XVIe législature
Session ordinaire de 2023-2024

Troisième séance du mardi 13 février 2024

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Troisième séance du mardi 13 février 2024

Présidence de Mme Hélène Laporte
vice-présidente

Mme la présidente

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

    1. Lutte contre les dérives sectaires

    Suite de la discussion d’un projet de loi

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l’accompagnement des victimes (nos 2014, 2157).

    Discussion des articles (suite)

    Mme la présidente

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    Cet après-midi, l’Assemblée a commencé la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 87 à l’article 1er.

    Article 1er (suite)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 87.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    L’article 223-15-2 du code pénal punit de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende « l’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse soit d’un mineur, soit d’une personne [d’une] particulière vulnérabilité, […] soit d’une personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de l’exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement ». Les alinéas 4 et 7 de l’article 1er du projet de loi visent à supprimer la mention de la sujétion psychologique ou physique. Cette suppression est regrettable puisqu’elle vient affaiblir la portée de l’infraction identifiée à l’article 223-15-2 du code pénal. Il convient donc de supprimer ces deux alinéas.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Brigitte Liso, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission.

    Mme Brigitte Liso, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    Ces alinéas ne fragilisent absolument pas la notion d’abus de faiblesse ; c’est votre amendement qui risque de conduire à ce résultat. Les termes dont vous regrettez la disparition seront de toute façon mentionnés ailleurs. Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la ville et de la citoyenneté, pour donner l’avis du Gouvernement.

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État chargée de la ville et de la citoyenneté

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    Défavorable.

    Mme Michèle Peyron

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    Je pense que le message est passé !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Je ne comprends pas bien l’argument, madame la rapporteure : vous dites que la suppression de ces termes n’affaiblirait pas le texte ; mais dans ce cas, pourquoi les mentionner ailleurs ? Je pense qu’il est dommage de ne pas les garder dans cet article du code pénal. On parle des mineurs, des personnes vulnérables, sous emprise ; enlever ces qualificatifs ne me semble pas aller dans le bon sens.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la rapporteure.

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    Je m’explique : il s’agit de mesures de coordination qui font suite à l’insertion de l’abus de faiblesse lié à l’état de sujétion dans un nouvel article 223-15-3 du code pénal. Et si j’estime que votre amendement affaiblirait cette notion, c’est parce qu’il empêcherait que la circonstance aggravante de faits commis en bande organisée soit applicable hors mouvements sectaires.

    (L’amendement no 87 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 35 et 148.
    La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l’amendement no 35.

    Mme Marietta Karamanli

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    Supprimer le mot « direct » nous semble important pour sécuriser le texte. Le droit pénal étant d’interprétation stricte, l’ajout de cette condition pourrait permettre à des dirigeants de secte d’échapper à toute sanction en arguant du fait que les pressions, pour réelles qu’elles soient, n’étaient pas exercées directement. La présence de ce mot les protège donc d’une certaine façon. Je crois que Mme la rapporteure partage cette analyse.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 148.

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    En effet, j’ai déposé le même amendement ; mon avis sur le vôtre est donc évidemment favorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Avis favorable. La référence au caractère « direct » des pressions exercées sur les victimes de sujétion correspond à une demande du Conseil d’État, comme en atteste l’avis qu’il a rendu sur ce texte.

    (Les amendements identiques nos 35 et 148 sont adoptés.)

    Mme la présidente

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    L’amendement no 149 de Mme la rapporteure est rédactionnel.
    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Sagesse.

    (L’amendement no 149 est adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Alain David, pour soutenir l’amendement no 36.

    M. Alain David

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    Il vise à ajouter, parmi les causes de vulnérabilité conduisant à une aggravation des peines, la condition sociale précaire des victimes de dérives sectaires. En effet, la précarité sociale rend les individus vulnérables, et son exploitation doit par conséquent être prise en compte par le législateur.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    La question de la précarité sociale n’est pas inconnue du droit pénal, mais elle n’y est pas conçue de la façon que vous proposez. La formulation existante est différente de celle de votre amendement puisqu’elle inclut, outre la vulnérabilité, la dépendance dans laquelle la précarité place la victime.
    Sur le fond, la précarité sociale et économique est actuellement retenue pour des infractions de nature sexuelle : viol, agression sexuelle, harcèlement sexuel. L’abus de faiblesse, depuis l’origine, retient la vulnérabilité liée à l’âge, à l’état de santé et à l’état de grossesse – tout comme la plupart des infractions pénales. Je pense que nous devons conserver cet équilibre bien établi, bien appréhendé et bien balisé, qui a fait ses preuves.
    Enfin, à supposer qu’il faille aller dans le sens que vous proposez, pourquoi viser seulement les délits liés à l’état de sujétion et non l’abus de faiblesse simple ?
    Bref, pour des raisons de rédaction, de ciblage et d’équilibre général des dispositions pénales, je vous suggère de retirer l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Pour les mêmes raisons, demande de retrait ou avis défavorable. Retenir, dans la loi, la précarité sociale comme une circonstance aggravante de la sujétion psychologique et physique, c’est ouvrir un champ trop large – et ce n’est pas à moi qu’on apprendra ce qu’est la précarité !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Arthur Delaporte.

    M. Arthur Delaporte

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    J’ai l’impression que Mme la rapporteure estimait, contrairement à vous, madame la secrétaire d’État, qu’il n’était pas inutile de prendre en considération la précarité sociale et économique des victimes, et que cette circonstance était déjà présente dans le texte, sans être mentionnée explicitement. Il faut clarifier le texte pour affirmer que la précarité sociale doit être reconnue comme un des facteurs aggravants des infractions. Pour aller dans le sens de Mme la rapporteure, adoptons l’amendement ! (Mme la rapporteure fait un signe de dénégation.)

    (L’amendement no 36 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    L’amendement no 150 de Mme la rapporteure est rédactionnel.

    (L’amendement no 150, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

    (L’article 1er, amendé, est adopté.)

    Après l’article 1er

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de deux amendements, nos 46 et 159, pouvant être soumis à une discussion commune. L’amendement no 159 fait l’objet d’un sous-amendement, no 185.
    La parole est à M. Arthur Delaporte, pour soutenir l’amendement no 46.

    M. Arthur Delaporte

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    Pour rendre à César ce qui est à Pochon, je tiens à dire que nous reprenons là un amendement qui avait été défendu en commission par nos collègues du groupe Écologiste-NUPES. Nous avons corrigé la rédaction, qui avait besoin d’être précisée ; vous proposez d’ailleurs aussi, madame la rapporteure, une rectification dans votre sous-amendement.
    Lors des auditions, nous avons entendu des témoignages indiquant que des groupes à caractère sectaire bénéficiaient de dons défiscalisés. L’État finance donc des sectes à deux tiers, ce qui est évidemment inacceptable. L’amendement vise à ce que les personnes morales condamnées pour l’une des infractions prévues dans le texte ne puissent pas bénéficier de ces avantages fiscaux. Quoi de pire qu’un gourou recevant des dons défiscalisés ?

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Marie Pochon, pour soutenir l’amendement no 159.

    Mme Marie Pochon

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    Il est en effet similaire à celui que vient de présenter M. Delaporte. Aujourd’hui, en France, des organismes reconnus coupables de dérives sectaires ont la possibilité de bénéficier d’abattements fiscaux sur les dons ou les legs. Par le présent amendement, nous proposons de supprimer cette possibilité. C’est la seule manière de garantir que l’État ne subventionne pas indirectement de tels organismes – une situation contre laquelle nous tentons précisément de lutter avec ce projet de loi.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir le sous-amendement no 185 et donner l’avis de la commission sur les amendements en discussion commune.

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    Je préfère l’amendement présenté par Mme Pochon :…

    M. Arthur Delaporte

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    Il est meilleur ! (Sourires.)

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    …il inclut à la fois l’état de sujétion et l’état de faiblesse, alors que le vôtre, monsieur Delaporte, ne concerne que l’état de faiblesse. Je suis donc favorable à l’amendement no 159 sous réserve de l’adoption de mon sous-amendement no 185, et défavorable à l’amendement no 46.

    (L’amendement no 46 est retiré.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement no 185 et l’amendement no 159 ?

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Avis évidemment favorable au sous-amendement et à l’amendement sous-amendé. La France peut s’enorgueillir d’avoir un dispositif de soutien à la philanthropie parmi les plus généreux du monde. Les articles 200 et 238 bis du code général des impôts prévoient notamment que les dons faits à des organismes philanthropiques donnent droit à des réductions d’impôt représentant jusqu’à 66 % du montant des dons – c’est beaucoup. Certains organismes mal intentionnés, qui portent atteinte aux droits et libertés fondamentaux ou aux valeurs de la République, ou qui troublent l’ordre public, peuvent chercher à en bénéficier. Depuis la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, dite loi « séparatisme », le législateur a prévu une liste d’infractions écartant les associations qui s’en seraient rendues coupables du bénéfice de ce régime d’intérêt général. Vous souhaitez étendre ces interdictions aux délits liés à la dérive sectaire, et je m’en réjouis.

    (Le sous-amendement no 185 est adopté.)

    (L’amendement no 159, sous-amendé, est adopté.)

    Article 2

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 66, 89 et 127, tendant à supprimer l’article 2.
    La parole est à Mme Emeline K/Bidi, pour soutenir l’amendement no 66.

    Mme Emeline K/Bidi

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    Tout comme nous avons demandé la suppression de l’article 1er, nous demandons celle de l’article 2, qui entend introduire la sujétion psychologique ou physique comme circonstance aggravante pour plusieurs infractions. Le code pénal est suffisamment complet.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 89.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Je l’ai expliqué : l’article du code pénal affecté par la nouvelle rédaction de l’article 1er ne me semblait pas devoir être modifié. À l’article 2, vous introduisez une circonstance aggravante pour les infractions auxquelles je ne souhaitais pas toucher à l’article 1er. Il s’agit donc d’un amendement de cohérence.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-François Coulomme, pour soutenir l’amendement no 127.

    M. Jean-François Coulomme

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    Nous sommes également favorables à la suppression de l’article 2. En effet, les circonstances aggravantes existent déjà dans le code pénal. Prenons l’exemple du cinéma : ces dernières semaines, plusieurs scandales ont éclaté concernant des abus sexuels à l’encontre de jeunes actrices encore mineures. Pour que les dispositions pénales conservent toute leur signification et toute leur portée, nous pensons préférable qu’elles restent dans le code pénal. L’article 2 nous semble donc inutile et contre-productif puisqu’il pourrait être modifié dans une loi future et se trouver alors en contradiction avec le code pénal.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements de suppression ?

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    L’article 2 améliorera la répression des auteurs d’infractions sur des victimes en état de sujétion. Nous avons adopté, à l’article 1er, la création d’un nouveau délit réprimant spécifiquement la sujétion psychologique ou physique d’une personne. Il est cohérent de définir des circonstances aggravantes pour les infractions prévues à l’article 1er. Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Didier Paris.

    M. Didier Paris

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    Un peu de cohérence : nous avons adopté l’article 1er ; il ne serait pas judicieux de supprimer l’article 2, qui en est la conséquence directe.
    J’appelle l’attention de nos collègues sur le fait que, contrairement à ce qui a été affirmé, le code pénal ne prévoit pas spécifiquement l’infraction d’abus frauduleux d’une personne en état de sujétion psychologique ou physique. Il prévoit des circonstances aggravantes quand le meurtre ou l’acte de barbarie – des crimes graves – sont commis à l’encontre « d’une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur ». Il n’est pas fait mention d’une sujétion physique ou morale découlant des emprises sectaires.
    C’est la raison pour laquelle nous avons, à l’article 1er, proposé une nouvelle incrimination et, à l’article 2, introduit la sujétion psychologique ou psychique comme circonstance aggravante pour certaines infractions. Pour lutter contre les dérives sectaires, cet article est indispensable. Chers collègues, je vous appelle à le soutenir.

    (Les amendements identiques nos 66, 89 et 127 ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Béatrice Descamps, pour soutenir l’amendement no 28.

    Mme Béatrice Descamps

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    Cet amendement complète l’article 2 pour créer une circonstance aggravante d’assujettissement psychologique ou physique en cas de viol. L’objectif est de renforcer les peines prévues lorsque le viol est commis dans un contexte sectaire.
    Dans son étude d’impact, le Gouvernement précise qu’il n’a pas souhaité inclure les infractions sexuelles dans le projet de loi car il considère que l’état de contrainte dans lequel se trouve la victime est déjà pris en compte dans la caractérisation des éléments constitutifs de l’infraction. Cependant, la définition du viol par le code pénal ne prend pas en compte le contexte particulier des dérives sectaires et de l’emprise mentale subie, souvent pendant des années, par la victime. Il est donc nécessaire d’élargir la circonstance aggravante au viol.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sylvie Bonnet, pour soutenir le sous-amendement no 186.

    Mme Sylvie Bonnet

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    L’auteur d’un viol pouvant toujours affirmer qu’il n’avait pas conscience de l’état de sujétion de la victime, ce sous-amendement propose de prévoir la circonstance aggravante dès lors que l’assujettissement psychologique ou physique est manifeste.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission sur l’amendement et le sous-amendement ?

