- Texte visé : Texte de la commission sur le projet de loi, adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, de simplification de la vie économique (n°481 rectifié)., n° 1191-A0
- Stade de lecture : 1ère lecture (2ème assemblée saisie)
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
Supprimer les alinéas 8 à 13.
Par cet amendement de repli, les député.es du groupe LFI-NFP proposent d'annuler la suppression du délit d'entrave à l'audit de durabilité, qui ne vise qu'à déresponsabiliser les entreprises.
Créé en 2023 par transposition de la directive européenne dite "CSRD", cet audit, conduit par un organisme tiers indépendant ou un commissaire aux comptes, permet de collecter des éléments de preuve sur les informations publiées par l’entreprise en matière de reporting extra financier. Celles-ci sont en effet tenues de produire un rapport annuel sur leurs pratiques d’achat, de production et d’investissement relatives à leurs risques et impacts matériels en lien avec les questions sociales (conditions de travail sur toute la chaine de valeur, égalité de traitement, respect des droits impacts sur les consommateurs…) environnementales (pollution, biodiversité, climat, eau...) et de gouvernance.
En cas d'entrave à la conduite de cet audit, le chef d'une entreprise concernée par le champ de cette obligation encourt une peine maximale d’emprisonnement de cinq ans et une amende de 75 000 euros. Cet article supprime, entre autres, ce délit d'entrave. La version issue de la commission va même encore plus loin, en supprimant également le délit consistant en le fait pour tout dirigeant d'une personne morale ou entité tenue de faire certifier ses informations en matière de durabilité, de ne pas provoquer la désignation d'un organisme tiers indépendant ou d'un commissaire aux comptes, ou de ne pas convoquer ce dernier à toute assemblée générale.
Cet article a le mérite d'être explicite quant au projet réel du gouvernement et de la droite sous prétexte de "simplifier" l'économie : sous couvert de favoriser les TPE, il s'agit d'introduire de nouveaux cadeaux aux grandes entreprises. De fait, ni les TPE ni les microentreprises ne sont concernées directement par l'obligation de reporting créée par la directive CSRD. Les plus gros pollueurs peuvent être sereins : ils pourront désormais refuser à l’auditeur la communication, sur place, de toutes les pièces utiles à l’exercice de sa mission. D'ailleurs, l'étude d'impact du gouvernement est explicite : cet article découle d'une demande des entreprises.
Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’Etat a pointé l’insuffisance de l’étude d’impact du gouvernement à l’appui de la suppression du délit d'entrave à l'audit de durabilité, rappelant que la création de celui-ci est très récente. Trop pour être remis en cause.
Alors que cette directive est en ce moment-même considérablement fragilisée au niveau européen, via notamment la proposition par la Commission du paquet "omnibus" qui vise à une dérégulation tous azimuts de l'activité des grandes entreprises et à l'ouverture de nouvelles brèches dans les droits sociaux et de l'environnement, et du climat il est plus que jamais nécessaire de protéger notre cadre national en la matière. Concernant la directive CSRD, elle réduit le nombre d’entreprises couvertes de 80 à 85 % et supprime les normes sectorielles, qui permettent de cibler en priorité les secteurs les plus polluants tels que le secteur extractif. Cela signifie que certaines informations essentielles pour orienter les financements vers la transition climatique juste seront perdues. Nous refusons que la France s'inscrive dans ce pas.