- Texte visé : Texte de la commission sur la proposition de loi de Mmes Marie-Charlotte Garin, Véronique Riotton et plusieurs de leurs collègues visant à modifier la définition pénale du viol et des agressions sexuelles (842)., n° 1181-A0
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
Compléter l’alinéa 6 par les mots :
« ou si il résulte de l’exploitation par l’auteur d’un état ou d’une situation de vulnérabilité ou de dépendance apparente, connue ou organisée par lui. »
Par cet amendement, le groupe LFI-NFP propose de reformuler la définition du consentement en conservant les apports du Conseil d'Etat, et tout en disposant clairement, sans que cela soit exclusif des modalités du code pénal actuel, qu'il ne peut y avoir de consentement à un acte sexuel s'il résulte de l'exploitation d'une vulnérabilité ou d'une dépendance apparente, connue ou organisée par son auteur.
Dans son avis consultatif sur la proposition de loi, le Conseil d'Etat a préconisé l’adjonction des mots :« quelles que soient leurs natures » après l’énoncé des quatre modalités que sont la violence, contrainte, menace ou surprise afin de "souligner leur variété". Il s'agit de mieux prendre en compte les formes pernicieuses qu'elles peuvent prendre, en reconnaissant notamment que la contrainte peut être "directe ou indirecte, matérielle ou psychologique, reposant sur des abus divers d’autorité, de domination, de rapports familiaux et affectifs…".
Nous souscrivons pleinement à ces objectifs. Pour ces raisons, notre proposition de loi similaire déposée en février 2024, définissait le consentement comme étant "libre et éclairé" et apprécié à l'aune des circonstances environnantes.
Nous avons toutefois souhaité ouvrir les quatre modalités figurant aujourd'hui dans le code pénal, qui créent une présomption de consentement implicite contribuant à la culture du viol. En effet, dans de nombreux cas, l’agresseur n’a pas « besoin » de recourir à la violence, contrainte, menace ou surprise. Cela est d'autant plus vrai que dans 91% des cas de violences sexuelles, les femmes connaissent les agresseurs, et que le viol conjugal (ou perpétré par un ex-conjoint) concerne une victime de viol sur deux.
C'est pourquoi il est nécessaire d'affirmer qu'il ne peut pas non plus y avoir de consentement libre et éclairé lorsqu'il résulte de l'exploitation d'un état ou d'une situation de vulnérabilité ou de dépendance apparente, connue ou organisée par l'auteur. Il s'agit notamment de mieux prendre en compte les cas de sidération psychique (particulièrement fréquent dans les cas de viol puisqu'il concernerait près de 70 % des victimes adultes et près de 100% des enfants), qui induisent une vulnérabilité apparente et qui sont, selon la psychiatre Muriel Salmona, le résultat d'une stratégie de l'agresseur. Il s'agit aussi de mieux prendre en considération les cas de dépendance et d’emprise (psychologique, économique, administrative…), rapports de domination dans la sphère intime ou professionnelle, pour caractériser l’absence de consentement.
Il est problématique que ces situations ne suffisent pas en elles-mêmes à caractériser le viol ou l'agression sexuelle. Si la loi a instauré au fil du temps plusieurs circonstances visant à sanctionner plus lourdement le défaut de consentement des personnes présentant des situations de vulnérabilité, en créant des circonstances aggravantes, ces dernières ont avant tout pour objet de sanctionner plus lourdement un acte commis dans ces circonstances, et non de caractériser l'infraction.
En outre, si la jurisprudence a pu parfois retenir des agissements qui relèvent par exemple de l’exploitation de situations d’emprise ou de la sidération, ou encore de l’emploi de stratagèmes conduisant à vicier le consentement préalablement donné, elle n'a pu le faire que sur le fondement de la surprise ou de la contrainte, et la Cour de cassation s'est toujours refusée à harmoniser cette jurisprudence, créant une insécurité juridique particulièrement intenable pour les victimes.