- Texte visé : Texte de la commission sur le projet de loi, adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, de simplification de la vie économique (n°481 rectifié)., n° 1191-A0
- Stade de lecture : 1ère lecture (2ème assemblée saisie)
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
Supprimer cet article.
Cet amendement, déposé en lien avec l'association La Quadrature du Net, vise à stopper le boom des installations de data centers.
L’article 15 entend faciliter les implantations de centres de données, en les faisant entrer dans le périmètre des projets d’intérêt général majeur. Cette catégorie octroie des procédures d’autorisation environnementales simplifiées. Cet article doit être supprimé.
Cet article pose problème à plusieurs titres, notamment sur l’enjeu de souveraineté, ainsi que sur les enjeux environnementaux et de compétitivité. Par ailleurs l’article en l’état est très peu ciblé et ne comporte aucune forme de limite dans le développement des centres de données qu’il permettrait.
Enjeu de souveraineté : L’exposé des motifs du projet de loi indique que cet article vise à installer une puissance de calcul sur le territoire national aux fins de souveraineté. Cependant, dans cette rédaction le texte n’atteindra pas cette cible. La localisation des infrastructures est sans effet sur leur maîtrise. Dans le numérique, ce qui compte n’est pas la localisation des équipements mais celle de son exploitant. C’est la logique en matière de données personnelles avec la qualification de responsable de traitement dans la loi Informatique et Libertés, reprise par le RGPD. C’est également la logique dans la loi sur la sécurité de la 5G, avec un contrôle des équipements installés sur le territoire français (loi n° 2019-810 du 1er août 2019).
Enjeu de compétitivité : Le développement de centre de donnée exploités par des entreprises hors UE risque de mettre en péril le développement du secteur technologique européen et français. En effet attribuer l’exploitation de ces centre de données aux acteurs dominants du marché risque d’affirmer encore plus leur monopole dans le domaine. Leur permettre un accès privilégié aux ressources de notre territoire (eau, électricité, foncier) pourrait aussi concurrencer les besoins d’acteurs industriels nationaux, ainsi que les besoins des populations actuelles et à venir.
Enjeu environnemental : En l’état, et dans la mesure où il a pour objet de revenir sur la protection de l’environnement — qui est aussi la protection des populations actuelles et à venir — au seul bénéfice d’intérêts économiques particuliers, ce projet est contraire à la constitution et à la charte de l’environnement.
Absence de ciblage : L’article 15 mentionne transition numérique, environnementale et souveraineté nationale, ce qui est assez large pour englober tout type de projet de centre de données, sans distinction. Il soutient l’industrie du numérique, sans aucun ciblage, alors que cette industrie n’en a pas besoin et que nombreux usages peuvent être questionné comme par exemple des projets de minage de cryptomonnaies. Un tel soutien a ce secteur serait incompréhensible et doit être abandonné.
Absence de limite : Les installations visées sont définies de manière extensive. Elles pourraient inclure d’autres activités, notamment de production d’électricité. Ce sont donc des sites potentiellement beaucoup plus lourds que la définition courante de “centre de données”.
En l’état n’importe quel projet de centre de données bénéficierait d’assouplissements et de dérogations. Et ceci indépendamment de sa taille ou de ses caractéristiques. Pire, l’intention du législateur semble le destiner clairement aux centres de données « hyperscale » comme le montre cet amendement adopté au Sénat. Or les « hyperscales » posent en particulier trois types de problèmes :
1. Une incohérence avec le Plan Eau et le PNACC : Les besoins en eau pour le refroidissement des centres de données sont considérables et entraînent déjà des conflits d’usage en Europe. C’est notamment le cas aux Pays-Bas où après avoir découvert qu’un centre de données avait consommé près de 84 millions de litres en 2021 en pleine période de sécheresse le gouvernement a mis en place un moratoire sur la construction de ce type de centres de données.
Sur notre territoire les dernières simulations de Météo France publiées par le ministère de la transition sont sans appel.
- 10% des cumuls de pluie de moins en été en 2050,
- 2 fois plus de sécheresse des sols en 2050, comparé à la période 1976-2005,
- 2 MD de m3 d’eau manqueront en 2050 si la demande reste stable.
Faciliter l’installation de projet très consommateur d’eau d’un côté et espérer que la demande en eau reste stable d’ici à 2050 est parfaitement illusoire. Et ceci quelles que soient les promesses d’optimisation de consommations en eau de ces infrastructures. Par ailleurs, le récent développement de l’IA fait exploser la consommation en eau douce des principaux acteurs du secteur. En effet, dans ses derniers rapports d’impact Microsoft présente une explosion de ses besoins en eau associée à l’IA : Près de 34% de ses besoins en eau entre 2021 et 2022. Au regard du Plan Eau et du PNACC il semble extrêmement dangereux et inconséquent de faciliter l’installation de ce type d’infrastructure en France.
2. Une augmentation de la consommation électrique et une instabilité des réseaux : En Irlande, où les centres de données sont légion, ils consomment aujourd’hui près de 18% de la consommation électriques du pays et pourraient consommer jusqu’à 70% en 2030 si rien n’est fait pour les réguler. Constat qui a poussé en 2022 l’opérateur électrique public, EiGrid, à imposer un moratoire au développement de nouveaux centres de données près de Dublin.
3. Une mise en péril de la SNBC : La construction des centres de données est particulièrement émettrice du fait des matériaux utilisés que ce soit le béton ou les composants électroniques tels que les semi-conducteurs ou les serveurs. Et d’autant plus si elle se fait sur des terres arables ! Là encore, c’est la construction de nouveaux centres de données qui a fait exploser les émissions de Microsoft en 2023 de plus de 23%.