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    Je comprends l’objectif de l’amendement, madame Descamps, mais ce que vous proposez semble impossible au vu des règles constitutionnelles en matière pénale. Le viol, en effet, suppose la violence, la contrainte, la menace ou la surprise. Or l’état de sujétion est une contrainte, voire une violence. Aussi l’élément constitutif de l’infraction serait-il également une circonstance aggravante, ce qui est contraire au principe de nécessité et de proportionnalité des peines, comme l’a jugé précédemment le Conseil constitutionnel. Demande de retrait ou avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Avis défavorable.

    (Le sous-amendement no 186 n’est pas adopté.)

    (L’amendement no 28 n’est pas adopté.)

    (L’article 2 est adopté.)

    Article 2 bis A

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 20 et 128, tendant à supprimer l’article 2 bis A.
    L’amendement no 20 de M. Xavier Breton est défendu.
    La parole est à M. Hadrien Clouet, pour soutenir l’amendement no 128.

    M. Hadrien Clouet

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    En l’état du débat et au vu des mesures précédemment adoptées, le groupe LFI-NUPES considère que le projet de loi se limite à des effets d’annonce sur l’ordonnancement général des peines et sur les moyens alloués à la lutte contre les dérives sectaires. L’article mériterait d’être retravaillé globalement. Nous demandons sa suppression.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    L’article 2 bis A est cohérent avec les articles 1er et 2 : il étend aux thérapies de conversion, dont le lien avec les dérives sectaires est manifeste et a été mis en évidence par la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, la Miviludes, les circonstances aggravantes correspondant aux dérives sectaires – état de sujétion de la victime, commission par un gourou ou par les membres d’un mouvement sectaire en bande organisée. Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Même avis.

    (Les amendements identiques nos 20 et 128 ne sont pas adoptés.)

    (L’article 2 bis A est adopté.)

    Article 2 bis

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 10, 73 et 102 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.
    Les amendements nos 10 et 73 sont identiques.
    L’amendement no 10 de M. Erwan Balanant est défendu.
    La parole est à M. Didier Paris, pour soutenir l’amendement no 73.

    M. Didier Paris

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    Par souci de cohérence avec le code pénal, la commission des lois a porté de six à dix ans le délai de prescription après la majorité de la victime mineure. Nous souhaitons que cette mesure s’applique non seulement aux nouvelles dispositions que nous venons d’adopter, mais aussi aux dispositions anciennes relatives à l’abus de faiblesse. Enfin, nous demandons que la procédure ne s’applique pas uniquement aux infractions sexuelles, comme le prévoit le texte initial – peut-être s’agit-il d’une erreur de rédaction.

    Mme la présidente

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    L’amendement no 102 rectifié de M. Antoine Vermorel-Marques est défendu.
    Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    Nous avons débattu du délai de prescription en commission et vous avez retravaillé les amendements nos 10 et 73 en conséquence. Je suis favorable à ces deux amendements identiques et je propose le retrait de l’amendement no 102 rectifié, qui sera largement satisfait par l’adoption des deux autres, car il est moins-disant – il reprend la version du Sénat que nous avions déjà élargie.

    (L’amendement no 102 rectifié est retiré.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 10 et 73 ?

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Leur rédaction est conforme au droit et s’inscrit pleinement dans l’esprit du texte. Avis favorable.

    (Les amendements identiques nos 10 et 73 sont adoptés ; en conséquence, l’article 2 bis est ainsi rédigé et l’amendement no 29 tombe.)

    Article 2 ter

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Andy Kerbrat, pour soutenir l’amendement no 110, tendant à supprimer l’article 2 ter.

    M. Andy Kerbrat

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    Nous sommes tous d’accord sur la nécessité de la protection de l’enfance – l’examen de plusieurs textes législatifs l’a rappelée récemment. Par cet amendement, nous demandons la suppression de l’article 2 ter, qui renforce, de manière déraisonnable, les peines encourues dans les situations d’isolement social de l’enfant. Nous souhaitons évidemment des peines fortes pour les personnes qui exercent une emprise totale sur les enfants, mais votre arme de dissuasion massive pénale empêchera-t-elle de telles dérives ? Non, et nous ne cessons de vous l’expliquer ! Car il faut des moyens.
    Moi qui ai fréquenté, contre mon gré, une école privée… (Exclamations sur les bancs des groupes RE, RN et LR.) Vous réglerez cela avec mon père et ma mère !
    Je me souviens que, dans cet établissement, certains enseignants nous expliquaient que l’homosexualité était un péché. Nous disposions même d’un curé à demeure. (Mêmes mouvements.)

    M. Thomas Ménagé

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    C’était à Stanislas ?

    M. Andy Kerbrat

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    Non, mais dans le grand Ouest,…

    M. Emeric Salmon

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    C’était à Blanche de Castille !

    M. Andy Kerbrat

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    …des établissements étaient connus pour inviter des intervenants qui expliquaient aux élèves qu’être homosexuel était sale et menait au VIH et à la drogue. Mais ce n’est pas le sujet.
    Dans l’école privée où j’étais élève, j’ai fréquenté des enfants isolés – on les appelait les « serre-tête jupe » –, qui vivaient enfermés entre leur domicile et l’établissement. Nous avions beau lutter pour les sortir de leur isolement, nous n’y arrivions pas.

    Plusieurs députés du groupe RE

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    Hors sujet !

    M. Andy Kerbrat

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    Croyez-vous qu’aggraver les peines empêchera de telles situations ? Non ! Nous ne détectons pas ces enfants parce que nous ne disposons pas des moyens humains nécessaires. Voilà le problème ! Nous demandons donc la suppression de l’article 2 ter.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission sur cet amendement de suppression ?

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    Cet article introduit par le Sénat et modifié en commission améliore la réponse pénale à l’égard des parents qui abandonnent, isolent ou désocialisent leurs enfants – bref, à l’égard de toutes les personnes qui manifestent un comportement sectaire.
    Que proposez-vous ? La suppression simple de l’article, parce que vous êtes opposés, par principe, à ce que des peines pénales soient alourdies, voire appliquées.

    M. Andy Kerbrat

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    Il faut mieux lire la fiche !

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    Je suis totalement défavorable à votre amendement. Le volet prévention que vous appelez de vos vœux existe déjà. Par ailleurs, face aux parents délinquants qui endoctrinent leurs enfants et les mettent en danger en les privant de liberté, la République se doit d’être ferme. (M. Andy Kerbrat s’exclame.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    La protection de l’enfance est une priorité des autorités publiques et passe par l’éducation, par des contrôles, mais aussi par des sanctions sévères à l’encontre de ceux qui commettent des atrocités envers les enfants. Le lien de cet article avec le projet de loi est indirect. Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-François Coulomme.

    M. Jean-François Coulomme

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    Je souhaite appuyer les propos de mon collègue Andy Kerbrat, non à l’aide d’arguments moraux ou en contestant l’efficacité de votre disposition, mais en insistant sur le fait qu’elle concerne des pans particulièrement précaires de la société. Ce n’est pas dans les milieux bourgeois qu’on planque ses enfants car on n’arrive pas à trouver sa place dans des structures sociales telles que l’école ou le travail.
    Nous avons affaire à des gens socialement fragiles, mais vous prévoyez de multiplier par dix la durée de la peine d’emprisonnement encourue et par cent le montant maximal de l’amende, porté à 300 000 euros ! C’est complètement aberrant : si une telle peine était appliquée, elle provoquerait l’explosion de la cellule familiale, alors que nous devrions plutôt nous préoccuper d’améliorer son fonctionnement grâce à une remédiation et à un travail sur ses valeurs. Vous préférez l’enfoncer. Hélas, c’est bien souvent ainsi que vos lois fonctionnent.

    Mme Marie Pochon

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    Eh oui !

    (L’amendement no 110 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    L’amendement no 16 de Mme Christelle Petex est défendu.

    (L’amendement no 16, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    (L’article 2 ter est adopté.)

    Article 2 quater

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Mathilde Desjonquères, pour soutenir l’amendement no 69.

    Mme Mathilde Desjonquères

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    Les débats en commission ont permis la création de ce nouvel article modifiant la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique. Il impose aux personnes dont l’activité consiste à offrir un accès à des services de communication au public en ligne de concourir à la lutte contre l’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse relevant de l’article 223-15-2 du code pénal et contre le placement et le maintien dans l’état de sujétion relevant du nouvel article 223-15-3 du même code. Cette obligation est similaire à celle qui leur est déjà faite de lutter contre le harcèlement scolaire, contre le harcèlement moral ou encore contre la provocation à la haine ou à des actes terroristes.
    L’amendement vise à ajouter les atteintes à la personnalité et la mise en danger de la personne à l’énumération des comportements contre lesquels lutter. Ces formulations ne sont pas nouvelles et se trouvent déjà dans le code de procédure pénale et dans le code pénal, ce qui assure leur conformité au droit.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    Je vous remercie d’avoir pris en considération les observations que j’ai émises en commission. Avis favorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Avis de sagesse.

    (L’amendement no 69 est adopté.)

    (L’article 2 quater, amendé, est adopté.)

    Article 3

    Mme la présidente

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    Sur l’amendement no 113, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Hadrien Clouet, pour soutenir l’amendement no 111, tendant à supprimer l’article.

    M. Hadrien Clouet

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    En commission, nous avons croisé le fer à propos de l’article 3, et notre désaccord reste entier. Laissez-moi rappeler ce dont il s’agit : l’article vise à modifier la nature des associations autorisées à se constituer partie civile dans les affaires touchant aux dérives sectaires. Actuellement, les associations doivent pour cela être reconnues d’utilité publique. Une seule association est concernée en pratique : l’Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu victimes de sectes (Unadfi), qui s’acquitte parfaitement de sa mission depuis des années.
    Par cet article, vous souhaitez substituer aux associations reconnues d’utilité publique (Arup) les associations disposant d’un agrément. Nous nous opposons à cette modification profonde du droit ; nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls, car le professeur Philippe-Jean Parquet, auditionné par la commission, et le Conseil national des barreaux (CNB), dans sa résolution sur le projet de loi, ont émis d’importantes réserves quant à cet article, qui fait l’objet d’une contestation assez générale, pour plusieurs raisons.
    Premièrement, l’Unadfi faisant bien le boulot, pourquoi l’évincer ? Deuxièmement, le passage d’une reconnaissance d’utilité publique à un agrément signifie que la capacité de se constituer partie civile sera désormais accordée aux associations de manière discrétionnaire, et pourra donc l’être pour des raisons partisanes. La liste des associations disposant d’un agrément risque ainsi d’être renouvelée à chaque alternance politique. Nous refusons de subordonner la lutte contre les dérives sectaires à la couleur politique du gouvernement en place.
    D’ailleurs, ce type de réforme affaiblit l’idée même de la reconnaissance d’utilité publique. En effet, une association de lutte contre les dérives sectaires a aujourd’hui intérêt à obtenir cette reconnaissance, mais cela ne sera plus le cas si l’article est adopté ; il lui suffira de s’appuyer sur les bons réseaux et de connaître les bonnes personnes pour obtenir un agrément. Nous ne sommes pas d’accord avec cette manière de faire.
    Enfin, cette mesure s’inscrit dans un mouvement général, ni utile ni bienvenu, de substitution des associations au ministère public en matière de poursuites judiciaires.
    Pour toutes ces raisons, nous espérons la suppression de l’article 3, qui constitue un danger pour les libertés.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    Comme vous l’avez souligné, nous ne tomberons pas d’accord sur ce sujet. L’article 3 élargit fort utilement le champ des associations qui peuvent se constituer partie civile dans les affaires relatives aux dérives sectaires. Certes, l’Unadfi dispose de ce droit, mais ce n’est pas le cas d’autres associations telles que le Centre contre les manipulations mentales (CCMM), le Centre national d’accompagnement familial face à l’emprise sectaire (Caffes) ou le groupe d’étude des mouvements de pensée en vue de la protection des individus (Gemppi), pourtant tout à fait méritantes et à l’écoute des victimes et de leurs familles.
    Vous faites valoir qu’un agrément est différent d’une reconnaissance d’utilité publique, mais je rappelle que l’obtention de l’agrément obéit également à des critères clairement établis tels que l’intérêt général, la transparence financière, la collégialité, la signature d’un contrat d’engagement républicain (CER) ou encore le nombre de membres. Je ne vois pas pourquoi nous refuserions l’égalité territoriale et établirions une hiérarchie entre les associations. C’est pourquoi je suis défavorable à l’amendement.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Défavorable. Contrairement à ce que vous dites, les familles de victimes de dérives sectaires regrettent le manque d’interlocuteurs. L’existence d’associations agréées par le ministère de la justice – donc par l’État, ce qui leur donne du poids – correspond à une demande des familles de victimes, même lorsqu’elles ne sont pas constituées en association.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Hadrien Clouet.

    M. Hadrien Clouet

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    Je vous remercie de vos réponses, mais j’y vois deux contradictions. D’abord, vous revendiquez l’élargissement du champ des associations pouvant se constituer partie civile au motif que certaines associations sont méritantes, ce qui implique que d’autres ne le sont pas. Or la reconnaissance d’utilité publique offre un moyen de les distinguer qui ne dépend pas d’un avis personnel, moral ou politique quant à ce qui constitue le mérite ou l’intérêt général.

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Il y a des critères objectifs !

    M. Hadrien Clouet

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    En effet, nous ne sommes pas toujours d’accord sur l’intérêt général ; c’est bien normal, et c’est pour cela que nous avons instauré des institutions qui ne dépendent ni de vous, ni de nous, pour décider quelle association doit pouvoir agir.
    Ensuite, vous affirmez que vous refusez d’établir une hiérarchie entre les associations, mais c’est pourtant ce que vous ferez en distinguant les associations agréées des associations non agréées. Vous modifierez simplement les critères qui fondent la hiérarchie existante.
    Si vous tenez à élargir la liste des associations pouvant se constituer partie civile, l’amendement no 113 vous en offrira la possibilité. Il admet en effet le dispositif d’agrément que vous proposez, qui rendra possible un élargissement territorial, tout en maintenant le droit qu’ont les Arup de se porter partie civile. Nous pouvons cumuler les deux dispositions !
    Si nous demandons la suppression de l’article, c’est parce que nous sommes hostiles à la liquidation de la reconnaissance d’utilité publique, mais si vous maintenez les droits qui y sont attachés tout en prévoyant par ailleurs la possibilité d’un agrément, nous n’y verrons aucune objection. Vous accroîtrez ainsi l’égalité territoriale sur le fondement de l’intérêt général, tout en conservant la garantie qu’une Arup pourra se porter partie civile.
    Pourquoi choisir lorsque ce n’est pas nécessaire ? Nous pourrions à la fois étendre à d’autres associations la possibilité de se constituer partie civile et pérenniser ce droit pour les Arup.

    M. Jean-François Coulomme

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    Exactement !

    (L’amendement no 111 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 21 et 172.
    L’amendement no 21 de M. Xavier Breton est défendu.
    La parole est à M. Thomas Ménagé, pour soutenir l’amendement no 172.

    M. Thomas Ménagé

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    Les alinéas 1 à 3, dont nous sollicitons la suppression, ont été ajoutés à l’article par voie d’amendement en commission des lois. Je tiens à rappeler d’abord que nous sommes tous d’accord – et c’est tant mieux – pour lutter contre les thérapies de conversion. L’adoption de la loi du 31 janvier 2022 interdisant les pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne était souhaitable ; aussi les députés du Rassemblement national l’ont-ils votée, comme, je crois, l’intégralité des députés.
    Cependant, les alinéas 1 à 3 ouvrent une boîte de Pandore, risquant de créer un droit processuel à deux vitesses et de devenir, à terme, néfastes pour les victimes. En droit de procédure pénale, le principe veut que la partie civile ait subi personnellement et directement le préjudice dont elle demande la réparation. Une exception à ce principe a été créée il y a plusieurs années pour autoriser les associations à se porter partie civile lorsqu’elles défendent un intérêt catégoriel, à condition d’obtenir l’accord de la victime. Le droit français a ensuite admis que l’accord de la victime n’était pas nécessaire dans certains cas précis, soit une exception à l’exception.
    En étendant encore cette possibilité, nous prendrions le risque de déstabiliser complètement l’état du droit. Pourquoi, pourrait-on dire, l’étendre aux thérapies de conversion et non à d’autres cas, voire à tous les cas ? On pourrait même s’interroger sur la raison pour laquelle nous ne l’étendrions pas, dans le cadre de ce projet de loi, à tous les cas qui relèvent d’un état de sujétion plutôt qu’aux seules thérapies de conversion ; ce serait plus cohérent.
    Il ne nous paraît pas opportun de faire une exception à l’exception pour le cas particulier des thérapies de conversion. Par précaution juridique, nous sollicitons donc la suppression des alinéas 1 à 3.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    Permettez-moi de rappeler le contenu de ces alinéas. La commission a décidé de permettre aux associations luttant contre les discriminations de se constituer partie civile sans nécessairement recueillir l’accord de la victime d’une thérapie de conversion. C’est ce que vous souhaitez supprimer. J’ajoute une précision capitale : le dispositif ne concerne pas toutes les victimes, mais seulement les victimes en état de sujétion.
    Je rappelle que les thérapies de conversion sont liées à des dérives sectaires, comme la Miviludes l’a mis en évidence en 2021. De nombreuses victimes de ces pratiques sont en état de sujétion et, comme les victimes de dérives sectaires, ont perdu leur discernement. Notre droit n’exige pas l’accord de la victime de dérives sectaires, précisément car elle est en état de sujétion – j’insiste sur ce point, car il est crucial.
    Il est donc cohérent et logique d’appliquer la même disposition à la victime d’une thérapie de conversion dès lors qu’elle se trouve en état de sujétion, sans discernement. Avis défavorable.

    M. Thomas Ménagé

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    Dans ce cas, il faut l’étendre à tout état de sujétion…

    (Les amendements identiques nos 21 et 172, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Raphaël Gérard, pour soutenir les amendements nos 13 et 14, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

    M. Raphaël Gérard

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    La discussion des amendements précédents met en lumière les obstacles à la lutte contre les dérives sectaires que dressent certains partis proches de mouvements religieux reconnus comme des sectes. Je pense à Civitas ou à feu La Manif pour tous, des mouvements chrétiens ultrarigoristes. Entre l’examen du texte en commission, qui a mené à introduire dans le texte ces alinéas, et son examen en séance, ces mouvements sont parvenus à mobiliser tous les députés qui leur sont proches et qui représentent, en quelque sorte, leur bras armé dans l’hémicycle pour tenter de supprimer les dispositions adoptées en commission.
    Elles visent pourtant à rectifier une des lacunes de la loi du 31 janvier 2022 interdisant les pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne, compte tenu du rôle que jouent certaines associations religieuses dans les dérives sectaires. Évidemment, ces groupes n’affichent pas explicitement leurs pratiques sectaires et parlent plutôt de « stages de prière », mais les victimes sont claires quand, à l’âge adulte, elles osent enfin prendre leur indépendance et porter un regard critique sur la période de leur adolescence pendant laquelle elles ont été soumises à ce genre d’exercices, souvent sous la pression de leurs parents ou parfois directement sous celle de l’Église, qui recrute dans certaines paroisses parisiennes.

    M. Thomas Ménagé

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    Ce n’est pas très sympa pour la ministre des sports !

    M. Raphaël Gérard

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    Nous l’avions pointé dans la loi du 31 janvier 2022, dont Laurence Vanceunebrock était la rapporteure.
    L’objectif des amendements nos 13 et 14 est de réaffirmer la capacité des associations à ester en justice. Pour les thérapies de conversion, le délai de prescription est de six ans. Imaginons la situation d’un enfant victime d’une thérapie de conversion à l’âge de 11 ans lors d’un camp relevant d’une pratique plus ou moins religieuse : lorsqu’il sera en capacité d’entamer une procédure judiciaire, les faits seront prescrits.
    Nous voulons modifier les délais de prescription. Les amendements nos 13 et 14 visent à permettre à des associations défendant les droits des personnes LGBT d’ester en justice quand la victime est sous emprise ou sous la sujétion de sa famille ou d’un groupe sectaire, ce qui l’empêche de se porter partie civile. C’est le cas pour de nombreuses autres infractions, mais la disposition n’est pas prévue pour les thérapies de conversion. Il faut rectifier le tir afin de rendre la loi du 31 janvier 2022 applicable. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    Dans le droit fil du raisonnement que j’ai tenu à M. Thomas Ménagé, c’est parce que la victime est en état de sujétion qu’on permet à l’association de se passer de son accord – je suis ferme sur ce point. Nous avons assimilé les victimes des thérapies de conversion à celles des dérives sectaires parce qu’elles sont les unes et les autres en état de sujétion.
    L’avis de la commission est défavorable sur l’amendement no 13.
    Par l’amendement no 14, vous souhaitez supprimer l’obligation d’un accord du représentant légal d’une victime de thérapie de conversion pour que les associations compétentes puissent ester en justice. L’amendement est pleinement satisfait : je vous invite à le retirer, sans quoi la commission émettra un avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    La position du Gouvernement est la même que celle de la commission : nous vous demandons de retirer ces amendements ; à défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
    Dans la mesure du possible, je souhaite que le projet de loi se concentre sur les dérives sectaires. Les thérapies de conversion constituent un sujet à part entière et doivent être abordées dans un autre texte de loi.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Raphaël Gérard.

    M. Raphaël Gérard

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    J’entends les arguments de Mme la rapporteure et de Mme la secrétaire d’État. Le sujet ne sera malheureusement pas tranché à l’issue de ce débat sur les dérives sectaires. Or la majorité des thérapies de conversion s’inscrivent dans le cadre de ce phénomène. De toute évidence, nous avons beaucoup de peine à avancer sur les sujets LGBT. Il faudra en tirer des conséquences au cours de cette législature, peut-être par la voie d’un véhicule législatif spécifique permettant de remédier à certaines lacunes et de garantir la bonne application des lois votées depuis sept ans. Je retire les amendements nos 13 et 14.

    M. Andy Kerbrat

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    Je les reprends !

    (Les amendements nos 13 et 14, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Schreck, pour soutenir l’amendement no 97.

    M. Philippe Schreck

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    Je serai bref, car nous avons largement exploré le sujet. Quel niveau statutaire garantit qu’une association agit réellement et exclusivement dans l’intérêt des victimes ? La reconnaissance d’utilité publique présente des garanties quant à la taille critique, aux moyens, à la durabilité, à la représentation au niveau national et au fonctionnement interne que les associations agréées n’offrent pas toujours. Il serait certes utile d’envisager que les associations bénéficiant de l’agrément soient accompagnées pour obtenir la reconnaissance d’utilité publique. Toutefois, il ne paraît pas opportun de modifier l’état actuel du droit en ce qui concerne la capacité d’ester en justice des associations.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    Comme je l’ai déjà dit, en ouvrant les critères d’agrément des associations, on renforce l’accompagnement des victimes, on améliore leurs chances de voir leurs préjudices réparés et on assure l’égalité territoriale entre les victimes. En outre, si vous en doutiez encore, sachez que l’agrément ne sera pas délivré sans contrôle ; au contraire, les critères seront sérieux et fermes. Avis défavorable.

    (L’amendement no 97, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    L’amendement no 55 de M. Xavier Breton est défendu.

    (L’amendement no 55, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de deux amendements, nos 113 et 30, pouvant être soumis à une discussion commune.
    La parole est à M. Hadrien Clouet, pour soutenir l’amendement no 113.

    M. Hadrien Clouet

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    Par l’amendement no 113, que j’ai évoqué tout à l’heure en présentant l’amendement de suppression no 111, nous vous proposons d’instaurer ce qui vous tient à cœur, à savoir l’agrément des associations de votre choix pour qu’elles puissent se constituer partie civile pour défendre les victimes des dérives sectaires, tout en conservant le droit existant. Ainsi, l’Unadfi et toute autre association qui obtiendrait le statut d’Arup pourraient aussi se porter partie civile. Les deux dispositifs coexisteraient.
    Adopter l’amendement no 113 ne retirerait rien à personne. Toutes les personnes qui ont été accompagnées par des associations se trouvent dans l’une ou l’autre de ces situations. Nous pouvons ne léser personne et faire un progrès tous ensemble en matière de droit. (M. Frédéric Mathieu applaudit.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Béatrice Descamps, pour soutenir l’amendement no 30.

    Mme Béatrice Descamps

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    Il vise également à permettre aux associations reconnues d’utilité publique et aux associations agréées de se porter partie civile.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission sur les amendements ?

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    Comme je l’ai dit en commission et comme je l’ai de nouveau expliqué dans l’hémicycle, en conservant les deux régimes, dont l’un est plus contraignant que l’autre, on risque d’aboutir à une hiérarchie informelle entre les associations. Or ce n’est souhaitable ni pour les victimes, ni pour les associations. L’avis de la commission sur les amendements nos 113 et 30 est donc défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    L’avis du Gouvernement est défavorable, pour une raison simple. Permettez-moi de vous rappeler les critères de l’utilité publique, afin d’expliquer pourquoi un agrément par le ministère de la justice des associations d’aide aux familles des victimes de dérives sectaires est important. Je précise rapidement ces critères.

    M. Hadrien Clouet

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    Ce n’est pas le sujet ! Nous proposons de maintenir les deux dispositifs !

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Si, c’est le sujet. Pour qu’une association soit reconnue d’utilité publique,…

    M. Fabien Di Filippo

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    C’est un dialogue de sourds !

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    …elle doit compter plus de 200 membres, respecter certains principes de gouvernance, avoir un rayonnement national et disposer d’un budget d’au moins 46 000 euros. Aujourd’hui, les procédures de reconnaissance sont très longues. Je souhaite résoudre ce problème et répondre aux attentes des associations et des familles, avec lesquelles j’ai travaillé. Je ne défends pas cette position simplement pour m’opposer à vous ; ceux qui me connaissent le savent.

    M. Fabien Di Filippo

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    On connaît vos accointances avec la gauche !

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Mais nous avons besoin d’aller vite et d’être agiles. Or l’agrément d’une association par l’État accroît sa légitimité aux yeux des familles.

    M. Hadrien Clouet

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    Et l’Unadfi ?

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Actuellement, l’Unadfi est la seule à pouvoir se constituer partie civile.

    M. Hadrien Clouet

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    Justement, nous proposons deux dispositifs !

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Notre but est que plusieurs associations agréées par le ministère de la justice puissent se constituer partie civile.
    Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Élisa Martin.

