- Texte visé : Proposition de loi visant à préserver les droits des victimes dépositaires de plaintes classées sans suite, n° 1138
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République
Sous réserve de son traitement par les services de l'Assemblée nationale et de sa recevabilité
Après l'alinéa 4, insérer les deux alinéas suivants :
« 1° bis Le même article 15‑3 est ainsi rédigé :
« « Les officiers et agents de police judiciaire sont tenus de recevoir les plaintes déposées par les victimes d’infractions à la loi pénale, quand bien même elles ne justifieraient pas au moment où elles déposent plainte, de preuves de leurs allégations, les officiers et agents de police judiciaire ne pouvant ni refuser de recevoir la plainte, ni inciter la personne à déposer une main courante à la place d’une plainte. Les officiers et agents de police judiciaire sont tenus de recevoir ces plaintes, y compris lorsqu’elles sont déposées dans un service ou une unité de police judiciaire territorialement incompétents. Dans ce cas, la plainte est, s’il y a lieu, transmise au service ou à l’unité territorialement compétents. » »
La proposition de loi qui nous est soumise vise à préserver les droits des victimes dépositaires des plaintes car il est constaté que sur 1 200 00 affaires poursuivables 37% des auteurs mis en cause ont bénéficié d’un classement sans suite.
Or si l’on veut qu’il y ait moins de classement sans suite, il faut préalablement que les victimes puissent porter plainte, ce qui est loin d’être toujours le cas.
Il faut savoir que les victimes, et notamment celles de violences conjugales, ont du mal à déposer plainte pour divers facteurs (peur de représailles de l’auteur, peur de perdre la vie, peur de se retrouver seule à la rue avec des enfants, manque de confiance en soi ....). Lorsqu’elles ont enfin le courage de passer la porte d’un commissariat ou d’une gendarmerie elles se font parfois éconduire, faute de preuve. Il arrive que dans ces cas-là, les policiers et gendarmes proposent alors de déposer une simple main courante.
Ainsi cet amendement vise à modifier l’article 2 de la proposition de loi, en proposant de réécrire le premier alinéa de l’article 15-3 du code de procédure pénale pour mettre fin à une pratique habituelle qui consiste à proposer à la plaignante une main courante en lieu et place d’une plainte lorsque la victime n’a pas la preuve tangible de ses allégations.
On comprend bien les difficultés d’organisation que cela pose de recevoir une plainte en raison du manque criant d’effectifs, car le temps pris pour une plainte est bien supérieur à celui engagé pour une main courante, surtout si la plainte doit être plus tard classée sans suite faute de preuve.
Cependant l’effet juridique d’une plainte est bien différent de celui de la main courante puisque seule la plainte déclenche une enquête tandis que les mains courantes n’ont pas vocation à remonter au Procureur.
Dès lors afin de faciliter le dépôt de plainte des victimes de violences il faut modifier la loi existante sur deux points :
- Les policiers et gendarmes ne doivent plus pouvoir refuser de recueillir des plaintes, et pour cela il est nécessaire de modifier le premier alinéa de l’article 15-3 du CPP. Car si l’article 15-3 du code de procédure pénale indique que l’Officier de police judiciaire « est tenu » de recevoir les plaintes, en pratique ces derniers ne le font pas systématiquement surtout en l’absence de preuves.
Ceci est d’autant plus souhaitable que l’officier de Police judiciaire n’est pas juge de l’opportunité des poursuites qui appartient uniquement au Ministre public (au Procureur).
- Pour faciliter le dépôt de plainte des personnes victimes de violences, il conviendrait également de développer les plaintes en ligne (et de donc modifier l’article 15-3 du CPP) en donnant la possibilité de la déposer sur Internet, depuis son propre ordinateur, ou depuis un point d’accueil pour les femmes victimes de violences. Mais cette question n’étant pas abordée dans la présente proposition de loi, aucun amendement, qui serait de ce fait « cavalier », ne sera déposé en ce sens.
L’amendement proposé en l’espèce portera donc uniquement sur le premier point.
Il s’agit d’empêcher qu’une femme (ou qu’un homme) désireux de porter plainte pour violences exercées à son encontre ne reparte du commissariat ou de la gendarmerie avec une simple déclaration de main courante au lieu et place d’une plainte.