- Texte visé : Texte de la commission sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, visant à sortir la France du piège du narcotrafic (n°907)., n° 1043-A0 rectifié
- Stade de lecture : 1ère lecture (2ème assemblée saisie)
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
I. – À l’alinéa 15, après le mot :
« temps »,
insérer les mots :
« usant du pouvoir d’intimidation ».
II. – En conséquence, compléter le même alinéa 15 par les mots :
« pour en tirer, directement ou indirectement, un avantage financier ou un autre avantage matériel ».
Le présent amendement de repli propose d’ajouter deux conditions cumulatives à la définition d’une organisation criminelle, permettant de mieux identifier ce type de criminalité : le pouvoir d’intimidation et la poursuite d’avantages financiers.
L’infraction créée à l’article 9 est inopérante en l’état, car elle ne fait que reprendre l’association de malfaiteurs en bande organisée. La définition de l’organisation criminelle, fondée uniquement sur l’existence d’une structure pérenne en vue de commettre des crimes ou délits, est trop vague et pourrait être utilisée contre des personnes qui n’ont rien à voir avec le crime organisé.
Les groupes criminels organisés à l'œuvre en France se différencient des simples associations de malfaiteurs en bandes organisées par leur volonté de devenir un pouvoir parallèle à celui des instances que la société s'est donnée pour se gouverner. Le rapport d'enquête sénatorial d’avril 2024 recommande à ce titre « d'étendre l'infraction d'association de malfaiteurs sur le modèle de la loi anti-mafia italienne. »
Or le délit d’association mafieuse italien est caractérisé par l’appartenance à une organisation pérenne dont le but est de commettre des délits ou de pénétrer l’économie légale en usant du pouvoir d’intimidation et de l’assujettissement qui en découle.
Pour la Cour de Cassation italienne, le pouvoir d’intimidation du lien associatif « jaillit des comportements humains précédemment réalisés par les associés. Plus particulièrement, la force d’intimidation actuelle d’une association dépend des actes systématiques de violence et d’intimidation commis par ses membres dans le même contexte territorial ou social, dans le passé et pour une certaine durée. » (CCass. Italienne, Section V, 21 déc. 2012, n°5143, Nicoscia).
Si le code pénal français reconnaît les actes d’intimidations et de menaces, il est en revanche muet en ce qui concerne ce pouvoir d’intimidation qui résulte de la peur qu’inspirent des groupes criminels en raison des actes commis par leurs membres par le passé. C’est précisément grâce à ce pouvoir d’intimidation liés à des actes passés qu’ils n’ont pas besoin de commettre des actes d’intimidation pour soumettre des entrepreneurs, des élus ou des citoyens. Nombreux sont les exemples où la simple évocation du nom d’une bande particulièrement crainte, en Corse ou à Marseille par exemple, a permis des extorsions ou des avantages divers.
La convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, ratifiée par la France en 2002, définit pour sa part en son article 2 les « groupes criminels organisés » comme des organisations pérennes visant à commettre des infractions graves pour en tirer des avantages financiers ou matériels. Inclure dans la définition française de l’organisation criminelle ce critère de l’enrichissement est indispensable pour ne pas utiliser cette infraction à d’autres fins.
La définition proposée au présent amendement, par sa précision accrue, permet aussi de mieux respecter les droits fondamentaux des personnes concernées et renforce le respect du principe de prévisibilité.
Amendement travaillé avec le Collectif anti-mafia Massimu Susini.