- Texte visé : Projet de loi de finances pour 2025, n° 324
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République
- Mission visée : Justice
Modifier ainsi les autorisations d'engagement et les crédits de paiement :
(en euros) | ||
Programmes | + | - |
Justice judiciaire | 150 000 000 | 0 |
Administration pénitentiaire | 0 | 0 |
Protection judiciaire de la jeunesse | 0 | 0 |
Accès au droit et à la justice | 0 | 0 |
Conduite et pilotage de la politique de la justice | 0 | 150 000 000 |
Conseil supérieur de la magistrature | 0 | 0 |
TOTAUX | 150 000 000 | 150 000 000 |
SOLDE | 0 |
La situation de l'institution judiciaire en France est aujourd'hui plus que préoccupante. Le comité des États généraux de la justice alertait déjà sur "l'état de délabrement avancé dans lequel l'institution judiciaire se trouve". Cette dégradation se manifeste notamment par des délais de traitement des affaires indécents, une charge de travail intenable pour les magistrats, et une perte de sens progressive du travail judiciaire, affectant non seulement les personnels mais également les justiciables. Le décès en pleine audience de comparution immédiate de la magistrate Marie Truchet est devenu en 2022 le symbole de ce délabrement.
La loi de programmation de la justice 2023-2027 prévoyait certes l'intégration de 1 500 nouveaux magistrats au cours des cinq prochaines années, mais cette augmentation restait très en-deçà des besoins réels du terrain. En effet, les syndicats et les organisations professionnelles estiment qu'il serait nécessaire de multiplier par deux, voire par trois, les effectifs actuels pour absorber les 2 millions d’affaires civiles et 1,9 million d’affaires pénales traitées chaque année par les magistrats en juridiction (chiffres de 2021).
Les conclusions du rapport du 5 octobre 2024 de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ) corroborent ce constat alarmant : la France dispose de seulement 11,3 magistrats pour 100 000 habitants, contre une médiane de 17,8 pour les pays du Conseil de l'Europe, et bien loin des 24,7 magistrats pour 100 000 habitants observés en Allemagne. À l'heure actuelle, la France compte environ 9 000 magistrats, mais pour un fonctionnement optimal et fluide de la justice, ce chiffre devrait être porté à au moins 18 000 (CEPEJ).
Le budget qui nous est présenté ne s’inscrit pas dans la trajectoire déjà insuffisante dessinée par la loi de programmation de 2023. En effet, l’équilibre budgétaire prévu pour 2025 prévoit une augmentation modeste de seulement 125 équivalents temps plein (ETP) pour les magistrats de l’ordre judiciaire, bien loin de ce qu’il faudrait pour une véritable amélioration de la justice en France.
En l’état, les magistrats, déjà épuisés, continueront de faire face à une surcharge de travail. D'ailleurs, l'indicateur 1.4 du programme Justice judiciaire témoigne de la volonté d’augmenter successivement le nombre d'affaires traitées par magistrat.
Afin de répondre à la situation de maltraitance institutionnelle des personnels judiciaires et des justiciables, il est crucial de renforcer les effectifs dès à présent. C'est pourquoi cet amendement vise à accroître substantiellement les crédits alloués à ces recrutements afin de garantir que les juridictions puissent accueillir suffisamment de magistrats pour rétablir un fonctionnement normal et efficace de la justice, digne d’un État de droit.
Nous estimons que le recrutement des seuls 125 nouveaux magistrats est largement insuffisant et qu’il faudrait près de 1000 magistrats supplémentaires pour l’année 2025 ce qui correspond à une augmentation de 150 millions d’euros en AE et en CP.
Par cet amendement, nous suggérons d’allouer cette somme au programme 166 « Justice judiciaire » à répartir sur les actions 01 « Traitement et jugement des contentieux civils » et 02 « Conduite de la politique pénale et jugement des affaires pénales ». Compte tenu des règles contraignantes de l'article 40 de la Constitution, la même somme sera prélevée sur le programme 310 – Conduite et pilotage de la politique de la justice et son action 09 – Action informatique ministérielle. Nous appelons donc le Gouvernement à lever le gage.