- Texte visé : Projet de loi de finances pour 2025, n° 324
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
- Code concerné : Code rural et de la pêche maritime
La section 2 du chapitre V du titre V du livre II du code rural et de la pêche maritime est complétée par un article L. 255‑13‑1 ainsi rédigé :
« Art. L. 255‑13‑1. – I. – Il est perçu une taxe sur les matières fertilisantes mentionnées au 1° de l’article L. 255‑1 du présent code contenant de l’azote sous forme minérale de synthèse et bénéficiant d’une autorisation de mise sur le marché.
« II. – Cette taxe est due chaque année par le titulaire de l’autorisation valide au 1er janvier de l’année d’imposition.
« III. – Elle est assise, pour chaque matière mentionnée au I, sur le montant total, hors taxe sur la valeur ajoutée, des ventes réalisées au cours de l’année civile précédente, à l’exclusion des ventes des matières qui sont expédiées vers un autre État membre de l’Union européenne ou exportées hors de l’Union européenne.
« IV. – Le taux de la taxe est fixé selon les modalités suivantes :
Année d'imposition | Taux |
2025 | 0,9 |
2026 | 1,5 |
2027 | 2,5 |
A partir de 2028 | 3,5 |
« Le taux est exprimé en pourcentage du chiffre d’affaires mentionné au III.
« Le montant de la taxe est arrondi dans les conditions prévues à l’article 1724 du code général des impôts.
« V. – La taxe est déclarée et liquidée par le redevable aux dates déterminées par arrêté du ministre chargé du budget. La périodicité des déclarations et paiements est au plus mensuelle et au moins annuelle. En cas de cessation d’activité du redevable, le montant dû au titre de l’année de cessation d’activité est établi immédiatement. La taxe est déclarée, acquittée et, le cas échéant, régularisée selon les modalités prévues pour la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable ou, à défaut, dans les soixante jours suivant la cessation d’activité.
« VI. – La taxe est recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que les taxes sur le chiffre d’affaires. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à ces mêmes taxes.
« VII. – Lorsque le redevable n’est pas établi dans l’un des États membres de l’Union européenne ou dans l’un des États mentionnés au 1° du I de l’article 289 A du code général des impôts, il fait accréditer auprès du service des impôts compétent, dans les conditions prévues au IV du même article, un représentant assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée établi en France, qui s’engage, le cas échéant, à remplir les formalités au nom et pour le compte du représenté et à acquitter la taxe à sa place.
« VIII. – Le I de l’article 1647 du code général des impôts n’est pas applicable à la taxe prévue au présent article. »
L’agriculture française conventionnelle est éminemment dépendante de l’importation d’engrais minéraux, notamment azotés. Au total, ce sont près de 9Mt d’engrais minéraux qui sont commercialisées chaque année sur le territoire français. Plus de 66 % de ces engrais sont importés, notamment de Russie.
Non seulement cette dépendance menace notre sécurité alimentaire, mais elle détruit également notre environnement, dont le bon état écologique est une condition sine qua non pour assurer une production agricole sur le long terme. Or, en 2019, la Banque mondiale soulignait que « les retombées de la pollution par l’azote sont considérées comme l’une des plus grandes externalités globales auxquelles le monde est confronté, impactant l’air, l’eau, les sols et la santé humaine ». La consommation d’intrants agricoles est par ailleurs responsable de 80 % des émissions nationales de protoxyde d’azote, un gaz à effet de serre au pouvoir de réchauffement global 100 à 310 fois plus élevé que le CO2, soit environ 40 % des émissions du secteur agricole. A cela doivent s’ajouter les émissions de CO2 liées à leur fabrication à partir du gaz fossile ou du charbon.
La réduction de la dépendance aux énergies fossiles pour la production de nos engrais azotés constitue aussi bien un enjeu de réduction des émissions agricoles que de souveraineté à la fois alimentaire, énergétique et industrielle. Pourtant, la fiscalité sur les engrais azotés de synthèse est quasiment inexistante.
C’est pourquoi cet amendement propose d’harmoniser la fiscalité sur les produits bénéficiant d’une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) en répliquant pour les engrais azotés de synthèse, la taxe qui existe sur le chiffre d’affaire des metteurs sur le marché de produits phytopharmaceutiques (PPP) bénéficiant d’une AMM (article L. 253‑8-2 du code rural et de la pêche maritime).
La taxe ainsi proposée est fixée à 0,9 % du chiffre d’affaires dès 2025, qui est le taux appliqué sur les ventes de PPP. Un tel taux dégagerait des recettes d’environ 1,97 milliards d’euros. Afin que la taxe permette de soutenir la transition du secteur industriel, sa trajectoire doit être progressive et anticipable pour les acteurs de la filière. A terme, il est proposé d’atteindre un niveau de taxe de 3,5 % (plafond de la taxation sur les PPP), qui rapporterait environ 7,66 milliards d’euros.
Le produit de cette taxe permettrait également de soutenir les agriculteurs dans la transition vers des pratiques agricoles plus sobres en intrants de synthèse via le versement des ses recettes aux agences de l’eau, qui mettent par exemple en place des paiements pour services environnementaux.
Cet amendement a été travaillé avec les Amis de la Terre.