- Texte visé : Projet de loi de finances pour 2025, n° 324
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
- Mission visée : Médias, livre et industries culturelles
Sous réserve de son traitement par les services de l'Assemblée nationale et de sa recevabilité
I. – Après l’article 2 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, il est inséré un article 2 ter ainsi rédigé :
« Art. 2 ter. – Le bénéfice des aides, directes et indirectes dont bénéficie une entreprise éditrice, au sens de l’article 2 de la loi n° 86‑897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse, présentant un caractère d’information politique et générale est subordonné à la mise en place d’une procédure d’agrément de la nomination du responsable de la rédaction mentionné au 3° de l’article 5 de la loi n° 86‑897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse. L’agrément est obtenu par un vote des journalistes professionnels au sens de l’article L. 7111‑3 du code du travail que l’entreprise emploie.
« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent article, notamment :
« 1° Le seuil d’effectifs de journalistes professionnels au-delà duquel l’entreprise éditrice met en place la procédure d’agrément mentionnée au premier alinéa du présent article ;
« 2° La composition du corps électoral de journalistes professionnels admis à participer à la procédure d’agrément au sein de l’entreprise éditrice, qui ne peut comprendre que ceux qui ont pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de leur profession dans ladite entreprise depuis au moins un an. »
II. – Le présent article entre en vigueur le 1er septembre 2025.
Cet amendement inspiré des travaux de l’économiste des médias Julia Cagé et de l’association Un Bout des Médias vise à conditionner les aides à la presse des entreprises presse papier et numérique à la mise en place d’un droit d’agrément des journalistes sur la nomination de tout responsable de la rédaction. Il est issu de la proposition de loi transpartisane visant à protéger la liberté éditoriale des médias sollicitant des aides de l’État.
Un média n’est pas une entreprise comme une autre ; c’est une entreprise qui produit un bien public, l’information. À ce titre, la liberté de la presse est un élément fondamental de la démocratie, protégé par notre Constitution.
Pourtant, un actionnaire peut imposer un directeur de rédaction à la tête d’un journal contre l’avis de 99 % des journalistes qu’il emploie, comme l’atteste la situation récente du Journal du Dimanche. Le constat est amer, l’ensemble de la rédaction assiste impuissante à un changement soudain de la ligne éditoriale qu’ils avaient choisi en intégrant le journal. La situation du JDD n’est pas isolée, les atteintes à l’indépendance des médias se multiplient. Elles sont le fait d’actionnaires qui refusent de se cantonner à jouer un rôle économique dans les médias qu’ils achètent, mais souhaitent y jouer un rôle de plus en plus politique ou commercial, quitte à exercer des pressions contre l’indépendance éditoriale des rédactions et la liberté de conscience des journalistes.
La nomination à la tête du Journal Du Dimanche d’un nouveau directeur contre l’avis de l’ensemble de la rédaction comme le parachutage de l’ancien à Paris Match, illustrent les enjeux que revêt ce poste dans la préservation de l’honnêteté de l’information et des programmes et de la déontologie du journalisme. Dans ce difficile arbitrage entre liberté d’entreprendre et liberté de la presse, le régulateur doit jouer un rôle et prévenir les situations où la première prend le pas sur la seconde. Visiblement impuissante à empêcher la Constitution de monopoles médiatiques et à préserver l’indépendance des rédactions, la législation doit évoluer en faveur d’un renforcement des droits des journalistes, en particulier celles et ceux qui exercent dans les titres qui traitent d’information politique et générale.
Cette proposition est une mesure d’urgence, non exhaustive, qui en appelle d’autres pour répondre aux enjeux auxquels sont confrontés aujourd’hui nos médias : concentration, transparence, pluralisme, avenir de l’audiovisuel public, lutte contre la désinformation, conditions d’exercice du métier de journaliste, etc.