    Mme Élisa Martin

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    Madame la rapporteure, votre argumentation est étonnante. La mesure que nous proposons n’instaurerait absolument pas une hiérarchie entre les associations. Au contraire, nous élargissons la possibilité d’ester en justice des associations dans des situations très complexes pour les victimes.
    M. Raphaël Gérard a évoqué les jeunes gens qui subissent des stages de conversion. Il faut garantir que ces victimes soient effectivement défendues en donnant la possibilité aux associations d’ester en justice.
    Peut-être y a-t-il des choses que vous ne nous dites pas. En tout cas, vos arguments ne tiennent pas. Le débat législatif se poursuit, amendement après amendement, mais cela fait plusieurs fois que nous ne comprenons pas vos arguments.
    Or il s’agit ici de permettre aux victimes d’être défendues dans une situation difficile. Mesdames et messieurs les députés, que répondrez-vous aux associations qui vous demanderont pourquoi vous les avez sorties du champ de celles qui peuvent se constituer partie civile ? Dès lors que l’agrément repose sur des critères précis, pourquoi ne pas leur permettre de continuer de jouer leur rôle de défense des victimes ? Que leur direz-vous ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LIOT.)

    M. Jean-François Coulomme

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    Exactement !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la secrétaire d’État.

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Je n’ai sans doute pas été assez claire. Je suis évidemment d’accord avec ce que vous dites ; cela va sans dire. Cependant, la rédaction de l’amendement no 113 n’est pas entièrement satisfaisante. Celle de l’amendement no 30 est plus aboutie ; j’y suis donc favorable.

    M. Frédéric Mathieu

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    Leur rédaction est la même !

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 113.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        155
            Nombre de suffrages exprimés                151
            Majorité absolue                        76
                    Pour l’adoption                32
                    Contre                119

    (L’amendement no 113 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 30.

    (Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        156
            Nombre de suffrages exprimés                154
            Majorité absolue                        78
                    Pour l’adoption                67
                    Contre                87

    (L’amendement no 30 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    L’amendement no 22 de M. Xavier Breton est défendu.
    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    Défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Défavorable également.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Andy Kerbrat.

    M. Andy Kerbrat

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    Lorsqu’un amendement est déclaré défendu et que la commission et le Gouvernement émettent un avis défavorable, on ne se penche pas sur son objet, mais c’est trop facile.
    L’amendement no 22 oblige les associations de lutte contre les dérives sectaires à obtenir l’accord de la personne concernée pour pouvoir se constituer partie civile. L’exposé sommaire mentionne la sexualité et le genre. En laissant aux enfants sous emprise la possibilité de donner ou de refuser leur accord à une association qui souhaite se constituer partie civile, l’amendement autorise de fait les thérapies de conversion.
    Lors de l’examen du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, j’avais défendu un amendement visant à permettre aux associations de défense des droits des personnes LGBTI de se constituer partie civile en cas d’homophobie avérée ; je suis très triste qu’il n’ait pas été adopté. Je soutenais alors et je continue de soutenir la position de Raphaël Gérard.
    De toute évidence, l’amendement no 22 vise à autoriser les thérapies de conversion ! Quarante-deux ans après la dépénalisation de l’homosexualité, la droite est encore capable de déposer un tel amendement. On l’a trop peu souligné et il est important de le rappeler : l’un des grands combats de Robert Badinter et de Gisèle Halimi, mais également de l’association Choisir et du Front homosexuel d’action révolutionnaire (FHAR), a été d’arracher la dépénalisation de l’homosexualité, contre votre camp, mesdames et messieurs Les Républicains, qui essayait à tout prix de l’en empêcher ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES. – Exclamations sur quelques bancs du groupe LR.)
    Chacun ses contradictions, monsieur Minot, mais c’est votre camp politique qui s’est battu pour la pénalisation de l’homosexualité ! Cet amendement est une violence à l’encontre des personnes LGBTI. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

    (L’amendement no 22 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de deux amendements, nos 114 et 103, pouvant être soumis à une discussion commune.
    La parole est à M. Hadrien Clouet, pour soutenir l’amendement no 114.

    M. Hadrien Clouet

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    Cela va vous étonner, mais je souhaite vous parler des questions d’agrément et d’utilité publique – nous n’avons pas assez échangé sur le sujet !
    Madame la rapporteure, madame la secrétaire d’État, il y a quelques instants, vous avez évoqué la demande d’agrément des associations qui ne peuvent pas se porter partie civile en défense des victimes – nous sommes d’accord sur ce point, nous rencontrons les mêmes associations. Toutefois, aucune d’elles n’a demandé qu’on retire à d’autres le droit d’être partie civile. C’est pourtant ce que vous faites. Contrairement à ce que vous dites, vous n’êtes pas obligés de retirer ce droit pour le donner à d’autres.
    Cet amendement vous offre un temps de réflexion. Nous proposons que les associations reconnues d’utilité publique puissent continuer d’exercer les droits reconnus à la partie civile pendant une durée de quatre-vingt-dix-neuf ans – vous pouvez bien sûr choisir une autre durée et sous-amender notre amendement. Le droit actuel serait donc maintenu pendant quatre-vingt-dix-neuf ans, ce qui laisserait le temps à quelques alternances politiques !
    Si nous proposons ce temps de réflexion, c’est parce que la logique d’un système basé uniquement sur l’agrément et excluant la reconnaissance d’utilité publique est partisane et discrétionnaire. Cette logique nous inquiète. Personne ne met en doute la volonté de Mme la rapporteure et de Mme la secrétaire d’État de lutter contre les dérives sectaires, mais qu’en sera-t-il des futures majorités parlementaires ? Faut-il rappeler que la directrice de cabinet du président Sarkozy avait de fortes accointances avec des mouvements sectaires ? Nous avons aussi failli avoir comme ministre de l’éducation nationale un sympathisant de la communauté des Béatitudes ! Ce type de fréquentations, éminemment discutable, justifie que l’on soit prudent dans l’évolution du droit et que l’on assure la complète indépendance des associations en garantissant leur droit à se porter partie civile quelle que soit la majorité en place.

    Mme la présidente

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    Sur l’amendement no 116, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Antoine Vermorel-Marques, pour soutenir l’amendement no 103.

    M. Antoine Vermorel-Marques

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    Sans demander un délai de quatre-vingt-dix-neuf ans,…

    M. Hadrien Clouet

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    Si, si !

    M. Antoine Vermorel-Marques

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    …qui est excessif, nous pensons que ce débat est légitime. Nous proposons de laisser aux associations d’utilité publique un délai transitoire suffisamment long pour pouvoir faire un recours. L’amendement vise à étendre ce délai d’un an à deux ans.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission sur les amendements ?

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    La période transitoire initialement prévue par le texte était de neuf mois. Par sécurité, le Sénat a jugé préférable de l’allonger à un an. C’est un délai raisonnable, selon moi.
    Monsieur Clouet, j’entends bien votre demande, mais mes arguments restent les mêmes : je ne pense pas que l’Unadfi ait la moindre difficulté à obtenir l’agrément ; il lui sera délivré le plus rapidement possible, elle a un an pour le demander. Ma réponse à M. Vermorel-Marques est identique, même si sa demande était plus raisonnable. Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Monsieur Clouet, je souscris entièrement à vos propos. Toutefois, votre amendement soulève un problème de constitutionnalité – notre divergence ne se situe pas sur le fond, mais sur le plan du droit.

    M. Hadrien Clouet

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    Alors, sous-amendez !

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Le délai de quatre-vingt-dix-neuf ans s’apparente à celui d’un bail emphytéotique, ce qui serait très curieux. Avis défavorable pour l’amendement no 114 et avis de sagesse pour l’amendement no 103.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Élisa Martin.

    Mme Élisa Martin

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    De nouveau, vos arguments sont étranges : on ne voit pas bien le rapport avec le bail emphytéotique…

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Il dure quatre-vingt-dix-neuf ans !

    Mme Élisa Martin

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    Si la durée de 99 ans vous pose problème, vous pouvez sous-amender et proposer 98 ans ou 101 ans – comme vous voulez ! Notre préoccupation est uniquement la défense et la représentation des victimes, et la continuité qu’elles exigent. Ne nous parlez donc pas de baux emphytéotiques, cela n’a rien à voir. Dites-nous plutôt les raisons pour lesquelles vous ne souhaitez pas que cette continuité soit organisée dans la loi.

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Je viens de le faire !

    Mme Élisa Martin

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    Nous pourrons alors contre-argumenter si nous ne sommes pas convaincus par vos arguments.

    (Les amendements nos 114 et 103, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    (L’article 3 est adopté.)

    Article 4 A

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Émilie Bonnivard, inscrite sur l’article.

    Mme Émilie Bonnivard

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    Cet article, ajouté par nos collègues sénateurs, vise à introduire une nouvelle circonstance aggravante en cas d’exercice illégal de la médecine ou de pratiques commerciales trompeuses au moyen d’un support électronique ou numérique. Autrement dit, il cible l’utilisation d’un réseau social pour faire la propagande d’un exercice illégal de la médecine. Nous connaissons les effets délétères de pratiques qui touchent des personnes fragiles derrière les ordinateurs. La puissance de démultiplication de cet effet néfaste est considérable sur internet.
    L’article 4 A vise à responsabiliser les personnes qui se rendent coupables de ces infractions très graves et à introduire dans le projet de loi une peine complémentaire de bannissement numérique. Le numérique a exacerbé tous les risques dans notre société ; il est impératif que nous puissions y répondre dans le cadre de ce texte. Le risque de dérive sectaire est exacerbé sur les réseaux sociaux. Il est indispensable que nous adoptions cet article et la peine de bannissement numérique. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-François Coulomme, pour soutenir l’amendement no 116, tendant à supprimer l’article 4 A.

    M. Jean-François Coulomme

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    Nous soutenons des arguments inverses à ceux qui viennent d’être présentés. Cet article illustre à merveille l’impuissance de votre politique : n’ayant de budget pour rien, vous ne trouvez comme moyen d’agir que d’augmenter les peines. Nous l’avons vu avec les précédents textes que nous avons votés : par exemple, la proposition de loi renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires, ou le projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique, dit Sren – cet article en est d’ailleurs inspiré.
    Quand on ne se donne pas les moyens de faire de la prévention et de mener des enquêtes judiciaires, ce qui permettrait de mieux détecter les dérives sectaires, on augmente les quanta de peine.
    La circonstance aggravante est justifiée ici par l’utilisation de moyens numériques, ce qui est pour le moins étonnant. Dans cette logique, on pourrait imaginer que toute criminalité qui s’exerce sans moyens numériques bénéficie d’une circonstance atténuante… Cela ne tient pas !
    Pourquoi augmenter le quantum de peines parce que les moyens modernes de communication ont été utilisés ? Les délinquants ne se posent pas de questions morales quand ils utilisent les moyens numériques. Pour nous, cette proposition inopérante illustre l’inefficacité de votre politique et son manque patent de moyens. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Sacha Houlié, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission.

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Élisa Martin.

    Mme Élisa Martin

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    Nous aurions aimé vous entendre sur ce sujet, madame la secrétaire d’État, d’autant que nous l’avons abordé plusieurs fois ces dernières semaines – je pense aux discussions relatives à la proposition de loi créant l’homicide routier et visant à lutter contre la violence routière.
    Nous l’avons déjà dit, l’augmentation d’un quantum de peine ne permet pas, comme par magie, de lutter contre les dérives sectaires. Cela n’a pas de sens ! Quand les gens commettent un délit, quelle que soit sa nature, ils n’en sont pas dissuadés a priori parce que les députés ont voté une aggravation des sanctions. Par ailleurs, si la question du recours aux nouvelles technologies est importante, elle ne change rien au fond du phénomène sectaire et aux mécanismes qui y font adhérer, avec toutes les conséquences que l’on sait.
    Aussi nous interrogeons-nous doublement sur le sens de l’article. Premièrement, la surenchère pénale ne nous paraît pas efficace – personne n’a été capable de prouver que nous avions tort. Deuxièmement, qu’importe le moyen avec lequel on attrape les gens dans son filet, le phénomène sectaire reste le même.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Émilie Bonnivard.

    Mme Émilie Bonnivard

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    Je ne comprends pas votre argumentation, mais peut-être ne suis-je pas assez intelligente ! L’objectif est de protéger nos concitoyens, tout simplement. Je ne fais pas de grand discours, ce que je propose n’est pas extraordinaire : il s’agit de protéger nos concitoyens les plus fragiles, souvent seuls, contre des pratiques totalement délictuelles. L’important, c’est qu’il n’y ait plus de dérives sectaires.

    Mme Élisa Martin

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    Là, vous ne protégez rien ! Quel est le lien entre la surenchère pénale et la protection ? Il n’y en a pas !

    Mme Émilie Bonnivard

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    Comment pouvez-vous ne pas être choqués par l’impact du numérique sur le harcèlement de nos jeunes et leur accès au porno ? Rien de tout cela n’est régulé, mais, pour vous, ce n’est pas grave, vous voulez continuer au nom de la liberté d’expression !

    Mme Élisa Martin

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    Vous ne régulez rien du tout ! Nous voulons une preuve du lien entre les deux !

    Mme Émilie Bonnivard

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    On ne protège pas les plus fragiles. Quant à moi, mon objectif est de les protéger des personnes néfastes qui veulent contrôler leur cerveau et leur vie. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme Élisa Martin

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    Zéro preuve !

    Mme Émilie Bonnivard

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    Nous ne sommes peut-être pas assez intelligents pour vous, mais notre objectif est de protéger nos concitoyens. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 116.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        170
            Nombre de suffrages exprimés                165
            Majorité absolue                        83
                    Pour l’adoption                26
                    Contre                139

    (L’amendement no 116 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    L’amendement no 17 rectifié de Mme Christelle Petex est défendu.

