- Texte visé : Texte de la commission sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, visant à sortir la France du piège du narcotrafic (n°907)., n° 1043-A0 rectifié
- Stade de lecture : 1ère lecture (2ème assemblée saisie)
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
À la fin de la première phrase de l’alinéa 12, substituer aux mots :
« quatre ans »
les mots :
« trois mois ».
Par cet amendement de repli, les député·es du groupe LFI-NFP visent à réduire la durée de la décision d'affectation à l'isolement dans un quartier de lutte contre la criminalité organisée à 3 mois.
La détention concerne aussi bien les personnes en détention provisoire que celles définitivement condamnées. Au regard des dérogations particulièrement attentatoires aux libertés des détenus et aux conditions de détention, la durée de quatre ans semble excessive. Nous proposons donc de la réduire. L'OIP nous alerte : "La durée de validité de quatre ans, renouvelable de manière illimitée, inscrit ce nouveau régime à l’opposé de l’idée selon laquelle l’isolement carcéral doit être le plus court possible. Aucune actualisation régulière de la situation des personnes concernées n’est par ailleurs envisagée, alors même que le Comité européen pour la prévention de la torture du Conseil de l’Europe (CPT) recommande un « réexamen complet » de la mesure d’isolement afin d’y mettre fin « le plus rapidement possible » dès lors qu’elle dépasse 24 heures, notamment au vu des « effets extrêmement dommageables sur la santé mentale, somatique et le bien-être social » des personnes détenues qui y sont soumises."
Ce dispositif s’inspire du système carcéral italien pour mafieux, et plus précisément de l'article 41-bis. Les auteurs de cet article ont cédé aux sirènes de la répression plutôt que d’écouter les spécialistes, qui dénoncent largement ce type de mesure. Ils soulignent ses effets psychologiques dévastateurs, son efficacité limitée contre les réseaux mafieux et, une fois de plus, les risques qu’elle fait peser sur les droits humains. En effet, une étude menée par Torre (2018) a conclu qu’un isolement de plus de 15 jours pouvait altérer de façon irréversible les fonctions cognitives et émotionnelles des personnes concernées. À l’issue d’un isolement prolongé, 60 % des détenus développent des symptômes psychiatriques chroniques. De plus, une étude de Paoli (2021) sur la réinsertion des ex-mafieux a démontré que le régime 41-bis favorise la radicalisation des détenus. Elle révèle que ce régime diminue les chances de collaboration avec la justice en raison de l'absence d'incitations psychosociales. Cependant, l'ineptie de cette disposition ne s’arrête pas là. En effet, elle favorise la résilience des réseaux mafieux, qui mettent en place des structures visant à réduire l'impact des arrestations. Finalement, loin de briser les réseaux mafieux, ce dispositif semble leur offrir les moyens de s’adapter et de se renforcer, tout en niant les droits humains des individus concernés.
Il est étonnant que les auteurs de cet article aient choisi comme modèle l'article 41-bis, pourtant condamné par la Cour européenne des droits de l'homme dans plusieurs arrêts pour son incompatibilité avec l'article 3 de la Convention, qui interdit la torture et les traitements inhumains ou dégradants. À l’encontre du droit et des recommandations scientifiques, l’approche de cet article néglige les principes fondamentaux de dignité et de respect des droits humains, privilégiant une répression aveugle au détriment d’une approche équilibrée alliant isolement ciblé et programmes de réinsertion, comme le préconisent les criminologues.