- Texte visé : Projet de loi de finances pour 2025, n° 324
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
I. – Le chapitre III du titre V du livre IV du code des impositions sur les biens et services est complété par une section 5 ainsi rédigée :
« Section 6
« Taxe sur les livraisons de biens opérées par certaines plateformes numériques de vente en ligne
« Sous-section 1
« Éléments taxables et territoire de taxation
« Paragraphe 1
« Principes
« Art. L. 453‑84. – Les règles relatives aux éléments taxables et au territoire de taxation pour la taxe sur les livraisons de biens opérées par certaines plateformes numériques de vente en ligne sont déterminées par les dispositions du titre Ier du livre Ier, par celles du chapitre unique du titre Ier du présent livre, par celles de la section unique du chapitre Ier du présent titre et par celles de la présente sous-section.
« Art. L. 453‑85. – Sont soumises à la présente taxe les livraisons de biens opérées par certaines plateformes numériques de vente en ligne au sens des dispositions des articles L. 453‑86 et L. 453‑87 lorsque sont dépassés les seuils de taxation au niveau mondial et national définis aux articles L. 453‑89 et L. 453‑90.
« Paragraphe 2
« Plateformes numériques de vente en ligne et livraisons de bien
« Art. L. 453‑86. – Les plateformes numériques de vente en ligne s’entendent des opérateurs de plateforme en ligne au sens de l’article L. 111‑7 du code de la consommation et de tout opérateur exploitant, pour son compte ou pour le compte d’un tiers, un système organisé de vente caractérisé par l’absence physique simultanée du professionnel et du consommateur et par le recours exclusif à une ou plusieurs techniques de communication à distance.
« Art. L. 453‑87.- Les livraisons de biens au sens de la présente section s’entendent du transfert de la possession physique ou du contrôle des biens meubles corporels au bénéfice du client final, personne physique ou morale, ayant renseigné une adresse de livraison située sur le territoire de taxation déterminée à l’article L. 453‑91.
« Paragraphe 3
« Seuils de taxation
« Art. L. 453‑88. – Les seuils de taxation prévus au présent paragraphe sont appréciés au regard du chiffre d’affaires réalisé au titre des ventes effectuées par les entreprises visées à l’article L. 453‑86, quelle que soit leur forme et quel que soit leur lieu d’établissement, au cours de l’année civile précédant l’année du fait générateur.
« Pour les entreprises liées entre elles directement ou indirectement par une relation de contrôle au sens du II de l’article L. 233‑16 du code de commerce, les seuils de taxation s’apprécient au niveau du groupe qu’elles constituent.
« Art. L. 453‑89. – Le seuil de taxation au niveau mondial est dépassé lorsque le chiffre d’affaires réalisé au titre des ventes à distance excède 750 millions d’euros.
« Art. L. 453‑90. – Le seuil de taxation au niveau national est dépassé lorsque le chiffre d’affaires réalisé au titre des ventes à distance excède 25 millions d’euros.
« Paragraphe 4
« Territoire de taxation
« Art. L. 453‑91. – Le territoire de taxation s’entend exclusivement du 1° de l’article L. 112‑4.
« Paragraphe 5
« Exonérations
« Art. L. 453‑92. – Par dérogation aux dispositions de la présente sous-section, sont exonérées de la taxe sur les livraisons de biens opérées par certaines plateformes numériques de ventes en ligne :
« 1° Les livraisons effectuées dans un lieu différent de l’adresse renseignée par le client final, tels que commerces physiques de vente au détail, points-relais ou points de livraison en libre-service ;
« 2° Les livraisons opérées par le prestataire visé à l’article L. 2 du code des postes et des communications électroniques dans le cadre du service prévu au cinquième alinéa de l’article L. 1 du même code ;
« 3° Les livraisons effectuées à une adresse située en zone France ruralités revitalisation visée au II de l’article 44 quindecies A du code général des impôts ou en zone France ruralités revitalisation »plus« visée au III du même article.
