandons simplement qu’un député, un sénateur ou un député européen soit autorisé à exercer une fonction exécutive locale, fût-ce même une simple délégation – le mandat de conseiller municipal délégué est bénévole, il n’est pas rémunéré par l’argent public –, ce que la loi interdit aujourd’hui.
Aveuglés par votre engagement – un engagement citoyen, certes, mais aussi idéologique, il me semble –, vous êtes dans l’erreur.
M. Charles Fournier
Il faut vous expliquer, là !
M. Laurent Marcangeli
Avec ce texte, nous proposons de réparer une erreur – et je le dis alors que j’ai moi-même voté en faveur de cette loi en 2013, alors que j’étais membre de l’Union pour un mouvement populaire (UMP), ce qui me donne quelque chose en plus par rapport à vous, qui gueulez tout le temps ! (« Oh ! » sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.) Aujourd’hui, je vous le dis : réfléchissez un peu, et agissez avec votre cœur et votre cerveau – ça changera un peu ! (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RN et LR.)
M. Emmanuel Maquet
C’est mérité !
Mme la présidente
La parole est à M. David Valence.
M. David Valence
Alors que nous nous apprêtons à examiner l’article unique d’un texte qui vise à autoriser le cumul d’un mandat de député européen, de sénateur ou de député avec celui d’adjoint ou de vice-président d’un exécutif local, je voudrais partager avec vous l’état d’esprit dans lequel se trouvent une partie des députés du groupe Renaissance.
Tout d’abord, nous sommes reconnaissants au groupe Horizons et apparentés d’avoir osé inscrire ce débat important à l’ordre du jour. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.) Considérant que nous sommes tous les élus du suffrage universel, nous assurons de notre respect l’ensemble des membres de cette assemblée, y compris ceux que nous combattons au quotidien, à l’extrême droite et à l’extrême gauche.
Il n’y a pas de formule magique pour se connecter aux citoyens, ou s’en déconnecter. Le constat est simple : le cumul des mandats n’a pas disparu en France ; les parlementaires sont les seuls à s’imposer à eux-mêmes l’interdiction d’exercer un autre mandat exécutif. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LR et HOR, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes RN et Dem.)
M. Emmanuel Maquet
Exactement !
M. David Valence
Nous sommes préoccupés par l’état de nos institutions, et singulièrement par le poids du pouvoir législatif : or, en adoptant la loi du 14 février 2014, la volonté du législateur était précisément de redonner tout son poids et tout son pouvoir au Parlement. Mais est-il plus puissant maintenant que le cumul des mandats est interdit ?
M. Karim Ben Cheikh
Ce sont les 49.3 qui affaiblissent le Parlement !
M. David Valence
Soyons modestes : je crois que nos prédécesseurs ont exercé leur mandat avec au moins autant d’engagement que nous et qu’ils ont été tout aussi présents dans l’hémicycle. (« Exactement ! Bravo ! » et applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, LR, Dem et HOR.)
Pour certains d’entre nous, le texte proposé ne va même peut-être pas assez loin : il faudrait rétablir la possibilité d’être à la fois député et maire, car c’est bien là le mandat le plus universel, celui qui permet d’être spécialiste à la fois du logement, de la culture et des sports. Contrairement à ce que certains affirment, je pense que les Français attendent cette modification législative. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LR et HOR, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe Dem.)
Rappels au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Manuel Bompard, pour un rappel au règlement.
M. Manuel Bompard
Sur le fondement de l’article 70, alinéa 2, de notre règlement, pour mise en cause personnelle.
Chacun a le droit d’avoir son point de vue, monsieur Marcangeli, vous autant que nous ; mais vous ne pouvez pas nous prendre à partie et considérer que nous ne ferions que « gueuler », comme vous l’avez dit, simplement parce que nous exprimons notre position. (Exclamations sur les bancs du groupe HOR.)
M. Jérémie Patrier-Leitus
C’est vrai, en même temps !
M. Manuel Bompard
Vous avez également dit que vous aviez « quelque chose en plus » par rapport à nous, au simple motif que vous étiez déjà député en 2013 et que vous aviez voté en faveur de la loi interdisant le cumul des mandats.
