XVIe législature
Session ordinaire de 2023-2024

Troisième séance du mardi 13 février 2024

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Troisième séance du mardi 13 février 2024

Présidence de Mme Hélène Laporte
vice-présidente

Mme la présidente

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

    1. Lutte contre les dérives sectaires

    Suite de la discussion d’un projet de loi

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l’accompagnement des victimes (nos 2014, 2157).

    Discussion des articles (suite)

    Mme la présidente

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    Cet après-midi, l’Assemblée a commencé la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 87 à l’article 1er.

    Article 1er (suite)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 87.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    L’article 223-15-2 du code pénal punit de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende « l’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse soit d’un mineur, soit d’une personne [d’une] particulière vulnérabilité, […] soit d’une personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de l’exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement ». Les alinéas 4 et 7 de l’article 1er du projet de loi visent à supprimer la mention de la sujétion psychologique ou physique. Cette suppression est regrettable puisqu’elle vient affaiblir la portée de l’infraction identifiée à l’article 223-15-2 du code pénal. Il convient donc de supprimer ces deux alinéas.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Brigitte Liso, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission.

    Mme Brigitte Liso, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    Ces alinéas ne fragilisent absolument pas la notion d’abus de faiblesse ; c’est votre amendement qui risque de conduire à ce résultat. Les termes dont vous regrettez la disparition seront de toute façon mentionnés ailleurs. Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la ville et de la citoyenneté, pour donner l’avis du Gouvernement.

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État chargée de la ville et de la citoyenneté

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    Défavorable.

    Mme Michèle Peyron

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    Je pense que le message est passé !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Je ne comprends pas bien l’argument, madame la rapporteure : vous dites que la suppression de ces termes n’affaiblirait pas le texte ; mais dans ce cas, pourquoi les mentionner ailleurs ? Je pense qu’il est dommage de ne pas les garder dans cet article du code pénal. On parle des mineurs, des personnes vulnérables, sous emprise ; enlever ces qualificatifs ne me semble pas aller dans le bon sens.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la rapporteure.

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    Je m’explique : il s’agit de mesures de coordination qui font suite à l’insertion de l’abus de faiblesse lié à l’état de sujétion dans un nouvel article 223-15-3 du code pénal. Et si j’estime que votre amendement affaiblirait cette notion, c’est parce qu’il empêcherait que la circonstance aggravante de faits commis en bande organisée soit applicable hors mouvements sectaires.

    (L’amendement no 87 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 35 et 148.
    La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l’amendement no 35.

    Mme Marietta Karamanli

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    Supprimer le mot « direct » nous semble important pour sécuriser le texte. Le droit pénal étant d’interprétation stricte, l’ajout de cette condition pourrait permettre à des dirigeants de secte d’échapper à toute sanction en arguant du fait que les pressions, pour réelles qu’elles soient, n’étaient pas exercées directement. La présence de ce mot les protège donc d’une certaine façon. Je crois que Mme la rapporteure partage cette analyse.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 148.

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    En effet, j’ai déposé le même amendement ; mon avis sur le vôtre est donc évidemment favorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Avis favorable. La référence au caractère « direct » des pressions exercées sur les victimes de sujétion correspond à une demande du Conseil d’État, comme en atteste l’avis qu’il a rendu sur ce texte.

    (Les amendements identiques nos 35 et 148 sont adoptés.)

    Mme la présidente

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    L’amendement no 149 de Mme la rapporteure est rédactionnel.
    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Sagesse.

    (L’amendement no 149 est adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Alain David, pour soutenir l’amendement no 36.

    M. Alain David

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    Il vise à ajouter, parmi les causes de vulnérabilité conduisant à une aggravation des peines, la condition sociale précaire des victimes de dérives sectaires. En effet, la précarité sociale rend les individus vulnérables, et son exploitation doit par conséquent être prise en compte par le législateur.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    La question de la précarité sociale n’est pas inconnue du droit pénal, mais elle n’y est pas conçue de la façon que vous proposez. La formulation existante est différente de celle de votre amendement puisqu’elle inclut, outre la vulnérabilité, la dépendance dans laquelle la précarité place la victime.
    Sur le fond, la précarité sociale et économique est actuellement retenue pour des infractions de nature sexuelle : viol, agression sexuelle, harcèlement sexuel. L’abus de faiblesse, depuis l’origine, retient la vulnérabilité liée à l’âge, à l’état de santé et à l’état de grossesse – tout comme la plupart des infractions pénales. Je pense que nous devons conserver cet équilibre bien établi, bien appréhendé et bien balisé, qui a fait ses preuves.
    Enfin, à supposer qu’il faille aller dans le sens que vous proposez, pourquoi viser seulement les délits liés à l’état de sujétion et non l’abus de faiblesse simple ?
    Bref, pour des raisons de rédaction, de ciblage et d’équilibre général des dispositions pénales, je vous suggère de retirer l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Pour les mêmes raisons, demande de retrait ou avis défavorable. Retenir, dans la loi, la précarité sociale comme une circonstance aggravante de la sujétion psychologique et physique, c’est ouvrir un champ trop large – et ce n’est pas à moi qu’on apprendra ce qu’est la précarité !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Arthur Delaporte.

    M. Arthur Delaporte

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    J’ai l’impression que Mme la rapporteure estimait, contrairement à vous, madame la secrétaire d’État, qu’il n’était pas inutile de prendre en considération la précarité sociale et économique des victimes, et que cette circonstance était déjà présente dans le texte, sans être mentionnée explicitement. Il faut clarifier le texte pour affirmer que la précarité sociale doit être reconnue comme un des facteurs aggravants des infractions. Pour aller dans le sens de Mme la rapporteure, adoptons l’amendement ! (Mme la rapporteure fait un signe de dénégation.)

    (L’amendement no 36 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    L’amendement no 150 de Mme la rapporteure est rédactionnel.

    (L’amendement no 150, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

    (L’article 1er, amendé, est adopté.)

    Après l’article 1er

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de deux amendements, nos 46 et 159, pouvant être soumis à une discussion commune. L’amendement no 159 fait l’objet d’un sous-amendement, no 185.
    La parole est à M. Arthur Delaporte, pour soutenir l’amendement no 46.

    M. Arthur Delaporte

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    Pour rendre à César ce qui est à Pochon, je tiens à dire que nous reprenons là un amendement qui avait été défendu en commission par nos collègues du groupe Écologiste-NUPES. Nous avons corrigé la rédaction, qui avait besoin d’être précisée ; vous proposez d’ailleurs aussi, madame la rapporteure, une rectification dans votre sous-amendement.
    Lors des auditions, nous avons entendu des témoignages indiquant que des groupes à caractère sectaire bénéficiaient de dons défiscalisés. L’État finance donc des sectes à deux tiers, ce qui est évidemment inacceptable. L’amendement vise à ce que les personnes morales condamnées pour l’une des infractions prévues dans le texte ne puissent pas bénéficier de ces avantages fiscaux. Quoi de pire qu’un gourou recevant des dons défiscalisés ?

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Marie Pochon, pour soutenir l’amendement no 159.

