- Texte visé : Texte de la commission sur le projet de loi, adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, de simplification de la vie économique (n°481 rectifié)., n° 1191-A0
- Stade de lecture : 1ère lecture (2ème assemblée saisie)
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
Supprimer les alinéas 12 et 13.
Le présent amendement a pour objet de supprimer les alinéas 12 et 13 de l’article 24, introduits en Commission spéciale, dont les dispositions aussi inopportunes qu’inapplicables font peser des risques majeurs sur le déroulement des liquidations judiciaires.
Contre les avis du Rapporteur et du Gouvernement, la Commission spéciale a adopté un amendement (n° CS 856) prévoyant que lorsqu’une société en liquidation judiciaire est titulaire d’un bail commercial, le liquidateur est tenu de restituer au bailleur, dans un délai de deux mois suivant le jugement d’ouverture de la liquidation, les locaux vides de toute occupation, mobilier et marchandises.
Comme l’indique l’exposé sommaire de l’amendement adopté par la Commission, l’objectif est de traduire dans la loi les conséquences d’un protocole d’accord, signé en mai 2024 entre les fédérations représentatives des bailleurs et des commerçants, et prévoyant de faciliter la libération des locaux commerciaux par les locataires défaillants, en contrepartie de la généralisation du paiement mensuel (et non plus trimestriel) des loyers.
Chacun peut comprendre l’intention légitime de libérer des locaux au profit de la continuité de l’activité économique des bailleurs ; mais les dispositions adoptées par la Commission spéciale sont mal fondées en droit et inapplicables en pratique, produisant in fine des effets sans doute non recherchés.
Mal fondées en droit :
- D’une part car le texte adopté méconnaît une réalité juridique pourtant bien réelle : la liquidation judiciaire ne met aucunement un terme aux contrats en cours ; or le dispositif a pour effet de prévoir la restitution d’un bien faisant l’objet d’un contrat toujours en cours…
- D’autre part car le texte adopté entre en contradiction avec d’autres dispositions légales : comment en effet respecter cette nouvelle obligation lorsque la loi prévoit que les créanciers disposent d’un délai de trois mois, à compter de la publicité du jugement d’ouverture de la liquidation, pour revendiquer la propriété de leurs biens (article L. 624-9 du code de commerce)… ?
Inapplicables en pratique :
- Dans une liquidation judiciaire, le liquidateur cherche d’abord et si possible à céder le fonds de commerce, afin de valoriser l’actif dans les meilleures conditions, dans l’intérêt des créanciers. Le processus est alors assez bien balisé, et comprend nécessairement les étapes suivantes : publicité pour susciter des offres, fixation d’une date de dépôt desdites offres, examen des offres par le juge-commissaire, et enfin signature de l’acte de vente. Le seul énoncé de ces démarches suffit à prouver que leur réalisation dans un délai de moins de deux mois est totalement illusoire. La nouvelle obligation introduite en Commission, si elle devait être maintenue, empêcherait donc toute cession de fonds de commerce dans le cadre d’une liquidation judiciaire ; ce n’est sans doute pas l’intention poursuivie originellement…
- Lorsque la cession du fonds de commerce n’est pas possible, ce sont les actifs de la société en liquidation qui sont cédés, notamment dans le cadre d’une vente aux enchères. Là aussi, un processus existe, avec les étapes suivantes : établissement du procès-verbal d’inventaire par le commissaire de justice, organisation par ce dernier de l’adjudication, et enfin contrôle de l’enlèvement des actifs pour permettre la libération des locaux. Illusoire, là encore, d’imaginer le déroulement d’un tel processus dans un délai de deux mois, surtout si l’on souhaite (et il le faut !) laisser aux commissaires de justice le temps nécessaire pour organiser dans les meilleures conditions les ventes, et notamment effectuer de larges publicités afin que les actifs soient valorisés au mieux.
Il faut enfin relever que cette nouvelle obligation reposant sur les liquidateurs va très certainement engendrer de nombreuses actions en responsabilité civile professionnelle, car, pour toutes les raisons qui viennent d’être décrites, les liquidateurs ne seront tout bonnement pas en mesure de respecter le délai de deux mois.
Il est donc indispensable de supprimer les alinéas 12 et 13 de l’article 24, pour éviter les conséquences néfastes, sans doute non voulues de surcroît, de l’amendement adopté par la Commission spéciale.
Cet amendement a été travaillé avec le CNAJMJ.