Fabrication de la liasse
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Photo de monsieur le député Pierre Cordier

L’article 8 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Au deuxième alinéa, les mots : « à l’exception de ceux mentionnés aux articles 222‑29‑1 et 227‑26 du code pénal, » sont supprimés ;

2°  Le troisième alinéa est ainsi modifié :

a) Au début, sont ajoutés les mots : « Par dérogation au deuxième alinéa, » ;

b) Les mots : « aux articles 222‑12, 222‑29‑1 et 227‑26 du même code » sont remplacés par les mots : « à l’article 222‑12 du code pénal » ;

c) À la fin, sont ajoutés les mots : «  ; et l’action publique des délits mentionnés au 4° et au 13° de l’article 706‑47, lorsqu’ils sont commis sur des mineurs, est imprescriptible » ;

3°  Le quatrième alinéa est ainsi modifié :

a) Au début, le mot : « Toutefois, » est supprimé ;

b) La première occurrence du mot : « mineur » est remplacée par le mot : « majeur » ;

c) Les mots : « un autre mineur par la même personne » sont remplacés par les mots : « une autre personne par le même auteur » ;

d) Les mots : « des délais prévus aux deuxième et troisième alinéas » sont remplacés par les mots : « du délai prévu au premier alinéa » ;

e) À la fin, est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Si la nouvelle infraction est une agression sexuelle ou une atteinte sexuelle commise sur un mineur, le délai de prescription de la première infraction est prolongé, le cas échéant, jusqu’à la date de prescription qu’aurait eu la nouvelle infraction si elle avait été commise sur un majeur. »

 

Exposé sommaire

Cet amendement propose de rendre imprescriptible l’action publique des agressions sexuelles sur mineurs tout en introduisant une prescription glissante pour les violences sexuelles sur majeurs. 

Parmi les victimes ayant témoigné auprès de la CIIVISE, l’imprescriptibilité pénale est la mesure la plus demandée. 75 % des victimes ayant témoigné auprès de la commission déclarent que les faits dont elles ont souffert sont aujourd’hui prescrits, soit six victimes sur dix. Ce constat alarmant appelle une réforme urgente.

Les violences sexuelles sur mineurs sont particulièrement complexes, notamment l’inceste, qui d’une nature unique, cumule à la fois le lien familial brisé et l’agression sexuelle. Il est en effet extrêmement difficile dans le cas d'infractions incestueuses de porter plainte contre un membre de sa famille, de faire voler en éclats son foyer, de se délivrer d'un tabou universel. L’assignation au silence en est démultipliée dans les cas d'inceste et le risque de la parole c'est la perte de sa propre famille, ce qui nécessite que du temps soit donné au temps, bien au-delà du délai existant. 

Les conséquences de ces violences, souvent irréversibles, marquent profondément les victimes, tant psychologiquement que physiquement. L’amnésie dissociative, fréquente dans ces cas (40 % des victimes enfants et 50 % des victimes d’inceste), est un obstacle majeur à la révélation des faits dans les délais légaux actuels. En outre, les enfants, dépourvus de personnalité juridique propre et dépendants d’un adulte pour porter plainte, ne sont pas toujours en mesure de verbaliser les abus subis ou d’en mesurer la gravité ; ou ne sont tout simplement pas crus par les adultes qui les entourent, comme l’a montré le rapport public 2023 de la CIIVISE. En cas d'inceste, cette incapacité juridique est accentuée par le fait qu'il est crucial qu'un parent protecteur soit prêt à défendre l'enfant. Cependant, la réalité du dépôt de plainte par un parent protecteur est très faible : seulement 5 % des pères et 6 % des mères portent plainte, d'après l'enquête "Parents complices, parents protecteurs" de l'association Face à l'inceste. 

Il est impératif de leur laisser le temps nécessaire pour trouver la force et les moyens de se faire entendre. Rrendre les violences sexuelles sur mineurs imprescriptibles permettrait aussi de lutter plus efficacement contre l’impunité des agresseurs. 

L’imprescriptibilité serait également une mesure de réparation importante pour les victimes, qui sont nombreuses à ressentir le besoin de porter plainte. La possibilité de porter plainte des années après les faits peut soulager des victimes quand, à l’inverse, l’impossibilité de porter plainte après 48 ans peut complètement entacher leur parcours de guérison et de réparation. 

Par ailleurs, cet amendement permettrait de conjuguer à la fois l'imprescriptibilité des agressions sexuelles sur mineurs et l’introduction de la prescription glissante pour l’ensemble des violences sexuelles sur majeurs, y compris les agressions délictuelles.