- Texte visé : Texte de la commission sur la proposition de loi, après engagement de la procédure accélérée, de Mme Florence Herouin-Léautey et plusieurs de ses collègues visant à proroger le dispositif d’expérimentation favorisant l’égalité des chances pour l’accès à certaines écoles de service public (763 rectifié)., n° 912-A0
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
À la fin, substituer à la date :
« 31 mars 2028 »
la date :
« 1er mars 2025 ».
Par cet amendement, le groupe LFI-NFP souhaite réaffirmer sa volonté de faire un bilan global du dispositif des concours "Talents" au plus vite, afin de déterminer s'il a réellement eu un effet structurant sur la diversification des profils intégrant la haute fonction publique.
La haute fonction publique française est particulièrement marquée par de fortes inégalités de recrutement et reste très élitiste. Tout d'abord, elle est marquée par de fortes inégalités de classes sociales d'origine : à titre d'illustration, selon le rapport de la "mission Haute Fonction Publique" - aussi appelée mission "Thiriez" du nom de son rapporteur - rendu le 30 janvier 2020, un candidat issu des « classes supérieures » a une chance sur 10 d’intégrer l’ENA (désormais INSP), celui issu des « classes moyennes » une sur 15 et celui issu des « classes populaires » une sur 18. Pire, pour le concours externe, ces taux de chance deviennent respectivement : 1/13, 1/28 et 1/43… Par ailleurs, les élèves intégrant des cursus comme celui de l'INSP sont aujourd'hui encore toujours issu des mêmes cursus : par exemple, les étudiants de Sciences Po Paris représentent 76 % des admis au concours externe de l’ENA, les deux-tiers des admis aux concours de l’Assemblée nationale et du Sénat, presque la moitié des reçus au concours de l’INET, un tiers des admis au concours de directeur d’hôpital.
Face à ce constat, le Président de la République a annoncé la mise en place le jeudi 11 février 2021 du dispositif des "prépas Talents", censés préparer les élèves sélectionnés - sur critères sociaux notamment - aux concours "Talents" ouverts dans 5 écoles spécifiques de la fonction publique (INSP, INET, EHESP, ENSP et ENAP). Néanmoins, les résultats obtenus restent limités : comme le souligne par exemple le rapport de la commission de sélection des « prépas Talents » 2023-2024 : « Alors qu’en 2017, 1 candidat sur 10 était admis en classe préparatoire intégrée, ce sont aujourd’hui 2 candidats sur 10 qui sont admis en classe préparatoire Talents. ». Autrement dit, 8 élèves boursiers sur 10 ne bénéficient toujours pas d’un dispositif spécifique d’accompagnement à la préparation aux concours de la haute fonction publique. Par ailleurs, il existe des effets d'aubaine, et le nombre de places proposés à ces concours sont loin de permettre une diversification structurelle des profils des personnes intégrant la haute fonction publique.
En réalité, ce dispositif n'est pas de nature à lutter structurellement contre les inégalités d'accès à la haute fonction publique car il n'intervient qu'en fin de chaîne, une fois que le tri social opéré par le système scolaire et universitaire a éliminé la très grande majorité des élèves issus des classes les plus défavorisées (par exemple, Parcoursup). Selon l’Observatoire des inégalités (septembre 2021), les enfants d’ouvriers représentent 12 % de l’ensemble des étudiants, alors que les ouvriers représentent 21 % de la population active. À l’opposé, les enfants de cadres supérieurs représentent 34 % des étudiants, alors que leurs parents forment seulement 18 % des actifs. Cette sélection sociale – combinée à des difficultés matérielles d’apprentissage (par exemple, 1 étudiant•e sur 2 est mal-log•ée, ce qui a forcément des effets sur la réussite des étudiant•es) ne fait qu’éliminer la très grande majorité des étudiant•es les plus précaires, avant même qu’ils puissent prétendre à tenter leur intégration dans les classes « prépas Talents ».
Une réelle démocratisation de l'accès à la haute fonction publique passe donc nécessairement par une réelle démocratisation en amont du système universitaire et scolaire - ce à quoi ne répond absolument pas le dispositif des classes "prépas Talents".