M. Laurent Marcangeli
Je n’ai pas dit ça !
M. Manuel Bompard
Je vous le confirme, vous avez quelque chose de plus par rapport à nous : c’est votre erreur. La dernière fois, vous vous êtes trompé – pas nous ! (Mêmes mouvements.)
M. Laurent Marcangeli
Ce n’est pas un rappel au règlement !
M. Manuel Bompard
Et c’est bien pour ça que nous ne vous croyons pas aujourd’hui ! Soyez respectueux dans le débat et ne nous parlez pas ainsi (Vives exclamations sur les bancs du groupe RN) : défendez vos positions tranquillement et nous ferons de même.
Mme la présidente
Mes chers collègues, nous avons encore deux heures à passer ensemble. Je vous remercie de poursuivre les débats sereinement.
La parole est à M. Gérard Leseul pour un autre rappel au règlement.
M. Gérard Leseul
Il se fonde sur l’article 70, non pas alinéa 2, mais alinéas 3 et 5.
Monsieur Marcangeli, vous ne pouvez pas tenir, à l’encontre des autres groupes de l’Assemblée nationale, des propos comme ceux que vous avez tenus. (« Oh ! » sur les bancs du groupe RN.) Au nom de quoi vous permettez-vous de dire que nous n’avons pas de cerveau ? Au nom de quoi ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) C’est inadmissible ! Vous devriez vous excuser. (Exclamations sur quelques bancs des groupes RN et LR.)
M. Francis Dubois
Il n’y a que la vérité qui blesse !
M. Gérard Leseul
Qui a dit cela ? Qui ?
Mme la présidente
S’il vous plaît, chers collègues !
M. Laurent Marcangeli
Madame la présidente, je demande une suspension de séance de cinq minutes.
Mme la présidente
Elle est de droit.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-deux heures cinq, est reprise à vingt-deux heures dix.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
Article unique (suite)
Mme la présidente
La parole est à M. Alexis Corbière.
M. Alexis Corbière
Pour défendre le Parlement, et nous défendre tous, j’appelle au rejet de l’article unique. Cette controverse existe depuis deux siècles : oui, il faut donner aux députés plus de pouvoir – j’insiste sur ce terme –, afin que le Parlement soit plus fort face à l’exécutif, en particulier face au pouvoir présidentiel. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) La défense du parlementarisme doit donc nous conduire à demander plus de pouvoir, et certainement pas à diluer l’activité des députés en les autorisant à exercer un autre mandat.
Pensez-y, collègues : c’est souvent du parlementarisme rationalisé de la Ve République et de l’affaiblissement du pouvoir législatif que naît l’idée que nous n’aurions pas réellement le pouvoir ici – c’est ainsi que nos concitoyens voient les choses. Et cela nous conduit à vouloir exercer un autre mandat, comme celui de maire ou de président du conseil régional. C’est tout l’inverse que nous devons défendre, et je commencerai en affirmant un symbole clair : pas de retour en arrière, pas de cumul des mandats. J’espère donc que le texte sera rejeté.
Cette position, nous la défendons depuis plusieurs années : encore récemment, ma collègue Raquel Garrido – à qui je rends hommage, car elle ne peut être présente ce soir – a expliqué dans une tribune pourquoi nous étions opposés à la concentration du pouvoir – car c’est bien de cela dont nous parlons.
Vous parlez d’ancrage, mais quelle réalité recouvre ce mot si ce n’est la volonté de ressembler à nos concitoyens en partageant leurs conditions de vie, leurs joies et leurs peines ? Or, en concentrant les responsabilités, le cumul des mandats, au contraire, nous détache de leur quotidien. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
M. Carlos Martens Bilongo
Exactement !
M. Pierre-Henri Dumont
Mais vous êtes vice-président d’un centre communal d’action sociale !
M. Alexis Corbière
En proposant de concentrer le pouvoir entre les mains d’une poignée de citoyens, idée que tout le monde rejette, ce n’est donc pas l’ancrage que vous soutenez, mais le « désancrage » ! (« Stop ! » sur divers bancs.)
Enfin, c’est aussi un argument féministe… (Mme la présidente coupe le micro de l’orateur, dont le temps de parole est écoulé.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Louis Thiériot.
M. Jean-Louis Thiériot
Un bon député, c’est un député de terrain, pas un député de papier ! Nos concitoyens attendent des députés qu’ils fabriquent la loi – c’est notre mission constitutionnelle –, mais aussi qu’ils les aident à résoudre des problèmes pour améliorer leur quotidien. C’est bien le sens de notre engagement.
Sur le papier, vous avez tenu un beau raisonnement, monsieur Corbière, mais dans la réalité de la vraie vie institutionnelle, c’est bien l’enracinement local des députés qui démultiplie la puissance du Parlement ! En étant aussi maires ou conseillers départementaux, les députés parlent d’un territoire et de gens qu’ils connaissent, qu’ils aiment et qu’ils veulent servir. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR, RN et HOR, ainsi que sur quelques bancs du groupe Dem.)
La différence entre vous et moi, entre vous et nous, c’est que nous nous battons pour changer le quotidien des gens en étant le plus efficaces possible, alors que vous ne rêvez que de la révolution demain, sans chercher à soulager la vie de nos concitoyens aujourd’hui. (M. Manuel Bompard s’exclame.) Nous, nous sommes les hommes du présent, ceux qui servent les Français du quotidien – c’est le sens de notre engagement.
Grâce à cette excellente proposition de loi organique, qui rapprochera les parlementaires des citoyens, nous n’aurons non plus des députés théoriciens et idéologues, mais des députés au service des territoires et de la France, et donc au service de la démocratie ! (« Bravo ! » et vifs applaudissements sur les bancs des groupes LR, RN et HOR. – Quelques députés du groupe Dem applaudissent aussi.)
Mme la présidente
La parole est à M. Erwan Balanant.
M. Erwan Balanant
Je remercie le groupe Horizons d’avoir inscrit ce sujet à notre ordre du jour. Vous avez raison : il y a un problème, mais ce n’est pas celui de l’ancrage territorial. Je veux le redire avec force et conviction : la question est notre ancrage citoyen, notre manière d’appréhender tous les problèmes des Français.
Louise Morel, l’une des benjamines de l’Assemblée, n’aurait jamais été élue députée dans le système qui prévalait avant 2014. Aujourd’hui, elle représente la jeunesse de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Exclamations sur les bancs des groupes LR et HOR.)
M. Ian Boucard
Ce que vous dites est misogyne !
M. Erwan Balanant
Peut-on parler calmement ? Je n’arrive pas à m’exprimer, madame la présidente.
Mme la présidente
S’il vous plaît, chers collègues, seul M. Balanant a la parole !
M. Erwan Balanant
Louise Morel me rappelait tout à l’heure que, dans notre système parlementaire bicaméral, la moitié du processus législatif relève de l’assemblée qui représente les territoires : le Sénat ! Ceux d’entre nous qui sont ou qui ont été élus locaux les représentent aussi, d’une certaine manière.
M. Charles Fournier
Voilà !
M. Erwan Balanant
Aujourd’hui, nous avons besoin de temps pour légiférer, mais aussi pour aller à la rencontre de nos concitoyens. Au lieu de nous rajouter un mandat local, consacrons davantage de temps à rencontrer les aides-soignantes, les assistantes maternelles, les ouvriers, les employés de banque, les chefs d’entreprise de nos circonscriptions, ainsi que les élus locaux, bien sûr. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) Telle est la réalité du travail parlementaire : il est fait de rencontres sur le terrain. Nous sommes des éponges, qui absorbent les préoccupations des Français pour bien légiférer. Et pour cela, nous avons besoin de temps. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem et LFI-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Christine Pires Beaune.
Mme Christine Pires Beaune
Comme mon collègue Marcangeli et quelques autres, j’étais présente dans l’hémicycle lors des débats, déjà houleux, qui ont abouti à la belle loi de 2014, qui n’est pas une loi de déconnexion, comme je l’ai entendu, mais une loi de partage des responsabilités. Je suis extrêmement fière de l’avoir votée (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Charles Fournier applaudit également) car elle permet aux parlementaires de se consacrer à temps plein à leur mandat tout en ayant la possibilité d’être conseiller municipal, départemental ou régional. Vous semblez dire que tout cumul est impossible, mais la moitié d’entre nous cumule son mandat de parlementaire avec un mandat local. Or un conseiller municipal participe à tous les conseils municipaux ; il est donc en mesure de s’intéresser aux dossiers de sa commune.
L’argument de l’ancrage territorial est fallacieux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Alexis Corbière applaudit également.) C’est pourquoi je m’interroge sur la motivation véritable de ceux qui veulent remettre en cause la loi de 2014 : ne serait-ce pas la perspective des échéances électorales de 2026 et de 2027 ? Je vous pose la question, chers collègues : l’un d’entre vous peut-il affirmer qu’il est déconnecté de son territoire ou qu’il ne connaît pas les problèmes des collectivités locales ? (« Non ! » sur divers bancs.) Personne ! Je n’ai jamais été maire, je n’ai jamais fait partie d’un exécutif départemental ou régional.
M. Ian Boucard
Vous n’avez jamais été macroniste non plus !
Mme Christine Pires Beaune
Il suffit de travailler, d’être présent à l’Assemblée et en circonscription, et d’être à l’écoute ! C’est ce que, tous, nous faisons dans nos circonscriptions. Trouvez donc un meilleur argument que celui de la déconnexion, qui n’est vraiment pas bon. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NUPES et Écolo-NUPES, ainsi que sur quelques bancs du groupe Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Fournier.
M. Charles Fournier
En effet, nous pouvons être ancrés dans nos territoires sans nécessairement cumuler les mandats : les exemples sont nombreux. J’ai été conseiller régional et j’ai démissionné de mon mandat quand je suis devenu député. J’ai également été vice-président d’un conseil régional. Aujourd’hui, chacun peut cumuler s’il le souhaite. Le cumul continue d’exister : ce n’est donc pas de ce sujet dont nous débattons en réalité. Ce que vous voulez, c’est cumuler le mandat parlementaire avec une fonction exécutive locale.
M. Emmanuel Maquet
Oui, vous avez bien compris !
M. Charles Fournier
En quoi celle-ci vous ancrerait-elle davantage dans le territoire que le mandat de conseiller municipal, départemental ou régional ? La question sous-jacente est bien celle du cumul des pouvoirs. Votre argument n’est pas valable.
Le débat n’en est pas moins intéressant et utile, et je l’accepte. Ne dites pas qu’en déposant des amendements de suppression, nous le refusons, monsieur le rapporteur : en l’occurrence, la proposition de loi organique tient en un article unique ; demander sa suppression revient à s’opposer au texte tout entier. Le débat est utile, mais je suis en profond désaccord avec votre position.
Car d’autres voies sont possibles pour renforcer notre ancrage territorial, notamment en améliorant la manière de fabriquer la loi. Nos collègues allemands, par exemple, passent beaucoup moins de temps dans leur assemblée et beaucoup plus sur le terrain. Il faudrait s’en inspirer pour prendre davantage le pouls de nos concitoyens et élaborer des lois plus en phase avec ce qu’ils vivent. Pas de faux arguments : votre seule préoccupation, c’est le cumul des pouvoirs ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES et SOC.)
Mme la présidente
Je suis saisie de quatre amendements identiques, nos 1, 8, 17 et 77, visant à supprimer l’article unique.
La parole est à M. Charles Fournier, pour soutenir l’amendement no 1.
M. Charles Fournier
Nous proposons de supprimer l’article unique de cette proposition de loi organique car nous sommes en profond désaccord avec son contenu.
Mme la présidente
La parole est à M. Alexis Corbière, pour soutenir l’amendement no 8.
M. Alexis Corbière
Vous avez dit que la loi de 2014 était mauvaise, mais c’est faux : le non-cumul des mandats a permis d’augmenter le nombre de femmes députées de plus de 10 %. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) C’est l’une des conséquences du non-cumul, car la concentration des pouvoirs est essentiellement masculine, vous le savez très bien !
Les parlementaires devraient, nous dîtes-vous également, être plus connectés avec les communes. Ce n’est pas mon cas en Seine-Saint-Denis, mais certains collègues ont trente ou quarante communes dans leur circonscription ! À laquelle, alors, faut-il se connecter ? Si l’on est maire d’une de ces communes, va-t-on mépriser les autres ? C’est absurde !
Il y a un instant, un collègue évoquait avec flamme la Révolution française, qui a fondé la République. Sachez que la question du cumul des mandats a animé les débats constitutionnels de 1791, 1793 et 1795, qui ont tous conclu que le député ne devait pas exercer d’autre pouvoir, précisément pour qu’il exerce pleinement le mandat qu’il tenait du peuple.
M. Emmanuel Maquet
On n’est pas en cours d’histoire, c’est bon !
M. Alexis Corbière
C’est un très vieux débat. Pour notre honneur et notre travail collectif, quelles que soient les opinions que vous défendez, revendiquez avec force d’être des députés de plein exercice, en capacité de contrôle, et ne diluez pas vos responsabilités dans des fonctions locales ! Vous qui constatez la faiblesse du Parlement dans la Ve République, au nom de l’honneur de notre assemblée, rejetez cet article ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
Mme la présidente
La parole est à M. Gérard Leseul, pour soutenir l’amendement no 17.
M. Gérard Leseul
Nous sommes atterrés par l’attelage réactionnaire constitué des groupes Horizons, LR et RN, dans lequel plusieurs députés du groupe Renaissance monteront peut-être puisqu’on leur a donné la liberté de vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
M. Emmanuel Maquet
Réactionnaire, rien que ça !
M. Gérard Leseul
Vous surenchérissez dans la démagogie et le cynisme, et vous montez au marronnier du populisme. (Exclamations et rires sur quelques bancs des groupes LR et HOR.)
Un député du groupe RE
Quelle audace !
M. Gérard Leseul
Merci, cher collègue, de me reconnaître un peu d’audace. Ma collègue Cécile Untermaier, qui aurait bien mieux que moi défendu son amendement de suppression,…
M. Ian Boucard, M. Pierre-Henri Dumont et M. Emmanuel Maquet
Oui, c’est vrai !
M. Pierre-Henri Dumont
C’est la seule chose juste !
M. Gérard Leseul
…vous aurait rappelé les paroles éloquentes du constitutionnaliste Guy Carcassonne : « Le cumul des mandats est une plaie ». Cela tient à une évidence, bien connue depuis Goldoni : Arlequin ne peut servir deux maîtres à la fois, ou alors il les sert très mal.
Grâce à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), depuis des années, nous avons tout fait pour limiter, au sein de cette assemblée, les conflits entre l’intérêt général et les intérêts professionnels, les intérêts des lobbys et les intérêts locaux – conflits d’intérêts dont vous pouvez être soupçonnés si vous cumulez une fonction exécutive locale avec un mandat parlementaire. Que deviennent alors votre autonomie et votre indépendance ?
Un député du groupe HOR
Vous avez des exemples ?
M. Gérard Leseul
Les exemples sont nombreux, vous le savez très bien.
Le groupe Socialistes et apparentés n’a pas l’habitude de déposer des amendements de suppression dans une niche parlementaire, mais, en l’occurrence, nous souhaitons la suppression de l’article unique.
Mme la présidente
La parole est à M. Benoit Mournet, pour soutenir l’amendement no 77.
M. Benoit Mournet
Je remercie le groupe Horizons d’avoir permis ce débat contradictoire. J’ai assisté attentivement à la discussion générale pour me laisser convaincre. Je voudrais que nous allions au terme du débat, c’est pourquoi je retire mon amendement de suppression, dont la défense me permet néanmoins de vous présenter deux arguments défavorables au retour du cumul des mandats.
Le premier tient à l’incapacité matérielle à exercer deux mandats : nous partageons déjà notre semaine en deux parts égales entre Paris et notre circonscription, et je n’ai pas le sentiment que nous soyons coupés des réalités du terrain. Le deuxième argument repose sur une phrase de Guy Carcassonne, déjà cité par notre collègue Leseul : « […] le cumul, aussi longtemps qu’il n’est pas juridiquement interdit, est politiquement obligatoire ». En effet, à partir du moment où il est possible, il devient presque une nécessité politique, créant de fait des barrières à l’entrée de la vie politique. Avec la loi de 2014, nous avons réussi, au contraire, à ouvrir les portes et les fenêtres, et le non-cumul des mandats contribue, je crois, à lutter contre la défiance ambiante à l’égard de la politique. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et SOC. – M. Charles Fournier applaudit également.)
(L’amendement no 77 est retiré.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Henri Alfandari, rapporteur
Avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, pour donner l’avis du Gouvernement sur les amendements de suppression.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité
Le groupe Horizons vous propose de débattre d’un sujet qui me semble intéressant au vu des débats engagés. Au nom de quoi confisqueriez-vous ce débat ce soir ? (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs des groupes LR et HOR, ainsi que sur quelques bancs des groupes RE, RN et Dem.) Au nom de quoi n’autoriseriez-vous pas l’échange des arguments ? Le Sénat, ensuite, développera sa position. Dans mon intervention liminaire, j’ai indiqué que le Gouvernement donnerait un avis de sagesse sur cette proposition de loi organique. Il souhaite que ce débat puisse avoir lieu. Avis très défavorable. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR et HOR.)
M. Manuel Bompard
Quelle honte !
M. Alexis Corbière
Il se tient, le débat !
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Ray.
M. Nicolas Ray
Les députés LR s’opposeront à ces amendements de suppression, pour deux raisons. Tout d’abord, comme Mme la ministre vient de le rappeler, il est utile de faire le bilan de la loi de 2014 et d’envisager dans quelle mesure des assouplissements peuvent être utiles pour la démocratie parlementaire et locale. Par ailleurs, l’article de notre collègue Alfandari est équilibré et pragmatique. Ses dispositions permettront aux parlementaires d’exercer de nouveau une fonction exécutive locale et de réintégrer ainsi le cœur des collectivités, ce que ne permet pas le simple mandat de conseiller municipal. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Lionel Royer-Perreaut.
M. Lionel Royer-Perreaut
Je n’aime pas la tonalité de nos débats. Nous détenons tous ici une part de la légitimité de l’Assemblée nationale du fait de notre élection. Nous avons tous un parcours professionnel et politique singulier. Tous ceux qui se sont exprimés détiennent probablement une part de la vérité.
L’initiative du groupe Horizons d’inscrire à l’ordre du jour de notre assemblée la réintroduction d’une certaine forme de cumul participe d’un débat démocratique sain. Comme certains d’entre vous, j’ai été maire – en l’occurrence, de deux arrondissements représentant un territoire de 140 000 habitants – ; j’ai toujours considéré qu’à cette fonction, j’étais une sorte de confesseur républicain : on venait me confier des sujets dont on n’aurait pas parlé à un député. Ces confidences du quotidien nourrissent une expérience qui peut nous aider à légiférer utilement.
Ne cédons pas à l’hypocrisie : certains cumuls se pratiquent déjà de façon horizontale, entre organes exécutifs. Je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas être à la fois député et président du conseil d’administration d’un office HLM ou d’une société publique locale (SPL). (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, LR, Dem et HOR.) Je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas être député et adjoint aux espaces verts d’une commune. Débarrassons-nous des approches binaires ; la réalité est plus complexe que cela. Écoutons-nous et débattons de façon apaisée. À titre personnel, je suis opposé à ces amendements de suppression. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Anna Pic.
Mme Anna Pic
Il est curieux de prétendre que le débat n’a pas lieu au motif que nous examinons des amendements de suppression. La discussion a débuté aux alentours de dix-neuf heures trente et il est vingt-deux heures trente : le temps qui s’est écoulé entre-temps nous a largement permis de débattre et d’exposer les arguments qui nous opposent.
Je tiens à rétablir certaines vérités. D’après M. le rapporteur, nos concitoyens ne s’intéresseraient qu’à deux élections, celle du maire et celle du Président de la République, et se déplaceraient plus facilement pour un scrutin local que pour un scrutin législatif. Je rappelle pourtant qu’en 2020, le taux de participation aux élections municipales était de 41,6 % (MM. Ian Boucard, Pierre-Henri Dumont et Frédéric Boccaletti s’exclament), et qu’aux dernières élections législatives, il était de 46,2 %. Ces chiffres démentent les propos du rapporteur. Je ne vois pas pourquoi, en outre, la légitimité d’un parlementaire devrait être renforcée par celle que confère une liste municipale.
Nous avons un problème évident, qui ne s’est pas toujours posé : celui de la place de l’Assemblée dans l’équilibre des pouvoirs de la République. Je m’inquiète bien plus des réformes envisagées par certains, visant à réduire le nombre de députés, que de savoir si j’ai besoin de faire partie d’un organe exécutif local pour être une bonne députée. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC. – M. Charles Fournier applaudit également.)
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 1, 8 et 17.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 102
Nombre de suffrages exprimés 94
Majorité absolue 48
Pour l’adoption 27
Contre 67
(Les amendements identiques nos 1, 8 et 17 ne sont pas adoptés.)
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN, LR, Dem et HOR.)
Mme la présidente
Je suis saisie de huit amendements, nos 98, 36, 35, 59, 60, 61, 62 et 116, pouvant être soumis à une discussion commune.
(L’amendement no 98 est retiré.)
Mme la présidente
Les amendements nos 36 et 35 de M. Karl Olive sont défendus.
La parole est à M. Jean-François Lovisolo, pour soutenir l’amendement no 59.
M. Jean-François Lovisolo
Je serai rapide, pour ne pas prolonger les débats – je remercie d’ailleurs le groupe Horizons d’avoir inscrit ce sujet à l’ordre du jour de sa journée d’initiative parlementaire. Cet amendement vise à permettre aux maires des communes de moins de 30 000 habitants et aux présidents d’établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de moins de 50 000 habitants – qui jouent un rôle majeur dans l’aménagement du territoire et le renforcement du lien social – de cumuler leurs fonctions exécutives avec un mandat parlementaire.
(Les amendements nos 36 et 35 sont retirés.)
Mme la présidente
Les amendements nos 60, 61 et 62 de M. Jean-François Lovisolo sont défendus.
La parole est à M. Alexis Corbière, pour soutenir l’amendement no 116.
M. Alexis Corbière
Les députés du Rassemblement national ont beau appeler au grand changement, ils défendent le retour du cumul des mandats – les Français auront noté ce retour en arrière. Voilà encore une bonne raison de ne pas voter pour eux !
Mon amendement n’a pas pour objet d’assouplir la loi actuelle, mais plutôt de l’affermir. Après M. Mournet, à mon tour de citer Guy Carcassonne : « […] le cumul, aussi longtemps qu’il n’est pas juridiquement interdit, est politiquement obligatoire. » Voilà la réalité ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)
Vous prétendez que le cumul des mandats produit de meilleurs députés. Reconnaissez plutôt qu’il créera une distinction entre les bons députés, qui cumuleront, et ceux qui n’en auront pas les moyens.
Mme Anna Pic
Exactement !
M. Alexis Corbière
Vous créez vous-mêmes les conditions d’un système peu vertueux. C’est une machine infernale ! Cet amendement vise à interdire le cumul du mandat de député avec celui de conseiller régional ou de conseiller départemental. Mon intention est bien de vous défendre – de nous défendre. Réclamons ensemble plus de moyens, plus de collaborateurs et plus de pouvoir, pour contrôler l’exécutif et le pouvoir présidentiel : oui, cent fois oui ! (Mme Anne Le Hénanff s’exclame.)
M. Jérémie Patrier-Leitus
Et le pouvoir de Mélenchon ?
M. Alexis Corbière
Vous voudriez cumuler les mandats pour que les Français vous confessent leurs petits problèmes, a dit M. Royer-Perreaut, et pour être prétendument connectés à leurs difficultés. Moi qui ai été élu local, je sais ce qu’il en est. Si vous vous occupez de l’office du logement, vous voulez être l’élu qu’on vient voir pour obtenir un logement !
M. Frédéric Boccaletti
Il faut croire que ça se passe comme ça à la NUPES !
M. Alexis Corbière
Si vous vous occupez des affaires scolaires, vous voulez être l’élu qu’on vient voir parce qu’il accorde des dérogations ! Voilà ce que vous voulez être ! Vous voulez transformer le député en un potentat local qui obtient des voix grâce aux services rendus. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES. – Exclamations sur les bancs du groupe HOR.) Au nom de la République, refusez cela ! Et vous, au Rassemblement national, vous êtes les défenseurs de ce système pourri !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements en discussion commune ?
M. Henri Alfandari, rapporteur
Mon avis ira au-delà de cette série, puisque, comme nous le verrons plus tard, certains amendements visent à abroger la loi de 2014, tandis que d’autres visent à introduire des seuils. Je ne crois pas que l’agenda législatif actuel, issu de la réforme de 1995, doté d’une session unique et caractérisé, le cas échéant, par une situation de majorité relative – je parle pour les élus de la majorité –, nous permette d’occuper aussi des fonctions à la tête d’un organe exécutif local. Je suis donc défavorable aux amendements qui vont en ce sens.
Par ailleurs, l’esprit de la proposition de loi n’est pas d’instituer des seuils de population en deça desquels le cumul serait autorisé. Dans l’absolu, je pense d’ailleurs qu’il est plus facile de cumuler un mandat de député avec un mandat dans une grande collectivité que dans une petite.
Mme Géraldine Bannier
C’est vrai !
M. Henri Alfandari, rapporteur
En la matière, mon avis est également défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Les amendements nos 59 à 62 de M. Lovisolo visent à définir des seuils de population sous lesquels le cumul est possible. Conformément à la position que j’ai exprimée dans la discussion générale, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée : nous voulons vous entendre sur ce sujet. Par ailleurs, je suis défavorable à l’amendement no 116 de Mme Garrido.
M. Erwan Balanant
Mais qu’est-ce que c’est que ces avis de sagesse ? Je suis effaré !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Nous pouvons en parler !
(Les amendements nos 59, 60, 61, 62 et 116, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
L’amendement no 73 de M. Pierre Morel-À-L’Huissier est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Henri Alfandari, rapporteur
Défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée
Cet amendement étant satisfait, j’en demande le retrait ; à défaut, avis défavorable.
(L’amendement no 73 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 96, 37 rectifié, 118, 82, 19, 56, 53, 43, 46, 45, 75 et 76, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 43 et 46 sont identiques, de même que les amendements no 45 et 75.
M. Alexis Corbière
Il me semblait que les Républicains avaient déposé une foule d’amendements, mais personne n’est là pour les défendre ! Ils ne veulent pas parler de ce sujet !
Mme la présidente
J’en viens à l’amendement no 96.
(L’amendement no 96 est retiré.)
Mme la présidente
La parole est à M. Karl Olive, pour soutenir l’amendement no 37 rectifié.
M. Karl Olive
Il vise à introduire un seuil de population sous lequel le mandat de député peut être cumulé avec celui d’élu local. « Je crois qu’on s’est trompés » : voilà ce que disait François Bayrou en 2022 en revenant sur l’interdiction du cumul des mandats, auquel il était pourtant farouchement opposé en 2017.
M. Emmanuel Maquet
Il cite les grands auteurs !
M. Karl Olive
« La funeste erreur du non-cumul des mandats. […] Ces députés sont hors sol. Accrochés à leur circonscription, soucieux avant tout de leur réélection, ils n’ont finalement aucun réel pouvoir à l’Assemblée, condamnés à rejeter s’ils sont dans l’opposition, ou à accepter s’ils sont dans la majorité » : François Rebsamen. « Ici la situation n’est plus la même et ça ne serait pas absurde [de revenir dessus] car c’est difficile pour les maires, après, de relayer au niveau national, et les députés ont envie d’avoir des responsabilités exécutives » : Emmanuel Macron. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et HOR.)
Mme la présidente
L’amendement no 118 de M. Lionel Vuibert est défendu.
Nous passons à l’amendement no 82.
(L’amendement no 82 est retiré.)
Mme la présidente
L’amendement no 19 de M. David Valence, ainsi que les amendements nos 56 et 53 de M. Jean-François Lovisolo, sont défendus.
M. Erwan Balanant
Je demande une suspension de séance.
Mme la présidente