- Texte visé : Proposition de loi visant à instaurer une participation des détenus aux frais d'incarcération, n° 1409
- Stade de lecture : 1ère lecture (1ère assemblée saisie)
- Examiné par : Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République
Sous réserve de son traitement par les services de l'Assemblée nationale et de sa recevabilité
Supprimer cet article.
Cet amendement du groupe Socialistes et apparentés entend supprimer l'article unique de cette proposition de loi inspirée essentiellement par la démagogie.
Il faut avoir négligé d'auditionner tous ceux qui connaissent le sujet de près - chercheurs, acteurs au sein des établissements pénitentiaires et associations chargées d'intervenir en leur sein - pour proposer une telle mesure.
Une telle contribution a existé jusqu’en 2003. Elle a été supprimé sous la présidence de Chirac : "ce système était à bout de souffle", pointe Melchior Simioni, sociologue et maître de conférences à l'Université de Strasbourg, spécialiste de l'économie carcérale.
Plusieurs questions se posent notamment si la contribution était prélevée sur les revenus que les détenus tirent de leur travail durant leur détention : seules 30% des personnes détenues ont accès à un travail et leur rémunération varie entre 25% et 45% du SMIC. Ce qui soulève cette interrogation : une telle mesure ne risque t-elle pas de dissuader les personnes visées de vouloir accéder à un travail ?
Sur les sommes gagnées durant la détention sont d’ores et déjà prélevés : "des cotisations sociales, l'éventuel remboursement des parties civiles, et une somme correspondant à de l'épargne obligatoire, versée sur le compte de chaque détenu pour qu'il puisse avoir de l'argent quand il sort de prison". Il est à noter que les personnes détenues doivent aujourd’hui payer pour avoir la télévision, pouvoir téléphoner ou bénéficier de collations en plus des deux repas servis gratuitement chaque jour.
Il est difficile de ne pas prendre en compte les conditions de détention pour évaluer la pertinence de cette proposition : le rapport annuel de la CGLPL est assez éloquent. Celle-ci dénonce justement : « Quand vous visitez un endroit qui est occupé à 250%, bourré de vermine, vous pensez que ça vaut une participation ?"
L’ancien Garde des sceaux, Dupond-Moretti s’étonnait à cet égard : "Qu'est-ce qu'on va faire payer à certains détenus ? Les rats qui courent dans les coursives ? Dans les cellules ? Les matelas qui sont au sol ?"
Quant à l’OIP, son communiqué visant les annonces du ministre de la justice est éloquent : « Quand tant d’acteurs publics usent de la métaphore hôtelière pour évoquer le sort réservé aux plus de 82.000 personnes détenues, notre question est simple : combien vaut donc pour eux une nuitée dans les prisons françaises ? Ces prisons où sont entassées trois à quatre personnes dans 9 mètres carré 22h/24, l’une d’elles étant condamnée à dormir sur un matelas posé au sol. Ces prisons où les cellules et les équipements sont aussi délabrés que les services sociaux et d’insertion sont sinistrés. Ces prisons où les rats et les cafards pullulent dans une crasse innommable qui vaut à l’Etat d’être si régulièrement condamné par des tribunaux nationaux et internationaux. A combien fixent-ils le service proposé ? »
Pour toutes ces raisons - avancées par des personnes ayant une connaissance fine des établissements pénitentiaires - cet amendement propose donc de supprimer l'article unique de ce texte frappé au coin de l'ineptie.