    (L’amendement no 17 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Louise Morel, pour soutenir l’amendement no 47.

    Mme Louise Morel

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    Je tiens à rappeler que l’article 5 du projet de loi dit Sren, que nous avons voté il y a quelques mois, portait sur la peine complémentaire de bannissement des réseaux sociaux. Alors que nos collègues sénateurs y avaient ajouté une quinzaine d’infractions susceptibles d’entraîner cette peine complémentaire, nous avions pour notre part décidé de réduire cette liste aux infractions les plus cohérentes avec le dispositif, comme le cyberharcèlement. À l’inverse, une peine de bannissement des réseaux sociaux ne peut être prononcée si l’infraction n’a aucun rapport avec le harcèlement en ligne, comme une infraction au code de la route. (Bruit de conversations.)
    Il me semble primordial de préserver l’équilibre que nous avons trouvé il y a quelques mois, en excluant de la liste des infractions pouvant faire l’objet d’une peine complémentaire celles pour lesquelles la réponse pénale est déjà largement suffisante, et dont le lien avec les réseaux sociaux est ténu.
    En outre, pour qu’une peine complémentaire soit efficace, il faut que le juge puisse en vérifier l’application – c’est tout à fait possible en matière de cyberharcèlement. Les infractions visées par l’article 4A sont déjà très encadrées par la loi, et je doute qu’un juge prononce une peine complémentaire de bannissement des réseaux sociaux en cas de pratique illégale de la médecine, par exemple.
    Par cohérence avec notre position dans le projet de loi dit Sren, cet amendement vise à supprimer la peine de bannissement pour les infractions visées à l’article 4A, tout en préservant la circonstance aggravante si elles sont commises sur internet. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem. – M. Thomas Ménagé applaudit également.)

    M. Cyrille Isaac-Sibille

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    Très bien !

    Mme la présidente

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    Mes chers collègues, nous sommes ensemble pour une heure et quart encore et le bruit de fond qui règne est particulièrement désagréable pour tout le monde.
    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    Je vous ai écoutée attentivement, madame la députée.

    M. Pierre Cordier

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    Pour une fois !

    M. Maxime Minot

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    Encore heureux !

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    L’inclusion de certaines infractions dans le périmètre du dispositif prévu à l’article 5 du projet de loi dit Sren illustrait la volonté de l’Assemblée de viser, plus largement, les comportements commis en ligne et présentant un danger pour les personnes.
    En outre, nous ne pouvons préjuger de l’adoption définitive de ce texte qui est encore en cours d’examen, et devons donc nous prononcer en fonction du droit en vigueur. Or les « gourous 2.0 » évoluant, pour améliorer la protection des victimes, nous devons nous adapter et faire évoluer le droit. Je vous demande donc de bien vouloir retirer les deux amendements.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Favorable.

    M. Maxime Minot

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    Nous avons bien fait de venir !

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Je précise que si nous sommes d’accord sur le principe, le sujet devra également être étudié dans le cadre du projet de loi dit Sren, qui reviendra prochainement devant l’Assemblée.

    (L’amendement no 47 est adopté ; en conséquence, les amendements suivants tombent.)

    (L’article 4 A, amendé, est adopté.)

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à vingt-deux heures cinquante, est reprise à vingt-deux heures cinquante-cinq.)

    Mme la présidente

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    La séance est reprise.

    Après l’article 4 A

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Hadrien Clouet, pour soutenir l’amendement no 115.

    M. Hadrien Clouet

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    Nous étions tous d’accord pour consacrer légalement l’existence et le caractère interministériel de la Miviludes, qui sont désormais inscrits dans la loi. Néanmoins, il reste une difficulté : seuls le ministère de l’intérieur et le ministère de l’éducation nationale disposent aujourd’hui d’un référent Miviludes, dont le lien direct avec la mission permet une action rapide et efficace.
    Afin de crédibiliser le statut de la Miviludes, cet amendement vise à généraliser la présence d’un référent Miviludes dans l’ensemble des ministères et administrations pouvant être concernés par les dérives sectaires : le ministère du travail, de la santé et des solidarités, afin notamment d’agir au niveau des formations professionnelles ou de conclure des conventions entre la Miviludes et les agences régionales de santé (ARS) – nous en avons déjà parlé –, la direction générale des finances publiques (DGFIP), ou encore la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
    Tout à l’heure, un certain nombre d’entre vous ont voté en faveur d’une restriction du périmètre d’action de la Miviludes – un vote « sur commande », sans aucun doute. Cet amendement permet à tous ceux qui le regretteraient de se rattraper, en s’assurant que la mission dispose d’interlocuteurs dans toutes les institutions, ce qui permettra de lever les obstacles à son activité, à défaut d’en étendre le périmètre. Cette proposition, qui ne coûte absolument rien, sera éminemment efficace pour améliorer la circulation de l’information. Cet amendement est donc paré de toutes les vertus nécessaires à son adoption.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    Cher monsieur Clouet – je m’étais engagée à commencer ainsi : c’est déjà un beau départ, non ? (Sourires.)

    M. Hadrien Clouet

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    C’est vrai ! Mais on attend la fin… (Sourires.)

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    L’arrivée sera hélas moins belle. La Miviludes est déjà chargée de coordonner, à l’échelle interministérielle, l’action préventive et répressive des pouvoirs publics à l’encontre des dérives sectaires.

    Mme Élisa Martin

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    Évidemment, c’est même son objet !

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    À cet égard, il est donc important qu’elle dispose d’une vision globale du phénomène et soit donc l’interlocuteur de référence pour l’ensemble des administrations. Ajouter un échelon hiérarchique ne ferait que ralentir la transmission de l’information et pourrait même provoquer une déperdition d’information. Il ne me paraît donc pas opportun d’inscrire cette obligation dans la loi. Je serai donc, cher monsieur Clouet, défavorable à votre amendement. (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Élisa Martin.

    Mme Élisa Martin

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    Chacun aura bien compris qu’il ne s’agit nullement d’ajouter un échelon hiérarchique, mais simplement de fluidifier la circulation de l’information, en particulier des signalements, entre les ministères et la Miviludes. Celle-ci pourra ainsi s’appuyer sur les référents dans les ministères, qui pourront eux-mêmes trouver auprès de la Miviludes des ressources pour mener à bien leur mission d’identification et de signalement.
    Ce projet de loi vise à renforcer la lutte contre les dérives sectaires – c’est son titre. Je ne suis absolument pas indifférente à ce sujet, mais pensez-vous un seul instant que vous ferez reculer ce phénomène grâce à une surenchère pénale ? Cela ne fonctionnera évidemment pas. Pour renforcer l’efficacité de la Miviludes, nous devons nous doter d’outils en matière de prévention, d’éducation, d’éveil à l’esprit critique – un objectif qui se matérialise très concrètement à travers les hommes et femmes qui servent de relais entre les ministères et la Miviludes.

    (L’amendement no 115 n’est pas adopté.)

    Article 4

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Paul Molac.

    M. Paul Molac

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    Si nous avons pu nous accorder sur les articles précédents, celui-ci risque de poser problème et de diviser l’hémicycle. En effet – et mon propos fait suite aux alertes des citoyens et du Conseil d’État –, sa rédaction actuelle me semble ouvrir la possibilité de contester le droit de dire à un individu que son traitement n’est pas bon et qu’il doit l’arrêter. Or il existe des médicaments qui font soudain l’objet d’une interdiction car leurs effets secondaires ne sont connus qu’au fur et à mesure de leur prescription. Une autorisation de mise sur le marché ne signifie donc pas l’innocuité. Comment, dès lors, inciter quelqu’un à ne plus prendre un médicament car on pense qu’il est mauvais pour sa santé, alors que certains médecins estiment qu’il faut poursuivre le traitement ? Comment les lanceurs d’alerte peuvent-ils ne pas tomber sous le coup de cet article ? Tel aurait été sans aucun doute le cas d’Irène Frachon.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Schreck.

    M. Philippe Schreck

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    Notre groupe est opposé à cet article, en grande partie inutile mais surtout dangereux car attentatoire à nos libertés, notamment à la liberté d’expression. S’il faut effectivement pourchasser des comportements individuels graves, émanant souvent de charlatans, à l’instar de ceux qui incitent leurs victimes en grande difficulté physique et psychologique à l’abandon de leur traitement, la loi pénale permet déjà d’appréhender les escrocs. C’est le cas des délits de mise en danger d’autrui, de non-assistance à personne en danger, d’exercice illégal de la médecine, du délaissement de la personne en état d’être protégé, ou même l’abus de faiblesse, entre autres dispositifs du code pénal.
    Cet article porte surtout une atteinte directe à la liberté d’expression, au droit de ne pas être d’accord, à la possibilité d’avoir un avis scientifique différent ou divergent, de lancer une alerte ou de dénoncer un scandale. L’histoire regorge d’exemples où la vérité médicale et scientifique du jour ne fut pas celle du lendemain. Cet article pourrait donc consacrer l’existence d’une doxa officielle pénalement protégée. Or la science a parfois progressé grâce à ceux qui n’étaient pas d’accord et qui exerçaient leur liberté d’expression. Ce dispositif supprimé par le Sénat et réintroduit en commission aurait permis des poursuites contre ceux qui ont dénoncé le scandale du Mediator, qui s’interrogent sur les effets de la Dépakine, du Levothyrox, voire sur l’utilité des statines. Le Conseil d’État a d’ailleurs souligné l’exigence de proportionnalité entre ce dispositif et la liberté d’expression, que le texte doit préserver. Ce n’est pas le cas de l’article 4 auquel nous sommes, je le répète, totalement opposés. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan.

    M. Nicolas Dupont-Aignan

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    Cet article 4 n’a rien à voir avec votre projet de loi contre les dérives sectaires. Ce n’est même pas un cavalier législatif, c’est un dinosaure législatif qui vise tout simplement à censurer la liberté des médecins et la liberté scientifique. Il est quand même paradoxal qu’un groupe qui s’appelle Renaissance sombre dans l’obscurantisme et gèle le progrès scientifique. (Exclamations sur les bancs du groupe RE.)

    M. Rémy Rebeyrotte

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    Pas de vous !

    M. Nicolas Dupont-Aignan

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    Quand vous adoptez la rédaction « en l’état des connaissances médicales », vous reconnaissez vous-mêmes qu’Irène Frachon et tous ceux qui ont fait avancer la science auraient été mis en prison et écopé de 15 000 d’euros d’amende, et que le Mediator serait toujours en vente et tuerait des gens. (« C’est faux ! » sur les bancs du groupe RE.)

    M. Arthur Delaporte

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    N’importe quoi !

    M. Nicolas Dupont-Aignan

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    Cet article vise en fait à créer une science et une médecine d’État. Dans l’histoire, ceux qui ont poursuivi cet objectif s’en sont mordu les doigts car c’est le meilleur moyen de tout bloquer, d’empêcher le dialogue, le doute et la confrontation des idées, de geler les situations acquises. Au nom du progrès, vous tuez le progrès. C’est un contresens total.

    M. Bruno Studer

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    Hallucinant !

    M. Nicolas Dupont-Aignan

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    On a bien compris qu’en fait, vous accusez de dérives sectaires tous ceux qui ne pensent pas comme vous. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe RN.)

    M. Arthur Delaporte

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    Vraiment n’importe quoi !

    M. Nicolas Dupont-Aignan

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    À force, cela commence à se voir ! La rapporteure est d’ailleurs tellement brillante qu’elle vient d’approuver mon propos en hochant de la tête. Je vous remercie, madame : vous avez avoué votre rôle un peu triste ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Didier Paris.

    M. Didier Paris

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    Il est assez troublant d’entendre M. Dupont-Aignan parler d’obscurantisme car c’est un spécialiste en la matière et je ne suis pas certain que l’on doive suivre ses leçons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)
    Revenons au texte : tous les membres de la commission des lois savent très exactement de quoi je vais parler. Il faut reconnaître que la rédaction initiale de l’article 4, qui intègre le délit de provocation – ce qui était absolument nécessaire –, comportait une faille, relevée par le Conseil d’État et source potentielle de problèmes constitutionnels, relative à la garantie des libertés individuelles et de l’autonomie de la conscience. C’est pourquoi, en commission, avec Mme la rapporteure et l’ensemble des membres, nous avons clairement indiqué que nous aurions à proposer une nouvelle rédaction en séance publique.

    M. Frédéric Boccaletti

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    Bien sûr, on va vous faire confiance !

    M. Didier Paris

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    Nous y sommes, donc du calme ! Les amendements du groupe Renaissance et des groupes de la majorité, MODEM et Horizons, que vous ne manquerez pas de voter – puisque c’est votre volonté – rectifient le tir comme nous nous y étions très clairement engagés.

    M. Maxime Minot

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    On supprime, et c’est tout !

    M. Didier Paris

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    Ils rappellent simplement que la liberté de conscience, l’autonomie de la pensée et la liberté des lanceurs d’alerte doivent être garanties. Je crois que nous sommes parvenus – difficilement, c’est vrai – à trouver la rédaction juste et satisfaisante pour tous les groupes de bonne volonté. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    M. Maxime Minot

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    Plus c’est gros, plus ça passe !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Élisa Martin.