    Mme Marie Pochon

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    Il est en effet similaire à celui que vient de présenter M. Delaporte. Aujourd’hui, en France, des organismes reconnus coupables de dérives sectaires ont la possibilité de bénéficier d’abattements fiscaux sur les dons ou les legs. Par le présent amendement, nous proposons de supprimer cette possibilité. C’est la seule manière de garantir que l’État ne subventionne pas indirectement de tels organismes – une situation contre laquelle nous tentons précisément de lutter avec ce projet de loi.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir le sous-amendement no 185 et donner l’avis de la commission sur les amendements en discussion commune.

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    Je préfère l’amendement présenté par Mme Pochon :…

    M. Arthur Delaporte

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    Il est meilleur ! (Sourires.)

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    …il inclut à la fois l’état de sujétion et l’état de faiblesse, alors que le vôtre, monsieur Delaporte, ne concerne que l’état de faiblesse. Je suis donc favorable à l’amendement no 159 sous réserve de l’adoption de mon sous-amendement no 185, et défavorable à l’amendement no 46.

    (L’amendement no 46 est retiré.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement no 185 et l’amendement no 159 ?

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Avis évidemment favorable au sous-amendement et à l’amendement sous-amendé. La France peut s’enorgueillir d’avoir un dispositif de soutien à la philanthropie parmi les plus généreux du monde. Les articles 200 et 238 bis du code général des impôts prévoient notamment que les dons faits à des organismes philanthropiques donnent droit à des réductions d’impôt représentant jusqu’à 66 % du montant des dons – c’est beaucoup. Certains organismes mal intentionnés, qui portent atteinte aux droits et libertés fondamentaux ou aux valeurs de la République, ou qui troublent l’ordre public, peuvent chercher à en bénéficier. Depuis la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, dite loi « séparatisme », le législateur a prévu une liste d’infractions écartant les associations qui s’en seraient rendues coupables du bénéfice de ce régime d’intérêt général. Vous souhaitez étendre ces interdictions aux délits liés à la dérive sectaire, et je m’en réjouis.

    (Le sous-amendement no 185 est adopté.)

    (L’amendement no 159, sous-amendé, est adopté.)

    Article 2

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 66, 89 et 127, tendant à supprimer l’article 2.
    La parole est à Mme Emeline K/Bidi, pour soutenir l’amendement no 66.

    Mme Emeline K/Bidi

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    Tout comme nous avons demandé la suppression de l’article 1er, nous demandons celle de l’article 2, qui entend introduire la sujétion psychologique ou physique comme circonstance aggravante pour plusieurs infractions. Le code pénal est suffisamment complet.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 89.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Je l’ai expliqué : l’article du code pénal affecté par la nouvelle rédaction de l’article 1er ne me semblait pas devoir être modifié. À l’article 2, vous introduisez une circonstance aggravante pour les infractions auxquelles je ne souhaitais pas toucher à l’article 1er. Il s’agit donc d’un amendement de cohérence.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-François Coulomme, pour soutenir l’amendement no 127.

    M. Jean-François Coulomme

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    Nous sommes également favorables à la suppression de l’article 2. En effet, les circonstances aggravantes existent déjà dans le code pénal. Prenons l’exemple du cinéma : ces dernières semaines, plusieurs scandales ont éclaté concernant des abus sexuels à l’encontre de jeunes actrices encore mineures. Pour que les dispositions pénales conservent toute leur signification et toute leur portée, nous pensons préférable qu’elles restent dans le code pénal. L’article 2 nous semble donc inutile et contre-productif puisqu’il pourrait être modifié dans une loi future et se trouver alors en contradiction avec le code pénal.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements de suppression ?

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    L’article 2 améliorera la répression des auteurs d’infractions sur des victimes en état de sujétion. Nous avons adopté, à l’article 1er, la création d’un nouveau délit réprimant spécifiquement la sujétion psychologique ou physique d’une personne. Il est cohérent de définir des circonstances aggravantes pour les infractions prévues à l’article 1er. Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Didier Paris.

    M. Didier Paris

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    Un peu de cohérence : nous avons adopté l’article 1er ; il ne serait pas judicieux de supprimer l’article 2, qui en est la conséquence directe.
    J’appelle l’attention de nos collègues sur le fait que, contrairement à ce qui a été affirmé, le code pénal ne prévoit pas spécifiquement l’infraction d’abus frauduleux d’une personne en état de sujétion psychologique ou physique. Il prévoit des circonstances aggravantes quand le meurtre ou l’acte de barbarie – des crimes graves – sont commis à l’encontre « d’une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur ». Il n’est pas fait mention d’une sujétion physique ou morale découlant des emprises sectaires.
    C’est la raison pour laquelle nous avons, à l’article 1er, proposé une nouvelle incrimination et, à l’article 2, introduit la sujétion psychologique ou psychique comme circonstance aggravante pour certaines infractions. Pour lutter contre les dérives sectaires, cet article est indispensable. Chers collègues, je vous appelle à le soutenir.

    (Les amendements identiques nos 66, 89 et 127 ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Béatrice Descamps, pour soutenir l’amendement no 28.

    Mme Béatrice Descamps

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    Cet amendement complète l’article 2 pour créer une circonstance aggravante d’assujettissement psychologique ou physique en cas de viol. L’objectif est de renforcer les peines prévues lorsque le viol est commis dans un contexte sectaire.
    Dans son étude d’impact, le Gouvernement précise qu’il n’a pas souhaité inclure les infractions sexuelles dans le projet de loi car il considère que l’état de contrainte dans lequel se trouve la victime est déjà pris en compte dans la caractérisation des éléments constitutifs de l’infraction. Cependant, la définition du viol par le code pénal ne prend pas en compte le contexte particulier des dérives sectaires et de l’emprise mentale subie, souvent pendant des années, par la victime. Il est donc nécessaire d’élargir la circonstance aggravante au viol.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sylvie Bonnet, pour soutenir le sous-amendement no 186.

    Mme Sylvie Bonnet

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    L’auteur d’un viol pouvant toujours affirmer qu’il n’avait pas conscience de l’état de sujétion de la victime, ce sous-amendement propose de prévoir la circonstance aggravante dès lors que l’assujettissement psychologique ou physique est manifeste.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission sur l’amendement et le sous-amendement ?

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    Je comprends l’objectif de l’amendement, madame Descamps, mais ce que vous proposez semble impossible au vu des règles constitutionnelles en matière pénale. Le viol, en effet, suppose la violence, la contrainte, la menace ou la surprise. Or l’état de sujétion est une contrainte, voire une violence. Aussi l’élément constitutif de l’infraction serait-il également une circonstance aggravante, ce qui est contraire au principe de nécessité et de proportionnalité des peines, comme l’a jugé précédemment le Conseil constitutionnel. Demande de retrait ou avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Avis défavorable.

    (Le sous-amendement no 186 n’est pas adopté.)

    (L’amendement no 28 n’est pas adopté.)

    (L’article 2 est adopté.)

    Article 2 bis A

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 20 et 128, tendant à supprimer l’article 2 bis A.
    L’amendement no 20 de M. Xavier Breton est défendu.
    La parole est à M. Hadrien Clouet, pour soutenir l’amendement no 128.

