- Texte visé : Projet de loi de finances pour 2025, n° 324
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
- Mission visée : Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales
Sous réserve de son traitement par les services de l'Assemblée nationale et de sa recevabilité
Modifier ainsi les autorisations d'engagement et les crédits de paiement :
(en euros) | ||
Programmes | + | - |
Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt | 21 000 000 | 0 |
Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation | 0 | 0 |
Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture | 0 | 0 |
Allègements du coût du travail en agriculture (TODE-AG) | 0 | 21 000 000 |
TOTAUX | 21 000 000 | 21 000 000 |
SOLDE | 0 |
Cet amendement des députés socialistes et apparentés vise à allouer 21 millions d'euros supplémentaires à l'action 21 « Adaptation des filières à l’évolution des marchés » du programme 149 « Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt ».
Ce montant correspond au montant alloué au PLF 2025 à l’intervention de FranceAgriMer pour la mise en oeuvre du programme en matière d’adaptation des filières, de valorisation des produits et de régulation des marchés. Il est en ce sens nécessaire de le doubler, à minima, pour déployer une approche prophylactique, pour nos filières agricoles.
En effet, les missions attribuées au développement agricole - en y ajoutant un effort de transdisciplinarité - doivent être renforcées en intégrant une approche en sciences humaines et sociales dans ses travaux. Il nous faut mieux comprendre les raisons qui poussent les agriculteurs à changer de pratiques ou, au contraire, à refuser le changement. Il existe des critères objectifs qui expliquent l’échec du transfert des innovations – le coût, la complexité des techniques à mettre en œuvre, le risque économique – mais ces critères n’expliquent pas tout. Les sciences sociales peuvent nous aider à mieux comprendre les incitations au changement des agriculteurs et à identifier le rôle des organisations collectives. Elles peuvent aussi nous apporter des éléments de compréhension sur les intérêts d’autres acteurs, à l’image des entreprises de la phytopharmacie.
La deuxième modification implique le déploiement d’une approche prophylactique. La prophylaxie est au cœur de la protection intégrée, et pourtant elle est trop peu mobilisée dans le champ de la santé et de la protection des cultures, à la différence du champ de la santé animale. La prophylaxie consiste à mettre en œuvre des pratiques permettant de réduire la pression des bioagresseurs et éviter les développements épidémiques. Si la pression de bioagresseurs est maintenue sous le seuil de nuisibilité, alors il n’est pas nécessaire d’intervenir à l’aide de produits phytopharmaceutiques.
Les pratiques prophylactiques reposent largement sur les principes de l’agroécologie et vont inclure des mesures mises en œuvre soit au moment de la culture, soit en amont. Au moment de la culture, elles comprennent le choix de variétés résistantes aux bioagresseurs, les cultures intégrant des mélanges de variétés ayant différentes résistances ou des mélanges d’espèces. Encore plus en amont, elles intègrent l’allongement des rotations ou encore la gestion des paysages pour réduire les tailles des îlots cultivés ou augmenter la présence d’éléments fixes du paysage.
Ainsi, certaines pratiques prophylactiques relèvent de choix individuels de l’agriculteur, alors que d’autres sont efficaces dans le cadre d’une mise en œuvre collective. Pour faciliter l’adoption de la prophylaxie, il faut pouvoir disposer d’indicateurs précis du niveau de pression de bioagresseurs et du risque agronomique et économique encouru. C’est sans doute ce point qui est le maillon faible de la chaîne aujourd’hui. Il faut donc veiller au développement d’outils d’épidémiosurveillance adaptés et à la formation et l’accompagnement des agriculteurs pour une mise en œuvre large de ce principe, certes ancien, mais d’une brulante actualité.
Les objectifs de diminution de 50 % de pesticide sont conciliables avec les autres attendus – sécurité alimentaire et climatique – mais à la condition sine qua non d’une reconception profonde des systèmes agricoles. Cette vision prophylactique de la santé du végétal doit rompre avec l’illusion techno-solutionniste. Le mot clé de cette reconception est diversité : diversité dans le temps par l’allongement des rotations, diversité au sein de la parcelle, diversité de la mosaïque paysagère.
Jean Boiffin, agronome, l’indique justement dans son ouvrage « La fabrique de l’agronomie, de 1945 à nos jours » (2023) : « l’avènement d’une agronomie « du paysage », capable d’apporter une contribution reconnue et sollicitée au développement territorial, nous semble impliquer un investissement cognitif et technologique inédit, sur toutes les interactions spatiales que met en jeu le fonctionnement des agroécosystèmes, sur les méthodes qui permettent de les appréhender, sur les modèles à utiliser pour les comprendre et les prévoir, sur les systèmes collectifs qui en assurent la plus ou moins bonne gestion sociale et politique (...), enfin sur les démarches d’accompagnement appropriées. »
Pour être recevable, cet amendement modifie les crédits (en AE et CP) de la manière qui suit :
- Il abonde de 21 millions l’action 21 « Adaptation des filières à l’évolution des marchés » du programme 149 « Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt ».
- Il minore de 21 millions d’euros l’action 01 « Allègements de cotisations et contributions sociales » du programme 381 « Allègements du coût du travail en agriculture TODE-AG ».
Nous proposons ce transfert de crédit pour respecter les règles imposées par l’article 40 mais nous ne souhaitons pas réduire les crédits du programme 381, et proposons que le Gouvernement lève le gage.