- Texte visé : Proposition de loi visant à abroger le titre de séjour pour étranger malade, n° 689
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
Rédiger ainsi cet article :
« L’article L. 425‑9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
« 1° À la première phrase du premier alinéa, les mots : « et qui, eu égard à l’offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d’un traitement approprié, » sont supprimés et, après le mot : « délivrer », sont insérés les mots : « , sous réserve de l’absence d’un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l’autorité administrative après avis du service médical de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, » ;
« 2° Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les modalités de règlement du coût de la prise en charge médicale mentionnée au premier alinéa du présent article ne sont pas prévues par les stipulations d’une convention bilatérale de sécurité sociale, ce coût n’est pas supporté par l’assurance maladie si l’étranger dispose de ressources ou d’une couverture assurantielle suffisantes. » ;
« 3° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les conséquences d’une exceptionnelle gravité, au sens du premier alinéa du présent article, s’apprécient compte tenu du risque que le défaut de prise en charge médicale fait peser sur le pronostic vital de l’étranger ou sur la détérioration significative de l’une de ses fonctions importantes, mais également de la probabilité et du délai présumé de survenance de ces conséquences. » ;
« 4° Le troisième alinéa est ainsi modifié :
« a) Au début de la première phrase, les mots : « Sous réserve de l’accord de l’étranger et » sont supprimés ;
« b) Après la même première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, définit les modalités de ces échanges d’informations. » ;
« 5° Est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d’État. »
Cet amendement vise non pas à abroger le titre de séjour pour étranger malade, dont l’utilité est avérée, mais à reprendre les articles 9 et 10 du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, censurés par le Conseil constitutionnel (CC, décision n° 2023-863 DC du 25 janvier 2024), afin de durcir ses conditions d’obtention.
Le Groupe Horizons & Indépendants estime qu’une abrogation, pure et simple, de ce titre de séjour serait inopportune. En effet, ce titre de séjour permet aux personnes gravement malades qui vivent en France et ne peuvent être soignées dans leur pays d’origine d’obtenir ou renouveler une carte de séjour pendant leur prise en charge médicale. Selon le Rapport au parlement sur la procédure d’admission au séjour pour soins de l’OFII (2024), les maladies en question sont particulièrement graves pour la santé des étrangers en situation irrégulière :
- La part de demandes de titres de séjour pour des maladies infectieuses et parasitaires (notamment VIH, tuberculose) est importante, atteignant plus de 27% ;
- La part de demandes de titres de séjour pour des tumeurs est significative, à hauteur de 15,6%.
Dans ce contexte, il est donc autant nécessaire qu’humaniste que les étrangers en situation irrégulière concernés puissent bénéficier d’un droit au séjour.
Notre Groupe estime toutefois qu’il convient de restreindre ses conditions d’obtention. En effet, les conditions d’obtention de ce titre de séjour semblent être plus larges que nécessaire.
- En témoigne le rapport de l’OFII au Parlement en 2022 : un certain nombre de demandeurs, notamment venus de pays du G20 ou de la classe très aisée de pays du Sud, seraient pourtant capables d’honorer la facture de soins. L’OFII observait ainsi une multiplication de situations opportunistes, à travers des installations en France pour bénéficier de cette procédure gratuite.
- Par ailleurs, certaines décisions juridictionnelles semblent se fonder sur une conception large de la condition de la possibilité pour le demandeur de bénéficier d’un traitement approprié dans son pays d’origine. En effet, elles semblent considérer qu’aucun traitement n’existe par définition dans un certain nombre de pays, ce qui fait fi de l’évolution considérable constatée ces vingt dernières années. Par exemple, s’agissant de l’hépatite B ou de l’hépatite C, la disponibilité des traitements dans certains pays, fait pourtant établi, ne convainc pas toujours le juge (par exemple, 1er décembre 2023, TA de Lyon).
Le présent amendement vise donc à :
- Revenir à la condition qui prévalait auparavant « d’absence de traitement approprié dans le pays dont il est originaire », sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l’autorité administrative après avis du service médical de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), en lieu et place de la vérification, par le préfet, du « bénéfice effectif » d’un tel traitement dans le pays d’origine ;
- Supprimer la condition de l’accord de l’étranger pour que les médecins de l’OFII puissent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission, en prévoyant à la place des modalités d’échanges d’informations définies par décret en Conseil d’Etat, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) ;
- Préciser la notion d’ « exceptionnelle gravité » justifiant la prise en charge de l’étranger et par conséquent la délivrance du titre de séjour. Ces conséquences d’une exceptionnelle gravité s’apprécieraient désormais « compte tenu du risque que le défaut de prise en charge médicale fait peser sur le pronostic vital de l’étranger ou sur la détérioration significative de l’une de ses fonctions importantes, mais également de la probabilité et du délai présumé de survenance de ces conséquences. »
La restriction des conditions d’obtention de ce titre de séjour, telle que proposée par cet amendement, a déjà fait l’objet d’un consensus parlementaire. Cet amendement reprend en effet la rédaction, efficace et équilibrée, des articles 9 et 10 issus de la commission mixte paritaire (CMP) du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, avant leur censure par le Conseil constitutionnel. La censure de ces articles ne préjuge par ailleurs en aucun cas de leur conformité à la Constitution, puisque le juge constitutionnel les a censurés sur le seul fondement de l’article 45 de la Constitution. Si le Conseil devait s’exprimer sur la conformité de leur contenu au bloc constitutionnel, le moyen selon lequel ces dispositions portent atteinte au droit à la protection de la santé résultant du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 serait, selon toute vraisemblance, rejeté. En effet, la restriction des conditions d’obtention du titre de séjour pour étranger malade ne compromet en rien le droit à la santé des étrangers en situation irrégulière, puisque l’Aide médicale d’État subsisterait.
Alors que l’Assemblée nationale et le Sénat, réunis en commission mixte paritaire, s’étaient accordés pour une telle réforme, le présent amendement vise donc à durcir les conditions d’obtention du titre de séjour pour étranger malade, tout en garantissant la cohérence de nos positions respectives.