« Sous-section 2
« Fait générateur
« Art. L. 453‑93. – Les règles relatives au fait générateur et à l’exigibilité de la taxe sur les livraisons de biens opérées par certaines plateformes numériques de vente en ligne sont déterminées par les dispositions du titre Ier du livre Ier et par celles de la présente sous-section.
« Art. L. 453‑94. – Le fait générateur de la taxe est constitué au moment où la vente à distance donnant lieu à la livraison visée à l’article L. 453‑87 est effectuée.
« Sous-section 3
« Montant de la taxe
« Art. L. 453‑95.- I.- Le montant de la taxe est égal à un montant forfaitaire de 0,25 euro par livraison taxable.
« II.- Le montant forfaitaire s’applique à chaque livraison taxable, quel que soit le nombre de biens livrés.
« Sous-section 4
« Exigibilité
« Art. L. 453‑96.- Les règles relatives à l’exigibilité de la taxe sur les livraisons de biens opérées par certaines plateformes numériques de vente en ligne sont déterminées par les dispositions du titre IV du livre Ier.
« Sous-section 5
« Personnes soumises à obligation fiscale
« Art. L. 453‑97.- Les règles relatives aux personnes soumises à obligation fiscale pour la taxe sur les livraisons de biens opérées par certaines plateformes numériques de vente en ligne sont déterminées par les dispositions du titre V du livre Ier et par celles de la présente sous-section.
« Art. L. 453‑98.- Est redevable de la taxe l’entreprise mentionnée à l’article L. 453‑86 lorsque sont dépassés, au cours de l’année civile précédent l’année du fait générateur, les seuils de taxation au niveau mondial et national prévus aux articles L. 453‑89 et L. 453‑90.
« Art. L. 453‑99.- Le redevable est soumis à une obligation de représentation fiscale dans les conditions prévues par le chapitre II du titre V du livre Ier.
« Sous-section 6
« Constatation de la taxe
« Art. L. 453‑100.- Les règles relatives à la constatation de la taxe sur les livraisons de biens opérées par certaines plateformes numériques de vente en ligne sont déterminées par les dispositions du titre VI du livre Ier et par celles de la présente sous-section.
« Art. L. 453‑101.- Tant que le droit de reprise de l’administration est susceptible de s’exercer, en application de l’article L. 177 A du livre des procédures fiscales, les redevables conservent, à l’appui de leur comptabilité les informations relatives aux montants encaissés mensuellement au titre des ventes en distinguant, le cas échéant, les ventes se rapportant aux livraisons qui ne sont pas prises en compte en application des dispositions de l’article L. 453‑92.
« Ces informations sont tenues à la disposition de l’administration et lui sont communiquées à première demande ».
« Sous-section 7
« Paiement de la taxe
« Art. L. 453‑102.- Les règles relatives au paiement de la taxe sur les livraisons de biens opérées par certaines plateformes numériques de vente en ligne sont déterminées par les dispositions du titre VII du livre Ier et par celles de la présente sous-section.
« Art. L. 453‑103.- La taxe fait l’objet d’acomptes.
« Sous-section 8
« Contrôle, recouvrement et contentieux
« Art. L. 453‑104.- Les règles relatives au contrôle, au recouvrement et au contentieux de la taxe sur les livraisons de biens opérées par certaines plateformes numériques de vente en ligne sont déterminées par les dispositions du titre VIII du livre Ier.
II. – Le chapitre III du titre III du livre III de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales est complété par une section 16 ainsi rédigée :
« Section 16
« Taxe sur les livraisons de biens opérées par certaines plateformes numériques de vente en ligne
« Art. L. 2333‑98. Les collectivités et leurs groupements mentionnés au I de l’article L. 1231‑1 du code des transports ou, par substitution, la collectivité mentionnée au II du même article, exerçant l’une des compétences mentionnées à l’article L. 1231‑1‑1 du même code, perçoivent le produit de la taxe sur les livraisons de biens opérées par certaines plateformes numériques de vente en ligne mentionnée à l’article L. 453‑84 du code des impositions sur les biens et services.
