Fabrication de la liasse

Amendement n°I-CF1260

Déposé le dimanche 13 octobre 2024
Discuté
Rejeté
(vendredi 18 octobre 2024)
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Photo de madame la députée Dominique Voynet

Le code général des impôts est ainsi modifié :

I. – Le deuxième alinéa du I de l’article 216 est ainsi modifié :

1° À la première phrase, le taux : « 5 % » est remplacé par le taux : « 30 % » ; 

2° À la seconde phrase, le taux : « 1 % » est remplacé par le taux : « 60 % » ; 

II. – Au deuxième alinéa du a quinquies du I de l’article 219, le taux : « 12 % » est remplacé par le taux « 100 % ».

Exposé sommaire

Le gouvernement annonce un « effort budgétaire » de dizaines de milliards d’euros, qui va fortement impacter la vie et le portefeuille des Français, en particulier des ménages pauvres et modestes : décalage de la revalorisation des pensions de retraite, fin du bouclier tarifaire sur l’électricité, baisse de l'indemnisation des arrêts de travail, baisse du remboursement des consultations médicales, coupe dans le budget destiné à la rénovation thermique des bâtiments, etc.

Alors que, dans le même temps, les chercheurs de l’Institut des Politiques Publiques nous expliquent, dans une note publiée en juin 2023, que les milliardaires du pays échappent à l’impôt en organisant légalement leurs fortunes en dehors de l’assiette de l’impôt sur le revenu et de ce qui reste de l’impôt sur la fortune. En effet, l’ensemble des impôts personnels reste en partie progressif jusqu’à un niveau élevé de revenu (600 000 euros de revenu économique annuel, soit le top 0,1% des Français les plus riches), mais une fois cette barrière dépassée, l’impôt devient régressif. Ainsi, les 378 ménages les plus aisés ne paient que 2% d’impôts sur leur revenu économique…

Mais comment s’explique ce phénomène ? Toujours selon cet Institut, « au fur et à mesure que l’on s’élève dans la distribution des revenus, les foyers fiscaux reçoivent de plus en plus de revenus par le biais des bénéfices des sociétés qu’ils détiennent ». Ainsi, pour les 0,01% des foyers les plus riches, l’impôt sur les sociétés devient prépondérant, contrairement à l’impôt sur le revenu. Le problème c’est que le taux d’imposition sur le revenu et le patrimoine personnels se situe au plus haut autour de 59%, alors que celui de l’impôt sur les sociétés s’élève à 25%.

Autre petit problème : parmi ces sociétés d’où proviennent leurs bénéfices, il y a notamment les fameuses holdings financières. En effet, depuis 1985, le taux théorique d’impôt sur les sociétés a été divisé par deux en France, passant de 50 % à 25 %. Cette baisse a encouragé les hauts patrimoines à détenir leurs actifs via des sociétés holdings, leur permettant, entre autres, d’échapper à l’impôt sur le revenu en transférant leurs dividendes à des holdings. Par ailleurs, grâce à ce système financier, ils peuvent vivre sur la holding pour leurs dépenses personnelles (via des « faux frais ») ou acheter des biens immobiliers par son intermédiaire (comme des résidences secondaires). C’est là que réside en grande partie la source de l’inégalité fiscale !

Selon l’Observatoire de la Justice fiscale, il existe donc des niches fiscales, qui profitent presque uniquement aux très riches et qui sont à la source de ce phénomène d’optimisation fiscale via des holdings financières. La « niche Copé », par exemple, prévoit l’exonération des plus-values sur les cessions de titres de participation détenus depuis plus de 2 ans par des sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés. Cette niche aurait coûté 7 milliards d’euros en 2018. Par ailleurs, une autre niche existe, celle du régime mère-fille, utilisée par des groupes de sociétés pour transférer leurs dividendes des filiales vers les sociétés mères. Ce régime permet une exonération totale d’imposition des dividendes versées à la holding, sous réserve d’une réintégration d’une seule quote-part pour frais et charges de 5% taxée au taux normal de l’impôt sur les sociétés de 25%. En 2018, 46500 entreprises bénéficiaient de ce régime pour un manque à gagner de 17,6 milliards d’euros et ce sont, dans les annexes et données du PLF2025, 32 milliards d'euros qui sont annoncés en prévisionnel sur ce dispositif (mesure dite de « modalité de calcul de l’impôt » n° 330101).

Ainsi, plusieurs pays ont instauré des dispositifs fiscaux visant à décourager le recours abusif aux holdings. Le Luxembourg prélève un impôt sur la fortune assis sur la valeur des actifs des holdings (hors participations économiques), tandis que les Etats-Unis appliquent une surtaxe d’IS de 20 % dès lors que la société tire majoritairement ses revenus de placements non économiques.

D’où cette question qui apparaît urgente aujourd’hui : à quand une véritable taxation des holdings financières en France ?

Cet amendement vise donc à interpeller le gouvernement sur le problème des holdings financières en proposant de mettre en place une véritable taxation de ces holdings pour assurer la contribution des citoyens les plus riches à l’effort budgétaire de la Nation. Cet amendement propose de mettre fin aux deux niches fiscales mentionnées ci-dessus, en relevant la quote-part pour frais et charges (QPFC) applicable aux dividendes intragroupes à 60%, celle applicable aux dividendes hors groupe à 30% et celle applicable aux plus-values (« niche Copé ») à 100%. La QPFC sur les plus-values s'élève à 100% car la cession de titres n’est jamais imposée (ni dans la filiale, ni dans la holding), or l’impôt sur les sociétés devrait s’appliquer entièrement sur ces plus-values, comme cela était le cas jusqu'en 2004. 

Cet amendement permettra de lutter contre le caractère dégressif de l’impôt et contribuera à faire respecter le principe de la progressivité de l’impôt, fondamental dans notre système fiscal. En effet, comme le rappelle la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui a toujours valeur constitutionnelle, la charge fiscale doit être « également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ».