- Texte visé : Projet de loi de finances pour 2025, n° 324
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Le I de l’article 1599 ter A du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les apprentis poursuivant un cycle de niveau »Master« , ou dit de niveau »Mastère« , la présente taxe d’apprentissage due par les employeurs est majorée de 100 %. »
Par cet amendement, les députés LFI-NFP proposent de recentrer les aides à l’apprentissage sur les étudiants les moins diplômés afin de mettre fin aux effets d’aubaines dont bénéficient les grandes écoles. Aujourd’hui, la situation des aides publiques à l’apprentissage semble délirante, aussi bien du point de vue des montants impliqués que de son ciblage, qui bénéficie aux établissements privés à but lucratif, délaissant progressivement le public-cible initial : les étudiants les moins diplômés.
Le rapport de la mission d’information sur l’enseignement supérieur privé à but lucratif déposé le 10 avril 2024 par Mmes Béatrice Descamps et Estelle Folest, rapporteures, a souligné l’importance des aides versées au titre de l’apprentissage suite à la loi LCAP de 2018 dans le développement de l’enseignement supérieur privé à but lucratif. Par exemple, une aide unique pour les employeurs a été instaurée, de même que des aides financières exceptionnelles dans le contexte de la crise du covid-19 (par exemple, aide à l’apprentissage en 2022 a représenté 4,4 Mds €). Les rapporteurs soulignent ne pas avoir de données relatives au total des aides publiques versées spécifiquement à ce secteur. Toutefois, nous savons que l’alternance au niveau global a coûté 16,8 Mds € en 2022 selon la Cour des Comptes.
Pourtant ces établissements ont à leur actif de très nombreuses dérives que nous ne cessons de dénoncer, et notamment celle de l’abandon progressif de l’enseignement supérieur public par l’État au profit de l’ESR privé.
Cette situation est d’autant plus ubuesque que nous constatons que la généralisation de l’apprentissage dans l’enseignement supérieur n’a pas eu les effets escomptés : explosion du coût pour l’État (8 Mds € d’après Les Echos, sans distinction entre ce qui profite à l’enseignement supérieur privé à but lucratif et le reste), multiplication des effets d’aubaines en raison d’un ciblage faible (selon l’OFCE, sur le million d’emplois d’apprentis en 2023, 458 000 d’entre eux (45 %) sont liés à ces nouveaux paramètres de la prime dont 206 000, soit 44 %, l’auraient été même sans aide, sous une autre forme de contrat), insertion professionnelle limitée (seuls 1/3 des alternances débouchent sur un recrutement en CDI) ou encore intérêt pour les étudiants du supérieur de l’alternance (les étudiants dans le supérieur auraient de toute façon trouvé un emploi même sans alternance).
Dans ce contexte, notre proposition de cibler davantage les aides vers les publics les plus dans le besoin relève du bon sens. Nous ne sommes pas seuls à faire ce constat. L’Igas et l’IGF (revue des dépenses publiques d’apprentissage et de formation professionnelle, mars 2024) proposent de supprimer les primes aux employeurs d’apprentis en licence ou master. L’économiste Bruno Coquet recommande un retour à la case départ et va jusqu’à exclure les diplômes de niveau 5 (BTS, DUT…) par un ciblage des aides sur les diplômes de niveau inférieur ou égal au baccalauréat et sur les entreprises de moins de 250 salariés. Cela permettrait ainsi notamment de limiter les effets d’aubaines pour les établissements d’enseignement supérieur privé qui peuvent proposer des frais de scolarité exorbitant car ils seraient de toute façon pris en charge par le dispositif d’apprentissage.