    Mme Élisa Martin

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    Cet article suscite de grandes inquiétudes, tant son caractère est général et sa rédaction vague. C’est une des raisons pour lesquelles le Conseil d’État a considéré que le dispositif prévu était tout à fait disproportionné. La deuxième alerte, c’est que nous disposons déjà d’un dispositif, voire d’un arsenal pénal qui permet de lutter contre des comportements mettant en danger la vie d’autrui. Si l’on votait cet article, on ouvrirait une brèche au dépens de ceux qui contestent la légitimité de tel médicament ou type de soins, alors que de telles contestations ont été légitimes dans le passé.
    La troisième alerte, c’est la liberté des personnes qui me paraît tout à fait fondamentale, sans mauvais jeu de mots. La quatrième alerte, enfin, c’est l’existence de lobbies très puissants dans notre pays. Le lobby pharmaceutique, évidemment, en fait partie et j’ose faire le lien avec ce que vous proposez.

    M. Arthur Delaporte

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    Je ne vois pas le rapport !

    M. Hadrien Clouet

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    Elle a osé !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Marc Le Fur.

    M. Marc Le Fur

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    J’entends exprimer mon opposition à cet article. Nous disposons d’une devise républicaine, dont le premier mot est « liberté », non « vérité ». Il n’y a pas de vérité officielle, protégée par je ne sais quelle disposition législative. La liberté, c’est aussi la liberté scientifique qui repose sur le débat, au cœur duquel réside le doute. Voilà la réalité scientifique : la vérité n’est pas majoritaire ! (« Bien sûr ! » sur les bancs du groupe LR.)

    Mme Sophie Blanc

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    Il a raison !

    M. Marc Le Fur

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    Lorsque Pasteur a commencé, il était minoritaire et vilipendé. L’histoire lui a donné raison et les vérités d’hier relèvent aujourd’hui bien souvent de l’archaïsme scientifique. Le Conseil d’État a dit très clairement son opposition à ce dispositif : écoutons son avis juridique.
    Une chose encore : dans ma région, nous avons été très marqués par le combat d’Irène Frachon. Ce combat qu’elle a mené bien seule au début et qui lui a valu peut-être bien des désagréments dans sa carrière, elle a su le mener contre la vérité officielle du moment. Heureusement que nous avons eu des Irène Frachon ! C’est pourquoi, au vu de l’histoire scientifique et juridique, nous nous opposerons résolument à cet article 4. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes LR et RN. – Mme Emmanuelle Ménard et M. Nicolas Dupont-Aignan applaudissent également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Arthur Delaporte.

    M. Arthur Delaporte

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    Cet article 4, rétabli en commission, est un élément important de ce projet de loi. Je le sais, pour avoir été avec mon collègue Stéphane Vojetta, auteur d’une loi sur les influenceurs : nous sommes confrontés au quotidien à celles et ceux qui aujourd’hui, sur les réseaux sociaux, usent de leur notoriété pour inciter des personnes en situation de fragilité – essentiellement mineures, mais pas seulement – à arrêter des traitements pour leur proposer des solutions miraculeuses. C’est cela, le véritable danger.

    M. Bruno Studer

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    Très bien !

    M. Arthur Delaporte

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    En affirmant qu’il faut protéger la liberté d’expression, vous nous trouverez à vos côtés. Je propose d’ailleurs deux amendements, les nos 41 et 98, que vous pourrez voter pour assurer que les lanceurs d’alerte sont protégés et ne sont pas visés en l’espèce. Ceux que nous visons ici, ce sont les charlatans dont les victimes meurent de la promotion de l’abstention thérapeutique. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe RE. – M. Sébastien Peytavie applaudit également.) Cette loi doit envoyer un signal fort, alors je vous en conjure, collègues : ce soir, ne succombez pas aux arguments séduisants de ceux qui invoquent la liberté parce que les obscurantistes et les malfaisants, ce sont eux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le président de la commission des lois.

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

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    Ce débat est presque amusant parce que nous revenons quelques mois en arrière, aux plus belles heures de l’examen des textes relatifs au covid. Certains d’entre vous n’étaient pas encore députés, mais ceux qui étaient présents dans cet hémicycle s’en souviennent avec une vive émotion. Monsieur Dupont-Aignan, vous avez dit qu’il n’y avait pas de science d’État. Il y a en revanche un mensonge politique que vous ne faites qu’entretenir année après année, mois après mois : vous étiez de ceux qui nous expliquaient qu’il fallait promouvoir l’hydroxychloroquine dont on sait depuis le début du mois qu’elle a causé peut-être 17 000 morts dans notre pays. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe RE.)

    M. Emeric Salmon

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    Qui est allé rencontrer le professeur Raoult à Marseille ?

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

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    Si des gens incitent à abandonner des traitements ou à recourir à des traitements de charlatan, vous en êtes ici le fidèle relais. C’est peut-être pour cela que cet article vous gêne autant.
    Certains d’entre vous ont aussi menti délibérément sur la nature de l’avis du Conseil d’État, selon lequel « la légitimité de l’objectif poursuivi est incontestable » – je le répète : incontestable ! C’est la rédaction initiale du texte qu’il a remise en cause. Puisqu’il ne faut toucher aux libertés fondamentales – la liberté de conscience et la liberté d’expression – qu’avec une main tremblante et de façon strictement nécessaire et proportionnée, il fallait en effet une nouvelle rédaction. Le texte présenté au Parlement différait déjà de l’avant-projet du Gouvernement. Les ricanements du groupe Rassemblement national ne surprendront personne. (Protestations sur les bancs du groupe RN.) Sa rédaction a encore été modifiée en commission des lois, grâce aux amendements défendus à la fois par la rapporteure et les membres de la majorité.
    Ce que dit cette nouvelle rédaction, c’est qu’il y aura des sanctions pénales fortes à l’encontre de ceux qui incitent à abandonner un traitement et mettent ainsi en danger la vie d’autrui.

    M. Thomas Ménagé

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    Il y a déjà une infraction : ça s’appelle la mise en danger de la vie d’autrui !

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

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    Elle dit qu’il y aura des sanctions pénales fortes pour celles et ceux qui incitent à recourir à des traitements qui ne sont pas curatifs.

    M. Maxime Minot

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    Allez, on accélère !

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

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    Non, je n’accélère pas (Exclamations sur les bancs du groupe LR) : il s’agit d’un enjeu crucial. Et ceux qui citent dorénavant Pasteur sont les mêmes qui s’opposaient il y a peu aux vaccins !

    Mme Stéphanie Rist

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    Eh oui !

    M. Marc Le Fur

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    Pasteur était minoritaire !

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

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    C’est ce que vous avez dit, monsieur Le Fur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.) Je suis ravi que vous vous ralliiez au fait que le vaccin soit la meilleure façon de protéger nos concitoyens contre les maladies. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.) Et peut-être étions-nous minoritaires au moment où il a fallu protéger les Français ; nous aurions bien aimé avoir votre soutien à ce moment-là, mais vous ne nous l’avez apporté que du bout des lèvres ! (Mêmes mouvements.)
    Voilà pourquoi nous avons besoin de dispositions législatives exigeantes, difficiles à faire adopter ; il faut un certain courage,…

    M. Philippe Lottiaux

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    Pour faire des erreurs pareilles, il en faut, du courage, en effet !

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

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    …surtout dans un parlement aussi morcelé que le nôtre, pour faire adopter des dispositions qui protégeront les Français, exposés par les charlatans et les réseaux sociaux qui en sont les relais, de toutes les menaces que nous décrivons. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

    M. Marc Le Fur

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    Il a bien parlé : il devrait être ministre ! (Sourires.)

    Rappel au règlement

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan, pour un rappel au règlement.

    M. Nicolas Dupont-Aignan

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    M. le président de la commission des lois s’est livré à une caricature me visant, donc à une attaque personnelle. (Exclamations sur les bancs du groupe RE.) Et précisément, monsieur le président de la commission des lois, si vous aviez un peu de mémoire, vous vous souviendriez que j’avais dit, ici même, que le vaccin n’empêchait pas la transmission et qu’il ne justifiait donc pas un passe sanitaire. Or c’est le professeur Delfraissy qui, deux ans et demi après, a reconnu dans une grande émission de télévision qu’il avait, dès mars 2021, alerté M. Véran sur le fait qu’il était mensonger de dire que le vaccin empêchait la transmission. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs du groupe RE.)

    Mme Stéphanie Rist

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    Ce n’est pas un rappel au règlement !

    M. Frédéric Boccaletti

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    Il est où, d’ailleurs, Véran ?

    M. Nicolas Dupont-Aignan

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    Cela prouve bien, monsieur le président de la commission des lois, que la vérité d’un moment peut devenir un gros mensonge. Alors c’est un peu facile !

    Mme Caroline Abadie

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    Quel rapport ?

    M. Nicolas Dupont-Aignan

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    Et votre admonestation prouve aussi que vous traitez de charlatans ceux qui ne pensent pas comme vous. Luttons contre les charlatans, oui, grâce à des diplômes et à des contrôles empêchant l’exercice illégal de la médecine.

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

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    Dix-sept mille morts !

    M. Nicolas Dupont-Aignan

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    Mais ce que vous faites, ce n’est pas ça, et vous l’avez prouvé par votre attaque : ceux qui ne pensent pas comme vous sont immédiatement traités comme les membres d’une secte ou comme des charlatans. C’est honteux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Article 4 (suite)

    Mme la présidente

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    Sur les amendements identiques nos 23, 53, 67, 77, 96, 104, 163 et 174, je suis saisie par les groupes La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale et Les Républicains d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    Je suis saisie de huit amendements nos 23, 53, 67, 77, 96, 104, 163 et 174, tendant à supprimer l’article 4.
    La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 23.

    M. Patrick Hetzel

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    Il vise en effet à supprimer l’article 4, pour au moins deux raisons. La première est de nature juridique et vous devriez d’ailleurs relire l’avis du Conseil d’État, qui indique très clairement que la rédaction proposée, sur le plan juridique, pose davantage de problèmes qu’elle n’en résout.
    Par ailleurs, je voudrais revenir sur ce qu’est la science. Très souvent, au moment où elles émergent, les ruptures de paradigme permises par les avancées scientifiques sont le fait d’individus qui, au sein de la communauté scientifique, sont minoritaires. (M. Marc Le Fur applaudit.) Nous devons donc être très attentifs à éviter le développement d’un dogme qui serait celui d’une science officielle : ce serait tout à fait dangereux. C’est pourquoi il est essentiel de ne pas maintenir l’article 4. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR et RN.)

    Mme Stéphanie Rist

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    Mais ce n’est pas ça, l’article 4 !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sylvie Bonnet, pour soutenir l’amendement no 53.

    Mme Sylvie Bonnet

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    Bien que sa portée ait été restreinte depuis que le Conseil d’État a émis des critiques sévères sur sa rédaction, l’article 4 demeure attentatoire aux libertés sans garantir une grande efficacité contre l’essor des discours en faveur des dérives sectaires. C’est pourquoi la commission des lois du Sénat l’a supprimé.
    Par conséquent, le présent amendement vise à supprimer l’article 4 tel qu’il a été réintroduit par la commission des lois de l’Assemblée. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LR et RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Emeline K/Bidi, pour soutenir l’amendement no 67.

    Mme Emeline K/Bidi

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    Lors de la discussion générale, nous avons déjà exposé nos inquiétudes quant à cet article 4. Il n’est toutefois pas inutile de les rappeler. Bien évidemment, nous pensons qu’il faut pouvoir poursuivre tous les gourous, les charlatans et les bonimenteurs…

    M. Laurent Croizier

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    Tout le monde ne le pense pas, visiblement !

    Mme Emeline K/Bidi

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    …qui incitent les personnes les plus vulnérables à cesser leurs traitements. Mais je crois aussi que notre assemblée est capable de trouver une rédaction qui permette de poursuivre les uns tout en protégeant les autres, notamment les lanceurs d’alerte, qui font un usage tout à fait légitime de la liberté d’expression.
    Ainsi, nous faire croire que l’on doit se situer dans l’un ou l’autre camp, en se pliant à votre rédaction qui est imparfaite – le Conseil d’État l’a dit…

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    L’article a été réécrit !

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

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    Nous avons adopté une nouvelle rédaction !

    Mme Emeline K/Bidi

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    …et les différents amendements que vous présentez aujourd’hui ne permettent absolument pas de la parfaire –, c’est mentir à la représentation nationale et à ceux qui nous regardent.

    M. Patrick Hetzel

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    Très bien !

    Mme Emeline K/Bidi

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    On doit pouvoir trouver une rédaction satisfaisante, et si vous vous entêtez à ne pas vouloir faire évoluer le texte pour que nous puissions protéger un droit aussi fondamental que la liberté d’expression, alors non, nous ne pourrons pas voter cet article 4, car il serait dangereux de l’adopter en l’état. Revoyons notre copie si vous voulez véritablement protéger ceux qui doivent l’être ! (M. Nicolas Sansu applaudit. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR. – M. Andy Kerbrat applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan, pour soutenir l’amendement no 77.

    M. Nicolas Dupont-Aignan

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    Madame la secrétaire d’État, vous dites qu’il faut traquer et punir les charlatans. Mais oui ! Prenez les mesures qui s’imposent, notamment pour remédier à l’absence d’organisation de certaines professions, qui ne sont pas encadrées par des diplômes. Mais cela n’a absolument rien à voir avec la disposition que vous voulez prendre.
    Vous dites ensuite que vous voulez faire quelque chose pour les lanceurs d’alerte. Mais les lanceurs d’alerte, personne ne les reconnaît comme tels au début !

