- Texte visé : Proposition de loi, adoptée par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, n° 856
- Stade de lecture : 1ère lecture (2ème assemblée saisie)
- Examiné par : Commission des affaires économiques
- Code concerné : Code de la santé publique
Sous réserve de son traitement par les services de l'Assemblée nationale et de sa recevabilité
L’article L. 1313‑1 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Au huitième alinéa, le mot : « évaluant » est remplacé par les mots : « organisant la supervision systématique des essais et en réalisant leur interprétation pour évaluer » ;
2° Après le huitième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Elle assure une évaluation objective et transparente de l’impact des produits réglementés, au regard des connaissances scientifiques et techniques actuelles, en tenant compte des données scientifiques les plus fiables ainsi que des résultats les plus récents de la recherche internationale. » ;
3° Aux onzième et douzième alinéas, après le mot : « relatives », sont insérés les mots : « à l’organisation, à la supervision et à l’interprétation des essais d’évaluation de l’impact de ces produits, » ;
4° Au quinzième alinéa, après la première occurrence du mot : « risques », sont insérés les mots : « par la définition, l’organisation, la supervision et l’interprétation des essais d’évaluation de l’impact des produits réglementés ».
Cet amendement vise à renforcer les procédures d’évaluation des risques des produits phytopharmaceutiques pour la biodiversité et la santé humaine.
Aujourd’hui, un biais inhérent anime la conduite des évaluations des risques : l’industrie agrochimique est elle-même tenue de démontrer l’innocuité de ses propres produits. En France, les évaluations des risques des pesticides conduites par l’ANSES, sont tributaires des dossiers d’autorisation de mise sur le marché soumis par les entreprises pétitionnaires.
Dans ces dossiers sont présentés les résultats de tests de toxicité et leur interprétation entièrement réalisés par les entreprises pétitionnaires. C’est au nom du principe « pollueur-payeur » que de telles responsabilités incombent à ces dernières.
Tel qu’il est aujourd’hui appliqué, ce principe alimente pourtant un conflit d’intérêt structurel aux procédures de mise sur le marché qui empêche une évaluation des impacts objective et indépendante de tout intérêt financier. Ce qui a été démontré par les nombreux scandales successifs de ces dernières années.
Les tests de toxicité sont régulièrement réalisés par des laboratoires privés, mandatés par les entreprises pétitionnaires. En 2019, il a été prouvé qu’un des plus grands groupes de laboratoires allemands a systématiquement manipulé des tests et falsifié des résultats entre 2005 et 2019, et ce afin de satisfaire ses clients. Au moins 24 des 150 nouveaux tests soumis par Monsanto, dans le cadre de la procédure de réautorisation du glyphosate en 2012, ont été réalisés par ce laboratoire.
Les industries ne divulguent pas systématiquement l’ensemble des tests réalisés et leurs résultats dans leurs dossiers d’homologation et d’autorisation de mise sur le marché, malgré les obligations légales en vigueur. Un exemple récent, concernant des résultats de tests neurotoxiques défavorables à la commercialisation de neuf substances actives de pesticides, démontre les impacts réglementaires d’un tel phénomène, dont il nous est aujourd’hui impossible de connaître l’ampleur.
Il est ainsi proposé de garantir l’indépendance et l’objectivité des tests de toxicité réalisés dans le cadre des procédures d’autorisation de mise sur le marché des pesticides.
Pour ce faire, il reviendra à l’ANSES d’organiser et de superviser la réalisation des essais requis sur les produits réglementés ainsi que de procéder à l’interprétation des résultats.
En second lieu, et en application des récentes décisions judiciaires, cet amendement a pour objectif de faciliter la mise à jour régulière des procédures d’évaluation des risques des pesticides avec les connaissances scientifiques et techniques actuelles. Les conditions de réalisation de l’évaluation par les États membres, encadrées par le règlement (UE) n° 1107/20098, ont été précisées par le juge européen dans l’arrêt C-308/22 du 25 avril 2024 de la Cour de Justice Union européenne.
Cet arrêt reconnaît qu’un État membre a la possibilité d’émanciper son évaluation des risques vis-à-vis des procédures et documents en vigueur, lorsque ces derniers ont été reconnus obsolètes. Il incombe aux États membres, et autorités compétentes, de procéder à une évaluation objective et transparente, à la lumière des dernières connaissances scientifiques et techniques.
En France, l’autorité compétente à l’échelle nationale, l’ANSES, fonde son évaluation des risques des produits phytopharmaceutiques sur des documents d’orientation et des méthodologies obsolètes, qui ne prennent pas compte les connaissances scientifiques les plus récentes. C’est notamment le cas des protocoles encadrant les tests de toxicité sur les espèces non-ciblées telles que les abeilles et autres insectes arthropodes dont les nombreuses carences ont été reconnues par plusieurs avis scientifiques de l’EFSA.
Cet amendement renforcera la transparence et l’indépendance de l’évaluation des risques. L’industrie continuera à financer la réalisation des tests menés par des laboratoires indépendants désormais mandatés par l’ANSES qui procède également à l’interprétation des résultats de ces tests. Afin que l’Anses soit en capacité de remplir ses missions en matière d’évaluation des pesticides de façon satisfaisante, son budget doit être revalorisé. L’amendement présenté par le groupe Écologiste et Social pour augmenter la taxe sur les produits phytopharmaceutiques y participe.
Le présent amendement a été travaillé avec Pollinis.