    M. Hadrien Clouet

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    En l’état du débat et au vu des mesures précédemment adoptées, le groupe LFI-NUPES considère que le projet de loi se limite à des effets d’annonce sur l’ordonnancement général des peines et sur les moyens alloués à la lutte contre les dérives sectaires. L’article mériterait d’être retravaillé globalement. Nous demandons sa suppression.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    L’article 2 bis A est cohérent avec les articles 1er et 2 : il étend aux thérapies de conversion, dont le lien avec les dérives sectaires est manifeste et a été mis en évidence par la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, la Miviludes, les circonstances aggravantes correspondant aux dérives sectaires – état de sujétion de la victime, commission par un gourou ou par les membres d’un mouvement sectaire en bande organisée. Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Même avis.

    (Les amendements identiques nos 20 et 128 ne sont pas adoptés.)

    (L’article 2 bis A est adopté.)

    Article 2 bis

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 10, 73 et 102 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.
    Les amendements nos 10 et 73 sont identiques.
    L’amendement no 10 de M. Erwan Balanant est défendu.
    La parole est à M. Didier Paris, pour soutenir l’amendement no 73.

    M. Didier Paris

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    Par souci de cohérence avec le code pénal, la commission des lois a porté de six à dix ans le délai de prescription après la majorité de la victime mineure. Nous souhaitons que cette mesure s’applique non seulement aux nouvelles dispositions que nous venons d’adopter, mais aussi aux dispositions anciennes relatives à l’abus de faiblesse. Enfin, nous demandons que la procédure ne s’applique pas uniquement aux infractions sexuelles, comme le prévoit le texte initial – peut-être s’agit-il d’une erreur de rédaction.

    Mme la présidente

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    L’amendement no 102 rectifié de M. Antoine Vermorel-Marques est défendu.
    Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    Nous avons débattu du délai de prescription en commission et vous avez retravaillé les amendements nos 10 et 73 en conséquence. Je suis favorable à ces deux amendements identiques et je propose le retrait de l’amendement no 102 rectifié, qui sera largement satisfait par l’adoption des deux autres, car il est moins-disant – il reprend la version du Sénat que nous avions déjà élargie.

    (L’amendement no 102 rectifié est retiré.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 10 et 73 ?

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Leur rédaction est conforme au droit et s’inscrit pleinement dans l’esprit du texte. Avis favorable.

    (Les amendements identiques nos 10 et 73 sont adoptés ; en conséquence, l’article 2 bis est ainsi rédigé et l’amendement no 29 tombe.)

    Article 2 ter

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Andy Kerbrat, pour soutenir l’amendement no 110, tendant à supprimer l’article 2 ter.

    M. Andy Kerbrat

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    Nous sommes tous d’accord sur la nécessité de la protection de l’enfance – l’examen de plusieurs textes législatifs l’a rappelée récemment. Par cet amendement, nous demandons la suppression de l’article 2 ter, qui renforce, de manière déraisonnable, les peines encourues dans les situations d’isolement social de l’enfant. Nous souhaitons évidemment des peines fortes pour les personnes qui exercent une emprise totale sur les enfants, mais votre arme de dissuasion massive pénale empêchera-t-elle de telles dérives ? Non, et nous ne cessons de vous l’expliquer ! Car il faut des moyens.
    Moi qui ai fréquenté, contre mon gré, une école privée… (Exclamations sur les bancs des groupes RE, RN et LR.) Vous réglerez cela avec mon père et ma mère !
    Je me souviens que, dans cet établissement, certains enseignants nous expliquaient que l’homosexualité était un péché. Nous disposions même d’un curé à demeure. (Mêmes mouvements.)

    M. Thomas Ménagé

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    C’était à Stanislas ?

    M. Andy Kerbrat

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    Non, mais dans le grand Ouest,…

    M. Emeric Salmon

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    C’était à Blanche de Castille !

    M. Andy Kerbrat

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    …des établissements étaient connus pour inviter des intervenants qui expliquaient aux élèves qu’être homosexuel était sale et menait au VIH et à la drogue. Mais ce n’est pas le sujet.
    Dans l’école privée où j’étais élève, j’ai fréquenté des enfants isolés – on les appelait les « serre-tête jupe » –, qui vivaient enfermés entre leur domicile et l’établissement. Nous avions beau lutter pour les sortir de leur isolement, nous n’y arrivions pas.

    Plusieurs députés du groupe RE

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    Hors sujet !

    M. Andy Kerbrat

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    Croyez-vous qu’aggraver les peines empêchera de telles situations ? Non ! Nous ne détectons pas ces enfants parce que nous ne disposons pas des moyens humains nécessaires. Voilà le problème ! Nous demandons donc la suppression de l’article 2 ter.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission sur cet amendement de suppression ?

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    Cet article introduit par le Sénat et modifié en commission améliore la réponse pénale à l’égard des parents qui abandonnent, isolent ou désocialisent leurs enfants – bref, à l’égard de toutes les personnes qui manifestent un comportement sectaire.
    Que proposez-vous ? La suppression simple de l’article, parce que vous êtes opposés, par principe, à ce que des peines pénales soient alourdies, voire appliquées.

    M. Andy Kerbrat

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    Il faut mieux lire la fiche !

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    Je suis totalement défavorable à votre amendement. Le volet prévention que vous appelez de vos vœux existe déjà. Par ailleurs, face aux parents délinquants qui endoctrinent leurs enfants et les mettent en danger en les privant de liberté, la République se doit d’être ferme. (M. Andy Kerbrat s’exclame.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    La protection de l’enfance est une priorité des autorités publiques et passe par l’éducation, par des contrôles, mais aussi par des sanctions sévères à l’encontre de ceux qui commettent des atrocités envers les enfants. Le lien de cet article avec le projet de loi est indirect. Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-François Coulomme.

    M. Jean-François Coulomme

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    Je souhaite appuyer les propos de mon collègue Andy Kerbrat, non à l’aide d’arguments moraux ou en contestant l’efficacité de votre disposition, mais en insistant sur le fait qu’elle concerne des pans particulièrement précaires de la société. Ce n’est pas dans les milieux bourgeois qu’on planque ses enfants car on n’arrive pas à trouver sa place dans des structures sociales telles que l’école ou le travail.
    Nous avons affaire à des gens socialement fragiles, mais vous prévoyez de multiplier par dix la durée de la peine d’emprisonnement encourue et par cent le montant maximal de l’amende, porté à 300 000 euros ! C’est complètement aberrant : si une telle peine était appliquée, elle provoquerait l’explosion de la cellule familiale, alors que nous devrions plutôt nous préoccuper d’améliorer son fonctionnement grâce à une remédiation et à un travail sur ses valeurs. Vous préférez l’enfoncer. Hélas, c’est bien souvent ainsi que vos lois fonctionnent.

    Mme Marie Pochon

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    Eh oui !

    (L’amendement no 110 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    L’amendement no 16 de Mme Christelle Petex est défendu.

    (L’amendement no 16, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    (L’article 2 ter est adopté.)

    Article 2 quater

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Mathilde Desjonquères, pour soutenir l’amendement no 69.

    Mme Mathilde Desjonquères

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    Les débats en commission ont permis la création de ce nouvel article modifiant la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique. Il impose aux personnes dont l’activité consiste à offrir un accès à des services de communication au public en ligne de concourir à la lutte contre l’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse relevant de l’article 223-15-2 du code pénal et contre le placement et le maintien dans l’état de sujétion relevant du nouvel article 223-15-3 du même code. Cette obligation est similaire à celle qui leur est déjà faite de lutter contre le harcèlement scolaire, contre le harcèlement moral ou encore contre la provocation à la haine ou à des actes terroristes.
    L’amendement vise à ajouter les atteintes à la personnalité et la mise en danger de la personne à l’énumération des comportements contre lesquels lutter. Ces formulations ne sont pas nouvelles et se trouvent déjà dans le code de procédure pénale et dans le code pénal, ce qui assure leur conformité au droit.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    Je vous remercie d’avoir pris en considération les observations que j’ai émises en commission. Avis favorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Avis de sagesse.

    (L’amendement no 69 est adopté.)

    (L’article 2 quater, amendé, est adopté.)

    Article 3

    Mme la présidente

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    Sur l’amendement no 113, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Hadrien Clouet, pour soutenir l’amendement no 111, tendant à supprimer l’article.

    M. Hadrien Clouet

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    En commission, nous avons croisé le fer à propos de l’article 3, et notre désaccord reste entier. Laissez-moi rappeler ce dont il s’agit : l’article vise à modifier la nature des associations autorisées à se constituer partie civile dans les affaires touchant aux dérives sectaires. Actuellement, les associations doivent pour cela être reconnues d’utilité publique. Une seule association est concernée en pratique : l’Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu victimes de sectes (Unadfi), qui s’acquitte parfaitement de sa mission depuis des années.
    Par cet article, vous souhaitez substituer aux associations reconnues d’utilité publique (Arup) les associations disposant d’un agrément. Nous nous opposons à cette modification profonde du droit ; nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls, car le professeur Philippe-Jean Parquet, auditionné par la commission, et le Conseil national des barreaux (CNB), dans sa résolution sur le projet de loi, ont émis d’importantes réserves quant à cet article, qui fait l’objet d’une contestation assez générale, pour plusieurs raisons.
    Premièrement, l’Unadfi faisant bien le boulot, pourquoi l’évincer ? Deuxièmement, le passage d’une reconnaissance d’utilité publique à un agrément signifie que la capacité de se constituer partie civile sera désormais accordée aux associations de manière discrétionnaire, et pourra donc l’être pour des raisons partisanes. La liste des associations disposant d’un agrément risque ainsi d’être renouvelée à chaque alternance politique. Nous refusons de subordonner la lutte contre les dérives sectaires à la couleur politique du gouvernement en place.
    D’ailleurs, ce type de réforme affaiblit l’idée même de la reconnaissance d’utilité publique. En effet, une association de lutte contre les dérives sectaires a aujourd’hui intérêt à obtenir cette reconnaissance, mais cela ne sera plus le cas si l’article est adopté ; il lui suffira de s’appuyer sur les bons réseaux et de connaître les bonnes personnes pour obtenir un agrément. Nous ne sommes pas d’accord avec cette manière de faire.
    Enfin, cette mesure s’inscrit dans un mouvement général, ni utile ni bienvenu, de substitution des associations au ministère public en matière de poursuites judiciaires.
    Pour toutes ces raisons, nous espérons la suppression de l’article 3, qui constitue un danger pour les libertés.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    Comme vous l’avez souligné, nous ne tomberons pas d’accord sur ce sujet. L’article 3 élargit fort utilement le champ des associations qui peuvent se constituer partie civile dans les affaires relatives aux dérives sectaires. Certes, l’Unadfi dispose de ce droit, mais ce n’est pas le cas d’autres associations telles que le Centre contre les manipulations mentales (CCMM), le Centre national d’accompagnement familial face à l’emprise sectaire (Caffes) ou le groupe d’étude des mouvements de pensée en vue de la protection des individus (Gemppi), pourtant tout à fait méritantes et à l’écoute des victimes et de leurs familles.
    Vous faites valoir qu’un agrément est différent d’une reconnaissance d’utilité publique, mais je rappelle que l’obtention de l’agrément obéit également à des critères clairement établis tels que l’intérêt général, la transparence financière, la collégialité, la signature d’un contrat d’engagement républicain (CER) ou encore le nombre de membres. Je ne vois pas pourquoi nous refuserions l’égalité territoriale et établirions une hiérarchie entre les associations. C’est pourquoi je suis défavorable à l’amendement.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Défavorable. Contrairement à ce que vous dites, les familles de victimes de dérives sectaires regrettent le manque d’interlocuteurs. L’existence d’associations agréées par le ministère de la justice – donc par l’État, ce qui leur donne du poids – correspond à une demande des familles de victimes, même lorsqu’elles ne sont pas constituées en association.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Hadrien Clouet.

    M. Hadrien Clouet

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    Je vous remercie de vos réponses, mais j’y vois deux contradictions. D’abord, vous revendiquez l’élargissement du champ des associations pouvant se constituer partie civile au motif que certaines associations sont méritantes, ce qui implique que d’autres ne le sont pas. Or la reconnaissance d’utilité publique offre un moyen de les distinguer qui ne dépend pas d’un avis personnel, moral ou politique quant à ce qui constitue le mérite ou l’intérêt général.

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Il y a des critères objectifs !

    M. Hadrien Clouet

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    En effet, nous ne sommes pas toujours d’accord sur l’intérêt général ; c’est bien normal, et c’est pour cela que nous avons instauré des institutions qui ne dépendent ni de vous, ni de nous, pour décider quelle association doit pouvoir agir.
    Ensuite, vous affirmez que vous refusez d’établir une hiérarchie entre les associations, mais c’est pourtant ce que vous ferez en distinguant les associations agréées des associations non agréées. Vous modifierez simplement les critères qui fondent la hiérarchie existante.
    Si vous tenez à élargir la liste des associations pouvant se constituer partie civile, l’amendement no 113 vous en offrira la possibilité. Il admet en effet le dispositif d’agrément que vous proposez, qui rendra possible un élargissement territorial, tout en maintenant le droit qu’ont les Arup de se porter partie civile. Nous pouvons cumuler les deux dispositions !
    Si nous demandons la suppression de l’article, c’est parce que nous sommes hostiles à la liquidation de la reconnaissance d’utilité publique, mais si vous maintenez les droits qui y sont attachés tout en prévoyant par ailleurs la possibilité d’un agrément, nous n’y verrons aucune objection. Vous accroîtrez ainsi l’égalité territoriale sur le fondement de l’intérêt général, tout en conservant la garantie qu’une Arup pourra se porter partie civile.
    Pourquoi choisir lorsque ce n’est pas nécessaire ? Nous pourrions à la fois étendre à d’autres associations la possibilité de se constituer partie civile et pérenniser ce droit pour les Arup.

    M. Jean-François Coulomme

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    Exactement !

    (L’amendement no 111 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 21 et 172.
    L’amendement no 21 de M. Xavier Breton est défendu.
    La parole est à M. Thomas Ménagé, pour soutenir l’amendement no 172.

