- Texte visé : Projet de loi de finances pour 2025, n° 324
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Commission des affaires sociales
- Mission visée : Travail, emploi et administration des ministères sociaux
I. Modifier ainsi les autorisations d'engagement :
(en euros) | ||
Programmes | + | - |
Accès et retour à l'emploi | 0 | 0 |
Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi | 0 | 3 243 144 900 |
Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail | 0 | 0 |
Soutien des ministères sociaux | 0 | 0 |
TOTAUX | 0 | 3 243 144 900 |
SOLDE | -3 243 144 900 |
II. Modifier ainsi les crédits de paiement :
(en euros) | ||
Programmes | + | - |
Accès et retour à l'emploi | 0 | 0 |
Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi | 0 | 3 464 537 421 |
Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail | 0 | 0 |
Soutien des ministères sociaux | 0 | 0 |
TOTAUX | 0 | 3 464 537 421 |
SOLDE | -3 464 537 421 |
Par cet amendement, le groupe LFI-NFP propose de mettre fin au subventionnement massif et au soutien aveugle et inefficace aux entreprises recrutant des apprentis.
Emmanuel Macron a répété à l'envie son souhait d'atteindre un million d'apprentis. C'est chose faite et c'est un échec du point de vue de l'insertion dans l'emploi des jeunes autant qu'une catastrophe pour les finances publiques. C'est une réussite pour le patronat, qui dispose d'une main d’œuvre quasi-gratuite pendant une année.
Le cadeau au patronat qu'est l'aide aux employeurs d'apprentis est d'abord un gigantesque gâchis d'argent public. Le caractère déraisonnable du montant de ces aides fait consensus. Pour l'économiste Bruno Coquet, qui rappelle que l'apprentissage représente un coût de 24,9 milliards d'euros par an pour les finances publiques (OFCE, 2023), "cette politique est excessivement coûteuse compte tenu de son efficience très faible du point de vue de l’insertion en emploi". L'IGF-IGAS abonde : "le soutien public à l’apprentissage dans l’enseignement supérieur apparaît disproportionné au regard de ses effets sur l’insertion dans l’emploi".
Le versement d'une aide unique d'un montant de 6000 euros pour l'embauche d'un apprenti fait que le reste à charge pour l'employeur est presque nul la première année, de 350 euros à 733 euros par mois selon le niveau de qualification (IGF-IGAS, 2024). Le gouvernement envisage de réduire son montant de 6000 euros à 4500 euros, ce qui est largement insuffisant et ne règle aucun problème. Il en coûtera toujours près de 3,5 milliards d'euros à l’État.
Cette politique publique ne profite pas aux jeunes les plus éloignés de l'emploi. Les jeunes dits "NEET" (ni en emploi ni en études) sont aujourd'hui plus nombreux qu'en 2019. Dans le même temps, le gouvernement multiplie les coupes dans les dispositifs qui les concernent en priorité, tels les PEC ou les CEJ. Le nombre de jeunes dans le halo du chômage a fortement progressé sur la période 2017-2023 (+ 152 000).
Si le taux d'activité des jeunes a légèrement augmenté, leur taux de chômage n'a pas baissé de manière significative. C'est-à-dire que la bascule s'est faite du statut d'étudiant à celui de salarié en contrat d'apprentissage. Nous comprenons ici la cohérence de cette politique, qui vise à mettre les jeunes au travail en même temps qu'il est imposé une cure d'austérité à l'Université. La charge pour les finances publiques associée à un contrat d'apprentissage est de 26 000 euros par an, tandis que ce sont seulement 13 000 euros qui sont investis pour un étudiant.
L'apprentissage est donc devenu une affaire d'étudiants du supérieur (61,6% des entrées en contrat d'apprentissage). Plus précisément, l'apprenti type est désormais un étudiant en Master embauché sous un statut d'apprenti dans une grande entreprise des services. Les entreprises de plus de 250 salariés ont porté un quart de la hausse du nombre de contrats ces dernières années. La proportion des contrats progressent dans le tertiaire tandis qu'elle diminue dans l'industrie.
C'est donc aussi une manière pour le gouvernement de maquiller les chiffres du chômage. Sur la période 2018-2023, 38% des créations d'emplois salariés marchands l'ont été sous ce statut de l'apprentissage. Pour partie, ces contrats d'apprentissage se sont substitués à des créations d'emplois sous d'autres statuts. L'économiste Bruno Coquet estime cette proportion à 206 000 contrats. C'est un gigantesque effet d'aubaine.
L'aide aux employeurs pour l'embauche en contrat d'apprentissage est l'illustration parfaite d'une dépense publique démesurée et mal ciblée. Il s'agit d'un transfert d'argent public au patronat.
Pour toutes ces raisons, le groupe LFI-NFP appelle à son extinction. Nous proposons d'en réorienter une partie (de l'ordre de 300 millions d'euros) pour rétablir l'exonération de cotisations salariales (CSG et CRDS) applicable aux apprentis, dont nous défendons la suppression dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025. Il s'agit en effet d'une mesure injuste qui revient à faire contribuer des travailleurs dont les revenus sont, pour 75% d'entre eux, inférieurs à 1042 euros net. C’est une nouvelle illustration de la politique de classe menée par la droite : on ne touche pas aux subventions aux employeurs, mais on demande aux travailleurs pauvres de contribuer davantage.
Cet amendement diminue de 3 243 144 900 euros les autorisations d’engagement et de 3 464 537 421 les crédits de paiement de l’action 01 « Développement des compétences par l'alternance » du programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi ».