- Texte visé : Projet de loi de finances pour 2025, n° 324
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
- Mission visée : Administration générale et territoriale de l'État
Sous réserve de son traitement par les services de l'Assemblée nationale et de sa recevabilité
Modifier ainsi les autorisations d'engagement et les crédits de paiement :
(en euros) | ||
Programmes | + | - |
Administration territoriale de l'État | 8 000 000 | 0 |
Vie politique | 0 | 0 |
Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur | 0 | 8 000 000 |
TOTAUX | 8 000 000 | 8 000 000 |
SOLDE | 0 |
Par cet amendement, le groupe LFI-NFP propose de mettre un coup d'arrêt au déploiement de la vidéosurveillance algorithmique (VSA), technologie de surveillance de masse particulièrement liberticide que nous combattons.
La VSA consiste en l'ajout d'algorithmes aux caméras dans le but de détecter des personnes et comportements dans l'espace public afin de catégoriser des "mouvements suspects". Elle a été légalisée, prétendument à titre expérimental, par la loi du 19 mai 2023 relative aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions. Comme nous le soupçonnions, ce texte n'était que l'occasion de déployer une nouvelle technologie de contrôle social, sous couvert de gestion d'un évènement de grande ampleur, pour mieux la pérenniser par la suite. Il semblerait que le gouvernement n'attende même pas les conclusions de la commission d'évaluation, prévues pour la fin d'année.
Cette nouvelle surenchère sécuritaire se fait une nouvelle fois au prix des libertés publiques et individuelles. La VSA est profondément intrusive et liberticide par la catégorisation des comportements qu'elle effectue, et ce d'autant plus que la notion de "comportement suspect" est en réalité non définie. Ainsi, des comportements aussi anodins que le fait de se tenir statique dans l'espace public ou sur un temps prolongé pourrait faire l'objet de la plus grande attention de la part de cette technologie. En outre, ce système est fondé sur de nombreux biais, inhérents aux données d'apprentissage, qui perpétuent les discriminations et le contrôle des corps principalement subis par celles et ceux qui passent le plus de temps dans la rue. Cette technologie de surveillance généralisée est donc aussi un outil de surveillance ciblé, envers des populations déjà victimes de discriminations et violences structurelles.
La généralisation de cette technologie dans l'espace public, qui est rappelons-le indépendante de toute commission d'infraction, ne peut qu'avoir un effet dissuasif sur chacun et chacune d'entre nous. C'est le bon exercice des libertés d'expression, de réunion pacifique dont découlent la liberté de manifestation et la liberté de circulation qui en pâtira. Le respect du droit au respect de la vie privée (article 8.1 de la CEDH), qui doit aussi être garanti dans l’espace public selon le Conseil constitutionnel, et dont découle le droit à la protection des données personnelles, est aussi en danger.
Cette conversion à la VSA intervient alors même qu'aucune évaluation publique de la vidéosurveillance "traditionnelle" n'existe. Le rapport de la Cour des comptes de 2020 est même très clair : « aucune corrélation globale n’a été relevée entre l’existence de dispositifs de vidéoprotection et le niveau de la délinquance commise sur la voie publique, ou encore les taux d’élucidation ». Elle pourrait d'ailleurs aller plus loin encore. Les associations de défense des droits humains, dont Amnesty international, le martèlent : la VSA est un cheval de troie sécuritaire, qui ouvre la porte à l'usage de nouvelles techniques biométriques, dont la reconnaissance faciale. Il ne s'agirait que d'une fonctionnalité à activer sur des logiciels de VSA déjà existants.
Dans cette course à l'austérité sans fin, il est incompréhensible que le gouvernement continue de conclure de tels contrats sous couvert de lutte contre la délinquance, pour des montants faramineux avoisinant 2 millions d'euros par lot. Le coût total des marchés publics conclus par le ministère de l’Intérieur s’élèverait à 8 millions d’euros pour chacun des quatre lots conclus à ce jour. Cette obsession pour la technopolice a d'autant moins de sens que dans le même temps nous assistons à un véritable sacrifice de la police judiciaire, qui se voit, entre autres, amputer de plus de 5000 ETPT dans ce budget. Il s'agit bien d'une nouvelle forme de privatisation et de marchandisation de la sécurité publique, et de casse de nos services publics.
Par cet amendement, nous proposons de procéder à une baisse de 8 millions d'euros en AE et CP sur l'action 11 - Equipements de vidéo-protection et de surveillance électronique du ministère de l'intérieur, crédits alloués au déploiement de la vidéosurveillance algorithmique (VSA), du Programme 216 - Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur, vers les services de préfecture rattachés à l'action 02 "Réglementation générale, garantie de l'identité et de la nationalité et délivrance des titres" du programme 354 "Administration territoriale de l'Etat". Ces crédits seront bien mieux employés pour financer le bon fonctionnement de ces services délaissés par l'Etat et les recrutements dont ils ont besoin plutôt que pour poursuivre le développement d'une technologie liberticide et inefficace.