- Texte visé : Texte de la commission sur la proposition de loi, après engagement de la procédure accélérée, de M. Sylvain Maillard et plusieurs de ses collègues visant à réformer le mode d'élection des membres du Conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et Marseille (451)., n° 1247-A0 rectifié
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport qui évalue la pertinence du dispositif de prime majoritaire introduit par dérogation au droit commun par la présente loi visant à réformer le mode d’élection des membres du Conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et Marseille.
Cet amendement vise à souligner les dérogations majeures que la proposition de loi introduit par rapport au droit électoral commun des communes..
Les élections municipales dans les communes de plus de 1 000 habitants obéissent partout aux mêmes règles : les listes peuvent se maintenir au second tour si elles ont obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour (les listes ayant 5 % pouvant fusionner avec une liste qualifiée), et la liste arrivée en tête au second tour reçoit une prime majoritaire de 50 % des sièges du conseil, le reste étant réparti à la proportionnelle. Ces mécanismes visent d’une part à éviter une dispersion excessive des voix au second tour, et d’autre part à assurer une majorité stable au conseil municipal élu.
Pour Paris, Lyon et Marseille, la présente réforme déroge à ces principes. L’article 1ᵉʳ du texte fixe la prime majoritaire à 25 % des sièges pour l’élection du Conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et Marseille, au lieu des 50 % prévus par l’article L. 262 du code électoral. Cette réduction de moitié de la prime est une dérogation explicite inscrite dans la loi. Par ailleurs, la tenue simultanée de deux scrutins distincts dans les mêmes communes constitue une entorse au schéma habituel d’un seul scrutin municipal. En dehors des villes PLM, aucune commune n’a deux élections locales le même jour pour deux conseils différents ; même dans le cadre actuel de Paris-Lyon-Marseille, le scrutin d’arrondissement et le scrutin municipal étaient fusionnés en un seul acte de vote. Chacune de ces exceptions soulève des interrogations constitutionnelles.
Le Conseil constitutionnel veille au principe d’égalité devant le suffrage et entre les collectivités territoriales. Il a reconnu que soumettre certaines communes à un régime électoral différent doit répondre à une différence objective de situation ou à un motif d’intérêt général suffisant, en lien avec l’objet de la loi.
En l’occurrence, la prime majoritaire réduite à 25 % pourrait être analysée comme créant une rupture d’égalité entre les communes : on instituerait un régime dérogatoire propre à Paris, Lyon, Marseille sans justification évidente tirée de leurs spécificités. Certes, Paris a un statut particulier de capitale, mais comme l’a précisé le Conseil constitutionnel, cette particularité n’est recevable que dans les domaines en lien avec le rôle de capitale (Décision n° 2016-547 QPC du 24 juin 2016), ce qui n’est pas le cas ici.
En réalité, aucune raison d’intérêt général ne semble justifier qu’à Paris, Lyon, Marseille la liste majoritaire n’ait droit qu’à un quart des sièges quand partout ailleurs c’est la moitié. Au contraire, le but de la prime majoritaire est précisément d’assurer une majorité de travail au sein du conseil municipal. Le dispositif proposé va à l’encontre de cet objectif : avec seulement 25 % de prime, une liste arrivée en tête pourrait demeurer minoritaire en sièges au Conseil de Paris Cela affaiblirait la gouvernance de la ville.
Nul besoin, donc, de préciser à nouveau le risque d’inconstitutionnalité de cette mesure pour rupture d’égalité entre collectivités territoriales, le Conseil constitutionnel ayant conféré une valeur constitutionnelle à ce principe (décision n° 86-209 DC du 3 juillet 1986).
Enfin, faire voter les électeurs dans deux cadres différents simultanément est une innovation considérable du point de vue du droit électoral. En pratique, ce choix de deux scrutins séparés éloigne encore davantage le régime électoral de Paris-Lyon-Marseille du droit commun communal, alors même que les auteurs du texte affichent l’objectif inverse (« rapprocher PLM du droit commun »). Cette contradiction mérite d’être éclaircie : la volonté politique est-elle vraiment d’unifier le régime électoral de ces villes avec celui des autres communes, ou bien d’instituer un régime sui generis ?
Ces dérogations au droit commun risquent, en définitive, de rendre le scrutin illisible pour les électeurs et contre-productif quant à la démocratie locale. L’introduction d’une prime réduite pourrait aboutir à ce que le maire de la ville soit élu avec une opposition très forte au conseil, voire que sa liste ne détienne pas la majorité absolue des sièges – situation plus instable que le droit commun actuel.