« III. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités de mise en œuvre de la présente section. ».
III. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
Cet amendement vise à créer une taxe sur les livraisons à domicile de biens opérées par les grandes plateformes numériques de vente en ligne, en exemptant les territoires ruraux et les livraisons en point relais.
Plus précisément, cette taxe vise à cibler exclusivement les plateformes réalisant les volumes de livraisons les plus importants. Elle s’appuie de ce fait sur un critère de chiffre d’affaires : à l’échelle mondiale, la taxe s’applique dès lors que le chiffre d’affaires dépasse 750 millions d’euros, et à l’échelle nationale lorsque ce seuil excède 25 millions d’euros. Ces seuils ont pour objectif de protéger les petits commerçants en rétablissant une concurrence plus équitable face aux géants du e-commerce. En effet, bien que l’e-commerce puisse représenter une opportunité pour des petits commerçants et créateurs de toucher de nouveaux clients, ils ne sont pas égaux face aux plateformes et ne bénéficient pas des mêmes moyens.
Ainsi, en exemptant les petits commerçants de cette contribution via un seuil minimum de chiffre d'affaires et en excluant les livraisons en magasin physique, cet amendement favorise un meilleur équilibre entre les plateformes d’e-commerce et les vendeurs indépendants.
De plus, cette taxe prévoit une exonération pour les livraisons de biens à destination des territoires ruraux, en tenant compte du fait que les habitants de ces territoires peuvent être davantage dépendants de ces services. Une exemption est également prévue pour les services de livraison en point-relais ce qui permet à la fois de soutenir l’activité et le dynamisme des commerces de proximité, tout en réduisant les déplacements inutiles liés aux livraisons à domicile, notamment en cas d’absence du destinataire.
En résumé, les modalités d’application de cette taxe la rendent plus juste pour l’ensemble des acteurs concernés ainsi que pour les bénéficiaires des livraisons.
Enfin, en imposant à la plateforme un montant forfaitaire au moment de la validation du panier pour l'envoi du colis, peu importe le nombre de colis, cet amendement encourage le regroupement des envois, évitant la multiplication des envois à l’unité, ce qui aide également les entreprises de logistique à consolider leurs envois pour une meilleure efficacité.
Cette taxe répond directement aux conséquences de la forte augmentation du nombre de livraisons de biens par les plateformes numériques de vente en ligne, qui atteignent aujourd’hui 1,5 milliard par an. Ce flux massif de marchandises, par le transport qu’il engendre, représente 20 % du trafic et 20 % des émissions de gaz à effet de serre, contribuant ainsi fortement à la congestion urbaine et à l’usure des infrastructures routières.
L’impact négatif en matière de santé publique et environnementale mais aussi les coûts engendrés pour les collectivités territoriales, dont les infrastructures profitent aux plateformes, est considérable.
Cette forme de taxation a déjà été adoptée dans plusieurs villes et Etats étrangers, tels que Barcelone, le Colorado, où elle a permis de générer 68,48 millions d’euros. De même, dans le Minnesota, la recette de cette taxe est estimée à 53 millions d’euros par an. Dans ces deux Etats, la taxe a pour objectif de financer l’entretien et l’investissement dans les infrastructures de transport. Sur ce même modèle, nous préconisons que le produit de cette taxe soit affecté aux autorités organisatrices de mobilité locale (AOML) et aux autorités organisatrices de mobilité régionale (AOMR).
Par ailleurs, ce type de taxe a également fait l’objet de plusieurs propositions : en 2018, une taxe sur les livraisons liées au commerce électronique avait été envisagée dans le cadre de la proposition de loi relative au pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs. Elle a été également suggérée dans le rapport Duron de 2021, commandé par le ministère des transports, ainsi que dans le rapport du Sénat de juillet 2023 relatif aux modes de financement des autorités organisatrices de la mobilité.
Cet amendement est issu d’un travail collaboratif avec l'association Respire et Clean Cities Campaign.