    M. Thomas Ménagé

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    Les alinéas 1 à 3, dont nous sollicitons la suppression, ont été ajoutés à l’article par voie d’amendement en commission des lois. Je tiens à rappeler d’abord que nous sommes tous d’accord – et c’est tant mieux – pour lutter contre les thérapies de conversion. L’adoption de la loi du 31 janvier 2022 interdisant les pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne était souhaitable ; aussi les députés du Rassemblement national l’ont-ils votée, comme, je crois, l’intégralité des députés.
    Cependant, les alinéas 1 à 3 ouvrent une boîte de Pandore, risquant de créer un droit processuel à deux vitesses et de devenir, à terme, néfastes pour les victimes. En droit de procédure pénale, le principe veut que la partie civile ait subi personnellement et directement le préjudice dont elle demande la réparation. Une exception à ce principe a été créée il y a plusieurs années pour autoriser les associations à se porter partie civile lorsqu’elles défendent un intérêt catégoriel, à condition d’obtenir l’accord de la victime. Le droit français a ensuite admis que l’accord de la victime n’était pas nécessaire dans certains cas précis, soit une exception à l’exception.
    En étendant encore cette possibilité, nous prendrions le risque de déstabiliser complètement l’état du droit. Pourquoi, pourrait-on dire, l’étendre aux thérapies de conversion et non à d’autres cas, voire à tous les cas ? On pourrait même s’interroger sur la raison pour laquelle nous ne l’étendrions pas, dans le cadre de ce projet de loi, à tous les cas qui relèvent d’un état de sujétion plutôt qu’aux seules thérapies de conversion ; ce serait plus cohérent.
    Il ne nous paraît pas opportun de faire une exception à l’exception pour le cas particulier des thérapies de conversion. Par précaution juridique, nous sollicitons donc la suppression des alinéas 1 à 3.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    Permettez-moi de rappeler le contenu de ces alinéas. La commission a décidé de permettre aux associations luttant contre les discriminations de se constituer partie civile sans nécessairement recueillir l’accord de la victime d’une thérapie de conversion. C’est ce que vous souhaitez supprimer. J’ajoute une précision capitale : le dispositif ne concerne pas toutes les victimes, mais seulement les victimes en état de sujétion.
    Je rappelle que les thérapies de conversion sont liées à des dérives sectaires, comme la Miviludes l’a mis en évidence en 2021. De nombreuses victimes de ces pratiques sont en état de sujétion et, comme les victimes de dérives sectaires, ont perdu leur discernement. Notre droit n’exige pas l’accord de la victime de dérives sectaires, précisément car elle est en état de sujétion – j’insiste sur ce point, car il est crucial.
    Il est donc cohérent et logique d’appliquer la même disposition à la victime d’une thérapie de conversion dès lors qu’elle se trouve en état de sujétion, sans discernement. Avis défavorable.

    M. Thomas Ménagé

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    Dans ce cas, il faut l’étendre à tout état de sujétion…

    (Les amendements identiques nos 21 et 172, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Raphaël Gérard, pour soutenir les amendements nos 13 et 14, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

    M. Raphaël Gérard

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    La discussion des amendements précédents met en lumière les obstacles à la lutte contre les dérives sectaires que dressent certains partis proches de mouvements religieux reconnus comme des sectes. Je pense à Civitas ou à feu La Manif pour tous, des mouvements chrétiens ultrarigoristes. Entre l’examen du texte en commission, qui a mené à introduire dans le texte ces alinéas, et son examen en séance, ces mouvements sont parvenus à mobiliser tous les députés qui leur sont proches et qui représentent, en quelque sorte, leur bras armé dans l’hémicycle pour tenter de supprimer les dispositions adoptées en commission.
    Elles visent pourtant à rectifier une des lacunes de la loi du 31 janvier 2022 interdisant les pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne, compte tenu du rôle que jouent certaines associations religieuses dans les dérives sectaires. Évidemment, ces groupes n’affichent pas explicitement leurs pratiques sectaires et parlent plutôt de « stages de prière », mais les victimes sont claires quand, à l’âge adulte, elles osent enfin prendre leur indépendance et porter un regard critique sur la période de leur adolescence pendant laquelle elles ont été soumises à ce genre d’exercices, souvent sous la pression de leurs parents ou parfois directement sous celle de l’Église, qui recrute dans certaines paroisses parisiennes.

    M. Thomas Ménagé

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    Ce n’est pas très sympa pour la ministre des sports !

    M. Raphaël Gérard

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    Nous l’avions pointé dans la loi du 31 janvier 2022, dont Laurence Vanceunebrock était la rapporteure.
    L’objectif des amendements nos 13 et 14 est de réaffirmer la capacité des associations à ester en justice. Pour les thérapies de conversion, le délai de prescription est de six ans. Imaginons la situation d’un enfant victime d’une thérapie de conversion à l’âge de 11 ans lors d’un camp relevant d’une pratique plus ou moins religieuse : lorsqu’il sera en capacité d’entamer une procédure judiciaire, les faits seront prescrits.
    Nous voulons modifier les délais de prescription. Les amendements nos 13 et 14 visent à permettre à des associations défendant les droits des personnes LGBT d’ester en justice quand la victime est sous emprise ou sous la sujétion de sa famille ou d’un groupe sectaire, ce qui l’empêche de se porter partie civile. C’est le cas pour de nombreuses autres infractions, mais la disposition n’est pas prévue pour les thérapies de conversion. Il faut rectifier le tir afin de rendre la loi du 31 janvier 2022 applicable. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    Dans le droit fil du raisonnement que j’ai tenu à M. Thomas Ménagé, c’est parce que la victime est en état de sujétion qu’on permet à l’association de se passer de son accord – je suis ferme sur ce point. Nous avons assimilé les victimes des thérapies de conversion à celles des dérives sectaires parce qu’elles sont les unes et les autres en état de sujétion.
    L’avis de la commission est défavorable sur l’amendement no 13.
    Par l’amendement no 14, vous souhaitez supprimer l’obligation d’un accord du représentant légal d’une victime de thérapie de conversion pour que les associations compétentes puissent ester en justice. L’amendement est pleinement satisfait : je vous invite à le retirer, sans quoi la commission émettra un avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    La position du Gouvernement est la même que celle de la commission : nous vous demandons de retirer ces amendements ; à défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
    Dans la mesure du possible, je souhaite que le projet de loi se concentre sur les dérives sectaires. Les thérapies de conversion constituent un sujet à part entière et doivent être abordées dans un autre texte de loi.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Raphaël Gérard.

    M. Raphaël Gérard

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    J’entends les arguments de Mme la rapporteure et de Mme la secrétaire d’État. Le sujet ne sera malheureusement pas tranché à l’issue de ce débat sur les dérives sectaires. Or la majorité des thérapies de conversion s’inscrivent dans le cadre de ce phénomène. De toute évidence, nous avons beaucoup de peine à avancer sur les sujets LGBT. Il faudra en tirer des conséquences au cours de cette législature, peut-être par la voie d’un véhicule législatif spécifique permettant de remédier à certaines lacunes et de garantir la bonne application des lois votées depuis sept ans. Je retire les amendements nos 13 et 14.

    M. Andy Kerbrat

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    Je les reprends !

    (Les amendements nos 13 et 14, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Schreck, pour soutenir l’amendement no 97.

    M. Philippe Schreck

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    Je serai bref, car nous avons largement exploré le sujet. Quel niveau statutaire garantit qu’une association agit réellement et exclusivement dans l’intérêt des victimes ? La reconnaissance d’utilité publique présente des garanties quant à la taille critique, aux moyens, à la durabilité, à la représentation au niveau national et au fonctionnement interne que les associations agréées n’offrent pas toujours. Il serait certes utile d’envisager que les associations bénéficiant de l’agrément soient accompagnées pour obtenir la reconnaissance d’utilité publique. Toutefois, il ne paraît pas opportun de modifier l’état actuel du droit en ce qui concerne la capacité d’ester en justice des associations.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    Comme je l’ai déjà dit, en ouvrant les critères d’agrément des associations, on renforce l’accompagnement des victimes, on améliore leurs chances de voir leurs préjudices réparés et on assure l’égalité territoriale entre les victimes. En outre, si vous en doutiez encore, sachez que l’agrément ne sera pas délivré sans contrôle ; au contraire, les critères seront sérieux et fermes. Avis défavorable.

    (L’amendement no 97, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    L’amendement no 55 de M. Xavier Breton est défendu.

    (L’amendement no 55, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de deux amendements, nos 113 et 30, pouvant être soumis à une discussion commune.
    La parole est à M. Hadrien Clouet, pour soutenir l’amendement no 113.

    M. Hadrien Clouet

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    Par l’amendement no 113, que j’ai évoqué tout à l’heure en présentant l’amendement de suppression no 111, nous vous proposons d’instaurer ce qui vous tient à cœur, à savoir l’agrément des associations de votre choix pour qu’elles puissent se constituer partie civile pour défendre les victimes des dérives sectaires, tout en conservant le droit existant. Ainsi, l’Unadfi et toute autre association qui obtiendrait le statut d’Arup pourraient aussi se porter partie civile. Les deux dispositifs coexisteraient.
    Adopter l’amendement no 113 ne retirerait rien à personne. Toutes les personnes qui ont été accompagnées par des associations se trouvent dans l’une ou l’autre de ces situations. Nous pouvons ne léser personne et faire un progrès tous ensemble en matière de droit. (M. Frédéric Mathieu applaudit.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Béatrice Descamps, pour soutenir l’amendement no 30.

    Mme Béatrice Descamps

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    Il vise également à permettre aux associations reconnues d’utilité publique et aux associations agréées de se porter partie civile.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission sur les amendements ?

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    Comme je l’ai dit en commission et comme je l’ai de nouveau expliqué dans l’hémicycle, en conservant les deux régimes, dont l’un est plus contraignant que l’autre, on risque d’aboutir à une hiérarchie informelle entre les associations. Or ce n’est souhaitable ni pour les victimes, ni pour les associations. L’avis de la commission sur les amendements nos 113 et 30 est donc défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    L’avis du Gouvernement est défavorable, pour une raison simple. Permettez-moi de vous rappeler les critères de l’utilité publique, afin d’expliquer pourquoi un agrément par le ministère de la justice des associations d’aide aux familles des victimes de dérives sectaires est important. Je précise rapidement ces critères.

    M. Hadrien Clouet

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    Ce n’est pas le sujet ! Nous proposons de maintenir les deux dispositifs !

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Si, c’est le sujet. Pour qu’une association soit reconnue d’utilité publique,…

    M. Fabien Di Filippo

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    C’est un dialogue de sourds !

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    …elle doit compter plus de 200 membres, respecter certains principes de gouvernance, avoir un rayonnement national et disposer d’un budget d’au moins 46 000 euros. Aujourd’hui, les procédures de reconnaissance sont très longues. Je souhaite résoudre ce problème et répondre aux attentes des associations et des familles, avec lesquelles j’ai travaillé. Je ne défends pas cette position simplement pour m’opposer à vous ; ceux qui me connaissent le savent.

    M. Fabien Di Filippo

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    On connaît vos accointances avec la gauche !

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Mais nous avons besoin d’aller vite et d’être agiles. Or l’agrément d’une association par l’État accroît sa légitimité aux yeux des familles.

    M. Hadrien Clouet

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    Et l’Unadfi ?

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Actuellement, l’Unadfi est la seule à pouvoir se constituer partie civile.

    M. Hadrien Clouet

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    Justement, nous proposons deux dispositifs !

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Notre but est que plusieurs associations agréées par le ministère de la justice puissent se constituer partie civile.
    Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Élisa Martin.

    Mme Élisa Martin

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    Madame la rapporteure, votre argumentation est étonnante. La mesure que nous proposons n’instaurerait absolument pas une hiérarchie entre les associations. Au contraire, nous élargissons la possibilité d’ester en justice des associations dans des situations très complexes pour les victimes.
    M. Raphaël Gérard a évoqué les jeunes gens qui subissent des stages de conversion. Il faut garantir que ces victimes soient effectivement défendues en donnant la possibilité aux associations d’ester en justice.
    Peut-être y a-t-il des choses que vous ne nous dites pas. En tout cas, vos arguments ne tiennent pas. Le débat législatif se poursuit, amendement après amendement, mais cela fait plusieurs fois que nous ne comprenons pas vos arguments.
    Or il s’agit ici de permettre aux victimes d’être défendues dans une situation difficile. Mesdames et messieurs les députés, que répondrez-vous aux associations qui vous demanderont pourquoi vous les avez sorties du champ de celles qui peuvent se constituer partie civile ? Dès lors que l’agrément repose sur des critères précis, pourquoi ne pas leur permettre de continuer de jouer leur rôle de défense des victimes ? Que leur direz-vous ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LIOT.)

    M. Jean-François Coulomme

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    Exactement !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la secrétaire d’État.

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Je n’ai sans doute pas été assez claire. Je suis évidemment d’accord avec ce que vous dites ; cela va sans dire. Cependant, la rédaction de l’amendement no 113 n’est pas entièrement satisfaisante. Celle de l’amendement no 30 est plus aboutie ; j’y suis donc favorable.

    M. Frédéric Mathieu

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    Leur rédaction est la même !

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 113.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        155
            Nombre de suffrages exprimés                151
            Majorité absolue                        76
                    Pour l’adoption                32
                    Contre                119

    (L’amendement no 113 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 30.

    (Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        156
            Nombre de suffrages exprimés                154
            Majorité absolue                        78
                    Pour l’adoption                67
                    Contre                87

    (L’amendement no 30 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    L’amendement no 22 de M. Xavier Breton est défendu.
    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    Défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Défavorable également.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Andy Kerbrat.

    M. Andy Kerbrat

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    Lorsqu’un amendement est déclaré défendu et que la commission et le Gouvernement émettent un avis défavorable, on ne se penche pas sur son objet, mais c’est trop facile.
    L’amendement no 22 oblige les associations de lutte contre les dérives sectaires à obtenir l’accord de la personne concernée pour pouvoir se constituer partie civile. L’exposé sommaire mentionne la sexualité et le genre. En laissant aux enfants sous emprise la possibilité de donner ou de refuser leur accord à une association qui souhaite se constituer partie civile, l’amendement autorise de fait les thérapies de conversion.
    Lors de l’examen du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, j’avais défendu un amendement visant à permettre aux associations de défense des droits des personnes LGBTI de se constituer partie civile en cas d’homophobie avérée ; je suis très triste qu’il n’ait pas été adopté. Je soutenais alors et je continue de soutenir la position de Raphaël Gérard.
    De toute évidence, l’amendement no 22 vise à autoriser les thérapies de conversion ! Quarante-deux ans après la dépénalisation de l’homosexualité, la droite est encore capable de déposer un tel amendement. On l’a trop peu souligné et il est important de le rappeler : l’un des grands combats de Robert Badinter et de Gisèle Halimi, mais également de l’association Choisir et du Front homosexuel d’action révolutionnaire (FHAR), a été d’arracher la dépénalisation de l’homosexualité, contre votre camp, mesdames et messieurs Les Républicains, qui essayait à tout prix de l’en empêcher ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES. – Exclamations sur quelques bancs du groupe LR.)
    Chacun ses contradictions, monsieur Minot, mais c’est votre camp politique qui s’est battu pour la pénalisation de l’homosexualité ! Cet amendement est une violence à l’encontre des personnes LGBTI. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

    (L’amendement no 22 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de deux amendements, nos 114 et 103, pouvant être soumis à une discussion commune.
    La parole est à M. Hadrien Clouet, pour soutenir l’amendement no 114.

    M. Hadrien Clouet

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    Cela va vous étonner, mais je souhaite vous parler des questions d’agrément et d’utilité publique – nous n’avons pas assez échangé sur le sujet !
    Madame la rapporteure, madame la secrétaire d’État, il y a quelques instants, vous avez évoqué la demande d’agrément des associations qui ne peuvent pas se porter partie civile en défense des victimes – nous sommes d’accord sur ce point, nous rencontrons les mêmes associations. Toutefois, aucune d’elles n’a demandé qu’on retire à d’autres le droit d’être partie civile. C’est pourtant ce que vous faites. Contrairement à ce que vous dites, vous n’êtes pas obligés de retirer ce droit pour le donner à d’autres.
    Cet amendement vous offre un temps de réflexion. Nous proposons que les associations reconnues d’utilité publique puissent continuer d’exercer les droits reconnus à la partie civile pendant une durée de quatre-vingt-dix-neuf ans – vous pouvez bien sûr choisir une autre durée et sous-amender notre amendement. Le droit actuel serait donc maintenu pendant quatre-vingt-dix-neuf ans, ce qui laisserait le temps à quelques alternances politiques !
    Si nous proposons ce temps de réflexion, c’est parce que la logique d’un système basé uniquement sur l’agrément et excluant la reconnaissance d’utilité publique est partisane et discrétionnaire. Cette logique nous inquiète. Personne ne met en doute la volonté de Mme la rapporteure et de Mme la secrétaire d’État de lutter contre les dérives sectaires, mais qu’en sera-t-il des futures majorités parlementaires ? Faut-il rappeler que la directrice de cabinet du président Sarkozy avait de fortes accointances avec des mouvements sectaires ? Nous avons aussi failli avoir comme ministre de l’éducation nationale un sympathisant de la communauté des Béatitudes ! Ce type de fréquentations, éminemment discutable, justifie que l’on soit prudent dans l’évolution du droit et que l’on assure la complète indépendance des associations en garantissant leur droit à se porter partie civile quelle que soit la majorité en place.

    Mme la présidente

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    Sur l’amendement no 116, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Antoine Vermorel-Marques, pour soutenir l’amendement no 103.

    M. Antoine Vermorel-Marques

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    Sans demander un délai de quatre-vingt-dix-neuf ans,…

    M. Hadrien Clouet

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    Si, si !

    M. Antoine Vermorel-Marques

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    …qui est excessif, nous pensons que ce débat est légitime. Nous proposons de laisser aux associations d’utilité publique un délai transitoire suffisamment long pour pouvoir faire un recours. L’amendement vise à étendre ce délai d’un an à deux ans.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission sur les amendements ?

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    La période transitoire initialement prévue par le texte était de neuf mois. Par sécurité, le Sénat a jugé préférable de l’allonger à un an. C’est un délai raisonnable, selon moi.
    Monsieur Clouet, j’entends bien votre demande, mais mes arguments restent les mêmes : je ne pense pas que l’Unadfi ait la moindre difficulté à obtenir l’agrément ; il lui sera délivré le plus rapidement possible, elle a un an pour le demander. Ma réponse à M. Vermorel-Marques est identique, même si sa demande était plus raisonnable. Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Monsieur Clouet, je souscris entièrement à vos propos. Toutefois, votre amendement soulève un problème de constitutionnalité – notre divergence ne se situe pas sur le fond, mais sur le plan du droit.

    M. Hadrien Clouet

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    Alors, sous-amendez !

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Le délai de quatre-vingt-dix-neuf ans s’apparente à celui d’un bail emphytéotique, ce qui serait très curieux. Avis défavorable pour l’amendement no 114 et avis de sagesse pour l’amendement no 103.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Élisa Martin.

    Mme Élisa Martin

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    De nouveau, vos arguments sont étranges : on ne voit pas bien le rapport avec le bail emphytéotique…

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Il dure quatre-vingt-dix-neuf ans !

    Mme Élisa Martin

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    Si la durée de 99 ans vous pose problème, vous pouvez sous-amender et proposer 98 ans ou 101 ans – comme vous voulez ! Notre préoccupation est uniquement la défense et la représentation des victimes, et la continuité qu’elles exigent. Ne nous parlez donc pas de baux emphytéotiques, cela n’a rien à voir. Dites-nous plutôt les raisons pour lesquelles vous ne souhaitez pas que cette continuité soit organisée dans la loi.

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Je viens de le faire !

    Mme Élisa Martin

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    Nous pourrons alors contre-argumenter si nous ne sommes pas convaincus par vos arguments.

    (Les amendements nos 114 et 103, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    (L’article 3 est adopté.)

    Article 4 A

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Émilie Bonnivard, inscrite sur l’article.

    Mme Émilie Bonnivard

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    Cet article, ajouté par nos collègues sénateurs, vise à introduire une nouvelle circonstance aggravante en cas d’exercice illégal de la médecine ou de pratiques commerciales trompeuses au moyen d’un support électronique ou numérique. Autrement dit, il cible l’utilisation d’un réseau social pour faire la propagande d’un exercice illégal de la médecine. Nous connaissons les effets délétères de pratiques qui touchent des personnes fragiles derrière les ordinateurs. La puissance de démultiplication de cet effet néfaste est considérable sur internet.
    L’article 4 A vise à responsabiliser les personnes qui se rendent coupables de ces infractions très graves et à introduire dans le projet de loi une peine complémentaire de bannissement numérique. Le numérique a exacerbé tous les risques dans notre société ; il est impératif que nous puissions y répondre dans le cadre de ce texte. Le risque de dérive sectaire est exacerbé sur les réseaux sociaux. Il est indispensable que nous adoptions cet article et la peine de bannissement numérique. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-François Coulomme, pour soutenir l’amendement no 116, tendant à supprimer l’article 4 A.

    M. Jean-François Coulomme

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    Nous soutenons des arguments inverses à ceux qui viennent d’être présentés. Cet article illustre à merveille l’impuissance de votre politique : n’ayant de budget pour rien, vous ne trouvez comme moyen d’agir que d’augmenter les peines. Nous l’avons vu avec les précédents textes que nous avons votés : par exemple, la proposition de loi renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires, ou le projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique, dit Sren – cet article en est d’ailleurs inspiré.
    Quand on ne se donne pas les moyens de faire de la prévention et de mener des enquêtes judiciaires, ce qui permettrait de mieux détecter les dérives sectaires, on augmente les quanta de peine.
    La circonstance aggravante est justifiée ici par l’utilisation de moyens numériques, ce qui est pour le moins étonnant. Dans cette logique, on pourrait imaginer que toute criminalité qui s’exerce sans moyens numériques bénéficie d’une circonstance atténuante… Cela ne tient pas !
    Pourquoi augmenter le quantum de peines parce que les moyens modernes de communication ont été utilisés ? Les délinquants ne se posent pas de questions morales quand ils utilisent les moyens numériques. Pour nous, cette proposition inopérante illustre l’inefficacité de votre politique et son manque patent de moyens. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Sacha Houlié, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission.

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Élisa Martin.

    Mme Élisa Martin

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    Nous aurions aimé vous entendre sur ce sujet, madame la secrétaire d’État, d’autant que nous l’avons abordé plusieurs fois ces dernières semaines – je pense aux discussions relatives à la proposition de loi créant l’homicide routier et visant à lutter contre la violence routière.
    Nous l’avons déjà dit, l’augmentation d’un quantum de peine ne permet pas, comme par magie, de lutter contre les dérives sectaires. Cela n’a pas de sens ! Quand les gens commettent un délit, quelle que soit sa nature, ils n’en sont pas dissuadés a priori parce que les députés ont voté une aggravation des sanctions. Par ailleurs, si la question du recours aux nouvelles technologies est importante, elle ne change rien au fond du phénomène sectaire et aux mécanismes qui y font adhérer, avec toutes les conséquences que l’on sait.
    Aussi nous interrogeons-nous doublement sur le sens de l’article. Premièrement, la surenchère pénale ne nous paraît pas efficace – personne n’a été capable de prouver que nous avions tort. Deuxièmement, qu’importe le moyen avec lequel on attrape les gens dans son filet, le phénomène sectaire reste le même.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Émilie Bonnivard.

    Mme Émilie Bonnivard

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    Je ne comprends pas votre argumentation, mais peut-être ne suis-je pas assez intelligente ! L’objectif est de protéger nos concitoyens, tout simplement. Je ne fais pas de grand discours, ce que je propose n’est pas extraordinaire : il s’agit de protéger nos concitoyens les plus fragiles, souvent seuls, contre des pratiques totalement délictuelles. L’important, c’est qu’il n’y ait plus de dérives sectaires.

    Mme Élisa Martin

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    Là, vous ne protégez rien ! Quel est le lien entre la surenchère pénale et la protection ? Il n’y en a pas !

    Mme Émilie Bonnivard

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    Comment pouvez-vous ne pas être choqués par l’impact du numérique sur le harcèlement de nos jeunes et leur accès au porno ? Rien de tout cela n’est régulé, mais, pour vous, ce n’est pas grave, vous voulez continuer au nom de la liberté d’expression !

    Mme Élisa Martin

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    Vous ne régulez rien du tout ! Nous voulons une preuve du lien entre les deux !

    Mme Émilie Bonnivard

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    On ne protège pas les plus fragiles. Quant à moi, mon objectif est de les protéger des personnes néfastes qui veulent contrôler leur cerveau et leur vie. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme Élisa Martin

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    Zéro preuve !

    Mme Émilie Bonnivard

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    Nous ne sommes peut-être pas assez intelligents pour vous, mais notre objectif est de protéger nos concitoyens. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 116.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        170
            Nombre de suffrages exprimés                165
            Majorité absolue                        83
                    Pour l’adoption                26
                    Contre                139

    (L’amendement no 116 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    L’amendement no 17 rectifié de Mme Christelle Petex est défendu.

    (L’amendement no 17 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Louise Morel, pour soutenir l’amendement no 47.

    Mme Louise Morel

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    Je tiens à rappeler que l’article 5 du projet de loi dit Sren, que nous avons voté il y a quelques mois, portait sur la peine complémentaire de bannissement des réseaux sociaux. Alors que nos collègues sénateurs y avaient ajouté une quinzaine d’infractions susceptibles d’entraîner cette peine complémentaire, nous avions pour notre part décidé de réduire cette liste aux infractions les plus cohérentes avec le dispositif, comme le cyberharcèlement. À l’inverse, une peine de bannissement des réseaux sociaux ne peut être prononcée si l’infraction n’a aucun rapport avec le harcèlement en ligne, comme une infraction au code de la route. (Bruit de conversations.)
    Il me semble primordial de préserver l’équilibre que nous avons trouvé il y a quelques mois, en excluant de la liste des infractions pouvant faire l’objet d’une peine complémentaire celles pour lesquelles la réponse pénale est déjà largement suffisante, et dont le lien avec les réseaux sociaux est ténu.
    En outre, pour qu’une peine complémentaire soit efficace, il faut que le juge puisse en vérifier l’application – c’est tout à fait possible en matière de cyberharcèlement. Les infractions visées par l’article 4A sont déjà très encadrées par la loi, et je doute qu’un juge prononce une peine complémentaire de bannissement des réseaux sociaux en cas de pratique illégale de la médecine, par exemple.
    Par cohérence avec notre position dans le projet de loi dit Sren, cet amendement vise à supprimer la peine de bannissement pour les infractions visées à l’article 4A, tout en préservant la circonstance aggravante si elles sont commises sur internet. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem. – M. Thomas Ménagé applaudit également.)

    M. Cyrille Isaac-Sibille

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    Très bien !

    Mme la présidente

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    Mes chers collègues, nous sommes ensemble pour une heure et quart encore et le bruit de fond qui règne est particulièrement désagréable pour tout le monde.
    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    Je vous ai écoutée attentivement, madame la députée.

    M. Pierre Cordier

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    Pour une fois !

    M. Maxime Minot

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    Encore heureux !

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    L’inclusion de certaines infractions dans le périmètre du dispositif prévu à l’article 5 du projet de loi dit Sren illustrait la volonté de l’Assemblée de viser, plus largement, les comportements commis en ligne et présentant un danger pour les personnes.
    En outre, nous ne pouvons préjuger de l’adoption définitive de ce texte qui est encore en cours d’examen, et devons donc nous prononcer en fonction du droit en vigueur. Or les « gourous 2.0 » évoluant, pour améliorer la protection des victimes, nous devons nous adapter et faire évoluer le droit. Je vous demande donc de bien vouloir retirer les deux amendements.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Favorable.

    M. Maxime Minot

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    Nous avons bien fait de venir !

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Je précise que si nous sommes d’accord sur le principe, le sujet devra également être étudié dans le cadre du projet de loi dit Sren, qui reviendra prochainement devant l’Assemblée.

    (L’amendement no 47 est adopté ; en conséquence, les amendements suivants tombent.)

    (L’article 4 A, amendé, est adopté.)

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à vingt-deux heures cinquante, est reprise à vingt-deux heures cinquante-cinq.)

    Mme la présidente