    M. Frédéric Boccaletti

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    Il a raison !

    M. Arthur Delaporte

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    Irène Frachon, elle, l’a été ! Elle cochait toutes les cases !

    M. Nicolas Dupont-Aignan

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    C’est le fruit d’un processus qu’il faut bien engager. Vous ne pouvez pas dire à l’avance : « Je suis lanceur d’alerte ! » Et dans le cadre que vous souhaitez créer, aucun lanceur d’alerte ne pourrait émerger : vos dispositions destinées à les protéger ne serviraient donc à rien.
    Troisièmement, il y a un point que nous n’avons pas évoqué : vous organisez ici une judiciarisation sans précédent de l’existence. En effet, dans tous les arbitrages entre les médecins, les patients, les laboratoires pharmaceutiques et le ministère de la santé, ce serait désormais le juge qui déciderait, et il le ferait sur le fondement d’une base légale très fragile puisque vous avez été incapables de définir ce qu’est une dérive sectaire.
    Lors de la présentation du texte, la secrétaire d’État a d’ailleurs tenu des propos assez ahurissants. Selon elle, les signalements ne sont que « la partie émergée de l’iceberg » et, à côté des « groupes à prétention religieuse qui continuent de sévir », on trouve « de plus en plus de petits groupes ». Mais qui sont-ils, que font-ils ? Elle a ensuite évoqué le « développement préoccupant de la sphère complotiste », dont les thèses « prospèrent sur la toile ».

    Mme Michèle Peyron

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    Oh là là !

    M. Nicolas Dupont-Aignan

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    Mais qui sont les complotistes ? Ce sont ceux qui ne pensent pas comme vous ! Voilà la réalité. Et ce que vous appelez des dérives sectaires, c’est en fait la liberté d’opinion ! On voit donc très bien que l’article 4 ne tient pas du tout la route et qu’il faut par conséquent le supprimer. Le Conseil d’État a ainsi déjà expliqué cent fois que toutes les dispositions nécessaires existent déjà, que ce soit dans le code pénal, dans le code de la consommation ou dans le code de la santé publique. Amendez ces dispositions ou renforcez-les mais n’inventez pas un délit si faible qu’il ne tiendra la route ni devant le juge constitutionnel ni, bien entendu, devant les tribunaux.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 96.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Nous voulons tous lutter contre les gourous qui sévissent sur internet et qui poussent de trop nombreux Français à abandonner leurs soins médicaux, d’autant que – disons-le clairement – certains en meurent. Mais si cet objectif est largement partagé, il ne doit pas être poursuivi à n’importe quel prix, et c’est d’ailleurs ce que nous a rappelé le Conseil d’État dans son avis – qui est très clair, pour ne pas dire limpide.
    D’une part, l’article 4 ne répond pas au principe de nécessité puisque la plupart des faits incriminés sont déjà pénalement sanctionnés – nous l’avons dit et répété depuis le début de l’examen du texte. C’est le cas de l’exercice illégal de la médecine, des pratiques commerciales trompeuses et du refus d’assistance à personne en danger, qui sont tous sanctionnés dans notre code pénal.
    D’autre part, le présent article ne répond pas non plus au principe de proportionnalité puisqu’il restreint la liberté de la recherche scientifique tout en mettant en danger le statut des lanceurs d’alerte. On l’a dit – c’est l’exemple qui revient sans arrêt ce soir : Irène Frachon aurait tout à fait pu tomber sous le coup de l’article 4 et aurait pu être poursuivie pour avoir alerté l’opinion sur les effets secondaires du Mediator. C’est tout de même un vrai problème !
    Ensuite, l’article pose problème quant à la liberté de se soigner ou non et de choisir son traitement, qui appartient au seul patient. Or, dans sa rédaction actuelle, il est difficile de percevoir dans quelle mesure cette liberté sera réellement préservée.
    Enfin, le rétablissement de l’article 4 en commission, alors qu’il avait été supprimé au Sénat, ne tient pas compte des mises en garde du Conseil d’État, notamment en ce qui concerne de possibles atteintes à nos libertés fondamentales. En l’état, c’est particulièrement dangereux et il faut donc supprimer l’article dans sa rédaction actuelle.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Antoine Vermorel-Marques, pour soutenir l’amendement no 104.

    M. Antoine Vermorel-Marques

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    Je sais qu’au sein de notre assemblée, certains ont pu prendre l’habitude de voter des lois tout en espérant qu’elles soient ensuite censurées par le Conseil constitutionnel (Exclamations sur quelques bancs du groupe RE), mais ce n’est pas l’idée que je me fais de la hiérarchie des normes et encore moins de l’article 39 de la Constitution, qui donne le pouvoir au Conseil d’État d’alerter le législateur, c’est-à-dire l’Assemblée nationale et le Sénat, sur d’éventuels risques d’inconstitutionnalité.

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

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    C’est un LR qui dit ça !

    M. Antoine Vermorel-Marques

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    Je souhaite donc que les erreurs d’hier, qui ont un coût politique, ne soient pas réitérées, et c’est pourquoi je propose cet amendement de suppression.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Thomas Ménagé, pour soutenir l’amendement no 163.

    M. Thomas Ménagé

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    Nous voilà à l’article 4, qui déchaîne tant de passions – on l’a vu dès les premières minutes du débat. L’amendement vise à supprimer cet article, qui a déjà été retiré par le Sénat.
    C’est d’abord le Conseil d’État qui vous a prévenus : l’article est grossièrement inconstitutionnel.

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Il a été réécrit !

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

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    On connaît votre expertise en matière constitutionnelle !

    M. Thomas Ménagé

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    Ensuite, la commission des lois du Sénat vous a prévenus à son tour en soulignant à nouveau l’inconstitutionnalité de l’article. Sa rapporteure, qui travaille très bien au sein d’une commission très efficace, vous a donc prévenu, monsieur le président de la commission des lois. Et nous vous prévenons encore une fois ce soir, en vous disant que cet article est inconstitutionnel – l’édulcoration que vous proposez, grâce aux amendements déposés par la majorité, ne suffira pas à lever nos inquiétudes.
    Chers collègues de la majorité, vous voilà lancés dans une incroyable fuite en avant. Vous y persévérez par fierté, tout comme Mme la secrétaire d’État, ce qui vous conduit à réintroduire un article dont vous savez pertinemment qu’il risque de sauter lors de son passage devant le Conseil constitutionnel : vous foncez bille en tête ! Une telle attitude est complètement déplacée.
    Le Conseil d’État n’a pourtant pas épargné l’article 4, qu’il considère comme non proportionné, non nécessaire, contraire aux conventions internationales, à la liberté d’expression et à la liberté d’opinion, et dangereux pour le débat scientifique et pour les lanceurs d’alerte.
    En persistant, vous décrédibilisez donc le combat contre les dérives sectaires. Nous aurions pu parvenir à un texte consensuel, très fort, permettant de lutter préventivement contre les dérives sectaires ; mais finalement, il sera certainement censuré et mènera peut-être, comme certains de nos collègues l’ont souligné, à la censure de personnes sensées comme Irène Frachon…

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

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    Ce n’est pas vrai, ça !

    M. Thomas Ménagé

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    …qui a sauvé des milliers de vies. Nous sommes tous d’accord pour lutter contre les dingues qui veulent inciter des personnes atteintes d’un cancer à arrêter leur chimiothérapie, et qui mettent ainsi des vies en danger, mais ce n’est pas l’objet de ce texte.

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Mais si, c’est le sens de cet article !

    M. Thomas Ménagé

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    Pour finir, comme l’ont rappelé le Conseil d’État et certains de nos collègues, on dispose déjà d’un arsenal législatif – je pense à la mise en danger de la vie d’autrui, qui a même été citée par M. le président de la commission. Cette infraction permet déjà de sanctionner ceux qui doivent l’être. Il faut donc supprimer l’article 4. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    Enfin la parole est à M. Éric Pauget, pour soutenir l’amendement no 174.

    M. Éric Pauget

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    La forte hausse des signalements de pratiques de soins dites non conventionnelles auprès de personnes vulnérables, contre lesquelles l’Ordre des médecins a d’ailleurs tiré la sonnette d’alarme dans un récent rapport, est très préoccupante et appelle incontestablement une réponse ferme des pouvoirs publics.
    Cependant, le nouveau délit que vous voulez créer pose plusieurs difficultés d’ordre juridique et constitutionnel, mises en lumière par le Conseil d’État.
    D’abord, il apparaît superfétatoire de créer un nouveau délit alors que les faits incriminés constituent déjà des comportements répréhensibles, conformément au droit pénal en vigueur.

    M. Marc Le Fur

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    Tout à fait !

    M. Éric Pauget

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    En effet, ils sont déjà couverts par la répression de l’exercice illégal de la médecine, de l’homicide involontaire ou encore des pratiques commerciales trompeuses, et sont réprimés plus sévèrement que ne le propose votre article.
    D’autre part, la manière dont est défini ce nouveau délit risquerait de porter atteinte à la liberté d’expression en sanctionnant des propos généraux pouvant être tenus sur un blog ou sur les réseaux sociaux. Dès lors, la rédaction proposée n’atteint manifestement pas un équilibre satisfaisant puisqu’elle ne permet pas de concilier d’un côté l’exercice de la liberté d’expression et de la liberté de choix et de refus des soins, et de l’autre l’objectif de protection de la santé publique que nous poursuivons.
    Nous proposons donc de supprimer l’article 4 et de le remplacer par des dispositions plus proportionnées, susceptibles de répondre à la mutation des pratiques délictueuses dans le domaine de la santé tout en conservant un équilibre permettant de protéger les droits constitutionnels garantis. (Mme Anne-Laure Blin applaudit.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    Nous y voilà ! L’article 4 est le plus important du projet de loi, au cœur de l’arsenal qui nous permettra de lutter contre les dérives sectaires.
    À aucun moment, je n’oublie la protection des victimes même s’il n’est pas rare qu’au sein de cette assemblée, elle passe après le reste.

    M. Marc Le Fur

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    Irène Frachon a défendu les victimes, elle !

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    Des personnes se servent de leur influence pour inciter des malades à abandonner leur traitement ou pour promouvoir des pratiques dangereuses pour la santé, usant de techniques de manipulation destinées à tromper leur vigilance ou altérer leur discernement.
    C’est d’un enjeu de santé publique qu’il est question aujourd’hui. Il nécessite d’adapter notre cadre juridique afin de nous doter d’outils pour lutter contre ces pratiques.

    M. Philippe Lottiaux

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    Il est très adapté, en effet !

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    Le droit commun est insuffisant. Ainsi, le délit d’exercice illégal de la médecine n’est pas adapté aux nouvelles techniques d’approche en ce qu’il suppose ce que l’on appelle un colloque singulier. Or cette relation personnelle qui se noue entre le médecin et son patient n’existe pas dans les cas où des personnes publient des mensonges sur les réseaux sociaux pour manipuler leurs lecteurs.
    Je suis consciente des inquiétudes que font naître ces nouvelles infractions.

    M. Thomas Ménagé

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    Dans ce cas, prenez-les en considération, ces inquiétudes !

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    Pourtant, ces infractions sont précises et leurs éléments constitutifs minutieusement définis. Comme pour l’ensemble des infractions en droit pénal, leur caractérisation nécessite de rapporter la preuve d’un élément intentionnel. En l’espèce, il est bien évident que la preuve de cette intention est exclusive de toute bonne foi : c’est une intention de tromper et de profiter de la vulnérabilité du malade pour le manipuler.
    Je n’ignore pas les remarques du Conseil d’État mais elles ne portent pas sur le principe des infractions en tant que telles mais sur leur rédaction.

    M. Pierre-Henri Dumont

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    Cela veut dire que vous ne savez pas écrire la loi !

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    Aussi nous sommes-nous engagés, lorsque nous avons réintroduit l’article en commission des lois, à le réétudier, à le réécrire, pour reprendre les mots de Didier Paris. (Exclamations sur les bancs des groupes RN et LR.)

    M. Philippe Lottiaux

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    Supprimez-le donc !

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    Nous pourrons débattre de cette nouvelle rédaction lorsque je présenterai l’amendement no 152. En attendant, bien sûr, je donne un avis défavorable aux amendements de suppression.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le président de la commission des lois.

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

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    Je remarque que certains députés font preuve d’une grande prudence pour ne pas prendre le risque de voter un dispositif inconstitutionnel. J’en suis ravi et je vois que les vertus pédagogiques de certaines décisions du Conseil constitutionnel ont porté leurs fruits. (M. Maxime Minot proteste.)

    M. Philippe Gosselin

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    On verra si le Président de la République le saisit !

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

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    Cette prudence n’était pas de mise dans notre hémicycle il y a encore quelques semaines. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Vives exclamations sur les bancs des groupes RN et LR.)

    M. Emeric Salmon

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    Votre majorité l’a voté, ce texte !

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

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    D’autre part, la rapporteure vous l’a expliqué mais sans doute n’avez-vous pas bien entendu : les infractions prévues par le droit commun, qu’il s’agisse du délit d’abus de faiblesse d’une personne en état de sujétion psychologique ou du délit d’exercice illégal de la médecine ou de la pharmacie, ne suffisent pas pour sanctionner les pratiques liées aux dérives sectaires. Je vous invite à relire son rapport. Elle y énumère, à la page 65, l’intégralité des infractions existantes et y explique pourquoi elles sont insuffisantes.
    Enfin, vous n’avez qu’un exemple à nous citer pour illustrer le fait que le dispositif prévu empêcherait les gens de lancer des alertes ou de dénoncer des dérives sectaires : celui de la législation relative aux lanceurs d’alerte.

