- Texte visé : Texte de la commission sur la proposition de loi, après engagement de la procédure accélérée, de M. Sylvain Maillard et plusieurs de ses collègues visant à réformer le mode d'élection des membres du Conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et Marseille (451)., n° 1247-A0 rectifié
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Assemblée nationale (séance publique)
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport qui évalue les conséquences de la réforme du mode d’élection des membres du Conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et Marseille sur la rémunération des élus au sein des communes de Paris, Lyon et Marseille.
La réforme du mode d’élection à Paris, Lyon et Marseille a pour corollaire potentiel une modification du nombre d’élus locaux et de la structure de leurs fonctions.
Cet amendement vise à souligner l’impact de ces changements sur la rémunération des élus (indemnités de fonction) dans les trois villes concernées.
Actuellement, dans le système PLM, les élus parisiens, lyonnais et marseillais peuvent cumuler deux qualités : celle de conseiller de Paris (ou municipal) et celle de conseiller d’arrondissement (ou de secteur). Cependant, ce cumul ne donne pas lieu à deux indemnités distinctes intégrales : en pratique, un conseiller de Paris perçoit l’indemnité liée à son mandat municipal (plafonnée selon la strate démographique de la ville), et s’il exerce des fonctions particulières au sein de l’arrondissement (maire d’arrondissement, adjoint d’arrondissement), il perçoit l’indemnité afférente à cette fonction. Le nombre d’élus distincts est relativement contenu, car les conseillers de Paris « occupent » une partie des sièges d’arrondissement.
Avec la dissociation des scrutins, on aura potentiellement davantage de personnes élues au total : par exemple, au lieu qu’une même personne soit à la fois conseillère de Paris et conseillère d’arrondissement, deux individus différents pourraient occuper ces deux postes. Le nombre total d’indemnités versées par la collectivité augmentera en conséquence, sauf à réduire parallèlement le nombre de sièges (ce que le texte ne prévoit pas explicitement).
Cette augmentation, même potentielle, du nombre de sièges, entraînerait mécaniquement une aggravation de charge publique. Cette incidence aurait pu suffire à opposer l’irrecevabilité financière au titre de l’article 40 de la Constitution à la présente proposition de loi.
Paris compte aujourd’hui 163 conseillers de Paris, 20 maires d’arrondissement et leurs adjoints, et ~340 conseillers d’arrondissement « simples » (chaque conseil d’arrondissement comportant 30 à 40 membres, dont certains sont conseillers de Paris). Lyon et Marseille ont des configurations analogues (73 conseillers municipaux à Lyon, 101 à Marseille, et des conseillers d’arrondissement/secteur en sus). Si après la réforme, le nombre de conseillers municipaux reste identique mais que tous les conseillers d’arrondissement supplémentaires restent en place (sans être “absorbés” par des conseillers municipaux), on crée de facto plusieurs dizaines d’élus supplémentaires dans chaque ville. Par exemple, à Marseille, 202 conseillers d’arrondissement (non conseillers municipaux) pourraient s’ajouter aux 101 conseillers municipaux, alors qu’aujourd’hui les 101 sont inclus dans les 202. Chacun de ces élus perçoit une indemnité (même si plus modeste pour un simple conseiller d’arrondissement).
Au-delà du nombre, la réforme questionne la juste rémunération des différentes fonctions. Actuellement, un maire d’arrondissement à Paris touche une indemnité encadrée par le CGCT (environ 4 500 € bruts mensuels pour Paris, par exemple), financée sur les crédits de la Ville de Paris. Les adjoints d’arrondissement, conseillers de Paris, etc., ont aussi des indemnités variables. Si, demain, le maire d’arrondissement n’est plus automatiquement conseiller de Paris, cela change-t-il la nature de son rôle et doit-on revaloriser ou au contraire limiter certaines indemnités ? De plus, un conseiller de Paris qui ne siège plus en arrondissement aura peut-être une charge de travail allégée localement, tandis qu’un conseiller d’arrondissement qui n’est pas au Conseil de Paris aura moins d’emprise sur la politique générale de la ville. Ces éléments pourraient conduire à repenser l’échelle indemnitaire pour refléter les responsabilités réelles.
Il y a également la question du cumul des indemnités. Le texte autorise un candidat à se présenter simultanément aux deux élections (municipale et d’arrondissement). Si une personne est élue dans les deux fonctions, pourra-t-elle cumuler deux indemnités ? En principe, le régime des indemnités de fonction des élus locaux prévoit un plafond global (pour cumul de mandats locaux) d’environ 1,5 fois l’indemnité parlementaire, mais ce plafond s’applique aux mandats distincts exercés dans des collectivités différentes. Ici, commune et arrondissement appartiennent à la même collectivité (la Ville) — quoique l’arrondissement n’a pas de personnalité juridique propre.
Ce point aurait dû faire l’objet d’une clarification préalable : faut-il prohiber la perception de deux indemnités pleines pour un même élu exerçant simultanément un mandat municipal et un mandat d’arrondissement ? Ou maintenir une modulation ? Ce sujet touche à la fois à l’équité (ne pas sur-rémunérer des doublons de mandats) et à l’attractivité du mandat (ne pas décourager les candidats de se présenter sur les deux tableaux s’il n’y a aucune compensation financière supplémentaire, par exemple).
Par ailleurs, cet amendement vise à documenter les coûts nouveaux induits pour les finances publiques locales. Les indemnités des élus municipaux et d’arrondissement sont prises en charge par le budget de la commune (Paris, Lyon ou Marseille). Toute hausse du nombre d’élus ou revalorisation indemnitaire aura donc un impact sur le budget communal, et potentiellement sur le budget de l’État via le mécanisme de dotation globale de fonctionnement (puisque les ressources des communes sont en partie compensées par l’État). En période de maîtrise des dépenses publiques, ces enjeux budgétaires auraient dû être anticipés et transparents.
La démocratie a un coût légitime, mais celui-ci doit rester proportionné et acceptable pour les contribuables. Le Parlement se doit de concilier exigence démocratique (avoir des élus de proximité bien identifiés) et exigence de responsabilité financière. Cette réforme se traduira pourtant bien par une explosion non maîtrisée des dépenses de rémunération des élus locaux.