- Texte visé : Projet de loi, adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, de simplification de la vie économique, n° 481 rectifié
- Stade de lecture : 1ère lecture (2ème assemblée saisie)
- Examiné par : Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi de simplification de la vie économique
- Code concerné : Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique
I. – La section 1 du chapitre II du titre II du libre Ier est complété par un article ainsi rédigé :
« Art. L. 122‑1‑2. I - La déclaration d’utilité publique d’un projet d’infrastructure dont la réalisation nécessite ou est susceptible de nécessiter une dérogation au titre du c du 4° du I de l’article L. 411‑2 du code de l’environnement lui reconnaît le caractère d’opération ou de travaux répondant à une raison impérative d’intérêt public majeur, au sens du même c, pour la durée de validité initiale de la déclaration d’utilité publique et, le cas échéant, pour la durée de prorogation de cette déclaration, dans la limite de dix ans.
« Cette reconnaissance ne peut être contestée qu’à l’occasion d’un recours dirigé contre la déclaration d’utilité publique, dont elle est divisible. Elle ne peut être contestée à l’appui d’un recours dirigé contre l’acte accordant la dérogation prévue audit c.
« II – À titre dérogatoire, pour les projets d’infrastructures d’envergure nationale ou européenne, un décret en Conseil d’État vient, pour chacun de ces projets, déclarer le caractère d’utilité publique au sens du présent code et reconnaitre le caractère de projet répondant à une raison impérative d’intérêt public majeur, au sens du c du 4° du I de l’article L. 411‑2 du code de l’environnement.
« Cette reconnaissance ne peut être contestée qu’à l’occasion d’un recours dirigé contre le décret, dont elle est divisible. »
II. – Au cinquième alinéa de l’article L. 122‑1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, après la référence :« L. 122‑1‑1 » sont insérés les mots : « et l’article L. 122‑1‑2 ».
III. – Après l’article L. 411‑2‑1 Code de l’environnement, il est inséré un article L. 411‑2‑2 ainsi rédigé :
« Art. L. 411‑2‑2. – Répond à une raison impérative d’intérêt public majeur, au sens du c du 4° du I de l’article L. 411‑2 du présent code, les projets d’infrastructures déclarés d’utilité publique au sens de l’article L. 121‑1 et suivants du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ».
Cet amendement vise à sécuriser juridiquement les projets d’infrastructures qui, bien que déclarés d’utilité publique (DUP), peuvent être arrêtés par les juridictions qui annulent les autorisations environnementales pour défaut de Raison Impérative d’Intérêt Public Majeur (RIIPM).
Quelques projets emblématiques, tels que le contournement de Beynac ou le CDG Express, ont vu ces dernières années leurs autorisations environnementales annulées partiellement par les juges administratifs. Très récemment, c’est l’autorisation environnementale du projet de l’A69 qui a été totalement annulée par le Tribunal Administratif de Toulouse, stoppant ainsi nets les travaux déjà très largement engagés.
Cette insécurité juridique des projets d’infrastructures est majeure, alors que les travaux de réalisation ne débutent généralement qu’une fois les recours purgés contre les DUP.
En effet, la déclaration d’utilité publique d’un projet, première étape du processus administratif, a vocation à autoriser l’expropriation des terrains et des habitations situés dans l’emprise du projet, en vertu du Code de l’expropriation. Force est de constater que l’enquête publique préalable à la DUP intègre un volet environnemental dès lors que le projet a des incidences sur l’environnement.
Le dossier de DUP est ainsi déposé très en amont du projet. Ce n’est pas le cas de l’autorisation environnementale qui ne peut être sollicitée auprès de l’Administration qu’à un stade avancé du projet, nécessitant de détenir une étude d’impact précise en matière d’atteintes à l’environnement (sites Natura 2000, biodiversité, espèces protégées, déboisement…). En pratique, l’autorisation environnementale est donc totalement déconnectée de la DUP, en ce qu’elle a vocation à prescrire spécifiquement les mesures à mettre en œuvre sur le projet pour préserver l’environnement, réduire et compenser les atteintes.
L’autorisation environnementale unique comprend un volet dit « dérogation aux espèces protégées ». La règlementation issue de la Directive européenne Habitats de 1992, reprise dans le Code de l’Environnement, permet de déroger au principe de destruction, au sens d’altération, des espèces protégées (et de leurs habitats) suivant trois conditions cumulatives dont deux d’entre elles sont intiment liées à la mise en œuvre effective des travaux, à savoir qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante à la réalisation du projet et que la dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle. La troisième condition est directement rattachée au caractère de RIIPM reconnu au projet.
En pratique, cette condition implique uniquement de contrebalancer les enjeux sociaux et économiques au regard des impacts sur l’environnement. Rien ne fait donc obstacle à ce que cette appréciation puisse être menée de façon totalement déconnectée de la demande d’autorisation environnementale dont l’obtention reste nécessaire. En effet, un projet d’infrastructure qui, de par son ampleur, est soumis à déclaration d’utilité publique, aura inéluctablement des incidences sur l’environnement et sera donc soumis aux règles de dérogation espèces protégées.
Il est donc avéré qu’au stade de la DUP de tous les projets d’infrastructures, la caractérisation de RIIPM puisse être menée de sorte que la DUP emporte la RIIPM.
Ce dispositif n’augure en rien du sort qu’il sera fait à l’autorisation environnementale qui sur son volet dérogation aux espèces protégées devra naturellement se conformer aux deux conditions opérationnelles précitées.
Le présent amendement propose donc, pour limiter que les contentieux s’étalent dans le temps et conduisent à des situations comme celles du contournement de Beynac ou du projet l’A69, que la caractérisation de RIIPM puisse être réalisée au stade de la DUP pour l’ensemble des projets d’infrastructures. Cela permettrait que la DUP emporte la RIIPM et que les recours portant sur la DUP et la RIIPM puissent être traités en même temps.
Il propose également, à titre dérogatoire pour les projets d’infrastructure d’envergure nationale ou européenne, que le Gouvernement puisse par décret en Conseil d’Etat leur octroyer la qualité de DUP et de RIIPM.