    M. Thomas Ménagé

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    Un exemple peut suffire !

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

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    Mais là encore, vous oubliez la loi du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte : les personnes ayant signalé ou divulgué des informations couvertes par le secret professionnel bénéficient de l’irresponsabilité pénale prévue à l’article 122-9 du code pénal.

    M. Marc Le Fur

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    Vous êtes en contradiction avec ce texte !

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

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    Vous vous servez du scandale du Mediator pour dénoncer ce texte mais Irène Frachon, qui a lancé l’alerte, aurait été protégée par le texte que nous avons voté il y a deux ans. Vos arguments ne tiennent pas, d’autant plus que nous avons tenu compte des critiques du Conseil d’État et que nous vous proposerons une réécriture de l’article. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    M. Philippe Gosselin

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    Ils sont faiblards, les applaudissements.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    J’ai lu trop de témoignages dramatiques de personnes qui ont cédé aux manipulations et ont abandonné les soins. Nous ne poursuivons pas d’autre objectif que celui de protéger les plus fragiles d’entre nous qui n’auront pas la force de résister aux promesses illusoires et remplaceront la chimiothérapie par des jus de légumes. C’est déjà arrivé et j’en ai été témoin jusque dans ma propre famille : l’un de mes proches a été convaincu de renoncer à son traitement et nous l’avons perdu.

    M. Thomas Ménagé

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    C’est une mise en danger de la vie d’autrui !

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Je n’ai pas été élue, et encore moins nommée à ce poste, pour faire de la politique politicienne.

    M. René Pilato

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    Un peu quand même…

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Nous n’avons pas davantage écrit l’article 4 pour que l’hémicycle se déchire.

    M. Nicolas Sansu

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    Retirez-le !

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    La provocation à abandonner ou à s’abstenir de suivre un traitement médical est au cœur de ce texte. Pas moins de 25 % des signalements à la Miviludes concernent la santé. Ce n’est pas pour le plaisir de vous heurter que nous avons prévu cette disposition mais bien pour protéger nos concitoyens. Si nous y parvenons, ce sera pour moi la plus grande des satisfactions. C’est pour remplir cette mission que nous sommes là, tous ensemble. Vous le savez, je ne suis pas dogmatique. (Brouhaha.)

    M. Nicolas Sansu

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    Relisez votre texte !

    Mme la présidente

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    Seule Mme la secrétaire d’État a la parole.

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Juste une précision…

    M. Hadrien Clouet

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    Continuez à parler, les aiguilles tournent…

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Je ne suis pas du genre à garder le micro pour faire passer le temps – tâchons d’aller vite.
    Quant au Conseil d’État, il écrit dans son avis…

    Mme Caroline Fiat

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    Il a déjà été lu !

    Mme Mathilde Panot

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    L’art de gagner du temps…

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    …qu’« il ne lui a pas été loisible, dans le délai imparti pour l’examen du texte, d’élaborer une rédaction tenant compte de ces critiques. Il propose donc de ne pas retenir les dispositions en cause ». (Le brouhaha persiste.)
    Nous avons suivi ses préconisations…

    M. Hadrien Clouet

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    Merci de conclure !

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    …et une nouvelle rédaction vous sera proposée. Vous ne pouvez pas prétendre que l’article a été repris en l’état. (Exclamations continues sur les bancs des groupes LFI-NUPES et LR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Pradal.

    M. Philippe Pradal

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    Les députés du groupe Horizons et apparentés voteront contre les amendements de suppression. Nous avons en effet besoin de l’article 4 pour conserver l’équilibre du texte. De surcroît, voter les amendements de suppression, ce serait refaire le coup de la motion de rejet préalable et se priver du débat. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

    M. Ian Boucard

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    Avec ça que vous ne l’avez jamais fait, vous !

    M. Philippe Pradal

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    Ce serait se priver de la chance de voter un texte cohérent et conforme aux préconisations du Conseil d’État, une fois adopté l’amendement de Mme la rapporteure. C’est ce qui avait été annoncé d’emblée en commission des lois. J’ai été élu pour débattre, pour parfaire les textes qui nous sont soumis et pas pour les rejeter a priori, en votant des amendements de suppression qui masquent mal les désaccords entre tous ceux qui les présentent. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Olivier Marleix.

    M. Olivier Marleix

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    Depuis 2016, un travail transpartisan a été réalisé pour protéger les lanceurs d’alerte, sujet sur lequel, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, nous aurions aimé vous entendre un peu plus.
    Ce fut en particulier l’objet de la loi Sapin 2 du 9 décembre 2016. Cette loi n’allait pas assez loin et la majorité de l’époque, devenue très relative aujourd’hui, a essayé de remettre l’ouvrage sur le métier. Ainsi, la loi visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte, adoptée le 21 mars 2022 à l’initiative de Sylvain Waserman, sanctionne d’une amende le recours aux procédures bâillons, ces procédures dilatoires ou abusives engagées contre les lanceurs d’alerte pour les faire taire.
    Or que faites-vous dans cet article 4 ? Vous inventez tout simplement une nouvelle procédure bâillon pour faire taire les lanceurs d’alertes. Les députés, qui œuvrent depuis huit ans pour les protéger mériteraient que vous leur expliquiez un peu mieux ce qui vous conduit à faire preuve d’une telle incohérence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. Patrick Hetzel

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    Très bien !

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix les amendements identiques nos 23, 53, 67, 77, 96, 104, 163 et 174.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        228
            Nombre de suffrages exprimés                224
            Majorité absolue                        113
                    Pour l’adoption                116
                    Contre                108

    (Les amendements identiques nos 23, 53, 67, 77, 96, 104, 163 et 174 sont adoptés ; en conséquence, l’article 4 est supprimé et les amendements suivants tombent.)
    (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Vifs applaudissements sur les bancs des groupes RN et LR dont de nombreux députés se lèvent pour applaudir.)

    Après l’article 4

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Arthur Delaporte, pour soutenir l’amendement no 98. (Brouhaha continu.)

    M. Arthur Delaporte

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    Je me demande pourquoi cet amendement n’est pas tombé. Il visait à modifier la rédaction de l’article 4 pour que les personnes, de crainte de tomber sous le coup de la nouvelle incrimination qu’il prévoie, ne renoncent à diffuser des informations sérieuses et à alerter sur les risques qu’ils perçoivent. En précisant la loi du 9 décembre 2016, cet amendement répondait aux critiques qui ont conduit, hélas, à la suppression de l’article 4. Je le regrette car le sujet méritait d’être débattu et cet article prévoyait une incrimination dont nous aurions eu besoin lors de l’examen du texte relatif aux influenceurs.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    Monsieur Delaporte, je vais émettre un avis défavorable sur votre amendement car il est déjà pleinement satisfait. Au-delà, je voudrais dire ma déception pour les victimes et pour leurs parents : ils demeureront victimes de ceux qui leur conseillent avec beaucoup de grandiloquence, de grands mots techniques, d’arrêter les traitements. (Applaudissements sur quelques bancs RE. – M. Dominique Potier applaudit également.) Et ce sera bien ! Tout le monde va bien !

    M. Aurélien Pradié

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    Non, manifestement, tout le monde ne va pas bien !

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    À aucun moment, nous n’avons pensé à ces personnes qui souffrent et qui continueront de mourir parce que nous ne sommes pas allés au bout de ce texte. Je trouve cela absolument scandaleux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Protestations sur les bancs RN et LR.)

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Elle a raison !

    M. Thomas Ménagé

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    Acceptez le vote !

    M. Aurélien Pradié

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    Ne montrez pas du doigt, madame la rapporteure, ça suffit ! Assumez, c’est votre affaire !

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État

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    Défavorable.

    M. Philippe Gosselin

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    Vous n’êtes pas très bien organisés !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Stéphanie Rist.

    Mme Stéphanie Rist

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    Je suis souvent très fière de m’exprimer dans cet hémicycle mais ce n’est pas le cas à l’instant. En ma qualité de médecin, il m’est arrivé de recevoir des patients parvenus trop tardivement en consultation après avoir écouté des charlatans qui ne les avaient pas adressés à la science et à la médecine mais leur avaient conseillé de prendre des jus, de réciter des prières. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – M. Jean-Paul Mattei applaudit également.) Certes la science évolue mais l’article 4 ne remettait pas en cause cette évolution. Il remettait juste en question le fait d’inciter à l’utilisation d’une technique qui pourrait être complémentaire, à la place d’un véritable traitement. Je suis malheureuse ce soir et je ne suis pas fière de nous. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et SOC).

    M. Éric Poulliat

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    Oui, et on rappellera que les LR ont voté la suppression de l’article 4 !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Emeline K/Bidi.

    Mme Emeline K/Bidi

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    Le débat sur l’article 4 a eu lieu ; la majorité a parlé. Si certains sont déçus, les discours culpabilisants sont particulièrement malvenus. (Mme Andrée Taurinya applaudit. – Protestations sur les bancs RE).

    M. Laurent Croizier

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    Venant de la NUPES, c’est drôle !

    Mme Emeline K/Bidi

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    Ceux qui ont voté contre cet article 4 ont affirmé leur volonté de voir les gourous malveillants poursuivis.

    M. Éric Bothorel

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    Là, on ne fait plus rien !

    M. Bruno Studer

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    Pour cela, il aurait fallu que nous puissions voter l’amendement no 152 ! 

    Mme Emeline K/Bidi

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    La nécessité de ces poursuites pouvait être conciliée avec la nécessité de protéger ceux qui doivent l’être. Vous avez refusé de revoir cet article de façon à ce qu’il protège tout le monde. Lorsque j’entends Mme la rapporteure donner un avis défavorable à l’amendement de M. Delaporte car elle l’estime satisfait, je suis confortée dans mon vote des amendements de suppression. (Protestations sur quelques bancs RE.)

    Mme Fanta Berete

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    On expliquera cela aux parents qui sont touchés !

    Mme Emeline K/Bidi

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    Si l’article 4 avait été voté, il n’y aurait pas eu d’atténuation de la législation en vigueur en faveur des lanceurs d’alerte. Ceux qui ont des regrets doivent se remettre au travail et rédiger un nouvel article qui protège tout le monde.

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Vous devriez vous couvrir la tête de cendres !

    M. Pierre-Henri Dumont

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    Le Conseil constitutionnel rétablira peut-être l’article 4… (Sourires sur plusieurs bancs du groupe LR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Dominique Potier.

    M. Dominique Potier

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    Je suis favorable à l’amendement déposé par Arthur Delaporte. Il s’agit non pas de culpabiliser mais d’exprimer sa pensée. Il peut y avoir un débat juridique sur l’opportunité de la prise en compte de l’avis du Conseil d’État mais – et je m’exprime ici en accord avec le groupe Socialistes et apparentés  – cela ne justifie pas les arguments philosophiques avancés, c’est-à-dire la remise en cause de la science (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et RE), de la science officielle – qui n’est pas la science totalitaire mais la science issue de la démocratie, issue du débat critique entre pairs renouvelé par l’innovation et permis par les cadres constitutionnels qui garantissent la recherche du bien commun. Par vos arguments, vous avez favorisé les charlatans, les promoteurs de l’intérêt privé et le monde marchand contre la puissance publique. (Protestations sur les bancs RN et LR.). C’est une profonde régression démocratique ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et RE.)

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Très bien, monsieur Potier !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la rapporteure.

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    Madame K /Bidi, si j’ai répondu rapidement à M. Delaporte sur son amendement, c’est qu’il était satisfait et que je le savais de mon avis sur l’article 4.

    Mme Emeline K/Bidi

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    Vous n’en avez pas moins donné un avis défavorable à son amendement !

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    Je viens de dire que c’est parce qu’il est satisfait.
    Mais nous n’en sommes plus là et M. Delaporte ne me contredira pas. Nous avons décidé de ne pas parler des amendements dont vous ne vouliez pas parler : nous vous plions à votre vote.

    M. René Pilato

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    Encore heureux, c’est la démocratie !

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

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    En outre, je ne vous culpabilise pas madame, j’énonce des réalités. Si vous aviez vu les victimes pendant les auditions, si vous aviez entendu – comme cela m’est arrivé – un homme pleurer un frère qui a abandonné sa chimiothérapie en pensant qu’un jus de citron allait ressouder ses cellules et le guérir (Exclamations sur les bancs LFI-NUPES et LR), vous ne diriez pas que je vous culpabilise mais que je rappelle la réalité.

    (L’amendement no 98 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Mme la secrétaire d’État sollicite une suspension de séance mais, étant donné qu’il est déjà minuit moins dix, je vous propose de renvoyer la suite de la discussion à la prochaine séance.

    2. Ordre du jour de la prochaine séance

    Mme la présidente

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    Prochaine séance, demain, à quatorze heures :
    Questions au gouvernement ;
    Suite de la discussion du projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l’accompagnement des victimes ;
    Discussion de la proposition de loi visant à faciliter la mise à disposition aux régions du réseau routier national non concédé.
    La séance est levée.

    (La séance est levée à vingt-trois heures cinquante.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra