- Texte visé : Proposition de loi visant à renforcer la lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants, n° 669
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République
- Code concerné : Code pénal
L’article 8 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, les mots : « à l’exception de ceux mentionnés aux articles 222‑29‑1 et 227‑26 du code pénal, » sont supprimés ;
2° Les troisième et quatrième alinéas sont ainsi rédigés :
« Par dérogation au deuxième alinéa, l’action publique des délits mentionnés à l’article 222‑12 du code pénal, lorsqu’ils sont commis sur des mineurs, se prescrit par vingt années révolues à compter de la majorité de ces derniers ; l’action publique des délits mentionnés au 4° et au 13° de l’article 706‑47 du présent code, lorsqu’ils sont commis sur des mineurs, est imprescriptible.
« S’il s’agit d’une agression sexuelle ou d’une atteinte sexuelle commise sur un majeur, en cas de commission sur une autre personne par le même auteur, avant l’expiration du délai prévu au premier alinéa du présent article, d’une agression sexuelle ou d’une atteinte sexuelle, le délai de prescription de la première infraction est prolongé, le cas échéant, jusqu’à la date de prescription de la nouvelle infraction. Si la nouvelle infraction est une agression sexuelle ou une atteinte sexuelle commise sur un mineur, le délai de prescription de la première infraction est prolongé, le cas échéant, jusqu’à la date de prescription qu’aurait eu la nouvelle infraction si elle avait été commise sur un majeur. »
Cet amendement vise à rendre imprescriptible l’action publique des agressions sexuelles sur mineurs tout en introduisant une prescription glissante pour les violences sexuelles sur majeurs, en complément de la loi Billon de 2021.
Il s'agit de répondre aux attentes des associations, des victimes et de la société civile, en permettant une meilleure prise en compte des réalités traumatiques, telles que l’amnésie dissociative ou la difficulté à dénoncer des violences incestueuses.
Parmi les victimes ayant témoigné auprès de la CIIVISE, l’imprescriptibilité pénale est la mesure la plus demandée. 75 % des victimes ayant témoigné auprès de la commission déclarent que les faits dont elles ont souffert sont aujourd’hui prescrits, soit six victimes sur dix. Ce constat alarmant appelle une réforme urgente.
Cette mesure permettrait de lutter plus efficacement contre l’impunité des agresseurs et serait également une mesure de réparation importante pour les victimes.
Rien n’empêche l’imprescriptibilité des violences sexuelles sur mineurs dans les faits. Dans son avis n° 390335 du 1er octobre 2015 sur la proposition de loi portant réforme de la prescription en matière pénale, le Conseil d'État a rappelé que « le législateur dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour décider du principe et des modalités de la prescription de l’action publique et de la peine ». La décision QPC n°2019-785 du Conseil constitutionnel a d’ailleurs reconnu que les infractions d’une gravité exceptionnelle justifient un régime de prescription spécifique ou même l’imprescriptibilité. Au niveau européen, l’article 33 de la Convention de Lanzarote sur la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels, signée et ratifiée par la France, dispose que « le délai de prescription continue de courir pour une durée suffisante pour permettre l’engagement effectif des poursuites après que l’enfant a atteint l’âge de la majorité », ce qui n’empêche donc pas de légiférer en faveur de l’imprescriptibilité de certaines infractions sexuelles sur mineurs. Dans sa Résolution 2330 votée le 26 juin 2020, le Conseil de l’Europe préconise de suivre cette voie et ainsi de « supprimer le délai de prescription de la violence à caractère sexuel à l’égard des enfants ».
Enfin, cet amendement permettrait de conjuguer à la fois l'imprescriptibilité des agressions sexuelles sur mineurs et l’introduction de la prescription glissante pour l’ensemble des violences sexuelles sur majeurs, y compris les agressions délictuelles.